carencenutri

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Groupe d'experts et auteurs Bernard BEAUFRERE, directeur du laboratoire de nutrition humaine, Unit associe INRA/Universit d'Auvergne, Clermont-Ferrand Jacques BIRG, mdecine gnrale, Boulay Claude BURLET, neurobiologie et physiologie de la prise alimentaire, INSERM U 308, Nancy Bernard CAMPILLO, chef du service d'hpato gastro-entrologie, rducation digestive- nutrition, Hpital Albert Chenevier, Crteil Charles COUET, laboratoire de nutrition et clinique mdicale A, Hpital Bretonneau, Tours Denis FOUQUE, service de nphrologie et de nutrition rnale, Hpital Edouard Herriot, Lyon Jean-Louis GUANT, directeur du laboratoire de pathologie cellulaire et molculaire en nutrition, CNRS EP 616, Facult de Mdecine, Vand uvre-les-Nancy Rgis HANKARD, pdiatrie, Centre d'investigation clinique 9202, Hpital Robert-Debr, Paris Philippe JEAMMET, chef du service de psychiatrie, centre mutualiste Montsouris, Paris Denis LAIRON, nutrition humaine et lipides, directeur de l'unit INSERM u 476, Marseille Xavier LEVERVE, accueil d'urgences et de ranimation mdicale, Hpital Michallon, directeur du laboratoire de bionergtique fondamentale et applique, Universit Joseph-Fourier, Grenoble Luc MJEAN, pidmiologie du comportement alimentaire, INSERM lu 308, Nancy Robert MOULIAS, chef du service de griatrie, Hpital Charles-Foix, Ivry-sur Seine Ont prsent une communication Serge HERCBERG, directeur de l'Institut scientifique et technique de l'Alimentation, Conservatoire national des Arts et Mtiers, Paris Claude RICOUR, chef du service de nutrition, gastro-entrologie, pdiatrie, Hpital Necker, Paris Coordination scientifique et ditoriale Emmanuelle CHOLLET-PRZEDNOWED, attach scientifique, INSERM sc 14 Jeanne ETIEMBLE, directeur du centre d'expertise collective, INSERM sc 14 Marie-Jos PRIGENT, charg d'expertise, INSERM sc 14 Assistance bibliographique et technique Chantal GRELLIER et Florence LESECQ Iconographie Service commun n 6 de l'INSERM

Avant proposLes carences nutritionnelles reprsentent un phnomne de sant publique sous-estim, toutes les tudes l'affirment. Elles peuvent concerner tout sujet hospitalis, quels que soient son ge et la raison de son hospitalisation. Le rapport du Pr Guy-Grand remis au ministre de la Sant en janvier 1997 attirait l'attention sur la frquence leve de la dnutrition en milieu hospitalier et l'absence d'une politique de l'alimentation l'chelon national. Il recommandait une meilleure qualification de l'ensemble des personnels hospitaliers et la cration dans chaque tablissement de Comits de liaison alimentation nutrition (CLAN) chargs de coordonner les actions en matire alimentaire. Mais la dnutrition se rencontre galement en pratique de ville, o elle pourrait concerner jusqu' 10 % des patients visits selon des tudes rcentes amricaines et anglaises. La dnutrition concerne tous les ges de la vie et toutes les couches sociales lorsqu'elle accompagne une pathologie chronique. Elle se rvle la plupart du temps multifactorielle, mme si une situation socio-conomique dfavorable peut l'aggraver. Les personnes ges qui cumulent plusieurs facteurs de risque constituent un groupe particulirement touch. la fois consquence et cause de pathologie, la dnutrition, une fois diagnostique, doit s'accompagner d'une prise en charge adapte chaque cas. L'alimentation prsente des aspects mdicaux puisqu'elle est un moyen curatif essentiel ou complmentaire d'un grand nombre de pathologies. S'il est primordial d'agir prcocement dans l'accompagnement nutritionnel, il est surtout essentiel de prvenir les carences nutritionnelles par une meilleure identification des groupes risque. Cette prise en considration des facteurs de risque de dnutrition par tous les acteurs de sant devrait entraner terme une rduction des dpenses sanitaires et apporter une amlioration de la qualit de vie un grand nombre de patients. La Mutuelle gnrale de l'ducation nationale a souhait interroger l'INSERM sur l'enjeu en sant publique des carences nutritionnelles en France, avec l'objectif de pouvoir mieux adapter la prise en charge de ses adhrents leurs besoins rels en s'appuyant sur une argumentation mdicale et scientifique. Pour rpondre ces interrogations, I'INSERM a constitu un groupe pluridisciplinaire d'experts dans les domaines de la biologie, de la neurobiologie, de la physiologie, de l'pidmiologie et de diffrentes spcialits cliniques comme la pdiatrie, la griatrie, la ranimation, la nphrologie, la psychiatrie et la mdecine gnrale.

Le groupe d'experts structur sa rflexion partir de la grille de questions suivante: Quels sont les besoins en macro -et micronutriments ? Dans quelles situations observe-t-on des carences ? Quelles sont les bonnes indications d'une supplmentation ? Quels sont les dterminants de la prise alimentaire ? Quelles sont les interactions entre systme immunitaire et carences nutritionnelles ? Quelles sont les donnes pidmiologiques sur les carences nutritionnelles ? Quelle est la situation chez les enfants, les adolescents, les femmes, les personnes ges ? Quels sont les marqueurs de la dnutrition protino-nergtique ? Quels sont ceux utilisables par le mdecin gnraliste ? Quelles sont les pathologies entranant une dnutrition ? Quels sont les mcanismes impliqus ? L'interrogation des bases de donnes (Medline, Embase, Pascal) a conduit slectionner environ 1500 articles concernant les carences nutritionnelles. Ont t exclues du champ de cette expertise les situations relevant d'une nutrition entrale ou parentrale pratique en milieu hospitalier ou en

mdecine ambulatoire. De mme, l'valuation des produits commercialiss (mdicaments ou aliments dittiques) n'a pas t traite. Un rapport tabli sous la responsabilit du Pr Lerebours la demande du ministre de la Sant et de l'Assurance maladie en 1995 a fait le point sur les modalits d'organisation des supports nutritionnels (nutrition per os, entrale ou parentrale) domicile en France et propos des amliorations concernant les indications, la prise en charge et le suivi de la nutrition clinique. Au cours de sept sances de travail organises entre les mois d'avril et novembre 1998, les experts rassembls par 1'INSERM ont prsent, selon leur champ de comptence, une analyse critique et une synthse des travaux publis sur les diffrents aspects de la dnutrition. Les deux dernires sances ont t consacres l'laboration des principales conclusions et des recommandations.

I Donnes biologiques et physiologiques

IntroductionLes aliments apportent trois nutriments, quantitativement les plus importants, qui sont les protines, les glucides et les lipides. Ces nutriments sont essentiels pour deux raisons: ils rpondent un besoin nergtique pour le fonctionnement mtabolique de base ou stimul lors d'activits particulires; ils rpondent galement des besoins spcifiques exprims aux niveaux tissulaire, cellulaire et molculaire. Les aliments apportent galement les vitamines (pseudo-hormones, coenzymes, antioxydants...) et les minraux indispensables au mtabolisme. Les apports alimentaires doivent donc quilibrer les besoins nergtiques et maintenir constant le niveau des rserves. La faim et la satit sont les tats de motivation qui modulent la prise alimentaire. En plus des variables physiologiques, on peut donc galement parler de variables comportementales (apptits spcifiques, prfrences alimentaires) qui interviennent dans le contrle de la prise alimentaire. Le comportement alimentaire rpond ainsi des processus complexes faisant intervenir de nombreux mcanismes neurobiologiques. Confront un dficit alimentaire, l'organisme s'adapterait en met tant en veilleuse des fonctions nergtiques coteuses comme celles concernant le systme de dfense immunitaire pour prserver le mtabolisme du systme nerveux central. Nous savons, par ailleurs, que toute carence nutritionnelle entrane un dficit immunitaire et que toute raction immunitaire forte ou prolonge s'accompagne d'hypercatabolisme et de dnutrition. Si une carence se dfinit comme un apport infrieur au besoin, il faut savoir que le besoin peut varier selon l'ge, l'activit et le contexte environnemental. C'est partir de ce besoin que l'on dfinit l'apport conseill (ANC) pour une population donne. En France, les carences en vitamines ne sont pas, la plupart du temps, des carences d'apport mais sont surtout dues des malabsorptions. Il est donc important de dfinir des groupes risque de carences vitaminiques dans la population. Selon l'enqute SU.VI.MAX, plus de 10 % des adultes citadins franais prsenteraient une carence en vitamine D. Une tude amricaine rapporte que plus de 50 % des patients hospitaliss (ge moyen 62 ans) ont une carence. Une supplmentation chez les femmes enceintes peut se justifier aprs un bilan biologique. Depuis 1963, une circulaire de la Direction gnrale de la Sant (DOS) recommande pour les enfants d'ge prscolaire une supplmentation en vitamine D. Des travaux ont montr que les femmes ges vivant en institution prsentent des carences en vitamine D et en calcium et qu'une supplmentation pouvait 3 Carences nutritionnelles, tiologies et dpistage

