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La Bible Neruda Hugo Aragon Verhaeren Pouchkine Baudelaire Shakespeare Maeterlinck Lorca Poe Goethe Prévert Saint-John Perse La Bible LA BIEN-AIMÉE J’entends mon bien-aimé. Voici qu’il arrive, sautant sur les montagnes, bondissant sur les collines. Mon bien-aimé est semblable à une gazelle, à un jeune faon. Voilà qu’il se tient derrière notre mur. Il guette par la fenêtre, il épie par le treillis. Mon bien-aimé élève la voix, il me dit : “ Lève-toi, ma bien-aimée, ma belle, viens. Car voilà l’hiver passé, c’en est fini des pluies, elles ont disparu. Sur notre terre, les fleurs se montrent. La saison vient des gais refrains, le roucoulement de la tourterelle se fait entendre sur notre terre. Le figuier forme ses premiers fruits et les vignes en fleur exhalent leur parfum. Lève-toi, ma bien-aimée, ma belle, viens ! Ma colombe, cachée au creux des rochers, en des retraites escarpées, montre-moi ton visage, fais-moi entendre ta voix ; car ta voix est douce et charmant ton visage. ” Attrapez-nous les renards, les petits renards ravageurs de vigne, car nos vignes sont en fleur.

De l'Amour Partie I

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Page 1: De l'Amour Partie I

La Bible Neruda Hugo Aragon Verhaeren Pouchkine Baudelaire Shakespeare Maeterlinck Lorca Poe Goethe Prévert Saint-John Perse

La Bible

LA BIEN-AIMÉE

J’entends mon bien-aimé.Voici qu’il arrive,sautant sur les montagnes,bondissant sur les collines.Mon bien-aimé est semblable à une gazelle,à un jeune faon.

Voilà qu’il se tientderrière notre mur.Il guette par la fenêtre,il épie par le treillis.

Mon bien-aimé élève la voix,il me dit :“ Lève-toi, ma bien-aimée,ma belle, viens.Car voilà l’hiver passé,c’en est fini des pluies, elles ont disparu.Sur notre terre, les fleurs se montrent.La saison vient des gais refrains,le roucoulement de la tourterelle se fait entendresur notre terre.Le figuier forme ses premiers fruitset les vignes en fleur exhalent leur parfum.Lève-toi, ma bien-aimée,ma belle, viens !

Ma colombe, cachée au creux des rochers,en des retraites escarpées,montre-moi ton visage,fais-moi entendre ta voix ;car ta voix est douceet charmant ton visage. ”

Attrapez-nous les renards,les petits renardsravageurs de vigne,car nos vignes sont en fleur.

Mon bien-aimé est à moi, et moi à lui.Il paît son troupeau parmi les lis.

Avant que souffle la brise du jouret que s’enfuient les ombres,reviens… ! Sois semblable,mon bien-aimé, à une gazelle,à un jeune faon,

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sur les montagnes de Bétèr.

Sur ma couche, la nuit, j’ai cherchécelui que mon cœur aime.Je l’ai cherché mais ne l’ai point trouvé !Je me lèverai donc, et parcourrai la ville.Dans les rues et sur les places,je chercherai celui que mon cœur aime.Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé !

Les gardes m’ont rencontrée,ceux qui font la ronde dans la ville :“ Avez-vous vu celui que mon cœur aime ? ”A peine les avais-je dépassés,j’ai trouvé celui que mon cœur aime.Je l’ai saisi et ne le lâcherai pointque je ne l’aie fait entrerdans la maison de ma mère,dans la chambre de celle qui m’a conçue.

LE BIEN-AIMÉ

Que tu es belle, ma bien-aimée,que tu es belle !

Tes yeux sont des colombes,derrière ton voile,tes cheveux comme un troupeau de chèvres,ondulant sur les pentes du mont Galaad.Tes dents sont comme un troupeau de brebis tondues,qui montent du lavoir, qui toutes ont des jumeaux,et pas une d'elles n'est stérile. Tes lèvres un fil d’écarlate,et tes discours sont ravissants.Tes joues, des moitiés de grenades,derrière ton voile.Ton cou est comme la tour de David,bâtie pour y suspendre des armures;mille boucliers y sont suspendus,tous les pavois des vaillants hommesTes deux seins, deux faons,jumeaux d’une gazelle,qui paissent parmi les lis.Avant que souffle la brise du jouret que s’enfuient les ombres,j’irai à la montagne de la myrrhe,à la colline de l’encens.

