63210095 Cours Sur La Common Law

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HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION UNIVERSITE PARIS OUEST-NANTERRE LICENCE ANNEE 2010/2011 COURS DHISTOIRE DE LA COMMON LAW (J.P. POLY)

INTRODUCTION

Dans ce cours, nous tudierons la Common Law. Elle est en gnral assez peu connue des tudiants en droit franais et elle embarasse souvent le juriste franais ou continental,. Elle na pas en effet la mme tradition que notre droit, elle ne relve pas de la mme culture juridique. Aussi ltude de son histoire peut-elle faciliter sa comprhension. Demble se pose un problme de traduction et de dfinition. Ecartons tout de suite les traductions par droit commun ou loi commune . Droit commun est trop riche de sens varis pour nous et ne correspond pas au sens anglais. Loi commune ne correspond rien pour un juriste franais. Do le paradoxe de Picard (Dictionnaire de la Culture Juridique p. 244) : le Common Law demeure donc indfinissable, sauf le dcrire par ce trait mme . Pourtant dautres auteurs ont tent la dfinition. Ainsi, pour Ren David, la common law, btie de dcision en dcision par la pratique des Cours, apparat comme tant essentiellement une uvre de raison (reason), exprimant le sentiment de la justice et de lopportunit politique du XIIIe sicle, qui est le grand sicle de son laboration 1. On le voit, lauteur nous montre que la raison, chre Descartes et ses compatriotes, nest pas absente de la Common Law, mme si cette raison britannique est mal reconnue par la notre. Difficilement dfinissable de manire synthtique, la common law peut tre explique, par une comparaison contraste avec les autres grandes familles de droit europen ; contrairement elles, elle forme une cole de pense bien distincte dans laquelle le droit romain na pas laiss de traces aussi profondes. Voyons dans cette introduction, une dfinition de la common law (I), ainsi que linfluence du droit romain en Occident (II).

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Ren David, Cours polycopi de droit compar 1961-1962, Paris p. 49 ; Legeais, p. 14.

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HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION I. UNE DFINITION DE LA COMMON LAW La common law constitue une famille de droit. Nous verrons ensuite ses principaux caractres. A. Les familles Nous ne ferons pas ici de comparatisme avec toutes les famille de droit, mais seulement avec la ntre. Nous opposerons donc la famille romano-germanique la famille de la common law. Commenons par celle que vous connaissez le mieux. 1. La famille romano-germanique (Legeais & David). Cette famille groupe les pays dans lesquels la science du droit sest forme sur la base du droit romain. Les rgles du droit sont conues comme tant des rgles de conduite, troitement lies des proccupations de justice et de morale. La science du droit dtermine quelles sont ces rgles. Dans ce but, la doctrine sintresse assez peu lapplication du droit. Lapplication du droit est affaire des praticiens et de ladministration. Cette famille comprend des systmes de droit qui font techniquement dpendre les solution juridiques surtout de la loi crite. Dans cette famille la justice est comprise comme la finalit directe du droit (Ce nest pas comme dans les anciens systmes socialistes o la finalit du droit est la construction dune nouvelle socit). Dans cette famille les rgles juridiques sont en gnrale codifies, pour la plupart. Luvre de codification a tout dabord dbut par le droit civil. Ce droit civil est demeur pendant longtemps le sige de la science du droit. Le juge applique ces rgles et au besoin les interprte. Il na cependant quun rle complmentaire dans la dfinition du droit (tous les juristes ne lui accordent pas ce rle). Le droit tend vers la justice (il ne parvient pas toujours la raliser) et cette fin est fixe par lEtat. Les juristes tentent de raliser la justice entre lEtat et les citoyens (droit public) et dans les rapports entre particuliers (droit priv). La famille romano-germanique a son berceau dans lEurope. Elle sest forme par le travail des Universits europennes qui se sont dveloppes nous le verrons partir du XIIe sicle. LAllemagne et la France rpondent par exemple ces critres. 2. La famille de la Common Law. Les systmes de common law sopposent au groupe de systmes juridiques prcdent. Le groupe romanogermanique est dfini par les Britanniques par rfrence la notion de civil law . La France, de leur point de vue, est ainsi un pays de civil law . Mais, naturellement, civil law ne veut pas dire ici droit civil au sens franais : l'expression devrait plutt se traduire par systme juridique inspir par le droit romain , et donc codifi. On considre quil y a pour cette famille, un droit source qui est le droit anglais. Dans ce groupe, on compte le droit anglais et les droits qui sont models sur le droit anglais. La finalit idologique est la mme que celle de la famille romano-germanique : la justice. Mais ce qui diffre ici, cest la technique. Cette famille a une technique qui lui est propre : le droit dpend essentiellement du juge. Celui-ci se rfre sans doute aux textes du droit crit, mais il trouve les notions fondamentales et beaucoup des solutions applicables dans les dcisions antrieures des cours. La mthode qui est alors employe et qui simpose au juge est celle des prcdents. La rgle de droit est moins abstraite que la rgle de droit de la famille romano-germanique. Cest une rgle qui vise donner sa solution un procs, non formuler une rgle gnrale de conduite pour lavenir. Le but nest pas ici dtablir les bases de la socit, mais de rtablir lordre troubl. Donc, les rgles concernant ladministration de la justice, la procdure, la preuve, lexcution des dcisions de justice, ont un intrt gal, sinon suprieur aux rgles concernant le fond du droit. Enfin, la common law est par ses origines, lie au pouvoir royal (nous le verrons). Elle apparat donc au dpart comme un droit essentiellement public (les contestations entre particuliers taient soumises aux cours de common law que dans la mesure o elle mettaient en jeu lintrt de la couronne ou du royaume). [Le droit civil issu de la science des romanistes na donc jou quun rle trs restreint]. Les concepts et le vocabulaire sont diffrents de ceux du droit romain et continental. 2

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION Enfin, parmi les pays de common law, il en est comme les Etats Unis ou le Canada dans lesquels sest forme une civilisation diffrente de la civilisation anglaise. Le droit de ces pays revendique une large autonomie au sein de la famille de la common law. Conclusion Une problmatique comparatiste oppose les droits fonds sur la primaut de la loi et les droits fonds sur celle de la coutume. Opposition en partie illusoire aujourdhui ? Ct anglais : importance du Statute Law. A linverse sur le continent, importance de la jurisprudence (mais pas de codification de Common Law / arrts de rglement interdits par C.Civ.). Dun ct il y a la fiction du caractre immmorial de la coutume (Angleterre) contre la fiction de la primaut de la loi (continent). La common law est parfois qualifie de case law , droit jurisprudentiel. Le juge tait/est suppos dclarer la coutume immmoriale du peuple anglais : thorie dclaratoire a servi de dfinition la common law. Coutume immmoriale : exemple, un jugement de 1926 citant la loi dIne roi de Wessex (688-694). Dclaration par le juge ne pose pas moins de problme un juriste franais. En France, la Rvolution entendait supprimer larbitraire du juge (C.pn. de 1791), qui devait seffacer devant la primaut de la Loi, expression du peuple souverain Dun autre ct en Angleterre, le juge est suppos dire le droit . B. Caractristiques de la common law (Picard (DCJ) ;Legeais p. 14) Du point de vue externe le plus gnral qui soit, la common law dsigne l'ensemble du systme juridique qui est n en Angleterre il y aura bientt mille ans, qui sy applique toujours. Elle sest depuis lors, rpandue selon des modalits bien diverses, dans une grande partie du monde - celle qui correspond l'ancien Empire britannique. L'expression common law caractrise donc l'ensemble du systme juridique anglais. Mais ce systme recouvre cependant diverses sortes de droits, dont seul l'un d'eux correspond la notion de common law, comprise cette fois-ci en un autre sens, plus troit et plus spcifique. On peut tenter une dfinition de la common law (au sens troit) en faisant daprs Picard une approche externe (en lopposant dautres formes de droits), puis interne (en voyant ce qui la caractrise). 1. Approche externe Nous dfinirons la common law ngativement en montrant quelle contient des rgles qui ne sappliquent pas toujours tous : ce nest pas un droit commun (a). Dautre part, elle soppose une autre norme : lequity (b) . Enfin elle soppose aussi ce que lon appelle le statute law (c). a. La common law nest pas un droit commun On a coutume du dire en Angleterre que la common law remonte des temps immmoriaux (on pense surtout aux Anglo-Saxons). En ralit elle remonte au mieux la conqute normande (1066), en fait surtout la seconde moiti du XIIe sicle. cette poque on applique toujours, en Angleterre, diverses rgles dorigine anglo-saxonne. Ce sont les justices seigneuriales ou fodales qui continuent utiliser ces rgles pendant un certain temps, chacune leur ct et de faon trs diffrente. Mais, peu aprs la fondation du royaume (anglo-normand), la justice royale, rendue par des juges itinrants, a russi assez rapidement, imposer l'ensemble du territoire une loi commune, partir du XIIe sicle. Cest ce que lon appelait la commune ley qui deviendra donc en anglais common law. La common law sest donc caractrise, initialement, par sa capacit synthtiser les rgles locales ou particulires et plus encore sy substituer. Mme si la common law a t un instrument de la justice royale et le fruit mme de la justice royale ou du pouvoir du roi (un pouvoir fort, centralis), la common law admet une diversit des contenus. La common law (moyen et objet du pouvoir du roi, source de toute justice), a parfaitement pu admettre que des coutumes ou des rgles particulires continuent de s'appliquer ici ou l. Elle admet mme certaines juridictions particulires. Ces rgles particulires ont pu continuer s'appliquer en vertu mme de la common law. On ne peut pas opposer la common law des rgles ou coutumes particulires et prcisment non communes . On peut donc trs bien englober ces rgles spcifiques voire drogatoires ce droit commun que forme la common law. 3

