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1S28 ADF 2007 – Conférences Ann Dermatol Venereol 2007;134:1S23-1S29 COMMUNICATION LIBRE Le psoriasis : quoi de neuf ? DUBERTRET L Le psoriasis bénéficie de progrès rapides dans 4 domaines : Une physiopathologie mieux comprise. Le psoriasis n’est pas une maladie auto immune mais un syndrome réunissant différentes ma- ladies qui ont en commun une hyperréactivité des cellules cutanées et des cellules sanguines aux agressions. Cette hyperréactivité se tra- duit par une libération excessive de cytokines pro-inflammatoires. Il en résulte une inflammation qui entretient l’agression cutanée : la maladie devient chronique. Une révolution dans la prise en charge thérapeutique. Le psoriasis est à l’origine d’une révolution dans la prise en charge des maladies chroniques : la médecine centrée sur les patients. Cette révolution consiste à placer le patient et non pas la maladie au centre de l’acti- vité médicale. Cela implique de prendre en considération l’évalua- tion par chaque patient des conséquences de la maladie et des traitements sur la qualité de sa vie. Les mécanismes de la maladie et les possibilités offertes par chaque traitement doivent être expli- qués. Le patient doit participer au choix thérapeutique. En effet le but du traitement est d’améliorer la qualité de la vie, il n’est pas pos- sible de le faire sans la participation du patient. Cette approche, techniquement divisée en 4 phases, le questionnement, les explica- tions, la négociation et la prescription, prend du temps, environ 45 minutes par consultation et nécessite une réévaluation de la ré- munération du temps médical. Une meilleure utilisation des traitements systémiques. Il est indis- pensable de nos jours, dans la pratique dermatologie quotidienne, de savoir parfaitement manier les traitements systémiques du psoriasis. Le Soriatane ® , avec la technique des doses progressivement croissan- tes qui le rend à la fois efficace et bien supporté, le méthotrexate dont la surveillance peut se passer le plus souvent de la rituelle ponction biopsie hépatique, la ciclosporine, très précieuse en cures courtes, sont autant de progrès majeurs. De nouveaux traitements. Les traitements biologiques représentent un espoir important du fait de leur sélectivité avec, de ce fait, l’espoir de voir diminuer leurs effets secondaires et de pouvoir les associer aux traitements classiques. Ils sont d’un intérêt majeur pour les pa- tients résistants, intolérants ou présentant des contre-indications aux traitements classiques. Au fur et à mesure de leur utilisation on dé- couvre que chacun d’eux présente un bénéfice tout particulier pour certains sous-groupes de patients de mieux en mieux identifiés grâce à la recherche clinique. MYCOBACTÉRIOSES L’infection à Mycobacterium ulcerans ne doit plus être restreinte à l’impropre appellation « ulcère de Buruli » PRADINAUD R La dermatologie souffre encore dans sa terminologie de la présence de nombreuses dénominations plus ou moins folkloriques et régio- nalistes faisant référence à des auteurs (ce qui est louable lorsque ce n’est pas contestable) ou à des lieux géographiques (ce qui est à la ri- gueur acceptable lorsqu’on se situe dans la dite région). Comment accepter « ulcère de Buruli » quand le malade est en Guyane Française ? À ma dernière participation à l’OMS à Genève dans le « Comité Consultatif sur l’UB », j’ai frémi d’horreur en en- tendant une Luxembourgeoise, présentant le travail d’une collègue pasteurienne de Cayenne, parler de « Buruli patients » (in English more !) à propos des malades suivis dans le service de dermatologie du Centre Hospitalier de Cayenne ! L’infection à Mycobacterium ulcerans semble battre les records avec une douzaine d’éponymes depuis la première description de « l’ulcère de Bairnsdale », lieu géographique dans l’État du Victoria au sud-est de l’Australie. Des auteurs anglais ayant travaillé en Ouganda ont imposé terme « Buruli ulcer » dont la très mauvaise traduction française a été « ulcère de Buruli »…au lieu du, le Buruli étant une province proche du lac Victoria. Cette maladie, caractérisée par ses ulcérations indolores à bords dé- collés, est observée en Amérique du Sud (Guyane Française : 200 cas cumulés, Pérou : 8 cas, Suriname : 1 cas) au Mexique (Yucatan : 4 cas), dans de nombreux pays africains, où les nouveaux cas annuels se chiffrent par milliers en Côte d’Ivoire et au Bénin, en Malaisie, en Papouasie-Nouvelle Guinée, 2 cas exceptionnels en Chine et au Sri Lanka. Elle semble curieusement avoir disparu du Buruli ! Il est impropre, voire aberrant de limiter son appellation à cette zone de l’Ouganda. Déjà, en 1972, P.G. Janssens, qui travaillait au Congo Belge, suggé- rait de parler de « l’ulcère à M. ulcerans » tout en proposant « Kakérifu ulcer » pour le foyer africain, d’autres suggérant « Kasongo ulcer » en insistant sur les atteintes osseuses. Malheu- reusement le mot « ulcère » néglige totalement les phases œdéma- teuses, gommeuses, abcédées et les ostéites de la maladie, la cantonant dans le spectre tant redouté des ulcères qui conduisent plus les malades chez des guérisseurs et sorciers, les privant des ac- cès précoces fondamentaux auprès des omnipraticiens, des derma- tologues, infectiologues et chirurgiens qu’il faut absolument instruire de cette passionnante maladie encore pleine d’énigmes, malgré les formidables progrès dans son approche biologique et physio-pathologique. Gardons néanmoins encore quelques dénominations universelles rendant hommage aux Grands Maîtres de la dermatologie comme Moritz Cohn, qui, au moment d’épouser la fille de son patron de la clinique de Vienne, Von Hebra, masquant sa stigmatisation de juif, emprunta le nom de son village natal Kaposvar en Hongrie, deve- nant le célèbre Kaposi. La « maladie de Kaposi » a remplacé les ap- pellations princeps successivement proposées par Kaposi lui-même C9 Hôpital Saint Louis, Paris. C10 Président d’Honneur de l’IGDT et du 26e Congrès de l’ADF à Ouagadougou, Lyon.