Tu es toute belle, ma bien-aimée,et sans tache aucune !

Viens du Liban, ô fiancée,viens du Liban, fais ton entrée.regarde du sommet de l’Amanades cimes du Sanir et de l’Hermon,

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repaire des lions,montagne des léopards.

Tu m’as ravi le cœur,ma sœur, ô fiancée,Tu m’as ravi le cœurpar un seul de tes regards,par un anneau de ton collier !Que ton amour a de charmes,ma sœur, ô fiancée.Que ton amour est délicieux, plus que le vin !Et l’arôme de tes parfums,plus que tous les baumes !Tes lèvres, ô fiancée,distillent le miel vierge.Le miel et le laitsont sous ta langue ;et le parfum de tes vêtementsest comme le parfum du Liban.

Neruda

Belle

Belle,pareil à l’eau qui sur la pierre fraîchede la sourceouvre son grand éclair d’écume,est ton sourire,belle.

Belle,aux fines mains, aux pieds déliéscomme un petit cheval d’argent,fleur du monde, marchant,je te vois moi,belle.

Belle,avec un nid de cuivre enchevêtrédans la tête, un nidd’une brune couleur de mieloù mon coeur brûle et se repose,belle.

Belle,aux yeux trop grands pour ton visage,aux yeux trop grands pour la planète.Il y a des pays, des fleuvesdans tes yeux,ma patrie se tient dans tes yeux,je vagabonde à travers eux,ils donnent sa clarté au mondepartout où s’avancent mes pas,

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belle.

Belle,tes seins sont pareils à deux pains- terre froment et lune d’or -,belle.

Belle,ta taillemon bras l’a faite comme un fleuvemille années parcourant la douceur de ta chair,belle.

Belle,rien n’a le charme de tes hanches,la terre en quelque lieu cachéa peut-être, elle,la courbe de ton corps et son parfum,en quelque lieu peut-être,belle.

Belle, ma belle,ta voix, ta peau, tes ongles,belle, ma belle,ton être, ta clarté, ton ombre,belle,tout cela est mien, belle,tout cela, mienne, m’appartient,lorsque tu marches ou te reposes,lorsque tu chantes ou que tu dors,lorsque tu souffres ou que tu rêves,toujours,lorsque tu es proche ou lointaine,toujours,ma belle, tu es mienne,toujours.

Hugo

Encore à toi

A toi ! toujours à toi ! Que chanterait ma lyre ?A toi l'hymne d'amour ! à toi l'hymne d'hymen !Quel autre nom pourrait éveiller mon délire ?Ai-je appris d'autres chants ? sais-je un autre chemin ?

C'est toi, dont le regard éclaire ma nuit sombre ;Toi, dont l'image luit sur mon sommeil joyeux ;C'est toi qui tiens ma main quand je marche dans l'ombre,Et les rayons du ciel me viennent de tes yeux !

Mon destin est gardé par ta douce prière ;Elle veille sur moi quand mon ange s'endort ;Lorsque mon cœur entend ta voix modeste et fière,Au combat de la vie il provoque le sort.

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N'est-il pas dans le ciel de voix qui te réclame ?N'es-tu pas une fleur étrangère à nos champs ?Sœur des vierges du ciel, ton âme est pour mon âmeLe reflet de leurs feux et l'écho de leurs chants !

Quand ton œil noir et doux me parle et me contemple,Quand ta robe m'effleure avec un léger bruit,Je crois avoir touché quelque voile du temple,Je dis comme Tobie : Un ange est dans ma nuit !

Lorsque de mes douleurs tu chassas le nuage,Je compris qu'à ton sort mon sort devait s'unir,Pareil au saint pasteur, lassé d'un long voyage,Qui vit vers la fontaine une vierge venir !

Je t'aime comme un être au-dessus de ma vie,Comme une antique aïeule aux prévoyants discours,Comme une sœur craintive, à mes maux asservie,Comme un dernier enfant, qu'on a dans ses vieux jours.

Hélas ! je t'aime tant qu'à ton nom seul je pleure !Je pleure, car la vie est si pleine de maux !Dans ce morne désert tu n'as point de demeure,Et l'arbre où l'on s'assied lève ailleurs ses rameaux.