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION La notion se complexifie puisquelle renvoie alors non plus une uniformit de contenu, mais au fait que tous ces droits particuliers sont admis au sein du mme systme de common law applicable dans l'ensemble du Royaume. Exemple : les droits qui s'appliquent en cosse et en Irlande du Nord sont galement des droits de common law. Pourtant, ils diffrent en leur contenu de la common law applicable en Angleterre et au Pays de Galles (lequel est en principe identique pour ces deux pays). De mme (mais dans un autre ordre dide), il est encore vrai aujourd'hui que la common law peut comporter des rgles trs largement drogatoires applicables certaines entits. Par exemple, la prrogative royale (au sens anglais), qui rassemble un large faisceau de ce que nous appellerions en France des prrogatives de puissance publique, est admise en common law. En effet, selon les juges, cette prrogative est juridiquement valide. Elle est sanctionne en droit positif sans avoir tre institue par un acte formel du Parlement. Dans ces conditions, la notion de common law n'a rien voir avec celle d'un droit commun au sens franais. Nous avons vu en effet que la common law comporte des rgles nettement drogatoires au profit de la couronne, qui seraient qualifies en France de rgles exorbitantes du droit commun . La diversit caractrise la common law. b. La common law se dfinit par opposition lequity La common law se comprend ensuite par opposition la notion d' equity mme si lexpression de common law peut, selon le contexte, s'appliquer l'ensemble du droit labor par le juge, lequel comprend donc aussi lequity. Lequity est ne, ds le Moyen ge, cause des imperfections et des rigidits de la common law de l'poque. Cette common law tait dj fonde sur le systme strict du prcdent (ou du stare decisis , formule latine qui signifie que le juge doit sen tenir la solution dj adopte dans des cas identiques ou similaires lit. s'en tenir ce qui a t dcid ). Ainsi, lorsque les solutions de common law : - paraissaient trop svres, - ne comportaient pas de rgles de fond ou de procdure pour sanctionner certaines sortes d'obligations - lorsqu'elles s'avraient incapables de faire clater la vrit ou ne paraissaient pas adaptes certaines situations particulires ou encore demeuraient sans effet, Il tait alors possible de s'adresser directement au roi. Le roi, source de toute justice tait donc capable d'imposer la solution la plus satisfaisante. Dbord, le roi a confi l'examen de ces recours son chancelier (gnralement un clerc, qui pouvait tre par ailleurs son confesseur et qui en tout cas en avait la confiance). Le chancelier examina bientt ces recours au sein d'une cour spciale : la Court of Chancery . Mais si lequity n'tait pas du droit au sens propre de l'poque - le seul vrai droit tant la common law -, le chancelier ne pouvait nullement statuer arbitrairement. Il devait tre inspir par : la conscience, la bonne foi, la raison, la morale, la justice (la common law visait elle aussi la justice, mais il tait reconnu quelle n'y parvenait pas toujours). Le recours lequity introduisait donc, dans le systme d'administration du droit, un prcieux lment de souplesse et de rectification. Cependant, le chancelier devait adopter lui aussi des rgles et respecter ses prcdents. En cela, il pouvait tre dit que l equity follows the law , c'est--dire respecte le droit, ds lors que le droit nat de la rptition des prcdents et de l'obligation de les respecter. Lequity est donc elle aussi un systme de rgles de droit, parallle la common law au sens troit. Ce systme a des mthodes trs comparables sur ce plan. Les mthodes de lquity consistent appliquer des rgles anciennes des cas nouveaux. Ces rgles vivent et sont adapte progressivement la nouveaut des situations et des exigences du juge dequity. Lequity peut et doit comporter des rgles qui, dans leur substance, lui sont propres et peuvent diffrer de la common law. Cest vrai naturellement dans les domaines dj couverts par des rgles de common law. Mais, par ailleurs, lequity sest constitu des domaines propres (comme le trust et le legs), qui ne sont donc pas, en principe, rgis par la common law. La coexistence de ces deux branches du droit ne suscite donc pas ncessairement de rels conflits. 4

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION Cependant, lide essentielle est que lequity ne combat pas la common law, mais l' assiste lorsquelle apparat dfectueuse. (Ainsi, lequity peut comporter des remedies (actions juridictionnelles) diffrentes de celles de la common law, comme l' injunction (injonction juridictionnelle) destine confrer une meilleure porte des rgles de common law ). Sur le plan institutionnel, les cours de common law et les cours dequity ont t fondues au sein dune nouvelle organisation judiciaire en 1873 qui permet aux juridictions dappliquer lun ou lautre droit selon les cas. La dualit des droits demeure donc bien aujourdhui et soulve la question rcurrente de leurs relations exactes et de leur possible fusion, au moins ponctuelle, l o les solutions convergent ou doivent au contraire tre harmonises. c. La common law soppose au statute law La notion de common law soppose cette autre grande notion du droit anglais et anglo-amricain : le statute law . En effet, le droit anglais comporte plusieurs grandes branches dont la formation retrace assez exactement lvolution du pouvoir royal. Le pouvoir royal peut tre considr dans ses relations avec les juges, d'une part, et avec le Parlement, dautre part. Toute lhistoire des cours royales, sur ce plan, a t de s'affranchir de plus en plus du roi lui-mme. Mais la common law judiciaire originaire, assortie de lequity, sest ensuite surajout un autre droit manant cette fois dabord du roi lui-mme agissant en son Parlement. Il a ensuite man du Parlement : la dtention relle de la souverainet tant passe des mains du roi celles du seul Parlement lui-mme. Le roi a ainsi perdu, successivement, le pouvoir de dire le droit par la voie de la justice et de le faire par la voie de la loi, ce qui a entran la formation d'autant de branches du droit. Le Parlement tant donc aujourd'hui souverain, il peut poser des rgles par ses Acts , qui peuvent modifier ou carter plus ou moins la common law. Ces Acts forment ainsi le statute law. Common law se comprend donc aussi par opposition statute law. Common law, equity et statute law forment les trois lments du systme de common law pris au sens large... La souverainet du Parlement est entire et il peut donc compltement droger aux rgles de la common law. Cependant, ce pouvoir de drogation vient en ralit par l'effet mme de la common law pris au sens strict. Les juges appliquent intgralement les rgles du statute law poses par le Parlement (sous rserve de la primaut du droit europen sur ces dernires) en suivant la common law. En effet, la souverainet du Parlement, qui doit tre tenue pour une rgle constitutionnelle, est certainement une rgle coutumire. Elle n'a jamais t pose par une constitution crite. Cela ne l'empche pas de se voir sanctionne par les juges. En l'absence de loi suprme et gnrale, la souverainet du Parlement peut donc, de ce point de vue, tre tenue pour une rgle de common law. D'ailleurs les juges anglais peuvent aujourd'hui encore, par leur seule autorit et en common law, reconnatre certains droits personnels la porte de droits fondamentaux ou constitutionnels . Les deux droits entremlent souvent leurs rgles d'une faon ou d'une autre. Nombre de normes (chartes, de bills, de dclarations) proclams autrefois par le Parlement se sont progressivement incorpors la common law (spcialement dans le domaine des droits et des liberts des personnes). De mme, nombre de droits fondamentaux ou de rgles de droit admis en common law ont pu tre repris par une norme de statute law. On peut donc galement admettre, de ce point de vue, que la common law, en tant que systme, englobe le statute law, qui peut pourtant souverainement droger certaines rgles de la common law prise au sens troit... Mais ces rapports entre common law et statute law ne valent que pour le Royaume-Uni. Ils n'ont pas d'application dans d'autres pays - qui sont pourtant, eux aussi, des pays de common law lorsquils obissent une autre constitution, spcialement les tats-Unis d'Amrique.

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HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION 2. Approche interne Les questions qui se poseront ici tendent essentiellement dterminer la faon dont se forge la common law quant son contenu, et tablir ce qui explique son caractre obligatoire. Coutume ou jurisprudence ? Tout dabord, soulignons que la common law sest forme, en son principe, assez peu de temps aprs la Conqute normande. Le principe dun droit coutumier existait dj ce moment, il restait lui imposer un nouveau contenu. Cela a dailleurs contribu lui retirer son caractre coutumier pour en faire (au moins partiellement) un droit de souverainet. Les juges ont en effet statu au nom du roi. Ds cette poque, la common law a comport des principes ou des rgles, dont certains venaient du droit romain, qui se sont transmis de sicle en sicle tout en voluant depuis lors. Deux caractres : - La common law est en effet entirement tablie depuis des temps immmoriaux, mais quelle est nanmoins reste stable en tant quelle correspond un certain systme de droit. Ce systme na jamais t pos par une volont formellement identifiable. - Ce systme comporte des normes qui voluent progressivement au fil des sicles ou soudainement au gr des espces. Les juges et leurs dcisions jouent une part active dans la dtermination de ces rgles et probablement leur formation. Il apparat donc que, dans toute son histoire, la common law tout la fois change (les normes voluent) et ne change pas, lesprit du systme se maintien et le systme lui-mme reste assez identique lui-mme.. Surtout, la common law n'est mme pas affecte, de lextrieur, par les codifications possibles que peut oprer le Parlement. En Angleterre les modifications faites par le Parlement sont toujours ponctuelles et ne cherchent pas absorber tout le droit dans ce statute law ( la diffrence de la codification napolonienne). La common law survit toutes modifications, en ralit assez frquentes. On peut donc soutenir, avec des auteurs qui ont paru exprimer une sorte de consensus, au moins leur poque, que la common law crot et se dveloppe, mais n'est pas pose par une autorit identifie. La doctrine la mieux tablie au XVIIIe sicle se plaisait dmontrer l'ide que le juge ne faisait pas la rgle de droit, mais qu'il la dclarait simplement, car elle existait de toute ternit (thse soutenue spcialement par Matthew Hale, dans son History of the Common Law of England (1713) ou encore par William Blackstone dans ses Commentaries on the Laws of England (1765)). Et ces auteurs imputaient la formation de ce droit on ne sait trop quelle instance quasi transcendante, dont le juge constituait simplement loracle. Mais d'autres auteurs comme Jeremy Bentham et John Austin, qui se sont gausss de cette fiction infantile , tiennent le juge pour l'auteur vritable de ce droit et le considrent comme un vrai lgislateur ne voulant pas se reconnatre comme tel. Ces auteurs taient trs favorables l'intervention du Parlement, moins conservateur et plus progressiste. Les juges appliquent des principes ou des rgles dj formuls dans le pass et, ce faisant, ils dclarent bien le droit. Mais, en lappliquant des cas nouveaux tout en en dduisant des consquences jusqu'alors indites (en ce qu'elles n'avaient pas encore reu cette application, ou ne prsentaient pas la mme porte ou ne s'appliquaient pas dans le mme champ...), ils contribuent bien, ncessairement, forger le droit nouveau. Lorsque la situation juger est radicalement indite, ce qui arrive assez rarement (car il est toujours possible, selon la dfinition plus ou moins fine de la question juridique trancher, de la rattacher des cas plus anciens), le juge peut s'appuyer sur une pluralit de considrations, tires, selon le cas : du droit romain, des principes de droit naturel, de la pratique des acteurs de la vie juridique concrte, du droit compar, spcialement le droit appliqu dans les autres pays de common law, de l'opinion de la doctrine autorise ; 6