C9 - Le psoriasis : quoi de neuf ?

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1S28

ADF 2007 – Conférences Ann Dermatol Venereol2007;134:1S23-1S29

COMMUNICATION LIBRE

Le psoriasis : quoi de neuf ?

DUBERTRET L

Le psoriasis bénéficie de progrès rapides dans 4 domaines :

Une physiopathologie mieux comprise. Le psoriasis n’est pas une

maladie auto immune mais un syndrome réunissant différentes ma-

ladies qui ont en commun une hyperréactivité des cellules cutanées

et des cellules sanguines aux agressions. Cette hyperréactivité se tra-

duit par une libération excessive de cytokines pro-inflammatoires.

Il en résulte une inflammation qui entretient l’agression cutanée : la

maladie devient chronique.

Une révolution dans la prise en charge thérapeutique. Le psoriasis

est à l’origine d’une révolution dans la prise en charge des maladies

chroniques : la médecine centrée sur les patients. Cette révolution

consiste à placer le patient et non pas la maladie au centre de l’acti-

vité médicale. Cela implique de prendre en considération l’évalua-

tion par chaque patient des conséquences de la maladie et des

traitements sur la qualité de sa vie. Les mécanismes de la maladie et

les possibilités offertes par chaque traitement doivent être expli-

qués. Le patient doit participer au choix thérapeutique. En effet le

but du traitement est d’améliorer la qualité de la vie, il n’est pas pos-

sible de le faire sans la participation du patient. Cette approche,

techniquement divisée en 4 phases, le questionnement, les explica-

tions, la négociation et la prescription, prend du temps, environ

45 minutes par consultation et nécessite une réévaluation de la ré-

munération du temps médical.

Une meilleure utilisation des traitements systémiques. Il est indis-

pensable de nos jours, dans la pratique dermatologie quotidienne, de

savoir parfaitement manier les traitements systémiques du psoriasis.

Le Soriatane®, avec la technique des doses progressivement croissan-

tes qui le rend à la fois efficace et bien supporté, le méthotrexate dont

la surveillance peut se passer le plus souvent de la rituelle ponction

biopsie hépatique, la ciclosporine, très précieuse en cures courtes,

sont autant de progrès majeurs.

