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154 Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 154-5 Lettre à la rédaction Assistance ventilatoire à domicile dans trois pays D. Veale Dans cette lettre à la rédaction, le Dr Dan Veale synthétise les trois éditoriaux sur la ventilation à domicile en France, au Royaume-Uni, et aux États- Unis d’Amérique parus récemment dans la Revue (série « Ventilation à Domicile »), et en profite pour tirer quelques sonnettes d’alarme. Réagissez : [email protected] ! Dans la série « ventilation à domicile » la Revue des Maladies Respiratoires a publié trois éditoriaux sur les systèmes français, anglais et américain de prise en charge des insuffi- sants respiratoires à domicile [1-3]. Ces trois articles retracent notamment un historique tout à fait passionnant. Ils abor- dent les atouts respectifs des systèmes français, anglais et amé- ricain aussi bien que les inquiétudes ressenties par les prescripteurs de ces trois pays. Ce genre de démarche est vrai- ment intéressant mais également utile pour nous aider à réflé- chir à l’avenir de notre pratique. Quels sont les constats les plus frappants ? En premier lieu viennent bien sûr les différences entre ces systèmes qui ont chacun leurs avantages et leurs faiblesses ; Mais on est également frappé par la difficulté d’avoir des données fiables et synthétiques même dans les pays les plus développés du monde. N’avons-nous pas un devoir vis-à-vis de pays moins avancés en ce domaine de décrire, analyser et critiquer ce que nous faisons ? Lorsque l’on compare ces trois systèmes, il est amusant de constater que, globalement, leur organisation reflète les devises des pays concernés. Aux États-Unis, (« the land of the free, and the home of the brave ») la technologie avance, la réac- tivité est rapide mais le souci permanent reste le problème du remboursement des soins. Par conséquent on a très peu de données épidémiologiques sur l’utilisation de l’assistance res- piratoire. Nos amis américains sortent de très bonnes études techniques sur les ventilateurs mais n’ont pas les données cli- nico-épidémiologiques qu’on peut trouver dans les études fai- tes en France. Les Anglais (« God save our gracious Queen, long to reign over us ») ont un système très structuré, donc peu réactif. Ils possèdent une organisation centralisée impliquant un con- trôle rigoureux du nombre de centres prenant en charge des patients ventilés ainsi qu’une approche comptable rigoureuse pour l’oxygénothérapie. Peu de prestations sont organisées autour de l’oxygénothérapie de longue durée. Ainsi les Anglais peuvent-ils faire des études épidémiologiques bien chiffrées et précises mais habituellement sans les données cli- Centre de Pneumologie Henri Bazire, Saint-Julien de Ratz et ANTADIR, Paris, France. Correspondance : D. Veale Centre de Pneumologie Henri Bazire, 38134 St Julien de Ratz. [email protected] Réception version princeps à la Revue : 28.10.2004. Acceptation définitive : 30.10.2004.

Assistance ventilatoire à domicile dans trois pays

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154 Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 154-5

Lettre à la rédaction

Assistance ventilatoire à domicile dans trois pays

D. Veale

Dans cette lettre à la rédaction, le Dr Dan Veale synthétise les trois éditoriaux sur la ventilation à domicile en France, au Royaume-Uni, et aux États-Unis d’Amérique parus récemment dans la Revue (série « Ventilation à Domicile »), et en profite pour tirer quelques sonnettes d’alarme. Réagissez :[email protected] !

Dans la série « ventilation à domicile » la Revue desMaladies Respiratoires a publié trois éditoriaux sur les systèmesfrançais, anglais et américain de prise en charge des insuffi-sants respiratoires à domicile [1-3]. Ces trois articles retracentnotamment un historique tout à fait passionnant. Ils abor-dent les atouts respectifs des systèmes français, anglais et amé-ricain aussi bien que les inquiétudes ressenties par lesprescripteurs de ces trois pays. Ce genre de démarche est vrai-ment intéressant mais également utile pour nous aider à réflé-chir à l’avenir de notre pratique.

