3
CHAPTER 17. RÉSUMÉ EN FRANÇAIS Les plus anciens artefacts humains d’Afrique de l’Ouest ont été fabriqués il y a près de deux millions d’années au cours d’une période où la sécheresse dispersa les premiers êtres humains à travers le continent africain et même au-delà. Le mouvement des ceintures climatiques vers le nord et le sud a eu un impact très important sur les sociétés d’Afrique de l’Ouest pendant ces deux derniers millénaires au moins, provoquant notamment la chute de certains empires (connus sous les noms de Ghana, Mali, et Songhaï), qui avaient été fondés dans la région du Haut-Niger à partir de la n du premier millénaire. Ces empires avaient tissés des liens entre le Monde méditerranéen et l’Afrique de l’Ouest au moyen d’échanges commerciaux et culturels, incluant notam- ment la diffusion de l’Islam. Au cours de nombreuses périodes, la sécheresse força les populations locales à émigrer vers le sud vers des cli- mats plus humides. Ce phénomène, combiné avec celui de l’érosion des terres causé par les pratiques agricoles et celui de la déforestation occasionnée par les demand- es très élevées en charbon de bois pour la production de fer, occasionna de sérieux dégâts à l’environnement et presque créa le couloir sec dahoméen également dénom- mé « Bénin Gap », une interruption de la ceinture de forêt tropicale. La production de fer à un niveau industriel ces- sa du fait d’une pénurie de ressources. La modication du climat entraînant de plus au 16ème siècle des taux moins élevés de régénération de la forêt. Au 17ème siècle, un certain nombre de royaumes bien organisés s’établirent dans la ceinture sub-saharienne, les plus connus étant ceux d’Ashante et du Dahomey. De plus petits états côtiers développèrent des relations commer- ciales avec les marchands européens notamment à partir du 17ème siècle avec le trac d’esclaves. Les réalisations agricoles de ces états absolutistes aux relations conic- tuelles sont moins bien connues. Elles faisaient massive- ment appel à une main d’œuvre d’esclaves et se concen- traient sur de vastes territoires en comparaison desquelles toutes les plantations européennes paraissaient bien pe- tites. La présence européenne en Afrique de l’Ouest a été étudiée lors de travaux de fouilles sur le site du fort négri- er danois de Fredensborg et sur les plantations aux alen- tours qui avaient été une tentative de production agricole alternative destinée à l’exportation directe vers l’Europe. Jusqu’à récemment, les sociétés médiévales afric- aines de la ceinture du sud n’étaient véritablement con- nues qu’au Nigéria. Grâce à des travaux de recherches archéologiques menés par BDArch (Bénin-Danemark Archéologie) au Bénin, une séquence culturelle aussi longue que celle du Nigéria a pu être établie permettant notamment de réunir d’impressionnantes connaissances sur la production industrielle de fer dans ces régions. Au Ghana, des développements correspondants sont attestés dans le Nord où de nombreuses fouilles sur des sites de la culture Koma ont été effectuées. En outre, c’est égale- ment dans le nord du Ghana qu’ont été découvertes les premières traces de la plus ancienne culture de l’âge de pierre d’Afrique de l’Ouest, mises à jour lors de fouilles archéologiques préventives. Des résultats gratiants ont également été obtenus lors de fouilles sur des sites et des zones de production récents près de Tumu, dans le nord du Ghana. Signe de reconnaissance, un petit musée a été créé à Kasana, l’une des régions les plus pauvres du Monde. Ainsi, les recherches archéologiques récentes, en coopération avec l’université de Copenhague (dont le département des Sciences de la Nature), et les universités d’Abomey-Callavi au Bénin et de Ghana à Legon, ainsi qu’avec les institutions du patrimoine culturel des deux pays, a permis d’effectuer des découvertes qui ont ap- porté des connaissances historiques tout à fait uniques, voire sensationnelles qui éclairent d’un point de vue his- torique de nombreux thèmes de recherche importants et pertinents pour la résolution de problèmes actuels liés par exemple aux conditions climatiques, à l’utilisation de l’énergie et des ressources naturelles, au développe- ment agricole et à l’expansion démographique tout en entraînant une réexion sur la fragilité des états et sur les situations de conit. Les découvertes archéologiques ont été prodigieuses et apportent un éclairage tout à fait nouveau sur le destin expansif du Dahomey, sur son apogée au 17ème siècle et sur son déclin à partir en 1894 (lors de la conquête française). Une production de fer bien plus ancienne, développée aux environs de 700 après J.C., s’effectuait à une échelle véritablement industrielle (comparable à celle des Etrusques et des Romains de l’Antiquité). Elle était encouragée par l’exportation vers le Califat entraînant 17. Résumé En Français

