32
Jacques Henri PREVOST Petit Manuel d’Humanité CAHIER 45 - La Gnose et les Gnostiques. MANUSCRIT ORIGINAL Tous droits réservés N° 00035434

CAHIER 45 - La Gnose Et Les Gnostiques

Embed Size (px)

DESCRIPTION

bonne lecture

Citation preview

  • Jacques Henri PREVOST

    Petit Manuel dHumanit

    CAHIER 45 - La Gnose et les Gnostiques.

    MANUSCRIT ORIGINAL Tous droits rservs

    N 00035434

  • Introduction

    Sans commencement, sans fin, sans pass ni avenir,

    sans cause et sans contingence, lEsprit transcende l'espace et le temps,

    car il rside dans le seul prsent et trouve son essence et sa ralit

    dans son propre et constant perfectionnement.

    Le caduce, symbole gnostique

    En raison de l'ambigit du terme, il est difficile de parler de la Gnose. Il n'est pas facile non plus de parler des Gnostiques tellement est lev le nombre des groupes ou mouvements qui revendiquent cette appartenance. Aux dbuts du Christianisme, on en dnombrait dj plus de quatre-vingt, et bien d'autres sont apparus depuis. Il peut paratre intressant de se pencher sur les causes ou les consquences de cette multiplicit. Beaucoup de chercheurs ont travaill en ce sens et nous en parlerons, mais le sujet de la prsente recherche portera essentiellement sur les fondements communs des diverses doctrines. Le terme Gnose, quant lui, est initialement issu du grec antique "gnss" qui signifiait "connaissance". Il est souvent utilis pour dsigner l'attitude philosophique initiale sur laquelle sont fonds les divers mouvements gnostiques, mais on appelle aussi Gnose le mouvement historique de rivalit ou d'opposition au Christianisme qui s'est constitu quand la nouvelle religion devenait hgmonique. Cependant, au sein mme des groupes gnostiques, le mot Gnose dsigne tantt le contenu de la connaissance inspire, (c'est dire une conceptualisation explicative des mystres divins), tantt la source mme de cette nouvelle connaissance, la grce active et sanctifiante de l'Esprit. Dans sa priode prchrtienne, la particularit du Gnosticisme est dj de nier la bont souveraine du Crateur en attribuant l'organisation cruelle du monde physique une entit secondaire, le "Dmiurge". La relation entre les deux entits, leurs natures et la position de l'Homme dans le systme varient selon les doctrines mais, en dpit des nombreuses variantes, cette cosmogonie dualiste semble pouvoir tre considre comme la caractristique fondamentale du Gnosticisme. Mais la Gnose se dfinit aussi comme une connaissance sotriologique, (salvatrice), capable d'oprer la mtamorphose intrieure de l'Homme afin de mettre un terme au drame universel qu'apportent sa chute hors du monde originel de Lumire, son exil dans le monde obscur de l'ignorance, et le combat qu'il doit mener jusqu' sa rdemption finale.

  • Les Gnostiques

    La Gnose nest pas une hrsie ne du Christianisme, elle est initialement un systme de pense indpendant issu de diverses sources antiques, indo-iraniennes en particulier. Au dbut de l're, cependant, en tant qu'attitude philosophique, la Gnose cohabitait avec le Christianisme et avec lHermtisme et le No-platonisme. Malgr la parent des sources irano-essniennes du Christianisme et des racines indiennes de la Gnose, les deux courants professaient des ides diffrentes. La Gnose qui n'tait initialement qu'une vision mtaphysique et intellectuelle du Monde tolrait tous les cultes. Les Gnostiques disaient que le Monde divin et le Monde o nous vivons appartiennent deux natures parfaitement distinctes. Cette dualit fondamentale suffit encore aujourd'hui pour caractriser une pense de type gnostique. l'poque, interdits d'existence puis menacs de mort par les arrts de l'empereur chrtien Thodose II et de ses successeurs, les mtaphysiciens pr-gnostiques, initialement informels, constiturent des communauts de survie, autonomes et distinctes. Aprs son apparition, la dualit professe par la Gnose s'loigna nettement du polythisme antique et des mythes indo-iraniens. Elle devint une dmarche personnelle vers la connaissance totale (surtout salvatrice), la dcouverte de lEsprit, et la comprhension de la nature relle du monde auxquelles elle tendait par lillumination intrieure. Fonde originellement sur une simple attitude mentale sans tre religieuse, elle se dveloppait sur un plan intrieur, sotrique, en prconisant une liaison directe avec le plan divin. La Gnose pouvait encore accepter que les nophytes puissent connatre des initiations, mais elle se passait de prtres mdiateurs et d'intercesseurs intervenant entre l'homme et la divinit. Le systme entra donc en concurrence avec les organisations chrtiennes structures et les cultes et mythes spcifiquement chrtiens. La puissante glise dcida alors de dtruire la Gnose dangereusement concurrente, laquelle, pour survivre, s'organisa en petites chapelles clandestines.

  • La coexistence force des deux courants de pense, gnostiques et chrtiens, provoqua des influences mutuelles et mme quelques tentatives de mise en commun tendant raliser un rapprochement doctrinal. Au deuxime sicle, les Gnostiques dsiraient en effet intgrer le palo-christianisme sotrique dans leur dmarche globale car il leur paraissait enracin dans les autres cultes Mystres. Ils tentrent donc une synthse entre la foi des Chrtiens en un dieu souverain unique et leurs ides gnostiques et no-platoniciennes. Pour la distinguer de l'antique Gnose paenne dualiste et indo-iranienne, l'glise appela "orthodoxe" la nouvelle Gnose christianise qu'ils tentaient d'laborer. Nanmoins, repoussant ces efforts, elle la condamna et en fit mme une hrsie majeure promettant ses adeptes aux feux des bchers en ce monde et aux flammes de l'enfer dans l'autre. Les volutions "hrtiques" de la pense gnostique ont ensuite t multiples. Rappelons que, pour les Gnostiques, le monde nest pas bon et son crateur non plus. La cration est le rsultat dune catastrophe cosmique provoque par une divinit infrieure. Lhomme est le rsultat dun autre dsastre dont il doit sortir par le seul moyen qu'est l'apprentissage du savoir secret donn par la Gnose. L'homme doit reconnatre sa nature maudite et savoir comment la dtruire pour sen librer. Les hrsies chrtiennes allant du 1er au 4me sicle environ taient, pour la plupart, dinspiration gnostique. Rappelons que le Gnosticisme ntait pas originellement une religion, et que nous voquons surtout ici le Gnosticisme chrtien, ce courant idologique qui voulait rapprocher la Gnose et le Christianisme. Imprgn des paganismes grecs et iraniens, ce Gnosticisme pouvait prsenter une forme sotrique du Christianisme. Celui-ci se fonde cependant sur la foi en la Parole et en lcriture, tandis que la Gnose prtend non seulement quil faut connatre , mais se connatre soit mme , et elle fait souvent du Christ non plus un fils de Dieu, mais seulement un guide.

    Entre Christianisme, Hermtisme et Gnose, certaines synthses furent pourtant ralises, montrant que divers courants taient tellement proches les uns des autres quon ne les distinguait pas formellement et qu'ils taient parfois traits comme un fond culturel commun et trs prcieux. Chaque philosophe ou penseur conscient dveloppait sa propre interprtation en retravaillant, la lumire spirituelle de la Gnose, les thmes traditionnels et sa rvlation intrieure et personnelle de la Vrit. De lextrieur, les courants pouvaient apparatre divergents, mais, sous ces habillages diversifis, les Gnostiques retrouvaient leurs principes, leurs mythes traditionnels, et les rvlations initiatiques transmises du plus haut des Cieux. Voyez ci-aprs ci-aprs une liste de groupes que les hrsiologues chrtiens ont identifis et reconnus comme plus ou moins teints de gnosticisme, (Ici environ quatre vingt, sans compter les nombreux modernes). On y trouve les Abelotes, les Adamites, les Ariens, les Atiens, les Aloges, les Angliques, les Antidicomarites, les Apellites, les Apolinaristes, les Apostoliques, les Aquatiques, les Arabiques, les Archonticiens, les Ariens, les Artotyrites, les Ascites, les Bardesanistes, les Basilidiens, les Canites, les Carpocratiens(libertins), les Cataphrygiens les Clicoles, les Cerdoniens, les Crinthiens et les Mrinthiens, les Clobiens, les Colluthiens, les Colorbasiens, les Donatistes, les Ebionites, les Elcsates, les Encratites ou atianites, les

  • Floriniens, les Helvidiens, les Hiracites, les Hraclonites, les Jovinianistes, les Macdoniens, les Marcionites, les Marcites, les Marcosiens, les Malchisdciens, les Mlciens, les Mnandriens, les Manichens, les Messaliens, les Mtangismonites, les Naasseniens, les Nazarens, les Nestoriens, les Nicolates, les Notiens, les Novatiens, les Ophites, les Orignistes, les Passalolynshites, les Paterniens, les Paulinianistes, les Plagiens, les Ppuziens, les Perates, les Phibionites, les Photiniens, les Priscillianistes, les Ptolmates, les Sabelliens, les Saturniens, les Scundiens, les Sleuciens (ou Hermiens), les Sthiens, les Svriens, les Simoniens, lesTatianites, les Tessarescdcatites, les Thodotiens, les Vadiens, les Valentiniens.

