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 Archives de sciences sociales des religions 149 (janvier-mars 2010) Varia .................................................................................................................................................................................................................... ................. .................................... ................. ...... Florian Michel Le Moyen Âge au Nouveau Monde L’enjeu culturel des Mediaeval Studies .................................................................................................................................................................................................................... ................. .................................... ................. ...... Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document.  Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). .................................................................................................................................................................................................................... ................. .................................... ................. ...... Référence électronique Florian Michel, « Le Moyen Âge au Nouveau Monde »,  Archives de s ciences sociales des religions [En ligne], 149 | janvier-mars 2010, mis en ligne le 05 octobre 2010, consulté le 01 janvier 2014. URL : http:// assr.r evues.org/21824 ; DOI : 10.4000/ assr .21824 Éditeur : Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales http://assr.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://assr.revues.org/21824 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. © Archives de sciences sociales des religions

Assr 21824 149 Le Moyen Age Au Nouveau Monde

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  • Archives de sciences socialesdes religions149 (janvier-mars 2010)Varia

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    Florian Michel

    Le Moyen ge au Nouveau MondeLenjeu culturel des Mediaeval Studies................................................................................................................................................................................................................................................................................................

    AvertissementLe contenu de ce site relve de la lgislation franaise sur la proprit intellectuelle et est la proprit exclusive del'diteur.Les uvres figurant sur ce site peuvent tre consultes et reproduites sur un support papier ou numrique sousrserve qu'elles soient strictement rserves un usage soit personnel, soit scientifique ou pdagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'diteur, le nom de la revue,l'auteur et la rfrence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord pralable de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislationen vigueur en France.

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    Rfrence lectroniqueFlorian Michel, Le Moyen ge au Nouveau Monde, Archives de sciences sociales des religions [Enligne], 149|janvier-mars 2010, mis en ligne le 05 octobre 2010, consult le 01 janvier 2014. URL: http://assr.revues.org/21824; DOI: 10.4000/assr.21824

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  • Florian Michel

    Le Moyen ge au Nouveau MondeLenjeu culturel des Mediaeval Studies

    Les tudes mdivales en Amrique du Nord pourraient sans doute, premire vue, constituer davantage un objet dtonnement quun sujet dtude 1.Mme un vque catholique amricain de la fin du XIXe sicle, que lon auraitpu croire plutt favorable au Moyen ge, proclamait qu il ne nous servira derien de comprendre le XIIIe sicle mieux que le XIXe sicle. Le monde est entr dansune phase entirement nouvelle, et le pass ne reviendra pas 2. Un religieuxfranais, invit par son ordre fonder Ottawa un institut dtudes mdivalesau commencement des annes trente, remarquait, dans une perspective assezeuropenne, que les Canadiens sessaient pntrer eux aussi dans le Moyen ge,qui est la lettre pour eux de la prhistoire. Ce nest pas le moindre obstacle 3.

    Gustave Cohen (1879-1958), professeur dhistoire mdivale la Sorbonne,que les infortunes de la Seconde Guerre mondiale conduisent Yale en 1941,soulignait cependant combien le mdivisme tait une discipline bien tablie auNouveau Monde malgr ses couleurs paradoxales et ses difficults pratiques :

    Il semble quaucune civilisation ne soit plus loin de notre Moyen ge occidental quecelle toute trpidante et mcanise des tats-Unis. Cest une erreur, que jai depuislongtemps combattue quand jenseignais en Sorbonne, ds la cration de ma chaireen 1932, quils avaient pris dans notre discipline une place davant-garde. (...) Uneorganisation universitaire magnifique, des bibliothques abondantes, des collectionsde photostats, pris dans nos dpts de manuscrits, les acquisitions de primitifs par

    1. Il est vrai cependant que Beowulf, pome pique de la littrature anglo-saxonne auVIIe sicle, dont les tudes furent relances par J. R. Tolkien dans les annes trente, et les uvresde Geoffroy Chaucer (vers 1343-1400), sont lus aux tats-Unis comme autant dlments dupatrimoine mdival anglais. Il est vrai, aussi, que le Qubec a toujours mis en avant son identitfranco-catholique.

    2. Mgr John Ireland, discours tenu en 1889 la cathdrale de Baltimore, cit dans Catholi-cisme, hier, aujourdhui, demain, Le Touzey et An, 1948, vol. 1, p. 453, col. 1. Mgr Ireland, quitait alors archevque de Saint Paul dans le Minnesota, est un des porte-parole de lamricanisme,condamn, peu avant le modernisme, par Lon XIII dans sa lettre Testem Benevolentiae (1899).Sur lamricanisme, voir McAvoy, 1957, 1963 ; Claude Fohlen, 1987, pp. 215-230.

    3. Lettre du pre M.-D. Chenu au pre A. Motte, 29 dcembre 1931, Paris, Archives dela Province Dominicaine de France, Fonds Chenu.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS 149 (janvier-mars 2010), pp. 9-32

  • 10 - Archives de sciences sociales des religions

    les Muses (...) constituent un appareil formidable qui, mani et exploit par deschercheurs dlite, peut faire progresser notre science. (...) Le De translatione studii(...) se prolonge vers lOuest dans le sens de la marche apparente du soleil (Cohen,1945 : 91-93).

    Les illustrations sont alors dj nombreuses. G. Cohen voque ainsi laMediaevalAcademy of America, fonde en 1925 Harvard, le Pontifical Institute of MediaevalStudies de Toronto, fond en 1929, et le Cloisters Museum de New York, inau-gur en 1938. Il conclut sa chronique en racontant quau milieu de la guerre ilavait pu donner un cours dhistoire mdivale lintrieur du Muse des Clotres,contemplant larchitecture mdivale en coutant un enregistrement radiophoniquedes chants grgoriens de labbaye de Solesmes :

    Quand je prenais part en juillet aot 1942 la session dt de Columbia University,je voulus mon accoutume faire avec mes tudiants une excursion mdivale. Je lesconduisais aux Cloisters, au fond de lHudson, parmi les vieilles pierres vocatriceset authentiques venues de Saint-Guilhem-du-Dsert et de sculptures transportes gale-ment de France. Loin de faire des reproches nos htes, nous les louions de les avoirprserves de linvasion, de la destruction et du pillage des modernes Barbares rudits.

    Malgr la modernit revendique des tats-Unis, malgr quelques phnomnesde rsistance, et bien avant la rception et la diffusion protiforme de la FrenchTheory (Cusset, 2003), les Mediaeval Studies simplantent solidement dans lepaysage universitaire nord-amricain, et offrent de resituer dans une perspectiveplus longue les liens culturels entre la France et lAmrique du Nord. La translatiostudii, voque par G. Cohen, pourrait tre dfinie comme un change culturelrendu possible la fois par le dplacement de matriaux dtudes, originaux oureproduits grce la technique moderne, par la prsence outre-Atlantique denombreux mdivistes europens, ainsi que par la venue en Europe de nombreuxchercheurs amricains. Elle accompagne la passation de pouvoirs entre les deuxcontinents qui caractrise la premire moiti du sicle amricain . Lempireamricain, nouvelle Rome au temps de la chute dune nouvelle Constantinople,a cherch conserver sur son sol et entretenir lhritage culturel du Moyenge europen.

    Les balbutiements des Mediaeval Studies (annes 1920)Les Mediaeval Studies en Amrique du Nord ont des racines acadmiques.

    On peut les dater des lendemains de la Premire Guerre mondiale, durant laquelledes milliers de jeunes Amricains, de tous les milieux sociaux, entrrent en contactavec lEurope et son pass mdival. Avant la premire guerre, le mdivisme enAmrique du Nord, plutt marqu par une vision romantique du Moyen ge etorient essentiellement vers le Moyen ge anglo-saxon en ses versants littraire etjuridique, repose sur les efforts disperss d rudits solitaires (Gentry, Kleinheinz,1982). Deux institutions universitaires trs diffrentes, lUniversit dHarvard et

  • Les MEDIAEVAL STUDIES au Nouveau Monde - 11

    la Catholic University of America de Washington, tmoignent des premiers pasdes Mediaeval Studies au mitan des annes vingt.

    Le premier jalon est le mois de dcembre 1925, lorsque nat, Boston, surle campus de lUniversit dHarvard, la Mediaeval Academy of America, fondeet dirige par Edward Rand, George Coffman, Ralph Cram et Charles HomerHaskins (1870-1937). Ce dernier est lme de la fondation : cest un ancien lvede lcole des chartes ; il passe six ans en Europe, au tournant du sicle, entreParis, Londres et Palerme, se spcialise dans lhistoire des Normands et ancreses travaux dans une approche la fois administrative et politique du Moyenge ; il est nomm professeur Harvard en 1912 et est lun des trois prochesconseillers du Prsident Wilson la confrence de Versailles en 1919 (Haskins,1933 ; Cantor, 1993 : 254 ssq.) LAcadmie Mdivale, la premire de ce type auxtats-Unis, lance la publication, en janvier 1926, dune nouvelle revue intituleSpeculum, a Journal of Mediaeval Studies. E. Rand en signe le manifeste, publidans les premires pages de la premire livraison de Speculum. Il revendique lhritage mdival de lAmrique : La formation en Amrique dune AcadmieMdivale est un signe des temps encourageant. La conception du Moyen gecomme une priode dignorance crasse, de mauvais got et de fanatisme aveuglene trouve plus beaucoup de dfenseurs. Le titre Speculum, qui voque les miroirsmultiples o les gens du Moyen ge aimaient se regarder , propose de donnerun reflet mdival au sein du monde moderne. Le projet est dtudier tout leMoyen ge , avec un accent particulier plac sur le Moyen ge latin, qui estle centre de nos intrts, mais nen est pas la circonfrence.

