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ANALYSE DE LA LOI MAROCAINE CONTRE LE TERRORISME Introduction Au lendemain des événements du 11 septembre2001, on a beaucoup parlé du phénomène du terrorisme qui menace la paix et la sécurité internationale. Etant considéré comme pays sujet aux attentats terroristes, le gouvernement Marocain a ratifié, le 13 Novembre 2001, quatre traités Internationaux concernant la lutte contre des actes terroristes. Le 23 Janvier 2003, le conseil des ministres adopte et dépose auprès du parlement un projet de « loi contre le terrorisme » (la loi 03-03). Or, le mouvement des contestations, constitué par les organisations de la défense des droits de l'Homme, les syndicats et les partis politiques, ont réussi en un temps record à le faire adopter. Cependant, Les évènements de Casablanca du 16 Mai 2003 ont ouvert la voie pour son adoption à l'unanimité, en l'espace de quelques jours seulement, par les parlementaires et publié au Bulletin officiel le 28 Mai 2003 (13 jours après les attentats du 16 Mai). Aujourd'hui, la menace terroriste paraît faire partie de notre quotidien. C'est ce qui ressort de la suggestion du gouvernement sur l'opportunité d'une mise à niveau de la loi anti-terroriste en vue d’une meilleur lutte contre ce fléau, dévoilée juste la veille du démantèlement du réseau terroriste « Belliraj ». C'est ce qui ressort également du message Royale du 4 Mars 2008 adressé aux responsables sécuritaires, les félicitant pour cette anticipation sur le réseau « Belliraj ». Le souverain a promis de leur fournir tous les moyens matériels, humains, et techniques qui leur seront nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches, mais en précisant la nécessité d’une lutte anti-terroriste qui se donne comme souci le respect des Droits de l’Homme. 1

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ANALYSE DE LA LOI MAROCAINE CONTRE LE TERRORISME

Introduction

Au lendemain des événements du 11 septembre2001, on a beaucoup parlé du phénomène du terrorisme qui menace la paix et la sécurité internationale.

Etant considéré comme pays sujet aux attentats terroristes, le gouvernement Marocain a ratifié, le 13 Novembre 2001, quatre traités Internationaux concernant la lutte contre des actes terroristes. Le 23 Janvier 2003, le conseil des ministres adopte et dépose auprès du parlement un projet de « loi contre le terrorisme » (la loi 03-03). Or, le mouvement des contestations, constitué par les organisations de la défense des droits de l'Homme, les syndicats et les partis politiques, ont réussi en un temps record à le faire adopter.

Cependant, Les évènements de Casablanca du 16 Mai 2003 ont ouvert la voie pour son adoption à l'unanimité, en l'espace de quelques jours seulement, par les parlementaires et publié au Bulletin officiel le 28 Mai 2003 (13 jours après les attentats du 16 Mai).

Aujourd'hui, la menace terroriste paraît faire partie de notre quotidien. C'est ce qui ressort de la suggestion du gouvernement sur l'opportunité d'une mise à niveau de la loi anti-terroriste en vue d’une meilleur lutte contre ce fléau, dévoilée juste la veille du démantèlement du réseau terroriste « Belliraj ». C'est ce qui ressort également du message Royale du 4 Mars 2008 adressé aux responsables sécuritaires, les félicitant pour cette anticipation sur le réseau « Belliraj ». Le souverain a promis de leur fournir tous les moyens matériels, humains, et techniques qui leur seront nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches, mais en précisant la nécessité d’une lutte anti-terroriste qui se donne comme souci le respect des Droits de l’Homme.

Donc les questions qui se posent à ce niveau sont :- Quels sont les moyens introduits par la loi 03 - 03 pour lutter contre le terrorisme ?

- Quel est l’impacte de cette loi sur le respect des droits de l’homme au Maroc ?

Notre sujet sera scindé en deux parties, une sera consacrée à l’analyse de la loi 03-03 par rapport aux dispositions du code pénal et celles du code de procédure pénale. La deuxième partie sera consacrée à la lutte antiterroriste et le recul des droits de l’homme au Maroc.

1 ERE PARTIE : LECTURE ANALYTIQUE DE LA LOI 03-03 RELATIVE A LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

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Deux idées majeures se dégagent à la lecture du Dahir portant promulgation de la loi relative à la lutte contre le terrorisme au Maroc : d'une part, le souci de se protéger contre toute forme de terrorisme ; de l'autre, faire de cette loi un acte déclaratif de la volonté de combattre le terrorisme international dans ses formes nouvelles.