    Pour les Gnostiques, L'Homme est trinitaire

    Confronts ce foisonnement, les exgtes ont tent d'ordonner les doctrines en fonction des prceptes qu'elles proposaient. Ils ont d'abord utilis le concept banal de dualit et d'opposition de deux principes universels. Sur le plan thique, l'un des principes est souvent "bon" et l'autre "mauvais", constituant les sources d'une "bonne" ou d'une "mauvaise" cration. La distinction apparait lorsque l'on considre l'un des principes comme second, ou pas, par rapport l'autre, que le Mal, par exemple, est, ou n'est pas, coternel d'un principe transcendant unique et fondamental. Ainsi caractrise-t-on deux dualismes, l'un dit "radical" impliquant deux principes gaux, l'autre, dit "mitig", o le principe du Mal n'apparait que dans des conditions particulires. Cette spcificit a engendr les Bogomiles et les Cathares. D'autres distinctions partent du Monde, uvre de Dieu ou du Dmiurge, antcdent ou conscutif l'Homme, et aussi de l'Homme cr comme le Monde (microcosme), ou le Monde cr pour l'Homme (principe anthropique biblique et chrtien), ou parfois contre lui. On a aussi us du pch, soit originel, (prcdent la cration de l'Homme), soit antcdent, (celui des premier parents, Adam et ve). De nos jours, la Gnose adapte souvent son message la culture occidentale traditionnellement chrtienne. Elle se dclare souvent christique mais en redfinissant la nature et la mission du Christ, et elle tente de montrer toute la richesse des mythes du Christianisme originel en dvoilant leur vritable signification cache. Refusant toute discussion sur lhistoricit des fondements chrtiens, elle prsente les personnages et les vnements vangliques comme des reprsentations mythiques du chemin qui conduit lHomme son salut. Ce dcryptage des mythes relie le Christianisme originel aux antiques Cultes Mystres dont il tait contemporain, et on y retrouve leurs principales caractristiques tels les concepts dimmortalit de lme, de salut et de rsurrection. Ces cultes voquaient toujours la passion, la mort salvatrice et la rsurrection triomphante dun dieu ; leurs pratiques et leurs rites conduisaient au salut dans un autre monde.

  • l'Apocalypse Gabor Urban

  • Les "Pres" du Gnosticisme

    Pour donner une ide des contenus des enseignements et doctrines des groupes que les hrsiologues classaient dans le gnosticisme, je citerai quelques uns de leurs initiateurs et rsumerai leurs ides. Le premier hrtique class comme gnostique aurait t Simon le Magicien, un contemporain des aptres dont l'existence parat plus lgendaire que relle. Il se faisait appeler "La grande puissance de Dieu". Il est cit dans les Actes des aptres qui rapportent que le diacre Philippe rencontra Samarie un devin-sorcier du nom de Simon le Mage. Aprs avoir reu le baptme, Simon aurait demand aux aptres Pierre et Jean, l'autorisation de confrer le Saint Esprit, en l'achetant prix d'argent. De l viendrait le mot Simonie, (trafic des choses saintes). Cette proposition rejete, Simon aurait cr une nouvelle religion intgrant certains aspects des religions mystres et de la doctrine chrtienne, Il l'appela d'ailleurs "religion chrtienne", et elle se rpandit fort rapidement. Pus tard, Rome, Pierre aurait confondu Simon sur le Forum en prsence de Nron. Elev dans les airs, Simon volait autour d'une tour, mais l'aptre Pierre aurait rompu le charme, provoquant sa chute et sa mort. La lgende des relations de Simon et Pierre semble cependant lie aux livres intituls "Homlies pseudo-clmentines". Ces crits rsument la doctrine que professait Simon : Le Dieu suprme est un dieu autre que celui qui a cr le ciel et la terre, il est inconnu et ineffable et il pourrait tre appel le Dieu des dieux. Cette position pourrait donc faire de lui l'un des pres du gnosticisme, et le fondateur de la religion gnostique des Simoniens. Chose trange, il aurait aussi t connu sous le nom de Sal et confondu avec l'aptre Paul. Autre acteur, Mnandre de Samarie voulait sauver les mes captives ici-bas et proclamait l'absolue transcendance de la divinit. Ce disciple de Simon modifia un peu ses enseignements et fonda la secte des Mnandriens. Personne ne pouvait tre sauv, s'il ne recevait son baptme particulier, une immersion cense rendre immdiatement immortel et prserver de la vieillesse. Son disciple Saturnin d'Antioche, (ou Satornil), enseignait que sept anges (les Archontes) avaient cr le Monde et tent vainement de faonner l'Homme l'image de Dieu. Saisi de piti pour l'ouvrage manqu, Dieu l'anima d'une tincelle d'esprit qui remonte jusqu' Lui aprs la mort.

    La chute de Simon le Mage

  • Le gnostique gyptien Carpocrate pensait que Jsus n'tait pas un "Sauveur" mais simplement un homme qui avait ralis son idal de justice et avait ensuite rejet les crateurs infrieurs de la matire avant de remonter vers le Pre inengendr. Les Carpocratiens honoraient Jsus l'gal de Platon. Ils enseignaient que l'me humaine devait traverser une srie de transmigrations avant de s'affranchir des illusions du Monde et de regagner finalement son lieu originel divin. Crinthe originaire d'Antioche comme Satornil, tait un mage disciple de Simon. Il vivait Jrusalem et pensait qu'un on cleste, le fils du "Dieu Christos", s'tait incarn dans le corps de Jsus, au moment de son baptme initiatique, et l'avait quitt au moment de sa mort. Il disait qu'il existe un Dieu Pre sans existence matrielle, souverain du Bien. Le dieu des Juifs, mauvais crateur du Monde matriel et de l'Homme, n'est qu'un archonte, une divinit infrieure. Basilide, dit le Gnostique, naquit Alexandrie et y enseigna de 125 155. C'tait un disciple de Satornil. Fondateur de la secte des Basilidiens, il rdigea un vangile en 24 volumes, une exgse de l'Ecriture, qui synthtisait aussi les enseignements de Simon et qui fut, hlas, brl comme tous les textes gnostiques accessibles l'poque. Basilide concevait 365 cieux imbriqus les uns dans les autres. Tous seraient hirarchiquement peupls d'intelligences varies dont la moins leve, le Dieu des Juifs, aurait cr notre propre Monde. Le vrai Dieu serait donc infiniment distant de ce Monde plac au dernier niveau de ses manations. Pcheur par nature, l'Homme est justement condamn. Il est responsable de ses actions et possde deux mes qui entrent perptuellement en conflit et peuvent se rincarner. La rsurrection corporelle est impossible car les corps sont totalement corrompus. Les mes d'un petit nombre d'lus pourraient rejoindre leur source divine en trompant magiquement les Archontes crateurs du Monde. Basilide ne croyait pas l'incarnation du Christ. Il pensait que l'homme mort sur la croix n'tait pas Jsus mais Simon de Cyrne. Il eut de nombreux disciples dont le plus connu fut Marcion.

    L'ange dsol

    Marcion dit le Pontique, un riche navigateur, vivait Rome (85/160). C'tait probablement un Juif christianis de l'glise de Sinope qui l'excommunia. Il n'tait pas vraiment tout fait gnostique mais affirmait que lAncien Testament tait abrog pour les Chrtiens. Il fonda une glise schismatique fort bien organise et trs importante dans lhistoire du Christianisme dont elle fut la concurrente la plus srieuse au 2me sicle plus par son impact intellectuel que par le nombre de ses membres. Les femmes y avaient accs au magistre et tous les fidles taient soumis la mme discipline rigoureuse, pratiquant un asctisme svre, un vgtarisme strict et un encratisme total, (renonant mme au mariage). Adepte du dualisme, Marcion enseignait quil existait deux dieux distincts, celui de la Bible et celui des vangiles. Le premier rgne sur la nature matrielle quil na pas cre. Il nest ni omniscient ni tout puissant. Cest un dieu svre, exigeant une obissance totale. Il asservit lhumanit la dure Loi de Mose, punissant durement les carts et empchant lhomme de devenir vritablement bon. Le second est un dieu suprieur inconnu. Essentiellement bon, il prend lhumanit en piti et lui envoie son fils, sous lapparence virtuelle de Jsus-Christ, pour rvler son existence et son amour. Le premier dieu sirrite et le fait prir. La mort gratuite de Jsus accomplit la rdemption de lhumanit. Celle-ci reste cependant soumise la domination de son Crateur originel et ne peut lui chapper que par diverses privations et mortifications. Mais la fin, le dieu austre et exigeant

  • disparatra, et le dieu bon tablira son royaume au bnfice de ses fidles, abandonnant les autres hommes la destruction. Le Marcionisme ntait pas rellement gnostique mais navement dualiste. Ici, lHomme nest pas originellement suprieur ses formateurs, ce qui est loppos de la pense gnostique courante. L'glise marcionite connut un succs considrable pendant plusieurs sicles, en raison de sa simplicit et de lutilisation adroite de Livres Saints spcifiquement adapts la doctrine.

    Valentin tait un Alexandrin vivant Rome (135/160). Il enseignait que le Dieu Pre, le Propatr damour, ou Bythos, (lAbme), avec sa pardre Sig, (le Silence), forme de sa Pense une chane compose dune succession dmanations de ralits ternelles, les ons. Leur hirarchie constitue le Plrme, ou Plnitude. Il est compos, de haut en bas, de syzygies dons dcrits comme masculins et fminins. (Entits mtaphysiques qu'il convient de les considrer comme des complmentaires, droits et gauches, la faon symbolique de lArbre des Sphiroth des Kabbalistes dont les Gnostiques sont proches). Du fminin vient la substance, du masculin la forme. Les premiers sont Nos et Althia, (Intellect et Vrit). Ils engendrent Logos et Zo, (Verbe et Vie). Suivent Anthropos et Ekklesia, (Homme et glise), engendrant Parakletos et Pistis, (Dfenseur et Foi), puis toutes les autres puissances du Plrme. Les derniers ons sont Thlptos, le Vouloir, et Sophia, la Sapience. Mais celle-ci dsire crer seule. Pour cela, elle cherche comprendre la nature du Pre, troublant ainsi le Plrme au sein duquel apparaissent le Mal et les Passions. Pour rtablir lharmonie, Sophia est exclue du Plrme avec les lments du dsquilibre quelle a foments. Ils forment ensemble le Monde den bas, le mauvais monde qui retient prisonniers quelques lments divins entrans dans la chute. Pour soulager Sophia, Logos et Zo mettent une nouvelle syzygie, Christos et Pneuma, (Christ et Saint-Esprit). Lorsque le Plrme est enfin reconstitu, les ons dcident dmettre ensemble un nouvel on, Jsus. Ils lenvoient dans le chaos du monde comme un sauveur intemporel. A partir de la Sophia dgrade, Jsus intemporel suscite un petit dieu crateur mais ignorant de la ralit du Plrme, le Dmiurge, le Dieu des Juifs et de la Bible. Cest lui qui organise la matire informe et en tire le monde sensible, rgi par le Cosmocrator (le Prince cosmique), et les hommes. Certains dentre eux renferment toujours en eux les semences divines prisonnires. Pour les librer, le sauveur Jsus descend, en son temps, dans le monde den bas, dissimul dans un corps dhomme. Sa prdication et celle de ses successeurs visent rvler aux gars divins leur origine vritable, ainsi que la possibilit du retour au Pre, et lorsque tous les lments perdus auront regagn le Plrme, ce monde temporaire sera dtruit.

