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Rev Mdd Interne (1994) 15,713-714 713 © Elsevier, Paris l~ditorial )~ propos de rarticle : ~De la vitesse de s6dimentation au profil inflammatoire>> P Cacoub, P Godeau Service de mddecine interne, CHU Pitid-Salp~tribre, 87, bd de l'h6pital, 75651 Paris Cedex 13, France ' (Regu le 13 avril 1994; accept6 le 6 juin 1994) Jusqu'~ une p6riode rdcente, les principaux marqueurs biologiques de l'inflammation se limitaient h la vitesse de sddimentation 6rythrocytaire (VS), au fibrinogbne plasmatique et aux donn6es de l'61ectrophorbse des prot6ines sdriques. Une meilleure comprdhension des mdcanismes physiopathologiques impliqu6s darts les r6actions in- flammatoires, et les progr~s technologiques permettant les dosages plus fiables et plus aisds des diff6rentes pro- tdines plasmatiques, ont permis de mieux comprendre le r61e et l' utilit6 potentielle de ces prot6ines. L'apparition il y a une quinzaine d'anndes du profil prot6ique et le d6veloppement plus rdcent de m6thodes automatis6es, ont largement modifi6 l'analyse des variations des protdines sdriques. Ainsi, l'apparition du profil protdique dont l'interprdtation consiste h analyser d'une part les variations de concentration de certaines protdines plasmatiques et d' autre part les corrdlations pouvant exister entre ces variations a largement modifi6 nos raisonnements quoti- diens vis-a-vis des syndromes inflammatoires. Toutefois les relations entre r6acfion inflammatoire et rdaction immune restent tr~s complexes et il serait nffif de croire que l'apparition du profil protdique a tout chang6 dans la vision des processus physiopathologiques. L'article de Dubost et al [1] nous sem-ble, dans ce cadre, avoir un grand intdr~t car : - il situe parfaitement bien les difficult6s d'interpr6tation de la VS, avec les nombreux faux positifs et faux nd- gatifs de cette mdthode qui poss~de toutefois deux grands avantages, sa simplicit6 et son cofit tr6s r6duit ; - il insiste sur l'intdr~t des variations des prot6ines inflammatoires, notamment dans les nombreux cas litigieux o/~ l'interprdtation de la VS est difficile ; - il ~souligne que le taux sdrique d'une prot6ine inflammatoire est la rdsultante de. nombreux ph6nombnes physi0- pathologiques, dont l'interprdtation est d61icate lorsque la protdine est analys6e seule. Cette interpr6tation de- vient beaucoup plus aisde lorsque la protdine est replacde dans un systbme biologique fonctionnel, notamment darts le cadre d'un profil protdique ; - il rappelle clairement que sauf exception le profil prot6ique ne peut pas apporter de diagnostic mais qu'fl peut orienter les explorations afin d' aboutir ~ celui-ci. Le profil prot6ique est donc un tr~s bon examen de <<deuxibme:iigne~>, notamment dans les situations com- plexes off il permet de mieux caractdriser le syndrome inflammatoire, voire la rdaction immune. Quelques remarques compldmentaires nous semblent pouvoir enrichir la discussion : - comme le souligne 1' auteur, la VS ddpend essentiellement de la concentration plasmatique en macromoldcules, et en particulier en celle des prot6ines de l'inflammation. La VS n'est donc qu'un test indirect de mesure de Fin- flammation alors qu'actuellement nous avons ~ notre disposition, avec les dosages simples et spdcifiques des prot6ines de l'inflammation elles-m~mes, des tests directs qui permettent de rdpondre ~ la question : existe-t-il ou non un syndrome inflammatoire biologique ?