Quels sont les constats les plus frappants ? En premierlieu viennent bien sûr les différences entre ces systèmes quiont chacun leurs avantages et leurs faiblesses ; Mais on estégalement frappé par la difficulté d’avoir des données fiableset synthétiques même dans les pays les plus développés dumonde. N’avons-nous pas un devoir vis-à-vis de pays moinsavancés en ce domaine de décrire, analyser et critiquer ce quenous faisons ?

Lorsque l’on compare ces trois systèmes, il est amusantde constater que, globalement, leur organisation reflète lesdevises des pays concernés. Aux États-Unis, (« the land of thefree, and the home of the brave ») la technologie avance, la réac-tivité est rapide mais le souci permanent reste le problème duremboursement des soins. Par conséquent on a très peu dedonnées épidémiologiques sur l’utilisation de l’assistance res-piratoire. Nos amis américains sortent de très bonnes étudestechniques sur les ventilateurs mais n’ont pas les données cli-nico-épidémiologiques qu’on peut trouver dans les études fai-tes en France.

Les Anglais (« God save our gracious Queen, long to reignover us ») ont un système très structuré, donc peu réactif. Ilspossèdent une organisation centralisée impliquant un con-trôle rigoureux du nombre de centres prenant en charge despatients ventilés ainsi qu’une approche comptable rigoureusepour l’oxygénothérapie. Peu de prestations sont organiséesautour de l’oxygénothérapie de longue durée. Ainsi lesAnglais peuvent-ils faire des études épidémiologiques bienchiffrées et précises mais habituellement sans les données cli-

Centre de Pneumologie Henri Bazire, Saint-Julien de Ratz et ANTADIR, Paris, France.

Correspondance : D. Veale Centre de Pneumologie Henri Bazire, 38134 St Julien de [email protected]

Réception version princeps à la Revue : 28.10.2004. Acceptation définitive : 30.10.2004.

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niques approfondies correspondantes que l’on trouve enFrance.

Quant à cette dernière (« liberté, égalité, fraternité ») lesystème associatif a su d’emblée créer des prestations autourdu traitement. La régionalisation du système et la mise enplace d’une coordination fédérative ont permis des analysesaffinées des populations de patients. Par contre, avec la multi-plication des prestataires à but lucratif, on risque de perdre labonne visibilité que l’on avait sur la population globale.

L’atout du système associatif français provenait notam-ment de l’enthousiasme des fondateurs ; mais le bénévolat arapidement atteint ses limites.

L’expérience acquise par le secteur associatif permet dedécrire la structure-type idéale avec le nombre et la qualifica-tion des personnels en fonction du nombre des patients et deleur pathologie. Dans cet esprit, l’ANTADIR a participédepuis de nombreuses années déjà à l’élaboration d’un« référentiel » et mis en place diverses formations spécifiquesqui pourraient servir de base à un diplôme « d’assistant desoins à domicile ».

Le système français évolue et l’atout de la« Fédéralisation » est maintenant remis en question.Malheureusement comme l’a dit la chanteuse CanadienneJoni Mitchell « You never know what you’ve got ‘til its gone » ! nila CNAMTS, ni le ministère de la santé ne paraissent plusreconnaître les vrais avantages du système qu’ils avaient eux-

mêmes contribué à créer : une prestation globale, une base dedonnées fiable, un dynamisme soutenu par le bénévolat etune forte attache au monde hospitalo-universitaire.

Un dernier avantage majeur du système français maisqui est peu connu, réside dans les liens étroits qui existentavec les associations de patients. Ceci constitue une véritablereconnaissance et donne une place d’importance à toutes lesmaladies chroniques ainsi prises en charge à domicile.

Le système français est-il exportable en Europe ? Ceserait sans doute illusoire et prétentieux de le penser, même sinos voisins anglais s’en inspirent parfois volontiers. Et puis nenous faudrait-il pas commencer par conduire à son terme unerationalisation de ce type de prestation ; qui serait d’autantplus facile à mener techniquement que nous disposons de laquasi-totalité des données nécessaires pour ce faire ?

Références

1 Roque d’Orbcastel O, Polu JM : L’assistance respiratoire à domicile,encore une exception française ? Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 345-9.

2 Simonds AK : Assistance ventilatoire à domicile, la situation auRoyaume-Uni. Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 350-3.

3 Hill NS : Assistance ventilatoire mécanique à domicile, la perspectivenord-américaine. Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 354-7.