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Faire de la publicité en temps de crise. Un « Survey ». Christophe Benavent – Université Paris Ouest la Défense - Ceros Sommaire : FAIRE DE LA PUBLICITÉ EN TEMPS DE CRISE........................................................................................1 UN « SURVEY ».....................................................................................................................................................1 CHRISTOPHE BENAVENT – UNIVERSITÉ PARIS OUEST LA DÉFENSE - CEROS.............................................................1 ............................................................................................................................................................................ 1 SOMMAIRE :...........................................................................................................................................................1 1) PUBLICITÉ ET RALENTISSEMENT DE L’ÉCONOMIE..........................................................................5 A) DES BUDGETS DÉTERMINÉS PAR LES VENTES........................................................................................................6 B) LA RÉCESSION NAFFECTE PAS LA CONSOMMATION DE MANIÈRE HOMOGÈNE.........................................................7 C) CYCLE DAFFAIRE ET EFFICACITÉ DE LA PUBLICITÉ.............................................................................................. 8 D) LES CAPACITÉS DES FIRMES SONT AFFECTÉES DIFFÉREMMENT.............................................................................. 8 2) SOUTENIR LES VENTES EN PÉRIODE DE RALENTISSEMENT ÉCONOMIQUE............................9 3) CONQUÉRIR DE LA PART DE MARCHÉ.................................................................................................10 4) CRÉER DE LA VALEUR DE MARQUE......................................................................................................12 5) PROFITER DES OPPORTUNITÉS...............................................................................................................13 6) CONCLUSIONS...............................................................................................................................................14 ANNEXES.............................................................................................................................................................16 A) ÉVOLUTION DE LA CROISSANCE........................................................................................................................ 16 B) RATIO AD/SALES POUR QUELQUES SECTEURS....................................................................................................17 C ) UN TABLEAU PROSPECTIF DE LEFFICACITÉ PUBLICITAIRE................................................................................18

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Faire de la publicité en temps de crise.

Un « Survey ».

Christophe Benavent – Université Paris Ouest la Défense - Ceros

Sommaire :

FAIRE DE LA PUBLICITÉ EN TEMPS DE CRISE........................................................................................1

UN « SURVEY ».....................................................................................................................................................1 CHRISTOPHE BENAVENT – UNIVERSITÉ PARIS OUEST LA DÉFENSE - CEROS.............................................................1 ............................................................................................................................................................................1 SOMMAIRE :...........................................................................................................................................................1

1) PUBLICITÉ ET RALENTISSEMENT DE L’ÉCONOMIE..........................................................................5

A) DES BUDGETS DÉTERMINÉS PAR LES VENTES........................................................................................................6B) LA RÉCESSION N’AFFECTE PAS LA CONSOMMATION DE MANIÈRE HOMOGÈNE.........................................................7C) CYCLE D’AFFAIRE ET EFFICACITÉ DE LA PUBLICITÉ..............................................................................................8D) LES CAPACITÉS DES FIRMES SONT AFFECTÉES DIFFÉREMMENT..............................................................................8

2) SOUTENIR LES VENTES EN PÉRIODE DE RALENTISSEMENT ÉCONOMIQUE............................9

3) CONQUÉRIR DE LA PART DE MARCHÉ.................................................................................................10

4) CRÉER DE LA VALEUR DE MARQUE......................................................................................................12

5) PROFITER DES OPPORTUNITÉS...............................................................................................................13

6) CONCLUSIONS...............................................................................................................................................14

ANNEXES.............................................................................................................................................................16

A) ÉVOLUTION DE LA CROISSANCE........................................................................................................................16 B) RATIO AD/SALES POUR QUELQUES SECTEURS....................................................................................................17 C ) UN TABLEAU PROSPECTIF DE L’EFFICACITÉ PUBLICITAIRE................................................................................18

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Executive brief.

En s’appuyant principalement sur la littérature scientifique en économie et marketing, uncertain nombre d’arguments militent pour maintenir l’effort marketing et publicitaire dans unepériode de ralentissement économique.

L’esprit général est qu’en perturbant les marchés, le ralentissement de l’économie, et surtoutde la consommation, crée une nouvelle donne, donne l’occasion de reconfigurer les stratégiesmarketing, et d’échapper à la stationnarité des marchés.

Voici 10 bonnes raisons de continuer à investir en publicité, quelques situations pourlesquelles la proactivité du marketing est tout à fait recommandable, et quelquescomportements à adopter.

Pourquoi dépenser en publicité pendant une récession ?

1) A court terme, pour faciliter le choix des consommateurs qui redéfinissent leurshabitudes et changent leurs comportements.

2) Dans la même perspective, maintenir voire augmenter la pénétration de la marque etles ventes, quand celle-ci n’atteint son niveau potentiel (tous les consommateurs nesont pas atteint également) que l’environnement économique redéfinit.

3) A moyen terme, favoriser la reprise des ventes au moment du changement de cycle.

4) Maintenir la part de marché en renforçant la part de voix.

5) Profiter de ce que l’interférence publicitaire se réduise pour lancer une offensive entermes de parts de marché.

6) Réduire la sensibilité au prix et s’immuniser contre les réductions de prix desconcurrents.

7) Protéger la valeur de la marque au moment même où elle peut être minée par lesactions promotionnelles de l’ensemble des acteurs.

8) Pour les marques à prix de référence faible, limiter les baisses de prix auxquelles ellesdoivent procéder et amplifier leurs effets en accroissant la sensibilité au prix.

9) Profiter de l’effet d’éviction (des acteurs intermédiaires) pour maintenir et augmenter,toutes choses égales par ailleurs, une rentabilité plus forte que les autres.

10)Envoyer des signaux positifs aux marchés financiers pour maintenir et augmenter lavaleur financière de la marque et ainsi réduire la volatilité des cours.

Qui doit être le plus proactif en période de récession ?

1) Les marques leaders qui ont une marque fortement valorisée et peu élastique au prix

2) Les marques et produits qui bénéficient de la substitution de consommation en cas dediminution perçue du revenu disponible.