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION il peut encore se fonder sur des considrations de pure opportunit ou de politique jurisprudentielle ou plutt de jurisprudence politique... Mais il ne se comporte jamais comme s'il tait un lgislateur souverain, capable de poser une rgle radicalement nouvelle. Ce serait compltement contraire aux exigences de la Rule of Law . Chaque juge, lorsquil tranche un cas, respecte des rgles. La doctrine du stare decisis ou du prcdent en est la manifestation essentielle. Cest bien cette doctrine (prise ici au sens de norme obligatoire) qui confre toute sa spcificit la common law. Comparaison avec la jurisprudence du continent (mais avec des rserves). En France : Dans un systme domin par le principe de la lgalit, la jurisprudence consiste essentiellement dterminer et interprter la loi ou les rglements applicables. Un juge ninvoque jamais sa propre jurisprudence et dclare seulement dappliquer la loi. Il nen va diffremment que lorsqu'il entend imposer des principes non crits, comme les principes gnraux du droit - qu'il prtend d'ailleurs dcouvrir et non forger. Le juge franais peut librement changer sa jurisprudence, sans avoir s'en justifier autrement. Sous cette rserve, la stabilit de la jurisprudence est donc tributaire, en France, de la stabilit de la loi. En common law , les juges anglais se trouvent dans une tout autre situation : ils ont l'obligation d'appliquer la mme solution que celle dj donne aux cas identiques ou similaires antrieurement jugs. Le seul fait, pour les juges, de respecter strictement le caractre obligatoire des prcdents (depuis toujours), ne fait que renforcer la porte de cette rgle. Les juges ont intgr cette rgle comme une sorte d'autodiscipline. Et, pour tous les juristes britanniques, elle constitue un lment intrinsque leur culture. Il est difficile de savoir exactement comment sest impose cette mthode. Les juges ont voulu viter larbitraire. Ils ont donc t fidles aux prcdents ( Ds 1250, Henri Bracton consigne 2000 cases). Si jamais des choses similaires se produisent, dit-il, elle doivent tre juges de la mme manire : car il est bon dagir (proceed) de prcdent en prcdent . La rgle de stare decisis va ensuite devenir une rgle obligatoire (mais formalise seulement au XIXe sicle par la Chambre des Lords). Cette rgle est caractristique du travail des juristes anglais. Ainsi, dans chaque procs, toute la discussion judiciaire va porter sur le point de savoir s'il y a un prcdent, dans quel sens prcis il a t tranch. Le juge lui-mme, par son jugement, devra prendre position dans cette discussion. Cela explique la motivation trs argumente, en droit, en fait et en valeur, des dcisions juridictionnelles. Naturellement, le prcdent n'est obligatoire que s'il a t jug par une cour suprieure celle qui est appele se prononcer. Mais la juridiction mme qui aurait dj jug dans tel sens une affaire antrieure identique ou similaire, est en principe formellement oblige de s'en tenir la mme dcision. C'est du moins ce que le droit a impos pendant des sicles, et cela mme l'gard de la juridiction suprme du royaume (le Comit des appels (Appellate Committee) de la Chambre des lords). Exception la rgle du prcdent Des artifices ont permis de ne pas remettre en cause le principe sacro-saint, tandis que le droit a constamment volu. En ralit, un juge peut toujours russir chapper aux exigences formelles du principe en montrant que le cas trancher ne s'tait en ralit jamais prsent jusqu'alors, du moins tel quel. Cela est toujours vrai, car les faits varient toujours infiniment, mme si c'est d'une faon infinitsimale. Aujourd'hui et depuis 1966, la Chambre des lords a reconnu que si les prcdents dj jugs par elle s'imposaient toujours en principe, mme ses propres dcisions, elle pourrait nanmoins s'en carter le cas chant, lorsque cela lui apparatrait juste de le faire. En 1992, la Court of Appeal a pos elle aussi la possibilit de s'carter d'un prcdent qu'elle aurait elle-mme jug, dans les affaires o serait en cause la libert d'une personne et pour lesquelles l'application du prcdent entranerait une injustice (les Divisional courts lont aussi dcid pour elles-mmes, en 1984). Le droit anglais a t et demeure lun des grands systmes dinfluence travers le monde. Ceci pour des raison politiques et conomiques, mais aussi cause de sa valeur technique. Il existe des influences partielle innombrables. Certaines sont ponctuelle (le trust), dautres moins (nouvelle procdure pnal en Italie). Dans 7

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION certains cas, il y a mme eu une vritable transposition dans des systmes nationaux. Cela a permis de constituer une famille des systmes de common law. Mais chaque systme a pu prserver son identit. On distingue donc le droit anglais lui-mme et les systmes o il a t transpos ou quil a influencs. Ce monde de la common law a donc une unit que ne connat pas la famille des systmes post-romains (Legeais 91). Il se distingue des famille de droit continentales fortement influence par le droit romain. Un droit romain qui aurait pourtant pu simplanter davantage dans les les britanniques (invasion romaine, enseignement au XIIe sicle, prsence de lEglise). Cela na pas t le cas, nous verrons pourquoi. [problmatique et plan] Comprendre lesprit dun droit, cest comprendre comment se sont formes des fictions, des prsupposs, voire les fantasmes qui sous-tendent le discours juridique. Prsupposs souvent exprims de faon plus claire dans le pass, peu peu enterrs sous le discours rationnel ; do lutilit de considrer le droit dans son dveloppement historique. Les structures mentales, juridiques ou autres, sont des courants de trs longue ampleur. Le grand juriste anglais Maitland (Frdric William M., 1850-1906) a dit, aprs la suppression de la procdure par writs (en 1873-1875, cf. infra) : nous avons enterr les writs, mais de leur tombe, ils gouvernent encore nos esprits . Ainsi ce systme procdural par writs a t-il model le droit anglais tel quon lapplique encore aujourdhui (les writs ayant eux-mme disparu). Lhistoire du droit permet de mieux comprendre le droit positif. Un droit positif anglais trs ancr dans le pass. Et ceci tel point que certains auteurs ont parl au sujet de la common law, de la coutume immmoriale du peuple anglais . Jusquo faut-il donc remonter ? Dans son manuel sur Le systme juridique de lAngleterre, Henri Lvy-Ullmann voque un jugement de 1926 citant la loi dIne roi de Wessex (688-694). Par ailleurs, les anglo-saxons ont laiss en hritage certains lments, comme ladministration locale, sur lesquels se btira la common law. Jai donc choisi de dbuter ce cours au dbut de la priode historique, cest--dire lpoque de limplantation romaine (rapidement voque), mais surtout au dbut de la priode anglo-saxonne.. Plan : - Partir du problme des origines de cette coutume immmoriale du peuple anglais . Dans cette origine en partie fantasmatique, nous allons observer plusieurs contradictions (chap. I). - Nous rappellerons ensuite brivement les lments du systme qui va tre la bte noire des lawyers, le droit romain, tel quil sest dvelopp sous lEmpire et surtout tel quil a t enseign et diffus dans les Etatsnations europens partir du Moyen Age (chap. II) - Nous examinerons alors les juges et les institutions judiciaires (chap. III). - Puis la procdure des writs, la clef de lvolution du droit anglais (chap. IV). - Ensuite le problme de lcriture/fixation de ce droit non-crit (chap. V). - Nous aborderons alors le dlicat problme de la naissance dun nouveau droit c$ot ou contre la Common Law, savoir Equity (chap. VI) - Enfin les volutions des temps modernes (XVIIe-XIXe) (chap. VII) LEVY-ULLMANN H., Elments dintroduction gnrale ltude des sciences juridiques II : le systme juridiques de lAngleterre, Paris 1928 (rd. 2000) BAKER, J.H., An Introduction to English Legal History, Butterworths, 2002. ALLISON J.W.F., A Continental Distinction in the Common Law : a Historical and Continental Perspective on English Public Law, Oxford 1995. BOURREAU A., La Loi du Royaume, Paris 2001. VAN CANAEGEM R.C., The Birth of the English Common Law, Cambridge 1981. GILISSEN J., Introduction historique au droit, Bruxelles 1979 (sur la CL, p. 183-198). POLLOCK F. et MAITLAND F.W. (1895, rd. MILSOM S.F.C), The History of English Law before the Time of Edward I, 2 vol. Cambridge 1968. VANDERLINDEN J., Histoire de la Common Law, Mocton, 1996. FRISON D., Histoire constitutionnelle de la Grande Bretagne, Ellipses 2005. 8

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION

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CHAPITRE I CONTRADICTIONS ORIGINELLES UN PEU DHISTOIRE ANGLAISE

Ici comme ailleurs, le prologue est la chute de lEmpire romain au V e sicle et son corrlat, les invasions barbares. De l sortent les premiers royaumes europens, moules des proto-nations dEurope de lOuest. Regardons ce concept dinvasion de plus prs. Cest une spcificit de la Grande Bretagne : il y a des invasions, mais pas de grandes invasions comme sur le continent. Aprs loccupation romaine il y a trois invasions : - linvasion saxonne (Ve sicle) ; - linvasion danoise (au IXe sicle, correspond nos invasions normandes) - linvasion normande (au XIe, et il sagit des Normands de France). Cest de cette troisime invasion que sortit dit-on la common law. Mais dabord, faisons un peu de terminologie. Ici, paradoxe : lle de Bretagne a t envahie (surtout) par les Saxons mais elle se nomme England (confirm par le franais Angleterre), et non Saxland. Elle porte donc le nom dun autre peuple germanique, venu du Danemark, souvent en lutte contre les Saxons : les Angles. Do le doublet forg au XIXe par les historiens et les linguistes, anglo-saxon. Le problme se complique, car il ny a pas seulement des Anglais, do le maintien dun driv dorigine ancienne : British (fr. Britannique). On emploie British pour dsigner ce qui se rapporte au Royaume Uni. Aujourdhui un Ecossais, un Gallois, sont British. Conclusion : la premire contradiction - les conqurants sont plutt saxons et le nom est anglais -, masque une seconde contradiction - non seulement on peut tre la fois English et British, mais la seconde catgorie est plus large et domine la premire -. Regardons prsent ce que disent les historiens I. LES DEUX PREMIERS TEMPS DE LHISTOIRE : DE LLE DE BRETAGNE LANGLETERRE A lpoque romaine, lAngleterre porte le nom de Bretagne (Britania). Elle est peuple de populations celtes, les Bretons. On place en gnral larrive des Celtes vers 650-600 avant notre re. On opposera plus tard la Grande Bretagne (lancienne Britania) la petite, la ntre, peuple en partie par des populations venus de la Grande ! nous en reparlerons. Introduction : les Romains en (Grande) Bretagne Les Romains dbarquent au Ier sicle avant J.-C. Aprs une premire tentative en 55 avant J.-C., Csar dbarque avec succs en Bretagne, lanne suivante en 54, avec cinq lgions. Mais cest lempereur Claude (41-54 de notre re) qui va mener la conqute systmatique de la Bretagne (avec trois lgions prleves sur le limes du Rhin et une autre de Panonnie et de la cavalerie). Les moyens sont considrables. Il rsulta de la conqute et de la priode de pacification qui suivit, ldification dun muraille au 10