À propos de l'article : «De la vitesse de sédimentation au profil inflammatoire

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Page 1: À propos de l'article : «De la vitesse de sédimentation au profil inflammatoire

Rev Mdd Interne (1994) 15,713-714 713 © Elsevier, Paris

l ~ d i t o r i a l

)~ propos de rart ic le : ~De la vitesse de s6d imentat ion au profil inflammatoire>>

P C a c o u b , P G o d e a u

Service de mddecine interne, CHU Pitid-Salp~tribre, 87, bd de l'h6pital, 75651 Paris Cedex 13, France '

(Regu le 13 avril 1994; accept6 le 6 juin 1994)

Jusqu'~ une p6riode rdcente, les principaux marqueurs biologiques de l'inflammation se limitaient h la vitesse de sddimentation 6rythrocytaire (VS), au fibrinogbne plasmatique et aux donn6es de l'61ectrophorbse des prot6ines sdriques. Une meilleure comprdhension des mdcanismes physiopathologiques impliqu6s darts les r6actions in- flammatoires, et les progr~s technologiques permettant les dosages plus fiables et plus aisds des diff6rentes pro- tdines plasmatiques, ont permis de mieux comprendre le r61e et l' utilit6 potentielle de ces prot6ines. L'apparition il y a une quinzaine d'anndes du profil prot6ique et le d6veloppement plus rdcent de m6thodes automatis6es, ont largement modifi6 l'analyse des variations des protdines sdriques. Ainsi, l'apparition du profil protdique dont l'interprdtation consiste h analyser d'une part les variations de concentration de certaines protdines plasmatiques et d' autre part les corrdlations pouvant exister entre ces variations a largement modifi6 nos raisonnements quoti- diens vis-a-vis des syndromes inflammatoires.

Toutefois les relations entre r6acfion inflammatoire et rdaction immune restent tr~s complexes et il serait nffif

de croire que l'apparition du profil protdique a tout chang6 dans la vision des processus physiopathologiques. L'article de Dubost et al [1] nous sem-ble, dans ce cadre, avoir un grand intdr~t car : - il situe parfaitement bien les difficult6s d'interpr6tation de la VS, avec les nombreux faux positifs et faux nd- gatifs de cette mdthode qui poss~de toutefois deux grands avantages, sa simplicit6 et son cofit tr6s r6duit ; - il insiste sur l'intdr~t des variations des prot6ines inflammatoires, notamment dans les nombreux cas litigieux o/~ l'interprdtation de la VS est difficile ; - il ~souligne que le taux sdrique d'une prot6ine inflammatoire est la rdsultante de. nombreux ph6nombnes physi0- pathologiques, dont l'interprdtation est d61icate lorsque la protdine est analys6e seule. Cette interpr6tation de- vient beaucoup plus aisde lorsque la protdine est replacde dans un systbme biologique fonctionnel, notamment darts le cadre d'un profil protdique ; - il rappelle clairement que sauf exception le profil prot6ique ne peut pas apporter de diagnostic mais qu'fl peut orienter les explorations afin d' aboutir ~ celui-ci.

Le profil prot6ique est donc un tr~s bon examen de <<deuxibme:iigne~>, notamment dans les situations com- plexes off il permet de mieux caractdriser le syndrome inflammatoire, voire la rdaction immune.

Quelques remarques compldmentaires nous semblent pouvoir enrichir la discussion : - comme le souligne 1' auteur, la VS ddpend essentiellement de la concentration plasmatique en macromoldcules, et en particulier en celle des prot6ines de l'inflammation. La VS n'est donc qu'un test indirect de mesure de Fin- flammation alors qu'actuellement nous avons ~ notre disposition, avec les dosages simples et spdcifiques des prot6ines de l'inflammation elles-m~mes, des tests directs qui permettent de rdpondre ~ la question : existe-t-il ou non un syndrome inflammatoire biologique ?