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3) Les nouveaux produits (notamment ceux adaptés aux nouveaux modes deconsommation).

4) Les firmes les plus solides du point de vue financier.

5) Les marques à prix de référence faibles dans la mesure où elles bénéficientdirectement de la substitution

Quels comportements adopter ?

1) la proactivité du marketing doit s’accompagner d’un ciblage plus précis, et d’unemeilleure segmentation.

2) Si les dépenses sont maintenues voire augmentées, elles doivent s’accompagner d’unréexamen de l’offre (produit et positionnement).

3) L’écoute du marché doit être accrue, l’intelligence marketing mobilisée, l’allocationdes ressources doit s’accompagnée d’études fines.

4) Moins que de tirer des conclusions budgétaires du ralentissement général il fautanalyser le cycle d’affaire du secteur et la manière dont il est affecté par la récession.

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Faire de la publicité en temps de crise.

Cette note a pour but d’identifier les arguments valables à proposer aux annonceurs pour lesinciter à maintenir et même accroître leurs budgets publicitaires en période de ralentissementde l’économie voire de récession.

Le réflexe de contracter les dépenses publicitaire et de les réorienter vers les vecteursefficaces à court terme peut se comprendre. C’est le moyen le plus simple pour maintenir lesmarges dans l’immédiat, même s’il présente un danger évident, celui de ne plus soutenir lesventes au moment même où elles tendent à la baisse.

Cette note s’appuie sur une revue systématique de la littérature scientifique, elle analyse dansun premier temps l’impact du ralentissement économique sur la publicité, ses budgets et sonefficacité. Nous nous attachons ensuite à en considérer les conséquences du maintien desbudgets aux travers des quatre principaux effets attendus de la publicité:

Soutenir des ventes qui s’érodent et maintenir une demande frileuse.

Préserver ses parts de marché, voire profiter des circonstances pour l’accroître,

Maintenir et développer la valeur de la marque par les effets de la publicité sur lasensibilité au prix

Empêcher la concurrence d’entrer, voire même l’inciter à sortir du marché.

Dans ces analyses nous garderons à l’esprit les trois fonctions majeures de la publicité :

Elle est informative et donne au consommateur les moyens d’une décision rationnelle,en lui faisant connaître l’existence de la marque, et en l’informant sur sescaractéristiques, y compris le prix.

Elle est persuasive dans la mesure où elle change certaine croyances à propos de lamarque et du produit.

elle est enfin complémentaire dans la mesure où elle est constitutive de l’offre commecela est le cas dans les consommations de prestige.

1) Publicité et ralentissement de l’économie

Notons de suite que les récessions sont des événements rares et de courte durée. La réductiondu PIB ne s’est constatée en France qu’en 1975 et en 1993, et n’a duré pas plus qu’une année.Techniquement la récession est un taux de croissance négatif qui dure deux trimestresconsécutifs. C’est sans doute pour cela que l’étude spécifique de l’importance du marketingen phase de ralentissement est rare, Srinivasan et Al1 n’identifie que 3 articles dans lalittérature scientifique marketing dont aucun n’a été publié après 1985.

Ce dont il s’agit en fait est du ralentissement de la croissance, et principalement celle due auralentissement de la consommation (qui ne s’est produite en France qu’en 1975- voir annexe

1 Dans une étude de 154 business unit, montrent que la proactivité du marketing en période de récessioncontribue à la performance et qu’elle est stimulée par la culture entrepreneuriale. Srinivasan, Raji, ArvindRangaswamy, and Gary L. Lilien (2005), “Turning Adversity into Advantage: Does Proactive Marketing duringa Recession Pay off ? ” International Journal of Research in Marketing, 22 (2), 109-125.

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I) et plus généralement d’une situation économique incertaine, marquée par une faibleconfiance des ménages et des entreprises, dans laquelle s’opèrent des changements structurels.Aujourd’hui nous nous situons dans une telle période : l’incertitude financière pèse sur le coûtet la facilité d’accès au financement, la hausse des matières première semblent alimenter unepart de l’inflation, la croissance est faible voire même ralentie, les gains de pouvoir d’achatsont extrêmement hétérogènes, le mouvement de globalisation se poursuit et se transforme. Acourt terme, ces facteurs pèsent sur l’investissement, la consommation continuant des’accroitre même faiblement. Un tel climat cependant peut suffisamment inquiéter pour queles annonceurs, sous la pression des financiers, soient incités à réduire leurs dépenses afinmaintenir les niveaux de marges.

a) Des budgets déterminés par les ventes

Relier l’activité publicitaire à l’activité économique est un exercice de nombreux économistesont réalisé. Cependant ils aboutissent à un résultat contre-intuitif : les variations des budgetspublicitaires semblent être la conséquence des variations de l’activité économique, qu’elle soitsaisie par la consommation ou le PIB. On peut citer par exemple Ashley, Granger etSchmalensee (1980)2 qui par une analyse causale rendent compte du fait que la croissance dela consommation entraîne la croissance des budgets publicitaires, sans que l’on puisseaccepter la réciproque. Ces études peuvent être plus récentes telle celle de Rohme andWeisser3.

En dépit de résultats souvent contradictoires quant au sens de causalité, un point d’accords’établit dans le fait d’une forte corrélation des dépenses publicitaires et du PIB et dansl’impact à court terme de la publicité quand cet impact est établi. La cause de la corrélationvient probablement de pratiques de détermination budgétaire du type ratio (pub/ventes), ceque confirme une étude de Chakrabarti et Arora en soulignant que ce ratio dépendprincipalement de la catégorie et par conséquent de l’élasticité prix, dans une moindre mesurepar la fréquence de lancement des nouveaux produit et par le prix4. On comprend aussiaisément que couper dans les budgets est une décision immédiate qui permet de préserver larentabilité quand les ventes stagnent ou s’érodent alors que l’effet de la réduction des budgetsne peut se voir dans l’immédiat.

Notre point de départ est donc que la récession conduit presque mécaniquement à uneréduction des budgets publicitaires, ceci est établi au moins à une échelle macro-économique.

