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Au Coeur de l'Atlas de Segonzac

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  • Au Cur de l'Atlas

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    .t DU MEME A,lJTEUR

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    V~yage dans le Sous (i899). Challamel. Paris, t900 (puis). yoyages au Maroc. Itinraires et Profils. Hemi Barrre. Paris, 1903. Voyages au Maroc (1899-t901) A. Colin. Paris, 1903 .

    . L'en.semble de ces travaux a t couronn par l'Acadmie franaise (Prix Furtado) 1903; couronn par l'Acadmie des Sciences (Prix Delalande-Gurineau, t9t0) et honor de la mdaille d'or de la Socit de gographie (Prix Ducros-Aubert), 1908; de la mdaille d'or de la Socit de gographie commerciale (mdaille Caill) t903; de la mdaille d'or de la Socit de gographie de Marseille, t903.

    Il a t publi, en mme temps que le prsent volume, une pochette de eji.rtes au 1/250.000 donnant les dtails et le profil de)'itinraire suivi par la Mission de Segonzac 1904-t905 sous le titre:

    Itinraires au Maroc, 1904~1905. H. Barrre. Paris, t910.

  • MARQUIS DE SEGONZAC

    Au Cur de l'Atlas

    MISSION AU MAROC

    PRFACES de M. EuGNE TIENNE. Vice-prsident de la Chambre des dputs

    et du Gnral LYAUTEY. Commandant la division d'Oran

    Note de Gologie et de Gographie physique PAR

    M. Lou1s GENT! L, Matre de confrences la Facult des Sciences de Paris

    177 reproductions photographiques, cartes dans le texte et hors texte et une carte en couleurs

    PARIS MILE LAROSE, LIBRAIRE-DITEUR

    1 1, Rue Victor-Cousin, 1 1

  • MISSION DE SEGONZAC

    Notre mission a t organise et subventionne par les socits sm-vantes:

    Comit du Maroc. Socit de gographie de Paris. Socit de ,qographie commerciale (Paris). Socit de gographie def Afrique du Nord (Alger). Socit normande de gographie (Rouen).

    Association franaise pour l'Avancement des Sciences. Socit gologique de France. Ecole Anthropologie de Paris.

    Socit de secours aux blesss militaires.

    La mission se composait de : M. LE MARQUis DR SEGONZAc, officier de cavalerie, chef de la mission;

    M. Louis I;ENTIL, docteur s sciences, Maitre de Confrences la Sor-bonne (t);

    M. R. DE FLoTTE-RoQUEVAIRE, chef du service cartographique du Gouvernement gnral de l'Algrie (2) ;

    81 SA'iD BouLIFA, Rptiteur de Kabyle l'Ecole Suprieur des Lettres d'Alger (3);

    S1 Auo EL-Aziz ZENAGUI, Rptiteur d'Arabe l'Ecole des Langues Orientales.

    Nous tenons rendre ici un suprme hommage deux savants prmaturment enlevs aux tudes marocaines dont le concours nous fut, en maintes circons-tances, infiniment prcieux :

    M. GASTON BUCHET, Charg de mission .du Ministre de l'Instruction publique. St ALLAL AEDl, Chancelier du consulat de France Mogador.

    (i) Les rsultats des observations de M. Louis Gentil ont t publis en plusieurs notes et ouvrages dont on trouvera la liste la page 77f.

    (!) Les travaux de M. de Flotte-Roquevaire ont t publis sous. le titre : Cinq mois de Triangulation au Maroc. Jourdan. Alger, f909.

    (3) Les tudes linguistiques de Si Sald Boulifa ont paru sous le titre : Textes Brbrea, en dialecte de l'Allas 'marocain. Ernest Leroux. Paris, i909.

  • PRFACES

    Le livre qu'ou va lire a la discrtion de ne chercher don-ner nulle part l'impression du courage des actions qu'il raconte. M. DE SEGONZAC a la coquetterie bien franaise de vouloir que sa bravoure se dissimule sous une aisance souriante. La sim-plicit et la bonne humeur du rcit ne laisseront pas deviner au lecteur ignorant des choses marocaines que le voyageur qui raconte son voyage est un digne successeur du vicomte DE Fou-CAULD. C'est la quatrime fois qu'il affronte l'inconnu marocain. En 1899 il s'exerait une premire fois le pntrer en se promenant entre Mogador, Agadir, Tiznit et Taroudant dans les rgions encore mal pntres de l'ouest du Grand Atlas. En 1901-1902 il parcourait tout le nord du Maroc, le Rif et surtout les pays beraber, jusque-l inexplors, du Moyen Atlas. Il les franchissait pour aller faire l'ascension, dans la grande chaine, du gant des montagnes marocaines, le Ari Aach, dont il redescendait, comme les eaux, en suivant la valle de la Mou-louta.

    C'est vers ce point extrme de ce dernier itinraire que le marquis DE SEGONZAC a pris la route, la fin de 1904, pour la mission que lui avait confie le Comit du Maroc. Il dev~it sui-vre au nord le Grand Atlas, de Mogador aux sources de laMou-louta, c'est--dire reconnatre la zone de con~ct entre le Moyen et le Grand Atlas, puis, au lieu de continuer vers le nord-est, e)l suivant des chemins dj parcourus par luiJ gagner le versant

  • II PRFACE DE M. TIENNE saharien, reconnaltre le haut bassin de l'oued Draa et pousser jusqu' l'oued Noun.

    Toute la partie capitale de ce voyage a t effectue. L'explo-rateur a reconnu que, conformment la figuration gnrale des montagnes marocaines, le Moyen et le Grand Atlas sont spars par une dpression trs nette, de mme que la troue de l'oued lnaouen spare nettement le Moyen Atlas des monts du Hif. Les valles opposes de la Moulou'i.a et de l'oued el Abid, tributaire de l'Oum er Rebia, se continuent sans que le seuil qui s'lve entre elles prsente un srieux obstacle. Il existe donc l, entre la plaine de Merakech et l'Algrie un pas-sage qu'une voie commerciale pourrait utiliser plus tard. En attendant ce jour, sans doute encore loign, un des problmes les plus intressants de l'orographie marocaine se trouve rsolu.

    Sur tout le reste de sa route le voyageur a runi les observa-tions les plus intressantes. La dangereuse msaventure qui l'empcha de pousser jusqu' l'oued Noun, mais sans le dci-der prfrer la route directe de Taroudant au retour par le Glaoui, lui a peut-tre plus appris que tout le reste sur les murs berbres. Prisonnier de hobereaux chleuh, vivant moiti de pillage et moiti du produitde leurs jardins cultivs par des esclaves, le marquis DE SEGONZAC russit se faire tolrer, puis presque adopter, au point qu'il eut quelque peine viter de devenir le gendre de son hte gelier. Mais je ne saurais rien dire sur ce sjour trange Anzour, dans le manoir des Ben Tabia, qui puisse avoir, mme de loin, la saveur du rcit. Jamais le sentiment ml que le chrtien, le roumi, inspire aux Marocains des coins reculs du Bled Siba ne s'est plus ingnu-ment manifest. L'infidle est maudit et doublement bon tuer parce que chrtien et tranger suspect aux Berbres, il est un sorcier malfaisant, qu'on se hterait de faire disparaitre si on ne pensait pas qu'il est aussi un enchanteur capable de dcou-vrir les trsors etles sources. Les trsors, pourquoi n'en dcou-vrirait-il pas puisqu'il descend de ces roumis qui en laissrent, cachs de la manire la plus artificieuse, sous toutes les vieilles pierres du pays? Et en voyant comment les ben Tabia invi-

  • PRFACE DE M.. TIE.'~NE Ill

    taient leur prisonnier vaincre les gnies gardiens de ces Eldo-rados enfouis sous les vieilles tours et dans les citernes, on comprend toutes les '' caches)) de Jules Csar ou de Ganelon que les lgendes faisaient imaginer notre moyen ge. Le rcit de la captivit de M. DE SEGONZAC chez les chleuh de l'Anti Atlas montre bien ce qu'il f~ut penser du fanatisme maro-cain)). Il y entre autant d'admiration que de crainte pour le roumi jug capable de faire des merveilles, le voyageur captif fut contraint d'exercer la mdecine dans tout le voisi-nage, peut-tre mme dt-il la vie la boite de pharmacie saisie dans ses bagages. Une fois le contact pris avec ces primi-tifs, les relations s'amliorent vite. M. DE SEGONZAC ramen vers le Glaoui par les chefs des Zenaga se vit sollicit plus d'une tape d'envoyer dans le pays des Franais qui pourraient soi-gner les malades et amnager les eaux. L'impression que laisse la lecture des pages mme les plus mouvantes et dramatiques de ce beau livre vient confirmer l'optimisme de ceux qui croient que c'est surtout notre manque de volont qui retarde la pntration franaise au moins dans les rgions mridionales du Maroc.

    L'uvre que publie M. DE SEGONZAC est considrable. Il n'aurait pu en runir et en coordonner les matriaux lui seul. Il n'est que juste de rendre hommage ses collaborateurs, M. Loms GENTIL, qui parcourut le Haut Atlas et Djebel Siroua et dont on trouvera la belle tude gologique la fin de ce livre, M. DE FLOTTE DE RoQUEVAIRE qui tablit la cartographie des pays acces-sibles qui s'tendent au nord du Grand Atlas, MM. SliD BouLJPA et BD EL Az1z ZENAGUJ, doctes algriens qui ont runi une grande partie des renseignements sur les murs et coutumes berbres publis dans la seconde partie de ce livre. A M. ZENAGUJ on doit mme un chapitre singulirement pittoresque; c'est celui o il relate son voyage de Mogador Taroudant, o il allait pom ngocier de plus prs la libration de l\1. DE SEGONZAC et o il se trouva tout prs d'tre massacr comme chrtien. La lan-gue de ce rcit a. une saveur orientale, presque biblique, dont le lecteur ne manquera pas de goter l'agrment.

    La seconde partie du volume rsumant les rsultats des mis-

  • IV l'RFACI!: DE M. TIENNE

    sions du Iharquis DE SEGONZAC est, en tous points, digne de la premire. Outre les renseignements dont je viens de parler, elle donne, avec de petites cartes, de brves indications sur les groupes, les centres, les puits, les influences religieuses des rgions traverses. Enfin l'tude gologique de M. Louis GENTIL qui couvre aussi bien les itinraires du Maroc septentrional que ceux du dernier voyage au Grand Atlas et au Djebel Siroua lui donne une annexe du plus haut prix.

    Lorsque l'on songe aux conditions dans lesquelles a voyag le marquis DE SEGONZAC, on se sent encore plus de respect pour son uvre. DE FoucAULD parcourut le Bled Siba sous le dgui-sement d'un juif, M. DE SKGONZAC a fait son dernier voyage comme suivant d'un petit chrif qui se fit passer pour parent du fameux Ma el Anin. C'est sous la constante menace d'une trahison motive par les disputes ou le zle des serviteurs engags un peu au hasard que les lments de cet ouvrage si complet ont t runis. Il fallait une remarquable conscience pour travail-ler dans de telles conditions. Il fallait cette belle crnerie, insouciante en apparence mais applique et srieuse, qui carac-trise les meilleurs des Franais et les rend si incomprhen-sibles pour les peuples qui ne conoivent pas la valeur sans une sorte de gravit pdante. C'est en vrai Franais que M. DE SEGONZAC, comme DE FouCAULD, a donn, autant" qu'il dpendait de lui, par l'exploration mthodique, les meilleurs titres cette prtention une situation spciale ''au Maroc, que notre pays a revendique, qui s'impose peu peu, ou plutt qu'un groupe de patriotes clairvoyants a peu peu impose au monde et la masse imprvoyante des Franais eux-mmes.

    EuG. ETIENNE, Vice-prsident de la Chambre des dputs

  • MoN CHER AMI,

    Merci de m'avoir donn la primeur de votre livre. Vous me procurez ainsi la grande satisfaction de pouvoir vous

    apporter mon tmoignage. J'voque nos causeries de 1904 alors qu'accompagnant notre

    patron tous, M. ETIENNE, vous veniez dans l'Extrme-Sud Oranais reconnatre par l'Est les abords des rgions o vous alliez vous enfoncer par l'Ouest.