rduire le risque de fracture. Cette supplmentation pourrait tre galement bnfique, selon certaines tudes, pour les hommes et les femmes vivant domicile. En rgle gnrale, l'alimentation couvre les besoins en vitamine du groupe B et en vitamine C et E. La supplmentation en acide folique n'est conseille l'heure actuelle que chez les femmes enceintes ayant eu un enfant prsentant une anomalie de fermeture du tube neural et chez les femmes traites par anticonvulsivant ou souffrant de malabsorption. Cependant, l'acadmie amricaine de pdiatrie vient rcemment de dcider de recommander chez toutes les femmes enceintes une dose quotidienne de 400,ug d'acide folique. Les femmes en ge de procrer sont particulirement touches par le dficit en fer. Prs de 23 % d'entre elles, d'aprs l'tude EPIFER en France, ont une carence et 4,4 % prsentent une anmie ferriprive. Les menstruations apparaissent comme le facteur majeur en particulier pour les femmes qui utilisent un strilet comme moyen contraceptif. Chez les femmes mnopauses, seules 5 % prsentent une dpltion des rserves et moins de 1% une anmie ferriprive. Concernant les femmes enceintes, les dernires recommandations sont de supplmenter en fer partir du deuxime trimestre de gestation les femmes risque: adolescentes, grossesses rapproches, femmes issues de mi lieux dfavoriss. Une alimentation riche en fer doit couvrir, dans la majorit des cas, les besoins de la femme enceinte et du f tus. Chez l'enfant, pendant les deux premires annes de la vie, les besoins en fer sont importants. Il faut donc un apport rgulier par l'alimentation. Ainsi, l'enfant nourri au lait artificiel doit bnficier de laits supplments en fer. La lgislation franaise prvoit une supplmentation en fer aboutissant des concentrations variant de 5 14 mg/1 de lait reconstitu. Une tude ralise dans les centres de bilan de sant de Paris et de sa rgion rvle que cette carence qui concernait 22 % des enfants de 10 mois en 1981 ne concerne plus que 3,5 % des enfants en 1993. Mais une enqute dans ces mmes centres a montr que le pic de carence martiale s'est dplac de la premire anne vers la deuxime anne. Les enfants atteints d'anmie ferriprive l'ge de 2 ans sont 13,3 %. Ceci s'expliquerait par une baisse sensible, cet ge, de la consommation de lait. Le calcium est indispensable la croissance osseuse. En France, il est recommand que la femme enceinte ait des apports calciques alimentaires de l'ordre de 1 000 1 200 mg/j pour subvenir aux besoins du f tus. Durant l'allaitement, on observe une diminution temporaire de la densit osseuse. Une supplmentation calcique peut-elle minimiser la perte osseuse ? Des tudes ralises aux Etats-Unis sembleraient indiquer qu'une supplmentation calcique de 1 g/j chez les femmes ayant un apport faible ou modr n'a aucun effet sur la concentration de calcium dans le lait et ne modifie pas les variations de 4 densit osseuse durant l'allaitement et le sevrage. 4

Les enfants prmaturs ou de faible poids la naissance ncessitent une attention particulire. Des laits enrichis en acides gras polyinsaturs chane longue des familles n-6 et n-3 sont proposs en France. Les tudes exprimentales ont montr que ces acides gras jouent un rle dans le dveloppement de l'enfant. La supplmentation vitaminique titre prventif chez l'adulte fait l'objet de plusieurs tudes en Europe et aux Etats-Unis. En France, l'objectif de l'tude SU.VI.MAX est de montrer si une supplmentation en vitamines et en minraux antioxydants doses nutritionnelles est susceptible de rduire la mortalit et l'incidence de grandes pathologies comme le cancer, les maladies cardiovasculaires, les infections De mme, les mesures dittiques incluant des apports en calcium, potassium et magnsium ont t proposes ces dernires annes pour prvenir l'hypertension artrielle. On sait que la prise de vitamine B9 (acide folique) permet de diminuer le taux d'homocystine dans le sang mais il reste dmontrer que cette supplmentation diminue la frquence des maladies cardiovasculaires. L'enjeu est d'importance compte tenu de la frquence de telles maladies et justifie l'intrt apport ce sujet. Cependant, aujourd'hui, la lumire des premiers rsultats recueillis, le niveau de preuve de l'efficacit de ces supplmentations demeure faible et n'autorise pas proposer une supplmentation systmatique. Certaines tudes montrent que non seulement la supplmentation n'apporte aucun bnfice mais qu'elle pourrait mme avoir des effets ngatifs. Concernant les vitamines, il n'y a donc pas aujourd'hui d'attitude consensuelle. L'attitude amricaine considre les vitamines comme des supplments nutritionnels sans limites de scurit de doses. L'attitude europenne tend dfinir une limite de scurit d'emploi des vitamines et tablir une dose journalire acceptable. D'une faon gnrale, on ne peut pas faire une extrapolation sur l'intrt d'une supplmentation chez l'homme sain partir du rle biochimique d'une molcule et d'un besoin dans les situations pathologiques. De plus, les consquences long terme d'une supplmentation ne sont pas connues. On a tendance, en France, estimer que l'on manque de recul pour juger de ces effets long terme. Par la loi du ter juillet 1998, les aliments dittiques destins des fins mdicales spciales devront, avant leur mise sur le march, faire l'objet d'une dclaration auprs de l'Agence franaise de Scurit sanitaire, et seront soumis prescription mdicale obligatoire. Il est interdit en France d'apposer sur un aliment la mention enrichi , except pour le sel additionn d'iode. Cependant, il est autoris d'ajouter des vitamines ou minraux un aliment transform s'il a perdu une partie de ceux-ci au cours du traitement technologique: il porte de ce fait la mention enrichi en . La Direction gnrale de la consommation, de la concurrence et de la rpression des fraudes (DGCCRF) du ministre de l'conomie et des Finances est charge d'en assurer le contrle. Dans certains pays europens, la rglementation est parfois diffrente et autorise les produits enrichis .5

1 Besoins, carences et supplmentations en protines Une carence se dfinit chez un individu comme un apport infrieur au besoin. Le risque de carence dans une population donne dpend donc des apports habituels nutritionnels de cette population et de son besoin qui peut varier selon l'ge et l'activit. La dfinition du besoin en protines n'est pas facile. Classiquement, le besoin en protines est gal, chez un individu adulte, la quantit de protines alimentaires permettant le maintien de la masse protique (c'est --dire une balance azote neutre). ce besoin de maintenance s'ajoute chez l'enfant un besoin de croissance. Ces critres strictement morphologiques (maintien ou accroissement d'une masse protique) sont volontiers considrs comme insuffisants et devraient tre complts de critres fonctionnels tels que l'optimisation de la force physique ou la capacit rpondre une infection... De tels critres restent cependant impossibles quantifier avec prcision. Le besoin en protines ainsi dfini varie bien sr d'un individu l'autre et, pour une population homogne d'ge et de sexe donns, on dfinit alors un besoin moyen. partir du besoin moyen est dfini un apport conseill, apport qui doit couvrir les besoins de la quasi - totalit de l a population considre: il est dfini comme l'apport couvrant le besoin moyen plus deux carts types et, par dfinition, recouvre donc les besoins de 97,5 % de la population. Plusieurs termes sont globalement synonymes: apport nutritionnel conseill (ANC, il s'agit de la terminologie franaise) (Dupin et coll., 1992), apport recommand ( RDAs amricaines, 1989)ou encore apport de scurit (terme de la FAO/WHO/UNU, 1986). Le point important est de matriser l'interprtation du concept d'apport recommand (ou conseill ou de scurit ). Ainsi, si l'apport en protines d'un individu (ou d'une population) est suprieur ou gal l'apport recommand, le risque de carence en protines est trs faible, voire nul. En revanche, la constatation d'un apport infrieur l'apport recommand n'implique pas forcment une carence, mais seulement une probabilit de carence, probabilit d'autant plus forte qu'on s'loigne de l'apport recommand. Relations entre apports en protines et apports en acides amins Les protines sont des squences d'acides amins qui existent au nombre de 20, parmi lesquels 9 sont dits indispensables (mthionine, lysine, tryptophane, 7

thronine, phnylalanine, leucine, isoleucine, valine et histidine) et 11 non indispensables. Le caractre indispensable d'un acide amin se dfinit biochimiquement comme l'impossibilit pour l'organisme de synthtiser le radical carbone de l'acide amin (auquel s'ajoute pour la lysine et la thronine l'impossibilit supplmentaire de transaminer cette chane carbone). La seule source en acides amins indispensables est alors le recyclage des proti nes endognes (la protolyse), qui ne suffit pas assurer le besoin. Les mesures des besoins moyens (et donc des apports conseills) en acides amins indispensables sont dlicates et reposent soit sur des mthodes de balance azote, soit sur des mthodes isotopiques ( Young, 1987; Young et El-Khoury, 1995). Le besoin en acides amins est couvert par les protines alimentaires, l'apport en acides amins libres tant ngligeable. Toutes les protines contiennent tous les acides amins. Toutefois, les protines de crales sont classiquement pauvres en lysine alors que les protines de lgumineuses sont pauvres en acides amins soufrs. Par contraste, les protines animales sont gnralement plus riches en acides amins indispensables et prsentent de plus une digestibilit meilleure que celle des protines vgtales ( Mahe et coll., 1997). Au total, il est donc possible, sur le plan thorique, de distinguer les besoins en protines du besoin en acides amins indispensables, le premier pouvant tre couvert alors que le second ne l'est pas dans le cas d'une alimentation ne comportant que des protines d'un type trs particulier carences en un acide amin indispensable. En pratique, si l'apport protique est satisfaisant et compte tenu de la diversit habituelle des sources protiques animales et vgtales, l'apport en acides amins indispensables est galement satisfaisant. Seules des circonstances trs particulires peuvent rsulter en des carences (rgimes vgtaliens stricts). Pour cette raison, c'est essentiellement les protines - et non pas les acides amins - qui seront voques ici. Il faut toutefois mentionner que la situation est diffrente chez le sujet malade, qui peut dmontrer un besoin particulirement lev en un acide amin donn, par exemple pour des fonctions immunitaires, ce besoin n'tant alors pas forcment couvert par l'apport protique mme lev. De tels besoins ont notamment t voqus pour des acides amins tels que la glutamine, l 'arginine ou les acides amins soufrs, qui deviennent alors conditionnellement indis pensables (Young et El-Khoury, 1995). Besoins et carences dans la population franaise L'objectif est d'estimer le risque de carence en protines dans la population franaise. Trois situations principales sont ici envisages, l'enfant (nouveau-n prmatur exclus), l'adulte sdentaire ou sportif et le sujet g. Nourrisson et enfant Le cas du nourrisson en croissance rapide sera d'abord envisag. L'enfant se caractrise par un besoin protique lev li la maintenance et la croissance. Les apports recommands en protines sont classiquement dtermins