    Un article, paru galement dans le premier numro de Speculum, donne desaisir la gense de cette Acadmie Mdivale (Coffman, 1926 : 5-18). Limpul-sion date de 1920 ; elle a t donne par le Pr. John Manly, de la ModernLanguage Association, qui constatait labsence dorganisation des MediaevalStudies dans ce pays . En 1921, est lanc un programme de Mediaeval LatinStudies, qui peu peu se solidifie en Mediaeval Academy. Le mdivisme, Harvard, trouve donc son origine dans les tudes linguistiques, puisque la facultdes langues, dsireuse dapprofondir le champ du latin mdival, en suggrelorganisation. Laccent est alors mis sur la littrature et la latinit mdivale.La fondation de la Mediaeval Academy est un moment charnire dans lhistoiredes tudes mdivales en Amrique et fait de Cambridge le haut lieu du mdivismeoutre-Atlantique (Gentry, Kleinheinz, 1982 : 13-19).

    Le second jalon est pos lors de la naissance, en janvier 1926, de lAmericanCatholic Philosophical Association 4, qui lance un an plus tard Washington,aux presses de la Catholic University of America, une revue intitule The NewScholasticism :

    4. Pour lAmerican Catholic Philosophical Association, voir les Proceedings of the FirstAnnual Meeting, tenu la Catholic University of America le 5 janvier 1926, organis parMgr Thomas Shahan et le pre James Ryan.

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    Nous avons la conviction, disait Mgr Edward Pace lors du discours inaugural delassociation, que les ides de base de la scolastique sont des vrits vivantes, assezsolides pour porter lentiret du savoir et assez flexibles pour autoriser tous les ajoutsdes faits connus 5.

    La perspective de The New Scholasticism est celle dun retour la philosophiemdivale, et au renouveau thomiste en particulier tel quil sest esquiss en Franceet en Belgique, notamment, sous les auspices du Saint-Sige, dans la postrittardive de lencyclique Aeterni Patris (1879) :

    Depuis trop longtemps nous sommes considrs comme un peuple et un clerg degrande nergie, et de grand zle, qui construisons, organisons et dfendons toutessortes dinstitutions, mais trangers toute poursuite des biens intellectuels. Lemoment pour de telles conceptions est rvolu. (...) Lassociation ouvre une nouvellere dans la vie catholique de notre pays 6.

    Le premier numro de la revue souvre par un hommage au cardinal Mercierde Louvain qui venait de disparatre, et par la communication dtienne Gilsonau Congrs International de Philosophie qui stait tenu Boston quelques moisplus tt 7.

    Un ensemble de signes plus diffus confirme la lente monte en puissance delintrt pour le Moyen ge en Amrique tout au long des annes vingt. partirde 1926, James F. Willard, vice-prsident de lAcadmie Mdivale et professeurdhistoire mdivale lUniversit du Colorado, publie ainsi une brochure inti-tule Progress of Mediaeval Studies in the United States of America, o lauteurnumre les travaux entrepris aux tats-Unis, ainsi que les noms de tous leshistoriens des tats-Unis qui sy occupent du Moyen ge : ils sont soixante en1923, dpassent les trois cents en 1926 pour atteindre huit cents en 1940(Willard, 1926) 8. Le Moyen ge historique ne peine donc pas sintroduiredans la vie acadmique amricaine, mme si, hormis Harvard avec CharlesH. Haskins qui envoie dans les universits amricaines nombre de ses tudiants(Cantor, 1993 : 254), leffort de structuration de la discipline est encore raliser.

    Cependant, le Moyen ge intellectuel peine davantage convaincre lesmilieux non catholiques. En 1926, New York, John Zybura publie une enquteo sont rapports les tmoignages des philosophes amricains les plus en vue surla valeur de la philosophie mdivale et sur ses rapports avec la pense moderne.

    5. Edward Pace, Inaugural Address , in Proceedings of the First Annual Meeting,janvier 1926, p. 16.

    6. Id., p. 18.7. The New Scholasticism, janvier 1927, Catholic University Press : Maurice de Wulf,

    Cardinal Mercier : philosopher , tienne Gilson, Le rle de la philosophie dans lHistoirede la civilisation .

    8. Louvrage est ensuite publi annuellement en supplment de Speculum sous le titre Progressof Mediaeval and Renaissance Studies par James Willard jusquen 1937 et par S. HarrisonThomson au-del.

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    Les remarques sont parfois trs critiques. Ralph Barton Perry, professeur dephilosophie Harvard, explique ainsi que la prsente drive vers le ralismepourrait rallumer lintrt envers la philosophie scolastique , mais il ajoute quele poids de lautorit et la pesanteur du dogme anantissent leffort scolastique : lesprit de la philosophie moderne sculire est radicalement critique : il ne tolrepas la fermeture dune question, mais reconsidre toutes croyances ; lissuedu philosopher scolastique est dtermine lavance : cest un empty show 9.John Dewey, le leader pragmatiste de lcole de Chicago, reconnat galementqu il y a, pour la scolastique, un intrt croissant, li pour partie au renouveaudes thories ralistes de la connaissance, et pour partie la multiplication destudes sur Aristote et lintrt corollaire pour les penseurs mdivaux ; maislensemble des philosophes amricains demeurent tranger au monde scolastique.Les causes de cette indiffrence sont nombreuses, explique Dewey : Les philo-sophes non scolastiques ont t levs dans la tradition protestante et ont plusou moins inconsciemment identifi la scolastique avec les dogmes thologiquesquils nacceptent pas 10. Pour le philosophe Santayana, la fixit et la clartdu vocabulaire scolastique sont une consolation du Babel des termes figuratifset des catgories perverses qui rendent confuse la philosophie moderne , maisla scolastique ne peut pas susciter lintrt des contemporains : elle est troplointaine 11.

    Ds les annes vingt, on repre donc en Amrique du Nord un rel attraitpour le mdivisme, et notamment pour le Moyen ge intellectuel. Mais il fautnoter une forte rsistance selon la priode considre. Le Moyen ge historiqueest consensuel et se trouve intgr pleinement dans le champ universitaire etculturel. Lanne 1925 est aussi le moment o une importante donation finan-cire du philanthrope John D. Rockfeller (1874-1960) permet la cration duCloisters Museum (Rorimer, 1938) 12. Mais, alors mme quil commence existerun Moyen ge destination du grand public amricain, qui peut ainsi dambulerdans quelques clotres franais, le Moyen ge philosophique et mtaphysiquedevient, quant lui, lobjet dune lutte riche de potentialits dialectiques (Michel,2007 : 33-56). Ce nest pas le lieu de montrer ici comment la philosophie ditemdivale et la philosophie dite amricaine sont devenues les deux forces conflic-tuelles de la vie philosophique aux tats-Unis au lendemain de la Seconde Guerremondiale : Les deux courants de pense qui paraissent aujourdhui prvalentsaux tats-Unis, crit Maritain, sont le courant pragmatiste et le courant, commeon dit, no-thomiste (Maritain, 1944 : 271-300). Il suffit de souligner lalatence du conflit et la varit du Moyen ge considr : la Catholic University

    9. Ralph Barton Perry, in Zybura, 1926, pp. 3-4.10. John Dewey, in Zybura, 1926, pp. 29-31.11. George Santayana, in Zybura, 1926, pp. 74-76.12. James Rorimer, 1938, (rd. 1963). La premire dition contient dans sa prface une

    brve notice historique sur la provenance des collections du muse.

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    of America dcide dinvestir le terrain de la philosophie mdivale ; J. Deweyreconnat, pour sa part, que lducation protestante prvenait contre la philo-sophie scolastique ; lUniversit dHarvard sengage, quant elle, dans ltudedu Moyen ge politique et institutionnel.

    Les Mediaeval Studies : les trois premires fondationsLes universits catholiques sont les premires comprendre limportance

    quil y aurait structurer fortement les tudes mdivales. Trois institutions,deux au Canada et une aux tats-Unis, germent ainsi dans lentre-deux-guerres.La premire, fonde par le mdiviste franais tienne Gilson (1884-1978), nat Toronto en 1929 ; reconnue par la Congrgation romaine des Sminaires etUniversits, elle devient le Pontifical Institute of Mediaeval Studies en 1939. Laseconde institution, fonde par les dominicains de la Province du Canada, prendforme, en 1930, au sein du couvent dOttawa, avant dtre dplace, en 1942, lUniversit de Montral. La troisime surgit sur le campus de lUniversit deNotre Dame, au nord de lIndiana, dans la seconde moiti des annes trente,mais ne prend son essor quau lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

    Lhistoire du Pontifical Institute of Mediaeval Studies (PIMS) sinscrit dansun projet dtudes du Moyen ge philosophique et thologique. N dans le cadrede Saint-Michaels College, rattach lUniversit de Toronto, linstitut est tenupar la congrgation de Saint-Basile.