    J'ai vu l combien vous tiez solidement, srieusement pr- ' par et document pour la mission que vous vous proposiez de remplir. Depuis, notre ami commun, votre collaborateur, le professeur Louis GENTIL, m'a dit et redit quelle somme d'ner-gie, de labeur, d'exactitude scientifique vous aviez apporte sa ralisation. Au cours des missions que j'ai remplies sur la cte occidentale du Maroc en 1907 et 1908, Rabat et Casa-blanca, j'ai recueilli les tmoignages unanimes sur la porte et l'importance de l'uvre que vous aviez accomplie travers tant de difficults et de prils. Vous avez hautement acquis le droit d'crire, avec un lgitime orgueil, en tte de l'inestima-ble document que vous nous donnez aujourd"hui : Ceci est un livre de bonne foi !

    Il appartiendra de plus autoriss que moi d'en faire res-sortir la valeur scientifique, gographique et sociologique.

    Mais, ct de vos titres d'explorateur, qu'il me soit permis de rappeler discrtement que vous en avez d'autres la grati-tude de vos concitoyens. Je vous revois Rabat, en 1907, alors

  • VI PRFACE DU Gf;NRAL LYAUTEY

    que l'entre en scne de Moulay Hafid introduisait une nouvelle inconnue dans cette question marocaine dj si confuse et com-plexe. Je me souviens des prcieux renseignements que nous apportait votre documentation sur votre ancien hte de Merakech, de vos angoisses patriotiques et de votre dsir de mettre au service du pays les relations que vous aviez gardes avec les gens du Sud. A ce moment encore, vous n'avez pas pargn votre peine.

    Disserter sur ce qui aurait pu tre fait ou vit m'entrane-rait hors de la rserve qui m'est impose et serait d'ailleurs oiseux. C'est le pass. Hier est mort et il n'y a d'intressant que demain. Si justifis que soient les regrets que vous laissez deviner la premire page de votre livre, nous avons le droit et le devoir de rester optimistes. Ce n'est pas en vain que le sang a t rpandu, que tant de bonnes volonts ont t dpen-ses, que tant d'efforts dsintresss ont t prodigus. On ne saurait mconnatre que bien des malentendus ont t dissips, que les points les plus obscurs se sont claircis. Nul ne doute aujourd'hui de notre loyaut remplir nos engagements ; l'exprience a prouv que le rle tutlaire et pacificateur assi-gn par l'histoire et la gographie notre pays sur cette terre marocaine, n'est ni exclusif, ni prohibitif, que tous les intrts peuvent y trouver satisfaction l'abri de la paix que nous y instaurons et que chacun doit bnficier de la lutte que nous y soutenons contre l'anarchie et l'arbitraire.

    La Chaoua, les confins algro-marocains sont l pour attes-ter de la grandeur et de la noblesse de l'uvre que nous rali-sons. Ce sont des portes ouvertes, o il est loisible tous de venir voir et d'entrer.

    Enfin -et ce n'est pas le rsultat le moins apprciable des luttes soutenues en commun - il rgne entre tous les agents qui forment l'quipe marocaine )) , Casablanca, Tanger, sur les confins algriens, une cohsion et une entente qui, sous la direction clairvoyante et tenace de notre reprsentant au Maroc, ne sauraient rester striles.

    Certes, il y a encore des malentendus dissiper, des prju-gs dtruire, des inerties vaincre, mais ceux qui sont pied

  • PIIPAet: {)l" fi\tAL UAUTEY ne

    d'll'uvre, et tui ont hop eonnu Les jour!' l'ant\oisse d dt doute, n'ont plus lt> droit 1le dsesp'r~1 1ll' l'unp dont vous M.Ps un des plus vaillants ouvritrs.

    Urau, Lt 15 juin 1910. l~nt'ral Luun:Y.

  • AVANT-PROPOS

    Au seuil de ce line j'acquitte mes 1lettes de gratitude : JC remercie, d'abord, ceux qui m'ont fait l'honneur de me confier le conunandement de la premire mis~ion d'exploration fran-aise envoye au :\laroc, et, faute de pomoir les dnombrer tous, j'inscris au frontispice de cet ouvrage les noms des socits savantes qui ont patronn et subventionn nos travaux. Entre toutes ou mc permettra de nommer, avec une particulire reconnaissance, le Comit du :\laroc, dont le concours nous fut moralement et matriellement si prcieux.

    J'apporte, ensuite, mes collaborateurs, le tmoignage public de mou admiration pour la patience et le courage avec lesquels ils ont surmont les obstacles qui hrissaient leur tche.

    Je dois expliquer aussi pourquoi cet ouHagc ne parait que si longtemps a prs notre retour .

    .Xotre mission devait tre le prlude d'une campagne de pntration scientifique, conomi(rue et politique au :\laroc. ~ous tions une avant-garde charge d'explorer ce champ nouveau que personne, en ce temps-l, ne contestait la France.

    On sait comment tourna l' Affaire marocaine '' ; comment le problme africain, si simplement soluble avec les moyens et les mthodes dont nous disposions, devint un problme inter-national irritant, insoluble. Il parut inopportun de publier pen-dant cette crise les documents que nous avions recueillis ... Depuis lors l'apaisement s'est fait, et nous versons aujourd'hui dans le doniaine public, avec des scrupules et des regrets que

    i

  • 2 AU CUR DE L'ATLAS

    l'on comprendra, cette moisson de renseignements que nous avions glane pour notre seul pays! ...

    Notre programme d'action dcoulait logiquement de mes prcdents voyags ( 1) :

    J'avais visit, en 1899, le Sud-Ouest du Maroc (2) (Sous et Tazeroualt); en 1900, le Nord (Rif et Djebala) ; en 1901, l'Est (Braber). Il me restait, pour boucler n mes itinraires, explorer le Sud et le Sud-Est du Maroc. Ce fut le but de nos travaux.

    La rgion que nous nous proposions d'tudier s'tend sur 5 degrs en longitude, et~ degrs en latitude. Elle fut partage en trois secteurs :

    M. de Flotte-Roquevaire fut charg de couvrir d'un rseau de triangulation expdie la zne Mogador-Demnat-Safi, appuye, d'un ct l'Ocan, de l'autre la chaine du Haut-Atlas;

    M. Louis Gentil, au centre, parcourait le Haut-Atlas, en s'efforant d'en pntrer les parties encore inconnues, notam-ment l'extrmit occidentale et le versant mridional ;

    Je me rservais l'exploration de l'extrmit orientale du Haut-Atlas, du bassin de l'Oued Dra et de l'Anti-Atlas. MM. Boulifa et Zenagui m'accompagneraient pendant une partie du voyage pour recueillir sur place les lments ncessaires leurs travaux d'ethnologie et de linguistique.

    * ..

    Notre mission prend pied sur le sol marocain le 28 juillet 1904..

    La priode de gestation a dur deux ans... Dure singuli-rement brve si l'on songe tous les concours qu'il fallut solli-citer, toutes les rsistances dont il fallut triompher. Durant

    (1\ Voir la carte d'ensemble. (2) Voyages au Maroc, Armand Colin, i903.

  • AYANT-PROPOS 3

    ce:-; deux annes le Comitt' du l\Iaroc fut cr ; l'opinion puhli-

  • ctes marocaines, o des ballots de fusils passaient
  • CHAPITRE PRE~IIER

    DE l!OGADOR A DEM:"'AT

    24 dcembre

    J'ouvre mon journal de route au matin de notre dpart de Mogador. Mes collaborateurs m'ont deYanc : Gentil a pris la route du Sud; de Flotte celle du Nord. Je Yais me diriger droit dans l'Est, vers Merrakech.

    Il a plu toute la nuit; sur la montagne il a neig, et la chaine de l'Atlas se dresse toute blanche dans sa majestueuse splen-deur. La mise en route de notre caravane est pnible. Les tentes mouilles alourdissent les charges, les pistPs sont glissantes ; notre camp a pris racines pendant ces quelques semaines de Yic sdentaire. A neuf heures, enfin, notre convoi s'branle, et nous voici, pour bien des mois, devenus nomades ...

    D'une crte chauve j'aperc;ois, par del les dunes qui lui font une ceinture de dsolation, Mogador, la ville blanche, coquet-tement entasse dans ses remparts crnels, et la mer, la mer que nous ne reverrons -s'il plait Dieu! -qu'aprs un trs long et trs lointain voyage ...

    Une courte halte ; un dernier adieu aux amis qui nous accom-pagnent; un dernier souvenir tout ce que nous laissons en arrire, et ... en route! En route pour cette belle existence d'ex-ploration, si pleine d'motions intenses et splendides, toujours tendue ve~s un but, anime par une lutte, enchante par un rve ...

  • 6 At; Ct:R DE L'ATLAS

    ~otre caravane n'a pas grande mine, elle a bonne apparence. Nos mules sont un peu g-rasses : leurs harnachements sont trop neufs. Cc sont dfauts qu'une semaine de marche corri-gera. Mes hommes ont joyeuses figures: ils portent leurs armes avec une ostentation enfantine. Tout le monde est pied. Hien ne nous distingue de nos muletiers : Boulifa, Zcnagui et moi portons le costume berbre, ayant pareillement sacrifit'), chez le barbier musulman, nos cheveux, nos barbes et nos moustaches. Notre Figaro arabe m'a dt)clar, avec un sou-rire assez nigmatique : Allah lui-mme ne te reconnatrait pas! ))

    La piste que nous suivons est celle de Merrakech. Elle ser-pente travers les champs fertiles des fda ou Guerd, fraction extrme-ouest de la province de H aha ( 1). Le sol est rougetre, argileux; par endroits la crote calcaire, qui forme l'ossature de cette rgion, affleure, tale en dalles ou rompue en pier-railles. L'horizon est court; les collines rondes limitent la vue. La fort d'arganiers, tantt dense, tantt cl.air-seme emplit les vallons, escalade les pentes. Sous ses beaux arbres chargs de fruits paissent de grands troupeaux de chvres, sur qui veillent d'invisibles ptres. Ces troupeaux rentrent le soir dans les cours des maisons, ou l'enceinte des douars gavs des fruits d'argan brouts pendant le jour, et, le matin, les femmes et les filles trient le fumier, en retirent les noyaux d'argan que la digestion a dcortiqus, les cassent entre deux pierres, avec une merv~illeuse vlocit, pour en extraire l'amande dont le hroyage don-nera l'huile. Cette huile possde en propre un got pre et fort que les Berbres apprcient. Ils prtendent, et la science ne contredit pas leur opinion, que l'huile d'argan jouit d'admira-bles proprits reconstituantes. Dans tout le Sous on fait la cui-sine, on s'claire avec l'huile d'argan. Les matrones ont un pro-cd simple et utile connatre pour ter cette huile l'arome dfl l'argan et le got de rance. Elles mettent une galette de min de pain au fond d'un polon plein d'huile qu'elles font lon-guement bouillir.

    ( 1) Voit : Rensei,qnements.

  • l'a::o li his l'lanol11 1

    -~

    Fig. ':?. -\'ali,;,. do I'Onl'd Ttnsill. - l'!t al'ganitt. - Ttttitoil'l' de 1\untirnat 1 page 7J.

  • DE MOGADOR A DEMNAT 7

    V ers midi nous sortons de la province de H alta ( 1) pour pn-trer sur le territoire de Chiadma (2) dont les champs fertiles sont sems de bouquets d'oliviers. Nous marchons d'abord en plaine pendant deux heures, puis nous rentrons dans la fort d'arganiers pour y demeurer jusqu' Sidi abd Allah ou Ouasmin, o nous campons 3 h. 30.

    Dans cette fort s'opre notre jonction avec les deux cheurfa que j'ai choisis pour guides. Ils sont venus par une autre route, prudemment, discrtement, accompagns d'un taleb, d'un enfant de quinze ans beau-fils de l'un deux, et de deux serviteurs. Au total six hommes et quatre mules.

    Cette tape de cinq heures a paru rude aux gens et aux btes, galement peu entrains. La cuisine est sommaire, les prires sont brves, et, dans cette nuit de Nol, je suis seul veiller, auprs de ma grande lunette astronomique, attendant l'occulta-tion de l'toile 55 Piazzi, et rvant aux joies familiales si dou-ces, si lointaines ...

    '15 dcembre Trois heures d'tape seulement dans un pays tout pareil

    celui que nous parcourmes hier. Les champs cultivs alternent avec les bois d'arganiers, la terre rouge avec les dalles calcai-res. Aprs le territoire des Ou/ad Sad nous traversons celui de Kourimat. Des maisons fortifies, portant tourelles et crneaull., commandent les valles. Ce luxe d'ouvrages dfensifs dit assez que le pays n'est pas sr. La fort de Gueclltoula, que nous lon-geons un instant, est un repaire de brigands, dont les caravanes se garent soigneusement. Nous campons ct de la maison d'el-Hadj Regragui, ami de nos deux cheurfa.