  • Autres dualismes d'Occident.

    Origne naquit en 185, Alexandrie o il resta jusquen 230 avant de se fixer Csare. On sait quil se castra lui-mme pour viter toute tentation, ce qu'il regretta plus tard. Son pre avait t dcapit par Celse. Origne mourut Tyr, en 254, la suite des tortures infliges sous Decius. On retrouve bien des ides gnostiques et no-platoniciennes dans ses thories inspires des enseignements dAmmonius Saccas, un Alexandrin noplatonicien, matre de Plotin. Elles nous ont t transmises par Grgoire le Thaumaturge, l'un de ses lves, car la plupart de ses crits, condamns par le concile de Constantinople, furent dtruits. Origne accordait une importance extrme la prire et proposait un systme nouveau et complet du Christianisme, intgrant les sources bibliques et les ides no-platoniciennes. Il reprsente bien ce que lon a appel la Gnose orthodoxe, (en opposition avec la Gnose dite paenne). Dans les thses dOrigne, on trouvait les notions dun Dieu Tout-Autre, ternel et crateur. Il est le Pre qui engendre ternellement le Fils, ou Logos, lequel reoit le rle de mdiateur entre Dieu et le Monde, aussi bien dans la cration universelle que dans la rvlation individuelle. Tous les tres divins sont dous de raison et participent la lumire divine. Jouissant du libre arbitre, ils peuvent se tourner vers Dieu, ou vers le nant, devenant alors des mes chutant vers lanimalit. Cela tablit la prexistence des mes qui pchent avant d'animer les corps. Mais la condamnation infernale n'est pas ternelle, et lme peut retrouver le royaume de lesprit si elle soriente activement vers le Bien. Dieu ne veut pas la contraindre et recourt seulement lducation par le Logos dont les agents sont les philosophes, les prophtes, et surtout Jsus. Lme de Jsus a servi de lien entre son corps et le Logos. Au jour de sa Rsurrection, le corps physique ayant disparu, elle sest runie au Logos. Chaque Chrtien est appel suivre la mme voie. Le vritable idal religieux est la connaissance complte du divin, la Gnose, que les fidles peuvent atteindre en se dtachant de la matire. Cette connaissance totale, cette Gnose, embrasse tous les mystres du Monde et de Dieu. Finalement, lhistoire du salut sachvera dans la soumission et le retour de toutes les mes Dieu, par le rtablissement universel de ce monde et des autres, dans ce cycle et les autres, avec des successions constamment renouveles de chutes et de retours des cratures Dieu.

    Origne et la prire

  • La religion Mandenne, (les Sabens), dorigine incertaine, apparat entre le 1er et le 3me sicle. Elle semble lie aux Nasorens dIsral qui se seraient temporairement rfugis en Mdie (Iran). Sa cosmogonie est marque par le dualisme gnostique oriental qui oppose un Monde lumineux un Monde tnbreux. Le Monde de la Lumire est dirig par un grand dieu inconnu, le Seigneur de Vie, le Mn, Roi de Lumire, entour dun nombre infini dtres lumineux habitant dinnombrables mondes faits de lumire. Tout nat de ltre suprme, par manations successives, dans une cration progressive. Le Monde des Tnbres est de mme structure. Il est form partir du Chaos, leau tnbreuse qui existait lorigine de toutes choses. Le Seigneur des Tnbres provient de lEsprit dchu. Il produit ses propres mondes peupls de dmons et de cratures malfaisantes. Les sept plantes et les douze constellations du Zodiaque sont galement dans son domaine. La Lumire et les Tnbres entrent en conflit. Un dieu crateur hybride, le dmiurge Ptahil, organise lexistence du Monde terrestre avec laide des puissances obscures. Lopposition de la Lumire naboutit qu lenchanement momentan du Seigneur des Tnbres et la condamnation du Dmiurge. Mais lhybride Ptahil a cr le corps extrieur et visible dAdam dont lme intrieure et invisible vient de la Lumire, et lhomme est double et participe aux deux natures. Les Adam terrestres sont des copies ou des reflets des Adam clestes et ils ont, dans chacun des deux mondes, des pouses, (ve et Nuage de Lumire), et des fils parmi lesquels Abel, Seth, Enos, qui sont des messagers de lumire. Les messagers instruisent les croyants pour librer leurs mes. Aprs la chute de lAdam cleste dans la matire, Mabd dHaiy, la Gnose de Vie, la connaissance libratrice, vient le visiter et lclairer pour laider parvenir la libration et au retour vers sa source. Opprims successivement par le Christianisme et lIslam, et parce qu'ils pratiquent le baptme par immersion dans les eaux d'un fleuve, les fidles mandens vivent proches de l'eau. Rfugis dans des rgions marcageuses du Sud de lIrak, ils y sont encore perscuts aujourdhui. Au dbut du 3me sicle, une communaut mandenne, ou proche des Mandens, avait en charge un jeune enfant qui y prparait sa propre illumination. Il sappelait Mani.

    Baptme manden par immersion

    Le Manichisme est fondamentalement une religion gnostique qui affirme un dualisme radical. On y retrouve tous les principes gnostiques fondamentaux, la thorie des deux natures, la chute de lhomme originel, et la participation ardente et dsintresse des fidles au salut des parcelles de lumire spirituelle perdues. Mani, n Babylone en 216, fut lev dans une communaut mandenne. Il a dabord prch sa doctrine en Perse. En 241, lesprit Divin lui serait apparu pour lui rvler La doctrine des trois temps , le dbut, le milieu, et la fin du Monde. A lorigine, la cration est double, la fois "Lumire bonne" et "Tnbres mauvaises", et les deux principes prcdent lexistence du Monde et saffrontent. Au cours du combat, le Procanthrope, (Homme divin primordial), tombe dans les Tnbres. Sauv par lEsprit, il abandonne des tincelles de Lumire dans les corps dAdam et dve, (parents de tous les hommes naturels et mortels), qui ont t crs sur cette terre. Les Manichens doivent

  • participer au retour de cette Lumire au Royaume. Entre les deux empires, il y a un conflit fort compliqu que je vais essayer de prsenter. Le Pre de Grandeur rgne sur les cinq demeures du Pays de Lumire, (Intelligence, Raison, Pense, Rflexion, Volont). Le Roi des Tnbres habite les cinq Mondes Tnbreux, (Fume, Feu, Vent, Eaux, Obscurit). Convoitant lclat du Pays de Lumire, le Roi des Tnbres veut le conqurir. Le Pre de Grandeur le combat, dabord en voquant la Mre des Vivants qui voque son tour le Procanthrope, et ses cinq fils, (les lmentaux), mais ils sont tous engloutis. Le Pre procde alors une seconde cration et voque lEsprit-Vivant et ses cinq fils. Ils sont vainqueurs des Tnbres et, avec la Mre des Vivants, crent lUnivers pour sparer les deux domaines. Ils utilisent pour cela les corps des ennemis capturs. De la matire des dmons tnbreux, ils forment le ciel et la terre, et des parcelles de lumire quils leur font rgurgiter, ils fabriquent les astres et les toiles. Le troisime fils, (le Messager), habitant le Soleil, rgle leur course. LEsprit-Vivant appelle lHomme Primordial qui lui rpond. Le tirant des Tnbres par la main, lEsprit le libre. Comme les Mithriastes, en tmoignage de ce sauvetage manuel par lEsprit, les Manichens se saluent en se serrant la main droite. Nous avons conserv leur signe. Mais le Procanthrope a perdu des parcelles de Lumire qui ont t rcupres par Ashaqloun, fils du Roi des Tnbres. Sunissant sa femme Namral, il engendre Adam et ve, et y enferme ces semences lumineuses pour les dissimuler. La mission des Fils de lEsprit est difficile car ils doivent rcuprer toutes les tincelles perdues. Le systme cosmique est lappareil destin ce travail. Le Soleil et la Lune sont des vaisseaux rservoirs aliments par dimmenses norias ou roues cosmiques qui remontent aux cieux la lumire et dversent dans labme les dbris des vaincus.

    Mani ou Manes

    Contrairement au Gnosticisme traditionnel, la vision cosmogonique manichenne est dlibrment pessimiste. Le monde est entirement mauvais car il est cr partir de la substance tnbreuse, provenant des cadavres des puissances du Mal (Jonas). Il en est de mme pour la race des hommes naturels, les descendants dAdam et ve. Leur seule chance de salut est d'entendre lappel du Messager de Lumire. Aucun homme nest bon, mais certains appels peuvent prendre conscience dtre tombs dans ltat insupportable du corps matriel. Se ressouvenant de leur origine, ils cherchent se librer en expulsant deux-mmes les tnbres et travaillent se connatre mieux, reconnaissant dans leur tre cette partie consubstantielle Dieu, leur me de lumire immortelle. Le Manichisme est une religion toute intrieure, avec une morale leve et un culte dpouill. Les fidles recherchent une grande puret par la pratique des cinq vertus, amour, foi, perfection, patience (ou endurance), et sagesse. Ils instituent la confession des pchs, labsolution mutuelle et la pnitence. Ils pratiquent la prire, le jene, laumne, et la continence, ne tuent aucun animal, sabstiennent de viande et de vin, renoncent mme la proprit individuelle et au mariage. Les lus appliquent strictement ces rgles, jusqu renoncer rompre eux-mmes leur pain. Elles sont plus souples pour les Auditeurs qui les servent. Pour aider les appels dans leur qute de salut, Dieu leur envoie des prophtes comme Zoroastre, Bouddha, Jsus, et maintenant Mani qui est leur successeur. Celui-ci considre que sa tche prophtique est daccorder leurs dogmes. Pour propager la religion, les Manichens envoient des missionnaires, hommes et femmes, dans des rgions parfois fort loignes des pays dorigine. Cette volont missionnaire est spcifique du Manichisme, car les autres Gnostiques se contentaient gnralement de constituer des lites relativement limites dinitis. Le destin des missionnaires manichens fut souvent tragique.