L’on remarque, avec la lecture de la loi, que les dispositions de cette dernière sont relevées exclusivement du code pénal et du code de procédure pénale. Ces dispositions ont été modifiées en ce qui concerne la sanction vu la nature de l’acte terroriste.

Il nous sera donc utile d’analyser la loi 03-03 par rapport aux dispositions du code pénal et du code de procédure pénale tout en soulignant les changements introduits par cette législation.

I - Dispositions relatives au droit pénal

1- La notion du terrorisme

Le terrorisme est l'usage de la violence à des fins politiques, visant à faire pression par la terreur.La loi marocaine antiterroriste donne une définition large et ambiguë des actes qualifiés de terroristes en laissant la porte ouverte aux autorités politiques de les interpréter abusivement et de porter atteinte aux droits humains. Ce type d’incriminations porte atteinte au principe de légalité en matière de crimes et de délits qui prescrit que les définitions légales des infractions pénales doivent être strictes et dépourvues de toute équivoque et ambiguïté.Selon les dispositions de code pénal marocain l’article 218-1 prévoit que plusieurs actes sont qualifiés de terrorisme « lorsqu'ils sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but l'atteinte grave à l'ordre public par l'intimidation, la terreur ou la violence ». La violence et la terreur sont des actes matériels. Mais, la notion ambiguë c’est « d'intimidation » qui demeure, indéfinie et permet au juge d'y ranger tous les actes qui ne sont pas des actes de violence ou de terreur.Il en est de même pour l'expression « d'atteinte grave à l'ordre public » qui donne une large marge d'appréciation au juge de constater, parmi les actes punissables par le droit commun, qu'il y a une « atteinte grave à l'ordre public » comme l'atteinte volontaire à la vie des personnes, à leur intégrité ou à leur liberté, l'enlèvement ou la séquestration des personnes, la contrefaçon ou la falsification des monnaies on effet de crédit public, des sceaux de l'Etat et des poinçons, timbres et marques, ou le faux ou la falsification ... détournements, dégradations d'aéronefs ou des navires ou de tout autre moyen de transport. Il en est ainsi des installations de navigations aériennes, maritimes et terrestres et la destruction, la dégradation ou la détérioration des moyens de communications, le vol et l'extorsion des biens. Relèvent aussi de ces actes, les infractions relatives aux systèmes de traitement automatisés des données, le faux ou la falsification en matière de chèque ou de tout autre moyen de paiement, la participation à une association formée ou à une entente établie en vue de la préparation ou de commission d'un des actes de terrorisme, le recel sciemment du produit d'une infraction de terrorisme (art.218 – 1 CP).

Parmi les actes qualifiés également de terroristes « le fait de fournir, de réunir ou de gérer par quelque moyen que se soit, directement ou indirectement, des fonds, des valeurs ou des biens dans l'intention de les voir utiliser ou en sachant qu'il seront utilisés, en tout on en

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partie, en vue de commettre un acte de terrorisme, indépendamment de la survenance d'un tel acte. Et aussi le fait apporter un concours ou de donner des conseils à cette fin ». (Art. 218 – 4 CP).

Au terme de l’article 218-3, la loi marocaine prévoit un autre type de terrorisme, c’est le terrorisme écologique qui est « le fait d'introduire ou de mettre dans l'atmosphère, sous le sol, dans le sous-sol ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance qui met en péril la santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel ».

2 - La répression de l’infraction terroriste

La répression est le fait postérieur à l'acte terroriste, qui est régi sous la théorie du « Droit de L’Etat à punir ».Le législateur marocain a prévu notamment dans la loi 03-03 des mesures répressives, en effet si le droit pénal marocain se caractérise par des peines lourdes, l’actuelle loi a alourdi encore ces peines lorsque les infractions se rapportent à une activité terroriste. Nous allons mesurer l'efficacité de la répression à travers les peines applicables aux auteurs d'actes terroristes, qui sont de deux catégories : des peines principales, propres à chacune des activités terroristes constitutives d'infractions, et des peines complémentaires.