    Cette journe de route m'a permis de faire plus ample con-naissance avec ces pieux personnages qui vont devenir nos com-pagnons et nos guides. Tous deux sont issus de la tribu saha-rienne des Ou/ad Be-ba. Le plus jeune, l\Iouley el-Hassen, parait 35 ans. Il a bien le type du Saharien, souple, un peu

    (t) Voir: Renseignements. (~) V oh: Renseignements.

  • 8 AU CUR m; L'ATLAS

    fuyant, au physique comnH' au moral, avec un grand air de distinction. Sa dmarche trs caractristique, longs pas, en halanant les paulf's, rvle dl' suite l'homme du dsert. Il est trs noir; son visage allong sc termine par un lger pin-ceau de harbe frise ; ses Y~'UX sont trs heaux, leur regard, omhrag par de g:rands cils rccourhs, est timide ct dfiant. L'expression la plus frquente de cette agrable physionomie est un sourire ironiquf'. Il est assez lettr, sans nullf' affectation ; un peu verbeux; trs poli, sans ohsquiosit. Enfn, l'entreprisP dans laquelle il s'engage ma suite, et certaines aventures de son pass, attestent qu'il n'a pas peur.

    Son cousin, .Mouley Abd Allah, est le type du vieux chrif roublard et sournois. Sa tribu d'originf' est aussi celle des Oulad Be-ba, mais il est d'une fraction migre depuis plus d'un sicle dans la plaine de Merrakech. Toute sa vie s'est passe dans les camps du Maghzen. Il a 60 ans sonns, son visage trs blanc est encadr d'un collier dP barbe blanche. Rien en lui n'attirf' l'attention : fgurP ronde, peu expressive, o s'ouvrP une large bouche aux lvres trs minces ; petits yeux noirs dont le regard dur et fixe n'est tempr par aucun battement des pau-pires ; taille moyenne, Pmbonpoint replet, allure alerte et dci-de; beaucoup d'autorit dans les manires ct dans la voix qui est nette et tranchante .

    .Mouley el-Hasscn devient le chef spirituel de notre caravane; .Mouley Abd Allah en sera le chef temporel. Tous deux che-vauchent des mules harnaches de serijas rouges. Derrire eux suivent trois personnages de moindre importance : Zenagui qui joue le rle de feqih, et deux tolbas dont l'un n'a que quinze ans. Plus loin viennent sept serviteurs poussant ou montant autant de mules. Et enfin je ferme la marche, en compagnie de Bou-lifa, levant l'itinraire, glanant des chantillons de toutes sortes pour nos collections, ct prenant, la drobe, des photogra-phies et des renseignements.

    'i6 dcembre Un matin radieux succde la nuit pluvieuse. La bue monte

    calme et lgre et s'vapore dans la lumire. L'air est si limpide

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  • HE MOG.\OOR A lliNAT 9

  • 10 AU CUR DE L ATLAS

    sont spares par un rseau de valles d'rosion aux parois des-quelles apparaissent les assises rompues de leur ossatme cal-emre.

    ~ous faisons halte la Zaouat Hdil, petite agglomration de cinq maisons ct, d'une vingtaine de huttes, groupe autour du tombeau d'un pieux marabout local dont la vertu opre encore des miracles. La zaoua n'a d'ailleurs aucun but enseignant ni politique, aucune affiliation spciale ; elle n'est qu'un lieu de plerinage o, moyennant une obole, on trouve une hospitalit assez misrable que rehaussent d'infinies bndictions.

    Ici, comme chaque tape de notre route, les gens viennent 1muser, s'enqurir des nouvelles, nous conter leurs dolances, leur misre, leurs griefs contre le gouvernement, contrP ec maghzen impitoyable, tyrannique, concussionnaire, prvarica-teur. La rancune n'en remonte pas jusqu'au Sultan : il est trop loin, trop haut. .. Mais on englobe clans une haine commune les qards, leurs khalifas, leurs moghazni, auteurs et excuteurs de toutes les exactions. Partout on se plaint, il n'est maison ni tente o l'on n'entende des lamentations, des histoires 1le spoliations arbitraires, d'emprisonnements injustes. Cc beau pays. si riche-ment combl par la nature, agonise sous une iniquit sans appel, et qui parait sans remde. Le peuple soufl're, se rsigH', se laisse pressurer et torturer, jusqu'au jour o, la mesure (~tant comble et la patience puise, il se lve dans un accs de colre, gorge ses hourreaux, dtruit leurs forteressPs, saccagc leurs domaines ... LP calme revient ensuite, par lassitude'; l'qui-libre naturel des choses se rtablit ; un qard pire succdP au qad mauvais ; la rpression dpasse la rvolte en horreur : ct de la qaba ruine sc dressent les ruines du villagP, la misre s'aggrave, sans issue, sans espoir ...

    Quelle illusion chimrique est celle de nos diplomaties qui se figurent rorganiser le maghzen, et, par lui, rtablir l'ordre et la prosprit ...

    28 dcembre La mme plaine inculte s'tale interminablement autour de

    nous, tandis qu'au Sud l'Atlas neigeux semble un immense dcor que l'on droulerait lentement.

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  • DE MOGADOR A DEtiNAT 11

    Ds lP dpart, vers !1 ht'mes, nous f1ane hissons l'oued Chi-c/mo/la ( t .

  • 12 ' At: Ct:R DE L ATL.lS

    de

  • Dt: l!Of.ADOR .\ Ot:~I:\'.H 1:1

    de demain... ma1s 11ui I'PViPndra l'honneur dP l'accom-plir'? ..

    31 dcembre

    :\ous campons sur un tPrhP, pri~s dP l'mw des portes de .llerrak,ch. Hah Armai, ii ct du sanctuaire dP Sirli loussefben Ali. l'un de!' sept patrons dP la ville, ces sebatou rigel sur qui se font lPs serments, et dont le plerinage constitue le prologue indispPnsablP de tout voyage vers l'intrieur.

    Cinq annes sont passes depuis mon dernier sjour Uerra-J.:,ch. Alors, le Sultan habitait son Aguedal; le Dar el-Maghzen tait bruyant comme une ruche, peupl comme une fourmil-lire. Le fameux grand-vizir Ba Hamed, le Richelieu marocain, PI'sidait aux destines du .:\Iaroc ; les murs de la Jema el-Fna taient copieusement orns de ttes coupes; le pays tait calme et soumis du Rif au Sous, du Tafile't l'Ocan, et les tribus payaiPnt lmpot.

    Le dcor n'a pas chang. La grle silhouette de la Koutoubia, cette sur marocaine de la Giralda svillane, domine tou-jours la campagne, les palmeraies, la ceinture des remparts crnels, les terrasses des maisons roses et la fort des jardins d'o mf'rgent les peupliers et les ifs. Mais la situation politique s'est profondment modifie; la ruche est aux trois quarts vide ; les vastes places du Dar el-Maghzen sont dsertes; la cour est Fez; le Sultan n'a plus de prestige, son khalifa, ~louley el-Hafid, n'a plus ni troupes, ni argent. :\'ous l'avons aperu assis sous une porte de son palais, causant avec un soldat, et regardant mlancoliquement tomber la pluie.

    Ba Hamed est mort; la forteresse qu'il venait d'achever, suprme expression de son orgueil et de sa terreur, est mure. Mure aussi la jolie maison de l'ex-ministre de la Guerre, le jeune et si sduisant Sid el-~lahdi el-Menebhi, banni Tanger. Le maghzen cupide a fouill la demeure du mort et celle du proscrit; il a vendu tout ce qui avait une valeur mar-chande : femmes, esclaves, .chevaux, mules, mohilier et mat-rif'!. Sa vengeance s'acharrw Pncore contre les jardins. Derrire les hauts inurs de pis on aperoit, des terrasses voisines, les

  • u ' AU CUR DE L ATLAS

    jardins en friche que la ronce envahit, des buissons de roses qui meurent et s'effeuillent sur leurs tiges, des arbres couverts de fruits qui ne mrissent que pour la joie des abeilles et des mseaux ...

    'i janviPr 1905 Nous campons ee soir ct d'un azih d'Abd el-Hamid, qad

    des Rehamna, assassin l'au dernier par son propre neveu. Cf' drame familial me fournit l'occasion de souligner le peu d'im-portance que les Marocains attachent aux liens du sang. Les parricides, les fratricides, sont crimes si communs qu'il est naturel de leur chercher, non pas une excuse, mais une explica-tion. Ces meurtres sont des consquences de la polygamie. Les jalousies des femmes se perptuent dans les haines entre enfants d'un mme pre et de diffrents lits. Les frres consanguins sont presque toujours des frres ennemis. Les frres utrins le deviennent souvent dans les familles puissantes, quand la mort du chef suscite les comptitions de ses hritiers. Aussi est-il de tradition qu'un sultan signale son avnement par le massacre ou l'emprisonnement de ses frres et de ses oncles.

    Notre caravane est dfinitivement constitue l'effectif de 14 hommes, 11 mules, 3 nes. Avant le dpart, Mouley el-Hassen a runi tous nos serviteurs sous la qoubba, il a tm vert le Coran, et chacun, tour de rle, a prt serment de fidlit et d'obis-sance. Ce fut une crmonie toute simple mais trs mouvante. Dsormais nous sommes complices de la mme entreprise hasar-deuse et passionnante.

    L'tape s'est droule d'abord dans les jardins de Merrakeclt, entre les murs de pis qui morcellent l'infini l'immense pal-meraie. Peu peules palmiers s'espacent, et bientt le paysage reprend, comme l'Ouest de la capitale, son ampleur et sa monotonie. Nous nous rapprochons de l'Atlas, qui, par excep-tion, n'a encore que peu de neiges cette anne. Le Djebilet s'ap-platit dans le Nord-Est pour laisser passer l'oued Taaout ei-Fouqia.

    Nos htes, les Rehamna, sont peu fidles au Sultan. Ils nous content avec orgueil, pour nous effrayer peut-tre, qu'ils ont

  • OE MOGADOR A DEMNAT 15

    hrl vifs, rcemment,'sur la place mme o nous campons, qua-tre malheureux qui se dclaraient partisans du maghzen. Outre que cette atrocit ne me parait pas certaine, elle peut, si elle fut commise, avoir eu d'autres motifs que la seule haine politique.

    La forfanterie est un dfaut caractristique des Marocains. Ils se font meilleurs et pires quls ne sont. Leur grande bravoure. Pst une lgende, et leur cruaut une fable. Mais cette perp-tuelle fanfaronade de frocit place le voyageur dans une fl\('lwuse alternative de prudt>nee excessive ou de tmrit.

    3 janvier ~ous continuons nous lever dans l'Est, en montant vers

    l'extrmit de la plaine de!tlerrakech, travers les territoires de Me.

  • 16 AU CUR Di
  • [)J
  • 18 AU CUR DE L A l'LAS

    maisons parses au milieu des jardins. Les deux gros propri-taires de cette riche rgion sont le . qald du Glaoui et la zaouia de Taglaoua. La ligne des collines se recourbe vers le Nord-Nord-Est, formant un cirque sans issue qu'emplissent les oliviers de Srarna. On voit croit re vers le Nord les collines d'En-tij'a et le Moyen-Atlas, et fuir dans l'Est la triple crte du Haut-Atlas. Existe:-t-il une route qui suive la bissectrice de cet angle'? Nos renseignements le nient mais tout me porte le croire. La direction de la valle de .l'oued el-A bid me fait supposer que cette rivire est oppose par son sommet la Mlouya dont j'ai explor la valle suprieure en 1901.

    De Tidili nous gagnons Dra. Les olivettes ombreuses boisent les .collines rouges. Les maisons sont cubiques et massives.; leurs murs en. tabia rose sont cribls des trous rguliers des chafau-dages et des caisses mortier; les toits plats sont faits de bran-chages recouverts de terre battue. Tout autre sont les qabas seigneuriales imprieuses et hautaines aux remparts flanqus de tours d'angles effiles et crneles. L'une des plus carac-t~il!ltique est celle .du khalifa Jakir. Sur les hauteurs, au Nord, 1 on v6it la maison du qald bel-Moudden laquelle les Srarna , sont en train de donner l'assaut. Nous entendons distinctement ls ~oups de fusil, et c'est un singulier contraste de voir les Glaoua labourer et ensemencer paisiblement leurs champs si prs de la bataille.