    En 1926, dans le cadre dun change universitaire, tienne Gilson, alorsprofesseur de philosophie la Sorbonne, est nomm visiting professor pour unsemestre lUniversit dHarvard, qui lui propose, en 1927, une chaire professo-rale pour renforcer le dpartement de philosophie dans ce qui est maintenantson maillon le plus faible, savoir lhistoire 13. Au mme moment, des religieuxde la congrgation de Saint-Basile donnent carte blanche Gilson pour fonder Toronto un laboratoire dtudes mdivales. Gilson accepte la propositionbasilienne, renonce loffre dHarvard et montre que son Moyen ge ne corres-pond gure celui dHarvard : Quant lhistoire de la philosophie, ici [Harvard] on nen voit pas lusage, crit Gilson en 1926. Perry est assez troubl.Il pense que trop tudier les systmes des autres empche les jeunes de trouverle leur. Cest comme si visiter les muses et tudier les matres empchaient dedevenir peintre 14. Je sais quHarvard est Harvard, mais cest pour moi uneoccasion unique de raliser mon idal des tudes mdivales 15. LInstitut deToronto est officiellement ouvert la rentre de 1929. Un article avait paru

    13. Lettre de William Hocking au Prsident Lawrence Lowell, 21 dcembre 1926,Archives Harvard.

    14. Lettre d. Gilson son pouse Thrse, 6 octobre 1926, cite par L. Shook, op. cit.,1984, p. 150 et retraduite partir de langlais.

    15. Lettre d. Gilson au Professeur Wood, 28 janvier 1928, Archives Harvard.

  • Les MEDIAEVAL STUDIES au Nouveau Monde - 15

    quelques mois plus tt pour en prsenter les fins : recouvrer une civilisation etune culture, qui ont t, pour une large part, perdues 16.

    tienne Gilson, soutenu par les Pres basiliens, parvient organiser en unedcennie un actif centre de recherches sur le Moyen ge : il forme une quipede professeurs comptents et rassemble les instruments de recherche adquats.Cette croissance, remarquable en si peu dannes, est la fiert de Gilson. Il senouvre Ralph Barton Perry, son collgue dHarvard : Mon institut dtudesmdivales nest plus un vague rve, crit-il. Jai dix professeurs, chacun deuxspcialis dans un champ particulier de la civilisation mdivale. (...) Je suis unhomme heureux, plus quheureux : content 17. Elle suscite une admiration jalouse Harvard : Flicitations pour la croissance et la fcondit de lInstitut ! luirpond Perry. Vous avez russi trouver dix hommes en philosophie mdivale,tandis que jusqu aujourdhui nous nen avons pas trouv un seul. Peut-tre unjour vous en trouverez un pour nous 18.

    Le champ dtudes de lInstitut de Toronto est assez large. LInstitut avaitdabord pour fin de permettre une meilleure comprhension des grands docteursmdivaux en les resituant dans leur poque. Dans un premier temps, Gilsonavait demand Rome une reconnaissance canonique pour une facult de philo-sophie et de thologie. Il sagissait de mettre lhistoire mdivale au service deces deux disciplines. Assez vite cependant, lensemble de la civilisation mdivalelatine, de la musique la littrature, de la liturgie larchitecture, est tudi etenseign par les professeurs du PIMS, mme si philosophie et thologie y demeurentles disciplines reines.

    la veille de la Seconde Guerre mondiale, en 1939, lInstitut se dote de larevue Mediaeval Studies, qui assure la diffusion des travaux de lInstitut et dite,encore aujourdhui, de nombreux manuscrits mdivaux. La revue fut la clde vote qui assura la solidit de lensemble de lentreprise ; ctait un lmentindispensable pour attirer tudiants et professeurs (Owens, 1988 : XI-XVI).

    LInstitut prospre jusquau Concile de Vatican II. On trouve un tmoignagede lge dor du PIMS sous la plume du mdiviste belge Fernand vanSteenberghen :

    Lorganisation matrielle de lInstitut est remarquablement bien adapte sonbut, qui est de former une lite de chercheurs parfaitement exercs aux mthodesscientifiques dans le domaine de lhistoire mdivale. (...) Il sagit de former une litede travailleurs, dont chacun doit tre suivi de prs par ses matres. La bibliothqueadmirablement outille pour les tudes mdivales, compte quelque 20 000 volumes,20 incunables, 400 manuscrits reproduits photographiquement et une collection de

    16. . Gilson, Mediaevalism in Toronto , The Commonweal, New York, 1er mai 1929,pp. 738-740.

    17. Lettre d. Gilson Ralph B. Perry, 2 novembre 1935, Archives Harvard.18. Lettre de Ralph B. Perry . Gilson, 14 novembre 1935, Archives Harvard.

  • 16 - Archives de sciences sociales des religions

    microfilms qui contient dj environ 120 000 pages de manuscrits ou de livres rares (1951 : 411-412).

    LInstitut de Gilson suscite ladmiration des mdivistes nord-amricains : Toronto est le lieu o Dieu envoie tous les bons mdivistes quand ils meurent,et o il envoie la plupart des meilleurs mdivistes longtemps avant leur mort (Berkhout, 1982 : 105), et engendre en cho dautres fondations, en Europe, Louvain par exemple (Van Steenberghen, 1994 : 17-21), ou en Amrique du Nord.lves et professeurs du PIMS essaiment travers le continent, vers les univer-sits catholiques ou sculires. Son mode dorganisation des tudes sert aussi demodle : les tudes mdivales ne sont pas une unit au sein de la facultdhistoire, comme souvent en France, mais un institut pluridisciplinaire, quitudie les divers aspects de la civilisation mdivale.

    LInstitut dtudes Mdivales dOttawa est lquivalent francophone delInstitut de Toronto. Fond, en 1930, au sein du couvent dominicain dOttawa,port sur les fonts baptismaux par . Gilson et le P. Marie-Dominique Chenu,lInstitut se dplace, en 1942, lUniversit de Montral o il est rattach laFacult de Philosophie. Sans surprise, lInstitut, qui prend alors le nom dAlbertle Grand, choisit pour spcialit le Moyen ge philosophique et dominicain.

    De 1930 1942, lInstitut, dont les professeurs appartiennent pour la plupart lOrdre de saint Dominique, sadresse dabord aux tudiants dominicainsdu Nouveau Monde. Confin dans les btiments du couvent, le rayonnementde lInstitut dans la capitale canadienne est limit, mme si sa visibilit inter-nationale est assure par une collection de co-publications avec lditeur Vrin, Paris, qui publie ainsi une dizaine de titres entre 1932 et 1940 19.

    De 1942 la fin des annes quatre-vingts, au terme desquelles il disparatau fil de diverses restructurations universitaires, lInstitut jouit dune belle noto-rit. Il est alors une facult complte, dirige par un conseil pdagogique propre,pourvu dune organisation scolaire autonome ayant son groupe de professeurset dlves. Il attire quelques professeurs de renom, comme Henri-Irne Marrou,Paul Vignaux ou Raymond Klibansky. LInstitut connat Montral ses grandesheures :

    Montral mme, et lintrieur de lUniversit, linfluence de lInstitut a t accrue,note son directeur, en 1948. Lampleur du programme offert nos lves en mmetemps que la pratique rigoureuse des mthodes historiques amnent des relations invi-tables avec les autres facults qui peuvent trouver chez nous un complment ncessairede leur propre enseignement, au plan tant des objets que des techniques 20.

    19. Le premier volume de la Collection de lInstitut dtudes Mdivales dOttawa-Montral sintitule tudes dhistoire littraire et doctrinale du XIII e sicle, premire srie,Ottawa, IEM et Paris, Vrin, 1932.

    20. RP. Rgis, Mmoire sur lInstitut dtudes Mdivales prsent au P. EmmanuelSuarez, Matre Gnral de lOrdre des Frres Prcheurs , 31 mars 1948, p. 13, Montral,Archives de la Province Dominicaine du Canada.

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    Les publications sont nombreuses. La confrence Albert-le-Grand , chaqueautomne, est un vnement de qualit. La translation Montral est plus quunsimple dplacement gographique. LInstitut entre alors dans laire gravitation-nelle complexe et mtamorphique dune grande universit. Pierre Boglioni, ancienlve et ancien directeur, commente ainsi la venue Montral de lInstitut :

    LInstitut dtudes mdivales allait aussi tre rattach lUniversit de Montral,par le biais de la Facult de Philosophie, en fournissant cette facult, ds le dbut,une partie de son personnel. (...) Il correspondait en somme au modle de la GraduateSchool amricaine ou, avec des moyens et un personnel plus rduits, au modle duPontifical Institute of Mediaeval Studies (Boglioni, 2001 : 195-196).