A- Les peines principales

Dans son article 218-7, la loi marocaine antiterroriste prévoit le maximum des peines prévues pour les infractions visées à l'article 218-1, lorsque les faits commis constituent des infractions de terrorisme, les peines de 30 ans de réclusion sont transformées en peines de réclusion perpétuelle, les peines privatives de liberté sont relevées au double sans dépasser 30 ans, et les peines d'amende sont multipliées par 100 sans être inférieures à 100 000 dirhams (art.218 – 7 CP).

L'article 218-8 prévoit aussi une peine de réclusion de 5 à 10 ans, de non révélation d'infraction de terrorisme aux autorités publiques, contre toute personne, à l'exception des parents ou alliés jusqu'au quatrième degré, ayant des connaissances de projets ou d'actes tendant à la perpétration de fait constituant des infractions de terrorisme.

De même, l'article 218-7 prévoit la dissolution de la personne morale lorsqu'elle commet un des actes de terrorisme évoqués dans l'article 218-1.

Et pour réagir efficacement contre les actes terroristes, le législateur marocain a engagé la responsabilité pénale des personnes morales tout en prévoyant de différentes peines.

B - Les peines complémentaires

La loi prévoit des mesures de sanction communes contre toute infraction de terrorisme. L'article 70 (al.2) stipule que « lorsque l'acte commis constitue une infraction de terrorisme, la juridiction peut assigner au condamné un lieu de résidence, et dont il ne pourra s'éloigner sans autorisation pendant la durée fixée dans le jugement sans toutefois dépasser dix ans ».

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L'article 70 (al.4), prévoit « l'interdiction de séjourner peut toujours être prononcée lorsque la juridiction applique une peine d'emprisonnement pour une infraction de terrorisme ».

Aussi l'article 86 (al.1) autorise la juridiction à prononcer l'incapacité d'exercer toutes fonction ou emploi public lorsqu'il s'agit de la condamnation d'une personne dans une affaire de terrorisme.

La juridiction peut aussi, au terme de l'article 44-1, et lorsqu'il s'agit d'un acte constituant une infraction de terrorisme, prononcer la confiscation.

C - Les excuses légales

La loi prévoit une excuse absolutoire, en faveur de l'auteur, le coauteur ou le complice qui, avant toute tentative de commettre une infraction de terrorisme faisant l'objet d'une entente ou d'une association et avant toute mise en mouvement de l'action publique, a le premier, révélé aux autorités judiciaire, de sécurité, administrative ou militaire l'entente établie ou l'existence de l'association.

Lorsque la dénonciation se fait après l'infraction, la peine est diminuée de moitié pour l'auteur, le coauteur ou le complice qui se présente d'office aux autorités ci-dessus mentionnées ou qui dénonce les coauteurs ou complices dans l'infraction.

Lorsque la peine prévue est la mort, elle est commuée à la peine de réclusion perpétuelle, lorsqu'il s'agit de la peine de la réclusion perpétuelle, elle est commuée à la réclusion de 20 à 30 ans.

II - Dispositions relatives au Code de Procédure Pénale

En se basant sur les circonstances exceptionnelles, prévues par la constitution, d'état d'urgence, de siège et d'exception, le législateur marocain s'est permis de légaliser des mesures restreintes, de certaines garanties juridiques des inculpés et des personnes soupçonnées de terrorisme pour « faciliter » les enquêtes policières et judiciaires. Toutefois, ces dispositions, et compte tenu de la réalité de la justice marocaine, portent vivement atteinte aux droits de l'homme.

1 - La limitation du droit à la vie privée

A - Les perquisitions nocturnes

En principe le droit pénal a limité les perquisitions nocturnes entre 6h du matin et 9h du soir.Dans les affaires liées au terrorisme, la loi marocaine antiterroriste a permis les perquisitions de nuit.

Au terme de l'article 102 du code de la procédure pénale modifié par la loi N° 03 - 03, les perquisition et les visites à domiciles sont permises, sans autorisation écrite du ministère public, pour les besoins de l'enquête, à toute heure, c'est-à-dire avant 6h du matin et après 21h, à condition que le juge d’instruction y procède lui-même et en présence du représentant du ministère public.

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B - Le secret de la correspondance

En principe, l'interception des communications et des courriers est interdite, avec tout ce qui s'en suit comme enregistrement, transcription ou saisie. Mais lorsqu'il s'agit d'affaire de terrorisme, ou encore pour beaucoup d'autres actes criminels cités par le législateur, le secret de la correspondance n'est pas respecté.