  • Vers 275, Mani lui-mme, contest par les mages persans, est emprisonn sur les ordres du roi Bahrm 1er, et charg dnormes chanes. Il meurt dpuisement en quelques jours. Son cadavre est corch, et sa peau empaille est suspendue aux remparts de Gundshpuhr pour dcourager les fidles. Ses successeurs seront perscuts par toutes les religions influentes, tant cette poque quau Moyen ge, en ces lieux autant quailleurs. Malgr cela, le Manichisme se rpand trs largement, en Chine, en Occident, et en Afrique du Nord. Il persiste plus de 1000 ans, jusquau 14me sicle, trouvant des prolongements divers chez les Gnostiques et les Chrtiens conservateurs. (Mazkadites iraniens, Zandaqa musulmans, Pauliciens byzantins, Bogomiles bulgares, Patarins rhnans, et Cathares italiens et occitans franais).

    St Augustin, Manichen repenti

    Si nous voulons nous en tenir la vrit, nous reconnatrons que la perscution injuste est celle des impies contre l'glise du Christ, et que la perscution juste est celle de l'glise du Christ contre les impies. Elle est donc bienheureuse de souffrir perscution pour la justice, et ceux-ci sont misrables de souffrir perscution pour l'iniquit. L'glise perscute par l'amour, les autres par la haine; elle veut ramener,

    les autres veulent dtruire; elle veut tirer de l'erreur, et les autres y prcipitent. (Citation de St Augustin)

  • Les dualismes aprs Mani

    Vers le milieu du 7me sicle, les Pauliciens constituaient une secte dualiste rattache au manichisme, formant le dbut d'une chane conduisant aux Bogomiles, puis aux Cathares. Elle aurait t fonde par Constantin de Manalis sur la base doctrinale des crits de St Paul, mais cela reste douteux. La secte avait beaucoup de succs. Son fondateur, condamn mort en 687, fut lapid sur l'ordre de Constantin IV (empereur de Byzance). La perscution dura jusqu' la fin du sicle et beaucoup se rfugirent en Armnie musulmane. La doctrine paulicienne tait fonde sur l'existence de deux principes, un Dieu mauvais et obscur, archonte de la matire, crateur et souverain du bas monde actuel, et un Dieu bon et lumineux, matre de l'esprit et du monde venir. L'un rgne sur les hommes, ses cratures, l'autre sur les anges et les autres vivants. Les pauliciens estimaient que Marie n'tait ni vierge (au sens charnel du terme), ni la mre charnelle du Christ, dont le corps (par dfinition diabolique et incapable d'emprisonner l'esprit divin du Christ) tait donc irrel et illusoire. L'esprit divin du Christ se serait donc "par de l'image d'un corps humain" afin que les hommes le reoivent. Dieu l'aurait adopt, trente ans, lors de son baptme. Sa conception n'aurait donc pas t immacule ni sa naissance, virginale. Les murs des Pauliciens taient austres. Ils rejetaient l'Ancien Testament, le symbole de la croix, le mariage et tous les sacrements. Leur rejet de l'eucharistie tait li celui du dogme de la transsubstantiation, le corps phantasmatique et irrel du Christ ne pouvant accepter sa prsence relle dans un morceau physique de pain.

    Influences des spiritualits dualistes en Europe

    Les Pauliciens n'avaient pas de prtres, et prnaient la mditation, la prire, et une lecture intrieure et personnelle des critures. Dans celles-ci, ils ne reconnaissaient que les quatre vangiles, les pitres de Paul et quelques uns de Jacques, de Jean, de Jude, les Actes des Aptres et les crits de leur rformateur "Sergios" dit le Tychique). Le Pater Noster tait pour eux la seule prire lgitime. Ils se nommaient eux-mmes "chrtiens" et appelaient les orthodoxes des "romains". Ils ne croyaient pas en la virginit de Marie, certifiant qu'elle avait eu d'autres enfants, ns de Joseph. Il y avait deux familles de Pauliciens. En Armnie, on considrait que le Christ tait adopt par Dieu. En Grce, Dieu tait un double principe crateur du monde, mauvais pour l'esprit humain travers le monde matriel, mais bon travers le ciel. Les Pauliciens furent de nouveau perscuts par les Byzantins ds 813 malgr le soutien des empereurs de l'poque pour l'iconoclasme byzantin. Aprs la fin dfinitive de cet iconoclasme, en 843, la perscution s'effora d'radiquer la secte. Cent mille Pauliciens auraient t massacrs, les survivants fuyant en Anatolie centrale et orientale et trouvant nouveau refuge chez les Musulmans. Grce au soutien de l'mir Omar al-Aqta, ennemi des Byzantins, le chef paulicien Karbas fonda une principaut spare de Byzance. La bataille de Bathys Ryax, en 872 opposa l'Empire byzantin aux Pauliciens qui furent vaincus. Leur chef Chrysocheir fut captur et dcapit, vnement qui entrana la destruction dfinitive de la

  • principaut paulicienne. Les Pauliciens n'avaient pas de prtres, et prnaient la mditation, la prire, et une lecture intrieure et personnelle des critures. Dans celles-ci, ils ne reconnaissaient que les quatre vangiles, les pitres de Paul et quelques uns de Jacques, de Jean, de Jude, les Actes des Aptres et les crits de leur rformateur "Sergios" dit le Tychique). Le Pater Noster tait pour eux la seule prire lgitime. Ils se nommaient eux-mmes "chrtiens" et appelaient les orthodoxes des "romains". Ils ne croyaient pas en la virginit de Marie, certifiant qu'elle avait eu d'autres enfants, ns de Joseph. Il y avait deux familles de Pauliciens. En Armnie, on considrait que le Christ tait adopt par Dieu. En Grce, Dieu tait un double principe crateur du monde, mauvais pour l'esprit humain travers le monde matriel, mais bon travers le ciel. Les Pauliciens furent de nouveau perscuts par les Byzantins ds 813 malgr le soutien des empereurs de l'poque pour l'iconoclasme byzantin. Aprs la fin dfinitive de cet iconoclasme, en 843, la perscution s'effora d'radiquer la secte. Cent mille Pauliciens auraient t massacrs, les survivants fuyant en Anatolie centrale et orientale et trouvant nouveau refuge chez les Musulmans. Grce au soutien de l'mir Omar al-Aqta, ennemi des Byzantins, le chef paulicien Karbas fonda une principaut spare de Byzance. La bataille de Bathys Ryax, en 872 opposa l'Empire byzantin aux Pauliciens qui furent vaincus. Leur chef Chrysocheir fut captur et dcapit, vnement qui entrana la destruction dfinitive de la principaut paulicienne.

    Les Bogomiles sont reprs ds le 10me sicle, en Asie Mineure puis en Bulgarie. Leur dualisme n'est pas radical mais en quelque sorte mitig car, dans leur doctrine, Sathanas, (ou Samal), n'est pas le crateur du monde matriel mauvais mais seulement son organisateur. Trs puissant, l'origine, il tait l'intendant du Cosmos entier, et ce titre, il pouvait circuler depuis le trne du Pre, tout en haut du Royaume, qui comporte sept cieux suprieurs administrs par des anges, et sept infrieurs, jusqu'aux enfers, tout en bas. L'orgueilleux Sathanas voulait rgner sur son propre univers. Visitant tous ces tages, il dcouvrit que les deux plus bas, quoique prexistants, n'taient pas contrls et il s'en dclara le chef, essayant de persuader les anges de le suivre. Le Pre enleva alors aux rebelles la lumire et les signes de leur dignit. Install dans ses cieux, Sathanas demanda au Pre un rpit qui, par piti, lui fut accord. Avec son aide, Sathanas y construisit son propre monde, dont il tait seulement l'architecte, puisque c'tait Dieu qui en excutait la mise en forme. La doctrine donne le dtail de cette construction, depuis les oiseaux et les astres du ciel jusqu' l'homme que Sathanas aurait faonn du limon de la Terre, sa ressemblance, (les diffrentes sources diffrent un peu sur ce point). Il aurait ordonn des anges du 2me ciel d'animer les corps d'Adam et Eve, les y enfermant et les contraignant s'accoupler, leur grand dsespoir. Les Bogomiles sont reprs ds le 10me sicle, en Asie Mineure puis en Bulgarie. Leur dualisme n'est pas radical mais en quelque sorte mitig car, dans leur doctrine, Sathanas, (ou Samal), n'est pas le crateur du monde matriel mauvais mais seulement son organisateur. Trs puissant, l'origine, il tait l'intendant du Cosmos entier, et ce titre, il pouvait circuler depuis le trne du Pre, tout en haut du Royaume, qui comporte sept cieux suprieurs administrs par des anges, et sept infrieurs, jusqu'aux enfers, tout en bas. L'orgueilleux Sathanas voulait rgner sur son propre univers. Visitant tous ces tages, il dcouvrit que les deux plus bas, quoique prexistants, n'taient pas contrls et il s'en dclara le chef, essayant de persuader les anges de le suivre. Le Pre enleva alors aux rebelles la lumire et les signes de leur dignit. Install

  • dans ses cieux, Sathanas demanda au Pre un rpit qui, par piti, lui fut accord. Avec son aide, Sathanas y construisit son propre monde, dont il tait seulement l'architecte, puisque c'tait Dieu qui en excutait la mise en forme. La doctrine donne le dtail de cette construction, depuis les oiseaux et les astres du ciel jusqu' l'homme que Sathanas aurait faonn du limon de la Terre, sa ressemblance, (les diffrentes sources diffrent un peu sur ce point). Il aurait ordonn des anges du 2me ciel d'animer les corps d'Adam et Eve, les y enfermant et les contraignant s'accoupler, leur grand dsespoir.