    Lintgration au sein du monde acadmique montralais ira croissante.LUniversit de Montral, catholique jusqualors, est scularise la fin desannes soixante. Ltiolement du thomisme induit dans les annes soixante-dixune lacisation de ltude du Moyen ge. Les tudes mdivales Montraltmoignent de la rvolution culturelle que connut alors le Qubec. En quatredcennies, on passe de ltude de la philosophie au Moyen ge ltude de lareligion populaire mdivale, puis celle de la marginalit, de la grossiret oude lrotisme au Moyen ge, et enfin ltude de la religion populaire au Qubec(Panaccio, 1998 : 145-162).

    Ce que Saint Michaels College a fait, Notre Dame peut le faire 21. Lafondation de lInstitut dtudes mdivales de lUniversit de Notre Dame, Indiana,puise la mme source que les instituts de Toronto et Ottawa. Notre Dame,le projet de lInstitut, le premier de ce type aux tats-Unis, date de lentre-deux-guerres. Le P. Philip Moore (1900-1969), de la Congrgation de Sainte-Croix,ancien chartiste, ancien lve de Gilson Paris, et principal architecte du nouvelinstitut, en retrace ainsi la gnalogie : The Mediaeval Institute a t formellementfond en 1946, mais il provenait dun premier programme en tudes mdivalesqui remontait 1933 (1960). Labsence de personnel qualifi et linsuffisancedes fonds grvent linitiative lance par Gilson :

    Le problme de Notre Dame est beaucoup plus difficile rsoudre, crivait Gilsonen 1936. Jai rencontr il y a quelques annes un jeune pre amricain de Sainte-Croix,qui tudiait alors lcole des chartes, le P. Philippe Moore. Comme il se demandaitce quil ferait (et incidemment ce quon lui demanderait de faire) aprs lobtention deson diplme, je lui avais suggr lorganisation dun Institut amricain, plus ou moinssur le modle de celui de Toronto et dirig par Notre Dame. (...) Lan pass, alors queje donnais des confrences l bas, (...) je leur ai laiss une srie de recommandations 22.

    partir du milieu des annes trente, lUniversit de Notre Dame noffrequun programme de cours en tudes mdivales , qui, peine lanc, disparataprs avoir laiss dans les bibliothques les publications de quelques volumes en

    21. Lettre du pre Moore au pre James Burns, 8 juillet 1931, Province Archives Center,University of Notre Dame.

    22. Lettre d. Gilson Anton Pegis, 10 juillet 1936, Toronto, Saint Michaels CollegeArchives.

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    Mediaeval Studies (Moore, 1936 ; Corbett, Moore, 1938). En 1946, le projetdInstitut dtudes mdivales est relanc grce aux efforts du P. Moore, et grce la venue du P. Gerald Phelan, ancien prsident du PIMS de Toronto, recom-mand par Gilson.

    Jai crit au P. Moore, crivait Gilson au P. Phelan, et je peux vous assurer quil saitmaintenant combien jespre que vous puissiez aller Notre Dame afin de poursuivre,en un nouveau lieu, le bon travail que vous avez si bien ralis Toronto. (...) Biensr, il y aura des difficults pratiques, mais la nature locale de ces difficults est cequi donnera au nouvel Institut son individualit et son caractre une fois quellesseront surmontes. Vous ne pouvez pas imaginer combien je dsire avec ferveur quele nouvel Institut soit un succs pour le bien mme du PIMS. (...) Il ny a pas lombredune rivalit. Je suis chaudement en faveur de lmulation 23.

    Notre Dame, de 1946 1952, le P. Phelan dirige les premires annes dujeune institut, qui poursuit ensuite sa route sous la direction du P. Astrik Gabriel,prmontr hongrois. LInstitut quitte le strict terrain de la philosophie mdivaleet se spcialise dsormais dans lhistoire des coles et de lducation au Moyenge. Il publie deux collections : The Publication in Mediaeval Studies , dontle premier volume tait celui du P. Moore, en 1936 ; et Texts and Studies inthe History ofMediaeval Education , dont le premier numro sort en 1953 (John,1953). Il noue un change avec la Bibliotheca Ambrosiana de Milan et fait repro-duire presque lintgralit des douze mille manuscrits de Milan 24.

    Sans avoir jamais ni lampleur ni la vigueur des instituts de Toronto etMontral, la fondation de Notre Dame traverse les ans et propose des coursdans tous les champs de la civilisation mdivale latine : thologie et philosophiebien sr, mais aussi palographie, histoire de lart, histoire de la liturgie, du droitcanon, littrature mdivale et anglais mdival. Les annes soixante-soixante-dix, sans tre un moment de rupture, comme ce fut le cas Montral, voientun processus de scularisation plus subtil, par le biais dun lger largissementthmatique : dune histoire religieuse de la thologie et de la philosophie mdi-vale, on passe une histoire intellectuelle des lieux et des institutions du savoirau Moyen ge.

    Les trois institutions sont complmentaires sur le plan de la gographie cultu-relle et linguistique nord-amricaine : au PIMS canadien et anglophone sajoutent,au fil de leur cration, deux instituts analogues, lun pour le Canada francophone,lautre pour les tats-Unis. Lombre de Gilson est partout : Jai pass quelquesjours Notre Dame, o je leur ai apport de laide pour organiser un Institutdtudes mdivales. Cela deviendrait-il une nouvelle manie ? , se demande lhisto-rien de la philosophie 25. maints gards, Gilson, qui permet lenracinement du

    23. Lettre d. Gilson au pre G. Phelan, 9 aot 1946, Toronto, Saint Michaels CollegeArchives.

    24. Pour une notice de l Ambrosiana Microfilm and Photographic Collection , voirBerkhout, 1982, p. 104.

    25. Lettre d. Gilson Ralph Barton Perry, 25 novembre 1934, Archives Harvard.

  • Les MEDIAEVAL STUDIES au Nouveau Monde - 19

    Moyen ge en son versant philosophique et thologique, apparat comme leprincipal vecteur de la structuration du mdivisme en Amrique du Nord 26.Ces trois institutions sont les premires des vingt centres de recherche et desquatre-vingts programmes en tudes mdivales rpertoris au seuil des annesquatre-vingts, mme si cette date les Mediaeval Studies ont fortement changdans leurs mthodes comme dans leurs finalits (Berkhout, 1982 : 97-120).

    Les vecteurs de lchange culturelLintroduction du mdivisme en Amrique du Nord sest appuye sur deux

    mouvements complmentaires. Il y a, dune part, limportation de matriauxmdivaux, qui permet la ncessaire acclimatation du mdivisme dans les biblio-thques amricaines ; il y a aussi un change transatlantique qui conduit quelquesmdivistes europens enseigner en Amrique du Nord et qui donne de jeuneset souvent brillants tudiants amricains loccasion dtudier le Moyen ge enEurope.

    Non sans humour, on a fait remarquer que larchitecture mdivale avaitmoins bien travers locan que les manuscrits (Berkhout, 1982 : 98). Le CloistersMuseum de New York est lexception notable, puisque lon trouve, sur les bordsde lHudson, cinq clotres, ainsi que des tombes, des porches, des autels, rassem-bls un peu avant la Premire Guerre mondiale par le collectionneur amricainGeorge Grey Barnard. Il est vrai, cependant, que le Cloisters est plutt uniqueen son genre et que les manuscrits ont davantage voyag. On a peu ide delampleur de ce type dchange transatlantique qui recouvre en fait deux ralitsdistinctes, puisque ce sont la fois les originaux et les reproductions doriginauxqui sont considrer.

    Entre 1925 et 1935, deux auteurs, Seymour de Ricci et W. Wilson (1935-1940), sattachrent rpertorier tous les manuscrits du Moyen ge et de laRenaissance prsents en Amrique du Nord. Leur projet, rest sans quivalentdu fait de lampleur de la tche, aboutit la publication, entre 1935 et 1940,de plus de deux milles pages en trois volumes qui cartographient la rpartitiondu matriau mdival en Amrique du Nord. Il nest gure possible de donnerun nombre, mme approximatif, de tous les manuscrits mdivaux alors enAmrique du Nord. Pour 1940, les deux auteurs indiquent environ cinq propri-taires de manuscrits, parmi lesquels des universits, des bibliothques publiques,des muses, des communauts religieuses et des collectionneurs privs. Certainspropritaires nont que quelques manuscrits. La bibliothque de Columbia Uni-versity en possde alors plus de cinquante ; la New York Public Library en pos-sde plus de cent cinquante ; la George Plimpton Library, intgre plus tard la

    26. Voir aussi Cantor, 1993, p. 331, selon lequel il ny a pas de mdiviste plus influentque Gilson aux tats-Unis dans les annes cinquante.