L'article 108 (al.3 CPP) accorde au procureur général du Roi, en cas de nécessité de l'enquête, et après une requête écrite du 1er président de la Cour d'Appel, d'intercepter des appels téléphoniques ou des communications effectuées par les moyens de communication à distance, de les enregistrer, d'en prendre copies ou de les saisir.

Le procureur général en cas d'extrême urgence peut ordonner lui-même, sans recueillir l'accord du 1er président, l'exécution des opérations précédemment mentionnées (art 108 al4 CPP).

C - Le secret bancaire

Le principe du secret bancaire n'est pas respecté dans les affaires de terrorisme. L'article 595- 1 relatif à la procédure de financement du terrorisme accorde au procureur général du Roi, au juge d'instruction et à la juridiction chargée des affaires de terrorisme, de requérir des renseignements sur les fonds financiers soupçonnés liés au terrorisme, de la part des institutions financières, obligées de les fournir. De même, ces fonds peuvent être saisis, gelés ou confisqués, et même s'il s'agit de soupçons seulement.

2 - Restriction des garanties lors de la garde à vue A - Prolongation de la garde à vue

La garde à vue est la rétention d'une personne, pour une durée déterminée, dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, justifiée par les nécessités de l'enquête.

L'article 66 (al.4 CPP) prévoit une prolongation de la durée de garde à vue à 96 heures, renouvelable deux fois, sans autorisation écrite du ministère public, (une durée maximale de douze jours), alors que la personne suspecte d'une infraction de droit commun n'est gardée à vue que pendant 48 heures, ou 72 heures en cas de prolongation. En réalité, cette prolongation de la garde à vue expose l'inculpé de terrorisme à la torture, et la situation s'aggrave, en tenant compte de la réalité, avec les abus et le tripatouillage de la date et de l'heure du commencement de la garde à vue.

B - Retard à l’accès à un Avocat

Le droit à l'assistance d'un avocat dés l'arrestation et la mise en garde à vue du suspect est limité par l'article 66 ( al.9 CPP) de la loi, qui précise que « en cas d'une infraction de terrorisme ou des infractions visées à l'article 108 de la présente loi et si les nécessités de l'enquête l'exigent, le représentant du ministère public peut à la demande de l'officier de police judiciaire, retarder la communication de l'avocat avec son client sans que ce retard ne dépasse 48 heures à compter de la première prolongation ». En fait, cette mesure est

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justifiée elle aussi par des raisons sécuritaires, intervient dans un moment crucial où l'inculpé a besoin de l'assistance d'un avocat, ce qui permet à l'officier de police judiciaire d'interroger le suspect à sa guise pour soutirer des renseignements, voire même des aveux, sans la présence « dérangeant » de l'avocat.

2 EME PARTIE : LA LUTTE ANTITERRORISTE ET LE RECUL DES DROITS DE L’HOMME AU MAROC

Depuis les attentats antiterroristes du 11 septembre à New York, et dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, on a assisté dans plusieurs pays à une montée spectaculaire du souci sécuritaire au détriment du respect des droits de l’homme. Plusieurs ONG ont exprimé leur indignation devant l’escalade des violations des droits de l’homme. Pour sa part, le Maroc, a connu, après les attentats terroristes de Casa le 16 Mai, un durcissement autoritaire qui a touché les législations et la situation des droits de l’homme en général. Sous prétexte de la lutte contre le terrorisme, il y a eu des violations des droits de plusieurs Marocain ce qui entraîne des régressions en matières des acquis des droits de l’homme au Maroc.

I - Les droits de l’homme à l’épreuve de la loi antiterroriste

Les attentats terroristes meurtriers du 16 Mai à Casablanca ont accéléré l’adoption par le parlement d’une loi antiterroriste, entrée en vigueur le 29 Mai 2003, la loi 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme a fortement élargi les pouvoirs des appareils sécuritaires, ce qui a suscité de vives critiques de la part des organisations de la défense des droits de l’homme au niveau national et international. Elle a été adoptée rapidement et à la quasi-totalité par les deux chambres du parlement et sans aucune concertation avec les ONG des droits de l’homme. La loi a fait l’objet de plusieurs critiques, les défenseurs des droits de l’homme lui reprochent le manque de garanties du respect des droits humains et l’omniprésence du souci sécuritaire. Parmi les critiques les plus significatives soulevées par cette loi, on peut signaler :

La loi 03-03 est caractérisée par la forte présence sécuritaire, et selon les associations de défense des droits de l’homme, les législations existantes sont suffisantes pour réprimer les actes terroristes.