CHAPTER 17. RÉSUMÉ EN FRANÇAIS

  • View
    225

  • Download
    3

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: CHAPTER 17. RÉSUMÉ EN FRANÇAIS

CHAPTER 17. RÉSUMÉ EN FRANÇAIS

Les plus anciens artefacts humains d’Afrique de l’Ouest ont été fabriqués il y a près de deux millions d’années au cours d’une période où la sécheresse dispersa les premiers êtres humains à travers le continent africain et même au-delà. Le mouvement des ceintures climatiques vers le nord et le sud a eu un impact très important sur les sociétés d’Afrique de l’Ouest pendant ces deux derniers millénaires au moins, provoquant notamment la chute de certains empires (connus sous les noms de Ghana, Mali, et Songhaï), qui avaient été fondés dans la région du Haut-Niger à partir de la fi n du premier millénaire.

Ces empires avaient tissés des liens entre le Monde méditerranéen et l’Afrique de l’Ouest au moyen d’échanges commerciaux et culturels, incluant notam-ment la diffusion de l’Islam.

Au cours de nombreuses périodes, la sécheresse força les populations locales à émigrer vers le sud vers des cli-mats plus humides. Ce phénomène, combiné avec celui de l’érosion des terres causé par les pratiques agricoles et celui de la déforestation occasionnée par les demand-es très élevées en charbon de bois pour la production de fer, occasionna de sérieux dégâts à l’environnement et presque créa le couloir sec dahoméen également dénom-mé « Bénin Gap », une interruption de la ceinture de forêt tropicale. La production de fer à un niveau industriel ces-sa du fait d’une pénurie de ressources. La modifi cation du climat entraînant de plus au 16ème siècle des taux moins élevés de régénération de la forêt.

Au 17ème siècle, un certain nombre de royaumes bien organisés s’établirent dans la ceinture sub-saharienne, les plus connus étant ceux d’Ashante et du Dahomey. De plus petits états côtiers développèrent des relations commer-ciales avec les marchands européens notamment à partir du 17ème siècle avec le trafi c d’esclaves. Les réalisations agricoles de ces états absolutistes aux relations confl ic-tuelles sont moins bien connues. Elles faisaient massive-ment appel à une main d’œuvre d’esclaves et se concen-traient sur de vastes territoires en comparaison desquelles toutes les plantations européennes paraissaient bien pe-tites. La présence européenne en Afrique de l’Ouest a été étudiée lors de travaux de fouilles sur le site du fort négri-er danois de Fredensborg et sur les plantations aux alen-tours qui avaient été une tentative de production agricole alternative destinée à l’exportation directe vers l’Europe.

Jusqu’à récemment, les sociétés médiévales afric-aines de la ceinture du sud n’étaient véritablement con-nues qu’au Nigéria. Grâce à des travaux de recherches archéologiques menés par BDArch (Bénin-Danemark Archéologie) au Bénin, une séquence culturelle aussi longue que celle du Nigéria a pu être établie permettant notamment de réunir d’impressionnantes connaissances sur la production industrielle de fer dans ces régions. Au Ghana, des développements correspondants sont attestés dans le Nord où de nombreuses fouilles sur des sites de la culture Koma ont été effectuées. En outre, c’est égale-ment dans le nord du Ghana qu’ont été découvertes les premières traces de la plus ancienne culture de l’âge de pierre d’Afrique de l’Ouest, mises à jour lors de fouilles archéologiques préventives. Des résultats gratifi ants ont également été obtenus lors de fouilles sur des sites et des zones de production récents près de Tumu, dans le nord du Ghana. Signe de reconnaissance, un petit musée a été créé à Kasana, l’une des régions les plus pauvres du Monde.