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    bibliothque de Columbia, possde plus de trois cents pices. La Pierpont MorganLibrary, New York, est une des plus riches en mediaevalia : sans compter lesdivers autographes et papyrus, on y trouve environ huit cents bibles, lectionnaires,rituels, livres dheures, psautiers ou manuscrits mdivaux. La provenance deces manuscrits est diverse : achat aux enchres Paris, Rome, ou Istanbul, rachatde bibliothques compltes de lords anglais dsargents. LUniversit de Chicagodonne un exemple de lampleur du transfert culturel en jeu : en 1891, elle achteainsi trois cent mille volumes, dont de nombreux manuscrits, sur le march deBerlin. En 1935, elle possde plus de mille six cents manuscrits anciens. LArtInstitute of Chicago commence en 1915 sa collection denluminures, qui naurade cesse de senrichir. Lintroduction du dernier tome de lentreprise Seymourde Ricci - Wilson signalait limportance du phnomne et invitait les chercheursamricains exploiter et publier ces originaux :

    Les chercheurs amricains ont t les principaux bnficiaires du processus migra-toire des matriaux de recherche ; ce processus semble loin davoir atteint son sommet.(...) Un nombre vraiment norme de manuscrits, livres, et uvres dart ont t rendusaccessibles pour les chercheurs amricains ; et cela a enrichi la vie intellectuelle destats-Unis et du Canada. Une telle situation cependant confre une lourde obligation.

    La Seconde Guerre mondiale marque une csure dans lacquisition du matriaumdival. partir de 1940, et mme si le mouvement avait t initi pralablementavec le procd des photostats, les institutions ne privilgient plus lacquisition desoriginaux. Les pays dEurope deviennent plus vigilants quant la conservation deleur patrimoine. On envisage alors la reproduction des manuscrits mdivauxsous forme de microfilms. Au seuil des annes quatre-vingts, on value ainsi undemi-million le nombre de manuscrits accessibles sous ce format aux tats-Unis(Berkhout, 1982 : 101). Les manuscrits mdivaux de la Bibliotheca ApostolicaVaticana, de la Bibliotheca Ambrosiana de Milan, des bibliothques dAutriche,et dAngleterre ont t dans leur majeure partie reproduits, respectivement, Saint Louis University au sein de la Vatican Film Library, lUniversit de NotreDame au sein de lInstitute of Mediaeval Studies, Saint Johns University Collegeville dans le Minnesota et la Library of Congress.

    Outre les manuscrits, nombreux sont les mdivistes partir, pour unsemestre ou quelques annes, en Amrique du Nord. Gilson offre sans aucundoute lexemple le plus emblmatique du mdiviste europen cheval surlAtlantique : pendant cinquante ans, son anne universitaire est divise partspresque gales entre lAmrique du Nord et la France (Shook, 1984).

    Les mdivistes franais entrent, en effet, rarement dans la catgorie des mi-grs. On compte certes quelques exils du fait de la guerre. Gustave Coheninsistait juste titre sur limportance de lapport des rfugis franais sur le plandes tudes mdivales : il aurait pu ajouter les migrs allemands, puisque ErnstKantorowicz (1895-1963) arriva Berkeley en 1939. Cest pour y enseignerle Moyen ge que, dpossd de ma chaire de Sorbonne, je fus appel comme

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    visiting-professor luniversit Yale , crit-il (1945 : 91-93). Cohen voquemaintes figures du mdivisme europen exiles comme lui aux tats-Unis 27 :Henri Focillon, premier prsident de lcole Libre des Hautes tudes de NewYork, qui donnait des cours sur lart mdival, Jacques Maritain, qui enseignaitla philosophie scolastique, Alexandre Koyr et Paul Vignaux qui faisaient auMoyen ge une part royale . Ainsi la tradition du vieux collge que Robert deSorbon fonda en 1259 aux bords de la Seine se continuait au bord du Connecticut (Cohen, 1942 : 73). De cette prsence des mdivistes franais en Amrique,Alain de Libera soulignera limportance structurelle :

    tienne Gilson a eu deux carrires, franaise et canadienne, une influence gnralediffuse, disons culturelle en France, une autre plus profonde, plus pdagogiqueoutre-Atlantique, deux uvres aussi, lune en franais, lautre en anglais. Ce doubleenracinement ntait pas dailleurs propre Gilson : Alexandre Koyr (...) a lui aussiexerc en Amrique du Nord, comme plus tard Vignaux Montral. Ce passage dumdivisme franais dans le monde anglo-saxon nest pas un pisode : il fait partie deson histoire foncire (Libera, 1991 : 39-40).

    Pour le pre Chenu, Gilson ou Maritain, les liens avec lAmrique du Norddbordent la Seconde Guerre mondiale en amont et en aval. Le pre Chenu vientainsi enseigner cinq semestres Ottawa et Montral entre 1930 et 1940 ; il yretourne au moment du Concile. Gilson note sur un carnet personnel le nombre devoyages outre-Atlantique quil ralise entre 1926 et 1953 : un par an lexception dela priode de la guerre, soit quelque cinquante traverses de locan 28. Jallaisenseigner de ville en ville, crit-il, comme un wandering scholar du tempspass 29. La figure du missionnaire affleure parfois : Jai travaill, pendantplus de vingt ans, transmettre lAmrique une part de cette civilisation chr-tienne du Moyen ge que, par Alcuin, la France hrita jadis de Rome 30. Leparalllisme entre Gilson et Alcuin dYork est du reste souvent not :

    M. Gilson compare sa vocation de missionnaire intellectuel travers le monde occi-dental et amricain celle des matres itinrants du Moyen ge. Je suis prt pousser lindiscrtion jusqu identifier litinrant au moine Alcuin venu dYork enFrancie au temps de Charlemagne. Cette fois York est Paris, et la Francie, le Canada.Grce au nouvel Alcuin, les arbres du Paradis avec leurs fruits continuent crotre ici 31.

    Quant Maritain, entre son premier voyage, en 1933 et son dernier voyage,en 1966, il fait une quinzaine dallers-retours. Aprs la guerre, il entend bien

    27. Pour une histoire de lcole Libre des Hautes tudes, voir Loyer, 2005.28. Pages reproduites dans F. Michel, Un rseau dintellectuels europens en Amrique

    du Nord. Diffusion, rception et amricanisation de la pense catholique. Annes 1920-annes 1960, Thse dirige par C. Langlois, EPHE, 2006, pp. 659-660.

    29. . Gilson, LEsprit de Chrtient , La Vie Intellectuelle, fvrier 1945, pp. 18-19.30. Lettre d. Gilson Albert Bguin, 11 mars 1951, Journal plusieurs voix, Paris,

    1951, p. 596.31. Benot Lacroix, Un centre de savoir et de culture , Relations, Montral, 1947,

    p. 317.

  • 22 - Archives de sciences sociales des religions

    demeurer un philosophe atlantique. un ami canadien il crit ainsi en 1945 : Cest un au revoir que je vous dis. Il est clair que je ne veux pas rompre lesliens qui mattachent au Canada et aux tats-Unis 32. On retrouve le mmevu dans une lettre Franois Mauriac au printemps 1948 : Je vais reprendre,avec ma vocation de philosophe, mon mtier de professeur errant dun bord lautre de locan, ce qui est sans doute plus conforme ma destine que lesstables cathdres du Collge de France 33.

    La dernire modalit de ce transfert concerne la venue dAmricains en Europedans le but dtudier le Moyen ge in situ. Lexhaustivit et la quantificationsont difficiles. Mais le processus, en revanche, est vrifiable par de nombreuxexemples ; qualitativement, il est trs significatif.

    Pour lentre-deux-guerres, on note ainsi un flux rgulier dtudiants amricains,constituant souvent llite future de linstitution qui les envoie en Europe. Lesparcours dtudes de nombreux doyens, professeurs duniversit et prlats amri-cains dessinent des trajectoires parallles et dsignent les institutions cotes enEurope. LUniversit catholique de Louvain possde ainsi son foyer amricain, parlequel passe le P. Gerald Phelan au milieu des annes vingt, ainsi que Mgr FultonSheen, vque auxiliaire de New York. Le couvent dtudes du Saulchoir voitpasser, tout au long des annes trente, son lot de dominicains canadiens, appels prendre plus tard des responsabilits au sein de lordre. tienne Gilson attirequelques tudiants lEPHE : quelques dominicains canadiens, mais aussi RichardMcKeon, par exemple, doyen du dpartement de philosophie de lUniversit deChicago dans les annes quarante, qui, aprs ses tudes Columbia, tait venu Paris pour se former en philosophie mdivale. Maritain attire aussi quelqueslves lInstitut catholique de Paris, dont lun deviendra larchevque de Qubecau moment du Concile, Mgr Maurice Roy :

    Je nai oubli, crivait ce dernier en 1931, ni le salon de Meudon, ni les cours sivivants pendant lesquels vous nous initiiez avec tant de matrise une mthode quirajeunit les thses de la philosophia perennis en les illustrant par les plus rcentesexpriences. De tout ce que je vous dois, comme disciple, jai voulu bien souvent vousremercier. (...) En fait, cest avec motion que je pense tout ce que je vous dois. Devos cours lInstitut catholique, du salon de Meudon, o madame Maritain nousaccueillait avec une grce si parfaite, je garde un incomparable souvenir 34.