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en additionnant les besoins lis ces deux composantes: c'est la mthode dite factorielle (Comit de nutrition de la socit franaise de pdiatrie, 1997; Dewey et coll., 1996). Les chiffres obtenus par les diffrents comits d'experts sont sujets des variations relativement importantes lies entre autres l'interprtation des donnes de balances azotes, aux diffrents facteurs de conversion utiliss par exemple pour tenir compte de l'efficacit des protines alimentaires, aux coefficients de variation permettant de passer du besoin moyen l'apport conseill ( Dewey et coll., 1996). Classiquement, le besoin moyen est d'environ 1,5 g/kg/j 3 mois et de 1 g/kg/j 1 an, soit un apport conseill de 1,8 -2,2 g/kg/j 3 mois, et 1,2-1,6 g/kg/j 1 an (FAO/WHO/UNU, 1986; Dupin et coll., 1992; RDAs amricaines, 1989). Exprims en valeur absolue, ceci correspond un besoin moyen de 9 -10 g/j et un apport conseill de 13 -15 g/j, stable sur la premire anne de vie. Il est trs probable que ces valeurs ont t surestimes et les rcentes rvaluations, qui n'ont toutefois pas de caractre officiel, sont infrieures de 20 % 30 % (Comit de nutrition de la socit franaise de pdiatrie, 1998; Dewey et coll., 1996). L'un des arguments majeurs en faveur d'une telle rvaluation est en effet l'apport spontan en protines des enfants nourris exclusivement au sein: cet apport est beaucoup plus modeste, de l'ordre de 7 -8`g/j sur les premiers mois de vie. Sauf imaginer que le lait maternel soit un aliment inadapt au nourrisson, cet apport spontan devrait correspondre au besoin moyen. Il est intressant de constater que les laits artificiels (prparations pour nourrissons) contiennent des quantits de protines beaucoup plus leves que le lait maternel (> 1,8 g protines/100 kcal) selon la directive europenne 96/4/EC (Journal officiel des communauts europennes, 1996). Les apports habituels en protines sont pour cette raison trs levs chez les nourrissons nourris artificiellement (de l'ordre de 15 g/j voire plus). En rsum, il n'existe aucun risque de carences en protines chez les nourrissons, sauf contexte socioconomique catastrophique, puisque soit l'enfant est au sein, ce qui constitue l'alimentation idale , soit il reoit un lait artifi ciel dont les apports sont au minimum gaux (et probablement trs suprieurs) l'apport conseill. On peut en fait mme se poser la question de l'effet dltre d'un excs de protines: des donnes pidmiologiques confirmer suggreraient une association positive entre l'apport protique pendant la petite enfance et la survenue d'obsit l'ge adulte (Rolland Cachera et coll., 1995). L'association entre rgime hyperprotique et dgradation de la fonction rnale n'a, quant elle, pas t confirme chez l'homme sain.Bien sr, dans cette situation d'abondance protique, et bien que le besoin en acides amins essentiels soit particulirement lev chez le nourrisson (> 40 % du besoin protique total), toute considration sur une ventuelle carence en acides amins est futile. On peut simplement signaler le cas trs particulier des rgimes vgtariens. Il n'existe pas de problme lorsque succde l'allaitement maternel un rgime vgtarien comportant du lait ou des ufs, et associant habilement lgumineuses et crales. En revanche, lorsque 9

la diversification repose uniquement sur des apports vgtaux stricts (rgime vgtalien sans aucun produit d'origine animale), il devient trs difficile d'assurer un apport satisfaisant en acides amins indispensables, et des retards de croissance, pas seulement lis la carence en acides amins, surviennent partir de l'ge de 6 mois (Dagnelie et Van Staveren, 1994). Chez l'enfant plus grand et l'adolescent, le besoin de maintenance devient trs prpondrant par rapport au besoin de croissance (FAO/\VHO/UNU, 1986; Dupin et coll., 1992; RDAs amricaines, 1989). Globalement, 10 ans, l'apport conseill est autour de 1 g/kg/j, soit 45 g/j pour un apport habituel spontan deux fois plus lev: l encore, il n'existe aucun risque de carence, que ce soit en protines ou en acides amins. Adulte Les tudes concernant le besoin moyen en protines du sujet adulte sain sont plus nombreuses et assez homognes: un apport moyen de 0,6 g/kg suffit maintenir une balance azote quilibre. Ceci correspond un apport conseill de 0,8 g/kg/j (FAO/WHO/UNU, 1986; RDAs amricaines, 1989) ou 1 g/kg/j (Dupin et coll., 1992), ce qui peut apparatre trs modeste au vu des consommations habituelles qui sont frquemment deux fois plus leves. Rappelons qu'un apport protique de 17 % des calories totales, qui est banal, reprsente 1,5 g/kg/j. L encore, les carences en protines sont inexistantes chez l'adulte sain. Quant aux acides amins essentiels, leurs besoins sont faibles chez l'adulte. Ils ne reprsentent classiquement que 10 % 12 % de l'apport protique, ce chiffre tant certainement sous estim au vu des tudes isotopiques plus rcentes ( Young, 1987; Young El-Khoury, 1995). Ceci tant, mme si cette proportion augmente jusqu' 30 % de l'apport protique, tout risque de carence est exclus compte tenu de l'excs d'apport global dans nos pays. En ce qui concerne l'adulte sportif, le besoin en protines a fait l'objet de revues gnrales et de comits d'experts rcents (Avis CEDAP, 1994, 1997; Peres, 1997): la pratique rgulire (3 fois 1/2 heure 1 heure par semaine) d'une activit d'intensit modre ne modifie pas significativement les besoins indiqus ci-dessus pour l'homme adulte. Pour les sportifs d'endurance de bon haut niveau, les besoins sont de l'ordre de 1,5 g/kg/j. Les apports habituels les couvrent trs largement, l'apport nergtique (et donc protique) tant franchement important chez ces sujets activit leve. Le risque de carences en protines est donc de facto inexistant, d'autant que cette population est souvent trs bien informe du point de vue nutritionnel. En ce qui concerne les sportifs de force (exercices en rsistance de type haltrophilie), le besoin moyen ncessaire au maintien de la masse musculaire n'est sans doute pas trs lev (de l'ordre de 1 g/kg/j). En revanche, des besoins de 2 3 g/kg/j en priode de gain de masse musculaire semblent justifis, pour

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certains auteurs. Ce niveau d'apport ne se justifie que sur une dure limite et, l encore, compte tenu de la motivation et des effets de mode dans les milieux de type bodybuilding ou haltrophilie, l'excs de protines parat plus craindre que la carence. Enfin, ni les formes particulires d'apport azot (hydrolysats) (Avis CEDAP, 1996), ni les supplments en acides amins ne se justifient l'heure actuelle (Avis CEDAP, 1997), malgr quelques donnes ponctuelles intressantes concernant notamment les acides amins branchs. Sujet g Le vieillissement est caractris par une diminution progressive de la masse maigre, lie essentiellement une fonte musculaire (sarcopnie) au profit d'une augmentation de la masse grasse. La masse protique musculaire est sous la dpendance de facteurs gntiques et hormonaux et dpend aussi de l'activit physique et de l'apport nutritionnel, notamment protique ( Beaufrre et Boirie, 1998). Au vu de sa diminution avec l'ge, il est lgitime de s'interroger sur l'adquation entre les besoins protiques et les apports chez les sujets gs. Les besoins protiques au cours du vieillissement sont mal connus. Il est par exemple frappant de constater que la dernire dition des RDAs Amricaines (1989), indique un apport protique recommand de 0,8 g/kg/j au-del de 50 ans, valuation base sur des extrapolations des valeurs de l'adulte plus que sur des donnes effectivement obtenues chez le sujet g. Rcemment, le groupe d'Evans (Campbell et Evans, 1996; Campbell et coll., 1997), sur la base des donnes disponibles et de leur propre exprience, suggre que le besoin moyen serait de 0,9 g/kg/j, entranant la recommandation d'un apport d'environ 1,1 g/kg/j, soit 30 % au -dessus des valeurs habituellement donnes. Ces chiffres ont t l'objet de controverses, portant essentiellement sur les problmes techniques de balance azote, et, pour d'autres auteurs (Millward et coll., 1996), il n'y a pas, l'heure actuelle, d'argument suffisamment solide pour rviser la hausse les apports conseills. Quoi qu'il en soit, on peut nanmoins faire deux constatations: l'apport spontan en protines tend diminuer au cours du vieillissement, d'une part cause de la diminution de l'apport nergtique global (Black et coll., 1996; Dupont et coll., 1996), d'autre part cause d'une restriction de la consommation de certaines protines animales (viande, du fait des problmes de mastication, lait, du fait des problmes rels ou supposs d'intolrance au lactose. ); prvalence de la dnutrition protino -nergtique est leve chez le sujet la g, tant entendu que d'autres facteurs que la carence d'apport jouent un rle important (infections, pathologies chroniques...). Pour ces deux raisons, et compte tenu de l'incertitude sur les besoins rels du sujet g, besoins qui sont au minimum gaux ceux de l'adulte et peut-tre suprieurs, on peut penser qu'un risque de carence en protines est possible chez le sujet g en France.