    Des caravanes d'niers passent sur notre route, portant Me1'f'akech de belles dalles de sel blanc ou un peu ros, prove-n~mt de hi. mine de Kettab dans les collines triasiques du Dra. Un- peu plus loin nous rencontrons une troupe de Derqaoua coifts du turban vert, et portant au cou l'norme chapelet aux grains d1 olivier; ils vont, srieux et sordides, chantant sur leur mode grave : laila ill a Allah 1 ... Il n'est de Dieu que Dieu !

    De ravin en ravin, toujours montant, nous atteignons les jar-dins de DeYmat; jardins merveilleux o l'on chemine dans des sentiers couverts, travers les oliviers, les caroubiers entrela-cs, sous un enchevtrement de ronces, de lianes, de vignes, o ruissellent mille ruisseaux tapageurs et presss qui courent l'oued Amhacir, au fond du ravin encaiss.

  • -~

  • t !l

    /Jemnat est une ville forte. Ses remparts sont trs dt'mantPlls, mais lt>urs dbris attt>stt>nt encort> lmportancP dP cette plaee extrme de l'Empire chrifien, 'Iui incombe la hurdc mission de gouvernPr les tribus montagnardes de l'Atlas central. :\'ous l'avons traverse de part en part. Elle est accidente. Le mellah forme un quartier spcial, il occupe la partie hasst>, il est dos par une porte solidP donnant sm une large rue o flanc tout un peuple de mendiants et d'oisifs que notre vue hahit. Le couuuerce parait actif; les boutiques sont bien approvision-nes et achalandes de eliPnts h1wards t{Ui causent ct boivent du th l'ombre de leurs auvents de hois. On nous avertit qu'il existe 4 tablissements de bains: 1 it la Qaha, 1 lfcttan, 2 Rhib ...

    La place publique tant trop petite pour notre camp, nous nous installons au 1lehors, prs d~ la porte Bab Ifettan. Les trois autres portes de la ville sont : Bab Taht es-Souq, par o nous sommes entrs, Bab Igadan et B

  • CHAPITBE Il

    6 janvier Demnat n'chappe pas la loi commune ; comme toutes les

    villes du Maroc elle n'est qu'un anias de dcombres. De sa splendeur passe, de son importance stratgique et commerciale il ne reste que le souvenir, encore s'efface-t-il au point IJUC nul parmi nos informateurs n'a pu nous dire IJUancl et par qui la ville fut fonde ...

    Au temps de Mouley el-Hasscn elle tait encore riche ct puis sante. Telle la vit de Foucauld en 188-i. La crise de folie fratri ci de et de vandalisme qui bouleversa ~e l\laroc la mort du vieux Sultan svit Demnat comme partout ailleurs. Les tribus se rurent l'assaut de la fortcressP du 11ard cl-Hadj .Jilali ed-Demnati. Le malheureux tait en prire; un coup de baron nette le cloua contre terre dans sa pieuse prosternation. Ensuite on dtruisit sa maison. Les Srahw pillrent les souqs, massa- J crrent les juifs, torturrent les riches pour leur arracher le secret de leurs cachettes ct de leurs silos. On jeta bas des mai- J

    1 sons, des pans du rempart, et jusqu' des mosques. Puis l'ordre' se rtablit, tout naturellement, par lassitude. On se reprit euh tiver les champs, irriguer les jardins. Quand la prosprit fui revenue, un nouveau qad prit possession de la qaha ; il se garda discrtement de toute allusion au pass ; on laissa dor-mir en paix les coupables et les morts. Seuls les juifs tirrent une morale pratique de cette lec;on. Ils construisirent un mellah solide, ceint d'tm rempart spcial o ne s'ouvre qu'une seule porte.

  • Pal"" :!0 his Planf'he \

    Fif!". 11. - Porte rlu :\lcllah. iL Llemnal (page 20).

    Fig. 12. - l'otte de Demnat (page HJ).

  • DE DEM~AT A L OUED MLOlJYA 21

    Quant au qad, rendu dfiant par la msaventure de son devancier, il entretient en permanemp un poste de cinquante quatre-vingts soldats l'entre de son bordj, ct, lorsqu'il prie, cinq hommes veillent sur sa pri1e, fusil au poing ...

    ~ous partirons demain matin pour la Zaouia Alwnal. Un juif qui prtend connaitr le pays nous apprend qu'on y par-vient en quatre jours, et

  • 2:2

    t~moigne de son attachement et de sa foi en faisant remettre Mouley cl-Hasscn une poigne d'argent. Il nous donne ensuite un guide qui nous accompagnera jusqu' l'extrme limite de son gouvernement, ct nous recommande de camper toujours prs des habitations car, dans la montagne, en cette saison, la neige pourrait nous surprendre et nous bloquer.

    Nous sommes partis onze heures, faisant mille ciOchets, au grt'~ des sentiers capricieux qui desservent les jardins de Demnat,. traversant sur le territoire d'Oultana (1) les fractions d'Ait Oua-oudanous puis de /(ettioua, dont une partie est aux Ai't Mach-ten, et l'autre aux Ait Blal.

    Notre itinraire coupe les premires pentes du Moyen-Atlas perpendiculairement leur direction gnrale. Les ravins y sont creux, les artes en sont vives. De grosses roches mergent des : argiles rouges ou blancs. Les champs escaladent les pentes. Les maisons fortifies, les tirremt, nombreuses d'abord, vont s'es-paant de plus en plus, et, bientt, le sentier que nous suivons, mi-pente des ravins rocheux, se perd dans les collines boises de arrars, de chnes, de lentisques et de taquiout.

    Notre tape s'achve la Zaouia Ail Mhamed. Il nous faut' franchir pour l'atteindre l'oued Taaout Fouqania qui, en ce point, au sortir des montagnes, est dj une belle rivire torren-tueuse, de 30 mtres de large, sur 1 mtre de profondeur. Son eau limpid~ et glaciale roule sur un lit de cailloux, entre des j berges boises et escarpes, le long desquelles les maisons se j pressent, et qui les champs cultivs font un cadre continu! mais troit car l'encaissement de l'oued rend l'irrigation diffi-. cile. ;

    La Zaouia est tenue par des serviteurs des Oulad ben Nacer. j Elle a trois sicles d'existence. Mhamed, l'anctre ponyme, n'enJ fut pas le fondateur. Elle fut cre par son pre, et gre, pen-: dant la minorit de l\lhamcd, fils posthume du fondateur, par sa mre. Elle est grande ct peuple. La famille du santon compte dix feux ; ses serviteurs et clients en comptent une vingtaine.

    Vue de la rive gauche, elle prsente un entassement assez dcora-

    ( 1) Voit : Renseignements.

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  • l 1 !

  • DE DEM~AT A L'OUED MLOl!Y A 23

    tif de toits, de terrasses et de tourelles. De pr8 ce n'est qu'un amas informe de maisons en pis rouge.

    Nous sommes en pays Cltleuh. Les lcttris seuls comprennent l'Arabe. Notre chrif lisait tout l'heure l'un des feqihs de la medersa un pome en l'honneur du Cheikh Ma-1-Anin. Le feqih dodelinait de la tte et scandait du pied d'un air entendu ... on dcouvrit dans la soire qu'il n'avait pas compris un mot.

    Les Ait Kroul qui peuplent la rive droite, en amont de la Zaouia, tiennent demain une assemble, dans un village voisin, et nous voyons passer quantit de cavaliers berbres, tous pareils, tte nue, le long burnous de laine crue tombant jus-qu' la cheville, monts sur des chevaux de haute taille bien rbls. Ils ont grand air, et vont vite, portant en travers de l'ar-on leurs longs fusils pierre ou piston frts de bagues d'ar-gent cisel. Un serviteur les accompagne et court pied en tenant l'trier du maitre.

    8 janvier Il n'est pas facile de s'arracher l'hospitalit des Chleuhs ...

    Quand le ciel leur envoie un hte d'lection ils le traitent, sinon avec magnificence, du moins avec une abondance excessive. Ce fut hier soir un dfil ininterrompu de keskous effroyablement rustiques, de bouillie de bl arrose de beurre rance ct de miel. Tous les gens de la Zaouia vinrent, selon l'usage, parta-ger avec nous les plats qu'ils apportaient. Les douze lves de la mdersa nous furent amens par leurs deux matres dont l'un enseigne le droit selon Ibn' Acem l'autre la jurisprudence d'a prs Sidi Khlil, et la grammaire dan~ l'Alfia d'Ibn Malek. Cet ensei-gentent donn en arabe est accompagn de commentaires en langue tamazirt.

    C.e matin le dfil culinaire a repris ds huit heures, aussi peu vart q 'h ,

    u ter ma1s plus abondant encore, et nous n avons pu leve~ notre camp qu'aprs le troisime djeuner, vers midi et dem1 ! Ibn Khaldonn dclare que les Berbres mangent sale- \

    me~t... Les usages n'ont gure chang depuis son temps ; ilfaut J avotr un bel apptit et un estomac robuste pour pouvoir pren-dte part l'abominable tri tu rage qui constitue un repas de fte ...

  • 24

    Nous quit' ons la Zaouia en escaladant un ravin perpendicu-ltlire l'oued Taaout. La monte est raide, le sentier troit : tm dP nos mulets s'abat et roule dans le ravin. Il faut le dbter, remonter la hte et sa charge, puis recharger. CPs oprations se sont faites sans autre accident qu'un poignet foul ct quelques contusions, mais ellPs m'inl;ipire:dt quelque apprhension au sujet des aptitudes montagnardes de notre caravane.

    Notre ravin nous amne enfin au bord d'un plateau d'o l'on dcouvre le Haut-Atlas.,dcpuis la falaise rocheuse qui couronne la montagne des A tt Bo'lt Ouli (les gens aux brebis) et la brche dn col de Demnat j~qu'aux deux gants, le Djebel Anremer ct le Djebel Bou Ourtoul qui encadrent le col de Glaoui.

    Le plateau o nous venons d'atteindre est hord du ct de la plaine de Merrakech par le bourrelet des hauteurs d'E11ti(a (en herhre : Inti fen), collines arrondies, leves de 200 500 mtres au-dessus du niveau du plateau, couvertes de mai-sons de pierres rouges, solides mais inlgantes, et dont la robustesse fait regretter la grce fragile des tirremts de pis1~.

    Ce plateau, ![Ui de loin semblait uni, est extrmement acci-dent,~. Il est d'ahord assez aride et dsert, puis il sc couvre de , moissons hlondes ct de heaux vergers d'un vert profond, dont les tons alternent harmonieusement avee le rouge violent du sol.

    Nous faisons halte auprs de la Zaouia Bou Antar sur le ter-ritoire de Guettioua ( 1). Ce titre de Zaouia est hien platonique car la maison n'a gure d'importance et le maghzen a si peu de considration pour elle qu'il la dtruisit deux fois en dix annes et qu'il lui fait payer l'impt. Mais les habitants professent un culte trs fervent pour les trois agourram, les trois marabouts, sous le patronage de I{Ui la Zaouia est place : Sidi S'id ou Abd Allah, Sidi'Ali ou Mhamd, et Sidi S'id ou Mhamd. A chaque ins-tant rPviennent dans leurs discours les mots : Tout est Dieu et it nos ChPurfa deseendants cle son Prophte.

    Bou Antar sc singularise par trois coutumes traditionnelles, ..

    dont l'omission entranerait les pires catastrophes : L'usage

    ( f) Voir : Ren.~eiq IU'ments.

  • Db; DEli:\AT .\ L'OUED liLOl'YA 25

    du !Jendir. du tambouriu, v Pst interdit ; a ucuu fonctionnaire elu maghzen n\ doit eom~uaJHIPr: sa hornw, son asile. est inviolable.

    L 'agg-lonuiration comprend trente ;\trente-cinq maisons. Gn taleh dirige une pPtitc cole coranique de huit lt'wes. Le mai-tre est pay par ses lves : les uns lui remettent un r1uart dP la dinH': d'autres lui consacrent mw partiP de l_eur rcolte.

    /Jou Antar ne tolre pas de juifs sur SgJ!}.eri'itir'.' . . /,~~ 1 .. ,_ ,

    1.

    (::::.' ">,~, )J jan vil'l _ s l' d'

    . un eux l'otd Ta'anit, nait sur notre route au pmts d -4rhalo 1' '1 ' d'E' ; L' t'l' t' d Il azruut, 1 separe (,pftzoua .. ntz a. u 1 Isa wn e

    (~) ~o~r: Renseignemmt.~. ( ) \ou :l)ocuments.