Ainsi, les recherches archéologiques récentes, en coopération avec l’université de Copenhague (dont le département des Sciences de la Nature), et les universités d’Abomey-Callavi au Bénin et de Ghana à Legon, ainsi qu’avec les institutions du patrimoine culturel des deux pays, a permis d’effectuer des découvertes qui ont ap-porté des connaissances historiques tout à fait uniques, voire sensationnelles qui éclairent d’un point de vue his-torique de nombreux thèmes de recherche importants et pertinents pour la résolution de problèmes actuels liés par exemple aux conditions climatiques, à l’utilisation de l’énergie et des ressources naturelles, au développe-ment agricole et à l’expansion démographique tout en entraînant une réfl exion sur la fragilité des états et sur les situations de confl it.

Les découvertes archéologiques ont été prodigieuses et apportent un éclairage tout à fait nouveau sur le destin expansif du Dahomey, sur son apogée au 17ème siècle et sur son déclin à partir en 1894 (lors de la conquête française). Une production de fer bien plus ancienne, développée aux environs de 700 après J.C., s’effectuait à une échelle véritablement industrielle (comparable à celle des Etrusques et des Romains de l’Antiquité). Elle était encouragée par l’exportation vers le Califat entraînant

17. Résumé En Français

Page 2: CHAPTER 17. RÉSUMÉ EN FRANÇAIS

274

Dahoméen. Et il ne s’agit sans doute que d’une petite par-tie du nombre total de caves existantes.

Ces caves souterraines appartiennent toutes à la péri-ode du Royaume du Dahomey. Elles datent respective-ment de la fi n du 17ème, du début du 18ème et du début du 19ème siècle.

Elles étaient à l’origine conçues pour servir de lieux complexes de cachette, mais elles ont également été uti-lisées pour stocker l’eau de pluie durant la saison sèche. Les types de caves les plus anciens sont particulièrement élaborés et comportent une architecture complexe et un accès facile. Les caves du second type présentent une construction rationnalisée et une plus grande uniform-ité que celles du premier type. Celles du premier type comportent plusieurs chambres séparées aux niveaux in-férieurs ayant pour double fonction de servir à la fois de cachette et de lieu de stockage de l’eau, tandis que celles du dernier type sont en forme de bouteille et ne sont que très rarement équipées d’une chambre latérale unique, et ont donc principalement été creusées dans le but de con-server de l’eau.

L’étude des structures souterraines a conduit à la dé-couverte de mines de fer souterraines et à ciel ouvert qui fournissent de nombreux témoignages sur la pro-duction de fer à une très large échelle. Il s’est rapide-ment avéré que l’intégralité de la production de fer était chronologiquement antérieure à l’époque du royaume du Dahomey. La production cessa suite à l’épuisement des ressources forestières (d’énormes quantités de charbon de bois étaient utilisées comme combustibles), et du fait de l’apparition de sécheresses importantes autour de la moitié du 16ème siècle qui empêchèrent la régénération de la forêt. Les recherches archéologiques sur la produc-tion de fer ont été menées de façon très complète, des échantillons ayant été prélevés dans tout le Bénin et le Ghana pour obtenir des informations sur les techniques utilisées et leurs applications. La progression vers l’est de l’utilisation de nouvelles techniques refl ète sans doute l’arrivée des groupes linguistiques Kwa/Gbe (Adja-Ewe) sur un territoire auparavant dominé par les langues Yorouba, Kwa/Ede au tournant du 14ème siècle et du 15ème siècle.