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En ce qui concerne d'ventuels besoins en acides amins spcifiques au sujet g, il n'existe que trs peu de donnes, suggrant un besoin spcifique en acides anims soufrs et en lysine, qui mritent confirmation ( Tuttle et coll., 1965). Une certaine vigilance vis--vis de l'apport protique s'impose donc de faon gnrale chez le sujet g. En revanche, une supplmentation sous forme de complments alimentaires n'a aucune justification chez le sujet sain et a dmontr son incapacit amliorer la masse ou la performance musculaire. Mme en cas d'exercice physique relativement intense et prolong chez le vieillard, un apport protique supplmentaire n'amliore pas l'effet bnfique, indiscutable, de l'exercice (Fiatarone et coll., 1994). Chez le sujet g dnutri ou fragile (frail elderly), la supplmentation en protines parait en revanche intressante. Plusieurs tudes ralises sur des sujets institutionnaliss ou domicile sont concordantes quant l'effet favorable de complments protino -nergtiques sur la prise de poids et sur d'autres paramtres nutritionnels (Carver et Dobson, 1995; Cederholmm et Hellstrm, 1995; Gray-Donald et coll., 1995; Johnson et coll., 1993; Volkert et coll., 1996). Dans certains cas, des effets positifs sont galement mis en vidence sur des paramtres fonctionnels tels que des scores d'activit ( Volker et coll., 1996), des mesures de force musculaire ( Efthimiou et coll., 1988) ou encore le nombre de chutes ( Gray-Donald et coll., 1995). Parfois, les complments oraux ont mme amlior le pronostic de l'affection justifiant l'hospitalisation, en l'occurrence des fractures du col fmoral ( Delmi et coll., 1990). Bien sr, dans tous ces cas, l'efficacit des supplmentations est variable d'un sujet l'autre et dpend de la compliance du sujet. Il est galement noter que l'augmentation des apports porte la fois sur les protines et l'nergie et que des rsultats proches peuvent tre obtenus en modifiant la densit nergtique et protique de l'alimentation normale, au moins dans certains cas (Olin et coll., 1996). Cependant, de faon gnrale, ces donnes plaident en faveur de l'utilisation de complments protino-nergtiques chez le sujet g dnutri ou fragile. En conclusion, l'alimentation habituelle couvre largement les besoins en protines chez le nourrisson et l'enfant, sauf contexte socioconomique catastrophique ou rgime vgtalien strict. Chez l'adulte en bonne sant, mme sportif, il n'existe pas non plus de risque de carences. En ce qui concerne les sportifs de force, des besoins doubls en priode de gain de masse musculaire pourraient se justifier, mais seulement sur une dure limite. En revanche, la diminution chez le sujet g de l'apport spontan en protines et la prvalence leve de la dnutrition protino -nergtique, lices entre autres l'existence sous -jacente d'infections et de diverses patholo gies chroniques, exposent le sujet g, en particulier fragilis, un risque de carence en protines qui justifie dans certains cas le recours des complments protino-nergtiques.

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2 Besoins, carences et supplmentations en lipides et glucides L'essentiel des besoins nergtiques est combl par les lipides et les glucides, qui entrent galement dans la constitution de diffrentes structures de la cellule, en particulier des membranes cellulaires. Le glucose est le substrat nergtique glucidique majeur, principalement utilis, au repos, par le cerveau. Les rserves en glucose sont naturellement faibles, ce qui implique pour le corps humain de disposer continuellement de nouvelles molcules de glucose, par le biais de l'alimentation et de la noglucogense. L'excdent de glucides alimentaires est transform dans le foie en lipides, dans le cadre de la lipogense. Les lipides, stocks dans les triglycrides au niveau du tissu adipeux, sont librs sous forme d'acides gras libres dans la circulation. L'oxydation de ces derniers permet de fournir des substrats nergtiques diffrents tissus (muscles oxydatifs, c ur, foie. ), permettant d'pargner le glucose qui peut alors tre rserv aux organes en ayant un besoin absolu, c'est--dire faiblement ou dpourvus d'un potentiel oxydatif (cellules sanguines, rtine. ) ou peu permable aux lipides (cerveau, par exemple). Le mtabolisme des lipides, stockage ou libration des acides gras en cas de rgime carence en glucides ou de jene, s'adapte ainsi au contexte nutritionnel. Lipides, glucides et besoins nergtiques Pour assurer un fonctionnement minimal de l'organisme (mtabolisme de base) et sans puiser dans les rserves, un apport d'nergie quotidien est indispensable (Dupin et coll., 1992): il est valu environ 1 000 -1 200 kcal (kcal) pour un adulte, et 1500 -2100 kcal/j chez la personne ge. Pour permettre une activit physique habituelle, ces besoins quotidiens montent 2 000 kcal chez les femmes adultes et 2 500 -2 700 kcal chez les hommes adultes. Ils sont proportionnellement plus levs chez la femme enceinte ou allaitante (2 200 -2 500 kcal/j) et chez les jeunes enfants (1300-1 800 kcal/j) et les adolescent(e)s (1 900 -2 700 kcal/j).

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Trs gnralement, l'alimentation spontane apporte environ 10 -18 % de l'nergie sous forme de protines dont la valeur nergtique est d'environ 4 kcal/g. L'essentiel de l'nergie est donc apport par les lipides et les glucides et ce dans des proportions extrmement variables selon les situations rencontres, des alimentations traditionnelles base de crales trs riches en glucides (70 % de l'nergie) et pauvres en lipides (20 % de l'nergie) aux alimentations des pays industrialiss avec jusqu' 50-55 % de l'nergie apports par les lipides. En France, l'alimentation moyenne dans les annes quatre-vingtdix apporte environ 42 % de l'nergie sous forme de lipides, ce qui est considr comme excessif au vu des recommandations nutritionnelles (= 30 35 % de l'nergie) (Dupin et coll., 1992).L'quilibre entre glucides et lipides pour la fourniture d'nergie partir de leur oxydation est ainsi une question centrale ( Flatt, 1995; Stubbs, 1996). Rappelons tout d'abord que la valeur nergtique des glucides est d'environ 4 kcal/g tandis que celle des lipides est d'environ 9 kcal/g, illustrant trs nettement la grande supriorit des lipides en ce domaine. Une autre diffrence majeure distingue ces deux nutriments puisque la capacit de stockage des glucides dans l'organisme est trs limite (quelques centaines de grammes sous forme de glycogne dans le foie et les muscles) alors que celle des lipides sous forme de triglycrides dans le tissu adipeux est extrmement importante, pouvant atteindre facilement des dizaines de kilos. Ainsi, chaque individu quilibre ses entres et dpenses d'nergie en se stabilisant un niveau donn de rserves de lipides. Comme illustr dans la figure 2.1, on considre que la dpense nergtique de l'organisme est alimente par l'oxydation, par ordre dcroissant, de l'alcool, des protines, des glucides et enfin des lipides. Ainsi, les lipides apportent plus d'nergie mais sont moins oxyds et sont stocks prfrentiellement. Cette situation est encore exacerbe par le phnomne suivant: pour des raisons qui ne sont pas encore totalement comprises, il s'avre que la rgulation de la prise alimentaire est essentiellement assure de faon ngative par les protines et les glucides ingrs et de faon trs limite par les lipides, et nulle par l'alcool. Il en dcoule que l'effet satitogne de l'alimentation est d'autant plus important que son contenu en lipides est faible ( Rolls, 1995). Rappelons enfin qu'une alimentation riche en lipides entrane une stabilisation du poids corporel chez l'adulte avec une plus grande quantit de tissus adipeux dans l'organisme (Flatt, 1995). Besoins et dfaut d'apport en glucides alimentaires En sus de leur rle essentiel dans l'apport nergtique, les glucides alimentaires ont des effets spcifiques comme leur influence sur l'quilibre glycmique-insulinique, le contrle de la prise alimentaire dj voqu, ou la rgulation de la fonctionnalit du tube digestif.

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Concernant les glucides, on ne peut pas raisonnablement parler de carence, dans la mesure o, d'une part, l'alimentation apporte toujours des quantits notables de glucides et que, d'autre part, l'organisme est capable de raliser la no-synthse du glucose. Chez les adolescents et adultes en bonne sant, la question est celle de l'quilibre entre glucides et lipides. Clairement, dans nos pays industrialiss, l'apport en lipides est gnralement excessif tandis que l'apport en glucides est insuffisant (environ 45 % de l'nergie). Les recommandations insistent sur un apport en glucides devant reprsenter 50 -55 % de l'nergie dont la grande majorit sous forme d'amidon (Dupin et coll., 1992). Ceci est moins vrai chez les trs jeunes enfants jusqu' 3 ans et chez les personnes ges dont les besoins en lipides sont plus importants. Il faut raliser que les glucides alimentaires constituent une famille htrogne de molcules dont les effets mtaboliques et fonctionnels peuvent tre trs diffrents ( Asp, 1995; Cummings et coll., 1997). Le tableau 2.I prsente la classification la plus rcente des glucides alimentaires (Cummings et coll., 17

Tableau 2.1: Classification des principaux glucides alimentaires (d'aprs Cummings et coll., 1997). groupes Sous-groupes Devenir dans le tube digestif Sucres Monosaccharides(glucose,fruct Absorbsrapidement par simple(DP:1-2) ose) l intestin Disaccharides(saccharose,malt Grle(sauf lactose chez ose,lactose, certains sujets SucresPeu absorbs et alcool(sorbitol,maltitol ) ferments dans le clon Oligosaccharides( Malto-oligosaccharides(Digestibles:absorbs par DP:3-10) l intestin grle glucanes) Non digestibles:non absorbs et ferments Autres(fructo-ou galactoNon digestibles:non oligo-saccharides) absorbs et ferments Polysaccharides Amidons(-glucanes) Digestibles:absorbs (DP:>10) rapidement Rsistant:non digestible:non absorbs et ferments Non digestibles:non Polysaccharides non absorbs et amylacs(fibres alimentaires:pectines, gommes, fermentscompltement hmicelluloses,celluloses dans le clonDP: degr de polymrisation