    Au-del de ces trajectoires personnelles, le cas le plus original est sans doutecelui du PIMS de Toronto. Une des proccupations majeures de lInstitut deToronto fut en effet de promouvoir la formation de ses futurs professeurs, quidevaient tre capables de couvrir le champ entier de la civilisation mdivale.Dans ce but, Gilson demande au Suprieur de Saint-Michaels College de luiconfier une poigne de jeunes religieux prometteurs pour les envoyer suivre destudes en Europe :

    32. Lettre de J. Maritain au P. Phelan, 28 janvier 1945, SMCA.33. Lettre de J. Maritain Franois Mauriac, 10 mai 1948, Paris, Archives Doucet.34. Lettre de labb M. Roy J. Maritain, 24 dcembre 1931, AM.

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    Cela assurerait lunit desprit et denseignement qui est ncessaire une institutionde ce type ; il en rsulterait en outre un renforcement de lordre basilien, en lui donnantnombre de jeunes professeurs minutieusement entrans dans leurs disciplines. (...)Telle que la situation nous apparat maintenant du point de vue de nos besoins, nousconseillerions denvoyer un de ces hommes lUniversit de Louvain, pour apprendrela philosophie de saint Thomas sous la direction de Mgr Nol ; un autre devrait aller Rome, pour travailler la philosophie mdivale sous la direction du R.P. Thry,o.p. ; un troisime devrait aller la Facult Thologique de lUniversit de Strasbourg,avec labb Mollat, ou Montpellier avec le Professeur Fliche, pour tudier lhistoirepolitique du Moyen ge 35.

    En 1932, au Suprieur des Basiliens qui lui demandait sil ne valait pas mieuxenvoyer un religieux tudier la philosophie lInstitut Catholique de Paris pluttqu celui de Louvain, Gilson apporte une rponse qui tmoigne de sa fermevolont de puiser la source de toutes les coles dEurope afin denraciner lensei-gnement mdival de Toronto dans la pluralit des approches europennes :

    Je nai rien contre les professeurs de philosophie thomiste de Paris, mais je croissincrement que Louvain est une meilleure place ; le cursus gnral des tudes, malgrtous ses dfauts, est mieux organis qu lInstitut Catholique. Votre homme le trouveracertainement un peu sec, mais notre Institut prosprera de la diversit des influences, supposer quil soit assez fort pour les assimiler. Jespre quil le sera. Mais nenvoyezquun seul homme Louvain. Jai vu le directeur de lcole des chartes propos duP. Flahiff. Son opinion est que le P. Flahiff est non seulement un homme de valeur,mais aussi trs brillant 36.

    Lcole des chartes est un lieu dimportance. Outre le P. Bernard Flahiff(1905-1989), basilien, qui enseigne Toronto jusqu sa nomination au sigearchipiscopal de Winnipeg, en 1961, et qui est nomm cardinal par Paul VI, en1969, elle forme en effet le P. Philip Moore, qui lance lInstitut dtudes mdi-vales sur le campus de Notre Dame. La correspondance du P. Moore avec leprovincial de sa congrgation permet de comprendre comment un religieux duMidwest est arriv lcole des chartes :

    Jai dcid de minscrire lcole des chartes. Cette cole est une des mieux organi-ses de Paris, et je nhsite pas dire la fin de la premire anne quelle na nullepart dgal pour la prparation dans tous les champs des tudes mdivales. En vrit,lInstitut catholique na rien ou pratiquement rien comme cours mdival. On pourraitmentionner Maritain, mais il nest pas en histoire, et ses livres sont bien meilleurs queson enseignement. (...) Le cas est diffrent avec Gilson, qui est la fois un philosopheet un professeur inspirant. Mais Gilson tait au Canada 37.

    La rponse inquite du Provincial ne fut pas celle quimaginait le P. Moore,tout la joie de sa premire anne lcole des chartes titre dlve tranger.Ce nest pas dun historien, mais dun philosophe dont la congrgation a besoin.

    35. Lettre de Gilson au pre McCorkell, 24 novembre 1929, SMCA.36. Lettre d. Gilson au P. Carr, 7 mai 1932, SMCA.37. Lettre du pre Philip Moore au pre James Burns, 11 juillet 1930, PAC.

  • 24 - Archives de sciences sociales des religions

    Le P. Moore est oblig de se justifier : Si jai agi sottement, la raison est quejai pens par erreur que je devais faire des tudes en histoire de la philosophieplutt quen philosophie. Quand je disais vouloir devenir historien, javais lesprit historien de la philosophie mdivale 38. Largument convainc et leP. Moore est autoris poursuivre ses tudes de chartiste.

    Les chartistes amricains ont ceci doriginal par rapport leurs homologuesfranais quils noccupent pas des postes de conservateurs, mais enseignent les tudes mdivales . Les PP. Flahiff et Roy offrent, en outre, deux exemples decardinaux nord-amricains passs au moule du mdivisme dans des universitsfranaises durant les annes trente.

    Pourquoi les Mediaeval Studies ?Les raisons de lintrt pour le Moyen ge sont multiples. Luniversitaire

    amricain honnte, quil ft littraire, philosophe ou historien, ne pouvait passe satisfaire de limmense vide culturel qui sparait lAntiquit de la Renaissanceet quon lui avait soigneusement enseign. Les tmoignages sont loquents : le coursde philosophie dispens Columbia dans les annes vingt sautait ainsi au-dessusde mille ans dhistoire, des philosophes hellnistiques de la Rome impriale Descartes et laube de la philosophie moderne, avec en passant la rfrence laplus brve la pense du Moyen ge 39. La rputation du Moyen ge taiten outre en train de changer : plutt que son obscurantisme, on commence distinguer dsormais sa grande clart (Cohen, 1943). Avec Gilson, on prendgalement conscience de lenracinement des premiers penseurs de la moderniteuropenne dans la tradition mdivale. Les Amricains navaient de toute faonpas attendu cette rhabilitation historiographique et philosophique pour perce-voir la beaut de lart roman ou gothique... Outre ces raisons, suffisantes sans doute,il existe deux autres lments, la fois distincts et convergents, qui permettent,croyons-nous, de saisir les raisons plus profondes de lintgration du mdivismedans les structures acadmiques et culturelles amricaines. Il y a une logique quelon pourrait dire de civilisation ; et une logique que lon pourrait qualifier dereligieuse. Dans les deux cas, la Premire Guerre mondiale marque un tournant.

    Le sauvetage culturel de la civilisation mdivale est lun des enjeux revtuspar le mdivisme nord-amricain. Les vtrans des guerres mondiales avaientpu voir de leurs propres yeux la monte de la barbarie en Europe, les incendiesde bibliothques, les autodafs, ou encore les pertes irrmdiables du patrimoinemdival. En Europe, on se rpte le mot de Valry : Nous autres, civilisations,nous savons que nous sommes mortelles . Dans les discours parfois dramatiss

    38. Lettre du pre Moore au pre Burns, 24 aot 1930, PAC.39. Mortimer Adler, Philosopher at Large. An Intellectual Autobiography, New York,

    1977, pp. 81-83.

  • Les MEDIAEVAL STUDIES au Nouveau Monde - 25

    des acteurs, on repre ainsi quelques analogies avec la fin de lempire romaindOrient. De mme que les savants byzantins avaient fui lultime capitale delempire romain pour se rfugier lOuest, de mme les tats-Unis accueillent-ils la culture mdivale avant quelle ne disparaisse tout fait dEurope. Cesten ces termes que Gilson dfend la fondation de lInstitut de Toronto au dbutdes annes trente :

    La dernire guerre mondiale montre, par lexemple de lAllemagne, quel revers lesavoir peut essuyer comme consquence de tels conflits arms, et si ce qui arriva lAllemagne devait arriver lEurope entire, la seule esprance de sauver une traditionvieille de plusieurs sicles de lassaut des barbares serait sa survie en Amrique 40.

    Avec la Seconde Guerre mondiale, la menace dune destruction par le feudevient de plus en plus plausible et ne manque pas ici ou l de se produire :lexemple le plus tragiquement clbre est sans doute lincendie des archivesroyales de Naples en septembre 1943 41. lt 1940, aussitt aprs la chute dela France, lAmerican Council of Learned Societies et la Library of Congress,soutenus par la Fondation Rockefeller, mettent au point un ambitieux programmede reproduction des manuscrits du Moyen ge et de la Renaissance des biblio-thques dAngleterre et du Pays de Galles : sous les bombes, les photographesamricains parviennent reproduire dix mille codices du British Museum et desbibliothques dOxford, de Cambridge et de quelques autres universits 42. Lesarchivistes amricains se mobilisent et lancent une campagne offensive de collectedes trsors mdivaux 43.

    Lors de son discours douverture de lanne scolaire 1949, le P. Gerald Phelanrsumait les sentiments amricains dalors : il revient lUniversit, disait-il, de poursuivre les traditions culturelles de savoir qui jadis vitalisrent lEuropechrtienne, mais que lEurope, maintenant puise travers des conflits chroniqueset des guerres amres, nest plus capable de poursuivre malgr les efforts vaillantsde quelques groupes de penseurs courageux 44. Le sentiment, rpandu chez denombreux Amricains aprs les deux guerres mondiales, est quils doiventprendre le relais culturel dune Europe lagonie.

