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21 NOVEMBRE 2013, BORDEAUX LE DESIGN DANS L’ART CONTEMPORAIN COLLOQUE CONTRE LA DISSOLUTION DU DESIGN DANS L’ART CONTEMPORAIN www.stephane-vial.net Maître de Conférences en Design à l’Université de Nîmes Chercheur à l’Institut ACTE (UMR 8218), Université Paris 1 Sorbonne [email protected] @svial #artdesign « L’art pose des questions. Le design propose des solutions. » John Maeda

Contre la dissolution du design dans l'art contemporain

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Conférence au colloque de Bordeaux "Le design dans l'art contemporain" le 21 novembre 2013.

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21 NOVEMBRE 2013, BORDEAUX LE DESIGN DANS L’ART CONTEMPORAIN COLLOQUE

CONTRE LA DISSOLUTIONDU DESIGN DANS L’ART CONTEMPORAIN

www.stephane-vial.netMaître de Conférences en Design à l’Université de NîmesChercheur à l’Institut ACTE (UMR 8218), Université Paris 1 [email protected]@svial #artdesign

« L’art pose des questions. Le design propose des solutions. » John Maeda

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I.

LE DESIGN DANSL’ART CONTEMPORAIN ?

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PARTI PRISCe colloque avance masqué. Ce n'est pas un colloque sur le design. C'est un colloque sur l'art. Le design est

ici utilisé comme « poil à gratter » de l'art.

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LE PRÉAMBULE DIT :L’art contemporain a « effondré le socle desBeaux-Arts ». Il s’est débarrassé du beau.

Big Bang.

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MERCI, DUCHAMPMerci d’avoir rendu à l’art son être-au-jeu.

Et ce qui est vrai de l’artiste est vrai du philosophe.« Un philosophe qui n'est pas un humoriste

est un nul » (Roland Jaccard)

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ILHOOQ, CE COLLOQUEJe conteste le postulat de ce colloque,

et plusieurs de ses présupposés,énoncés et examinés ci-après.

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POSTULAT DE CE COLLOQUE< les artistes contemporains >

« ont laissé le designer industriel répondre à l’irrépressible, car consubstantiel, désir de beauté de l’être humain. »

(préambule du programme)

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PRÉSUPPOSÉ n°1ll y aurait un irrépressible et consubstantiel

désir de beauté chez l’être humain.

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D’ACCORDJe ne traiterai pas ce point.

Mais on peut l’admettre avec Freud (1908, « Le créateur littéraire et la fantaisie »).

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IMPORTANTCe présupposé nous renseigne néanmoins sur le fait que ce colloque est surtout préoccupé par la notion de beau, à partir de laquelle sont regardées toutes les

autres notions (design, art). Ce n’est pas un angle d’attaque de designer, mais d’esthéticien, et cela conditionne la manière de poser les problèmes,

qui ne serait pas celle d’un designer.

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PRÉSUPPOSÉ n°2Le designer est un designer industriel.

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FAUX PARCE QUE Le design contemporain ne se réduit plus au design

industriel, dans sa logique d’alliance avec la société de consommation. La culture du design s’est émancipée de l’industrie et existe dans les services, l’administration, les collectivités... (Voir la 27ème Région, www.la27eregion.fr)

On parle aujourd’hui de « design social » (Nynke Tromp, Social Design, Delft University of

Technology, PhD, juillet 2013).

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PRÉUSUPPOSÉ n°3La naissance du design au XXe s. consisterait en un transfert de la question du beau du monde de l’art vers le monde du design et, par suite, la finalité du

design serait de produire de la beauté *.

* où l’on retrouve l’obsession du beau chère à ce colloque

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PRÉCISIONCe présupposé s’appuie sur Jean-Pierre Séris :

« Le beau est passé du côté de la technique industrielle, et il a émigré du champ de l’art,

désormais affranchi de sa tutelle. »

Big Bang. De l’art. Again.

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FAUX PARCE QUELe design est peut-être soucieux d’esthétique,

c’est-à-dire de callimorphie. Mais la question de la forme n’est pas sa fin première. Elle n’est qu’un enjeu parmi d’autres. Le beau n’est pas d’abord un problème de designer. C’est peut-être un

problème de philosophe...

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Les designers ne sont plus « un clergé de gens en col roulé noir avec des lunettes de designer qui travaillent sur des petites

choses centrées sur l’esthétique, l’image et la

mode » (Tim Brown, Designers, think big !,

TED, juillet 2009)

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RÉSULTATÀ vouloir regarder le design dans l’art contemporain,

on finit par manquer le design contemporain.

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II.

LE DESIGN DANSLE DESIGN CONTEMPORAIN

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La pratique du design a changé.Les designers ont changé. Ils ont fait leur Big Bang.

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ESTHÉTIQUE INDUSTRIELLE ?Le design contemporain n’a plus rien à voir avec « l’esthétique industrielle » de Jacques Viénot ou

d’Étienne Souriau. Le slogan « La laideur se vend mal » de Raymond Loewy est une idéologie mercatique des

années 1950 qui n’a pas survécu à Victor Papanek (Design pour un monde réel, 1971). Les designers ont

fait leur Big Bang. Ils se préoccupent d’esthétique, mais le beau n’est pas d’abord leur affaire.

