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Grands ongulés, leseffets indirects liés àla présence du loup

FÉDÉRATION

Une étude originale conduite par la FDC de la Drôme s’est intéressée auxeffets indirects susceptibles d’agir sur la biologie et l’éthologie du chevreuilet du cerf du seul fait de la présence du loup sur un territoire.

AU-DELÀ DES EFFETS DIRECTS dus à la prédation,que le plan « prédateurs/proies » devrait évalueravec plus de précision, il était important de s’inter-roger sur les éventuels effets indirects que la pré-sence du loup pouvait exercer sur la dynamiquedes populations d’ongulés sauvages. C’est là l’ob-jet d’une étude conduite dès 2007 par la fédéra-tion des chasseurs de la Drôme suite au retourconfirmé du loup dans le département en 2003.L’idée : examiner la façon dont les populations-proies étaient susceptibles d’appréhender la pré-sence du prédateur à travers des modificationsde l’occupation de l’espace, de leur comporte-ment, ou même des modifications physiologiques.Le choix de l’étude s’est concentré sur le cerf et lechevreuil compte tenu de la prédilection du louppour ces deux espèces. Le premier enseignement

de cette étude a été que le chevreuil est, avec lemouflon, une des premières proies du loup, le cerfn’entrant dans son régime alimentaire quelorsqu’une meute est constituée ! Sur un plan mé-thodologique, l’étude a porté sur deux zones prochedu Vercors, l’une classée en ZPP (Zone de pré-sence permanente du loup) telle que définie parle réseau “Grands prédateurs” de l’ONCFS, l’au-tre sans, mais toutes deux relativement sembla-bles en termes de topographie, de végétation etde climat. Sur chaque zone, les indicateurs dechangements écologiques mis en place ont per-mis de mesurer la variation des effectifs des po-pulations-proies, la performance des individus(masse corporelle) et la pression de la populationsur son milieu (indice d’abroutissement et deconsommation).

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Des impacts immédiatsDans la ZPP, l’hypothèse de départ qu’il conve-nait de vérifier était de voir si, dans un premiertemps, la prédation entraînait une baisse des po-pulations, laquelle provoquerait une réduction del’impact du gibier sur la flore et, par voie de consé-quence, une augmentation du poids des animauxépargnés compte tenu des disponibilités en res-sources alimentaires plus importantes. Les pre-miers résultats montrent que les populations decervidés fonctionnent différemment sur les deuxzones. Les indicateurs évoluent de manière régu-lière et globalement positive dans la zone sansloup, et de manière irrégulière et négative dans lazone avec loup. Dans la ZPP, quatre types debaisses ont ainsi été constatées :• baisse du poids des chevrillards (2002), des faonset des biches (2003) ;• baisse de l’impact sur la flore ;• baisse des effectifs de chevreuils ;• baisse des effectifs de cerfs, uniquement au cœurde la zone avec loups.Dans la zone sans loup, on relève une certaine sta-bilité des indicateurs relatifs à la masse corporelleet à la pression sur la flore. En revanche, on constateune légère augmentation des effectifs, a priorisans répercussions pour le moment sur la massecorporelle.

L’exemple du chevreuilCompte tenu de l’historique des données et de laprédation avérée du loup sur cette espèce pré-sente sur les deux territoires, les résultats ici men-tionnés ne concernent pas l’espèce cerf.a) Plan de chasseDans la zone de présence du loup, les attributionsdu plan de chasse ont chuté de 50 % en 5 ans avantde se stabiliser à un seuil très bas. Dans les zonessans loup, les attributions augmentent. Par ail-leurs, l’écart entre les attributions et les réalisa-tions est plus important dans la zone avec loupsque dans la zone sans loup. A cela plusieurs rai-sons peuvent être invoquées : baisse des

Appareil de mesure des pattes de chevreuil inventé par la FDC de la Drôme.