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION Nord. En effet on abandonna la progression plus au Nord dans des rgions o la nature est hostile, tout comme ses habitants. Rome avait dautres priorits. On laissa trois lgions en Bretagne. Il fallait donc tablir une frontire protectrice au Nord. Ce fut le cas avec ldification du mur dHadrien (emp. de 117-138). Le mur dHadrien est difi partir de 118. Il fait 167 km de long sans interruptions. Il est haut de 6 mtres et est complt par une srie de bastions et de forteresses. Au sud du mur a t creus un foss peu prs parallle (vallum). Les deux ouvrages traversent la Bretagne douest en est. Cependant, lemplacement ntait pas idal et on dcida un peu plus tard, vers 145-150, de construire un autre mur plus au nord, le mur dAntonin (emp. 138-161). On englobait ainsi quelques tribus celtes assez turbulentes. Cela permettait surtout de dominer la riche rgion du Fife. Cette dernire tentative fut un chec cause de la pression des Caldoniens. Vers 163 on se replia donc sur le mur dHadrien. Les frontires en restrent l. A la fin du IVe sicle (aprs la crise de 367 invasions ), la Bretagne parat connatre une certaine stabilit et prosprit. Les garnisons tiennent bien la rgion. Paradoxalement, cest cette prosprit qui va nuire la Bretagne. Les troupes sont en effet bien entretenues et sont donc un atout pour celui qui les commande. Or, une telle puissance peut parfois conduire des rves de pouvoir, notamment celui du pouvoir imprial ! Cest ce qui va se passer une premire fois ds 383 avec Maxime (Maxen Wledig de la tradition galloise), commandant en chef des lgions stationnes en Bretagne. Il se lance la conqute du pouvoir sur le continent avec ses troupes. Il parvient liminer lempereur dOccident Gratien ( Trves), mais est tu un peu plus tard, en 388 par les hommes de lEmpereur dOrient Thodose. En 407, la chose se reproduit avec Constantin III (lui-mme peut-tre Breton). Il passe sur le continent avec ses troupes mais il est fait prisonnier Arles en 411, puis excut. Les Triades du Pays de Galles documents tardifs, mais dignes de foi indiquent que la jeunesse galloise enrle dans larme romaine par Constantin III ne revint jamais. Elle fut utilise par lEmpereur dOccident Honorius (395-423) qui manquait cruellement de soldats cette poque o lEmpire tait menac par les invasions (en 406, le limes de Germanie avait t franchi par des peuples germaniques Vandales, Burgondes et Alamans LItalie tait elle-mme saccage : 410 sac de Rome par les Wisigoths). Dans ce contexte, la scurit de la Bretagne passait largement en arrire plan et les Bretons, privs de leur arme (romaine), durent se dfendre seuls. En 410 en effet, lEmpereur Honorius crivait aux cits de Bretagne pour les autoriser prendre elles-mmes leur dfense : Rome abandonnait la Bretagne (sentiment de trahison). Nous savons que dans un dernier sursaut despoir et face au danger des invasions, les Bretons envoyrent une lettre en 446 au commandement de larme romaine en Gaule, Aetius, le suppliant de venir leur secours ; en vain. Nous savons quaprs le dpart des lgions, la Bretagne est encore romaine et chrtienne. Cependant, le christianisme va sestomper et les villes vont peu peu disparatre. Laristocratie celtique rcupre son pouvoir militaire. Les aristocrates Bretons redeviennent progressivement des guerriers qui vont saffronter. Mais bientt des peuples germaniques allaient dbarquer. A. Le syndrome de linvasion Nous manquons alors cruellement de documentation pour les Ve et VIe sicles (lost centuries de lhistoire britannique), cest une priode trs obscure. En dehors des sources anglo-saxonnes ultrieures, les deux seuls historiens qui nous informent rellement sont la fois relativement tardifs et peu fiables : ce sont Gildas et Nennius, nous entrons dans le domaine de la tradition ou plutt de la lgende. 1. linvasion saxonne a - Lgende

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HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION Lanalyse ancienne est celle qui oppose autochtones (bretons) et envahisseurs (saxons). Elle prsente des faits qui ne sont pas forcment faux, mais isols et interprts. Le Breton Gildas crit avant 547 (peut-tre vers 515-520) La Ruine et la plainte de la Bretagne (De excidio Britanniae et conquestu). Il se sent encore Romain et considre le latin comme sa langue. Son uvre est avant tout un essai moral (non un texte historique). Le Gallois Nennius (pseudo-Nennius) crit (dite ?) vers 830 son Historia Brittonum, compilation de traits dorigine varie (Description de la Bretagne, Vie de saint Patrick). Il na plus rien de romain. Lhistoire rapporte par Gildas et Nennius est lgendaire. Daprs eux, le chef Breton Vortigern (rgne partir de 425) aurait engag deux chefs de guerre saxons (Hengist et Horsa) pour repousser les Pictes et les Scotti (rappelons quAetius avait refus son aide la Bretagne). En contrepartie, le chef Breton laissait les deux saxons sinstaller dans le Kent avec leurs hommes. Cette installation permit ces derniers de sapercevoir de la faiblesse militaire bretonne. Ils revinrent avec des renforts pour conqurir lle. Cest lhistoire du loup dans la bergerie. Mais les sources ne la confirment pas. Il sen serait suivi une cinquantaine dannes de lutte confuses, jusqu ce quun certain Ambrosius Aurelianus remporte une victoire au Mont Badon (Mons Badonicus (non identifi)), rtablissant un semblant de calme pendant la premire moiti du VIe sicle (poque de Gildas). Il en rsulte que la toponymie celtique est balaye progressivement et mme compltement dans certains cas. Loccupation anglo-saxonne est dense sur la cte est et sur la plus grande partie du bassin de Londres. Il ny a donc pas eu de fusion mais bipartition ingale de lle : toponymie, les noms de rivire lest, seraient tous germaniques alors qu louest on trouve de trs nombreux noms celtiques. Il y a donc formation de rduits autochtones louest : Pays de Galles, Cornouailles, Cumberland (Cumbria). Cela donne donc limage de deux Grandes-Bretagnes , lune des vainqueurs, lautre des vaincus. Les vaincus sont les Celtes. Le rsultat final est la dislocation du pouvoir (heptarchie (7 royaumes) dun cte, cinq tyrans de lautre). b. Analyse critique Est et ouest, les deux armes. La vision de linvasion des peuples germaniques dferlant sur la Bretagne comme des loups dans la bergerie doit tre critique. Pour cela intressons-nous la mthode de gouvernance romaine. Dans les rgions sensibles, Rome procdait linstallations de dditices militaires (nous lavons vu : ex-prisonniers de guerre qui navaient pas la qualit de citoyen) comme armes territoriales supplant aux troupes rgulires de choc ( arme de marche ). Quen tait-il dans lle de Bretagne ? Le centre tait divis en deux provinces civiles, probablement trs latinises (importations desclaves parfaitement trangers). Ces provinces civiles sont entoures par trois rgions militaires : Au Nord a t btie une muraille : mur dAntonin, abandonn (vers 163), puis en retrait, le mur dHadrien. On cherche se dfendue contre les Pictes/Bretons peints , tatous, donc sauvages . Cette rgion est dirige par un par gnral (dux) de Bretagne. Au sud-est, on cherche se dfendre contre les attaques des pirates saxons. Cette rgion est dfendue par un gnral (comes) du Rivage saxon (litus saxonicum), qui stendra le long de la cte vers le Nord. A louest, on cherche lutter contre les pirates irlandais ou pictes, cest la rgion de la Valentia, avec un gnral (comes) de Bretagne. Lorsque larme est partie (entrane par les candidat lEmpire), il sagissait seulement de larme de marche. Les contingents dditices de larme territoriale sont rests sur place. Or, les Romains avaient import des Germains comme dditices (dont des Angles et des Jutes). Ils ont donc contribu germaniser la Bretagne avant lheure . 12

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION A lest : larchologie montre que des Germains sont l au IVe, donc avant les Saxons. Angles et Jutes dAngeln et Jutland. Voil pourquoi Angland ainsi nomme par les Saxons arrivs seulement au Ve-VIe s. Les garnisons des forts du Rivage saxon (litus saxonicum taient presque uniquement constitues de Germaniques. Depuis 350 dj, les membres des peuples de la mer, circulant sur des bateaux proches de ceux des Vikings, mais rames plutt qu la voile, font partie du paysage social de la Bretagne. Le mouvement dimmigration sest probablement intensifi partir du dpart des Romains en 409. Cest peut-tre cette menace qui incite Honorius envoyer sa lettre de 410 (Genet). Au sud : la Chronique anglo-saxonne (date du IXe s.), parle pour le sud de lAngleterre denvahisseurs nomms Cerdic et Cadwalon, noms celtes. Chefs de contingents commands par des chefs dorigine bretonne. A louest : les textes romains montrent installation comme dditices dautres envahisseurs de la Bretagne romaine, pirates caldoniens (auj. cossais ) ou irlandais. Cette arm de dditices peut tre considrs comme une deuxime arme ; cest cependant une fausse symtrie (langue et religion diffrentes). On va dsormais oprer une diffrentiation entre les deux moitis de lle de Bretagne jusque l peuple de Britto-romains : A lest les Angles ont t surgermaniss par les Saxons, tandis que louest est receltis par les irlandais accueillant les rfugis et devenant pseudo-autochtone. Dans les deux cas, la romanit disparat. Deuxime offensive saxonne mi-VIe sicle Les vnement se poursuivent aprs laccalmie suivant la victoire bretonne du Mons Badonicus. La pression reprend au milieu du VIe sicle. La Chronique anglo-saxonne voque une grande victoire saxonne en 571 Bedcanford une cinquantaine de kilomtres louest de Londres. A partir de l, lavance anglosaxonne continue, tandis que sur la cte est dautres installations se produisent. On peut dterminer lorigine de ces peuples sinstallant en Bretagne (Archologie + Bde). Angles : sud du Danemark Leur nom vient de leur arme de combat angl, sorte de lance crochet. Jutes : dans la Jutland Saxons : plaine ctire lest de la Weiser. Leur nom vient de lpe deux mains quils maniaient sachs. (Il y a aussi des Francs) Les mme populations sont donc dsormais installes sur les deux rives de la Mer du Nord. Les AngloSaxons qui staient tout dabord installs sur les ctes ont vite gagn lintrieur des terres. Ces groupes de colons sinstallent sous la direction dun chef, souvent prs des principaux tablissements de lpoque romaine, vacus par les Bretons. Les villages sont alors signals par des toponymes en -ing, forms partir du nom du chef fondateur. Exemple : Hastings est le village de ceux qui dpendent du chef Haesta (nom probablement franc) (Genet). c. Les rsultats de linvasion La bipartition de lle de Bretagne masque la dislocation dun pouvoir central et dun droit romanisant. A lEst : lheptarchie : 7 royaumes anglo-saxons : Kent, Essex, Wessex, Sussex, Mercie, Northumbrie, EstAnglie. Il existe bien des diffrences ethniques entre Angles, Saxons et Jutes (contenu des tombes), mais une synthse va rapidement soprer. Elle va saccompagner quune homognisation linguistique. Les diffrents dialectes vont rapidement donner naissance lOld English. Mme si pour les Bretons tous ces envahisseurs sont des Saxons (Sassenach), il convient de distinguer les diffrents royaumes qui ont donn des noms qui existent toujours aujourdhui. 13