    e

    Tombe Bogomile

    Il y avait aussi chez les Bogomiles des courants faisant rfrence aux deux fils de Dieu, Jsus et Sathanas, sans que l'an soit bien dfini. Une autre rfrence trinitaire fait mme intervenir distinctement l'Esprit Saint pendant les trente trois ans de la manifestation christique. Pour prparer le salut des hommes, le Pre envoie son fils, Verbe de Dieu qui, entrant par l'oreille de Marie, l'imprgna, engendrant un Jsus irrel et phantasmatique, entrant dans la monde par le mme chemin. Le seul baptme qui peut sauver les mes humaines celui de Jsus, (baptme d'Esprit). Les Bogomiles taient encratiques (abstinents sexuels), rejetant le mariage et les sacrements (dont l'eucharistie pour dnier la transsubstantiation), le culte de la Vierge, des saints et de la Croix, les icones et reliques, la liturgie et les prtres. Comme prire, ils n'acceptaient que le Notre Pre, et croyaient que le monde en son tat durera jusqu' ce que toutes les mes justes (qui sont des anges dchus) soient sauves. Ensuite surviendra l'Apocalypse (celle de Jean), et le Christ descendra en Juge suprme. Fuyant la richesse et les honneurs, ils disaient que les Eglises taient des repaires du dmon et incitaient les fidles la dsobissance. Il y eut mme en 1223, semble-t-il, un antipape slave, bulgare ou croate, qui se disait Cathare., et qui aurait t l'Aeul, le fondateur de l'Eglise des Patarins Bosniaques.

    n

    cu d'or portant l'image d'un Patarin

  • Le courant des Patarins existait dj Byzance, o leur chef, le pieux Basile, fut captur et brl au 11me sicle. Les Patarins croyaient an deux dieux dont le plus grand avait cr tous les tres spirituels invisibles, et le moins grand, Lucifer, toutes les choses matrielles et visibles. Ils niaient l'humanit du Christ dont le corps, fantastique et arien, non charnel, n'tait pas vraiment mort ni ressuscit. Ils condamnaient toutes les critures et pensaient que les mes de hommes taient des dmons dchus qui retourneraient au Royaume aprs s'tre purifis par le baptme et avoir fait pnitence dans une, ou plusieurs, vies terrestres. La doctrine dualiste radicale des Patarins diffre donc nettement du dualisme mitig des Bogomiles. Ici, certains anges taient par nature mauvais, ne pouvant viter le pch. Sathanas (Satanal) est bien un dieu, appel Lucifer. Prince des Tnbres, il est mont dans le Royaume pour combattre le grand Dieu et sduire les mauvais anges. Il rgnait donc dj sur le monde visible qu'il avait cr, alors qu'il n'tait que l'ordonnateur tardif chez les Bogomiles. Comme Origne, mais sans que cela soit certain, les Patarins semblent galement avoir cru en une forme de mtensomatose (rincarnation des dfunts dans des corps successifs), en vue de purification des mes. Les Bogomiles et les Patarins pourraient tre lorigine (mais cela reste douteux) des deux courants du Catharisme qui fonda trois glises en Italie la mme poque. Le courant des Patarins existait dj Byzance, o leur chef, le pieux Basile, fut captur et brl au 11me sicle. Les Patarins croyaient an deux dieux dont le plus grand avait cr tous les tres spirituels invisibles, et le moins grand, Lucifer, toutes les choses matrielles et visibles. Ils niaient l'humanit du Christ dont le corps, fantastique et arien, non charnel, n'tait pas vraiment mort ni ressuscit. Ils condamnaient toutes les critures et pensaient que les mes de hommes taient des dmons dchus qui retourneraient au Royaume aprs s'tre purifis par le baptme et avoir fait pnitence dans une, ou plusieurs, vies terrestres. La doctrine dualiste radicale des Patarins diffre donc nettement du dualisme mitig des Bogomiles. Ici, certains anges taient par nature mauvais, ne pouvant viter le pch. Sathanas (Satanal) est bien un dieu, appel Lucifer. Prince des Tnbres, il est mont dans le Royaume pour combattre le grand Dieu et sduire les mauvais anges. Il rgnait donc dj sur le monde visible qu'il avait cr, alors qu'il n'tait que l'ordonnateur tardif chez les Bogomiles. Comme Origne, mais sans que cela soit certain, les Patarins semblent galement avoir cru en une forme de mtensomatose (rincarnation des dfunts dans des corps successifs), en vue de purification des mes. Les Bogomiles et les Patarins pourraient tre lorigine (mais cela reste douteux) des deux courants du Catharisme qui fonda trois glises en Italie la mme poque.

    Cathares - Gravure d'poque

    Les Cathares apparaissent en Italie du Nord et dans le Midi de la France mais aussi en Flandre, en Angleterre, et en Allemagne, en raction contre le laxisme du clerg catholique, bien avant la Rforme protestante du 16me sicle. Ils ont fait l'objet d'autres dveloppements consquents dans mes ouvrages auxquels je renvoie le lecteur. Je rappellerai simplement que l'on comptait alors environ quatre mille parfaits pour lensemble de lEurope dont deux mille pour la seule Italie, (et seulement deux cents dans le Midi de la France). Les Cathares bogomiles de lEst de lEurope avaient adapt les enseignements dualistes manichens leur culture chrtienne. Ils rvraient deux dieux, lun bon et lumineux, lautre mauvais et tnbreux. Ils croyaient que le Diable a fait le corps de lHomme en y emprisonnant de force un ange de lumire (voir ici un exemple du concept d'emprisonnement). La procration est un

  • acte condamnable car elle perptue la dmoniaque race humaine. Le Christ est un ange de Dieu. Le corps de Jsus tait un fantasme immatriel. Jsus na pas souffert, nest pas mort ni ressuscit. Le jugement des hommes a dj eu lieu. Ce monde-ci est leur lieu de punition et il ny en a pas dautre enfer. La doctrine des Cathares patarins du Sud, les Albanenses, les Albigenses ou Albigeois, drivait de celle dOrigne. Ils taient attachs au Christianisme originel. Ils s'opposaient aux drives du culte catholique. Ils croyaient en un seul Dieu crateur de la matire, des lments et les anges. Le fils des Tnbres tait pour eux le simple intendant du Monde et y a cr toutes choses. Le libre arbitre a caus la dchance de Lucifer sducteur dautres anges. Il est le Dieu de la Bible et lartisan qui organise le monde visible. Les Cathares apparaissent en Italie du Nord et dans le Midi de la France mais aussi en Flandre, en Angleterre, et en Allemagne, en raction contre le laxisme du clerg catholique, bien avant la Rforme protestante du 16me sicle. Ils ont fait l'objet d'autres dveloppements consquents dans mes ouvrages auxquels je renvoie le lecteur. Je rappellerai simplement que l'on comptait alors environ quatre mille parfaits pour lensemble de lEurope dont deux mille pour la seule Italie, (et seulement deux cents dans le Midi de la France). Les Cathares bogomiles de lEst de lEurope avaient adapt les enseignements dualistes manichens leur culture chrtienne. Ils rvraient deux dieux, lun bon et lumineux, lautre mauvais et tnbreux. Ils croyaient que le Diable a fait le corps de lHomme en y emprisonnant de force un ange de lumire. La procration est un acte condamnable car elle perptue la dmoniaque race humaine. Le Christ est un ange de Dieu. Le corps de Jsus tait un fantasme immatriel. Jsus na pas souffert, nest pas mort ni ressuscit. Le jugement des hommes a dj eu lieu. Ce monde-ci est leur lieu de punition et il ny en a pas dautre enfer. La doctrine des Cathares patarins du Sud, les Albanenses, les Albigenses ou Albigeois, drivait de celle dOrigne. Ils taient attachs au Christianisme originel. Ils s'opposaient aux drives du culte catholique. Ils croyaient en un seul Dieu crateur de la matire, des lments et les anges. Le fils des Tnbres tait pour eux le simple intendant du Monde et y a cr toutes choses. Le libre arbitre a caus la dchance de Lucifer sducteur dautres anges. Il est le Dieu de la Bible et lartisan qui organise le monde visible.

  • Regard sur la Gnose

    Nous savons comment la Gnose interprte aujourdhui le Christianisme. Dans notre socit occidentale actuelle, elle adapte son message en se rfrant aux traditions chrtiennes. Cest souvent maintenant une Gnose Christique qui voudrait montrer toute la richesse des mythes du Christianisme originel, (comme celui de la fuite en gypte qui le relie aux traditions gyptiennes), en dvoilant leur vritable signification cache. Se dgageant de toute discussion concernant lhistoricit des fondements chrtiens, elle prsente les personnages et les vnements vangliques comme des reprsentations mythiques du chemin qui conduit lHomme son salut. (Voir ici un exemple concret). Cette vision de dcryptage des mythes permet de relier le Christianisme originel aux Cultes Mystres dont il est contemporain et dont il prsente les caractristiques. On y retrouve les concepts dimmortalit de lme, de salut et de rsurrection, et le culte voque la passion dun dieu. Les pratiques comportent des prires, des privations, des motions violentes et des rites pnitentiels, et les liturgies conduisent au salut dans un autre monde. Nous n'avons prsent ici que quelques exemples des nombreuses variations engendres par les grands thmes gnostiques. Il faudrait videmment y ajouter toutes celles qui sont apparues au del de l'Occident, et tout particulirement en Orient. Accroitre l'tendue de cet expos dj bien lourd ne servirait pas mon propos. De faon gnrale, et au del du cas particulier des diverses expressions du Gnosticisme, il est vident que la multitude des religions et des doctrines dmontre que chacune ne contient qu'une parcelle de vrit. Pourtant, dans tous les temps et tous les lieux de leurs tablissements, les hommes se sont durement affronts pour assurer la suprmatie de leur propre croyance. C'est que, selon Val et Proni, "Une religion ne peut tre qu'intgriste sinon ce n'est plus une religion". L'intgrisme, c'est le refus de toute volution partir du pass. Les intgristes religieux dsirent farouchement maintenir la tradition sans souci de leurs adversaires. C'est cette redoutable intolrance que les Gnostiques ont toujours rencontre, qu'ils rencontrent encore aujourd'hui, et laquelle ils devraient constamment se garder eux-mmes de se laisser aller. Nous savons comment la Gnose interprte aujourdhui le Christianisme. Dans notre socit occidentale actuelle, elle adapte son message en se rfrant aux traditions chrtiennes. Cest souvent maintenant une Gnose Christique qui voudrait montrer toute la richesse des mythes du Christianisme originel, (comme celui de la fuite en gypte qui le relie aux traditions gyptiennes), en dvoilant leur vritable signification cache. Se dgageant de toute discussion concernant lhistoricit des fondements chrtiens, elle prsente les personnages et les vnements vangliques comme des reprsentations mythiques du chemin qui conduit lHomme son salut. (Voir ici un exemple concret). Cette vision de dcryptage des mythes permet de relier le Christianisme originel aux Cultes Mystres dont il est contemporain et dont il prsente les caractristiques. On y retrouve les concepts dimmortalit de lme, de salut et de rsurrection, et le culte voque la passion dun dieu. Les pratiques comportent des prires, des privations, des motions violentes et des rites pnitentiels, et les liturgies conduisent au salut dans un autre monde. Nous n'avons prsent ici que quelques exemples des nombreuses variations engendres par les grands thmes gnostiques. Il faudrait videmment y ajouter toutes celles qui sont apparues au del de l'Occident, et tout particulirement en Orient. Accroitre l'tendue de cet expos dj bien lourd ne servirait pas mon propos. De faon gnrale, et au del du cas particulier des diverses expressions du Gnosticisme, il est vident que la multitude des religions et des doctrines dmontre que chacune ne contient qu'une parcelle de vrit. Pourtant, dans tous les temps et tous les lieux de leurs tablissements, les hommes se sont durement affronts pour assurer la suprmatie de leur propre croyance. C'est que, selon Val et Proni, "Une religion ne peut tre qu'intgriste sinon ce n'est plus une religion". L'intgrisme, c'est le refus de toute volution partir du pass. Les intgristes religieux dsirent farouchement maintenir la tradition sans souci de leurs adversaires. C'est cette redoutable intolrance que les Gnostiques ont toujours rencontre, qu'ils rencontrent encore aujourd'hui, et laquelle ils devraient constamment se garder eux-mmes de se laisser aller.