2 Ashley, R., C. W. J. Granger, and R. Schmalensee (1980): “Advertising and Aggregate Consumption: AnAnalysis of Causality" Econometrica, 48, 1149-1168.3 Ils aboutissent dans le cas de l’Allemagne à des résultats différents, la publicité exerçant un effet causalsignificatif sur la consommation mais pas sur la croissance -Günther Rohme and Sara-Frederike Weisser,Advertising, Consumption and Economic Growth: An Empirical Investigation Darmstadt Discussion Papers inEconomics n°178. Voir aussi pour l’Inde Hamid Baghestani (1991) “Cointegration Analysis of the Advertising-Sales Relationship”, The Journal of Industrial Economics, Vol. 39, No. 6, (Dec., 1991), pp. 671-681– La force deces publications est de s’appuyer sur les techniques de tests de causalité, de cointégration et les modèles VARqui dominent désormais par leur capacité d’identifier des relations causales et de distinguer les effets de court etde long terme. Pour une étude spécifique aux périodes de récession, l’analyse de Picard confirme le fait dansl’ensemble des pays de l’OCDE - Robert G. Picard, (2001) « Effects of Recessions on Advertising Expenditures:An Exploratory Study of Economic Downturns in Nine Developed Nations » The Journal of Media Economics,J41 1-14. En France, ce sujet semble avoir été peu étudié hormis la thèse récemment publiée de MaximilienNayaradou qui en 2004 a fait un tableau complet des relations entre croissance et dépenses publicitaires, militantsur le rôle positif de la publicité, mais son appareillage statistique est limité au regard de la littérature standard.4 Somnath Chakrabarti et Ashok Pratap Arora (1997) “Drivers of ad spend trends among global marketers“,International Journal of Advertising, 26(3)”, pp. 387–397 – voir aussi l’annexe (b).

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C’est à partir de ce point que nous devons analyser les raisons qui conduiraient à ne pasadopter au niveau de la firme et de la marque une telle pratique.

b) La récession n’affecte pas la consommation de manière homogène

Ce qui est vrai à un niveau macro-économique, est sans doute discutable à un niveau micro.La récession n’a pas le même sens pour tous les acteurs, certains marchés voient leurcroissance se poursuivre et d’autres s’effondrer. On peut difficilement s’attendre à ce quel’environnement affecte de manière homogène le comportement des firmes.

Le point crucial est la spécificité sectorielle. Ce à quoi est sensible la firme est naturellementl’évolution des revenus de ses consommateurs, ainsi que l’évolution des prix. Le contexteactuel est celui d’un maintien quasi stationnaire des revenus, d’une crainte de dévalorisationde l’épargne (bourses et immobiliers) qui agit dans le sens d’un sentiment de réduction durevenu destiné à la consommation (revenu permanent), il se caractérise aussi par unredémarrage de l’inflation d’autant plus sensible que la part de budget discrétionnaire seréduit, et quelle est occupée par des dépenses alimentaires, de services courants et decarburants. On s’attend donc à des modifications de comportements des consommateurs,certaines se produisant déjà.

Rappelons les bonnes vieilles lois d’Engel qui prédisent que les élasticités-revenu de laconsommation varient selon les postes budgétaires5. Services, transports et équipement desménages et loisirs étant les plus sensibles. L’alimentaire par contre étant beaucoup moinssensible (une baisse de revenu de 1% n’entraîne une baisse de la consommation que de 0,26%quand dans les services c’est une baisse de 1,17%). De ce point de vue la variable clé n’estpas l’évolution de la croissance en soi, mais celle du revenu et du pouvoir d’achat.

Si la restriction de la consommation est très probable, un autre comportement peut êtreobservé : une consommation tournée vers la qualité. Des économies sont faites sur lesproduits fonctionnels en se tournant vers les promotions, produits blancs et autres marques dedistributeurs, mais pour les consommations hédoniques en réduisant le volume ou lafréquence, une préférence pour des produits de première qualité peut se manifester – boiremoins de vin mais des crus bourgeois ! Des effets de substitution peuvent aussi se produireentre les catégories : si l’idée de partir en vacances est reportée, l’économie budgétaire peutêtre affectée à des dépenses de décoration ou de jardinage, pour ne donner qu’un exemple.

On comprend avec cet argument que l’effet d’une récession (ou d’un ralentissement del’économie) joue moins quantitativement que qualitativement en déplaçant la demande, enredéfinissant les segments, et naturellement la nature de l’offre. Ce serait donc une erreur des’en tenir à un effet moyen, ce sont les effets différenciés par segments qui doivent être prisretenus.

Ce changement dans les préférences est l’occasion pour certains acteurs de les renforcer pardes publicités adéquates, centrées sur l’économie d’une part, ou l’exceptionnalité d’autre part.Ces phénomènes incitent moins à réduire les budgets qu’à reformuler les messages. Pourl’entreprise il s’agit donc avant toute décision de comprendre ce qu’entraîne un ralentissementde l’économie, cas par cas, en examinant l’impact sur les revenus et la consommation.

5 Voir par exemple Stéphane Lollivier (1999), « La consommation sensible aux variations de revenu, même surle court terme » Économie et Statistiques, n° 324-325-325, 1999 - 4/5. Dans cette publication il confirme que lesvariations de la consommations sont proportionnelles au revenu courant même à court terme ( élasticité del’ordre de 0,6 et supérieure à 1 pour les service).

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c) Cycle d’affaire et efficacité de la publicité

Il y a longtemps, on s’est intéressé à l’efficacité relative des variables du mix dans lesdifférentes phases du cycle de vie. Le cycle de vie de produit propose une succession derégimes de croissance différents, c’est la vieille hypothèse de Mickwitz 6. Malheureusementces travaux ont été peu développés même si très récemment7 des chercheurs sont revenus surla question. Naturellement nous nous situons au niveau d’analyse des marchés et non plus del’économie dans son ensemble. Mais ce niveau a plus de pertinence pour l’annonceur.L’environnement général est moins important que celui des ventes.

