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Check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire »

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Page 1: Check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire »

Le Praticien en anesthésie réanimation (2011) 15, 44—53

VIE PROFESSIONNELLE

Check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire »

Surgical safety check-list

Philippe Cabarrota,∗, Bruno Ballya, Dan Benhamoub,Jean-Louis Bourgainc, Marc Raucoules-Aiméd,Étienne Mienviellee, Frédérique Pothiera,Raymond Le Moigna, Laurent Degosa

a Service d’évaluation des pratiques, Haute Autorité de santé, 2, avenue du Stade-de-France,93218 Saint-Denis la Plaine cedex, Franceb Département d’anesthésie-réanimation, CHU Bicêtre, AP—HP, 78, rue du Général-Leclerc,94275 Le Kremlin-Bicêtre, Francec Département du bloc opératoire, institut de cancérologie Gustave-Roussy, 114, rueÉdouard-Vaillant, 94805 Villejuif cedex, Franced Département d’anesthésie-réanimation, CHU de Nice, hôpital de Cimiez, 4, avenueReine-Victoria, BP 1179, 06003 Nice cedex 1, Francee Inserm U750, institut de cancérologie Gustave-Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant,94805 Villejuif cedex, France

Disponible sur Internet le 26 novembre 2010

MOTS CLÉSCheck-list ;Sécurité ;Prévention du risque ;

Résumé La check-list de bloc opératoire fait partie des procédures lancées par l’OMS pouraméliorer la sécurité des patients dans le cadre du programme Save surgical lives. La procédurecomprend trois volets : avant l’induction, avant l’intervention, après l’intervention. La mise enplace de la check-list réduit la morbidité et la mortalité périopératoires. La check-list de l’OMS

Anesthésie ;Certification ;Accréditation

a été adaptée par la HAS et sa mise en place a fait l’objet d’une évaluation. La présencesimultanée des professionnels de santé qui est un élément fort de la check-list reste égalementl’une des difficultés d’application sur laquelle il importe de progresser.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P. Cabarrot).

1279-7960/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.pratan.2010.10.008

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Check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire » 45

KEYWORDSCheck-list;Safety;Risk prevention;Anaesthesia;Certification;Accreditation

Summary The surgical safety check-list has been established by the World Health Organiza-tion as part of the ‘Save Surgical Lives’ programme. A series of items is checked and collectedon arrival of the patient in the operating theatre, before anaesthetic induction, before and atthe end of the surgical procedure. Development and validation of the surgical check-list havebeen documented to decrease perioperative morbidity and mortality. A French version has beenadapted, set up and evaluated by health care authorities. Simultaneous meeting of all healthcare providers is both an original part of the process and one of the main difficulties.© 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Introduction

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombred’interventions chirurgicales réalisées chaque année dansle monde serait de 234 millions, soit une intervention pour25 personnes. Dans les pays industrialisés, la mortalité enlien avec la chirurgie serait de 0,4 à 0,8 % et le taux decomplications postopératoires graves serait de 3 à 16 % — lamoitié de ces complications est considérée comme évitable[1]. C’est pourquoi, l’OMS a lancé un programme visantà réduire les taux de complications et de décès postopé-ratoires [2]. L’objectif de ce programme est de renforcerl’implication des équipes de soins en matière de sécurité aubloc opératoire, notamment en s’assurant de la réalisationoptimale de l’intervention prévue (procédure, site. . .), enrenforcant la sécurité anesthésique, en luttant contre lesinfections du site opératoire et en améliorant la commu-nication au sein des équipes. L’outil choisi pour mettre enœuvre ce programme est bien connu des milieux industrielset aéronautiques : il s’agit d’une check-list.

En France, 6,5 millions d’interventions chirurgicales sontréalisées chaque année. L’enquête Eneis, réalisée en 2005,avait estimé que le nombre événements indésirables gravessurvenant dans la période périopératoire était de l’ordre de60 à 95 000 par an. Depuis de nombreuses années, les profes-sionnels du bloc opératoire s’engagent dans des programmesqualité et le taux de mortalité en lien avec l’anesthésie aété réduit par un facteur dix, en 20 ans [3]. La questionde l’amélioration de la sécurité au bloc opératoire est aucœur des missions de la HAS : la procédure de certificationV2010 apprécie au niveau du critère bloc opératoire1, lesmêmes points clés que le programme OMS, et souhaite pro-mouvoir l’utilisation d’une check-list adaptée [4]. De même,les organismes agréés pour l’accréditation des médecinsexercant une spécialité à risques ont engagé une réflexioninter-spécialités sur les pré-requis opératoires non ou malremplis dès décembre 2008.