  • L'intolrance est de tous les temps. Il n'est pas de religion qui n'ait eu ses fanatiques

    Anatole France (Le jardin d'Epicure)

    Et l'Ange dit : " Je vais te rvler un secret". "Il y a une chose que le Trompeur ne sait pas,

    Une chose qu'il ignore : le nouveau, Il ne peut se vtir qu'avec l'ancien,

    ce signe vous pouvez le reconnatre". Gita Mallaz (Dialogues avec l'Ange)

    La cration, livre au pouvoir du nant depuis la chute, ne joue plus son rle l'gard de l'Homme,

    c'est dire ne lui rvle plus Dieu. (Franois-douard Denys -La voie du paysage)

    Nous savons qu'au sein mme des groupes gnostiques, le mot Gnose peut prendre plusieurs sens, et qu'il dsigne tantt le contenu de la connaissance inspire, (c'est dire une conceptualisation explicative des mystres divins), tantt la source mme de cette nouvelle connaissance, la grce active et sanctifiante de l'Esprit. Souvenons- nous qu' l'origine, la Gnose tait essentiellement une attitude philosophique, une faon ouverte et duale de concevoir le monde et l'homme, simple attitude libre de tout dogme, mais absolument pas une religion. Car, comme je l'ai dit en introduction, la Gnose, "la connaissance", opre singulirement partir de dcouvertes ou de rvlations intuitives, donc fondamentalement personnelles, hors du champs habituel de la conscience raisonnable. Ce qui veut dire sans vritable possibilit de partage faute de mots prcis pour exprimer ce peru. Cependant, pour communiquer ce qu'il a compris des mystres divins, le Gnostique va laborer une doctrine, et fonder des bases religieuses qu'il voudrait partageables, donc rationnelles. Il effectuera alors une construction intellectuelle privilgiant la relation de cette inspiration spirituelle, par rapport aux autres sources de connaissance. Dlaissant sa dualit essentielle, il voudra favoriser cette forme irrationnelle et incommunicable de connaissance, ou reprendre ou revendiquer l'antique hritage d'expressions passes de cette inspiration. Il me semble qu'en fondant ces multiples doctrines, les admirables penseurs inspirs par la Gnose ont pu tomber dans le pige religieux classique, lequel implique toujours une forme plus ou moins rigoureuse d'intgrisme. Devenant religion, le Gnosticisme a pu s'enfoncer dans le domaine matriel qu'il prtendait fuir. "Faire ou Dire implique toujours lerreur, puisque penser cest se tromper". J'ai montr dans d'autres crits comment le cerveau filtre et modle l'information collecte par les organes des sens avant de la transmettre au mental, (donc la conscience). Ce que nous percevons ou concevons est toujours irrel et artificiel, car ce n'est qu'une image chimio-lectrique synthtique combinant ce que peroivent les sens avec tout ce qui nous vient du pass ou de l'inconscient. Cette image sera toujours une production corporelle. Souvenons-nous que nous finirons notre chemin terrestre en voyageur sans bagage.

    Jan Van Rickenborgh, fondateur de la Rose-Croix d'Or, (dite Rose-Croix de Harlem), mort en 1968, affirmait sa foi gnostique mais ne rejetait cependant pas les ralits de lexistence terrestre. La Fama du vivant Christianisme gnostique, disait-il, ne peut se tenir lcart ni de la science, ni de la religion, ni de la politique, car cest toujours lintention du Logos que les trois

    manifestations de lhumanit vritable, art, science, et religion, sunissent et finissent dans lacte,

    dans la communaut de la vraie vie, afin quil en rsulte un champ formateur de forces

    libratrices et ralisatrices .

    (Appel de la Fraternit de la Rose-Croix - Jan van Rickenborgh - Voyage en Espagne).

  • Il est vident que la philosophie gnostique a t fortement altre par sa transformation en ces diverses religions par les nombreux groupes de pense qui se proposaient de la diffuser, mais le faisaient, souvent douloureusement et parfois fort dangereusement, sous de svres contraintes, tant politiques que culturelles. Si un chercheur actuel dsire vritablement retrouver la vision gnostique originelle, il devra d'abord tenter de librer le champs de sa pense en mditant avec profondeur et sincrit sur quelques thmes mtaphysiques fondamentaux. partir du constat que l'on peut faire de l'existence de la matire, j'voquerai d'abord ici l'ide d'un tre premier plac l'origine de l'univers, et donc le thme de Dieu. De ce simple mot, il conviendra de faire, ou pas, le fondement d'une conviction. Le chercheur peut-il placer un principe fondamental, et un seul, (quel que soit le nom qu'il lui donne), la base causale de l'apparition de l'univers ? Plusieurs ides se prsentent alors : Cet unique principe a cr l'univers en dehors de lui-mme et demeure l'extrieur, c'est le dogme du "thisme" judo-chrtien. Ou bien le principe est lui mme tout cet univers et toutes choses sont identifiables lui, "panthisme", ou , d'une certaine faon, "panenthisme". Mais la science moderne rvle peu peu l'incroyable immensit de l'univers et l'extrme complexit de ses mcanismes. Faudrait-il rejeter ces dcouvertes en fonction des convictions (ou rvlations) des chercheurs du pass ? Allons plus avant. Constatant qu' l'vidence la matrialit s'tablit sur l'opposition constante des contraires, nous pouvons concevoir que deux entits distinctes en assument le fonctionnement. Ce concept de dualit constitue la base mme du Gnosticisme, quelle que soit la relation doctrinale entre les parties. Constatons bien que c'est l un virage idologique majeur qui met en cause le concept de l'unicit originelle du Monde. Et concevons aussi que Deux est l'amorce de la multiplicit, ouvrant sur l'ventualit du polythisme, hirarchis ou non, option trs souvent adopte en Orient.

    Dans les doctrines traditionnelles de l'Inde, la hirarchie des facults de la pense, la seule raison ou pense individuelle n'qu'une position infrieure l'intuition intellectuelle ou intellect transcendant (Bhuddi des Hindous) qui seule permet l'accession la connaissance des principes universels La raison et la logique ne sont que des reflets, sur le plan des choses sensibles, de principes qui leurs sont suprieurs, et qu'elles ne peuvent expliquer, tant trop limits par leur nature mme. Le gonflement de la pense logique et l'loignement progressif de la pense intuitive en occident furent l'origine d'une coupure entre le sujet, "l'homme" et l'objet qu'tait devenu pour lui l'univers. ce qui paraissait absolu devint essentiellement relatif. (Franois-douard Denys -La voie du paysage)

    La ralit, le cosmos, la matire, l'univers ou de quelque nom qu'on l'appelle, ne se rduit pas au monde corporel ou matriel, mme quand on l'envisage dans toute son ampleur... La cration comporte en vrit deux autres mondes ou degrs de ralit que la "philosophia prenis" dsigne sous les termes de monde subtil, ou psychique, ou animique, ou vital, ou encore "intermdiaire" pour le premier ou de monde intelligible, ou spirituel, ou anglique, ou mme "smantique", pour le second. (NDLR - donc trois en tout, dont ce monde intermdiaire dans lequel, mon avis, se tiendrait le chercheur gnostique) (La charit profonde - D Boure- Ed. du cdre).

    Notez qu'un expos sur les trois mondes qui constituent l'ensemble de la manifestation a galement t fait par Ren Gunon dans " La grande triade", au chapitre "L'homme et les trois mondes"

  • On voit rapidement qu' titre personnel, cette forme de qute intellectuelle, ne me parait pas tre la meilleure voie la rencontre de la Gnose. La philosophie gnostique ne peut tre dogmatique ou doctrinaire. Comme je l'ai dit en introduction, elle se fonde sur une rvlation personnelle, et ne se rfre rien de terrestre. Sur ce plan, la pense gnostique intellectualise ouvre sur un dsert. On ne va pas vers la Gnose, c'est elle qui vient vous, on ne la force pas, on ne la conquiert pas, mais on l'accueille, on la reconnait, car la Gnose est dans l'homme comme hors de l'homme. Elle n'est ni en haut ni en bas, elle est tout la fois le haut et le bas. Et elle n'est ni d'hier ni de demain mais de l'instant prsent qui relie continument le pass l'avenir. La Gnose est en mme temps la force sauvage et la douceur extrme, elle est comme le monde et comme l'homme, ni tout le bien, ni tout le mal, mais la fois l'un et l'autre selon le choix qui en est maintenant fait. C'est pourquoi nous ne pouvons jamais nous poser en juge ou en prophte, mais demeurerons toujours de simples tmoins, porteurs de l'inquitude et de la souffrance humaine. Par consquent, sur les fondements de leur corporit et de toutes les sciences, convictions, religions, expressions et philosophies humaines, et de toutes les rvlations passes et venir, les chercheurs vraiment gnostiques laisseront leur pense s'lever librement vers l'infini de tous les mystres. Ils ouvriront simplement leurs mes particulires limage de la Totalit telle qu'ils lont construite, chacun dans sa pense personnelle. Dans leur propre temple corporel, revtus ici de la dignit de la conscience, ils se tiendront debout, non pas dresss lassaut des ternels mystres du Ciel mais tourns par lEsprit vers les ralits temporelles de la Terre, ils ouvriront leur curs la pluie de savoir, de sagesse et damour personnellement et mystrieusement donne et reue par grce. Ils la recevront alors sacramentellement dans leur tre total, corps de chair, me de feu, esprit de lumire, et mains ouvertes, ils rpandront ces dons sur tous leurs frres les hommes, partout dans le Monde.