1997). On distingue tout d'abord deux grandes catgories rassemblant c l'une les glucides digestibles et l'autre les glucides indigestibles. Les glucides digestibles, qui constituent l'essentiel des glucides alimentaires, sont surtout reprsents par les sucres simples ( mono- et disaccharides) dont le glucose et le fructose, le saccharose et le lactose et par les amidons (crales, lgumes secs et pomme de terre). Tandis que les premiers sont hydrolyses trs facilement ( l'exception du lactose chez les intolrants) et rapidement absorbs par l'intestin grle, les amidons doivent tre hydrolyses par les amylases de faon trs intensive pour gnrer du glucose absorbable (Messing et Billaux, 1996). L'lvation de la glycmie postprandiale (figure 2.2), et en consquence de l'insulinmie, sera rapide et maximale avec le glucose, le saccharose et des amidons rapidement digrs (pain de farine de bl raffin, pomme de terre cuite) et sera plus progressive et attnue avec, par ordre dcroissant, le riz, les ptes, les grains entiers de crales, les lgumes secs (Jenkins et coll., 1981; Wolever, 1994). 18

Ces diffrences de biodisponibilit sont dues des diffrences de la nature chimique (rapport amylose/amylo-pectine) et des structures physico-chimiques (intgrit du grain d'amidon, rseaux avec des fibres, cristalinisation) des diverses sources d'amidon. Ces diffrences sont la base des recommandations qui suggrent des apports rguliers et importants d'amidons dont la nature peut tre choisie en fonction du degr de rponse glycmique -insulinique recherch. C'est tout particulirement utile chez les sujets (pr) diabtiques non -insulino dpendants, dont l'hyperglycmie postprandiale peut ainsi tre rgule au mieux avec des ami dons faible index glycmique/insulinique (Jenkins et coll., 1981).

Les glucides indigestibles constituent un autre groupe de glucides alimentaires (tableau 2.I) et qui, selon une terminologie plus classique, sont les composants majoritaires des fibres alimentaires que l'on trouve dans les vgtaux ( Lairon, 1990). cause de leur structure molculaire particulire (absence de liaison 1-4 entre units glucose, prsence d'autres sucres, cristalinisation de l'amidon) qui ne permet pas l'action de l-amylase salivaire et pancratique ou par dfaut d'activit enzymatique spcifique dans le cas de la frquente dficience en lactase, ces molcules glucidiques ne sont pas hydrolyses dans l'estomac et l'intestin grle et sont apportes au clon dans lequel les bactries les fermentent plus ou moins activement. La prsence de ces composants indigestibles rgule la vidange gastrique et le transit oro -ccal (Cummings, 1986). Dans l'intestin grle, le ralentissement de la libration et de l'absorption du glucose par les fibres solubles visqueuses entrane une diminution de l'hyperglycmie et de l'hyperinsulinmie postprandiale chez le sujet normal ou des patients avec un diabte non insulino-dpendant (Wolever et Jenkins, 1986). Des augmentations de la sensibilit l'insuline ont galement t rapportes avec des rgimes riches en fibres solubles.De nombreuses tudes rapportent que des rgimes riches en fibres solubles abaissent la cholestrolmie et le cholestrol LDL 19

sans affecter le cholestrol HDL (Lairon, 1996a). Cet effet hypocholestrolmiant de sources de fibresalimentaires solubles (son d'avoine, pectines, gommes) est

d plusieurs effets complmentaires comme une diminution de la digestion et de l'absorption des lipides alimentaires et du cholestrol, des modifications de la lipmie et des lipoprotines postprandiales et une squestration des sels biliaires conduisant leur excrtion accrue dans les selles. Par ailleurs, la prsence de glucides indigestibles module de faon trs marque la fonctionnalit du clon (Cummings, 1986). Les sources de fibres peu fermentables, gnralement insolubles (son de bl riche en cellulose et hmi-celluloses du pain bis et complet, par exemple) normalisent le transit colique et rduisent la constipation trs efficacement en augmentant le volume du contenu et son hydratation, favorisant l'activit musculaire du clon. Les sources de fibres fermentables, gnralement solubles ( -glucanes, hmicelluloses, pectines, gommes) participent cet effet mais de faon moins marque cause de leur progressive dgradation sous l'action fermentaire de la flore colique. En revanche, la fermentation gnre des acides gras volatils chane courte (acides actique, propionique et butyrique) qui ont plusieurs effets mtaboliques importants (Cummings et coll., 1995). Les acides gras volatils participent la rgulation normale de la motricit colique, constituent une source essentielle d'nergie pour le colonocyte (surtout l'acide butyrique) et participent la rgulation des phnomnes de diffrenciation en agissant sur l'expression des gnes et le cycle cellulaire. De nombreux travaux exprimentaux en font des candidats de choix pour expliquer la relation inverse trouve par les pidmiologistes entre ingestion des fibres et cancer du clon. Les donnes disponibles indiquent que la quantit journalire moyenne de fibres actuellement ingre en France ne dpasse pas 20 g par jour, tant de l'ordre de 15-17 g/j chez les adultes et vraisemblablement moins chez des patients malades et les personnes ges ( Lairon, 1990; Lairon et Barry, 1993). Ce trop faible apport actuel de glucides indigestibles est un phnomne rcent qui rsulte des trs profonds changements de l'alimentation dans notre pays depuis le dbut du sicle: d'une alimentation base sur les aliments vgtaux (crales peu raffines, lgumes secs, pomme de terre) apportant environ 30 g/j de fibres on est pass une alimentation pauvre en fibres et riche en lipides base de produits d'origine animale. Sur la base des nombreux travaux raliss dans les deux dernires dcennies, il s'avre que le fonctionnement normal du tube digestif implique la prsence de glucides indigestibles en quantit suffisante. Aussi, on trouve un consensus international pour considrer que l'alimentation actuelle est dficiente en fibres alimentaires, avec la recommandation trs gnrale d'atteindre un ingr journalier en fibres de 25-30 g/j. La haute frquence des syndromes mtaboliques comme l'hypercholestrolmie ou le diabte non insulino -dpendant et de la constipation chronique, 20

des colopathies et du cancer du clon devrait donc conduire une attitude trs vigilante pour ce qui est des apports en glucides indigestibles.

Besoins en lipides Depuis ses origines, l'homme a toujours fait appel aux lipides pour satisfaire, en partie, ses besoins nergtiques. En bref, plus un aliment est riche en lipides, plus sa densit nergtique est importante (tableau 2.II). Quand aux lipides stocks dans le tissu adipeux, ils constituent l'essentiel des rserves nergtiques de l'organisme (figure 2.1).Tableau 2.11: Densit en lipides de diffrents aliments (g/100 kcal).AlimentPois chiche Veau,escalope Pte aux ufs,crue Biscuit,petit beurre Truite Pizza Poisson pan Jambon de paris Lait entier cru B uf,entrecte Pomme de terre chips Camembert 40% mg

Densit(g/100kcl)1,9 2,0 2,1 2,2 2,7 4,4 5,1 5,5 5,7 5,8 6,7 7,2

AlimentPorc Emmenthal Omelette Saucisson sec Roquefort Amande Pt de foie de porc Avocat Beurre Margarine Sauce vinaigrette Huile et graisses

Densit(g/100kcal)7,4 7,6 8,1 8,6 8,9 9,3 9,6 10,1 11,0 11,1 11,1 11,1

Les acides gras apports par l'alimentation, sous forme essentiellement de triglycrides (50-140 g/j) et de beaucoup pl us faibles quantits de phospholipides (2- 4 g/j), sont importants beaucoup d'autres titres. Depuis les travaux pionniers de Burr en 1929, de Hansen et coll. dans les annes 1950 et de Holman en 1982 (Holman et Johnson, 1982), on sait que des apports alimentaires en deux acides gras sont ncessaires, leur donnant le statut d'acides gras essentiels ( Lairon et Mekki, 1996). Pour chacune des deux familles en n-6 et n-3 respectivement (tableau 2.III), le prcurseur a le statut d'acide gras essentiel car il n'est pas synthtisable dans l'organisme; il s'agit de l'acide linolique (C18 :2, n-6) et de l'acide -linolnique (C18 :3, n-3). Chacun de ces deux acides gras essentiels subit des transformations biochimiques dans l'organisme, sous la forme de cascades de ractions d'longation et de dsaturation pour la plupart, que l'on peut rsumer comme indiqu dans le tableau 2.III. Certains des acides gras chane longue produits peuvent devenir indispensables si leur taux de synthse endogne est insuffisant dans certaines situations; c'est le cas de l'acide arachidonique (AA: C20 :4, n-6), 21

de l'acide eicosapentanoque (EPA: C20 :5, n-3) et de l'acide docosahexanoque (DHA: C22 :6, n -3), qui doivent alors tre apports par certains aliments.

Le caractre essentiel ou indispensable de ces acides gras est li plusieurs de leurs fonctions biologiques, comme: intgration dans les phospholipides membranaires qui confre leur aux membranes de toutes les cellules leur fonctionnalit, cause de leur nature physicochimique. C'est tout particulirement le cas du systme nerveux ou de la rtine dont les phospholipides sont trs riches en DHA; rle de prcurseur (en particulier l'acide arachidonique) pour la leur synthse des mdiateurs de la famille des eicosanodes comme les prostaglandines, thromboxanes et leucotrines; triglycrides sanguins, le dveloppement du systme nerveux, la fonction plaquettaire, la fonction reproductive, la fonction pidermique, le systme immunitaire et la rponse inflammatoire; leurs fonctions spcifiques de rgulation de l'expression des gnes en relation avec les apports nutritionnels et/ou des stades critiques de la maturation et de la diffrenciation cellulaire. 22

Acides gras, mtabolisme lipidique et maladies cardio-vasculairesDes donnes ont t accumules depuis des dcennies, dont on peut faire la synthse suivante (Grundy, 1994; Connor, 1994; Gardner et Kraemer, 1995). Sur les paramtres du mtabolisme lipidique jeun (tableau 2.IV), il s'avre que les acides gras saturs, en particulier les acides myristique (C10 :0), laurique (C12 :0), (C14 :0) et palmitique (C16 :0), lvent la cholestrolmie et le cholestrol LDL. Les acides gras mono -insaturs (essentiellement l'acide olique, C18 :1, n-9) abaissent la cholestrolmie et le cholestrol LDL sans affecter le cholestrol HDL ni les triglycrides. Les acides gras poly -insaturs de la srie n-6 (essentiellement l'acide linolique, C18 :2) abaissent la cholestrolmie et le cholestrol LDL, en abaissant le cholestrol HDL. Les acides gras poly-insaturs de la srie n-3 (essentiellement les acides alpha-linolnique, C18 :3; EPA, C20 :5 et DHA, C22 :6) abaissent faiblement la cholestrolmie, ne rduisent pas le cholestrol LDL mais augmentent le cholestrol HDL et rduisent fortement la triglycridmie. En priode postprandiale, les triglycrides riches en acides gras de la srie n-3 limitent l'augmentation de la triglycridmie et des lipoprotines riches en triglycrides par comparaison aux autres sources d'acides gras (Lairon, 1996b).