Les fouilles dans la fosse d’Abomey, capitale de Da-homey, ont mis à jour un véritable trésor chronologique, en fournissant un lien entre les céramiques locales et les importations européennes permettant ainsi de dater les précédentes. De fait, ces fouilles ont servi de point de

spécialisations et précision du savoir-faire du fait des méthodes industrielles de production. Les dégâts causés à l’environnement au 16ème siècle et l’effondrement de la production d’acier qui s’ensuivit entraîna une re-structuration sociale et modifi a l’orientation économique permettant l’émergence d’états absolutistes tels que ceux d’Ashante et celui du Dahomey. Sur la même côte, le commerce des esclaves commença avec l’arrivée des eu-ropéens avec toutes les conséquences qu’il entraîna pour l’histoire mondiale.

Les vestiges d’une ville ancienne (à Sodohomé au Bénin), appartenant à des cultures anciennes aux struc-tures sociales complexes et aux pratiques rituelles très développées et qui témoignent de mythologies et de re-ligions passées, ont en partie été détruits par le creuse-ment d’un canal et se trouvent actuellement menacés par l’expansion urbaine. En plus d’un programme de recherche scientifi que, des programmes de formation d’archéologues locaux ont été mis en place. Pour la plus grande joie de la population locale, le musée et le parc archéologique d’Agongointo, également doté d’un ter-rain de jeu, a été ouvert sur le principal axe nord-sud du pays: une attraction touristique qui a déjà permis de générer beaucoup de revenus.

Il est d’une importance capitale de pouvoir mener plus de recherches à Sodohomé, qui offre par les multi-ples aspects que présente le site une opportunité unique de pouvoir étudier l’histoire africaine avant l’arrivée des européens. Une histoire qui constitue également un élé-ment important pour la construction d’une nation.

Le programme BDArch commença véritablement dans les années 1998/2002, soutenu par le Ministère Da-nois des Affaires Etrangères (DANIDA), en collaboration avec le Département du Patrimoine Culturel du Bénin, puis plus tard également par l’Université d’Abomey-Cal-lavi à Cotonou.

L’objectif initial était d’étudier les caves et souter-rains qui avaient été découverts à Agongointo près de Bo-hicon lors de la construction d’une route par une société danoise. Ces caves peuvent être divisées en trois types principaux qui se distinguent aussi bien topologiquement que chronologiquement. Chacune se présente sous forme d’une étroite cheminée verticale ayant l’apparence d’un puit menant à une grande chambre souvent équipée de plusieurs chambres latérales aux niveaux inférieurs. Plus de 1600 caves ont jusqu’à présent été recensées en détail sur le Plateau d’Abomey au cœur de l’ancien royaume

Acta Archaeologica

Page 3: CHAPTER 17. RÉSUMÉ EN FRANÇAIS

275

mations sur les rites funéraires et les croyances en plus de contextes archéologiques fermés d’une importance chronologique cruciale.

Beaucoup d’autres études ont été menées, certaines portant notamment sur les grands Palais Dahoméens dits Palais royaux: de grands manoirs utilisant une main-d’œuvre d’esclaves. Les pratiques religieuses de l’époque ont été étudiées. Une attention toute particulière a été ac-cordée aux technologies traditionnelles de l’époque et à leur organisation. Cette dernière zone est particulière-ment intéressante et permet de mieux comprendre cer-tains savoir-faire traditionnels et leur mode organisation.

Le présent travail est bien sûr dédié aux gens de la région d’Abomey-Bohicon, nos plus importants collabo-rateurs.

départ pour un long processus d’acquisition de repères dans un univers à la chronologie jusque là inconnue. Les fouilles effectuées sous les vestiges du rempart d’Abomey ont permis de découvrir les traces de deux phases de peu-plement qui datent du 13ème siècle, et de mettre à jour des types de céramiques présentant des rapports de parenté avec ceux découverts à Sodohomé (Culture Sodohomé, 950-1150 après J.C.). A Sodohomé, des restes de périodes plus récentes ont également été retrouvés, l’une datant d’environ 600 av. JC, et deux autres datant du 7ème et du 8ème siècle après J.C., fournissant ainsi des informa-tions totalement nouvelles, correspondant dans les faits à la fameuse séquence culturelle du Nigéria.

De nombreuses tombes du Dahomey ont également été mises à jour, fournissant de très importantes infor-

Bénin Archaeology. The Ancient Kingdoms