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LE DESIGN THINKING ÉNONCE-T-IL QUELQUE CHOSE OU RIEN ?

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PARADIGM SHIFTPour K. Krippendorff, le paradigme

fonctionnaliste (forme-fonction) est aujourd’hui dépassé. Le design n’est plus un vocabulaire de formes. « Les principes fonctionnels, esthétiques et

mercatiques qui ont fondé le design industriel dans le passé ont été remplacés ou éclipsés par des

préoccupations plus sociales, politiques, culturelles ». C’est le « tournant du sens » (Krippendorff, The

Semantic Turn: A New Foundation for Design, 2005).

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L’ÉCLIPSE DE L’OBJETC’est pourquoi mon collègue Alain Findeli parle

d’« éclipse de l’objet » dans les théories du projet en design (Findeli & Bousbaci, 2005). Tout comme

l’esthétique, l’objet n’est plus qu’un élément parmi d’autres de « l’effet d’expérience » (Vial, 2010)

auquel travaille le design en vue d’offrirdu sens aux usagers.

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JEUX DE MIROIRJEUX DE VILAIN ?

« Ce colloque propose de regarder l’art contemporain dans le miroir du design et le design dans celui de l’art. »

(préambule du programme du colloque)

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PREMIÈRE PERSPECTIVE« regarder l’art contemporain dans le miroir du design »

Le design comme miroir ou grattoir de l’art. L’art est la fin, le design est le moyen. Le design est-il un bon

moyen de regarder l’art ? Peut-être.Ce n’est pas ma question.

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SECONDE PERSPECTIVE« regarder le design dans le miroir de l’art »

L’art est-il un bon moyen de regarder le design ? L’art a-t-il les moyens de renvoyer au design un reflet fidèle de lui-même ? Je ne crois pas. Sauf si l’on suppose que

la frontière entre art et design n’existe pas. Je vais tenter de montrer au contraire qu’elle existe.

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III.

ART-DESIGNCRITÈRES

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CRITÈRE n°1L’art est autoplastique.

Le design est alloplastique.« The end or purpose of design is to improve or at least maintain

the “habitability” of the world in all its dimensions »Alain Findeli, “Searching for Design Research Questions”, 2010.

autoplastique = tourné vers lui-même et visant des modifications internes (de lui-même)alloplastique = tourné vers l’extérieur et visant des modifications du monde extérieur

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CRITÈRE n°2L’art est social par contingence.

Le design est social par nécessité.« L’art est l’expression d’une volonté individuelle [...]. Le design, en revanche, est fondamentalement autre chose que de l’expression de soi. Il a pour origine la

société. L’essence du design réside dans le processus qui consiste à découvrir un problème partagé par beaucoup de gens et à tenter de le résoudre. »

Kenya Hara, Designing Design, 2007.

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CRITÈRE n°3L’art engendre des « œuvres » pour des publics.

Le design élabore des « projets » pour des usagers.« L’art pose des questions. Le design propose des solutions. »

John Maeda, PARC Forum, Palo Alto, 26 juillet 2012.

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CRITÈRE n°4L’artiste est dans une logique d’auteur.

Le designer est dans une logique de professionnel.Il n’y a pas de cahier des charges en art. Sauf à en faire une performance...

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CRITÈRE n°5L’art travaille la forme par nécessité.

Le design travaille la forme par contingence.« People think it's this veneer -- that the designers are handed this box and told, 'Make it look

good!' That's not what we think design is. It's not just what it looks like and feels like.Design is how it works. » Steve Jobs, New York Times, 30 novembre 2003 (source)

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RÉSULTATLe design est une culture sui generis

fondée sur une épistémè propre aux designers.Le design comme la « troisième culture »

(qui n’est ni l’art, ni la technique, ni le marketing).“designerly way of thinking and communicating”, Bruce Archer, 1979.

“designerly ways of knowing”, “design as a discipline”, “third culture”, Nigel Cross, 1982.

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JEUAllez dans une école de design

et dites aux étudiants qu’ils sont des artisteset que le design remplace l’art contemporain.

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CONCLUSIONLa naissance du design au XXe s. n’est pas un

transfert de la question du beau. C’est la naissance d’une troisième culture, distincte de l’art et de la

science, qui parvient aujourd’hui à maturité. Regarder le design dans l’art contemporain revient à

un déni de cette culture, voire une dénégation. Seule la pratique du projet peut instruire sur le

design. Ce n’est pas dans le miroir de l’art qu’il faut regarder le design, mais dans le miroir du projet.

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< MERCI />Vial, S. (2013), « Le geste de design et son effet », Figures de l’art, n°25, p. 93-105.

Vial, S. (2010), Court traité du design, Paris, PUF, 128 pages.

(À paraître) Vial, S. (2014), Le design, Paris, PUF, “Que sais-je ?”, 2014.

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