Sachant que le risque cardiovasculaire est positivement corrl la cholestrolmie jeun, la triglycridmie jeun et l'hyperlipidmie postprandiale, on comprend la relation qui s'tablit entre acides gras alimentaires et maladies cardiovasculaires, telle que rapporte par des tudes pidmiologiques ( Caggiula et Mustad, 1997) ou d'intervention. Il est aussi souligner que les acides gras des sries n-3, et un degr moindre n-6, peuvent diminuer les risques de thrombose et a baissent, modrment, la tension artrielle ( Knapp, 1997). 23

Acides gras, immunit et inflammation De nombreuses donnes ont pu tre accumules qui dmontrent l'influence des acides gras sur la rponse immunitaire (Meydani, 1990; Grimble, 1990; FAO/WHO, 1994). Cet effet dpend de la quantit de lipides ingrs, de la nature des acides gras, de l'ge des sujets, du statut en vitamine E. de l'tat infectieux. Un acide gras essentiel, l'acide linolique (C18 :2, n -6), est ncessaire une fonction immunitaire normale. Sa dficience entrane une moindre rponse des cellules immune comptentes B et T. En revanche, des exemples de supplmentation bnfique ont t rapports chez des patients atteints de sclrose multiple.Un autre acide gras essentiel, l'acide linolnique (C18 :3, n -3), diminue la raction inflammatoire chez l'animal, mais son effet reste encore assez peu document chez l'homme. Ceci est vraisemblablement d la stimulation de la synthse de l'EPA au dtriment de celle de l'acide arachidonique (AA), entranant une diminution de la production de prostaglandine PGE2 et de leukotrines partir de l'AA, leur prcurseur principal. Les acides gras poly-insaturs longue chane (EPA, DHA) ont des effets documents chez l'homme. Ces acides gras diminuent la production de cytokines proinflammatoires ( IL- 1. IL-6, TNF) (Erickson et Hubbard, 1996 ) et diminuent l'inflammation dans diverses situations pathologiques (arthrite, psoriasis, colite ulcrative). Cependant, en excs (plusieurs grammes par jour), ces acides gras peuvent diminuer la rponse immunitaire des cellules T, ce qui peut se traduire par une moindre rsistance aux infections. Acides gras et cancers De nombreuses donnes pidmiologiques attestent de l'importance des facteurs de l'environnement, dont l'alimentation, sur la frquence de divers cancers. Ainsi, une frquence leve du cancer du sein chez la femme est associe des rgimes riches en lipides, en particulier en acides gras saturs ou insaturs (Giovanucci et Willett, 1995). De plus, des rsultats rcents suggrent que le risque de mtastase du cancer du sein est beaucoup plus important chez les patientes dont des teneurs faibles en acide linolnique sont mesures dans les tissus. Dans le cancer de la prostate (Willett, 1997), des corrlations positives ont t trouves entre la frquence du cancer et des rgimes riches en lipides, mais pas dans le cas de rgimes riches en acide linolique ou en acides gras polyinsaturs longue chane. Dans le cas du cancer du clon, de nombreuses donnes pidmiologiques tablissent une corrlation positive entre la frquence de ce cancer et la 24

quantit de lipides ingrs par jour dans diffrents pays. Cependant, des tudes comparatives cas/tmoins ou des tudes de cohortes ne montrent pas une telle relation, avec des rgimes apportant de 30 40 % de l'apport nergtique par les lipides ( Giovanucci et Goldin, 1997). Carences en acides gras essentiels Chez les nouveau-ns et les trs jeunes enfants, la carence en acides gras essentiels se caractrise par un retard de dveloppement du systme nerveux se traduisant par une croissance ralentie, des capacits d'apprentissage rduites et des troubles de la vision par atteinte de la fonction rtinienne. Chez l'adulte, on observe des atteintes de la peau (dermatites), des retards de cicatrisation, une susceptibilit accrue aux infections et une rsistance moindre aux irradiations. Dans de nombreuses situations pathologiques, on trouve des diminutions des niveaux d'acides gras essentiels (acide linolnique) et/ou indispensables (AA, EPA, DHA). Trois causes essentielles ont pu tre identifies: dfaut d'apport d une sous -alimentation et/ou un dfaut spcifique; un malabsorption lipidique; une suroxydation des acides gras essentiels et indispensables cause soit une d'un dfaut d'apport nergtique, soit d'une dpense nergtique augmente. Quelques exemples peuvent tre pris pour illustrer cet aspect. Dans un groupe de personnes ges (76 2 ans), chroniquement malades et dnutries, on a pu observer des signes de carence en acides gras essentiels ( Cederholm et coll., 1994). Par comparaison avec un groupe contrle appari, des teneurs significativement rduites en acides gras n-6 (acide linolique et AA) et n -3 (EPA) ont t trouves dans les lipides plasmatiques. Elles taient accompagnes d'une rduction marque de l'hypersensibilit cutane. Aprs que certains de ces patients ont fait l'objet d'une intervention nutritionnelle spcifique pendant 3 mois (400 kcal supplmentaires par jour dont 8,4 g de lipides en grande majorit insaturs), une augmentation significative des acides gras n-3 des lipides plasmatiques a pu tre observe ainsi qu'une normalisation des scores du test cutan. Les patients atteints d'insuffisance pancratique chronique et donc dficients en lipases pancratiques ont une capacit d'assimilation des lipides qui peut tre seulement de 5 % de la valeur normale. Chez ces patients, on trouve des teneurs abaisses en acides gras essentiels et/ou indispensables dans la circulation. Cette situation s'explique trs logiquement par un dfaut d'apport d'acides gras essentiels. D'autres patients peuvent avoir des malabsorptions importantes cause d'un grle court ou d'une maladie de Crohn. Ainsi, chez 112 patients ayant l'une ou l'autre de ces deux dernires atteintes ( Jeppesen et coll., 1997), on a pu observer que plus la malabsorption est svre (de subnormale moins de 50 % de la normale), moins la teneur en acides gras 25

essentiels, acides linolique et linolnique des phospholipides sriques est importante, tandis que les teneurs en acides gras poly -insaturs n 3 chane longue (AA, EPA et DHA) sont proches de la normale. Ainsi, la dficience en acides gras essentiels atteint 38 % des patients ayant une malabsorption de 25-50 % et 67 % des patients ayant une malabsorption suprieure 50 %. Chez les patients souffrant de malabsorption lipidique (pancratite chronique, mucoviscidose, cholestase, obstruction des voies biliaires, grle court, maladie de Crohn), il convient donc tout d'abord d'amliorer la balance nergtique en augmentant les apports lipidiques et, quand cela est justifi, d'apporter des supplments enzymatiques (Christophe et Robberecht, 1996). Si des apports en triglycrides saturs chane courte et moyenne peuvent amliorer la couverture des besoins nergtiques, ils peuvent se substituer un apport complmentaire et ncessaire en acides gras essentiels. En effet, il s'agit aussi d'augmenter spcifiquement les apports en acides gras essentiels dans le but de normaliser les niveaux des acides linolique et linolnique ainsi que normaliser les niveaux d'EPA et de DHA pour atteindre un rapport optimal d'acides gras n-3/n-6. Les consquences attendues sont une amlioration de la condition gnrale et de la capacit vitale ainsi que la normalisation des niveaux d'hormone (T3) et de mtabolites pro-inflamatoires (PG2 ). Dans de nombreuses situations pathologiques ( Holman, 1998), on a rapport des dficits en acides gras de la srie n-3, comme illustr par la figure 2.3 pour le DHA. Ceux-ci peuvent tre d'autant plus importants que l'apport en acides gras de la srie n-6 est lev, ce qui est assez caractristique de la situation actuelle dans de nombreux pays industrialiss. Ceci s'explique par la comptition des deux prcurseurs des sries n 6 et n -3 qui sont des substrats communs de la cascade d'longation-dsaturation. Dans diverses situations pathologiques, il convient donc d'tre attentif aux apports spontans en acides gras de la srie n-3 et, si ceux-ci sont faibles, de les augmenter notablement. La situation des nouveau-ns prmaturs ou de petit poids pose des problmes spcifiques (Giovannini et coll., 1995). En effet, l'accrtion des lipides dans lesystme nerveux se fait de faon trs importante dans les trois derniers mois de la grossesse. Ainsi, dans ces cas, on est face des besoins critiques en acides gras comme le DHA, indispensable la fonctionnalit du systme nerveux et de la fonction visuelle (Woltil et coll., 1998). Chez le nouveau -n terme, il n'est pas tabli de faon certaine que son tat de prmaturit normale fait qu'il ne peut pas raliser de faon optimale la transformation de l'acide linolnique en EPA et DHA. Cependant, le lait maternel fournit, contrairement au lait de vache ou aux laits de vache materniss actuels, certaines quantits d'AA (0,4 %) et de DHA (0,4 %) qui peuvent compenser cette ventuelle limitation. Si le lait matemel semble optimal en matire de digestibilit des lipides et de source d'acides gras indispensables, il semble opportun de recommander aux femmes enceintes, en particulier en fin de grossesse et aux femmes allaitantes, d'enrichir

