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22 formation dossier Cannabis, psychostimulants et psychodysleptiques Actualités pharmaceutiques n° 483 Mars 2009 La consommation de cocaïne et surtout de crack (obtenu par la transformation de la cocaïne mélangée avec du bicarbonate de soude, de l’éther ou de l’ammoniaque), marginale jusque dans les années 1990, est en constante augmentation. La consommation de l’ecstasy, dont le principe actif est le 3,4 méthylènedioxyméthamphétamine, est en constante progression depuis son apparition dans les années 1990. Ce sont souvent de jeunes consommateurs inexpéri- mentés dans le domaine de la drogue qui en prennent. Il s’agit de la “drogue techno” par excellence. Elle est souvent mélangée à des excipients nombreux et dange- reux comme des antidépresseurs, des β-bloquants ou des anti-arythmiques. Le LSD et les champignons hallucinogènes sont consom- més de manière équivalente. Quels sont les effets recherchés ? Les psychostimulants (cocaïne, crack) produisent une euphorie, une déshinibition, une augmentation des performances cognitives (mémoire, attention). Les psychodysleptiques (LSD, champignons) occa- sionnent une altération cognitive (le cours de la pensée est altéré, des phénomènes mnésiques inhabituels sur- viennent) et sensorielle (lévitation, perceptions visuel- les et auditives curieuses, jusqu’à des phénomènes délirants). Les entactogènes ou empathogènes (ecstasy) pro- curent une sensation de communication particulière avec son corps, en accord avec la musique rythmée des soi- rées techno. En revanche, toute communication avec les personnes extérieures est coupée. L’ensemble de ces produits engendre une augmenta- tion de la température corporelle, une tachycardie, une élévation de la pression artérielle, une anorexie et une résistance au sommeil. Quelles sont les complications de la consommation ? Les complications de la consommation sont de trois ordres. Les complications psychiatriques appelées bad trip où l’on décrit des troubles anxiodépressifs, avec parfois attaque de panique, mais surtout des épisodes psycho- tiques, soit de type très agressifs (auto- ou hétéro-) para- noïdes avec les psychostimulants, soit très délirants hal- lucinatoires avec les psychodysleptiques. Les complications somatiques sont à type d’altérations de l’état général quand la consommation est chronique et de déshydratation fréquente surtout avec l’ecstasy. La cocaïne et le crack provoquent des complications cardiovasculaires : poussées hypertensives avec ses complications (hémorragies cérébrales...), risque de nécrose, d’infarctus du myocarde et d’arythmie (tachy- cardie sinusale, fibrillation auriculaire, fibrillation ventri- culaire), et perforation de la cloison nasale. Les complications sociales sont le repli et l’isolement. François Pillon Docteur en pharmacie, Dijon (21) [email protected] Toute comme pour d’autres maladies chroniques (asthme, diabète), le pharmacien est l’un des acteurs incontournable de l’éducation thérapeutique du patient dépendant qui, par définition, est un malade chronique donc sujet aux rechutes et nécessitant parfois des traitements au long cours y compris en cas d’abstinence (rémission) prolongée. La motivation du patient, plus que la volonté, mais aussi celle des différents acteurs de santé, est le pivot central d’une prise en charge de qualité. Dans ce domaine, la place du pharmacien est clairement évoquée dans l’article R. 4235-2 du Code de santé publique indiquant qu’il « … contribue notamment à la lutte contre la toxicomanie, les maladies sexuellement transmissibles et le dopage ». De plus, l’article R. 5132-99 stipule que « tout médecin, pharmacien, chirurgien, dentiste ou sage-femme doit obligatoire- ment déclarer les cas d’abus graves et de pharmacodépendance graves aux centres d’évaluation et d’information sur les pharmaco- dépendances (CEIP) ». Par ailleurs, le renforcement des liens du tandem médecin-phar- macien semble être l’une des conditions sine qua none au bon fonctionnement de la prise en charge globale du patient, qu’elle passe ou non par des réseaux de soins spécialisés dans les addictions. Enfin, une rencontre récente (janvier 2009) entre le président de l’Ordre des pharmaciens et le directeur de la Mission inter- ministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), portant sur la mobilisation des pharmaciens en tant qu’acteurs de santé publique dans le domaine des addictions, s’est soldée par la nécessité d’impliquer les journaux pharmaceutiques spécialisés dans les campagnes de communications sur ce sujet, de participer au groupe de travail de la MILDT en matière de prévention et de prise en charge des addictions, de relayer auprès des doyens de facultés de pharmacie la demande de création d’un module obli- gatoire “santé publique et sécurité sanitaire” et d’agir avec déter- mination contre l’usage détourné des médicaments psychoactifs par le biais du réseau des conseillers régionaux référents dans le domaine des toxicomanies. Ce qu’il faut retenir sur l’addictologie à l’officine © BSIP/Phototake/Hansen La consommation d’ecstasy est en constante progression depuis son apparition dans les années 1990.