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION Les Jutes fondent un royaume : Le royaume de Kent capitale Canterbury (en 459). Le nom breton Cant a t conserv (les Bretons de cette rgion taient les Cantiaci). Les Saxons fondent leurs royaumes (sud, est, ouest et centre) : Saxons du sud : Suth Seaxna Rike : Sussex. Saxons de lest : East Seaxna Rike : Essex. Saxons de louest : West Seaxna Rike : Wessex. Saxons du centre : Middlesex (disparat ensuite ?). Les Angles sont situs au nord des territoires saxons dans : le North-Umber-Land (pays au Nord de la rivire Humber), Northumberland (ou Northumbria) comprenant le Lindsey (colonie romaine de Lindum : Lincoln), le Deira et la Bernicie (noms bretons). Le Northumberland est le pays des Angles du nord. LEst-Anglie : Pays des Angles de lest (East-Anglia) ( Poly ?) La Mercie (Marche limite du territoire breton) Mercia/ marche . Cest le pays des Angles de lOuest. Les Anglo-Saxons sont diviss politiquement. Des royaumes diriges par des dynasties sacres dans la plus pure tradition germanique apparaissent (Genet). Certains rois parviennent cependant simposer sur quelques autres. Ce sont les bretwaldas, qui exercent une autorit suprieure (Bde en dresse la liste). Au fil du temps, les frontires se dplacent en fonction des conflits entre royaumes. Mais ces conflits nont cependant pas frein la progression vers louest. Les Bretons sont cantonns dans des zones refuge et font parfois alliances avec certains Anglo-Saxons, contre dautres (jeu diplomatique complexe). Enfin, les Anglo-Saxons vont progressivement tre gagns par le christianisme, ce qui va profondment altrer la monarchie anglo-saxonne et moins diffrencier les Germaniques de leurs voisins. A lOuest : au dbut du VIe les Bretons rsistent toujours aux Anglo-Saxons. Ils connaissent dailleurs parfois des victoires. Il est dsormais difficile dsormais de parler de Bretagne et de Bretons. Cest cette poque quapparat le nom cymry (compatriotes), probablement en rfrence aux alliances entre Celtes. Le mot se retrouve encore dans Cumbria (cf. Cumberland) qui dsigne les Gallois. Lavance anglo-saxonne a isol les Celtes dans trois zones distinctes : le Nord, la Cornouaille (Domnone)2 et le Pays de Galles. Le Pays de Galles. De nouveaux royaumes de plus en plus nombreux apparaissent. A leur tte, un petit roi accompagn dun juge qui dit le droit (comme en Irlande). La division territoriale est le cantref regroupant plusieurs hameaux (tref). Chaque cantref na pas forcment un roi. Partout des hill-forts de lge du fer ont t roccups. Lmergence de royaumes rsulte en partie de prises de pouvoir militaires, soit de Scotti (Irlandais) (dans le Dyfed o les rois ont des noms irlandais), soit de chefs locaux ou originaires du nord. A la fin du VIe sicle, ces rois sont suffisamment puissants pour stabiliser la frontire avec les Anglo-Saxons. Elle sera matrialise par le foss dOffa (Offas dyke), construit par le roi de Mercie. Au Nord Les Scotti (Irlandais). Ils sont prsents en Argyll depuis le IIIe sicle. Vers 500 le roi Fergus Mr vint du nord de lIrlande (Antrim) pour rgner sur ces population dorigine irlandaise. Elles vont rester un temps tributaires des ONeill (puissante dynastie irlandaise). Elles forment le Dl Riata (dl = territoire suivi dun ponyme). Ces Scotti donneront leur nom lEcosse (Scotland : Terre des Irlandais). Un petit royaume breton de gens venus du Sud sest install sur la Clyde (Strathclyde, capitale Dumbarton) encore puissant au VIIe sicle, les Northumbriens rduisent ce royaume la seule valle de la Clyde au milieu du VIIIe sicle. Les Pictes remportent une victoire contre la Northumbrie avec laide des Bretons (685 contre le roi Egfrith). Ils sont nanmoins affaiblis par leur division en plusieurs royaumes. Au sicle suivant, nous avons trs peu de2

Le royaume de Domnone, fond sur la cit des Cornovii disparat dans lhombre aprs la dfaite de son roi Geraint face au Wessex en 710. La Cornouaille reste toutefois une zone de peuplement celtique, incontrlable pour les Anglo-Saxons jusquau IX e sicle au moins (Genet).

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HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION sources, mais leurs relations sintensifient avec le Dl Riata, ce qui contribuera beaucoup la naissance de lEcosse. Avec la stabilisation des frontires entre les Anglo-Saxons et les Celtes, mais aussi grce un dynamisme des changes commerciaux, culturels et religieux, lAngleterre semble aller vers une certaine stabilit. Mais partir de 789 environ, des attaques Vikings vont commencer. Une nouvelle invasion est en route. 2. Linvasion danoise Pour un Franais ce sont les : les Normands . Linvasion se produit partir de la fin du VIIIe sicle et se renouvle : une deuxime fois au IXe s., mais beaucoup plus profondment que sur le continent, avec les Vikings, Northmenn sont venus de Danemark et Norvge. a. La formation du Danelaw Les premiers raids vikings vont frapper lesprit des population. Pourtant ils sont assez espacs. Les attaques les mieux connues sont celles qui ont t diriges contre les grands monastres (les lettrs ont pu tmoigner). La terrible nouvelle se rpand rapidement. Comment Dieu peut-il abandonner les meilleurs de ses fidles ? Lindisfarne est pill en 793, Iona en 802 (68 moines massacrs) ; 839 Eoganan, roi des Pictes et des Scots est massacr. Bref, aucune cte nest labri des Scandinaves (Genet). Au dpart, il sagit de raids de Danois nervs par les conqutes et missions carolingiennes en Frise et en Saxe (Poly). Les Iles du Nord : Islande et Fro vont tre peuples par de Vikings norvgiens (sagas). Il y a un peuplement viking galement dans les Orcades, Hbrides et autres les de nord (Lewis, Skye) ou la toponymie celtique est remplace par la toponymie scandinave. Cette mme influence se fait sentir sur la cte ouest de lEcosse (Jura, Arran, Bute, Mull), le de Man (850). Le peuplement scandinave des les du Nord assure une base arrire aux Vikings, facilite lhivernage et le renouvellement des quipages. Il garantit aussi le contrle de la route de la mer , qui est autant une route du commerce que de la guerre (Genet). A partir de 841, les Vikings norvgiens vont sintresser particulirement lIrlande. Ils tablissent un camp permanent Dublin et dans dautres futures villes dIrlande ((Wicklow, Wexford, Waterford, Cork, Limerick). Dublin devient une grande place commerciale (grand march desclaves) A partir de 863, les Vikings vont surtout se tourner vers lAngleterre et lEcosse. Les attaques restent cependant isoles dans un premier temps (jusquen 865). Un grande flotte Viking (surtout Danois) parvient passer lhiver 865-866 en Est-Anglie. Les chefs de cette grande arme veulent dsormais des terres (ils ne sont pas de simples pillards). Ils veulent tablir leurs hommes. Les Est Angliens achtent leur dpart (en fournissant des chevaux) et la flotte part plus au Nord vers la Northumbrie affaiblie par la guerre civile (entre deux prtendants au trne). Les Vikings en profitent pour semparer dYork. Ils fondent ainsi le royaume viking dYork. York leur permet dattaquer les autres rgions anglo-saxonnes (Mercie, East Anglia, Wessex) qui vont leur payer un lourd tribut. Une Grande Arme dt vient en renfort. Les Vikings qui commence devenir puissants et peuvent se permettre de rpartir les terres entre les soldats (notamment autour de York) : cest le dbut du Danelaw, le pays peupl des Danois, o sappliquent les coutumes scandinaves (Est Anglie et les territoires au nord-est dune ligne allant en gros de Colchester Mersey. [Lorsque lon sattache caractriser lpoque comme celle des seuls affrontements entre Anglo-Saxons et Vikings, cela masque le phnomne de diffrenciation sociale qui laisse les socits paysannes sans dfense. En ralit, on saperoit que le sort de la paysannerie tait plus enviable sous les Vikings que sous les AngloSaxons. Dune manire gnral en effet, il apparat que les esclaves sont situs en grande majorit dans la zone contrle par les Anglo-Saxons, alors que dans le Danelaw on trouve plutt des hommes libres.]

b. la raction west-saxonne dAlfred 15

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION La riposte des Anglo-Saxon va venir du Wessex (qui domine maintenant les autres rgions anglo-saxonnes) et de son roi Alfred (roi du Wessex 871-899), tabli dans sa forteresse dAtheney au milieu des marais du Somerset. A la tte de troupes rorganises, il contre-attaque et remporte une victoire totale Edington en 878. Les Vikings de la Grande Arme vont alors se dtourner de lAngleterre et se diriger vers le continent. LAutorit dAlfred est reconnue en Mercie et au Pays de Galles. Les Vikings finissent donc par se replier sur York (892) ou vont plus au Nord (Nord-ouest et Pictes). Le Wessex prospre. Par sa rsistance tenace face lenvahisseur, Alfred du Wessex cre un fondement pour lunit politique du pays. Peu de rois ont t aussi estims par leurs contemporains. Alfred apparat comme un guerrier courageux, lettr et homme dEtat. Conscient du dclin culturel de son poque ( cause des pillages vikings), il va lancer un programme dducation du clerg et de traduction de textes latins en Old English. Il sentoure des meilleurs rudits. Alfred est considr comme le fondateur de la prose anglaise. Et surtout, il va laborer un code de lois qui regroupe nous le verrons plus loin des textes lgislatifs plus anciens. Le Wessex est devenu le royaume le plus puissant dAngleterre. Il simpose progressivement (aprs Alfred) sur les Vikings du centre de lAngleterre. Plusieurs chefs vikings dYork vont mme tre baptiss la cour du Wessex (920s). En 927, le roi du Wessex (Athelstan : 924-927-939) sempare dYork et fait alliance avec les rois de diffrents royaumes. Cest lacte de naissance de lAngleterre unifie (Genet). Mais en 937 le nouveau roi Viking de Dublin (Olaf Gothfrithson) dbarque avec une grande arme. Athelstan et son frre Edmond lcrasent dans la terrible bataille de Brunanburh (un lieu non identifi mais clbr dans la littrature (5 rois, 7 jarls et un fils du roi des Scots prissent). Pourtant la mort dAthelstan, le royaume dYork est rcupr par les Vikings (Olaf Gothfrithson), puis repris par Edmond la mort du chef viking (942944) Lordre et la paix ne reviennent quavec le rgne dEdgard (959-975). B. Les institutions anglo-saxonnes Distinguons institutions centrales et locales. 1. Les institutions centrales Les Anglo-saxons sont dirigs par des rois. Le roi semble tre apparu au cours des invasions. On passe du chef au roi. Lautorit suprieure du roi devient essentielle dans un contexte de conflits permanents avec les Bretons ou entre Anglo-Saxons ou encore contre les Danois. La parent largie (cyn) se reconnat un roi (cyning). Cette dnomination de roi (cyning) venant de parent (cyn) souligne le lien personnel sur lequel la royaut est fonde, plutt que sur la domination dun territoire. Une fois le pays en voie de christianisation, lEglise apporta son soutien la royaut. LEglise esprait quun roi fort et respect assurerait de longues priodes de paix et dordre. Elle esprait aussi la collaboration du roi dans le processus de christianisation de lle. LEglise a donc transform la crmonie daccs au pouvoir royal. Le chef nest plus hiss sur un bouclier. On assiste dsormais une crmonie royale o les prtres sacrent le nouveau roi avec de lhuile sainte. Le roi Ecgfrith fils dOffa de Mercie semble tre le premier Anglo-Saxon avoir t sacr en 787. Le roi prte serment sur les reliques de protger lEglise et les pauvres, de lutter contre le mal et manifester de la piti. Ce lien fort entre le roi et lEglise a donn au roi bien plus dautorit que les chefs Anglo-Saxons nen avaient auparavant. Il nen demeure pas moins que le pouvoir du roi dpend beaucoup de sa personnalit. Le roi est le chef de larme (fyrd), dans laquelle tous les hommes libres doivent servir. Au IXe sicle, les Anglo-Saxons vont sorganiser militairement contre les Danois. Cette organisation va venir du Wessex (qui domine maintenant les autres rgions anglo-saxonnes) et de son roi Alfred (roi du Wessex 871-899), tabli dans sa forteresse dAtheney au milieu des marais du Somerset. A la tte de troupes rorganises, il contre-attaque et remporte une victoire totale Edingtonen 878. Les Vikings de la Grande Arme vont alors se dtourner de lAngleterre et se diriger vers le continent. LAutorit dAlfred est reconnue en Mercie et au Pays de Galles.