Les phases de croissance correspondent à une extension du marché, le rôle de la publicité estinformatif, en particulier sur les nouveaux consommateurs de la catégorie. On s’attend donc àune réponse forte du marché aux sollicitations, et des élasticités publicité nettement positives.C’est le résultat qu’obtiennent Abraham et Al, ou encore Parker et Gatignon8. En revancheles élasticités prix risquent d’être augmentées par la publicité de type informative (Le cas duI-pod est assez révélateur de ce point de vue. En dépit de son succès, une fraction notable dumarché a résisté à l’achat, spéculant sur des baisses à venir).

L’efficacité de la publicité serait ensuite moindre dans les phases de maturité. En phase dematurité l’effet publicitaire est supposé plus faible. Il joue difficilement le volume, mais peutavoir des effets en termes de parts de marché considérable. Avec un type de publicité denature plus persuasive, on s’attend à peu d’effet sur les ventes de la catégorie, mais à un effetprimordial sur les parts de marché. Ce qui peut engager les acteurs à surinvestir fragilisant laposition des acteurs les plus faibles. Pour les acteurs dominants, un autre effet peut êtreenregistré : la diminution de la sensibilité au prix qui préserve ainsi la valeur de la marque.

Si on ne peut confondre récession et cycle d’affaire, la récession peut être envisagée commeune perturbation qui les affecte, ralentissant la phase de croissance et accélérant la maturitédes marchés. Il s’agit donc d’envisager l’interaction de ces deux tendances, et de distinguersoigneusement le type de publicité et les types d’effets9.

d) Les capacités des firmes sont affectées différemment

Un des effets principaux de la récession, et notamment celle à laquelle on assiste, concerne lescapacités d’action des firmes. Un de ces éléments est d’ordre financier et notamment lescapacités de financement qui se réduisent10. Dans un même secteur, les firmes sont affectées

6 Mickwitz, Gosta, (1959, “Marketing and Competition: The Various Forms of Competition at the SuccessiveStages of Production and Distribution”, Central Tryckeriet, Helsingfors, Finland. 1959.7 Deleersnyder, B. & Dekimpe, M.G. & Steenkamp, J.B.E.M. & Leeflang, P.S.H., 2007. "The Role of NationalCulture in Advertising Sensitivity to Business Cycles: An Investigation Across All Continents," Research PaperERS-2007-095-MKT. Ils montrent que la publicité co-varie avec les cycle d’affaire, principalement la presse, laTV étant la moins élastique, et que les différences par pays s’expliquent par la culture, l’orientation à long termeet l’autoritarisme diminuant l’élasticité.8 Parker, Philip M., et Hubert Gatignon. 1996. Order of Entry, Trial Diffusion, and Elasticity Dynamics: AnEmpirical Case. Marketing Letters 7, no. 1 - Janvier: 95-109 et Lodish, L.M., Abraham, M, Kamenson S, and al(1995), “how TV advertising Works : a meta-analysis of 289 real world split cable TV Advertising Experiments,Journal of Marketing research, Vol 42, May 125-139 9 Ce qui peut être relativement complexe. Nous donnons dans l’annexe (C) un tableau synthétique des effetsprobable des différentes formes de publicité, en fonction des phases du cycle pour les trois paramètres clés : lesventes, la part de marché, l’élasticité prix.10 Notons bien, dans le cas de la France au moins, que ce sont les investissements qui pâtissent les premiers duralentissement de l’économie

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de manière différentielle, certaines reportent l’introduction de nouveaux produits, d’autresréduisent les budgets publicitaires la réduction des coûts répondant aux capacités amoindriesde financement. Sans même que la récession affecte fortement la demande du secteur, ellepeut donc affecter la capacité d’action et créer une perturbation stratégique.

De manière plus générale, on retrouve ici une large littérature portant sur le rôle stratégique dela publicité : celle de barrière à l’entrée où à la mobilité11. Même si son effet sur la demandeest nul, elle joue un rôle essentiel dans la structure des marchés en imposant aux entrants descoûts additionnels qui interdisent leur entrée et à certains des acteurs présent d’agir commebon leur semble. Pour un acteur en position de force, car sa rentabilité est maintenue,augmenter ces budgets, même si commercialement l’effet est négligeable, peut épuiser sesconcurrents directs.

En généralisant l’argument, on comprend qu’une conjoncture économique, qui renchérit ourend plus difficile l’accès au financement, affecte les coûts de production, pèse sur les marges,va renforcer ce rôle de barrière.

2) Soutenir les ventes en période de ralentissement économique

Quand l’économie ralentit voire se contracte, l’objectif principal de la firme est de résister àl’érosion des ventes. Cette résistance peut être passive, et se traduit par une réduction desdépenses corrélative à la contraction des ventes visant à maintenir la marge, elle peut êtreaussi active et passer par un renforcement de l’effort marketing. Cet objectif de résistanceprivilégie le court terme dans la mesure où la variation des ventes est enregistréeinstantanément. Il y aura donc préférence pour les effets immédiats, mécanique, calculable.

L’espérance du soutien par les ventes est cependant modérée dans la mesure où l’élasticité dela publicité est faible en période de maturité. Une grande part de l’efficacité publicitaireprovient de son effet d’information, l’effet de séduction est plus long à s’installer. Il noussemble donc peu raisonnable de proposer à la publicité un rôle de soutien des ventes enpériode de récession.

Ce point de vue mérite cependant un examen plus approfondi. L’évolution des ventes estfonction en effet d’une part de la pénétration et d’autre part des ventes moyennes paracheteur. Dans la mesure où le ralentissement de l’économie affecte la consommation (etdonc le pouvoir d’achat), on peut comprendre que la publicité ne soutient pas fortement leniveau de consommation par acheteur.

En revanche, les choses sont différentes en termes de pénétration. Parmi les nonconsommateurs non informés, il n’est pas impensable qu’une part d’entre eux puisse êtresensible au message et commencer à consommer dans la catégorie. Un cas de ce type a étéprésenté en 1979 par Coulson12 avec celui de Quaker : en réorientant les dépensespublicitaires sur les produits basiques, les ventes qui déclinaient sont reparties à la croissance.Le problème est donc de ne pas réduire les dépenses publicitaires, mais de les réorienter surles marques qui peuvent bénéficier d’une plus grande pénétration.