La définition floue de l’acte terroriste dans la loi 03-03 qui stipule que : « constituent des actes terroristes diverses infractions lorsqu’elles sont commises intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but l’atteinte grave à l’ordre public par l‘intimidation, la terreur ou la violence ». On pourrait conclure que la loi contre le terrorisme contient plusieurs dispositions vagues susceptibles d’être interprété de façon excessive, c’est ce qui peut autoriser tous les abus.

La loi attribue les compétences de poursuite, d’instruction et de jugement à la Cour d’Appel de Rabat qui devient ainsi un tribunal compétant dans le traitement des

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affaires spéciales, consacrant le système de la justice d’exception, ce qui est contre les règles des droits de l’homme et les règles du procès équitable.

Plusieurs défenseurs des droits de l’homme dénoncent la loi antiterroriste, elle marque une restriction des libertés et une régression grave par rapport à certains acquis. Ceci se manifeste surtout au niveau de :

La prolongation de la garde à vue qui peut atteindre 12 jours ;

La possibilité d’effectuer des perquisitions à domicile à toute heure du jour ou de la nuit en dehors des heures légales ;

Le fait que le procureur général auprès de la Cour d’Appel peut exceptionnellement ordonner sans l’accord de principe du président de la Cour d’Appel, l’interception et l’enregistrement, la copie et la saisie des appels téléphoniques et des communications à distance. Ce qui constitue une atteinte au droit à la vie privée.

Le procureur du roi peut demander aux banques ou aux établissements de crédits des renseignements sur des transactions ou des mouvements du fond susceptibles d’avoir une relation avec le financement du terrorisme.

La loi fixe des peines lourdes jusqu'à la peine capitale, alors que la peine capitale était prévue par le code pénal pour 17 crimes, tandis que cette nouvelle loi y ajoute 12 nouvelles infractions.

La loi a favorisé l’accroissement des compétences du ministère public, il peut à la demande de l’officier de la police retarder la communication du suspect mis en garde avec son avocat, ce qui est une atteinte grave au droit à la défense.

Les délais de la garde à vue et de la détention préventive demeurent longs par rapport aux normes internationales.

La force probante des procès-verbaux et rapports établis par les officiers de la police judiciaire pour constater les délits n’est pas compatible avec la présomption d’innocence et limite l’autorité du juge dans le contrôle et l‘appréciation des moyens de preuves. Alors que pour garantir les conditions d’un procès équitable, il est nécessaire de considérer ces procès comme simple renseignement qui n’ont aucune force juridique.

En général, la lutte antiterroriste menée par le Maroc a menacé véritablement les acquis juridiques relatifs au respect des droits de l’homme, on constate un retour de l’autoritarisme qui entraîne une restriction des libertés et une recrudescence des soucis sécuritaires.Ces dernières années, plusieurs détenus islamistes reconnus coupable d’acte de terrorisme ont mené des grèves de faim pour réclamer leur libération ou un réexamen de leur procès. La réforme des politiques pénales et la révision de la législation pénale et de la loi contre le terrorisme sont une grande priorité et ce en vue de mieux respecter les droits de l’homme et renforcer la sécurité des personnes et de l’état en conformité avec les instruments internationaux en matière de droits de l’homme.

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II - La pratique de la torture

Malgré les évolutions positives que connaît le Maroc au niveau du respect et de la promotion des droits de l’homme, la lutte contre le terrorisme a vu le retour spectaculaire de pratique qu’on a cru comme un moment faisant partie du passé. Certes il est tout à fait légitime de combattre le terrorisme, mais cela ne justifie pas l’exercice des actes qui portent atteinte aux droits de l’homme. Les défenseurs des droits de l’homme au Maroc n’ont cessé d’exprimer leurs soucis pour non respect des droits de l’homme en matière de lutte contre le terrorisme.Par ailleurs, la commission des Nations Unies a exprimé dans ces recommandations et observations au sujet du 3éme rapport périodique rendu par le Maroc au titre de la Convention contre la Torture, son inquiétude devant:

- la recrudescence de la pratique de la torture et des mauvais traitements;- l’extension considérable du délai de garde à vue;- l’absence de garanties assurant l’accès à un avocat; - le manque d’information sur les mesures prises par les autorités judiciaires,

administratives et autres pour donner suite aux plaintes à des enquêtes, Inculpations, procès et jugements contre les auteurs d’actes terroristes.