Les loups s’en prennent aux grands cervidés lorsqu’ils sont en meute.u

Photos Malory Randon/FDC Drome

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u populations évidemment mais aussi plans dechasse mal évalués et souvent trop élevés, ani-maux devenus plus méfiants.b) Les indices de pression sur la floreCes relevés sont effectués depuis 2001 sur unepartie de la ZPP (Massif du Royans et du Vercors)et, depuis 2007, sur un des massifs de la zone sansloup (Massif de Saou). Ils mettent en évidence queles indices d’abroutissement et de consomma-tion présentent une tendance inverse. Ils sont àla baisse dans la zone à loups et à la hausse dansla zone sans. Puisque les ongulés sont moins nom-breux, l’abroutissement diminue.c) Poids des chevrillardsDans la zone de présence du loup, et contraire-ment à l’hypothèse de départ, toutes les valeursenregistrées après 2002 et 2003 restent infé-rieures au seuil le plus bas de l’année 2002, tan-dis que le poids dans la zone sans loup reste rela-tivement stable sur la totalité de la période.

ÉTUDES ET ESSAISCette étude, financée par la FDC de la Drôme, a été conduite parMalory Randon, technicienne, dans le cadre d’une formation au sein del’École pratique des Hautes-Etudes de Montpellier, sous la directionscientifique du Dr Ricci de l’Institut méditerranéen du Patrimoinecynégétique et faunistique, et sous la direction du professeurGuillaume de l’Université de Montpellier. De son côté, Joël Mazalaigue,administrateur de la FDC de la Drôme et ancien professeur demathématiques, s’est essayé à évaluer l’évolution de la population deloups en France et ses conséquences économiques.En tenant compte du fait que les projections pour 2013-2018 ont étéétablies sur la base d’un taux de croissance résiduel moyen annuel de12,5%, modeste par rapport au taux de croissance médian de 19%constaté entre 1997 et 2012, il est possible d’estimer la population deloups à près de 500 individus en 2018.Avec le taux résiduel de progression de 19%, la population serait deplus de 700 individus.Cela veut dire que, en hypothèse moyenne, les attaques de troupeauxpasseraient à plus de 3 000 par an et concerneraient plus de 12 000animaux domestiques. Le coût des indemnisations dépasserait alorsles 4millions d’euros et celui de la protection des troupeaux bondirait à plus de 35millions.

d) StressL’absence de prise de poids des chevreuils dansla ZPP met en évidence l’impact du stress causépar la présence du loup. Les ongulés sont plus in-quiets et sur la défensive même en période de re-cherche de nourriture. Cela engendre une pertede poids qui, si elle se prolonge, peut affecter lafécondité des chevrettes (avortement) et hypo-théquer sérieusement les chances de survies es-tivale et hivernale des jeunes nés de chevrettesfragilisées.

Les points essentiels de cette étude1. La prédation du loup a des effets directs avérés.2. La topographie et la végétation augmententles probabilités et les chances de prédation.3. La présence de troupeaux domestiques facilitel’installation du prédateur mais, d’une manière gé-nérale, les cervidés constituent les proies de pré-dilection et leur présence en bonne densité est unfacteur favorisant.4. Un loup en phase de colonisation est généra-lement en présence d’une faune sauvage moinsvigilante. La prédation s’exerce donc sur tous typesd’animaux de taille moyenne (jeune, adultes, vieux,mâle ou femelle, malade ou en bonne santé) avecune consommation unique (4 à 5 kg) sans aucunretour sur la proie.5. En meute, les besoins énergétiques augmen-tant, les proies sélectionnées seront de tailles plusimportantes (cerf). Les retours sur carcasses de-viennent plus fréquents et les proies sont entiè-rement consommées.6. La présence des prédateurs induit de nombreuxeffets indirects difficilement quantifiables, maisdont la gestion future devra tenir compte. Lesproies subissent un stress chronique. Elles sontcontraintes à redoubler de vigilance et doiventchercher en permanence de nouveaux secteursde tranquillité, en dépit de la qualité des ressourcesalimentaires.7. Ces nombreux efforts ont des conséquencesnon négligeables sur leur masse corporelle, sur

Lesonguléssont sur ladéfensivemême enpériode derecherchedenourriture

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Photos Malory Randon/FDC Drome

Malory Randon, entrain d’examiner uncadavre dévoré par lesloups. Les traceslaissées dans la neigepermettent decomprendre lastratégie adoptée parles prédateurs pourattraper leur proie.