  • 26 AU CLR DE L ATLAS

    ses naux est la cam;e des discordes

  • Fig. H>. - Cavaliers At ;llessal (pagt> 27).

    i'

    Fig. l. ~ TttTitoir

  • i

  • DE DEMNAT A L'OUED MLOVYA 27

    nos htes ont cu 17 blesss ; aussi se sont-ils rendus en armes au marh d'aujourd'hui qui sp tient chPz leurs agresseurs.

    Ces Chleuhs sont semblables de type. dl:' vtements, et de coutumes aux Braber du Moyen-Atlas. CommP eux ils ont la ttp r.mde, l'ossature massive, l'air dfiant ct farouche; ils sont prolixes et simples dans leurs discours ; leurs longs burnous ffrangs sont sordides. Il faut les entendre apprcier l'adminis-tration du maghzen et la conduite du Sultnn. Du temps de M~uley cl-Hassen l'Eutija payait l'impt. Sous l\louley Ahd el-Aztz le qa'id de Demnat verse, au contraire, unP redevance aux chefs de cette turbulente tribu pour iqu'elle reste dans sa montagne.

    10 janl'ier ~ous marchons de midi i heures travers une suite de

    cuvettes bordes de collines. Les eaux se sont fray des routes profondes dans ces calcaires rouges ou gris.

    Les collines d'Enti(a prennent le nom de collines des At Ali ou Meghrad puis des At bou Zid; elles vont croissant jusqu'au Dj:helloukhnein dont on aper~;oit le sommet dans le lointain et qUI surplombe, nous dit-on, le bourg de Ouaouizert et le confluent de l'oued Ahancal et de l'oued el-Abid.

    l'ious pntrons dans 1~ fort d'Afraoun sur le territoire des A" u

    ll Jrussat. Les chnes hellout, les arrars, les lentisques y sont grles et trs espacs. L'abondance des sangliers, des panthres et surtout des brigands vaut cette fort un fcheux renom.

    Les Ait Me:;sat tiennent aujourd'hui un grand conciliabule auprs des tirremts des A t lkldeft dont la Zaouia est le but de notre tape. Les cavaliers et les pitons sont vtus du kheidous sombre, sorte dP burnous tiss de laine brune ou noire, qui, l'l'lev' 1 e sur a longue chemisf' de coton blanc, !Pur donne un a1r martial et tragique . . L'un des traits saillants du caractre hcrbrf' est la crdulit.

    Ln vieillard harbf' df' nf'gf', l'il vif est wnu demander au ch. if'

    er une amulette pour avoir un fils. Mouley el-Hassen a conf~ctionn de sa 11\ain six petits papiers, sorte d'abraxas lllagtques,auxquels j'ai d joindre six pilules quelconques. Tu

  • 28

    atrras un fils, a dit le Cht'rif, si tu avales chai{UC soit, une heure apr1\s lP lPver de la lune, uuP pilul1 d unP aruulette. Tu le noumwras ~la-1-Anin ct. .. tu nous Jouueras une hre!Jis ! "

    11 jrm vin Les Ai Me~sat, nos htes, sont PH guPt'l'P avee leurs voisins

    du et de l'Est, les A t M hamd et lPs A t lalt : et, se lon l'usage invariable, ils nous fout de leurs ennemis un portrait terrifiant, pour nous dtourner de passer sur leur territoire. Si accoutums que nous soyious ces ptocds, nous suivons sage-meut leur conseil qui pourtant nous (cal'te de nohc dirPetiou i

    ,

    gnrale, et nous entrailw vets le .\'md-:\ot1l-Est, ehez lPs .\t bou Zid.

    Les chefs de la Zaouia J'Ai't lkhll'jnous aeeompagnent, ils nous font traverser la fort de el1nes d' I(ekluien o les arhres sont plus denses Pt plus beaux llUC 1lans la fort J A(raottlt. Les brigands n'y sont ni moins nombreux ni moins hardis. " Tu n'as rien craindre 1l'cux- nous dit en souriant notrP Fui1lP-puisqu'ils te font l.'scorte !

    On rencontre dans cette rgion plusieurs soltes de maisons. La tirremt d'abord, cette forteresse tantt cubique et trapue qu'un toit plat ct dbordant ferme comme un couvercle, tantt lgante, ajoure dans sa partie sup{~ricure, ctnelc, avec embrasures eu forme de trfle, ct cofl'tes flan11Uauts surploru-bant les abords ct battant le pied des remparts. Autour de ees chteaux les villages groupent leurs maisons basses, surmon-tes d'un hangar soutenu par des piliers de hois, semblables aux maisons kabyles. Enfin, dans les bois, ou 1lans les rgions dsertes, on rencontre des maisons isoles ou groupt:es par deux ou trois, d'une forme particulire.

    L'une des faces, celle o s'ou ne le portail, est constitue par un mur en pierres sches de deux mtres de hauteur envi' rou. Tout le reste de la maison est enterr. Le toit, fait 1te branchages recouverts d'argile, se confond avec le sol. La cour intrieure, sur laquelle ouvrent les pices IJUi servent ll'hahi-tation, -est en contrP-has, ct ciel-ouvert. Ces demeures mis'

  • Fi" 1- . ,...

    1 - lnf!tiPl"l. - :ll:nson du

  • IlE DEMNAT A r.'om:n 'ILOUYA 29

    rables et primitives sei-vent d'abri aux bergers et aux labou-reurs pendant les saisons des pturages et des moissons.

    Du soutmt dnud{ de la colline d'f(ekhden on dcouvre une fois cncoie la ehaine splendide du Haut-Atlas, continm, tran-chante, abrupte, avt-(" ses sommets coifl~s de neige et couron-nt'>s dP Il 1 . , t "t' .

    nuages, sem 1 able quC' que tm mense vague pc .ri tee lout la ntf' t'>cumeuse s l~pmpillcrait l'Il hrunu"'s. Les monts Le Bou Gemme:., l{Ui se dressent devant nous, ont la Icctitude d'unP falaise 1 1 d' , l l f

    ' ' ' on y VOit une hrehe, c Pst e ("O .-trwna qm ran-chit la chaine sur le territoire ds Ai"t Abdi et dbouche dans

    ~a. valle de Tlwdra. Un (norme piton domine l"e col ct porte ICI le nom de Djebel M'qrour. L' ensemhle du massif f'St dsign par l'appellation rl'Adrar n' DerelL!Jlli.-sig-iJit-.-14. Monltt_qttedes--chnes. ----

    Il ne pleut jamais ces altitudes leves, mais quand la neige tombe, les valles et les cols deviennent impraticables. Ils sont obstru(s pendant un mois ou deux. Les habitants mas-quent alors avec des broussailles et des troncs d'arbres les

    o~vertures de leurs demeures, et se te1rent jusqu'au dt'gel, VIvant de viande fume de glands sehs et de farine d'orge. Ils portent, pendant l'h~vernage, de longs pantalons qui des-cendent jusqu'aux chevilles, ds jambires de laine ct des chaussures semelle de peau dont l'empf'igne est faite en fibres de palmier nain tresses ou en tellis. Ces bo11 rik,en ber-hres rappellent les bou mente! algriens.

    ~ous campons ce soir Jnguert, dans un dcor splendide, au sommet d' 1 f' une gorge profonde, sur une atrc meu tc qm orme place d'armes entre deux tirremts. A peine y sommes-nous ins-ta~s que notre hte, le (Ffid Haddou n'Art lchehou, nous fait Pl'l.er de dcamper en hte et de planter nos tentes eontre son rempart. Les deux forteresses sont en guerre. Une haine, dont nul ne sait plus l'origine, t-~pare les habitants, et tout rcem-

    ~tent un drame affreux en a raviv l'acharnement. Le fils du qad St" e att pris de la fille de son ennemi. On profita de sa passion

    pour l' tt" l a Irer dans un guet-apcns et le tuer. Les gens du qad e vengrent en t'gorgeant son amante. Depuis ce jour de part

    et d'aut . re on se guette, on se fusille, sans trve, sans merci.

  • 30

    Pendant 11ue nous proc{~dons notre dmnagement une vive fusillade clate dans le fond du ravin, 1.500 mtres de nous. Les At Alla et les At hou Zid sc hattent pour une ques-tion d'eau. Et toute la soire les coups de feu crpitent, tantt tranants, tantt en rafl'ale, pour ne cesser qu'avec le jour. On nous apprend que cette querelle dure depuis une semaine, que les At bou Zid ont eu cinq hommes tus f'.e soir.

    Il n'y a pas de raison pour 1fUe la hataille cesse, ct, naturel-lement, les routes sont coupl-es.

    Le ciel se. couvre de gros nuages menaants. La guerre et la: neige ... graves obstacles !

    12 janvier Cc n'est pas chose facile que de cheminer dans !;Atlas. Les

    habitants ignorent les routes, ou, s'ils les connaissent, refusent de s'y aventurer; le pays est puis et difficile; on se Lat par-, out. Les tribus de cette rgion sont groupes en deux partis, en deux iel/s, de foree peu prs gale. La moindre querelle se propage comme une trane de poudre. Ds qu'un coup de fen veille les chos sonores de la montagne chacun saisit son fusil, 1 jette sa cartouchire ou sa poudrire en sautoir, et court la l rescousse ou l'assaut.

    Nous, qui voulons passer du territoiie des At hou Zid sur celui des Ai"t Atta, nous ne pouvons trouver, aucun prix, un, zettat qui consente nous faire franchir la jruntire de poudre.

    On nous assure pourtant qu'une fraetion voisine du ~OlHf el-J ema entretient encore quelques relations a vee les A tt A ua, et nous partons pour y chercher un guide.

    Rude tape, encore que trs courte. On descend d'abord, par des ravins difficiles, dans la valle de l'oued el-Abid. Ce ne sontl autour de nous qu pentes escarpes, que falaises abruptes, que gorges au fond desquelles se tordent de capricieux ruisseaux :j l'oued Assemdil, plus loin l'oued Ahanal, encaiss, rapide et, clair, large de ao mtres, qui se jette devant nous dans l'oued el-Abid, plus large et coulant plus sagement sur son lit de vase. La cuvette, au fond de laquelle les deux rivires cou-

  • Fig. 1\) - l:oued El-.\hid, Hll ontlncnt de rnned .\han:al (page :10)

    Fig. 20. - Vallt'l dt- l"oue Ahaw:al (page 31).

  • OE DE-'INAT A t'om;n ~ILOUYA. 31

    fluent, potte l nom de Ouaouizert, IJU'Plle emprunte une localitP voisine o de Foucauld s1;journa en 1883 .

    . Xous en escaladons le hord Ouest pour aller demander l'hos-pttalit aux ,li"t Ali o11 Moltf'lnd, fraction des Ai't bou Zid. Un peu d'apprhension tait pPrmise au sujet de l'accueil I{Ui nous Sl'rait fait. Tout le pays Pst en moi; les hommes ont pris part au combat d'hier soir et, dans la tirrl'mt prs de laquelle nous canlpons, un jl'une homme, presqu'un enfant, a reu un eoup de komnmia qui a perfor le poumon ; il est mort dans la nuit.

    Tout d'abord personne ne voulait nous hberger, mais le qad, un .vieillard affable, pris d'une crainte superstitieuse, s'est

    r~,Vls, et nous a pri de nous installer dans ses olivettes qui s etagent en terrasse au flanc rougetre d'un coteau.

    Le titre de qald qui se reneontre frquemment dans ces para-ges est tout honorifique; c'

  • 3:2 Ali CIIEUR IlE L ATLAS

    La soire d'hier avait ilti~ iruruitante. Personrre n'Mait ,enu nous visiter, il avait fallu faire notre hte l'afl'tont d'acheter de l'orge pour parfaite la ration de nos animaux. Quant nous on nous avait apport seulement un peu de beurre rance fondu et yueltJUCS pains. ~Ol-> chleuhs avaient en tte d'autres soucis t{UC celui de nous hberger ; la guerre les absorbait.