Mon Dieu ! mettez la paix et la joie auprès d'elle.Ne troublez pas ses jours, ils sont à vous, Seigneur !Vous devez la bénir, car son âme fidèleDemande à la vertu le secret du bonheur

Aragon

Vers à dancer

Que ce soit dimanche ou lundiSoir ou matin minuit midiDans l'enfer ou le paradisLes amours aux amours ressemblentC'était hier que je t'ai ditNous dormirons ensemble

C'était hier et c'est demainJe n'ai plus que toi de cheminJ'ai mis mon coeur entre tes mainsAvec le tien comme il va l'ambleTout ce qu'il a de temps humainNous dormirons ensemble

Mon amour ce qui fut seraLe ciel est sur nous comme un drapJ'ai refermé sur toi mes brasEt tant je t'aime que j'en trembleAussi longtemps que tu voudrasNous dormirons ensemble

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Verhaeren

Avec mes sens, avec mon coeur ...

Avec mes sens, avec mon coeur et mon cerveau,Avec mon être entier tendu comme un flambeauVers ta bonté et vers ta charitéSans cesse inassouvies,Je t'aime et te louange et je te remercieD'être venue, un jour, si simplement,Par les chemins du dévouement,Prendre, en tes mains bienfaisantes, ma vie.

Depuis ce jour,Je sais, oh ! quel amourCandide et clair ainsi que la roséeTombe de toi sur mon âme tranquillisée.

Je me sens tien, par tous les liens brûlantsQui rattachent à leur brasier les flammes ;Toute ma chair, toute mon âmeMonte vers toi, d'un inlassable élan ;Je ne cesse de longuement me souvenirDe ta ferveur profonde et de ton charme,Si bien que, tout à coup, je sens mes yeux s'emplir,Délicieusement, d'inoubliables larmes.

Et je m'en viens vers toi, heureux et recueilli,Avec le désir fier d'être à jamais celuiQui t'est et te sera la plus sûre des joies.Toute notre tendresse autour de nous flamboie ;Tout écho de mon être à ton appel répond ;L'heure est unique et d'extase solenniséeEt mes doigts sont tremblants, rien qu'à frôler ton front,Comme s'ils y touchaient l'aile de tes pensées.

Pouchkine

A***

Je revois l’instant merveilleuxoù devant moi tu apparus,vision à peine ébauchée,claire image de la beauté.

Accablé jusqu’au désespoir,assourdi par le bruit du monde,j’entendis longtemps ta voix tendreet rêvai de tes traits aimés.

Les ans passèrent. Les tempêtesau vent jetèrent tous mes rêveset j’en oubliai ta voix tendreet les traits purs de ton visage.

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Mes jours se traînaient silencieuxdans une sombre réclusion,sans génie, sans inspiration,sans vie, sans amour, sans larme.

Quand sonna l’heure du réveil,devant moi tu réapparus,vision à peine ébauchée,claire image de la beauté,

et mon cœur s’est remis à battre,ivre de voir ressusciterle génie et l’inspiration,la vie et l’amour et les larmes.

Le désir fait brûler mon sang,d'amour tu m'as l'âme blessée.Donne tes lèvres : tes baisersme valent la myrrhe et le vin.Penche sur moi ta tête tendrementque je goûte un sommeil sans troublejusqu'au souffle joyeux du jourqui chassera l'ombre nocturne

Baudelaire

Hymne à la beauté.

Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,Ô Beauté ! ton regard, infernal et divin,Verse confusément le bienfait et le crime,Et l'on peut pour cela te comparer au vin.

Tu contiens dans ton oeil le couchant et l'aurore ;Tu répands des parfums comme un soir orageux ;Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphoreQui font le héros lâche et l'enfant courageux.

Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.

Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ;De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant,Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.

L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !L'amoureux pantelant incliné sur sa belleA l'air d'un moribond caressant son tombeau.

Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,

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Ô Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !Si ton oeil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porteD'un Infini que j'aime et n'ai jamais connu ?

De Satan ou de Dieu, qu'importe ? Ange ou Sirène,Qu'importe, si tu rends, - fée aux yeux de velours,Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! -L'univers moins hideux et les instants moins lourds ?

Baudelaire

LE DÉSIR DE PEINDRE

Malheureux peut-être l’homme, mais heureux l’artiste que le désir déchire !

Je brûle de peindre celle qui m’est apparue si rarement et qui a fui si vite, comme une belle chose regrettable derrière le voyageur emporté dans la nuit. Comme il y a longtemps déjà qu’elle a disparu !

Elle est belle, et plus que belle ; elle est surprenante. En elle le noir abonde : et tout ce qu’elle inspire est nocturne et profond. Ses yeux sont deux antres où scintille vaguement le mystère, et son regard illumine comme l’éclair : c’est une explosion dans les ténèbres.