leur état physiologique et leur survie, notammenthivernale :• de la qualité et de la tranquillité du site va dé-pendre le poids des animaux,• du poids (seuil déclencheur) va dépendre l’en-trée en œstrus chez les femelles,• du poids va dépendre la survie de la mère auxdépens du jeune (avortement),• du poids de la mère va dépendre le poids de nais-sance du jeune,• du poids de naissance du jeune va dépendre sapropre survie estivale et hivernale,• de la survie du jeune va donc dépendre le renou-vellement de la population.Au vu de ces résultats, il est important de pour-suivre cette étude. La FNC vient d’apporter son

soutien financier. La FDC de la Drôme va donc pou-voir étendre ses indicateurs de changements éco-logiques à tout le département de manière à mieuxappréhender les tendances évolutives des popu-lations d’ongulés sauvages.

Alain Hurtevent,président de la FDC de la Drôme

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Comment déceler la présence du loup ?

SUR LE TERRAIN

Malory Randon, technicienne à la FDC de la Drôme, travaillesur le loup depuis 2003. Elle nous donne ici quelqueséléments pour déceler la présence du loup sur un territoire.

Premier conseil : s’inscrire à la for-mation loup proposée par le “ré-seau grands prédateurs” de l’ONCFSpar l’intermédiaire de votre DDT.Deuxième conseil : profiter desjours de neige pour effectuer dessorties sur le terrain.1) Bien connaître ses populationsde gibier permet de déceler très ra-pidement une baisse des effectifs(ou une modification du compor-tement) et donc d’envisager la pré-

sence du loup si toutes les autres causes sontécartées (maladies et facteurs climatiques no-tamment). Cela permettra aussi d’affiner le plustôt possible les plans de chasse pour “peut être”aider les espèces d’ongulés à se rétablir plus ra-pidement.2) Cela se confirmera sur le terrain par la décou-verte d’un ou plusieurs cadavres. La principale dif-ficulté est alors de distinguer l’attaque d’un loupde celle d’un chien. L’attaque du loup est rapideet propre (rapport dépenses/énergie) en moinsde 100 mètres. On pratique une autopsie en dé-coupant la peau au niveau du cou car c’est là quele prédateur attrape ses proies. La morsure estnette, portant seulement deux (quelques fois qua-tre) trous des crocs à la gorge, plutôt en dessousdes oreilles. C’est relativement facile à détermi-ner si le cadavre est retrouvé peu de temps aprèsl’attaque. Il faut regarder ensuite comment la proieest ouverte (peau retournée en chaussette, pro-prement écorchée, os brisés, panse à proximité…)

et la quantité de viande consommée qui détermi-nera le nombre de prédateurs. Si vous arrivez moinsde 12 heures sur un cadavre de biche entièrementconsommé, il s’agit très certainement de l’œuvrede plusieurs loups. Après 48 heures, l’autopsie de-vient compliquée car d’autres prédateurs ont pro-fité du cadavre (renards, corvidés, sangliers…).L’attaque d’un chien est quant à elle plusbrouillonne. Il mord souvent sa proie à plusieursendroits, aux pattes, au ventre, finalement au couqui en sortira véritablement broyé, mâchouillé.3) Lorsque le loup est seul, il va prélever 5 à 10 kgsur sa proie. En meute, il n’en restera rien hormisle squelette et la peau retournée en chaussettes.Généralement, la tête de l’animal est intacte (sid’autres prédateurs type corvidés ne sont pas pré-sents). Dans le cas du chien, la proie est mangéemoins proprement, peau comprise.4) Une empreinte seule ne suffit pas à différencierle loup d’un chien. Les deux animaux peuvent avoirla même taille au niveau des empreintes et le mêmeempattement (distance entre trois empreintes).Un chien marchant au pied de son maître peutavoir, sur une courte distance, le même aligne-ment à la marche qu’un loup.C’est pourquoi, il faut pouvoir suivre la trace surplus de 200 m pour apprécier la trajectoire plusrectiligne d’un loup. Ce sera donc d’autant plusfacile par temps de neige.Malgré tout, lorsque les premiers effets sontconstatés, cela veut dire que le loup est déjà surle territoire depuis au moins deux ou trois ans !Contact : [email protected]

Morsure propre à lagorge et tracesspécifiques dans laneige permettentd’identifier la présencedu loup.

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