    40. . Gilson, Aim and purpose , 2 pages manuscrites, annes 1930 (sans date plusprcise), SMCA.

    41. Riccardo Filangieri, Report on the destruction by the Germans, September 30, 1943,of the depository of priceless historical records of the Naples State Archives , The AmericanArchivist, 1944, pp. 252-254.

    42. Eugene B. Power, The Manuscript Copying Program in England , The AmericanArchivist, 1944, pp. 28-32 ; Lester K. Born, British Manuscripts Project: a Checklist of theMicrofilms Prepared in England and Wales for the American Council of Learned Societies.1941-1945, Washington, 1955 : lavant-propos de cet inventaire indique 2652 bobines demicrofilms, qui reprsentent cinq millions de pages de manuscrits.

    43. Voir notamment Waldo Leland, The Archivist in Times of Emergency , The AmericanArchivist, janvier 1941, pp. 1-12.

    44. Discours de prise de charge du P. Phelan, 17 octobre 1949, 6 p., University of NotreDame Archives, UDPL, 1/01.

  • 26 - Archives de sciences sociales des religions

    Aux tats-Unis comme au Canada et en Europe, les tudes mdivalesnaissent galement dune critique de la modernit 45. Les guerres, les crises delconomie, les catastrophes du politique nourrissent une forme dhostilit lacivilisation moderne, invitant certains considrer le retour au Moyen ge commele dtour ncessaire pour sortir de limpasse dune modernit fourvoye. Dansson autobiographie La Nuit prive dtoiles, Thomas Merton (1915-1968), alorstudiant Columbia, oppose ainsi la confusion et les souffrances du mondemoderne la simplicit profonde, candide et riche des XIIe et XIIIe sicles (2004 :139-146) qui commencent lattirer et le conduisent labbaye cistercienne deGethsmani (Kentucky).

    Le programme denseignement de lInstitut de Notre Dame donne un exemplede ce recours aux tudes mdivales pour rsoudre les dboires de laujourdhui :

    Le monde souffre dinanition en consquence de la perte dune tradition puissanteet vivante. (...) Le but des tudes mdivales Notre Dame est de re-possder ce quia t perdu, de faire ntres, une nouvelle fois, les richesses intellectuelles des longssicles de combat pour un sens mtaphysique et spirituel. (...) Nous devons nousdvouer la tche de recouvrer le prcieux dpt de la vrit mdivale, parce que noussentons que cette vrit peut restaurer et ordonner lactuel dsarroi intellectuel 46.

    En ces annes trente o lAmrique doute delle-mme, lInstitut de Torontoa, pour Gilson, un rle prcis jouer. Linstitut ne vise pas ramener leshommes au Moyen ge , mais a pour but de rendre sens et raison des notionsque la modernit a dvalues :

    Les seuls principes par lesquels une civilisation puisse vivre sont ceux par lesquelselle a t cre. Le christianisme a faonn ce que nous appelons aujourdhui la cultureoccidentale. Les notions mme de paix internationale, de dmocratie, de justice sociale,damiti politique, des droits sacrs de la personne humaine, sont autant de conqutesdu christianisme contre la barbarie, dans laquelle nous sommes condamns retombersi nous ne sommes pas capables de tenir les vraies significations de ces principes etden produire, chaque fois que ncessaire, des justifications rationnelles 47.

    On le peroit dans largumentation de Gilson : la logique religieuse estenchsse dans la question de civilisation. Le Moyen ge vaut surtout par sonfort coefficient de catholicit et de christianisme : nul hasard si les universitscatholiques sapproprient en consquence les Mediaeval Studies. LInstitut

    45. Depuis la thse de Gilson sur les origines mdivales de la pense de Descartes (1913)et Antimoderne de Jacques Maritain (1922), une veine de lintelligence franaise de lentre-deux-guerres nhsite pas sen prendre aux grands noms de la modernit Descartes et Rousseaunotamment , et fustiger les apports de la Renaissance. On peut voquer sur ce point le livrede Nicolas Berdiaef, intitul Un nouveau Moyen ge, publi chez Plon dans la collection du Roseau dor en 1927 : Lhumanisme na pas fortifi, il a dbilit lhomme. (...) Limagemme de lhomme est tout obscurcie. Et des esprits dous de quelque intuition remonteraientvolontiers au Moyen ge pour lui redemander les vritables origines de la vie humaine pourlui redemander lhomme en un mot.

    46. Syllabus of the Graduate Courses in Mediaeval Studies, University of Notre Dame,1934-1935, UNDA.

    47. . Gilson, Aim and purpose , 2 pages manuscrites, annes 1930 (sans date plusprcise), SMCA.

  • Les MEDIAEVAL STUDIES au Nouveau Monde - 27

    dtudes mdivales mrite tout notre soutien en tant quil offre une protectionpuissante contre toutes les invasions de la scularisation , crivait larchevquede Toronto lors de linauguration de lInstitut 48. Cest pour cette raison que lesuniversits catholiques sont un maillon crucial pour saisir la diffusion des tudesmdivales en Amrique du Nord. Jusque dans les annes soixante, identitcatholique et culture mdivale sont intimement jointes. Ainsi le P. Moore deNotre Dame :

    Cela ne semble pas exagr de dire que lhritage intellectuel de lOccident pourraittre peu peu perdu aux Etats-Unis, moins quil ne soit entretenu et dfendu dansles coles catholiques. On a besoin, en consquence, dune recherche vigoureuse surles priodes patristiques et mdivales de notre pass. Pour la priode mdivale, celaest non seulement vrai pour la thologie et la philosophie, mais aussi pour les autresbranches du savoir. Dans une telle perspective, la signification et limportance denotre Institut mdival sont accentues. Correctement dvelopp, cela peut devenirune marque distinctive de Notre Dame en tant quuniversit catholique 49.

    Au-del des milieux catholiques nord-amricains, la culture amricaine esten pleine volution, ce qui facilite lacceptation et la diffusion des MediaevalStudies. Lentre-deux-guerres, malgr quelques vnements trs tudis commele fameux procs du singe (1925), est marqu, chez les intellectuels, par unevague de scularisation. John Dewey, au sommet de son influence, soulignait en1926 la dchristianisation des intellectuels amricains ; il parlait ainsi du dclindun intrt aigu, voire dune vraie croyance, dans le contenu de la rvlationchrtienne 50. Au commencement de la Seconde Guerre mondiale, un amiamricain de Jacques Maritain, crivait dans le mme sens que le mot Dieu estcurieux en anglais. Sur la page imprime cela a lair dune faute dimpression 51.Laprs-1945 sera au contraire marqu par un retour du religieux. Les tudesprcises manquent sur cette volution culturelle, qui tient galement au contextede Guerre froide : le religieux est alors ractiv dans la confrontation avec lecommunisme athe. Le dossier de la Partisan Review (New York, 1950) fournitun utile point de repre. Intitul Religion and the Intellectuals, le dossier livreles contributions dune trentaine dauteurs, dont J. Dewey, J. Maritain, P. Tillich,H. Arendt, et met jour les deux ples, religieux et scientifique, des dbatsphilosophiques au seuil des annes cinquante. Lditorial souvre ainsi :

    Une des tendances les plus signifiantes de notre poque, et tout particulirement decette dcennie, a t un nouvel intrt envers la religion parmi les intellectuels et unedfaveur croissante avec laquelle les perspectives sculires sont maintenant consi-dres dans un grand nombre de cercles qui prtendent au leadership culturel. Nuldoute : le nombre dintellectuels qui admettent des sympathies, des croyances ou desdoctrines religieuses est plus fort aujourdhui quil y a dix ou vingt ans.

    48. Sermon of the most Reverend McNeil, archbishop of Toronto delivered at St. MichaelsCollege, September 30th 1929 at the opening of the Institute of Mediaeval Studies, p. 7.

    49. P. Moore, Academic Development : University of Notre Dame, Past, Present andFuture, 1960, dernire page.

    50. John Dewey, in Zybura, 1926, pp. 29-31.51. Lettre de G. Paulding J. Maritain, 21 octobre 1943, Archives Maritain.

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    Lditorial poursuivait en qualifiant le commencement du XXe sicle de triomphe du naturalisme , alors que lon entend au milieu du sicle unenote insistante pour signaler que la civilisation occidentale ne peut pas survivresans la ractivation des valeurs religieuses . John Dewey, qui un quart de sicleplus tt tait prt enterrer le christianisme, confirme le diagnostic pos par larevue : il voque cette fois lactuelle perte de foi en la science parmi les intellec-tuels. La bonne rception duMoyen ge chrtien est aussi fonction de ce revivalreligieux que connaissent les tats-Unis au milieu du XXe sicle. La diffusion desMediaeval Studies, concomitante dun affaiblissement de laltrit catholique (McCartin, 2003 : 7-29), ne relve donc pas de la seule culture catholique : lasocit amricaine duque a pu aussi y chercher un Graal en rponse un malaise ;elle y a qut une tradition dans un monde en mutation.