leur alimentation en acides gras essentiels et indispensables puisque

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l'alimentation de la femme influence la composition lipidique de son lait (Cherian et Sim, 1996). Apports recommands en lipides Les besoins quantitatifs en acides gras essentiels ont pu tre valus chez l'adulte et semblent faire maintenant l'objet d'un consensus international. Au total, il est recommand pour couvrir les besoins que 7 % de l'apport nergtique total, voire 10 % au plus, soit au maximum un tiers des acides gras totaux, soient sous la forme d'acides gras poly-insaturs, en proportions relatives adquates (n -6/n-3: 5 10). L'acide olique (C18 :1, n-9) reprsente la quasi-totalit des acides gras mono-insaturs prsents dans l'organisme et l'alimentation. Il n'est pas essentiel dans le sens o l'organisme humain peut en raliser la synthse. Cependant, par le fait qu'il n'augmente pas, et mme abaisse la cholestrolmie et le cholestrol LDL sans diminuer le cholestrol HDL, et qu'il est peu sujet la proxydation lipidique, il prsente un intrt nutritionnel de premier plan. Aussi, contrairement aux acides gras saturs et 27

poly-insaturs dont tout excs doit tre vit, la consommation d'acide olique est fortement encourage: il pourrait ainsi reprsenter la moiti, voire plus de l'apport lipidique recommand (30 -35 % au plus de l'apport nergti que). Les besoins en acides gras indispensables sont en revanche toujours en cours d'tude chez l'homme et font encore l'objet de discussions. Les donnes actuelles franaises (Dupin et coll., 1992), qui sont en cours de rvision, sont les suivantes: chez l'adulte et l'enfant, un apport minimal d'acide linolique (C18 :2, n-6) de 3 6 % de l'apport nergtique total est recommand; chez l'adulte ingrant 2 500 kcal/j (10 450 kJ/j), cela correspond 8-16 g/j. Un apport minimal plus lev (4,5 % 6 % de l'apport nergtique) est recommand pour les femmes enceintes et allaitantes. Chez les personnes ges, la couverture des besoins, difficilement reliable aux apports nergtiques qui sont trs variables, est estime 5 -8 g/j. Le besoin du nouveau-n a t estim en France 2,7 -5,4 % de l'apport nergtique total. Pour ce qui est de l'acide -linolnique (C18 :3, n-3), les besoins des enfants et adultes sont couverts par des apports minimaux de 0,5 1% de l'apport nergtique, soit 1,4 2,7 g/j. Compte tenu des faibles rserves dans l'organisme humain, la valeur recommande pour la femme enceinte ou allaitante est de 1-1,2 % de l'apport nergtique. Un apport de 0,7 -1,2 g/j devrait couvrir les besoins de la personne ge. Chez le nouveau n, les besoins correspondent un apport minimal de 0,3 % 1% de l'apport nergtique total. On doit viter des excs importants en l'un ou l'autre de ces acides gras essentiels pour deux raisons principales: l'une est la peroxydation que subissent les acides gras poly-insaturs, phnomne im pliqu dans le caractre athrogne des lipoprotines et dans l'hyperaggrgabilit plaquettaire. La seconde est la comptition entre les acides gras dans les cascades mtaboliques, soit au niveau des enzymes communes assurant les transformations des n-6 et n-3, soit par exemple entre l'acide arachidonique et son prcurseur l'acide linolique pour l'incorporation dans les phospholipides membranaires. Aussi, l'on prconise l'heure actuelle un rapport n-6/n-3 de l'ordre de 4-5 10. Deux autres acides gras polyinsaturs de la famille n-3 prsentent un caractre potentiellement indispensable: il s'agit de l'acide eicosapentanoque EPA (C20 :5, n-3) et de l'acide docosahexanoque DHA (C22 :6, n 3), dont les principales sources alimentaires sont les lipides de poisson et, un degr moindre, des vgtaux verts. Ces deux acides gras trs longue chane trs insature peuvent tre produits, mais parfois de faon insuffisante, par synthse endogne partir du prcurseur (tableau 2.III), l'acide -linolnique. Pour cela, chez le nouveau -n prmatur, il semble que l'EPA et le DHA aient un caractre indispensable maintenant reconnu. En revanche, la ncessit de l'ingestion de ces deux acides gras chez les nouveau -ns terme et en bonne sant est encore en discussion. On peut penser que les quantits prsentes

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dans le lait matemel sont suffisantes, bien que faibles, pour couvrir des besoins normaux. La supplmentation des prparations base de lait de vache en EPA et DHA, qui en est dpourvu naturellement, est en dveloppement. Pour ces laits reconstitus, il semble qu'un objectif raisonnable soit, en particulier pour les nouveau-ns prmaturs, d'apporter 700 mg d'acide linolique, 50 mg d'acide a-linolnique, 60 mg d'AA et 40 mg d'EPA par jour et par kilo de poids. L'observation que des supplmentations en EPA/DHA conduisent des diminutions des teneurs en acide arachidonique des lipides endognes indique que la marge de man uvre pour des supplmentations est probablement assez troite. En conclusion, les besoins nergtiques de l'organisme doivent en priorit tre couverts par des apports en glucides digestibles, en priorit des amidons. Des glucides indigestibles (fibres alimentaires) doivent aussi tre ingrs en quantit suffisante pour permettre une fonctionnalit optimale du tube digestif et moduler de faon bnfique l'assimilation des glucides et des lipides. Cependant, dans des situations extrmes, d'importants apports en lipides peuvent permettre d'atteindre des apports nergtiques levs. En rgle gn rale, des quantits modres de lipides alimentaires sont suffisantes pour couvrir les besoins. Si les apports en acides gras saturs sont limiter, les sources d'acides gras mono-insaturs sont privilgier, ainsi que celles d'acides gras poly-insaturs, en veillant des apports suffisants en acides gras poly-insaturs de la famille n-3. 29

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3 Besoins, carences et supplmentations en vitamines et minraux

L'un des problmes majeurs poss par l'valuation des apports nutritionnels conseills en micronutriments est l'valuation du statut partir d'outils biologiques sensibles et spcifiques. Ainsi, il n'existe pas, l'heure actuelle, de marqueur unique et c'est plutt sur la conjonction d'arguments cliniques et biologiques, ainsi que sur les rsultats d'enqutes pidmiologiques et de travaux de recherches cliniques raliss dans les diffrentes situations o existe une malnutrition que sont dfinis les besoins d'une population. La carence en micronutriments, souvent isole, est dans les pays dvelopps le rsultat d'une malabsorption augmentant les pertes ou, plus rarement, d'une augmentation des besoins non compenss par les apports. Le diagnostic clinique d'une carence, que celle -ci soit isole ou associe une dnutrition globale, est souvent difficile, car les signes cliniques sont trs varis et plus ou moins prsents selon les individus et les situations pathologiques associes. Ainsi, par exemple, une carence en coenzyme B peut tre inaugure cliniquement par une anmie, par une neuropathie priphrique ou encore par des signes digestifs ou une atteinte de l'tat gnral. L'volution des mthodes biologiques d'valuation du statut en micronutriments a permis galement de dfinir des tats subcarentiels et des tats carentiels infracliniques, contribuant ainsi la dfinition de groupes risques o se pose le problme d'un dpistage et d'une supplmentation systmatique (Le Mol et coll., 1998). Nous envisagerons successivement les principales vitamines responsables de carences en France, puis nous aborderons trois situations o ont t voques des carences en micronutriments: la grossesse, les maladies cardiovasculaires et le cancer. Gnralits Les besoins journaliers en micronutriments reprsentent la dose minimale quotidienne requise pour prvenir l'installation d'une carence. Les besoins

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sont variables selon les individus et les populations de l'ensemble du globe, et dpendent de facteurs nutritionnels, gntiques et environnementaux. Afin de permettre la couverture des besoins sur l'ensemble d'une population, les apports quotidiens moyens sur une priode de temps prolonge, ncessaires la prvention de la carence, dfinissent le concept d'apport nutritionnel conseill. Ils correspondent thoriquement aux besoins journaliers moyens + 2 dviations standards. Besoins journaliers et apports conseills L'valuation des apports nutritionnels conseills pour les micronutriments est particulirement difficile. Elle ncessite de disposer de moyens efficaces pour dterminer le statut en micronutriments. Parmi ces moyens, on peut citer la courbe de croissance (pour les enfants), la concentration sanguine et plasmatique en micronutriments, la concentration dans les cheveux et les phanres avant et aprs complmentation en micronutriments, la balance chimique, la dtermination de perturbations des systmes dpendants du statut en micronutriments, tels que le systme immunitaire, les signes cliniques objectifs et les troubles cognitifs du comportement (O'Dell, 1996). La mthode la plus utilise a t jusqu' ce jour la balance chimique, particulirement pour les lments traces minraux. Elle est cependant limite par l'imprative ncessit d'une dtermination prcise des pertes, souvent difficile mettre en uvre, et par une valuation des ingesta partir de tables de composition o il est difficile de tenir compte de la biodisponibilit, du fait d'interfrences entre micronutriments, macronutriments et fraction non digestible de l'alimentation (Aras et Olmez, 1995; Shimbo et coll., 1996). Les apports nutritionnels conseills sont en cours de rvaluation aux tats -Unis ainsi qu'en France. Les donnes qui seront indiques ici, datant en gnral de 1989, seront donc prochainement rvises. Les dosages sur prlvements biopsiques, notamment les prlvements hpatiques, sont d'excellents indicateurs pour des lments traces comme le fer, le cuivre et le slnium, mais videmment impossibles mettre en uvre en dehors d'un contexte pathologique. La dtermination des marqueurs sriques est souvent utile, mais non suffisante, car le taux circulant, l'exception du fer, n'est pas reprsentatif des stocks tissulaires de l'organisme entier (O'Dell, 1996). L'utilisation d'isotopes stables pour mesurer les pools et la compartimentation des lments traces minraux est un outil sophistiqu et prcis, mais onreux et uniquement accessible des laboratoires trs spcialiss. On peut utiliser plusieurs isotopes stables pour un lment trace donn; par exemple, L administration de zinc 67, 68 et 70 permet de faire la part de l'excrtion, de l'absorption et de la rpartition dans les diffrents compartiments. Finalement, ces techniques s'avrent soit trop imprcises, soit trop complexes pour permettre une valuation du statut sur un chantillonnage suffisamment large de la population. L'outil pidmiologique ralis partir d'enqutes, telle 34