De leurs coté, les associations internationales des droits d l’homme ont également signalé, dans leurs rapports relatifs au Maroc après les attentats terroristes du 16 mai 2003, qu’il y a des défaillances qui menacent le processus positif des droits de l’homme.Les ONG internationales, la Commission des Nations Unies et Amnesty Internationale ont montré la responsabilité de la DST dans la régression des droits de l’homme au Maroc. D’ailleurs, selon l’AI Jazeera, le centre de détention de Témara géré par la DST: « est l’un des principaux endroits dans lequel le recours à la torture est signalé. Plusieurs dizaines de personnes arrêtées en application de mesures antiterroristes se sont plaint d’avoir été torturées et maltraitées à Témara. La détention dans ce centre est secrète et non reconnue, ce qui constitue une violation de la législation marocaine et des normes internationales relatives aux droits humains ».

III - La restriction de la liberté de la presse et de l’information

Depuis l’indépendance et jusqu’aux années 90, le Maroc a connu un contrôle et un monopole absolu de l’Etat sur la communication audiovisuelle, la presse a trop souffert de restrictions, censures et pressions durant les années de plomb. Aujourd’hui la presse Marocaine jouit d’une grande liberté et pluralité par rapport aux autres pays du monde arabe.Cependant, à la suite des attentats de Casablanca, il y a eu un durcissement autoritaire de la part de l’état : restriction de la liberté de la presse, arrestation de plusieurs journalistes qui ont été condamnés à des peines allant jusqu'à trois ans d’emprisonnement, notamment pour diffusion de fausses nouvelles et incitation à la violence, en publiant les déclarations des islamistes présumés être impliqué dans ces attentats.La censure de la presse critique et indépendante s’est accentuée, les interdictions administratives ont cédé la place à deux nouveaux types de répression de la liberté de la presse : la répression judiciaire et la répression économique (amendes, boycott publicitaire). Ainsi les journalistes marocains sont aujourd’hui confrontés à des poursuites judiciaires multiples qui ont des conséquences très graves sur la liberté d’expression.

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Pour ce faire, le code de la presse adoptée en 2002 contient quelques dispositions positives. Parmi elles :

- La consécration du droit du citoyen à l’information, du droit d’accès aux sources d’informations ;

- Le pouvoir d’interdire les journaux n’est plus une prérogative administrative, mais judiciaire ;

- Les décisions de saisie, de suspension et d’interdiction d’un journal ou d’une publication doivent être motivées ;

- Le journaliste poursuivi en justice dispose d’un délai de 15 jours pour préparer sa défense ;

- La pénalisation de l’incitation à la haine et à la violence, …

Cependant, le nouveau code de la presse et de l’édition restreint les garanties juridiques de la liberté d’expression et de la presse. Il maintient des peines privatives de liberté pour plusieurs délits et remplace quelques peines de prison par des lourdes amendes.

Conclusion

Il est vrai que le l’Etat a le devoir de réprimer et lutter contre les actes du terrorisme en vue de préserver les principes de l’Etat de droit et de protéger le droit des citoyens à la vie, à la sécurité et à la liberté. Toutefois il faut éviter de permettre au nom de la lutte contre le terrorisme, de transgresser arbitrairement les droits fondamentaux des personnes. Pour remédier à cette situation déplorable, les autorités doivent procéder à des Réformes juridiques et adopter plusieurs mesures, parmi elles:

- Incriminer tous les actes de torture (Article 2 et 4 de la convention contre la torture);- Restreindre le délai de garde à vue et garantir le droit d’accéder rapidement à un

avocat; - Mener des enquêtes impartiales, infliger des sanctions aux responsables de la torture;- Accorder des indemnités aux victimes des actes de torture; - Garantir l’indépendance et l’impartialité de la magistrature pour assurer le droit des

citoyens à un procès équitable ;- Retirer les réserves émises sur la convention contre la Torture (etc. …)

Malgré ce déficit, il faut ajouter que le Maroc vient de faire une déclaration reconnaissant la compétence du Comité Onusien contre la torture pour recevoir les plaintes individuelles et étatiques (Article 21 et 22 de la Convention contre la Torture).En plus la loi 43-04 relatives aux abus d’autorité commis par les fonctionnaires contre les particuliers et à la torture, prévoit des peines rigoureuses pour les actes de torture.

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