Ce qu’il faut retenir sur l’addictologie à l’officine

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Cannabis, psychostimulants et psychodysleptiques

Actualités pharmaceutiques n° 483 Mars 2009

La consommation de cocaïne et surtout de crack (obtenu par la transformation de la cocaïne mélangée avec du bicarbonate de soude, de l’éther ou de l’ammoniaque), marginale jusque dans les années 1990, est en constante augmentation.La consommation de l’ecstasy, dont le principe actif est le 3,4 méthylènedioxyméthamphétamine, est en constante progression depuis son apparition dans les années 1990. Ce sont souvent de jeunes consommateurs inexpéri-mentés dans le domaine de la drogue qui en prennent. Il s’agit de la “drogue techno” par excellence. Elle est souvent mélangée à des excipients nombreux et dange-reux comme des anti dépresseurs, des β-bloquants ou des anti-arythmiques.Le LSD et les champignons hallucinogènes sont consom-més de manière équivalente.

Quels sont les effets recherchés ?Les psychostimulants (cocaïne, crack) produisent

une euphorie, une déshinibition, une augmentation des performances cognitives (mémoire, attention).

Les psychodysleptiques (LSD, champignons) occa-sionnent une altération cognitive (le cours de la pensée est altéré, des phénomènes mnésiques inhabituels sur-viennent) et sensorielle (lévitation, perceptions visuel-les et auditives curieuses, jusqu’à des phénomènes délirants).

Les entactogènes ou empathogènes (ecstasy) pro-curent une sensation de communication particulière avec son corps, en accord avec la musique rythmée des soi-

rées techno. En revanche, toute communication avec les personnes extérieures est coupée.L’ensemble de ces produits engendre une augmenta-tion de la température corporelle, une tachycardie, une élévation de la pression artérielle, une anorexie et une résistance au sommeil.

Quelles sont les complications de la consommation ?Les complications de la consommation sont de trois ordres.

Les complications psychiatriques appelées bad trip où l’on décrit des troubles anxiodépressifs, avec parfois attaque de panique, mais surtout des épisodes psycho-tiques, soit de type très agressifs (auto- ou hétéro-) para-noïdes avec les psychostimulants, soit très délirants hal-lucinatoires avec les psychodysleptiques.

Les complications somatiques sont à type d’altérations de l’état général quand la consommation est chronique et de déshydratation fréquente surtout avec l’ecstasy.La cocaïne et le crack provoquent des complications cardiovasculaires : poussées hypertensives avec ses complications (hémorragies cérébrales...), risque de nécrose, d’infarctus du myocarde et d’arythmie (tachy-cardie sinusale, fibrillation auriculaire, fibrillation ventri-culaire), et perforation de la cloison nasale.

Les complications sociales sont le repli et l’isolement. �

François Pillon

Docteur en pharmacie, Dijon (21)

[email protected]

Toute comme pour d’autres maladies chroniques (asthme, diabète), le pharmacien est l’un des acteurs incontournable de l’éducation thérapeutique du patient dépendant qui, par définition, est un malade chronique donc sujet aux rechutes et nécessitant parfois des traitements au long cours y compris en cas d’abstinence (rémission) prolongée. La motivation du patient, plus que la volonté, mais aussi celle des différents acteurs de santé, est le pivot central d’une prise en charge de qualité. Dans ce domaine, la place du pharmacien est clairement évoquée dans l’article R. 4235-2 du Code de santé publique indiquant qu’il « … contribue notamment à la lutte contre la toxicomanie, les maladies sexuellement transmissibles et le dopage ». De plus, l’article R. 5132-99 stipule que « tout médecin, pharmacien, chirurgien, dentiste ou sage-femme doit obligatoire-ment déclarer les cas d’abus graves et de pharmacodépendance graves aux centres d’évaluation et d’information sur les pharmaco-dépendances (CEIP) ». Par ailleurs, le renforcement des liens du tandem médecin-phar-macien semble être l’une des conditions sine qua none au bon

fonctionnement de la prise en charge globale du patient, qu’elle passe ou non par des réseaux de soins spécialisés dans les addictions. Enfin, une rencontre récente (janvier 2009) entre le président de l’Ordre des pharmaciens et le directeur de la Mission inter-ministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), portant sur la mobilisation des pharmaciens en tant qu’acteurs de santé publique dans le domaine des addictions, s’est soldée par la nécessité d’impliquer les journaux pharmaceutiques spécialisés dans les campagnes de communications sur ce sujet, de participer au groupe de travail de la MILDT en matière de prévention et de prise en charge des addictions, de relayer auprès des doyens de facultés de pharmacie la demande de création d’un module obli-gatoire “santé publique et sécurité sanitaire” et d’agir avec déter-mination contre l’usage détourné des médicaments psychoactifs par le biais du réseau des conseillers régionaux référents dans le domaine des toxicomanies.

Ce qu’il faut retenir sur l’addictologie à l’officine

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La consommation d’ecstasy est en constante progression depuis son apparition dans les années 1990.