La surgical safety check-list de l’OMS2

Le programme de l’OMS Safe surgery saves lives3 avaitpour objectif premier d’élaborer des recommandations de

1 Critère qualifié de PEP — Pratique Exigible Prioritaire.2 Check-list sécurité en chirurgie.3 La chirurgie sûre sauve des vies.

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onnes pratiques pour améliorer la sécurité en chirurgie.’OMS a mis en œuvre, sous la coordination d’un chirur-ien américain, Atul Gawande (Boston), un groupe de travailomportant des experts du monde entier représentant lesifférents métiers et disciplines travaillant au bloc opéra-oire. Les recommandations ainsi élaborées déclinent unnsemble de standards de sécurité devant être vérifiésvant, pendant et après toute intervention chirurgicale.

Pour implanter ce programme, l’OMS a choisi un outilimple et facile à mettre en œuvre dans la pratique quoti-ienne : une check-list, appelée « surgical safety checklist ».

Cette check-list, telle que proposée par l’OMS en juin008, est un support unique et prêt à l’emploi, comportant9 items déclinés en trois volets :le premier appelé Sign In (c’est-à-dire au bloc, mais avantl’induction anesthésique) comporte notamment les véri-fications concernant le patient, le site à opérer ainsi queles items concernant la sécurité anesthésique ;le deuxième appelé Time-Out (juste avant l’incision) cor-respond à une pause pendant laquelle sont revues lesprocédures chirurgicale et anesthésiste envisagées, leséléments critiques à appréhender et les précautions àmettre en œuvre (notamment antibioprophylaxie) ;le troisième temps appelé Sign Out (avant la sortie dubloc) comporte les vérifications d’usage (décompte dematériels, identification des pièces. . .) et la validation despoints clés postopératoires.

Les travaux préliminaires de faisabilité ont montré queette check-list peut être mise en place, selon les poli-iques d’établissements et les moyens mis en œuvre, surne période allant d’une semaine à un mois et pour unoût réduit. Le renseignement de la check-list est réalisé en0 secondes en moyenne et c’est un critère essentiel pouron acceptabilité. L’expérience montre que très rapidementprès une phase de questions réponses passives, les critèresaciles à retenir sont énoncés par les professionnels tout enes vérifiant.

L’efficacité de cette check-list restait à démontrer :

ela a été fait par une étude réalisée selon un protocolevant-après, incluant au total 7688 patients provenant deuit établissements de santé de huit pays différents surne période courte (moins d’un an), qui démontre que laise en place d’une check-list réduit significativement laorbi-mortalité périopératoire [5]. Les résultats ont été

nalysés en termes de taux de mortalité et de survenue

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e complications graves pré-identifiées4. De même, ont ététudiés des indicateurs de processus pour suivre l’adhésiones professionnels. Les résultats bruts sont significatifs :iminution du taux de mortalité de 1,5 % à 0,8 % (p = 0,003),t baisse du taux de complications de 36 % en moyenne, pas-ant de 11,0 % à 7,0 % (p < 0,001). Si l’on stratifie l’étudeur les pays industrialisés, la mortalité diminue de manièreon significative de 0,9 à 0,6 % (p = 0,18), mais le taux desomplications diminue lui significativement de 10,3 à 7,1 %p < 0,001). De même, lors des interventions réalisées enrgence, l’utilisation de la check-list est associée à uneéduction d’un tiers des complications (hors chirurgie car-iaque) [6].

Cette étude permet de conclure àl’amélioration des résultats chirurgicaux grâce à

l’implantation de la check-list de sécurité enchirurgie.

Cette étude ne permet pas de préciser les méca-ismes d’action qui sont vraisemblablement multifactoriels ;insi les auteurs évoquent, d’une part, des améliora-ions systémiques (notamment en matière de mise enuvre de l’antibioprophylaxie et des mesures de sécurité

nesthésique. . .) et, d’autre part, des changements compor-ementaux au sein des équipes (introduction d’une pauseréopératoire, véritable « briefing » pour vérifier un certainombre d’éléments clefs, préciser la stratégie opératoire etnesthésique, envisager les problèmes potentiels. . .).