  • Commentaires et iconographie

    Le Roi du Monde Ce premier pome de l'auteur propose l'interprtation gnostique des mystres chrtiens.

    Jsus, Dionysos, Divins sauveurs des hommes. Osiris ou Krisna,

    Tous ces dieux venus du Cosmos, Pour dire tous les hommes, luniverselle saga,

    Et rvler lappel en nous, lhistoire dAdam, Que dautres, en dautres temps, racontent autrement.

    Jean est, chez nous, celui Qui reconnat ce cri dans le dsert de lme,

    Entend les pleurs de lautre en lui, Et permet que sallume, dans son cur, une flamme.

    Puis le Baptiste va. A lautre il laisse place, Aprs avoir fray le chemin de la grce.

    Lme vierge secrte, Nous lappelons Marie. Son cur humain berceau

    Accueille ici le nouvel tre, Enfantant, dans la chair, pour lAutre, un corps nouveau

    Quelle chrit, nourrit, et fait grandir en elle, Et donne, librement, pour une vie nouvelle.

    Le tout-petit enfant, Nol, est limage de la vraie renaissance,

    Le moment du rveil dAdam, Si longtemps attendu, lespoir de dlivrance De lanimalit, et du sang, et des chanes,

    Dans notre sombre, et sale, et triste table humaine.

    Jsus le plerin, Cest ltonnant miracle de cette incarnation,

    Dans chaque homme, sur le chemin, troit et difficile, vers la transmutation, Par lternel Esprit et dans le libre choix

    De la mort de son Moi, par amour, mis en croix.

    Et la rsurrection laube dor de Pques, cest soudain le retour,

    DAdam, la transfiguration, Du corps en Christ. Et ltincelle en ce seul jour Devient brillant soleil. LHomme ternel renat

    Dans la restauration du Royaume parfait

    Osiris ou Krisna, Ces tres merveilleux ne sont que des symboles,

    Jsus, Baal, Attis, Bouddha, Dont nous sommes tents de faire des idoles.

    Ces mythes composs pour nous ouvrir les yeux, Dautres, en dautres lieux, les transforment en Dieux.

    Le Roi du Monde (pome de l'auteur) (Le Ciel, la Vie, le Feu - extrait)

  • Pour les Gnostiques, Dieu est au-del de tout concept raisonnable et de toute dnomination thorique. Il est labsolu en tout et la source des bons esprits qui forment ensemble le Plrome ou le domaine de la Lumire. Je madresserai donc votre sensibilit irrationnelle par la posie pour tenter de vous faire approcher, par lintrieur, un premier aspect de cette rvlation, l'ide de l'veil, de la prise de conscience de l'homme esprit divin, Adam Kadmon, tomb, (par amour selon Herms), dans la matire et emprisonn depuis dans nos corps biologiques.

    L'Autre en soi Ce second pome voudrait montrer comment les Gnostiques voient la double nature de

    l'homme et l'emprisonnement de l'esprit dans le corps de chair.

    Dans la splendeur du Monde, il a vu son image, En bas, et la trouve si belle,

    Quil sest, un temps, ravi en elle. Hlas, ananti, dans son grand lit dtoiles,

    Il dort, et nous souffrons nos peines, Et nous mourons chargs de chanes.

    De sa gloire oublie, demeure une tincelle, Un indestructible principe,

    Au donjon de lme immortelle. Dans la tour, il peroit le chant de la Lumire.

    Il comprend que lheure est venue De lever enfin la paupire.

    Il se souvient des Cieux. Il parle du Royaume, Il dit quil demeure en chaque homme.

    Il supplie dune faible voix. Il pleure, il rit, il dit quen nous, il est en croix.

    Il souffre et parle de partage, Accept par un libre choix.

    Il a besoin dun corps, il a besoin dune me. Il voudrait dtruire sa prison

    Et revenir sa mission. Il est lide, la vie, il est lamour, la joie.

    Il est la libert suprme, Locan de douceur extrme.

    Il est limmensit. Il est lternit. Il est le sablier du temps,

    Et la conscience du prsent. Il est, dans linfini, le matre du destin,

    Linnocence sans le chagrin, La puret du premier jour.

    Il est la force norme et lhorizon sans fin. Il est la clart du matin.

    Tout lavenir est dans sa main. Il est la vrit, il est la majest.

    Il aspire ce quil tait, Quil veut tre, et sera demain,

    Adam Premier, lon divin, le Roi du Monde.

    L'Autre en soi (pome de l'auteur) (Le Ciel, la Vie, le Feu extrait)

  • Le Ciel, la Vie, le Feu (extrait du chapitre 9)

    La Conscience et la Libert

    ../..Sur largile de la matire et de la corporit humaine, nous tablirons simplement un assemblage de toutes les sciences, convictions, religions, expressions et philosophies humaines. Elles constitueront un immense pavement dont chaque dalle rayonnera la lumire dune rvlation particulire. Chacun se tiendra sur celle qui lui convient, et tous ces pavs lumineux seront galement joints par les qualits dme des chercheurs authentiques et sincres, celles des fidles de toutes les glises, les souffrances de leurs martyrs et les extases de leurs saints. Au-dessus, se tendra le sombre ciel originel de tous les mystres, toil de toutes les rvlations venir, et alentour stendra linsondable ocan de tous les possibles. Notre construction sans murs sera ouverte sur linfini. Nous nous y tiendrons sans aucun rite ni sacrifice, car il y a dj eu tellement de sang vers, tant dhorreurs commises, tant dtres immols, torturs, mutils ou humilis, au nom de toutes les ides saintes, offerts hlas en vain toutes les idoles des hommes, dans tous les temps du monde. Alors, amis, runis en ce lieu intrieur ouvert dans notre mental, nous lverons nos mes particulires vers limage de la Totalit telle que nous lavons construite, chacun dans sa pense personnelle. Dans notre temple universel ou face notre commun monument, nous nous poserons non pas en juges mais en simples tmoins de linquitude et de la souffrance humaine. Revtus de la dignit de la conscience, nous tenant debout, non pas dresss lassaut des mystres du Ciel mais tourns par lEsprit vers les ralits temporelles de la Terre, nous ouvrirons nos curs la pluie de savoir, de sagesse et damour qui nous est personnellement et mystrieusement consentie par grce. Chacun dans notre propre personne, nous la recevrons dans notre tre total, corps de chair, me de feu, esprit de lumire, et, tous ensemble, mains ouvertes comme les derviches tourneurs dOrient, nous rpandrons ces dons la ronde sur tous nos frres les hommes, partout dans le Monde. clairs par lEsprit, nous voudrions nous tenir sur le pav du temple comme des piliers lumineux reliant la terre au ciel. Hlas, notre noir hritage karmique nous barre le chemin, et nous restons simplement des animaux tonnants, des petits singes christophores runissant, enclous lun lautre, Lucifer et Satan. Petits simiens clairvoyants mais encore chargs dancestrales caractristiques animales, nous portons intimement la conscience dun important travail faire pendant cette si courte vie terrestre.

    Nous avons rallumer dans notre me le soleil spirituel originel. En vrit, pour pouvoir nous poser en hommes libres, nous devons comprendre ce quest notre vieil tre intime et briser sa cristallisation. Nous devons transformer la fois notre humaine et simiesque nature et limage intrieure que nous avons fabrique de nous-mmes. Dans cette attitude, nous retrouvons limage traditionnelle des Rose-Croix, celle de lHomme cartel entre la Chair et lEsprit, cette Croix dpine symbolique sur laquelle il convient dattacher la Rose de la connaissance. ../..

    (Le Ciel, la Vie, le Feu - Ouvrage de l'auteur - extrait)

  • La gravure attribue Camille Flammarion

    Au 19e sicle, un artiste inconnu (Camille Flammarion?) a reprsent la qute de la connaissance par une gravure sur bois fort labore qui fut souvent attribue la Renaissance. Agenouill dans un paysage terrestre stylis, un chercheur passe seulement la tte travers ce qui spare le ciel et la terre, et de l, il contemple l'inconnu. Cette cration de Flammarion invite deux interprtations opposes et inconciliables de la connaissance.

    1 / La connaissance ne serait limite que par une barrire imaginaire que l'activit scientifique finira toujours par franchir. 2 / La connaissance est limite par une barrire vritable que l'on ne peut franchir que par l'imagination.

    Dans ce second cas, nous serions enferms dans la bulle finie de ce que nous savons dj, et nous ne pourrions comprendre que le seul monde de notre exprience passe. Tout ce qui se trouve l'extrieur de la barrire resterait jamais inaccessible tant notre comprhension qu' une quelconque explication.