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HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION Les Vikings finissent donc par se replier sur York (892) ou vont plus au Nord (Nord-ouest et Pictes). Le Wessex prospre. Par sa rsistance tenace face lenvahisseur, Alfred du Wessex cre un fondement pour lunit politique du pays. Les rois du Wessex vont alors porter le nom de roi des Anglais (Rex Anglorum). Remarquons quils ne portent pas le titre de roi dAngleterre (Rex Angliae) qui soulignerait une domination territoriale (ce ne sera pas affirm avant Jean, en 1099). Le roi est dsign par un conseil. Ce nest pas la naissance qui lui donne automatiquement accs au trne. Le pouvoir royal repose sur sa maison appel encore htel (household). Celle-ci ressemble celle du roi carolingien ou ottonien. Elle le suit la guerre et la chasse. Le roi est entour de son conseil : le witenagemot. Cest lassemble (gemot) des sages (witans). La composition de cette assemble est trs variable. Certaines runions peuvent runir plus dune centaine de membres (ftes), dautres deux ou trois dizaines. Le motif de la runion est variable galement, ainsi que sa composition et sa priodicit. Tout cela dpend du roi. Des abbs et des vques peuvent y siger. Les personnages puissants de lentourage du roi y sigent aussi. Cette assemble est un moyen de consulter les hommes importants du royaume (elle nest pas reprsentative). Laccord de ces grands personnages est ncessaire pour que les grandes dcisions du roi soient appliques. Il en va ainsi en matire lgislative, militaire ou encore ecclsiastique. Les membres du conseils servent aussi des tmoins dans les chartes par lesquels sont attribus les booklands (terres donnes ?). Secrtariat et writs Il ne semble pas y avoir de chancellerie chez les Anglo-Saxons. Il existe tout de mme un secrtariat. Il est sr en tous cas que des clercs sont chargs du travail administratif depuis le rgne dAthelstan au moins (roi dAngleterre 927-939). Ajoutons que le roi envoie des ordres ses agents par le biais de writs (et gewrits ?). Les premiers writs connus sont ceux de lvque de Worcester Oswald. Aethelred the unready (roi dAngleterre 978-1013 et 10141016) est le premier roi anglo-saxon lavoir utilis. A partir des Normands, le writ deviendra le premier instrument de ladministration royale. 2. Les institutions locales Nous ne dvelopperons pas le vill. Cest lunit minimale dadministration qui peut parfois concider avec un village ou, moins souvent encore, avec un manoir. a. La commune (tun ou town) Ce nest pas un centre urbain. Les villes sont trs rares chez les Anglo-Saxons et sont appeles boroughs. Le sens de tun serait plutt celui de commune (township). Chaque tun avait probablement sa propre assemble ou moot (mme si tout le monde nest pas daccord sur ce point. Souvent appele cour, cette assemble traitait de tous les types daffaires locales publiques. Ses devoirs judiciaires nallaient pas plus loin que les fonctions de police. La cour nommait un tun-reeve, un officier qui avec quatre autres hommes libres reprsente le tun au dpart, lassemble de la shire (comt) (et non lassemble de la hundred comme on aurait pu sy attendre). Puis plus tard devant les deux assembles. Mme si tous les hommes libres sons censs participer lassembl du tun, celle-ci ne semble pas particulirement active. Ce sera la premire des cours tre absorbe dans la juridiction du manoir. b. La centaine (hundred ou wapentake)

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HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION Cest une division administrative forme en thorie dune centaine de hides. Une hide est la superficie (variable selon les endroits) ncessaire lexistence dune famille. Cest aussi lunit servant limpt (geld). Une hundred compte donc thoriquement une centaine de familles. La justice est rendue ce niveau pour des cas courants. Cest ce niveau que les hommes libres sont levs pour participer la guerre (vrifier). La taille de la hundred varie selon les endroits. Au sud-est il y a par exemple beaucoup de hundreds avec une forte densit de population, contrairement ce qui se passe dans le Nord ou dans lOuest. Lorsque les Danois se sont installs en Angleterre il semble avoir conserv les hundreds existantes. Ils appellent cette division administrative la wapentake. Dailleurs, lorsque le Danelaw est reconquis par les Anglo-Saxons, Edgard (the Peacefull) considre que ces deux termes sont synonymes. Ces units territoriales forment la base de ladministration de la justice et du contrle des finances publiques travers presque tout le pays. Lorsquil y a un trs grand nombre de hundreds dans une shire ont en fait des groupes. Dans le Kent ont fait des groupes de six hundreds pour faire des laethes, un mot jute qui drive de lething, une force militaire. Cela indique qu une poque ces laethes taient des divisions territoriales concernant larme. Dans le Sussex, les 61 hundreds sont regroupes en six rapes, un mot saxon qui a le mme sens. Dans le Yorkshire et le Lincolnshire (faisant partie du Danelaw) les wapentakes sont organises en trois groupes, trithings (plus tard ridings) ayant la mme fonction. Chaque hundred avait son assemble. Elle tait lorigine compose de tous les hommes libre et se runissait tous les mois. Cette assemble soccupait des affaires de la hundred, y compris des affaires ecclsiastiques. Chaque homme livre avait droit la parole. Mais il ny avait pas de vote. On atteignait le consensus par la discussion. La cour de hundred choisissait un homme de la hundred dot de pouvoirs excutifs. A lorigine il prsidait les assembles mensuelles. Mais par la suite, lorsque lhombre de la juridiction manoriale sest abattue sur la cour, lintendant dur seigneur du manoir la remplac. La cour a ensuite pu tre absorbe par la cour du manoir. Lorsque la cour avait trancher des affaires ecclsiastiques, un prtre pouvait prsider pour expliquer le droit de lEglise. Mais lassemble laborait sa dcision de la mme faon que pour les affaires sculires. Mme si on attend tous les hommes libres la cour de hundred, on sait que sous le rgne dEdgard the Peacefull, on a eu besoin dordonner la prsence la cour de tous les seigneurs, ou de leurs intendants, ayant des manoirs dans la hundred, du prtre de la paroisse et de quatre hommes nomms par chaque assemble de tun. On peut donc penser que beaucoup dhommes libres ne venaient pas participer la cour. Les affaires de la hundred ont donc petit petit t entre les mains de petit quelques dhommes. Le roi recevait une partie du revenu de la justice. Mais en labsence dagents pouvant superviser cette activit le roi devait bien souvent manquer la collecte de ce qui lui tait d. Les questions judiciaires pouvaient en particulier concerner les transferts de terres dans la hundred. Les cours des hundreds soccupent plutt des vols, de la scurit et des problmes conomiques. Cest ce niveau que sont organiss les groupes de tmoins : par douze ou multiples de douze. Ils forment le jury, une institution dorigine scandinave. A ce niveau, on organise le tithing, la dizaine/douzaine dhommes libres qui se porte garants du bon comportement de tel ou tel ou de lexcution dune dcision. En labsence de toute forme de police, ces hommes sont collectivement responsables de la conduite des autres et soumis lamende en cas de manquement de lun des leurs. Chaque membre de la hundred g de plus de 12 ans est membre dun tithing. Les amendes peuvent tre infliges collectivement la hundred ou au tithing. 18

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION La hundred est encore lunit pour la collecte de limpt. Mais pas pour le Danegeld qui est prlev au niveau de la shire. c. Le pays (shire) qui deviendra comt (county) La cration des comts a t un processus long et complexe rendu ncessaire par la disparition des circonscriptions de la Britannia romaine. LAngleterre est divise en scirs (les parts du royaume : shires). Le shire est une division du royaume ou du domaine royal. Le systme des shires est bien tabli en Angleterre avant la conqute normande (il stendra ensuite en Ecosse sauf Highlands puis au Pays de Galles : aprs la conqute). Le shire est aussi appel comt. Certains comts sont danciens royaumes anglo-saxons : Kent, Sussex, Wessex. Dautres correspondent des units administratives royales (Hampshire : terre administre depuis le centre royal de Hamton ; Wiltshire : terre du centre royal de Wilton). Certains sont antrieurs la conqute : Somerset et Dorset, les terre dpendant de Somerton et de Dorchester. La Mercie est divise en shires centrs sur les burhs (sites fortifis) construits au Xe sicle (par Edward lAncien et sa sur Aethelfleah : Chester, Worcester, Gloucester). Dautres sont fonds sur les camps de larme danoise : Cambridge, Bedford, Northampton). Notons les five boroughs du Danelaw transforms en shires au XIe sicle. Ladministration du comt est rpartie de manire ingale entre lealdorman et le le scir gereffa, lattrapeur de corvables et de recrues, lintendant, le rgisseur (gereffa, reeve) du comt (scir, shire), cest le sheriff. Ce personnage survivra la conqute normande. Lvque du diocse joue lui aussi un rle dans le comt pour tout ce qui concerne lEglise. En fait le sheriff narrive que tardivement sur le devant de la scne. Mais ce moment l il occulte les autres personnages. A lorigine en effet, cest lealdorman qui administre le comt. Il est nomm par le pouvoir central, mme si occasionnellement on voit des cour de comt qui proposent telle personne au roi pour quil la dsigne. En principe cependant cest bien le roi et son Witan qui le nomment. Cest en gnral un noble qui fait partie du Witan. Limportance de son rang apparat dans les tarifications de lois (cf. infra). A lorigine lealdorman commandait larme (fyrd) compose des hommes du comt. Il prsidait aussi lassemble du comt. Il recevait un tiers des revenus de la justice. Plus gnralement il tait responsable de ladministration du comt pour lequel le gouvernement central lui laissait les mains libres. Mais ce personnage est un noble dont les proccupation sont parfois loin des petites affaires locales et sa tche administrative nest parfois quimparfaitement remplie. Cest le cas en particulier lorsque le pouvoir de roi est faible et que le roi a du mal lui imposer cette tche. Les earldormans sont des nobles qui vont imposer lhrdit de leurs fonction. Cest surtout le cas tout dabord lorsquune famille royale steint au dbut de la priode anglo-saxonne, et quon lui permet de conserver une partie de son pouvoir en tant quealdorman. Sous le rgne dEthelred the Redless le roi a eu du mal se faire obir de ses grands ealdormans. Cnut parviendra pour un temps les soumettre lautorit royale en divisant le royaume en quatre parties, chacune dirige par un earl (lquivalent saxon du danois jarl). Cet earl administrait dsormais un ealdorm. Mais les successeurs de Cnut auront bien du mal les contrler. A lpoque dEdouard le Confesseur, ces grands personnages dfient la couronne. Ils furent plus un obstacle quautre chose. En fait cest finalement le sheriff qui hrita de ladministration du comt. Cela se mit en place lorsque les grands ealdormans, en charge de plusieurs comts, dlgurent certaines de leurs fonctions au sheriff dans chacun de ces comts. Petit petit ce personnage assuma la plupart des tches, y compris la prsidence de la cour du comt 19