Je la comparerais à un soleil noir, si l’on pouvait concevoir un astre noir versant la lumière et le bonheur. Mais elle fait plus volontiers penser à la lune, qui sans doute l’a marquée de sa redoutable influence ; non pas la lune blanche des idylles, qui ressemble à une froide mariée, mais la lune sinistre et enivrante, suspendue au fond d’une nuit orageuse et bousculée par les nuées qui courent ; non pas la lune paisible et discrète visitant le sommeil des hommes purs, mais la lune arrachée du ciel, vaincue et révoltée, que les Sorcières thessaliennes contraignent durement à danser sur l’herbe terrifiée !

Dans son petit front habitent la volonté tenace et l’amour de la proie. Cependant, au bas de ce visage inquiétant, où des narines mobiles aspirent l’inconnu et l’impossible, éclate, avec une grâce inexprimable, le rire d’une grande bouche, rouge et blanche, et délicieuse, qui fait rêver au miracle d’une superbe fleur éclose dans un terrain volcanique.

Il y a des femmes qui inspirent l’envie de les vaincre et de jouir d’elles ; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard.

Shakespeare

Mon œil s’est fait peintre et a fait resplendir la forme de ta beauté sur le tableau de mon cœur ; ma personne est le cadre qui l’enferme ; et c’est un chef-d’œuvre de perspective :

Car, habileté suprême, c’est dans le peintre même qu’il faut regarder pour trouver ton vivant portrait, pendu dans l’échoppe de mon cœur, dont les fenêtres ont tes yeux pour vitres.

Vois donc comme tes yeux et les miens s’aident réciproquement ! Mes yeux ont dessiné tes traits, et tes yeux sont les fenêtres de mon cœur, à travers lesquelles le soleil aime à se glisser pour t’y contempler.

Pourtant il manque à mes yeux une science pour embellir leur art. Ils ne dessinent que ce qui se voit ; ils ne connaissent pas mon cœur.

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Maeterlinck

Ame de nuit

Mon âme en est triste à la fin ;Elle est triste enfin d'être lasse,Elle est lasse enfin d'être en vain,Elle est triste et lasse à la finEt j'attends vos mains sur ma face.

J'attends vos doigts purs sur ma face,Pareils à des anges de glace,J'attends qu'ils m'apportent l'anneau;J'attends leur fraîcheur sur ma face,Comme un trésor au fond de l'eau.

Et j'attends enfin leurs remèdes,Pour ne pas mourir au soleil,Mourir sans espoir au soleil !J'attends qu'ils lavent mes yeux tièdesOù tant de pauvres ont sommeil !

Où tant de cygnes sur la mer,De cygnes errants sur la mer,Tendent en vain leur col morose,Où, le long des jardins d'hiver,Des malades cueillent des roses.

J'attends vos doigts purs sur ma face,Pareils à des anges de glace,J'attends qu'ils mouillent mes regards,L'herbe morte de mes regards,Où tant d'agneaux las sont épars !

Lorca

Nocturne

Je suis effrayéPar les feuilles mortesEt j’ai peur des présBaignés de rosée.Je vais m’endormir.Si tu ne m’éveilles,Tu trouveras à tes côtés mon cœur glacé.

Qu’est-ce qui résonneAu loin ?L’amour.Le vent sur les vitres,Mon amour !

J’ai mis à ton couDes gemmes d’aurore.

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Pourquoi me laisserParmi ce chemin ?

Si tu vas au loin,L’oiseau va pleurerEt la verte vigneRestera sans vin.

Qu’est-ce qui résonneAu loin ?L’amour. Le vent sur les vitres.Mon amour !

Tu ne sauras pointMon beau sphinx de neigeAvec quelle ardeurJe t’aurais chériAu petit matin,Lorsqu’il pleut si fortQue sur l’arbre secSe défait le nid !

Qu’est-ce qui résonneAu loin ?L’amour. Le vent sur les vitres.Mon amour !

Poe

Annabel Lee

It was many and many a year agoIn a kingdom by the seaThat a maiden there lived, whom you may knowBy the name of Annabel LeeAnd this maiden she lived with no other thoughtThan to love and be loved by me.I was a child and she was a childIn this kingdom by the seaBut we loved with a love that was more than loveI and my Annabel LeeWith a love that winged seraphs in HeavenCoveted her and me

This was the reason that, long agoIn this kingdom by the seaThe winds blew out of a cloud, chillingMy beautiful Annabel LeeSo that her highborn kinsmen cameAnd bore her away from me,To shut her up in a sepulchreIn this kingdom by the sea

The Angels, not half so happy in Heaven,Went envying her and me

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Yes! That was the reason (as all men knowIn this kingdom by the sea)That the wind came out of a cloud by nightChilling and killing my Annabel Lee.