    Cc matin ils nous dclarrent t.out net que nous n'irions pas plus loin, qu'il faudrait rebrousser chemin. Sans faire d'inutiles . objections nous abattons nos tentes, nous btons nos mules et, de la faon la plus tranquille du monde, nous continuons notre toute vers l'Est. Interpellations, clameurs, discussion. Les hommes : ac('ourcnt, on nous arrte: - '' Etes-vous fous'? Pensez-vous que les At Alla vont vous laisser pntrer ainsi sur leur territoire '? 11 - L'accueil des At Alla ne saurait trc pire que le vtre; que la responsabilit en retombe sur vous ct vos enfants l ... ,

    Ue tous les reproches que l'ou peut faire un Berbrc cel~ j d'inhospitalit est le plus grave. ~os htes, pofoudmeut hunU~ 1 lis, sentent si bien la justesse de nos griefs que toutes leurs j objections tombent. Us sc runissent eu cercle, accroupis, ~ 1 crosse ter1c le fusil vertical, et palabrent un court instant, pUI& ! quatre hommes sc lvent, paulent et tirent ensemble. Cette : salve est un signal d'appel. Ue toutes les tirremts, de toutes le& , maisons, de derrire chaque rocher,chaque bouquet d'arbres, deS: guerriers surgissent, accourent, tous semblables, en longs bur~ .J nous blancs ou noirs, fusil en main, cal'touchire cu sautoir .. j Tout ce monde nous fait escorte. On sc emet en route, pru-11 demment, militairement. Luc avant-garde nous claire au loiu, ~ progressant par bonds, d'obstade en obstacle ; deux flancs-g1~: des battent l'estrade, porte de fusil, et nous gagnons ainsi la! frontire redoute. On s'arrte, ou concerte le mode d'opra~; tion. Devant nous s'tale la large Yalle de l'oued ei-Ahi que. nous surplombons du haut de sa berge droite. lJn g1os tertre rocheux fait saillie dans la plaine, un kilomtre de nous, e~ l'on aperoit au-del une tirremt tiapue, d'aspect paisible, que' couronne un panache de t'mue. C'est le premier bourg des Ail Atta ; une garnison l'occupe et suneille la valle pal' dell patrouilles et des sentinelles, comme ferait une grand-garde.

  • DE DEMNAT A L'OUED MLOUYA 33

    Quatre AU bou Zid sans armes s'avancent, trs ostensible-lll.ent, eu chantant tuc-tte, et escaladent le seuil

  • 34

    lit de l'oued. Nous le descendons pic, tmvers les chan1p8 rouges et fertiles sur qui ondule dj le gazon verdoyant des moissons nouvelles. Le sol de cette valle est profondment rod par les eaux. Les dalles calcaires rompues jonchent les pentes escarpes par o le plateau se raccorde la rivire.

    L'oued el-Abid franchi, nous remontons la berge adverse par un sentier tortueux, IJUi se recourbe en lacets ; nos mulets trbuchent et heurteJ,~.t leurs ch;;rges aux asprits deS parois, et nous nous levons ainsi jusqu'la crte de la premire chaine de collines qui encadre la valle, sur le territoire des A a Mazir. Quelle n'est pas notre surprise, en atteignant le sommet, de voir que cette crte est aigu et tranchante conune l'arte d'un toit et que le ravin nouveau que nous dominons cache un village o toute une arme se trouve rassemble ... Ce vil~ lage se nomme Tij"arioul, et ces guerriers sont les At Iah (1) qui tiennent un conseil de guerre et discutent le plan de l'as-saut qu'on livrera demain au qar des Ait bou Zid o nous avonS camp la nuit dernire. Tout le temps que dure notre descente difficile parmi les schistes et les pierres roulantes pas mi geste, pas un mot de cette foule, immobile et muette, ne trahit l'iJn~ pression que lui produit notre venue, ni l'accueil qu'elle noUi! rserve. Il faut connaitre 'aspect farouche et nigmatique de ces Chleuhs, leur abord glacial, voir le dcor tragique que forJill! cette cuvette sans issue, avoir t rebattu des lgendes terriblet qui vantent ct exagrent la frocit sans merci de ces tribus pU~ lardes, pour comprendre l'angoisse et l'incertitude d'une tellE arrive ...

    Notre zettat nous devance de quelques pas. Il va s'accroupI au milieu du groupe principal et, pendant que nous faisonf halte, que nous commenons lentement dnouer les cordeJ qui btent nos mules, il explique. voix haute qui nous sonlJilef et o nous allons. Un des At Iah se lve alors, et vient baisel le genou de notre chrif. Ce geste rompt le charme ; l'arJilf entire tient honorer le descendant du Prophte, les femJile1 mmes et les enfants accourent nous, et, pendant un quatf

    (t) Voir : Renseignements.

  • l'latwlu~ \1

    Fig. :21.- J:a ..-n

  • DE DJ
  • 36 AU CUl\ liE L 1,\TLAS

    acteurs de cette scne. Cc n'est pas chose facile que d'oprer sous le regard de quatre

  • l'lawiH \Il

    Fig.::?~. - Lts .\l l:ah aranl lt muhal (pa~n :l~i).

    ~ ... >.t ,. ~ - l"n passage dirtkill'.- Hoult d'_\l Boulnwn il Tanondli (pagl' H).

  • ,;

  • DE lH:MNAT A L'omm :VLOUYA 37

    chrtiens extrayaient d'ici de l'or ct de l'argent. On voit encore, dans une grotte voisine, les ustensiles et les fourneaux dont ils se servaient. .. , Vers l'Est, par de l le fosst; ptofond ct encaiss o coule

    l oued el-Abid, les montagnes des A t A tt a et des A t Soukhman se prolongent sans interruption, portant deux sommets d'altitude notable : le Djebel Ioukhnein qui domine Ouaouizert et le Dje-hel Sgat aux AU Sad ou le/wu.

    Vers 4 heures nous faisons halte Taharoucht, au centre d" une douzaine de tirremts tapis au fond d'un ravin. Ce sont des cons-tructions massives, disgracieuses, dont les hautes murailles sans fentres portent un lourd toit plat perc seulement d'une ouver-ture par o l'on sort en rampant pour balayer la neige. Un bti-ment peu lev fait, en gnral, saillie sur l'une des faces, mas-quant le portail et formant curie, table, ct salle de rception

    po~r les htes. Car ici, comme dans tous les pays d'Islam, la ~atson est le sanctuaire de la famille, et nul tranger n'en peut ranchir le seuil.

    Tous les hommes sont la bataille ; le peuple fminin est en f emot ; nous devons cette double circonstance l'insigne aveur de . . . l" , t"

    1 pouv01r exammer de prs, en toute mt tscre wn, es femmes des A t Iah. Elles sont laides en gnral, et sales

    sans exception. La coiffure surtout est sordide ; elle consiste en.un foulard rouge ou noir. luisant de crasse, tach de henn, qul enveloppe les cheveux et se noue derrire la nuque. Le costu

    me se compose d'une chemise de coton macule de taches, sur laq ll . . ,

    ue e repose une lndzra en lame ayant la forme dun sac per , d . Q ce e trots trous : un pour la tte ct deux pour les bras. Uand 1 f . d.

    1 att frotd, on superpose ce vtement une seconde hen-tra li. u ' P ee en chle et noue sur la poitrine. les dames portent c~e parure imprvue : elles se font, avec du henn, une mou-

    e sur le bout du nez. l Les hommes sont vtus d'une longue chemise blanche 0a.rges manches et d'un burnous blanc ou d'un kheidouz brun u noir.

    Mes com l' '1 n pagnons se sentent peu rassures par accuet qm ous est fait. ~ous trommis ici un chrif de la Zaouia d'A hnnat

  • 38 AU CUR DE L'ATI.AS

    qui nous in1crroge avec tant d'indiscrtion, et qui accueille notre . version avec tel air d'incrdulit que Mouley el-llassen ne parle de rien moins que de retourner Demnat ...

    Nos serviteurs sc querellent, ceux que j'ai engags refusent ; d'obir Mouley abd Allah qui fait fonction de chef d'escorte; . ct, comme ils accompagnent leur refus de protestations de . dvouement ma personne, je me trouve dans une situation : dlicate. Les gens que mes cheurfa ont amens avec eux ont si . peur qu'ils parlent de dserter ...

    Tous ces petits dissentiments, qui n'excdent pas l'habituel tracas d'un voyage au Maroc, empruntent l'inscurit de cette. rgion,l'hostilit des habitants, une exceptionnelle gravit.Nous' sommes la merci de nos hommes : une rplique insolente peut compromettre notre prestige, rvler notre identit ; une rpres-sion svre peut provoquer une trahison. Il faut une patience, : une douceur mritoires. Nous ne parvenons tre servis qu'en accomplissant nous mmes la moiti de la besogne. Nous. aurions besoin de nous arrter un jour ou deux, de reposer nos mules, de rparer notre matriel que la montagne use, nos chouaris et nos belleras que les roches rduisent l'tat de dentelle; mais s'arrter en pleine montagne, en janvier, cheZ les Ait Iah ou les A t Soukhman, serait une imprudence folle .. et nous continuerons marcher vers l'Est tant que la neige ne nou arrtera pas.

    15 janvier La pluie nous a rveills ce matin. Une pluie fine qui crpi-

    tait lugubrement sur la toile de nos tentes. Le ciel tait bas, les. sommets environnants couverts de neige, j'ai cru un instant que l'hiver, si tardif cette anne, allait commencer, et que la Zaouia d'Ahanal serait le terme de notre cxplora'ion, et notre, point d'hivernage. Aussi sommes-nous partis tt pour l'atteindre. avant que le sentier fut impraticable. Le jour s'est lev; un jour triste mais peu menaant. Les nuages qui nous enveloppaient se sont parpills dans le vent du Sud, et le soleil a dissip menaces et soucis ...

    La route est conrtc mais rude. Elle longe mi-pente la berge

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  • DE DEMNAT A L'OUED l!LOUYA 39

    escarpe de l'oued el-Abid, tombe pic dans les ravins et en ressort par de vritables escaliPrs. C'est au fond d'un de ces ravins, au milieu des buissons bourrus de arrars et de lenstiques, au bord d'un torrent rageur et glac, que se trouve la Zaouia d'Ahanal, but de notre tape. La rgion est si peu stre que nos zettats nous prient de prparer nos armes, et se dissimulent prudemment derrire nous. Prcautions vaines, fort heureuse-ment, mais qui impressionnent de f

  • 40 ' AU CUR DE L ATLAS

    nous dcourager la goutte d'eau perce le marbre ! ,, ou hien: il n'est rsistance que la tenacit ne lasse! n ou encore: '' les chiens aboient, la caravane passe! ,,

    Sid H'sien (1), chrif d'Ahanal, est un petit homme trapu qui, par hien des cts, m'a rappel son cousin loign{ Moule y Ahmed, chrif d'Ouezzan. Quand il parle, son il gauche se ferme un peu, le coin de la bouche remonte, et cette contraction lui donne un air de malignit juvnile. Il sait mal l'arabe vulgaire mais lit couramment et comprend assez facilement l'arabe littraire, la langue liturgique, dans laquelle il a fait des tudes assez com-pltes. Ses notions gnrales sont superficielles mais tendues. Hier soir, sous la tente, on a longuement caus. La conversa-tion a roul tout d'abord sur les affaires intrieures du pays. Tout voyageur qui passe doit narrer ses htes les nouvelles qu'il a recueillies sur sa route. De fil en aiguille la causerie s'es~ largie ; on en est venu parler des tribus qui habitent le reste du monde, et qui sont la France, l'Angleterre, l'Espagne, la Turquie, etc ... on les a jauges d'une trs tonnante manire : la Turquie vaut 50 ans ; la France 30; l'Angleterre 20; le monde islamique 100. Il faut, parait-il, entendre par ces coeffi-cients qu'un voyageur mont sur une mule, ou un piton mar-,: chant bien, emploierait 50, 30, 20 ans parcourir les territoires~ de ces lointaines tribus.

    On a parl beaucoup de la France ; de l'occupation d'A n Char qui a vivement frapp les gens de l'Est; de Bou Amama dont on colporte avec admiration la rponse l'ultimatum des Franais :

    - '' Si vous voulez la paix je serai avec vous, si vous voulez la guerre je serai contre vous.

    Aprs cette longue digression l'on est revenu nos projets. Notre rsolution tranquille, taye de bonnes formules orthodo-xes vantant la vigilance providentielle, et l'exhibition de quel-ques-unes de nos armes tir rapide dconcertent un peu nos htes. On a remis au lendemain les dcisions dfinitiYes, en con-venant que ;;nous ferions sjour pour reposer btes et gens et goter loisir l'hospitalit de la Zaouia .

    (i) Hossen.

  • DE DEHNAT A L'OUED ~ILOl!YA .tt

    On Msigne cette Zaouia du nom oP Zaouia fouqia. Zaouia sep- t . en riOnale, par opposition ii l'autre Zaouia, situe la sortie du

    col, sur le versant mridional de l'Atlas. Le fondateur (le ces Zaouias fut Sidi S'id, disciple de Sidi

    )fhammed ou a !ah patron d' A.~fi (Safi). Sa mmoire prodigieusn. Ha~al devtnt en langup chellha Aha(,~c;L puis Ahan~l.