  • L'Univers et le Zoran (synthse partielle d'une partie du chapitre 1)

    La fantasmagorie sensorielle

    Nos organes des sens sont construits pour dtecter la prsence dobjets prsents dans le monde extrieur. Ils mettent des signaux lectrochimiques destination du mental. Ces signaux sont seulement des signaux. mis usage de survie et non de connaissance, ils ne constituent pas une reprsentation fidle du rel. Le centre nerveux central humain, localis dans le cerveau, permet un examen conscient de limage synthtique construite pour reprsenter cet environnement. Le cerveau peut aussi construire dautres structures synthtiques images dont le rle est de reprsenter des objets immatriels ou abstraits. Jai tent de montrer combien ces images sont parfois incompltes, souvent illusoires et, par nature, synthtiques et artificielles. Accessibles au conscient, elles sont toujours fabriques, soit partir des signaux transmis par les organes des sens, soit par des donnes extraites des banques mmorielles. Elles sont dlivres par un double intrieur, un serviteur dvou, (et parfois un matre redoutablement trompeur) qui les prsente notre conscient. Il est donc inutile de se poser la question du ralisme de la reprsentation du rel. Trs videmment, il sagit l dimagerie mcanique, systmatique et organise. La reprsentation du rel est toujours purement mentale. Quel que soit le moyen utilis pour y accder, c'est toujours un objet synthtique, construit partir des signaux mis dans linstant par les diffrents organes sensoriels, externes et internes, combins dans le mme temps avec dautres signes abstraits puiss dans la mmoire. Cette combinaison est inconsciente et automatique. Pendant le sommeil, elle produit l'imagerie artificielle qu'est le rve. Mais, dans ltat de veille, nous donnons au rsultat de cette laboration complexe la valeur dune reprsentation crdible de la ralit. Or, cette perception est toujours une fantasmagorie, une association de fantasmes ralise par le cerveau. Ils reprsentent la ralit extrieure reflte par les signaux sensoriels, et refltent aussi lorganicit intrieure, chimique, mentale, et mmorielle, image par des signaux complmentaires ou supplants. Il est de notre nature humaine, (il est donc trs normal), de trouver cette reprsentation artificielle du monde, crdible, performante et satisfaisante. Cependant, notre exprience du rel est extraordinairement limite, car au sein du cosmos immense, nous navons accs exprimentalement qu cette reprsentation mentale lectro chimique, un espace intrieur ridiculement restreint dans notre propre corps. Nous ne pouvons consciemment explorer quune infime fraction de cet infime espace. Tout le reste est lextrieur, inaccessible l'exprience, donc la conscience, et ce que nous en percevons nest quun reflet interne lger et dform. Dune faon naturelle, nous trouvons nos sens tout fait efficaces et satisfaisants. Il nous arrive mme de les trouver vraiment merveilleux, et nous nous extasions devant les performances extraordinaires de la machine humaine. Lhomme prouve toujours un trs grand plaisir regarder son nombril quil trouve tellement admirable. La nature fait pourtant fonctionner nos nerfs, et nos muscles avec des moyens lectrochimiques qui sont trs lents, compars la vitesse de propagation de llectricit ou de la lumire. Nous inventons alors des mcanismes complmentaires et des ordinateurs qui relaient notre lenteur lorsque nous avons besoin dune raction rapide, mais nous ne percevons gnralement pas toutes ces graves limitations et ces imperfections. Nous jaugeons le monde avec nos propres instruments, et notre valuation est la mesure de notre propre nature. Nous donnons au monde matriel la couleur humaine. Sur le plan intellectuel et moral, nous crons des modles culturels, mathmatiques ou conceptuels pour essayer dapprocher la figuration du Grand Tout, que jappelle ici le Zoran. Ces travaux et ces

  • concepts abstraits sont aussi des objets purement mentaux. Ce sont des assemblages de signaux lectrochimiques crbraux destins expliquer et interconnecter logiquement ces autres signes lectrochimiques artificiels que sont les perceptions images du monde extrieur. Jai appel Univers lobjet global constitu par cet assemblage de signaux. Comprenons que cet objet est toujours purement mental et intrieur. Il est limit au champ de lexprience sensorielle par les bornes de nos sens, comme il est limit au champ de la connaissance intellectuelle par les possibilits actuelles de notre cerveau. Il nous est mme impossible de savoir s'il reprsente vritablement le monde ou s'il fournit seulement des symboles utiles la satisfaction de nos besoins vitaux. Au sein du Zoran immense, matriel et immatriel, connu et inconnu, visible et invisible, nous navons accs qu une infime partie de ltre total. Nous ne pouvons explorer consciemment que ce que nous reprsentons lectriquement dans notre intellect. Cette figuration lectrochimique n'est qu'une infime fraction de cet absolu, et ce que nous en comprenons nen est quun lger reflet, fragmentaire et dform. Nous trouvons notre rcente intelligence tout fait efficace et satisfaisante, parfois mme admirable, et nous nous extasions parfois devant lampleur de la connaissance et de la pense humaine et les performances extraordinaires de notre cerveau. Comprenons que cest lunivers total que nous donnons la couleur humaine. Si nous demeurons enferms dans la bulle finie de ce que nous avons acquis par le canal de nos sens, nous ne pouvons comprendre que le seul monde de notre exprience passe, et tout ce qui se trouve l'extrieur de la barrire nous restera jamais inaccessible... (L'Univers et le Zoran - Ouvrage de l'auteur - extrait) La fantasmagorie sensorielle Nos organes des sens sont construits pour dtecter la prsence dobjets prsents dans le monde extrieur. Ils mettent des signaux lectrochimiques destination du mental. Ces signaux sont seulement des signaux. mis usage de survie et non de connaissance, ils ne constituent pas une reprsentation fidle du rel. Le centre nerveux central humain, localis dans le cerveau, permet un examen conscient de limage synthtique construite pour reprsenter cet environnement. Le cerveau peut aussi construire dautres structures synthtiques images dont le rle est de reprsenter des objets immatriels ou abstraits. Jai tent de montrer combien ces images sont parfois incompltes, souvent illusoires et, par nature, synthtiques et artificielles. Accessibles au conscient, elles sont toujours fabriques, soit partir des signaux transmis par les organes des sens, soit par des donnes extraites des banques mmorielles. Elles sont dlivres par un double intrieur, un serviteur dvou, (et parfois un matre redoutablement trompeur) qui les prsente notre conscient. Il est donc inutile de se poser la question du ralisme de la reprsentation du rel. Trs videmment, il sagit l dimagerie mcanique, systmatique et organise. La reprsentation du rel est toujours purement mentale. Quel que soit le moyen utilis pour y accder, c'est toujours un objet synthtique, construit partir des signaux mis dans linstant par les diffrents organes sensoriels, externes et internes, combins dans le mme temps avec dautres signes abstraits puiss dans la mmoire. Cette combinaison est inconsciente et automatique. Pendant le sommeil, elle produit l'imagerie artificielle qu'est le rve. Mais, dans ltat de veille, nous donnons au rsultat de cette laboration complexe la valeur dune reprsentation crdible de la ralit. Or, cette perception est toujours une fantasmagorie, une association de fantasmes ralise par le cerveau. Ils reprsentent la ralit extrieure reflte par les signaux sensoriels, et refltent aussi lorganicit intrieure, chimique, mentale, et mmorielle, image par des signaux complmentaires ou supplants. Il est de notre nature humaine, (il est donc trs normal), de trouver cette reprsentation artificielle du monde, crdible, performante et satisfaisante. Cependant, notre exprience du rel est extraordinairement limite, car au sein du cosmos immense, nous navons accs exprimentalement qu cette reprsentation mentale lectro chimique, un espace intrieur ridiculement restreint dans notre propre corps. Nous ne pouvons consciemment explorer quune infime fraction de cet infime espace. Tout le reste est

  • lextrieur, inaccessible l'exprience, donc la conscience, et ce que nous en percevons nest quun reflet interne lger et dform. Dune faon naturelle, nous trouvons nos sens tout fait efficaces et satisfaisants. Il nous arrive mme de les trouver vraiment merveilleux, et nous nous extasions devant les performances extraordinaires de la machine humaine. Lhomme prouve toujours un trs grand plaisir regarder son nombril quil trouve tellement admirable. La nature fait pourtant fonctionner nos nerfs, et nos muscles avec des moyens lectrochimiques qui sont trs lents, compars la vitesse de propagation de llectricit ou de la lumire. Nous inventons alors des mcanismes complmentaires et des ordinateurs qui relaient notre lenteur lorsque nous avons besoin dune raction rapide, mais nous ne percevons gnralement pas toutes ces graves limitations et ces imperfections. Nous jaugeons le monde avec nos propres instruments, et notre valuation est la mesure de notre propre nature. Nous donnons au monde matriel la couleur humaine. Sur le plan intellectuel et moral, nous crons des modles culturels, mathmatiques ou conceptuels pour essayer dapprocher la figuration du Grand Tout, que jappelle ici le Zoran. Ces travaux et ces concepts abstraits sont aussi des objets purement mentaux. Ce sont des assemblages de signaux lectrochimiques crbraux destins expliquer et interconnecter logiquement ces autres signes lectrochimiques artificiels que sont les perceptions images du monde extrieur. Jai appel Univers lobjet global constitu par cet assemblage de signaux. Comprenons que cet objet est toujours purement mental et intrieur. Il est limit au champ de lexprience sensorielle par les bornes de nos sens, comme il est limit au champ de la connaissance intellectuelle par les possibilits actuelles de notre cerveau. Il nous est mme impossible de savoir s'il reprsente vritablement le monde ou s'il fournit seulement des symboles utiles la satisfaction de nos besoins vitaux. Au sein du Zoran immense, matriel et immatriel, connu et inconnu, visible et invisible, nous navons accs qu une infime partie de ltre total. Nous ne pouvons explorer consciemment que ce que nous reprsentons lectriquement dans notre intellect. Cette figuration lectrochimique n'est qu'une infime fraction de cet absolu, et ce que nous en comprenons nen est quun lger reflet, fragmentaire et dform. Nous trouvons notre rcente intelligence tout fait efficace et satisfaisante, parfois mme admirable, et nous nous extasions parfois devant lampleur de la connaissance et de la pense humaine et les performances extraordinaires de notre cerveau. Comprenons que cest lunivers total que nous donnons la couleur humaine. Si nous demeurons enferms dans la bulle finie de ce que nous avons acquis par le canal de nos sens, nous ne pouvons comprendre que le seul monde de notre exprience passe, et tout ce qui se trouve l'extrieur de la barrire nous restera jamais inaccessible...

    (L'Univers et le Zoran - Ouvrage de l'auteur - extrait)