But our love, it was stronger by far than the loveOf those who were older than we,Of many far wiser than weAnd neither the Angels in Heaven aboveNor the demons down under the seaCan ever dissever my soul from the soulOf the beautiful Annabel Lee.

For the moon never beams without bringing me dreamsOf the beautiful Annabel LeeAnd the stars never rise, but I feel the bright eyesOf my beautiful Annabel Lee.And so, all the nighttide, I lie down by the sideOf my darling! My darling, my life and my bride.In her sepulchre, there by the sea,In her tomb, by the side of the sea.

Goethe

Élégie de Marienbad

Et si l'homme devient muet dans son martyre,Un dieu m'a donné de dire ce que je souffre.

Que dois-je maintenant espérer du revoir,De la fleur close encore de ce jour ?Le paradis et l'enfer te sont ouverts ;Que d'émotions changeantes dans ton âme !Plus de doute ! Elle s'avance aux portes du ciel,Et t'attire dans ses bras.

Ainsi tu fus reçu au paradisComme si tu t'étais rendu digne de la vie éternellement belle ;Nul vœu ne te restait à former, nulle espérance, nul souhait,Là était le but de tes intimes tendances,Et dans la contemplation de cette unique beauté,Se tarit presque la source de tes ardentes larmes.

Comme le jour agitait ses ailes rapides,On eût dit qu'il poussait les minutes devant lui !Le baiser du soir, un gage fidèle :Il en sera de même au soleil prochain.Les heures dans leur tendre cours se ressemblaientComme des sœurs, mais nulle n'était semblable à l'autre.

Le baiser, le dernier, affreusement suave, déchirantUn splendide tissu de voluptés entrelacéesMaintenant le pied se hâte, il trébuche, évitant le seuilComme si le chassait de l'intérieur un chérubin flamboyant.

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L'œil découragé se fixe sur le sentier obscur,Il se retourne : la porte s'est fermée.

Et désormais il se referme en lui-même comme s'il ne s'était,Ce cœur, jamais ouvert, comme s'il n'avait jamais goûtéAuprès d'elle des heures bienheureuses splendides,À faire envie à toutes les étoiles du ciel ;Et le chagrin, le repentir, le souci l'oppressentDésormais dans une atmosphère étouffante.

Le monde ne reste-t-il donc pas ? la cime des montagnesN'est-elle plus couronnée d'ombres saintes ?La moisson ne mûrit-elle plus ? un verdoyant pays,Semé de bois et de prairies, ne longe-t-il donc plus le fleuve ?Et l'immensité ne se voûte-t-elle pas,Tantôt vide, tantôt riche de formes ?

Légère et charmante, tissée de vapeurs lumineuses,Flotte, comme un séraphin, détaché du chœur des nuages foncés,Comme si c'était elle, dans l'azur de l'éther,Une svelte figure d'une émanation légère ;Ainsi tu la vis s'agiter dans la danse joyeuse,La plus aimable forme entre les plus aimables.

Cependant tu ne peux guère qu'un moment te résoudreÀ prendre pour elle un fantôme de l'air ;Rentre en ton cœur ! là, tu la trouveras mieux,Là, elle se meut en changeantes figures :Elle se multiplie,Toujours et toujours plus charmante.

Telle qu'elle m'attendait sur le seuil pour me recevoirEt m'enivrer ensuite de degrés en degrés,Puis, après le dernier baiser, me courait après,Et, me rejoignant, m'imprimait sur les lèvres le dernier des derniers :Ainsi, mobile et lumineuse, palpite dans le coeur fidèleL'image vivante en traits de flamme de la bien-aimée.

Dans ce cœur plus solide qu'une forteresse, qui se garde pour elle et la garde en soi, qui pour elle se réjouit de sa propre durée, attend pour se reconnaître soi-même qu'elle se révèle, et se sent plus libre en si aimables chaînes ; dans ce cœur qui, désormais, ne bat que pour lui savoir gré de tout;

La faculté d'aimer, le besoin d'être aimé s'était éteint, évanoui ; soudain l'espérance s'est retrouvée! le goût des joyeux projets, les résolutions, la vie active ! Si l'amour a jamais inspiré un amant, cette grâce à moi fut accordée de la plus douce façon ;

Et par elle vraiment ! — Quelles angoisses intérieure, importun fardeau, pesaient sur mon corps et sur mon esprit ! mon regard ne trouvait autour de lui que fantômes dans le désert aride et le vide du cœur ; et maintenant le crépuscule de l'espérance tremblote pour moi d'un seuil connu, et je la vois elle-même m'apparaître dans ces doux rayons de soleil.