    ,Un jour, pendant son plerinage ii la Mecque, Sidi S'id visi-tait, avec son maitre, la bibliothque du Prophte. Il voulut

    ~rendre un liYre; le gardien l'en empcha. Mais le maitre Intervint, prit le livre, et le lut son disciple. C'tait le Dimiati, l'numration des 99 noms de Dieu. Sidi S'id le retint, ct, le soir m.me, le rcita ii Sidi l\lhammed ou alah. Depuis lors le 0

    miati est le dikr des affilis de la Zaouia d' Ahanal, qui le r' . ecltent chaque jour.

    Ce matin Sid H'saien el-Ahaw:ali est entr sous notre qoubha a;~c un air soucieux. Il prcdait des serviteurs chargs de pro-VISions de toutes sortes ; deux hommes portaient un mouton fra-chement gorg.

    -cc Je me faisais une joie de vous recevoir et de vous hber-~r. nous dit-il, et j'avais, vous le voyez, prpar une mouna digne de vous et de moi. ~lais on me raconte que le pays s'meut de votr 1 't' e presence, que vos bagages exc1tent es convoi 1ses, quf' des brigands se concertent pour vous attaquer ... Le mieux serait que vous devanciez leurs emhches en partant de suite.

    Nous n'avons aucune objection faire ce discours; notre hte parait sincre ; l'important pour nous est d'avoir des ~ettats srs, et, puisque le chrif nous a dclar la veille qut> a. traverse de sa clientle f'st si dangereuse qu ' peine ose-

    rait-il s'y risquer lui-mme, la seule garantie de scurit que nous puissions solliciter est la prsence du chrif d'Ahanal en ~~ r.rsonne. Cette demande, appuye du prsent d'une montre,

    ~Isse le chrif un instant rveur. Il mdite, eu tournant et retournant la montre, parle voix hasse avec ses gens, indcis : proccup, puis soudain il prend un parti dfinitif, et, se

    urnant vers nous :

  • 42 AU CUR LIE L'ATLAS

    -Vous n'aurez pas d'autr~ guid~ que moi~ , De la gorge d'OuifilfPn, o sc cache la Zaouia d'Ahanal, nous

    sommes revenus ii la valle de l'oued el-A hid que nous conti-nuons longer en cheminant mi-cte de sa rive gauche. L chrif d' Ahanal s'pst fait escorter par une demi-douzainf' de serviteurs mines patihulaircs. Un scul d'entre eux sait l'Arabe. mais il se drobe toute conversation, et refuse de nous fournir le moindre renseignement sur son pays. L'intrt de notre route est mdiocre d'ailleurs ; l'tape se droule au milieu d'une fort de chnes, de arrars et de petits cdres. J'ai su depuis que nous avions viu~ les habitations, qui, tout naturellement, bor-dent la rivire, pour prendre travers la montagne o l'on ne rencontre rrue quelques douars de bergers et des brigands.

    Enfin, aprs quatre heures de montes roides et de descentes abruptes, nous atteignons les tirremts des At Bou/man (1) qui occupent le fond d'une cuvette profonde d'aspect assez dsol. Notre venue, annonce par un courrier du chrif, a attir une centaine de curieux qui nous attendent assis en deux cercles, le fusil au poing, pendant que les femmes, indiscrtes et effron-tes, peuplent les terrasses et dominent du vacarme de leur caquetage la rumeur des hommes.

    17 janvier Les Ait Bou/man ont ft notre prsence par un heidouz lfUi

    s'est prolong trs avant dans la nuit. Les danses et le1 chants d'ici sont identiques ceux des Brabn du Moyen-Atlas . . flommes et femmes, forms en cercle, paules contre paules, rythment leur chanson aux battements d'un grand tobbal. Le chanteur. rcite ou improvise; le chur rpte une sorte rle refrain. Tous ~ les excutants se balancent sur place, d'avant en arrire, d'une 4 fa:on fort lascive ; les femmes surtout mettent dans lf'UI' mimi-que une impurleur provoquante. De grands feux, que les specta-teurs entretiennent, clairent cette fte. Quand la provision rle bois est puise les chants se. taisent, le public se disperse, et les chanteurs s'en vont par deux...

    (1) Voir: Ren,eignements.

  • F' Ig, 27 (' ] ] '('' 1 ( ' . ' ' '[' ('1 ( \1 \] ]') ( "(' ') - . o
  • DE llEMNAT A LO(jED :\II,OliYA

    C'est tout justf' si dans ce pa ys sans morale la fpmnu: n'est pas un hien commun. Fille. divorce. ou veun. t>llf' appartit>nt . on dansf', tant que dure ln ftt> .. Avec la dernire hrasse de hois disparais-sent lumire et contrainte ...

    Elles ont un joli dicton, les petites ,pouses bmhres: " Dit>u n' . Y voit pas la nuit ! ))

    Les maris non plus n'y voient gur(' ; il est vrai qu'ils pr-tent peu d'attention aux bats de leurs moitis. Si l'on s'mer-Veille de leur tolrance, ils rpliquent qu(' lorsque l'on possd(' plusieurs femmes il est difficile de les satisfaire, et impossible d(' les surveiller. Car la pol y ga mie est de rgle chez les Chleuh de cette rgion; un homme peut prendre autant de femmes qu'il en

    pe~t entretenir ; il suffit qu l puisse pa y er les frais de la noce, et qu Il donne la famille de la marie une dot variant de 2 1? pesetas. Ce prix drisoire, nous dit le chrif Ahanali, quipos-sede admirablement la lettre et l'esprit des coutumes berb-res, symbolise la suprioriti> de l'homme, et la servitude de la femme. Et d'ailleurs, ajoute-t-il avec un sourire narquois, llltne pour ce prix infime le mari est encore dupe, puisque la fille est toujours laide et sale, raremen~ vierge et jamais fidle. ))

    Tout cela est hien svre pour nos htesses, mais ces dfauts sont compenss par une qualit qui leur fera beaucoup pardon-ner :elles sont totalement dsintresses. La chose est d'autant plus n1 't 1 ert Oire qu e les sont besogneuses et coquettes: Jamais, ~ous affirme le chrif, elles n'accepteraient un grich 125 centimes) d~ leurs amis. Aussi leur parure est simple : quel

  • AU Clll\ DE t'ATtAS

    LPs enfants sont peine vMus. Les garJH'e la plus noblP: le temps ne eompt~' pas: se hter serait un gra,e manquement aux usages : " Dieu a donn au cheval quatre jambes et la vitesse: l'homme il a donn{~ deux jamhes et la majest. n

    Nous nous sommes mis en route, vers midi, dans la direc-tion de l'Est, sans but prcis, vitant seulement la valle de l'oued el-A bidet ses dangereux riverains. La fort de chnes est peu dense. Avec ses dessous de bois de calcaire gris, rouge ou brun, de micas, d'argiles violaces ou safran{es, elle prolonge ce paysage tourment o nous vivons depuis quelques jours.

  • 1-'ig. ::!!l. - LP 'I"!III' "'' TasPrart (.\1"1 .\hdi) (pagr W).

    Fig. :lo.- llnPd Onnz.- ti01ges de Tifrloniu n".\llah (png -l1.

  • DE lllnt:-.AT .\ L'ouED 'ILOUYA 45

    La halte sc fait en plein bois, dans une clairire trs sau-vage, il ett' de CJUelcJtH'S huttes de bergers. Ces pannes gens, surpris de l'honneur imprnt CJUP leur fait le chrif d'Ahan-a/ en venant campcr auprs d'eux, nous apportent du lait aigre, un mouton, en s'exeusant que leur misre ne leur per-mette pas de faire mieux.

    Cn vent d'Est glacial s'est lev, balayant la valle, secouant nos tentes d'une fa~on iiH{Uitante. Dans la soire le vent s'apaise, la pluie lui succde, une pluie lcntc>, (lUe coupe par instants la tombe solennt-lle de larges flocons dl.' neige ... :\"otrc camp l~rend un aspect lamentable sous ce lineeul ; nos mules ont l'air 81 pito}ahle sous leurs bts tremps : leurs pauvres pattes entra-Ves s'enfoncent dans la houe glaciale !

    18 janvier Il a plu et neig toute la nuit. Y ers 7 heures le temps s'est lev,

    le vent a tourn, les nuages se sont dchirs, et le soleil est apparu. Les bergers ont !ventr les haies de branchages qui gar-dent leurs troupeaux des volems, des lions, des panthres et des hynes, et nous avons continu l'ascension du Djebel Tingarta (Tinguert), ce gros dme qui, depuis deux jours, Larre notre horizon du cot du Sud-Est.

    L'ascension se fait dans la neige. Les chnes deviennent plus rares lllais plus gros; ils font plaee ensuite de beaux thuyas, analogues ceux des forts des Beni Mguitd: le sommet de la

    ~lontagne est chauve et roehcux, il disparait aujourd'hui sous a neige.

    ?n aperoit du Tinguert toute la partie du .J1oyen-Atlas com-prise entre la valle de la Mlouya et le Djebel Joukhne'in. L'os-sature en est constitue par deux artes : la plus septentrionale ;st escarpe et continue comme une falaise; l'autre, qui forme a herge nord de la valle de l'oued P.l-Abid est moins haute, dchancre de plusieurs brches, et se prolonge perte de vue l'ans l'Est o se protile la silhouette d'une grosse montagne iso-ee, le Djebel Toujjit. C'est de ce Djebel Toujjit que sortent,' ~:~ss par leurs s~nnn~ts. les ou~ds Mlouya et e~-~bid d~nt)

    coule vers le :\ord-Est et se Jette dans la ~led1terranee,

  • Ali CUR m: L ATLAS

    pendant que l'autre coule vets l'Ouest et pol'tc ses eaux l'Atlantique.

    Nous voici doue, enfin, cu vue de cc hut

  • ;::

  • Dt: IJEMNAT A L OUt:D :\IJ,UUYA 47

    plus vite du eirque de Tasera(t, si hospitalier tfu'en soit l'

  • i8 At; CUR m: L'ATLAS

    Xobe tape se prolonge dans la nuit et nous arrivons A(erda au clair de lune, au milieu des chants, des coups de feu, des cris de joie. Cet accueil nous montre de quel prestige jouit notre guide si aimable et si dvou, le ch1if d'Ahan~al.

    20 janvier A (l'rda (ou 1'fljerda) est un village : ses ha hitants portent le

    nom d'A tt ou A(erd. On n'y n>it ni tirremts, ni appareil guer-rier. Les maisons meublent l'himicycle de collines, en tapissent le fond, en

  • ce: lf's troupeaux so11f au pata~p dans la mollt:I!-!'IH'. l:11e fr&s YieillP mule ;.:rist', tjllf'lIIS llf'lt's t(U dor-lllent paisihlPIIIPIIt. so11t lf's st>tds htf's dt> cP 1 ieu.

    Les ff'llllllf'S dt> notJp hte arcoment. dis lf' poichP, pom nous baiser les mai11s, nous souhaitPr la hiPIIYs femmes tissent

    '

  • 50 AU COI
  • I'Jall
  • hE DEMl'iAT A L'OUEII ~ILOUYA 51

    PlldaHt tout lP fPmps 11'1~' duet 11ohp t'Ppas, les voisins, les paents, lPs amis, Pnhpnf, sol'iPHt, s'assoiPtt!, ptt>nnPnt pal't la s fait'!' bnit, sollieitc11t des amulette,.; ou des l'l'llltJdl't>.

    Au llloment o nous allions uous lent pour sortir, nohe htc a fait Ve"IJit devant le chrif sPs deux del'llires femme,.; ct, tout llalvement, lui a con,M !{U'ellPs se disputaient sans l'!'SSll et l'a pri( dn les tconcilier. La plut> iigie s'est ptosteru{~e en sup-pliante, le front conhe tel'l'e, les mains ctoises dettiilte la nuque. L'autre, une petite fcnuuP toute jeune, au type kal-ntouk, pommettes saillantes, teint bistre ct yeux hridt's, est d.emeure roide ct immobile avec un air de dNi IJUi ne promet rten de hon pom la flicit do notre pauvre hte. Il nous a

    c~nfi '{UP sa premire femme, la doyenne, remplissait, comme c est l'usage, les fondious d'intendante, de maiht>sse de mai-son : la deuxime est la veuve de son frre qu l a {pousl', sui-vant l'usa 11 t l ' ge encore, pour reeuc1 n ses roHi nenux en Jas

  • .\U CUR llE L ATLAS

    vane. La

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  • lllent sm un lit
  • " ~ ,)j A 1; Ct:R TH: L'ATLAS

    l que fut massacr(~ traih'PUSPillPllt, en 1894, l\louley Srour, le proprn oruln d :\loulPy .\hd d-.\ziz, deux fois sacr puiscrul Mait l'amhassndeur du Sultan et l'hte du eht'rif.