Par ailleurs, les limites de ce travail sont égalementonnues :

son format (avant-après), favorise l’obtention de résul-tats favorables et peut rendre difficile l’interprétationde l’efficacité de la check-list comme unique facteurd’amélioration — ce point semble contrôlé par la courtedurée (moins d’un an) de l’étude ; au demeurant, le suividu taux de complications et de décès postopératoirespar les observatoires nationaux américains n’a pas trouvéd’évolution significative pendant la même période ;on ne peut écarter un effet Hawthorne5, mais les auteursne retiennent pas cette hypothèse devant l’absence dedifférences dans les observations réalisées en présenceou en l’absence d’observateurs extérieurs à l’équipe ;cette étude ne porte que sur des patients hospitalisés et

pour la chirurgie hors cardiovasculaire et on ne sait pas(bien que cela soit probable) si ses conclusions peuventêtre extrapolées à la chirurgie ambulatoire ;ce programme a été mis en œuvre dans des pays deculture anglo-saxonne ;

4 Insuffisance rénale aiguë, hémorragie (nécessitant quatre culotslobulaires) dans les 72 h post-op, arrêt cardiaque, coma (> 24 h)omplication thromboembolique, infarctus du myocarde, intuba-ion non planifiée, ventilation > 24 h, pneumopathie, accidentasculaire cérébral, complication au niveau de la plaie opératoiresepsis, ouverture majeure), état infectieux sévère, reprise chirur-icale non planifiée. . . A noter que les infections urinaires n’étaientas retenues.5 C’est-à-dire une amélioration des performances simplement dueu fait que les sujets se savent observés.

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P. Cabarrot et al.

on ne connaît pas précisément la population étudiée :cohortes comparables avant-après tant pour les patientsque pour les chirurgiens ? cause des décès ? cause des ré-interventions précoces ? durée de séjour ?

Enfin il faut noter que, dès la publication des résultatse cette étude, la National Patient Safety Agency anglaisedemandé, le 15 janvier 2009, à tous les établissements

e santé de mettre en place une check-list très proche deelle de l’OMS et ce, au plus tard au 1er février 2010, lesctions d’appropriation devant être mises en œuvre immé-iatement.

ise en œuvre en France d’une check-listsécurité du patient au bloc opératoire »

e bénéfice global de l’utilisation d’une telle check-listemble réel. En effet, outre le renforcement de l’effet’actions déjà existantes, une telle check-list est un vec-eur puissant d’amélioration de la communication entre lesembres de l’équipe opératoire et est de nature à renforcer

a culture de sécurité au bloc opératoire.Dans ces conditions, la HAS a souhaité promouvoir

’utilisation d’une check-list de type OMS pour améliorera sécurité des patients dans les blocs opératoires, adap-ée au contexte francais. La promotion de la check-listoncerne particulièrement deux missions de la HAS : la cer-ification des établissements de santé avec l’introduction,ans la V2010, d’une exigence portant sur l’utilisation d’uneheck-list de sécurité au bloc opératoire et l’accréditatione médecin de spécialités à risque qui a inscrit à sonrogramme de travail inter-spécialités, la question desprérequis opératoires non ou mal remplis » incluant lehème de la check-list (commission risques inter-spécialitésu 8 décembre 2008).

La HAS a engagé une réflexion avec les professionnelsur les meilleures modalités d’adaptation et de mise enuvre d’une telle check-list en France. Elle a constitué à

et effet un groupe de travail d’une trentaine de personneseprésentant le conseil national de chirurgie, les collègesrofessionnels et organismes agréés pour l’accréditation dehirurgie et d’anesthésie-réanimation, les représentationsrofessionnelles des personnels infirmiers travaillant au blocpératoire ainsi que les fédérations d’établissements hos-italiers ; par ailleurs, et c’était un point essentiel, lesatients étaient représentés par le LIEN, membre du Col-ectif inter-associatif sur la santé (Ciss).