A la paix de Dieu, qui vous béatifie ici-bas plus que la raison, nous le lisons du moins, je compare, moi, volontiers, la paix sereine de l'amour en présence de l'être tant aimé. Là repose le cœur, et rien ne peut troubler son sentiment profond, le sentiment de lui appartenir.

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Dans le plus pur de notre cœur s'émeut un désir, le désir de se donner librement et par reconnaissance à un être plus haut, plus pur, inconnu, qui le mette sur la trace de l'éternel inconnu. Nous appelons cela être pieux ! — Eh bien! cette émotion sublime, je la partage, moi, lorsque je suis devant elle !

A son regard, comme au rayon du soleil, à son haleine, comme au souffle du printemps, la glace de l'égoïsme, si longtemps impénétrable, fond dans ces gouffres hivernaux ; nul intérêt personnel, nul amour-propre ne persiste ; à sa venue, frémissants, ils s'éclipsent.

C'est comme si elle disait : « Heure par heure la vie amicalement nous est offerte ; hier ne nous dit pas grand'chose, demain il nous est défendu d'en rien savoir, et lorsque je voyais le soir s'avancer avec crainte, le soleil tombait et quelque joie m'en venait encore.

« C'est pourquoi, fais comme moi, regarde le moment en face avec sérénité, avec prudence ! point d'irrésolution ! Va au-devant de lui d'un air bienveillant, avec vivacité, dans l'action, dans la joie, dans les sympathies ; que seulement là où tu es soit tout, ingénument, toujours. Ainsi tu seras tout, tu seras invincible. »

Tu en parles à ton aise, pensai-je ; un Dieu ta donné pour compagne la grâce du moment, et chacun, en ta douce présence, se croit pour un moment le favori du destin. Moi, ce conseil m'épouvante de m'éloigner de toi, et que me sert d'apprendre cette haute sagesse ? —

Maintenant je suis loin ! Que ferai-je a l'heure actuelle ? je ne le saurais dire. Elle était pour moi si bonne et si belle! c'est trop de regrets, je veux m'y soustraire ! Une ardeur insurmontable me travaille et m'agite, et nul conseil ne me reste que des larmes sans fin !

Ruisselez donc et coulez sans que rien vous arrête ! allez, jamais il ne vous arrivera d'étouffer la flamme intérieure ; le ravage déjà se met dans ma poitrine, où la vie et la mort se livrent un affreux combat. Il y aurait bien des simples pour apaiser les tortures du cœur, mais la résolution manque à mon esprit, la volonté.

Il ne saurait se faire à l'idée de se passer d'elle ! Il multiplie son image par mille : tantôt il la sent palpiter, tantôt il l'arrache, indécise à présent, tout à l'heure inondée de lumière. Quelle consolation si faible espérer dans ce flux et reflux, cette allée et venue ?

Prévert

Je suis comme je suis

Je suis comme je suisJe suis faite comme çaQuand j’ai envie de rireOui je ris aux éclatsJ’aime celui qui m'aimeEst-ce ma faute à moiSi ce n’est pas le mêmeQue j’aime chaque foisJe suis comme je suisJe suis faite comme çaQue voulez-vous de plusQue voulez-vous de moi

Je suis faite pour plaireEt n’y puis rien changer

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Mes talons sont trop hautsMa taille trop cambréeMes seins beaucoup trop dursEt mes yeux trop cernésEt puis aprèsQu’est-ce que ça peut vous faireJe suis comme je suisJe plais à qui je plais

Qu’est-ce que ça peut vous faireCe qui m’est arrivéOui j’ai aimé quelqu’unOui quelqu’un m’a aiméComme les enfants qui s’aimentSimplement savent aimerAimer aimer...Pourquoi me questionnerJe suis là pour vous plaireEt n’y puis rien changer.

Saint-John Perse

« Saveur de vierge dans l’amante, faveur d’amante dans la femme, et toi, parfum d’épouse à la naissance du front, ô femme prise à son arôme et femme prise à son essence, lèvres qui t’ont flairée ne fleurent point la mort…