    Nous faisons halte trois kilomtrcs de la zaouia pour Pnvoycr notrP zettat, Amiar hcn 1.\'ac;Pr, solliciter l1wspitalitt' du chrif Amhaouch. L'annone!' que des cheurfa Mrangcrs sont il sa porte nwut fort le grand santim. - O vais-je pouvoir les loger? )) s'(~crie-t-il.

    En apprenant que nous avons un camp. des tentes, des ser-viteurs, il sc rassure, et nous fait dire IJUe nous sommes les hien venus.

    P~ndant cette rapide ngociation la pluie s'est mise tomber, nous pntrons dans Aibala au milieu d'une foule d'honunes encapuchonns qui font la haie sur notre passage, immobiles ct c'nigmatiqucs.

    Sid Ali Amhaouch est venu baiser la main de .Moulcy el-Has-sPn ct nous dsigner l'emplacement de notre camp. Il nous a cont qu'il rec;oit depuis deux jours courrier sur courrier l'ap-pelant auprs de son frre maladP. Une force invisiblP le rete-Hait ... A l'instant mnw o on l'avertissait dP notre approchc, une lettre venait de lui annoncer la gurison soudaine de son frre ... Ce douhle vnemPnt n'est assurf>ment pas une simple concidence ; Sid .\li y voit la manifPstation miraculcusP des vertus de son hte. Et nous voici installi>s dans la zaouia myst-rieuse, au cur de l'Atlas! ...

    22 janvier Al'hala, comme toutes les cits marocaines, perd tre vue

    de prs. De loin c'tait unP ville, enclwss{~e dans un cadre som-hre de montagnes Pt dP forts. Ville sacre, inviole, que sa merveilleuse et tragicpw lig-enclc~ faisait prc'sas-cr intt'ressante et curieuse. En ralit elle n'est qu'une agglomration de maisons massives, cubiques, construites en pis rouge, recouvertes de toits plats, groupes autour de deux ou trois grandes tirremts, et rien dans les murs des habitants, dans leur caractre, ne parait justifier leur terrible l'Pnom.

    Mais, si AI'!Jala dt'~c;oit nos cmiosits, son chrif, Sid Ali

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  • DE llE~I:\'AT A 1:0Cf:ll 'II.Ot:Y.\

    Arnhaourh, nous dt'tlommi!-!'C. Il ans

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    ({IIi ('at;wlc'tis(' Jps JlPt'qaOlta, dont iJ

  • DE DE11:\'.\T A r.'OUEO )lf.OtYA 57

    CepPndant l

  • 58 AU Cllt:l:R DE t'ATLAS

    At I!tand. Chemin faisant il nous I'PJLsei.!.inn sm la topog-taphic Pt l'histoirn diterrane l' 1ttlantique.

    L'enchevtrement des valles suprieures de l'oued el-Abid ct de la Mlouya est un fait gographique intressant. Les deux coms d'cau se croisent, spars par une chaine curieuse, sorte de cloison au Sud de laquelle l'oued el-Abid coule de l'Est l'Ouest, tandis que la Mlou.t;a coule au Nord, de l'Ouest l'Est.

  • Fi., 'i'J . "'''-.LOnerl ~llnnyn: ;111 snrl .r.\ZI'l'ZOIII'. ;'1 l'luH'iznn.J,. ((;,,,1.\llns (Jn;:eli2) .

    .J/ig. ~0. - Habitants rlu 'l'.'ill' ,r.\zetzout (.\l lhanrl) (l'age li2). '-..;;:.

  • DE DEMNAT A L'OUED MLOUYA 59

    Le Djebel Toujjit (la tei~neuse ). qui fut notre point de direction pen

  • 60

    d lP lPndPmain, iL l'aubP naissantP. au bruit dPs lteidvu::., au son du tobbal, 11os sprvif

  • ~u 4J ,... - \ nlJ,~,. "" l"lln,d '""11_1"
  • bE UEM~~T ~ ~UUEU MLOUYA tH

    Vers la plaine o l';lpre vent du :'\ot'd fouette des I'afl'ales de neige qui nous aveug-lent d l'

  • CllAPITHE 11.1

    DE L'OlJED ~lLO(jY.\ A I.'OUEIJ DRA

    26 janvier Ce matin, PH

  • l'lawl~t .\.\11

    Fi" ''> , "'' >J, - La111peuunl dans un;douat. - \"alll' dl' la ~l louyal(pag-l' Ii-i) .

    .... H :,. '-rn douat do JliiSil'lll'S. - "L'jlllllllil .\l .\li 011 fl!'altilll (J>H.~\' fi.i).

  • lJF: L nn:n liLOt:L\ .\ t'nUEil lillA ti3

    , Au del la plaiiH' Pst gTislti'ntes dans un tourbillon de netge, les patrouilles qui sc dirigent sur nous. Nous faisons

    ha~te : on change quel

  • 64 A IJ CCJt:l,l\ BE L ATLAS

    L usi'cmi u~ de ce tilllll)()lllf'llt ('St !-!'l'il Il de. Cc tt l' il!-''1.!'10 m(ra-tioll de tous lPs tirmpcaux 1L'U11e ttil111 Pst fait

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  • liE L OlEil liLO(;YA A L'OUED DIU 65

    de nous hlH'I'!.!HHIJHier de lui }I'tcr mon revolver our qu'il puisse Lrlcr la

  • Q6 AU CU:UII DE t'ATLAS l~l.'_!.t pPttdant 1\tapt> dP dt>uwiu ... Enfin j'ai I'
  • 11liitll'ht \\1''

    Fi;:. 4i.- Ta)!olldil (.\il \'abia). - (;roupt dtal>ilanls (pa;:t X).

    Fig. i~. - Ta;:oudil. - Felltllll'S .\il Ynhia lpa~ liX).

  • DE L'OUED ~ILOUY.\ A L'on;n 1\RA 67

    accompa{-:lll'I'. On Yowhait aussi 11ous PXPmptPl' dP la taxe (l\mP peseta par btP (JILP les .lt Yahia pr!ll'nnt sm les uuaYanes (lUi franehiss(nt le coL Il faut poul' eda llUP la djPma. l'assem-hlle (hs notab!Ps, sP rlu11issc. POlll' toutPs rcs raiso11s, pour lLtUhPs eneot'P, (lUe l'on 11e twus (lit pas, l'amiar, le chef (le la fraction lpti nous ht'hergp, 11nus ptie l!P veni1 lH'elldrP clwz lui le lwrkoukPs et lP th qui constituPnt la collation matinal!'.

    Quelle difi'{rpncP entre eet intt'rieur misrable, cnfumt'. l'l'ils-seux Pl la eonfol'tahle demeure de notre hte d 'A.(erda ! La salle' conuuune est sombrf' et encombre, 011 y heurte les tas de hois crouls, les outils, les a1mcs. lfno1:mcs cofl'res cadenasss sont rang{s l

  • 68 .\U CUH HE L ATLA:,;

    l'ignore, toujoms Pst-il que l'apparition de nos armes, hti-vement exhih

  • Fig. -Hl.- Col dL Tounlit.- \llnge 1les .\l llalta!J (.\t llad,liduu) (page 70).

  • fois IlOUS priCI' flp l!'UI' \'Plldtl le ('Oilh'llll dP IIOS ('aiSSPS .. \pt't'S fol'cc pourparlPrs on nous litissp partir, moyennant lill
  • 70 AU COEUR DE 1:ATLAS

    avec pcmc; les parois SP rejoignent jusqu';\ sn touchnr, ct les eutasscmPnts de roehes N10uU~cs 1lcssinnnt des nnit

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  • 71

    L'oued Msaf coule entre ces tlcux premires chaines. La chaine la plus mridionalt-, travers l

  • 72 AU Ctli'Tl\ m: L ATLAS

    dt>UX fa laists. lltux Yillagf's sP so11t ('OIIslruils Il' long dt> cf' gave, ct Pli utilisent les caux : Tahrijjat. f't, dux kiloml-tres plus has, Taribant o nous campons.

    .'11 janvier

    Nuit agite. Nous a vous Mt' r{~v

  • IlE J:OCF.D ~ILf\l:Y.\ .\ I:U{jEfl llRA

    n'l-trp plus

  • 74 AU CUR DE L 1ATLAS

    1"'' lvrier

    TMpal't dix !JPUI'PS. ~otic personnel a htc de !ll~taler; notre hte ne peut nous donner f{UC sa hndiction; jamais mise en routf' ne fut si }H'estc, si simple. Deux zettats, rPcruts ;\ graiHl peine, nous gutdcront, pour le prix de 15 pesetas chacun.

    L'oued Taria, dont nous suinms le lit, coule au fond d'un v(witahlf' calion dont les parois abruptes, hautes de 100 300 mtres, !>lont formes de dalles empilPs horizontalement. Le fond n'a pas plus de 200 mtres de large. La rivire y serpente parmi de petits champs cncadri~s de digues. Les lauriers-rose ct les tamaris, les peupliers, les noyers, les ahricoticrs, et mme, un peu plus has que la zaouia, les palmiers, font de cc couloir un long ct dlici~ux verger. Les villages sont curieusement accro-chs mi-falaise, sur les marches gantes que, par endroits, forment les assises calcaires, d la route quitte parfois le fond de la valle pour grimper en corniche.

    La zaouia de Sidi Mohammed ou !ousse/ est compose de cinq q~~our : deux sont habits par des cheurfa des Oulad AmPr, trois par des llilratin. Nous dfilons devant eux, puis nous pas sons au pied d'autres villages appartenant aux At Meriad.

    Les parois de la falaise portent aussi des traces de ruines ; on nous montre mme une sorte !le route en corniche qui est di1signc sous le nom de r,iq en-.TVara (Hou te des Chrtiens). A hauteur des ruines de Tazert la valle se rtrcit en gorges sau-vages nommes Aqqa n'Ouaouna n'Jmfer.

    Le sultan l\louley cl-Hassen traversa ces rigions, il soumit les A Meriad, ct. d{)molit it eoups de canons quelques villages r{Jcalcitrants. Cette campagne a laiss de profonds souvenirs dans la mt~moirc

  • -...

    ...

  • m: L'om:D MLOUYA A L'OUED DRA 75

    Les gens d'ici sont trs ditf{>r

  • 76

    uotrn point dP d'pal't, IJllf' uohp 1-!"llidf',

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  • DE L'oUED MLUlYA A L OUED DiU 77

    dtap hlPu

  • 78 ' AU CUH DE L ATLAS

    .5 (mier

    Nous anms sjoUI'IIt' hiPI'. Il fallait divist>r notre matiriel, car je coupP. demain, ma caravanP Pli deux : UIH' moitit'~ I'Pntrl' Merrakeclt, l'aufrp m'aecompasnp dans l'xploration du hassin de l'oued Dra. Boulifa, dont lPs. travaux de linguistique hcrhre s'accommodent mal de cett vie nomade, lH'Pndra le comnumde-ment de la t'l'action I]Ui rPII'P. Il enuui~nra :\Jouli'Y Ahd Allah, ce vieux gu(wrier, actif ct vora(:e, dont l'exePssive nergie ct le hel appMit ont cu le don d'exaspi~rer tout le monde. Sou beau-fils l'ac(ompagnc, ct je n'ai pas dP !'

  • l'agp '78 hi.< Plandn XXIX

    Fig. i'i7.- L'~ liteFig. :J8.- \'alle rlr l'tl~trr! Ta da. - La zaouia dl' Sirli :\lohammtrl Olt lousstl (page H).

  • !l

    Detqaoua ont prit'~. hurl, rlt', elwnt( ... Y ers minuit, un 1hreur de fPIIIBH's s'Pst mis entoniH'I' l'unisson lP La ilia ila .\llah ~ "

    Faut-il admirPr ou dplorPr l{UP le mystieismp puisse attein-dre de tds Pxcs? C'est sPlon lPs rsultats auxquels il conduit. .. Cf's rtsultats, pour nos htPs, sout lutolhauce Pt, surtout, l'