L’objectif du groupe de travail était de produire un outilutile, utilisable, utilisé » dont les fondamentaux étaient

a réalisation de vérifications ultimes croisées et le partagees informations au sein de l’équipe médico-soignante. Enomplément d’autres vérifications [7], dont la check-list dea Sfar concernant les matériels (dont l’efficacité a déjà étéémontrée), l’objectif de cette check-list est d’effectueru bloc opératoire une vérification ultime des points-clés,

artagée au sein de l’équipe (et au delà commune à’établissement) et par là même d’enclencher une dyna-ique d’équipe mobilisée sur la sécurité.Les éléments consensuels de base étaient de produire

ne check-list :

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Check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire »

• avec un nombre limité de critères pour favoriser sonacceptabilité ;

• proche de celle de l’OMS dont la validité est démontrée ;• adaptée aux problématiques et réglementations

francaises.

Au travers de trois réunions de travail et de nombreuxéchanges électroniques, le groupe d’experts a stabilisé unecheck-list à dix items, respectant la structure en trois tempsde la check-list OMS : avant anesthésie/immédiatementavant intervention/après intervention et avant sortie dubloc (Annexe 1). Nous avons fait le choix d’une DO-VERIFYlist6. La check-list à la francaise est proche de celle del’OMS ; toutefois, certains items de la check-list originelleont été supprimés car ils étaient considérés comme inutilesou déjà acquis en France : ainsi, la présentation des dif-férents intervenants ou la vérification de l’oxymétrie depouls (d’ailleurs incluse de facon implicite dans l’itemprévoyant la vérification des éléments de sécurité anesthé-sique). Les experts francais ont en revanche souhaité insistersur d’autres points, comme les conditions de l’installationdu patient, celles-ci devant être connues des profession-nels du bloc dès l’arrivée du patient et vérifiées avantl’intervention ; de même, il a été jugé plus opportun devérifier la disponibilité de la documentation (notamment del’imagerie) avant l’anesthésie. Par ailleurs, il faut soulignerdeux innovations par rapport au document OMS :• tout d’abord, un espace pour préciser la décision choisie

en cas d’écart avec la check-list, et en particulier, si laprocédure chirurgicale a dû être interrompue (No-Go) ousi une procédure alternative a été adoptée ;

• au verso du document, un mode d’emploi précisant le« Qui fait quoi et comment » décliné item par item, ainsique quelques recommandations génériques telles : lesprécisions concernant le coordonnateur de la check-list,c’est à dire le professionnel qui vérifie les items de lacheck-list (Annexe 2). Il s’agit le plus souvent d’un per-sonnel infirmier7, en coordination avec le chirurgien etl’anesthésiste responsables de l’intervention, ou le caséchéant, avec le professionnel qualifié en chirurgie ouanesthésie auquel a été délégué un temps opératoire.Enfin, dans l’optique de la limitation du nombre de cri-tères, certains points ont fait l’objet d’arbitrages par le

groupe : ainsi des éléments tels que la vérification de lapréparation cutanée de l’opéré ou encore la prophylaxiede la maladie thromboembolique n’ont pas été retenusdans cette première version dite 2010-01.

6 Ce type de check-list qui nous semble la plus adaptée à la situa-tion du bloc opératoire consiste à ce que les membres de l’équipeeffectuent leur travail de « mémoire » ou sur leur expérience etvérifient ensuite que tous les éléments de vérifications ont bienété pris en compte. En effet, l’appropriation par les profession-nels d’une READ-DO list (où les personnels effectuent des tâchessuite à l’incitation de la lecture des critères), nous semblait peuvraisemblable.

7 Il convient de préciser que le rôle du coordonnateur (le plus sou-vent personnel soignant) est de participer activement au recueil desinformations, mais sa responsabilité n’est absolument pas engagéepar ce recueil en cas de survenue d’incident peropératoire.

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La check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire »AS dans sa version 2010-01 comporte les éléments indispen-ables à vérifier au bloc opératoire avant toute interventionhirurgicale et, en ce sens, n’est pas modifiable. Desodifications pourraient en diminuer la validité et nuireson utilisation par des professionnels dont une des

aractéristiques est la mobilité entre différents blocs opéra-oires, voire établissements. En revanche, cette check-listeut faire l’objet de développements spécifiques complé-entaires souhaités par les professionnels dans le cadree leurs collèges professionnels/organismes agréés pour’accréditation.

D’autres check-lists sont aussi prêtes à l’emploi, ainsi parxemple :une check-list hollandaise proposée en anglais appeléeSURPASS très détaillée (90 critères) qui suit tout le par-cours de soins du patient depuis son admission jusqu’à sasortie de l’établissement [8] ;dans le cadre de la participation de la France au pro-jet international Action on patient safety — The high5 s initiative, la HAS met à disposition des établisse-ments le souhaitant des programmes spécifiques dont unecheck-list visant uniquement à prévenir l’erreur de siteopératoire et qui prend en compte les étapes en amontdu bloc opératoire.