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- le profil prot6ique permet de mieux appr6hender les processus physiopathologiques imptiqu6s lors de la r6ac- tion inflammatoire. Ainsi, c 'est parce clue lors de l ' inflammation, sous l 'effet de plusieurs interleukines le foie synth6tise en exc~s certaines prot6ines (orosomuco~de, haptoglobine, fibrinog~ne, fraction C3 du compldment) qu'i l diminue d' autant la synth~se d'autres prot6ines telles que l 'albumine ou la transferrine ; - il est indispensable pour interprdter correctement les tr~s nombreux renseignements apportds par le profil pro- t6ique, de conna~tre les causes d'augmentation et de diminution de chaque protdique. I1 faut 6galement conna~tre l 'existence <<d'associations pr6f6rentielles>> de groupes de prot6ines dont les variations sont normalement paral- l~les, et qui permettent en cas de variations discordantes une approche diagnostique plus aisEe [2, 3]. Par exemple, le couple orosomuco'/de-haptoglobine varie habituellement parall~lement tant h la hausse qu'~t la bais- se. Lorsque l 'haptoglobine n 'augmente pas autant que le voudrait l 'augmentation de l'orosomuco~de, ceci t6- moignera d 'une consommation de l 'haptoglobine et donc d 'une h6molyse, m8me si le taux d'haptoglobine en valeur absolue reste normal. L 'exemple choisi sur la figure 1 par l 'auteur semble ~ cet 6gard peu convaincant car, qumad l 'haptoglobine est nulle l 'hdmolyse est 6vidente m~me en l 'absence de tout profil prot6ique. En re- vanche, nous avons eu l 'occasion 5 plusieurs reprises de diagnostiquer des h6molyses franches, malgr6 un taux d'haptoglobine encore normal en valeur absolue du fait d 'une inflammation associ6e ;

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- l'interpr6tation correcte des variations de la ferritine plasmatique impose de connattre l 'existence ou non d'une inflammation, c'est-~t-dire en pratique les taux d'orosomucoide, d'haptoglobine et de CRP. En effet, la ferritin6- mie est non seulement un tr~s bon reflet du stock martial de l 'organisme mais aussi une prot6ine de l ' inflamma- tion. Cette double propridt6 correctement <<utilis~e>>, nous a permis de faire la part chez plusieurs patients pr6- sentant une hyperferritin6mie, entre une h6mochromatose, une hEpatopathie chronique, une maladie de Still, ou une inflammation simple ; - concernant les variations de la CRP et leur int6r8t au cours du lupus pour diffErencier une infection (of1 la CRP monte) et une pouss6e lupique (ofJ la CRP ne se modifierait que peu), nous n 'avons pas observ6 de strict parall6- lisme entre ces diffdrents ph6nom~nes. En pratique, au cours du lupus syst6mique, nous n'utilisons gu~re les va- riations de la CRP comme test discriminant pour diffdrencier une pouss6e de la maladie de fond d 'une infection surajout6e.

Malgr6 les nombreux intdr~ts de cette nouvelle technique qui a modifi6 nos modes de raisonnement quoti- diens, il ne faut pas avoir une vision trop idyllique du profil prot6ique qui n6cessite : - que le clinicien et/ou le biologiste fassent un effort d'apprentissage pour connattre parfaitement les diffErentes causes d'augmentation et de diminution de chaque prot6ine 6tudide, et les associations ~prdfdrentielles>> de cette prot6ine ; - une interprdtation en fonction du contexte clinique et/ou biologique, le profil prot6ique ne devant en aucun cas atre consid6r6 comme une c16 ~<passe-partout>> ; - des 6tudes prospectives, actuellement en cours, afin de valider les r6sultats obtenus ~t partir d' analyses rdtros- pectives.

Enfin, d'autres tests biologiques sont prometteurs et viendront sans doute enrichir dans un avenir proche la discussion, comme les mesures de l'activit6 antitrypsique urinaire qui appara~t comme un trbs bon marqueur d'infection bact6rienne chez les patients avec une fibvre ou une 616vation de la VS inexpliqudes [4].

R 6 f ~ r e n c e s

1 Dubost J J, Soubrier M, Meunier MN, Sauvezie B. De la vitesse de s6dimentation au profil inflammatoire. Rev Mdd Interne 1994;15:727-33

2 Caconh P, Thioli~res JM. Int6r~t du profil prot6ique en m6decine interne. Feuil Biol 1993;34:57-64

Cacoub P. Aide mgmoire pour l'interpr(tation des profils

prot~iques. Gagny : Beckman, 1992 Piette AM, Saba J, Bernard Net al. Urinary trypsin inhibi- tory activity for the diagnosis of bacterial infection: a prospective study in 690 patients. Eur J Med

1992; 1:273-6