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La guerre des Lafit(t)e_ fait mge Le prestigieux eru de Pauillae eonteste aux proprietaires d'un vignoble des Cotes-de- Bordeaux tous droits sur lamarque Chateau Lafitte en Chine. I I croy. ait pourtant la partie ga- gnee. En juin 2013, la famille Mengin celebre lors d'une grande rete les 250 ans de son Cha- teau Lafitte, un crn repute en Ca- tes-de- Bordeaux. PhilippeMengin, qui gere avec son pere Maximilien ce vignoble de 50hectares, s'ap- prete it poser Iepied en Chine,terre promise pour ce vin dont les 300 000 bouteilles s'ecoulent it 95% it l'export. Les Mengin ont pris leurs pre- cautions. Suivant les recomman- dations du Bureau desvinsde Bordeaux,ils ont depose leur marque «Lafitte» pour la preser- ver de la contrefac;on. L'adminis- trationchinoise, la SAIC - equi- valent de l'lnstitut national de la propriete industrielle (INPI) en France - valide la demarche en avril 2013. L'enregistrement defi- nitif de la marque doit prendre. effet trois mois plus tardafin de laisser it tout contestataire Ie temps de deposer un recours. IIPaS de confusion possibleJl En cette soiree de juin 2013, 24 heures avant l'expiration du delai de recours, Ie passe rattrape les Mengin. «On apprenait que Chfiteau Latite-Rothschild venait de deposer une reqw§te devant la SAIC pour contester nos droits sur la marque, Chateau Lafitte en Philippe Mengin est furieux: «Notre propriete s'est pourtant toujoltfs appelee Choteau Lafitte depuis sa creation en 1763.>1 Photo S. M. Chine», lache, furieux, Philippe Mengin. La guerre des noms de chateaux vient de s'exporter dans l'Empire'du Milieu. Tout commence it Bordeaux en 2003, quand Ie premier grand crn de Pauillac - il partage cette rare distinction avec les chateaux Mar- gaux, Latour, Mouton Rothschild et Haut-Brion -'- entame un mara- thonjudiciaire pour empecher son rival des Cates-de- Bordeaux d'utiliser Ie nom «Lafitte». «Notre propriete s'est pourtant toujours appeIee Chfiteau Lafitte depuis sa creation en 1763, conteste Phi- . lippe Mengin,.dont la grand-mere a rachete Ie vignoble en 1968. II ny a aucune confusion possible entre nQs noms: r;a n'est pas la meme etiquette ni la meme or- thographe.» Ce que contestent la famille Rothschild e:tses avocats. En toile de fond, il yale contrale d'une image-quivaut de l'or: Ieprix moyen d'une bouteille du premier grand cru classe en 1855 de Pauillac est parmi les plus eleves I du Bordelais - plus de 1300 eu- ros pourIe 200.8- alors que celui du cru des Cates-de-B6rqeaux tourne autour de 50 euros la bou- teille. Le 21 octobre 2008, la Cour de cassation reconnait pourtant les droits des Mengin. Mieux: elledechoit ceux de la fa-·· mille Rothschild sur l'utilisation isolee de la marque «Lafite». Un des plus copies Lante-kothschild a doncdecide de porter Iefer-en Chine OU la de- . mande en Bordeaux a explose (1). Or il se trouve que Chateau La- fite- Rothschildest un des crus les plus copies parles fraudeurs 10- caux. Et l'un des plus apprecies des Chinois fortunes qui, par rac- .courci, disent souvent «Lafite»: Rothschild est parait-il difficHe- ment prononc;able en mandarin. L'enjeu est clairement Ie contrale du nom pour verrouiller l'acces au juteux marche. Dans ce combat, Chateau Lafitte apparait comme Ie David de la Bible. «Lafite- Rothschild a plus d'influence et de moyens financiers, admet Philippe Mengin. Mais il yale droit.» Dans la Chine d'aujourd'hui, ou la lutte contre" la contrefac;on progresse, cela peut faire la difference. (1) Sur les douze derniers mois, les Chinois ont achetH70 000 hectolitres de vins de Bordeaux pour une valeur totale de 293 millions d'euros. 25 a 40 millions de Chinois consomment du bordeaux (source conseil interprofessionnel).