Un autre argument est attaché au comportement d’achat des consommateurs. On peuts’attendre à ce qu’en période de récession ils changent leurs habitudes, ils ont donc à résoudre

.11 Ce type d’analyse a été engagée notamment par Schmalensee, R. (1983), “Advertising and Entry Deterrence:An Exploratory Model,” Journal of Political Economy, 91, 636-53.12 John Coulson (1979), “Marketing Issue- Quaker case”, Journal of Marketing, p91.

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des problèmes de recherche d’information. La publicité peut alors les aider à redéfinir leurshabitudes d’achat. C’est de cette manière que Kamber13 interprète un résultat de son étude : lefait que la publicité explique mieux la croissance des ventes en période de récession qu’enpériode ordinaire. De manière plus précise, il explique que dans les périodes de stabilité,l’effort marketing constant renforce les habitudes des consommateurs, et qu’en période deturbulence, celles-ci sont remises en cause.

Enfin une étude récente de Lamey et al14 montrent que les marques de distributeurs croissenten période de crise au détriment des marques premium, ce qui rejoint le sens commun. Maisl’élément nouveau est qu’il y a une asymétrie : quand le cycle se renverse, les marquespremium ne regagnent pas aussi facilement ce qu’elles ont perdu. Dépenser en publicité, faireun effort supplémentaire en marketing permet ainsi de mieux profiter du regain.

Une question corollaire est celle de la ré-allocation budgétaire. Les grands médias seraientplus affectés que les médias directs et principalement la promotion (et parmi eux la presseplus que la TV). Cette hypothèse est peu explorée dans la littérature. Puisque les ventesbaissent, il faut les stimuler, et de préférence par des instruments dont on est sûr du résultatimmédiat même si ses résultats futurs sont indéfinis. Le recours à la promotion suit cettelogique. Cependant on ne semble pas très bien connaître ces effets de déplacements et faire lapart d’évolution structurelle (croissance du hors médias) de ce qui est conjoncturel. Certainsmédias comme le net n’étant pas affecté apparemment par le ralentissement. L’hypothèse cléen la matière est que les annonceurs se reportent sur les médias dont l’effet est immédiatd’une part, et dont l’effet est mesurable directement d’autre part.

Résumons, si le maintien des ventes passe traditionnellement vers une ré-allocation desressources vers des médias plus informatif et plus « court-termiste », deux argument militentpour conserver des ressources et maintenir l’effort dans les canaux habituels :

Si la récession modifie les habitudes de consommation, l’accompagnement de ceschangements nécessite un effort publicitaire particulier.

Le terrain étant difficile à regagner lors de la reprise, un maintien des budgetsfacilitera la tâche.

La bonne politique semble ainsi être une politique différenciée, qui agit sur trois moments : letrès court terme, le moyen terme avec la réorganisation de la structure de la consommation, etle plus long-terme en construisant les bases de la reprise.

3) Conquérir de la part de marché

Cette idée a trouvé son accomplissement dans un ouvrage important des années 70, dont undes enseignements principaux est que si l’effet de la publicité sur les ventes est modéré, ellejoue un rôle essentiel quand on l’aborde dans le cadre concurrentiel15. Cette approche a donnénaissance à une très large littérature que l’on ne synthétisera pas faute de place, mais dont on

13 Kamber, Thomas (2002)The brand manager's dilemma: Understanding how advertising expenditures affectsales growth during a recession. Journal of Brand Management 10, no. 2 (Novembre): 10614 Lamey, Lien, Barbara Deleersnyder, Marnik G. Dekimpe, and Jan-Benedict E.M. Steenkamp. 2007. "HowBusiness Cycles Contribute to Private-Label Success: Evidence from the United States and Europe." Journal ofMarketing 71, no. 1: 1-1515 Lambin, J. J. (1976), Advertising, Competition and Market Conduct in Oligopoly Over Time, Amsterdam:North Holland Publishing, Co.

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doit rappeler que la part de marché de manière classique s’analyse comme le ratio de l’effortmarketing de la marque sur la somme des efforts réalisés par l’ensemble des marques dumarché16. Nous ne connaissons pas de travaux qui se soient intéressés spécifiquement auxpériodes de ralentissement, mais suffisamment d’éléments sont disponibles pour construire unraisonnement solide.

Pour la publicité nous savons que l’élasticité est relativement faible comparée à celle du prix,et que les élasticités mesurées en termes de ventes ou de part de marché sont assezsimilaires17. Le problème est en fait de savoir d’où viennent les ventes additionnelles : del’accroissement des ventes de la catégorie (effet d’information), des ventes prises auxconcurrents (effet de persuasion) ou des variations de fréquence d’achat18. Sachant quel’élasticité de la demande (les ventes) est la somme de l’élasticité de la catégorie de produit,plus celle des parts de marchés, en période de stagnation, il y a tout lieu de penser quel’essentiel de l’effet affecte la part de marché. Mieux, en période de dépression alors que lesventes de la catégorie sont affectées, il y a tout lieu de penser que l’essentiel de l’effet jouesur les parts de marché.

A ce principe général il faut ajouter un phénomène assez universel que les travauxd’Ehrenberg19 et de son école le démontrent abondamment par le phénomène de doublejeopardy : les marques leaders (en part de marché et en pénétration) ont une plus grandeproportion de lead-users et de clients fidèles. Elles seront donc moins contestées que les autreset mieux, ne pouvant être attaquée de plein fouet, les dépenses publicitaires excédentairespeuvent détourner les clients de marques moins bien installées sur le marché. Cet argument vadans le sens de ce que l’on sait sur la corrélation négative des parts de voix et des parts demarché. Plus une marque est faible et plus sa part de voix doit être élevée pour maintenir unemême part de marché20. Les marques premium ont une plus grande efficacité des budgets.C’est l’effet du brand equity.