De nouveaux traitements. Les traitements biologiques représentent

un espoir important du fait de leur sélectivité avec, de ce fait, l’espoir

de voir diminuer leurs effets secondaires et de pouvoir les associer

aux traitements classiques. Ils sont d’un intérêt majeur pour les pa-

tients résistants, intolérants ou présentant des contre-indications aux

traitements classiques. Au fur et à mesure de leur utilisation on dé-

couvre que chacun d’eux présente un bénéfice tout particulier pour

certains sous-groupes de patients de mieux en mieux identifiés grâce

à la recherche clinique.

MYCOBACTÉRIOSES

L’infection à Mycobacterium ulcerans ne doit plus être restreinte à l’impropre appellation « ulcère de Buruli »

PRADINAUD R

La dermatologie souffre encore dans sa terminologie de la présence

de nombreuses dénominations plus ou moins folkloriques et régio-

nalistes faisant référence à des auteurs (ce qui est louable lorsque ce

n’est pas contestable) ou à des lieux géographiques (ce qui est à la ri-

gueur acceptable lorsqu’on se situe dans la dite région).

Comment accepter « ulcère de Buruli » quand le malade est en

Guyane Française ? À ma dernière participation à l’OMS à Genève

dans le « Comité Consultatif sur l’UB », j’ai frémi d’horreur en en-

tendant une Luxembourgeoise, présentant le travail d’une collègue

pasteurienne de Cayenne, parler de « Buruli patients » (in English

more !) à propos des malades suivis dans le service de dermatologie

du Centre Hospitalier de Cayenne !

L’infection à Mycobacterium ulcerans semble battre les records avec

une douzaine d’éponymes depuis la première description de

« l’ulcère de Bairnsdale », lieu géographique dans l’État du Victoria

au sud-est de l’Australie. Des auteurs anglais ayant travaillé en

Ouganda ont imposé terme « Buruli ulcer » dont la très mauvaise

traduction française a été « ulcère de Buruli »…au lieu du, le Buruli

étant une province proche du lac Victoria.

Cette maladie, caractérisée par ses ulcérations indolores à bords dé-

collés, est observée en Amérique du Sud (Guyane Française :

200 cas cumulés, Pérou : 8 cas, Suriname : 1 cas) au Mexique

(Yucatan : 4 cas), dans de nombreux pays africains, où les nouveaux

cas annuels se chiffrent par milliers en Côte d’Ivoire et au Bénin, en

Malaisie, en Papouasie-Nouvelle Guinée, 2 cas exceptionnels en

Chine et au Sri Lanka. Elle semble curieusement avoir disparu du

Buruli ! Il est impropre, voire aberrant de limiter son appellation à

cette zone de l’Ouganda.

Déjà, en 1972, P.G. Janssens, qui travaillait au Congo Belge, suggé-

rait de parler de « l’ulcère à M. ulcerans » tout en proposant

« Kakérifu ulcer » pour le foyer africain, d’autres suggérant

« Kasongo ulcer » en insistant sur les atteintes osseuses. Malheu-

reusement le mot « ulcère » néglige totalement les phases œdéma-

teuses, gommeuses, abcédées et les ostéites de la maladie, la

cantonant dans le spectre tant redouté des ulcères qui conduisent

plus les malades chez des guérisseurs et sorciers, les privant des ac-

cès précoces fondamentaux auprès des omnipraticiens, des derma-

tologues, infectiologues et chirurgiens qu’il faut absolument

instruire de cette passionnante maladie encore pleine d’énigmes,

malgré les formidables progrès dans son approche biologique et

physio-pathologique.

Gardons néanmoins encore quelques dénominations universelles

rendant hommage aux Grands Maîtres de la dermatologie comme

Moritz Cohn, qui, au moment d’épouser la fille de son patron de la

clinique de Vienne, Von Hebra, masquant sa stigmatisation de juif,

emprunta le nom de son village natal Kaposvar en Hongrie, deve-

nant le célèbre Kaposi. La « maladie de Kaposi » a remplacé les ap-

pellations princeps successivement proposées par Kaposi lui-même

C9

Hôpital Saint Louis, Paris.

C10

Président d’Honneur de l’IGDT et du 26e Congrès de l’ADF à Ouagadougou, Lyon.