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION La cour du comt, moins active que la cour de hundred, est runie deux fois par an. Elle traite la fois des questions administratives et judiciaires. Si des questions de nature ecclsiastique doivent y tre tranches, lvque la prside pour donner la position de lEglise (droit canonique). Ces interventions prendront fin avec Guillaume le Conqurant qui ordonnera une sparations des cours ecclsiastiques et laques. En thorie, la cour est compose des hommes libres du comt. En fait elle est beaucoup plus restreinte. On y trouve notamment lofficier du tun accompagn de quatre homme (et non des reprsentants de la hundred immdiatement infrieure !). On attend aussi cette assemble les nobles du comt, mais en ralit ils ne se dplacent pas tous. La comptence de la cour de comt est trs dpendante du rang des personnes concernes. Les grands personnages acceptent mal dobir une dcision dune cour de hundred. Cette cour aura dailleurs des difficults faire appliquer la dcision. Si tel est le cas, on sadresse une cour ayant une autorit suprieure. Cela peut aller jusqu la cour du roi, qui juge avec son Witan. Le roi et son conseil sont les mieux placs pour faire obir les grands du royaume, y compris en matire judiciaire. Par ailleurs il ny a pas dappel dune cour une autre (hundred-comt-cour royale). Mais cest parce quune cour infrieure na pas pu entendre une affaire que lon se dirige vers une cour suprieure. Nous lavons vu, la cour de comt qui tait lorigine prside par un ealdorman le sera ensuite par le sheriff. Enfin, la cour de comt reoit aussi les communications du pouvoir central ; elles y sont lues, et sans doute commentes. Lexistence et la vitalit de cette cascade dinstitutions sont de prcieux outils de gouvernement. Cela permet tout moment de dclencher une enqute, les jurys tant prts fournir des rponses. Ces rponses sont garanties par serment. Ladministration de la justice est assure par des procs publics et le maintient de lordre par le contrle social du tithing. Enfin, linformation est relaye dans les deux sens. C. Le droit des Angles et Saxons et des Danois Le droit, envisag dabord trs concrtement, comme les organes judiciaires ; puis le problme de leur pseudo-source, les lois anglo-saxonnes, enfin le systme normatif norme, leur vritable source. 1. Les lois anglo-saxonnes La premire loi est celle dEthelbert (ou Aethelberht de Kent) vers 602-3. Notons que le Kent correspond au royaume des Jutes. Aethelbert est le premier roi chrtien dAngleterre. Il est mari une princesse franque chrtienne (Berthe). A cette poque, le pape Grgoire le Grand avait envoy Augustin de Canterbury, comme vque des Anglais. Il y a donc possibilit dinfluence romaine dans le rgion. Daprs Bde (homme dEglise, auteur dune Histoire ecclsiastique du peuple anglais v. 731), le roi fit mettre par crit les coutumes de son royaume, juxta exempla romanorum , afin dimiter les Romains. La loi dEthelbert contient notamment le montant des compensations dues en cas datteintes lEglise, au roi, aux nobles, aux hommes libres et aux roturiers. LEglise insiste ds les premires lignes sur la protection de ses biens et de ses activits (assembles). Il est probable que lEglise ait jou un rle dans la codification de ces lois. On pense en effet quAugustin ait encourag le roi Aethelbert dans sa tache. Le document lui-mme a d tre prpar par des scribes chrtiens. Bde nous dit que le contenu est fond sur le conseil (advise) des hommes sages (sapientes : les witans) du royaume et consiste en un mlange judicieux de tradition et de quelques adaptations ou innovations. 20

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION Linnovation la plus significative est contenue dans le premier paragraphe. Elle adapte les rgles coutumires concernant le vol celle de lEglise. Il est remarquable que les 89 autres paragraphes ne font ensuite plus du tout rfrence lEglise. Mme en matire de mariage. Linfluence de lEglise ne parat pas toucher le reste du texte. Dans la socit anglo-saxonne, la protection de lindividu est dvolue en premier lieu sa parent. La vengeance (feud) est une institution accepte. Mais le cercle de la vengeance peut savrer interminable et destructeur. Cest la raison pour laquelle on sest achemin petit petit vers des solutions ngocies (non systmatiques cependant). Ces solutions se sont petit petit imposes : cest le systme de la compensation. La compensation est proportionnelle au dommage caus. Elle est aussi proportionnelle la place sociale de la victime. Dans certains cas, les individus ne sont pas seulement sous la protection de leur parent, mais aussi sous la protection de leur seigneur. Dans le Kent de cette poque, cela signifie sous la protection du roi. Cela peut tre considr comme une sorte de notion rudimentaire de Paix du roi. Cest aussi un remde contre la vengeance. Cest un domaine dans lequel le roi et lEglise ont un intrt commun. Cela permet de renforcer lautorit publique et lordre. En mettant la loi par crit le roi la fait sienne. Une des particularits du code est dexprimer les valeurs en unit montaire. On utilise le shilling en or fond sur la monnaie byzantine et mrovingienne (tremiss). On utilise aussi le sceatta dargent, driv semble-t-il des Frisons, peuple germanique du continent (20 sceatta = 1 shilling). Cela donne au code une prcision plus grande que si les paiement se faisaient en biens ou btail (cf. Irlande cumal et b). Il y a d avoir conversion partir des valeurs initiales. Certains calculs ont t faits par les historiens pour donner des quivalents en nature. On obtient le prix du sang (leodgelde) suivant : Earl (noble) du Kent : 300 shillings = 100 bufs Homme libre ordinaire : 100 shillings = 200 moutons Laet (paysan semi-dpendant)classe 1 : 160 moutons Laet classe 2 : 120 Laet classe 3 : 80 Cela correspondait des tarifs trs importants qui taient largement au-dessus des moyens dun meurtrier et de ses proches. Il est donc surprenant de lire que cest le coupable seul qui paye avec sa propre monnaie et ses propres biens. Cela ne correspond pas lesprit de la loi. La pratique en cours tait en effet de partager lobligation du dbiteur avec toute sa parent. On repartit en diminuant la participation plus on sloigne vers le 2, 3, 4 e degr de parent ou plus. Nous ne connaissons pas ces dtails qui nont pas t mis par crit, probablement parce que tous les connaissaient. Le code concerne une grande varit de paiements qui correspondent un ensemble trs vari datteintes physiques, qui nentranent pas la mort. Pas moins de 40 des 90 clauses les concernent. Il semble que les chiffres cits concernent les blessures infliges au paysan libre (ceorl) et doivent tre augmentes jusquau noble (earl) ou rduites vers le paysan semi-libre (laet), en proportion du prix du sang (leodgelde) entier ( cf. wergeld : prix de lhomme ; irl. lg nenech).[Apparemment, les atteintes aux parties gnitales masculines sont considres comme graves : trois fois le tarif du leodgelde entier (64). Cest un tarif trs lev qui est difficile de payer et qui conduit donc la vengeance. La blessure qui vient ensuite est celle de lil crev et de la jambe coupe (50 shillings pour chaque 43 & 69). Donc, aveugler (50s) et mutiler (50s) revient prendre la vie dun homme (100s). Rendre sourd ou blesser une paule tait considr comme moins grave (30 shilings - 38-39). Mais le code concerne encore des dommages bien moins graves. Ainsi, les coups la cuisse sont estims en fonction du degr de pntration (67). Le pouce et les autres doigts sont tarifs sparment (54), tout comme les dents : des dents de devant aux molaires du fond de la bouche (51). Mme chose pour des doigts de pied ! (72).

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HPJ COMMON LAW - INTRODUCTIONUne compensation est aussi prvue pour les agressions qui ne causent que des blessures temporaires : sur le nez (3 shillings - 57), tirer les cheveux (50 sceattas - 33) ; faire un bleu (58-59). Derrire ces aspects, on peroit une socit trs sensible aux atteintes de la dignit et quel point une petite blessure pouvait facilement dgnrer et dclencher le cercle de la vengeance, sauf sil y avait compensation. Dans plusieurs cas on paie une amende supplmentaire. - Atteintes dans la proximit du roi ou dun noble En plus du prix du sang, chaque homme libre a un droit de protection appel mund. Dans le cas o ce droit est viol il y a compensation. Le mund du roi est de 50 shillings. Pour un earl : 12 shillings, un ceorl : 6 (8, 14, 15). Cest une infraction contre le mund de tuer quelquun dans le tun (la proprit, ville) dun autre (5 ; 13), y compris pour le roi la cour. Il nest pas permis dentre de force quelque part, de briser un enclos. Le montant de 50 shillings pour le mund du roi a une large application. Il sert protger les leudes du royaume lorsquils sassemblent pour rpondre sa convocation (cf. les leudes francs). Ce sont ici les earls et ceorls, mais pas les laets. Ils participent la guerre et aux affaires publiques. Porter atteinte quelquun lors dune assemble va contre le mund du roi mais donne la personne agresse une double compensation (2). Lorsque le roi est invit dans la maison dun hte, sa prsence entrane la mme protection spciale invoque pour les assembles de lEglise (1). Nous avons ici le germe de la paix du roi (Wintney 96 bas). - Domaine protg Le wite (amende) est une extension du mme principe. Deux exemples apparaissent dans la loi. Le premier concerne les vols (9). Il y a restitution en cas de vol, mais restitution au triple si un homme libre est vol, un roi ou un prtre 9 fois ; un vque 11 fois. Daprs Witney, il sagit de montrer un peuple encore paen comment on doit considrer lEglise. Le wite est ajout la restitution (augmente). Le vol concerne surtout du btail, ce qui cre un grand dsordre et de la violence. Il en va de mme en ce qui concerne le rapt et le dshonneur des jeunes filles (84). Le roi reoit le wite. Ce sont deux domaines qui ne sont pas entirement du domaine priv. Linfraction contre la paix justifie lintervention du roi. Cest lquivalent latteinte au mund du roi. Le texte ne donne pas le montant du wite en cas de vol. Dans une autre loi (Hlothere et Eadric il va de 50 12 shillings selon limportance du vol). - Personnes protges Il y a un renforcement de lautorit royale encore suprieur : la conception de seigneurie (lordship) qui est profondment enracine dans lancienne socit germanique. Cela concerne le lien entre un chef de guerre rle du roi lorigine et les combattants qui le suivent la bataille et qui sont ses compagnons en temps de paix. Dans la loi dAethelbert, le roi apparat tre le seul seigneur qui on paye le drihtinbeage pour le meurtre dun de ses hommes libres. Drihtinbeage : littralement anneau du seigneur (6). Il se monte 50 shillings. Cest daprs Witney, une terme archaque qui remonte lpoque o il ny avait pas de monnaie et o payait en anneaux (Witney p. 97 + note). Certains auteurs on pens que le roi ne pouvait pas avoir de relation si directe avec ses sujets (Witney ibid. 97). Daprs Witney seuls les laets sont exclus car ils ne descendent pas des guerriers, au contraire des ceorls (ou au moins une partie dentre eux ). Le roi devait lorigine avoir lobligation dhonneur de venger ses sujets. Le forgeron a une place privilgie : il fabrique les armes (pes). Le terme peut aussi dsigner le joaillier du roi (broches et dcoration darmes). Le terme utilis pour messager est unique (laadrincmannan). Cest un officier de confiance de la maison royale. Pas forcement un porteur, mais plutt quelquun qui remplit les fonction de hraut. Il ny a pas cette poque dautre mention dofficiers royaux comme le reeve qui apparat 70 ans plus tard (loi de Hlothere et Eadric). Le roi devait grer les affaires publiques avec quelques proches. ]

Quelques exemples tirs de la loi dAethelbert : 1 sur lEglise 21 Celui qui tue un homme libre doit 100 shillings comme wergeld ordinaire. 5 Celui qui tue un homme dans la proprit du roi doit une compensation de 50 shillings. 13 Celui qui tue un homme dans la proprit dun noble doit 12 shillings. 82 Celui qui enlve du force une vierge doit 50 shillings celui dont elle dpend, et doit ensuite acheter le consentement au mariage. Il y eut dautres lois dans le Kent la fin du VIIe sicle (Hlothere et Eadric, c. 685, Wihtred v. 695). De la mme manire dautres rois anglo-saxons promulgurent leurs lois. Cest le cas de Ine de Wessex 688/694 et dOffa de Mercie 786.