La guerre des Lafit(t)e fait rage - La Charente Libre, 18 février 2014

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Page 1: La guerre des Lafit(t)e fait rage - La Charente Libre, 18 février 2014

La guerre des Lafit(t)e_ fait mgeLe prestigieux eru de Pauillae eonteste aux proprietaires d'un vignobledes Cotes-de- Bordeaux tous droits sur lamarque Chateau Lafitte en Chine.

IIcroy.ait pourtant la partie ga-gnee. En juin 2013, la familleMengin celebre lors d'une

grande rete les 250 ans de son Cha-teau Lafitte, un crn repute en Ca-tes-de-Bordeaux. Philippe Mengin,qui gere avec son pere Maximilience vignoble de 50 hectares, s'ap-prete it poser Iepied en Chine,terrepromise pour ce vin dontles 300 000 bouteilles s'ecoulentit 95% it l'export.Les Mengin ont pris leurs pre-cautions. Suivant les recomman-dations du Bureau des vins deBordeaux, ils ont depose leurmarque «Lafitte» pour la preser-ver de la contrefac;on. L'adminis-tration chinoise, la SAIC - equi-valent de l'lnstitut national de lapropriete industrielle (INPI) enFrance - valide la demarche enavril 2013. L'enregistrement defi-nitif de la marque doit prendre.effet trois mois plus tard afin delaisser it tout contestataire Ietemps de deposer un recours.

IIPaS de confusionpossibleJl

En cette soiree de juin 2013,24 heures avant l'expiration dudelai de recours, Ie passe rattrapeles Mengin. «On apprenait queChfiteau Latite-Rothschild venaitde deposer une reqw§te devant laSAIC pour contester nos droitssur la marque, Chateau Lafitte en

Philippe Mengin est furieux: «Notre propriete s'est pourtant toujoltfs appeleeChoteau Lafitte depuis sa creation en 1763.>1 Photo S. M.

Chine», lache, furieux, PhilippeMengin. La guerre des noms dechateaux vient de s'exporter dansl'Empire'du Milieu.Tout commence it Bordeaux en2003, quand Ie premier grand crnde Pauillac - il partage cette raredistinction avec les chateaux Mar-gaux, Latour, Mouton Rothschildet Haut-Brion -'-entame un mara-thonjudiciaire pour empecherson rival des Cates-de- Bordeauxd'utiliser Ie nom «Lafitte». «Notrepropriete s'est pourtant toujours

appeIee Chfiteau Lafitte depuis sacreation en 1763, conteste Phi- .lippe Mengin,.dont la grand-merea rachete Ie vignoble en 1968. IIny a aucune confusion possibleentre nQs noms: r;a n'est pas lameme etiquette ni la meme or-thographe.» Ce que contestent lafamille Rothschild e:tses avocats.En toile de fond, il yale contraled'une image-qui vaut de l'or: Ieprixmoyen d'une bouteille du premiergrand cru classe en 1855 dePauillac est parmi les plus eleves

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du Bordelais - plus de 1300 eu-ros pour Ie 200.8 - alors que celuidu cru des Cates-de-B6rqeauxtourne autour de 50 euros la bou-teille. Le 21 octobre 2008, laCour de cassation reconnaitpourtant les droits des Mengin.Mieux: elledechoit ceux de la fa-··mille Rothschild sur l'utilisationisolee de la marque «Lafite».

Un des plus copies

Lante-kothschild a donc decidede porter Ie fer-en Chine OU la de-.mande en Bordeaux a explose (1).Or il se trouve que Chateau La-fite-Rothschild est un des crus lesplus copies par les fraudeurs 10-caux. Et l'un des plus appreciesdes Chinois fortunes qui, par rac-.courci, disent souvent «Lafite»:Rothschild est parait-il difficHe-ment prononc;able en mandarin.L'enjeu est clairement Ie contraledu nom pour verrouiller l'acces aujuteux marche. Dans ce combat,Chateau Lafitte apparait commeIe David de la Bible. «Lafite-Rothschild a plus d'influence et demoyens financiers, admet PhilippeMengin. Mais il yale droit.» Dansla Chine d'aujourd'hui, ou la luttecontre" la contrefac;on progresse,cela peut faire la difference.

(1) Sur les douze derniers mois, les Chinoisont achetH70 000 hectolitres de vins de Bordeauxpour une valeur totale de 293 millions d'euros.25 a 40 millions de Chinois consommentdu bordeaux (source conseil interprofessionnel).