SU.VI.MAX, s'avre particulirement utile dans la mesure o il permet de confronter des marqueurs biologiques simples aux ingesta et au statut clinique de la population considre. Les besoins journaliers dpendent de plusieurs facteurs de variabilit. Il existe de nombreuses interactions entre les diffrents micronutriments, mais galement entre les micro - et les macronutriments et la fraction non digre de l'alimentation. Ainsi, par exemple, le zinc influe sur l'absorption en folates, la vitamine C sur celle du fer, les phytates et les oxalates sur un grand nombre de nutriments... La biodisponibilit d'un micronutriment doit tenir compte galement du rendement digestif de l'absorption et, par consquent, du rendement physiologique propre chaque individu. C'est ainsi que la biodisponibilit des micronutriments chez le sujet g ne peut tre extrapole partir de celle dtermine chez les adultes d'ge infrieur. De mme, le statut mtabolique conditionne les besoins et l'valuation du statut en micronutriments dans diffrentes circonstances de la vie, permettant de dfinir des groupes risques, o les besoins sont augments sans augmentation des pertes. Ainsi, la croissance de l'enfant, la grossesse, l'allaitement, l'exercice physique intense et rpt sont des circonstances o le statut mtabolique est modifi. Facteurs tiologiques d'une carence Si l'inadquation entre les besoins et les pertes est un cas possible de carence infraclinique et/ou de sub-carence dans la population, les carences en micronutriments sont souvent le rsultat d'une augmentation des pertes secondaires une pathologie digestive entranant une malabsorption. D'un point de vue physiopathologique, les gastrites chroniques avec hypochlorhydrie affectent notamment l'assimilation du fer, du calcium, de la vitamine B12 et des folates. L'insuffisance pancratique peut, dans le cas d'une malabsorption globale, affecter l'absorption des vitamines liposolubles. Les pathologies hpatobiliaires et pancratiques peuvent, en interrompant la circulation entro-hpatique, provoquer une perte de micronutriments tels que la vitamine A, la vitamine D, les folates, la vitamine B12 excrts dans la bile. Les atrophies villositaires, les entrocolites, mais aussi les squelles de traitements mdico-chirurgicaux (grle inflammatoire, grle court, syndrome de l'anse borgne, grle radique) peuvent galement tre responsables d'un syndrome de carence par malabsorption souvent multiple en micronutriments (Guant et coll., 1998). Enfin, un dernier lment est prendre en compte dans la survenue d'une carence. Les stocks tissulaires en micronutriments sont trs variables selon le type de micronutriments conseills et ces stocks peuvent tre diminus dans certaines pathologies. Le foie est un site de stockage prdominant pour un grand nombre de micronutriments, parmi lesquels la vitamine A, les coenzymes B. le fer. Ainsi, les hpatopathies chroniques, notamment celles provoques par l'alcoolisme, peuvent constituer une cause favorisante de carence 35

par diminution des capacits de stockage. Le dlai d'apparition entre l'installation d'un dficit apports/besoins et l'apparition d'une carence clinique varie en fonction de ces stocks tissulaires. Classiquement, on considre que les carences en vitamines hydrosolubles apparaissent plus prcocement que les carences en vitamines liposolubles, car leurs stocks tissulaires sont plus faibles (Alpers et coll., 1995). Diagnostic positif d'une carence en micronutriments Le diagnostic positif d'une carence repose sur des arguments essentiellement cliniques et biologiques, voire paracliniques. Ces signes sont trs variables selon le micronutriment considr et/ou l'existence d'un syndrome de carence affectant plusieurs nutriments. Sur le plan biologique, trois types de tests apportent une contribution au diagnostic positif: le dosage des micronutriments dans le sang, le dosage d'effecteurs mtaboliques et les tests enzymatiques de complmentation. Dosage des micronutriments dans le sang Selon les cas, ces dosages se font par spectromtrie d'absorption atomique (lments traces minraux), par mthodologie microbiologique (coenzymes B), radio-immunologique (vitamine D3, vitamine B12, folates), radio-enzymatique (vitamine B6) ou par CLHP (la plupart des vitamines). La CLHP est de mise en uvre plus difficile, mais elle est, en gnral, une mthode de choix, car elle permet de sparer les diffrentes formes circulantes (vitamers), coenzymatiques ou non, des vitamines, dont certaines constituent d'excellents paramtres d'apprciation de leur mtabolisme. Citons notamment le dosage des vitamers de la riboflavine, des folates, de la vitamine B12, de la vitamine A, de la vitamine D. Le dosage dans les rythrocytes est une approche trs indirecte de l'valuation du stock tissulaire, il se pratique notamment pour les folates, pour la vitamine B12, pour la vitamine B1. Dosage d'effecteurs mtaboliques Le dosage d'effecteurs mtaboliques intervient souvent en complment des dosages sriques, ainsi peut-on doser les acides organiques urina ires pour valuer le statut en coenzymes B. notamment en thiamine et en riboflavine. L'acide lactique, le pyruvate, l -ctoglutarate et l'alanine, sont des marqueurs indirects de la carenc en vitamine B1. L'homocystine, I'acide mthylmalo-nique et la cystathionine sont des marqueurs utiles au dpistage des carences en folates, vitamine B12 et vitamine B6 (Schneede et coll., 1994). Tests de complmentation enzymatique Les tests de complmentation sont parfois de meilleurs indicateurs d'une carence tissulaire que le taux circulant de la vitamine ou de l'lment trace considr. Les activits enzymatiques sont dtermines avant et aprs complmentation en micronutriments, permettant la dtermination d'un rapport 36 entre, respectivement, l'activit en prsence ou en absence du micronutriment. Le rapport augmente en situation de carence. Ces tests concernent la transctolase

rythrocytaire pour la vitamine B1, la glutathion rductase pour la vitamine B12 et les transaminases rythrocytaires pour la vitamine B6. Diagnostic tiologique d'une carence Il repose sur la mise en vidence d'une malabsorption en micronutriments et fait appel des tests de charge (Guant et coll., 1998). Le test de charge le plus connu est le test de Schilling qui permet de dpister la malabsorption en vitamine B12 par ingestion de vitamine B12 radiomarque au cobalt 57 ou 58. L'excrtion urinaire du traceur est dtermine aprs saturation des protines de transport endognes par injection de vitamine B12 non radioactive. D'autres tests de charge sont galement utiles: test de charge en rtinol, avec dosage du rtinol plasmatique, avant et cinq heures aprs l'administration de rtinyl palmitate afin de dterminer un index RDR (rponse relative la dose). D'autres tests de charge existent, comme ceux valuant l'absorption des folates et l'absorption du fer, avec mesure de la concentration plasmatique du fer aprs ingestion de fer ferrique compare celle du fer ferreux. Les dosages des protines de transport et des enzymes cibles sont souvent utiles pour le diagnostic des maladies gntiques affectant soit le transport, soit l'activit mtabolique du co-enzyme ou de l'lment trace minral. Plus rcemment ont t mises au point des techniques de gnotypage des protines de transport et des enzymes cibles qui permettront, dans un avenir proche, de tenir compte des facteurs gntiques dans la dfinition des besoins et de l'identification de groupes risques. Cela concerne notamment le gnotypage de la MTHFR (mthylne ttrahydrofolate rductase) et de la transcobalamine. Les tests cellulaires raliss souvent sur fibroblastes permettent de rechercher les anomalies du transport et du mtabolisme intracellulaire des coenzymes. Ils consistent tudier l'incorporation de prcurseurs mtaboliques radiomarqus et de dterminer le taux de conversion en produit mtabolique. Ces taux sont notamment utiles pour dpister les affections congnitales du transport intracellulaire des cobalamines. Carences en principaux micronutriments inorganiques Les carences en principaux micronutriments concernent le calcium, le magnsium, le fer et le zinc. Elles peuvent rsulter d'une baisse d'apport nutritionnel ou de circonstances pathologiques ou physiopathologiques qui augmentent les besoins .37 Calcium

Les besoins en calcium, cation majoritaire du tissu osseux, sont corrls aux apports nergtiques. Le calcium est principalement apport par les aliments d'origine lacte, ainsi que par les fruits et lgumes, la viande et le poisson. L'absorption du calcium dpend du pH gastrique. pH acide, infrieur 3,5, le citrate et le phosphate de calcium sont solubles et le calcium est sous forme ionise. Le rle de la casine est mal prcis, ainsi que l'effet de l'hydrolyse de la casine par la pepsine. pH neutre, le calcium est principalement sous forme de phosphate de calcium en suspension dans des micelles de casine. Le calcium peut galement se complexes avec d'autres anions tels que le citrate. Le calcium d'origine vgtale peut se complexer avec des phytates, des oxalates et autres fibres non digestibles qui peuvent diminuer sa biodisponibilit. Dans les aliments d'origine animale, le calcium est complex avec les protines et il est probable que l'hydrolyse des protines augmente sa biodisponibilit. La digestion des lipides affecte galement l'absorption du calcium. En effet, le calcium peut coprcipiter avec les acides gras. l'oppos, le lactose, le fructose et le glucose ont un effet favorable sur l'absorption du calcium (Alpers et coll., 1995). Parmi les sources principales de calcium dans l'alimentation, on citera les yaourts, les