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HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION Dune manire gnrale, les loi permettent de connatre la hirarchie de la socit, grce la tarification des peines. La place dans la hirarchie dpend de plusieurs facteurs (qui ne sont pas exclusifs) : Lappartenance telle ou telle ethnie. Les Bretons sont en bas de lchelle (ils sont semi-libres, laet) La quantit de terres possde (ex. pour les earls) La proximit des rapports avec le roi (sages, compagnons darme) A chaque catgorie correspond un tarif : le wergeld (le prix de lhomme). En cas de meurtre, celui qui a t jug responsable doit payer ce wergeld la famille de la victime. Cela permet de ne pas dclencher le mcanisme de la vengeance familiale (fayde). Dans la loi du Kent, les hommes sont regroups en trois catgories : libres, laeti (paysans bretons ?) et esclaves. La Loi dIne rpartit les membres des classes suprieures en onze catgories. Au sommet se trouve les ealdormen. (Ealdorman : noble (gesith) ayant un office important qui le distingue des autres gesiths. La fonction tend se territorialiser. Le terme va ensuite disparatre au profit de learl). On trouve les hommes libres dans cette liste : le ceorl libre. En dessous : les Bretons libres. Au bas de la liste : les esclaves. On note que les populations bretonnes se sont maintenues et ont t progressivement assimiles. On trouve surtout les grandes catgories qui caractrisent la socit germanique : les nobles, et aussi la distinction hommes libres et esclaves. Enfin ds la fin du VIIe sicle cette socit est polarise autour du roi. Le contrle du territoire est lui aussi important. Ainsi, le sommet de la hirarchie est occup par les ealdormen du roi. 2. La codification des lois Code dAlfred le Grand (874-899). Cest le roi du Wessex qui a rsist au Vikings). Il sagit en fait dune compilation (code dAlfred le Grand ou Dmbk (liber judicialis). Le roi annonce dans la prface quil a uni ses propres textes ceux de ses prdcesseurs. (Ine de Wessex, Offa de Mercie, Ethelbert de Kent). Il dit avoir rejet ce qui ne lui paraissait pas convenable dans ces anciennes sources et il est difficile de distinguer les rgles dont il est lauteur. On sent dans le code dAlfred le Grand et dans les lois suivantes (Edouard lAncien, Aethelstan, Edmond, Edgard (le Pacifique) Aethelred II) la ncessit de sadapter dune part ltablissement de Danois au Nord et lEst, et dautre part limportance politique du Wessex sur lAngleterre (Levy-Ullmann). Il semblerait quAlfred ait voulu raffirmer les tradition et sappuyer sur le pass anglo-saxon cette poque dincursions vikings (Griffiths 57). Le Code de Cnut (entre 1027 et 1034). Il sagit dune compilation de textes antrieurs destins aux Anglo-Saxons et aux Danois. Aprs la conqute normande on en fit des traductions (3) en latin. Ces lois furent utilises jusquau XIIe sicle. Citons encore les Lois dEdmund (rgne 939-946) et les Lois dAethelred (crite entre 1009 et 1016). Autres travaux : la Chronique anglo-saxonne. Orose. Comparaison avec les autres lois barbares du continent. Les sries de tarifs de compensation payables pour les divers crimes sapparentent au wergeld connus sur le Continent dans les lois barbares (Salique : France, Bourgogne, Almannie, Bavire, Espagne, Lombardie). Reprendre lexemple de la Loi Salique. Contraste : Irlande : influence byzantine, par lEspagne du Sud, Isidore de Sville. Traits de procdure du VIIe s. Mais il y a aussi des listes de tarifs de compensations. Donner un exemple.

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HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION Conclusion : le retour des Vikings La mort dEdgard (975) est suivie par une certain nombre de troubles. Lautorit de son fils Aethelred (the Unready) (1016) est constamment remise en cause. Cest justement la priode o la menace viking reparat. Ces derniers vont jouer un grand rle pendant cette priode (pas seulement cause de la faiblesse du pouvoir anglo-saxon). Les rois danois organisent fermement la socit nordique (constructions de fortifications dans leurs pays dorigine). A cette poque les ctes germaniques sont bien gardes (Ottoniens), la Francie occidentale rsiste (ex. la Normandie des successeurs de Rollon) et les Vikings doivent donc aller plus au nordouest. Les Vikings coulent leurs butin frquemment en Normandie (pour les Anglo-Saxons, la Normandie est un Etat viking). Aethelred va traiter avec les Vikings (de Normandie) avec laide de la papaut (991), puis en 1002, il pouse Emma, la sur du Duc de Normandie Richard II. Cest donc une alliance avec les Vikings du sud contre ceux du Nord. Malgr tout, les attaques vikings vont tre nombreuses partir de 991. Bataille de Maldon en 991 : grande victoire viking contre lEssex (donne lieu un pome qui clbre les morts). Aethelred va acheter le dpart de la flotte viking (10 000 : norme) cest le premier danegelt. Les Vikings commence voir les avantages de ce type de butins. Les Anglo-Saxons paieront en tout 250 000 (de 991 1040). Cela montre aussi que le systme anglo-saxon fonctionne assez bien pour pouvoir prlever de telles sommes dans le pays. Cest le systme du geld (contribution en numraire, exige surtout pour des taxes exceptionnelles, comme le Danegeld) fond sur la hide. On voit dun autre ct limpuissance militaire des Anglo-Saxons. De plus les fortifications militaires ont t mal entretenues et beaucoup de villes sont prises et pilles. A partir de 1013 les Vikings (Svein) entreprennent la conqute de lAngleterre. Aethelred senfuie en Normandie. Le 2 fvrier 1014 Svein meurt en laissant deux fils. Lun est roi dAngleterre (Cnut) et lautre roi des Danois (Harald). La mort de Svein entrane un soulvement contre les Danois et la fuite de Cnut. Le fils dAthelred, Edmund reprend la lutte lorsque Cnut revient. Tous deux signent un trait (la paix dAlney 1016 ?). Edmund est roi de Wessex et Cnut, roi de Mercie. Le 30 novembre 1016 Edmund meurt et une assemble de nobles et decclsiastiques proclament Cnut roi des Anglais. Il est sacr roi dbut 1017 par larchevque de Canterbury. Cnut pouse la veuve dAthelred, Emma de Normandie. Il divise lAngleterre en quatre parties : Mercie, Wessex, Northumbrie et Est-Anglie. Il reconstitue lempire de Svein Danemark, Angleterre, Sude, Norvge. Il a une conception impriale du pouvoir. Cest un empire personnel. A sa mort (1035), les divisions apparaissent. Il en dcoule que cest Edward (le Confesseur), fils dAethelred et dEmma qui reprend le pouvoir (10421066). Mais le roi Edward a peu de pouvoir (sous la tutelle de Godwine (Danois ?)). Edward sappuie sur la Normandie pour tenter de chasser Godwine. Harold, lun des fils de Godwin cherche tre roi aprs la mort de son pre. Edward aurait pu envisager de faire du jeune Guillaume (de Normandie), son successeur, mais au moment de sa mort il dsigne Harold. Ce dernier est aussitt couronn Westminster (1er anglais roi lavoir t). Mais les Norvgiens dbarquent dans le Nord. Harold qui montait la garde sur les cte sud contre une attaque normande doit filer vers le Nord marche force avec son arme. Il crase le roi de Norvge (Harald) Stamfordbrige. Cest une victoire de lAngleterre sur les Vikings du Nord. Mais ceux du Sud, eux, ne seront pas battus. II. INVASION NORMANDE ET DOMINATION FRANAISE Avant daborder la question des institutions chez les Anglo-Normands, il faut se pencher sur le contexte historico-politique de lpoque. Llment fondateur est bien sr la conqute de lle par les Normands de France (A). Trs vite ceux-ci vont imposer leur propre modle politique : le modle fodal (B). Ils vont enfin par la suite rcuprer des figures lgendaires du pass Breton dont le roi Arthur pour appuyer leur propre autorit (C). A. La conqute Elle va se drouler en plusieurs tapes (1-4) 1. Les vnements 24

HPJ COMMON LAW - INTRODUCTION a. Un casus belli Daprs les Normands, Edward le Confesseur avait promis en 1051, sa succession au duc de Normandie, Guillaume (que les Anglais appellent William). De plus, une tradition raconte quHarold aurait jur aide et fidlit Guillaume lorsque celui-ci la libre des geles de son ennemi, le comte du Ponthieu. Daprs ces rcits, Guillaume pense dj la conqute de lAngleterre depuis longtemps. Il ny a plus qu attendre loccasion. Cest ainsi que ds que Guillaume de Normandie apprend la mort dEdward le Confesseur, il va agir la fois sur le plan diplomatique et militaire. Le roi de France est alors mineur et lEmpereur dAllemagne Henri IV ne ragit pas. Daprs un historien normand de lpoque (Guillaume de Poitiers), Guillaume aurait mme reu du pape, par lintermdiaire de Lanfranc, la bannire pontificale. Cela montrait quil avait le pape de son ct et rendait sa cause lgitime (Harold avait t excommuni). b.loffensive Guillaume fait construire avec laide de ses vassaux une trs grande flotte. Il rassemble une arme qui fait appel de nombreux chevaliers trangers. Les Normands ntaient pas assez nombreux pour une telle entreprise. Il y aura donc aussi des Picards, des Flamands, des gens du Maine, de Bretagne, les chevaliers viennent du Nord et de lOuest de la France, et mme dAllemagne. Larme va dabord attendre tout lt 1066 un vent favorable. Le 12 septembre elle est ancre SaintValrie en Caux. Le vent ne devient favorable que le 27 septembre et Gui