Un objectif de gain de part de marché par une publicité soutenue en période de récession peutêtre un objectif raisonnable, principalement pour les marques leader, qui naturellement serontmoins sous pression, et peuvent par ce moyen, à coût raisonnable, augmenter la leur, même siles ventes de la catégorie se réduisent. D’un point de vue tactique c’est une fenêtreavantageuse.

Le phénomène de l’encombrement concurrentiel milite dans ce sens comme le montrentDanaher, Bonfrer, et Dhar21 et quelques autres : quand d’autres marques font de la publicité

16 Ce qui est largement connu sous le terme de théorème de Kotler et qui est systématisé par la littérature portantsur la modélisation de la part de marché. Voir Nakashini et Cooper. 17 Tellis, G (2002) “Understand When, How and Why advertising Works”, Sage. Tellis donne un coefficient de0,2 en moyenne plus élevé pour les produits durable que les non durables, ce qui rejoint les estimations deLodish. La vaste revue de littérature de Vakratsas et Ambler (1999), « How advertising works », Journal ofMarketing, Vol 63 N°1p 26-43 va dans le même sens. 18 Voir les travaux sur la décomposition des élasticités et qui distinguent les effets sur la probabilité d’acheterdans la catégorie, les effets sur la fréquence d’achats, et sur la probabilité de choix. Par exemple,Thomas J.Steenburgh (2005) “MEASURING CONSUMER AND COMPETITIVE IMPACT WITH ELASTICITYDECOMPOSITION” – WP Harvard Business School.19 Ehrenberg, A.S.C, Goodhart,G.J et Barwise, T.P (1990), “Double Jeopardy revisited”, Journal of Marketing,Vol 54, July, pp82-91.20 Benmaor en donne un remarquable exemple - “Testing Alternative Econometric Models on the Existence ofAdvertising Threshold Effect”, Journal of Marketing Research, Vol. 21, No. 3 (Aug., 1984), pp. 298-30821 Danaher, Peter J, André Bonfrer, et Sanjay Dhar. 2008. The Effect of Competitive Advertising Interference onSales for Packaged Goods. Journal of Marketing Research (JMR) 45, no. 2 (Mai): 211-225. Gatignon, Hubert.

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l’efficacité de son programme propre diminue fortement. A fortiori, dans une périoded’affaiblissement des ventes, alors que le comportement général des firmes est ledésinvestissement, il y a donc intérêt à accroître ses propres budgets.

En résumé :

On s’attend à ce que l’effet de la publicité en période de ralentissement joue plus sur lapart de marché que sur le volume des ventes

Que cet effet est d’autant plus prononcé pour les marques à fort Brand equity.

Et que les investissements seront donc d’autant plus efficaces que l’interférencepublicitaire décroît.

En conclusion, indépendamment des objectifs de croissance où de maintien des ventes, fairede la publicité en période de récession est l’occasion d’accroître des parts de marchés, dont laplus part des chercheurs notent la stationnarité à long terme, principalement pour les FMCG, àl’exception de la croissance des marques de distributeurs.

4) Créer de la valeur de marque

Un des effets principaux recherché par la publicité grand média est la construction de l’image,du positionnement, il consiste à créer une valeur, celle de la réputation, de la légitimité, dustatut, de la référence et de soutenir ainsi les prix.

La publicité persuasive joue ce rôle d’ailleurs en diminuant la sensibilité aux prix. C’est unrésultat bien établi22. C’est en quelque sorte un rôle d’immunisation d’autant plus importantqu’en période de ralentissement économique, les acteurs du marché auront tendance à baisserleur prix et donc à prendre rapidement des parts de marché.

On imagine peu une grande marque ne pas s’appuyer sur une légitimation forte, et briller sansoccuper dans l’espace des médias une place primordiale. On connaît depuis bien longtempscette idée de brand equity, dont une mesure frustre mais directe serait qu’à qualité égale, lesmarques à forte valeur peuvent vendre plus cher sans perte de part de marché. Une recherchede Chernatony23 milite en faveur de cet argument précisément dans le contexte de larécession.

Un tel raisonnement pourrait conduire à l’idée que la conjoncture économique a peu a dire enla matière, justifiant que pour les marques statutaires l’investissement doit être constant, etqu’une présence plus intense en période de ralentissement, affirme au moins que la marquen’est pas concernée par la crise. Un point important à souligner, est que si les variations deventes relative à une variation de prix sont immédiates et que les effets de rémanence sontmodérés, l’élasticité-prix est constante. Faire en sorte de la réduire nécessite un effortpermanent, et qu’arrêter les investissements au moment même où les consommateurs, pour debonne raisons, redeviennent sensible au prix, pourrait ruiner les efforts passé24. Cela sera

1984. Competition as a Moderator of the Effect of Advertising on Sales. Journal of Marketing Research (JMR)21, no. 4 (Novembre): 387-398. Laroche, Michel, Mark Cleveland, et Irene Maravelakis. 2006. Competitiveadvertising interference and ad repetition effects: comparing high-share and low-share brands. InternationalJournal of Advertising 25, no. 3: 271-307..22 Erdem, Tülin, Michael P. Keane, et Baohong Sun. 2008. The impact of advertising on consumer pricesensitivity in experience goods markets. Quantitative Marketing & Economics 6, no. 2 (Juin): 139-17623 Chernatony, Leslie de , Knox ( 1992) « brand pricing during recession », European Journal Marketing, Vol 26n°2

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parfaitement vrai dans le cas de marques et de produits à fortes marges dans la mesure où cesmarges sont précisément obtenues grâce à une faible élasticité-prix.

Si ainsi la publicité persuasive est le moyen de ne pas baisser les prix pour maintenir lesventes elle peut dans d’autre cas jouer un rôle systématiquement différent, informatif, ensignalant au contraire la baisse des prix. Ce sera notamment le cas des distributeurs, quicomme on l’a souvent vu, l’exemple de Leclerc est éloquent, communiquent sur le prix pour,au passage, s’attirer la sympathie des consommateurs. Investir en publicité, d’un typeinformatif, jouera alors un rôle de multiplicateur. En accroissant la sensibilité au prix, onbénéficie alors qu’un effet élevé sans réduire de manière trop exagérée le niveau des prix.Dans ce cas on peut considérer la publicité comme un catalyseur de l’activité promotionnelle.Les constructeurs automobiles sont habitués du fait. Ce type d’action n’est pas sans risquepour les marques dominantes, elles peuvent être au contraire favorables pour celles dont lesprix de références sont faibles.