    Cela dit, la vague de scularisation des dcennies suivantes, dont la publi-cation par le pasteur baptiste Harvey Cox de The Secular City, en 1965, fournitun commode repre 52, oblige le mdivisme souvrir des problmatiques nonreligieuses. Avec sa plus large diffusion dans les milieux acadmiques 53, on note,en mme temps quune simplification orthographique on parle dsormais des Medieval Studies , son largissement thmatique et gographique :

    Notre activit, crit le prsident de la Mediaeval Academy pour le 50e anniversairede la fondation, doit slargir dans toutes les directions, tout lunivers mdival. Nosyeux ont touch des lieux et des toiles plus tard que dautres : la loi mdivale, latechnologie mdivale, lconomie mdivale, le monde slave, le monde musulman,pour donner quelques exemples, sont entrs dans notre champ dtudes aprs un bonnombre dannes. Mais ce champ continue de stendre 54.

    Les tudes mdivales sont aussi renouveles par les diverses modes universi-taires. lhistoire philosophique du Moyen ge succde au fil des annes unehistoire plus politique, culturelle et populaire. LInstitut dtudes mdivales deMontral illustre les glissements successifs : Il tait peut-tre invitable que,dans un Qubec qui se dtachait toujours davantage de ses racines catholiques,lintrt pour la philosophie et la thologie du Moyen ge finisse par smousseret perdre cette porte existentielle qui caractrisait la fondation initiale. Leprojet collectif sestompa peu peu, chaque mdiviste prfrant suivre loptiquespcifique de sa discipline 55. Dun autre tmoin, le mme constat : Un brusquechangement de cap se produisait lInstitut dtudes mdivales de Montral.

    52. Traduction en franaise : La Cit sculire, essai thologique sur la scularisation etlurbanisation, Paris, Casterman, 1968.

    53. Il faut ici voquer les congrs de Kalamazoo dans le Michigan qui, tous les deux ansdepuis le dbut des annes soixante, rassemblent des centaines de mdivistes autour du MedievalInstitute de la Western Michigan University et qui publient, depuis 1964, des Studies in MedievalCulture, ainsi que la revue Medieval Prosopography depuis le dbut des annes quatre-vingts.

    54. Stephen Kuttner, A time for reflection , Speculum, 1975, 50, p. 585.55. Pierre Boglioni, Sur les paules des gants , Lautre Forum, Montral, septembre

    2004, p. 31.

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    Ce centre avait t au Qubec, dans les dcennies prcdentes, le bastion dela recherche scientifique en philosophie mdivale. (...) Dans les annes 1970prvalent alors des approches plus sociologiques et plus littraires, ainsi quentmoignent les thmes retenus pour ses premiers colloques annuels : la marginalitauMoyen ge en 1974, lrotisme au Moyen ge en 1976, la culture populaireau Moyen ge en 1978 (Pannaccio, 1998 : 146-149) 56.

    Lhistoire de la religion populaire au Moyen ge est elle-mme suivie dunehistoriographie rafrachie leau de jouvence de la Gender Theory. Au seuil desannes quatre-vingt-dix, Speculum publie ainsi un ouvrage, Studying MedievalWomen, Sex, Gender, Feminism (Partner, 1993), qui en bien des sens apparatcomme une re-visitation du titre mme de la revue : le Speculum de 1925 taitle miroir o le monde mdival se refltait ; le spculum revendiqu en 1993 estlinstrument gyncologique contre lequel consciemment ou inconsciemment la revue stait leve en ses premiers temps pour promouvoir la latinit, lanti-modernit et la masculinit du Moyen ge. Les auteurs soulignent limpact dufminisme sur les Mediaeval Studies, avec une ouverture vers dautres champsde la connaissance du Moyen ge, et une extension du public touch par laculture mdivale : Ce faisant, nous avons aussi revitalis les tudes mdivalesen gnral, attirant de nouveaux tudiants, invitant de nouveaux travaux surarchives, provoquant de nouvelles discussions (Bennett, 1993 : 7-29).

    ConclusionLa question des Mediaeval Studies en Amrique du Nord est donc un enjeu

    la fois archivistique, musographique, acadmique, historique, philosophique,religieux, socital. Il faudrait pouvoir mettre ces aspects en parallle avec dautresdomaines de connaissance o les transferts transatlantiques jourent galementun rle dans lvolution des sciences religieuses par exemple, en exgse, avecnotamment le dveloppement des Biblical Studies.

    En un sens, les Mediaeval Studies apparaissent comme un trait dunion culturelentre les deux continents et comme une reconnaissance de lenracinement duNouveau Monde dans la culture europenne mdivale. la fin du XVIIIe sicle,Thomas Jefferson voquait la dette culturelle des tats-Unis : il ny a pasdindpendance de la culture pour lauteur de la Dclaration dIndpendance,qui dsirait faire quelque retour vers les nations plus anciennes, auprs desquellesnous sommes en dette , et qui esprait que dans cette tche une part honorableserait assure par luniversit 57. Son vu semble sur ce point combl.

    56. Voir aussi Pierre Boglioni et Benot Lacroix, Les Religions populaires. Qubec, PUL,1972.

    57. The Complete Jefferson, Saul K. Padover, (ed.), New York, 1943, p. 866.

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    Mais le Moyen ge au Nouveau Monde devient aussi, par le truchement desMediaeval Studies, un nouveau Moyen ge, renouvel par la vie universitaireamricaine. Dresses, pour partie, contre la scularisation de la vie culturelledans les annes vingt, les Mediaeval Studies, sans perdre leur couleur dorigine,ont t, dans leurs grandes lignes, mtamorphoses par le tournant sculier dela seconde moiti des annes soixante, puis par celui des Cultural Studies quiouvrent la discipline vers de nouveaux horizons. Le Moyen ge ainsi thoris,modernis, esthtis parfois, dmatrialis le plus souvent la bobine de micro-film puise-t-elle le manuscrit ? est sans doute peine moins loin du Moyenge que ne le sont Ivanho de Walter Scott ou les mediaeval fantasies desmatres dOxford, Tolkien et Lewis. Mais chappe-t-on, au fond, linventiondu Moyen ge ? Peut-on interprter le Moyen ge sans recourir aux thoriesles plus actuelles, pour le meilleur ou pour le pire (Cantor, 1993 : 38) 58 ?

    La question de la translatio des tudes mdivales en Amrique du Nord poseenfin la question de la translation du pouvoir en ce sicle de lEmpire amricain.Quet t lempire de Charlemagne sans Alcuin, ni la renaissance carolingienne ?Le saint Empire amricain devait chercher, pour laborer une culture totale, uni-verselle et impriale, repousser le limes la Frontire de la chronologieet rcapituler, en ses chaires, les sicles du Moyen ge.

    Florian MICHELUniversit de Paris [email protected]

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    58. Cantor citait en introduction (p. 18) une formule dUmberto Eco : Chacun a sonide gnralement corrompue du Moyen ge. Cantor voque le parallle parfois tir entreAblard et Herbert Marcuse, tous deux adeptes du free love (p. 42).

  • Les MEDIAEVAL STUDIES au Nouveau Monde - 31

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    RsumLes tudes mdivales en Amrique du Nord se structurent au milieu des annesvingt et suscitent un change culturel entre le Nouveau Monde et lEurope :nombreux sont les professeurs, tudiants ou manuscrits qui circulent alors entre lesdeux rives de locan. Quels sont les vecteurs de cet change ? Quelles en sont lesformes et les causes ? Quelles sont les mtamorphoses des mediaeval studies enAmrique du Nord ? Appuy sur des archives situes aux tats-Unis, au Canada eten France, cet article essaie de rpondre ces questions dhistoire culturelle, dont lefort coefficient religieux est ici mis en vidence.

    Mots-cls : tudes mdivales, Amrique du Nord, archives, change culturel.

    AbstractMediaeval Studies originated as an academic discipline at North American univer-sities in the 1920s. This new field prompted a cultural exchange between the NewWorld and Europe: numerous professors, students, and manuscripts circulatedacross the Atlantic. What were the vehicles for this exchange? What were its causes?What forms did this exchange take? How did Mediaeval Studies evolve in NorthAmerica? Drawing on archives in the United States, Canada, and France, this articleresponds to these questions and reveals the importance of religion in understandingthe development of Mediaeval Studies.

    Key words: mediaeval studies, North America, archives, cultural exchange.

    ResumenLos Estudios Mediales en Norteamrica se estructuraron durante los aos 20 ysuscitaron un intercambio cultural entre el Nuevo Mundo y Europa: numerososprofesores, estudiantes y manuscritos circularon por las dos riberas del ocano. Culesfueron los vectores de este intercambio? Cules fueron las causas y los modos?Cmo se metamorfosearon y evolucionaron los Estudios Medievales en Norte-amrica? Apoyndonos en archivos de Estados Unidos, Canad y Francia, este art-culo responde a estas preguntas sobre la historia cultural y muestra la importanciade la religin para la comprensin del desarrollo de los Estudios Medievales.

    Palabras clave: estudios medievales, America del Norte, archivo, intercambios culturales.