De manière synthétique nos arguments sont les suivants :

La publicité persuasive permet de réduire la sensibilité au prix et de s’immunisercontre les réductions de prix des concurrents

Cet effet réclame un effort permanent de la part de l’annonceur, surtout au moment dela crise, il est particulièrement pertinent pour les marques dominantes.

Les marques à prix de référence faible à contrario peuvent employer desinvestissements publicitaires informatifs pour limiter les baisses de prix auxquelleselles doivent procéder et pour amplifier leurs effets.

5) Profiter des opportunités

La récession conduit à une redistribution des parts de marché dans la mesure où les marquesn’ont pas toutes une égale capacité à résister à la contraction du marché. Celles dont larentabilité est atteinte rapidement sont fortement incitées à désinvestir, offrant l’opportunitépour leurs concurrents de leur prendre des parts de marché. Il y a des arguments sérieux pourpenser que cette inégalité est systématique.

Renforcer les dépenses revient donc à exercer une pression sur les concurrents les plusmenacés en les incitant à maintenir leurs investissements, quitte à réduire leurs profits. Ce rôlestratégique est celui classique des barrières à la mobilité.

Avec cet argument, d’un point de vue extrême, il n’est pas forcement nécessaire que l’effortpublicitaire ait des effets importants sur les ventes, les parts de marché ou l’élasticité prix. Ilsuffit qu’il influence le niveau de profit relatif, et par conséquent l’avantage concurrentiel dela firme (c’est à dire la différence entre son niveau de profit et le niveau moyen de profit dumarché). Autrement dit, si la récession par l’affaiblissement des ventes qu’elle entraine,conduit à une diminution générale du profit, l’usage stratégique de la publicité peut permettreaux marques les plus rentables, de conserver, voire d’augmenter leur « sur-profit ».

Ce point de vue nous amène ainsi à la question de la valeur financière de la marque. Quelquesétudes empiriques telles que celle de Barwise, ou de Frankenberger et Graham vont dans cesens25. Investir en publicité créerait de la valeur à long terme, même si ces auteurs ne sont pasexplicite quand au mécanisme.

24 Précisons ici que si les effets directs de la publicité sont de courts termes (quelques mois), l’effet à long-termese retrouve dans cet effet de réduction des élasticités prix.

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En dehors des effets déjà envisagés (sur les ventes, la PM et l’élasticité prix), des effets moinscommerciaux peuvent être envisagés. Le premier est l’effet de signal pour les marchésfinanciers, qui peuvent contribuer directement à la valeur boursière de l’action en signalantl’optimisme de la firme. Ceci est d’autant plus important que si la récession n’affecte pasdirectement et systématiquement les ventes, elle affecte au moins les cours. Juste pour rappelle rendement d’un titre est une fonction linéaire du rendement moyen du marché, l’effetattendu est une réduction de la volatilité.

L’effet de signal joue aussi sur l’évaluation des actifs de la firme, et le capital de marque enest un. Quand bien même les effets mécaniques sur les ventes sont peu importants comme lesouligne l’ensemble des auteurs, et de courte durée, l’accumulation de capital marque,qu’assure la publicité, conduit à une meilleure évaluation des actifs intangibles dont un desprincipaux est la marque. En effet, à défaut de pouvoir observer directement les élasticités-prix comme nous l’avons développé dans la section 5, les acteurs du marché financiersemploient des signaux indirects pour anticiper la valeur future de la firme. La publicité en estun qui rassure le marché en lui garantissant que l’annonceur tient à maintenir et à développerses marques.

6) Conclusions

Au travers de ce survey un certain nombre d’idées clés apparaissent.

La première est que la récession ou le ralentissement économique, perturbe doublementl’équilibre des marchés et par conséquent ouvre une fenêtre d’opportunité. Elle redéfinit lasegmentation du marché et modifie les capacités d’action des annonceurs, créant pour certainsun effet d’éviction, mais pour d’autre offre l’occasion de redéfinir leur politique de manièreoffensive.

La seconde est qu’il n’y a pas d’évidence d’une moindre efficacité de la publicité sur lesventes. Celle-ci est plus liée au cycle de vie du marché, qu’au cycle économique. Et unargument général est que les consommateurs, dans une période trouble, peuvent devenir plussensibles à l’information, de manière à prendre des décisions plus rationnelle. Le rôleinformatif de la publicité peut alors jouer à plein. C’est alors l’occasion de se lancer à laconquête des parts de marché.

Une troisième idée s’attache aussi au capital de marque, et à l’évidence de l’accroissement dela sensibilité au prix en période difficile. Ne pas dépenser en publicité, c’est risquer de prêterle flanc aux marques de distributeurs et à l’ensemble des low cost et donc de recourirexcessivement à l’arme du prix. La publicité immuniserait contre une dégradation tropforte de la rentabilité.

La quatrième est qu’à moyen terme, un enjeu important est donné par la sortie du cycle. Ceuxqui auraient abandonné l’effort risquent de ne pas profiter de la reprise, car ils auront laissése dégrader le capital de marque.

25 Barwise, P. (Ed.). (1999). Advertising in a recession: The benefits of investing for the long run. Henley-on-Thames, UK7 NTC Publications. Mais aussi Dhalla, Nariman K (1980), “ Advertising as an anti-recession tool”Harvard Business Review et Kristina D. Frankenberger and Roger C. Graham Should Firms IncreaseAdvertising Expenditures during Recessions? , 2003 [03-115] Working Paper MSI

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Une cinquième idée est relative au rôle stratégique de la publicité qui instaure des barrières àl’entrée et à la mobilité, permet ainsi de renforcer l’avantage compétitif de la firme, c'est-à-dire sa supériorité en termes de rentabilité, et au-delà à signaler au marché sa résistance aumauvais temps, et à maintenir des cours bousculés.

Malheureusement ces idées ne sont sans doute pas aussi pertinentes pour tous les acteurs.Deux types d’acteurs seraient favorisés : les leaders et innovateurs du marché qui bénéficientde capacités d’action stratégique, mais aussi les low cost et acteurs à bas prix.

Les acteurs intermédiaires étant les plus fragiles, sont sans doute les moindres bénéficiaires dela pro-activité marketing. Le retrait est peut être pour eux une meilleure solution. Mais celaest contingent, et doit être étudié cas par cas, les possibilités de reconfigurer leur stratégie,notamment le positionnement, peuvent leur donner l’opportunité de se redéployer.

Le caractère contingent se retrouve aussi dans les types de produit. Il est assez évident que leseffets sur les ventes seront d’autant plus prononcé qu’il s’agit de bien dont l’achat peut êtrereporté (bien durable), et sans doute moins pour les services récurrents. Un critère essentielest donc la capacité de contrôle des consommateurs sur leurs achats. Quand celle-ci estimportante, le problème posé par la récession le sera d’autant plus, le caractère obligatoire desdépenses l’atténuera. Mais dans un cas ou dans l’autre, le raisonnement reste le même.

Enfin, la question ne se pose pas seulement en termes de niveau d’investissement, mais aussien termes qualitatifs : la rentabilité de l’investissement tient certainement à un effort derepositionnement des marques, et de réévaluation des segmentations de marché. Elle doits’accompagner ainsi d’un effort particulier d’intelligence marketing, d’autant plus nécessaire,que les lois générales que nous avons essayé de résumer, connaissent des variationsconsidérables.

C’est moins la connaissance d’une loi générale, par exemple l’effet de réduction de lasensibilité au prix par la publicité, qui est importante, que celle de son degré d’application,celle réduction est-elle de 0,1 ou de 0,5 ? Est-elle obtenue en quelques semaines ou par delongs mois d’effort?

Une recommandation finale tiendra donc dans la méthode suivante :

Considérer la crise comme une période où les cartes sont rebattues, et braquer leregard sur le moment où elle va s’achever.

Examiner soigneusement le comportement des concurrents et leurs intentionsimmédiates.

Examiner surtout la réaction spécifique des consommateurs sur ce marché : quellesensibilité au prix ? Quelle substitution éventuelle de consommation ? Quellesmodifications des fréquences d’achats ? Quelles modifications des préférences entermes de qualité ? Ce sont les questions clés.

En fonction de ces réponses s’interroger sur la pertinence et l’efficacité relatived’actions publicitaires (informatives et/ou persuasive) sur les trois indicateurs clés : lesventes, la part de marché, la sensibilité au prix.

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Annexesa) évolution de la croissance

Evolution des taux de croissance dans la zone euro et au US : les évolutions américaines précédent les évolutions européennes.

Evolution à long terme de la croissance française :

deux récessions dont une seule voit la consommation se réduire (1993)

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b) Ratio Ad/sales pour quelques secteurs

Industrial SectorAd growth

%Sales

growth %Natural Resources & Materials 11 14,4Oil, Gas & Chemicals 7,9 9,4Consumer Products 8,6 7Health Care 7,9 9,5Retail 7,1 6,9Financial Services 17,4 11,4Electronics & Scientific Instruments 9,3 9,4Computers & Software 8,1 9,3Industrial Equipment & Furnishings 4,9 8Transportation & Travel 5,6 6,8Services except Healthcare 6,5 9,7Construction & Real Estate 5,7 4Communication Products & Services 7,7 11,1Wholesale 5,2 8,1All sectors combined 10,4 7

CorrélationAd growth %Sales growth % 0,53

D’après http://www.saibooks.com/ :

On observe dans ce tableau :

a) la forte variation des ratios A/S

b) la corrélation substantielle entre les ventes du secteur et sa croissance des dépensespublicitaires.

c) l’indépendance du ratio A/S avec la croissance de la publicité, mais une corrélationnégative avec celle des ventes. Ceci peut s’interpréter de la manière suivante : quand lesventes augmentent, les budgets publicitaires sont augmentés, mais pas en proportion, le ratioreste donc identique, et aurait même tendance à se réduire au regard de l’accroissement desventes.

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C ) Un tableau prospectif de l’efficacité publicitaire

Pub informative Pub persuasive Pub complémentaireLancementVentesPMElasticité prix

+++0+

000

++-

CroissanceVentesPMElasticité prix

+++0

++0

+++-

MaturitéVentesPMElasticité prix

0++

0++-

0++- -

a) Cas de la publicité informative : celle-ci signalant l’existence du produit et/ou de la marque, joue un rôle essentiel sur les vente en phase de démarrage et de croissance en recrutant de nouveaux acheteurs et assurant la pénétration du marché. Son rôle de défense de la part de marché semble quant à lui plus modéré, les concurrents agissant de même, il reste sans doute légèrement positif dans la mesure où la répétition des messages crée un effet de familiarité favorable à l’attitude positive. Elle peut enfin affecter la sensibilité au prix en début et fin de cycle, dans la mesure où la publicité non seulement informe directement des prix, mais peut rendre saillant ce critère à l’esprit des consommateurs.

b) Cas de la publicité persuasive : il est sans doute très faible en période de lancement et commence à se manifesté en phase de croissance. Son rôle est essentiel en phase de maturité, par un double effet de renforcement de l’image dans le jeu concurrentiel (PM), et une diminution de la sensibilité au prix.

c) Cas de la publicité complémentaire : ce type de publicité contribue intrinsèquement à la constitution de la marque (exemple des surf brand, des parfums…) et/ou du produit. Elle concerne les biens pour lesquels les attributs intrinsèques ne sont pas réellement considérés par les consommateurs, alors que les attributs symboliques sont essentiels. Ses effets courent tout au long du cycle de vie, et deviennent critiques en phase de maturité, dans la mesure où ils concourent à la légitimation de la marque

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