Enfin, il est prévu que le groupe de travail multiprofes-ionnel national procède avant la fin de l’année à l’analysees retours d’expériences et envisage d’éventuelles adjonc-ions, suppression ou modifications, tant dans le fond queans la forme de la check-list actuelle 8.

Parallèlement à la mise en œuvre de la check-list, la HASt ses partenaires du groupe national ont défini une politique’évaluation d’un tel programme qui peut être envisagée àifférents niveaux :l’évaluation de l’implantation de la check-list : au traversd’indicateurs de structures (modalités pratiques de miseen place dans les établissements) ou de pratiques (parexemple, taux d’utilisation de la check-list par rapportau nombre d’intervention, taux de renseignement descritères. . .). Une telle évaluation doit aussi appréhenderles leviers et les freins à son utilisation ;l’évaluation de l’impact de la check-list grâce à desindicateurs de résultats intermédiaires (par exemple,conformité de l’antibioprophylaxie. . .) ou finaux (parexemple, taux d’infections du site opératoire. . .). Sonimpact peut aussi être étudié grâce à :◦ des enquêtes sur la culture de sécurité (par exemple,

pour évaluer d’éventuelles modifications du comporte-ment depuis l’introduction de la check-list. . .),

◦ le suivi des événements indésirables graves (EIG) quel’on ne souhaite plus voir (par exemple, erreur de

coté, complications neurologiques dans le cadre d’unemauvaise installation du patient. . .) ou l’analyse desdéclarations d’événements porteurs de risque dans lecadre de l’accréditation des médecins,

8 Une modification à la marge du mode d’emploi a été validéeprès six mois de mise en œuvre ; ainsi que l’introduction de cer-ains critères NA- Cf. check-list V2010-02.

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◦ l’analyse des « No-Go », c’est-à-dire des arrêts dela procédure chirurgicale ou des procédures alter-natives choisies par l’équipe en cas de critère noncomplètement satisfait.

euf mois d’utilisation de la check-listsécurité du patient au bloc opératoire »

a plupart des établissements francais ont mis en œuvrea check-list depuis le 1er janvier 2010, voire même danses mois précédant. Certains centres ont d’ailleurs informa-isé la check-list facilitant le stockage des données sur leormulaire du bloc opératoire, le suivi de la diffusion de laheck-list dans l’établissement, l’identification des secteursans lesquels il faut proposer une formation/information sura check-list. . .

Les retours d’expérience (non publiés) des visites deertification V2010 ont montré, sur cet échantillon noneprésentatif, que la check-list était implantée de manièreénéralisée dans 80 % des établissements visités et par-iellement dans les 20 % restant. L’appropriation par lesrofessionnels était considérée comme bonne dans 80 % desas, bien que des résistances au moins partielles aient étédentifiées dans 32 % des établissements visités.

Les premiers retours d’expérience de la HAS et une étudenserm réalisée dans les centres anticancéreux (Dr Min-ielle), non encore publiés, ont permis de préciser les levierst freins à l’implantation de la check-list (Tableau 1 etableau 2). Ces résultats sont d’ailleurs superposables aveces rares articles traitant de la gouvernance en matière deelles initiatives sécurité et l’engagement des professionnelset notamment de la communauté médicale) [9,10].

La HAS et les organismes agréés pour l’accréditationnt par ailleurs lancé une enquête auprès des médecinsngagés dans l’accréditation. Les résultats sont en cours’exploitation, mais d’ores et déjà, 1900 médecins exercantn bloc opératoire (dont 290 anesthésistes) ont répondu àette enquête. Les résultats préliminaires de cette enquêteont encourageants et montrent l’intérêt des professionnelsour cette check-list. En effet l’utilisation au quotidien deette check-list est confirmée dans 98,5 % des cas et pour lalupart (77 %) depuis plus de six mois, 81 % des professionnelsnterrogés pensent que la check-list contribue à améliorer laécurité des interventions chirurgicales et 37,1 % estimentue la check-list a (aurait) permis de détecter un évé-ement porteur de risque ; enfin, 60,7 % précisent que laéalisation de la check-list ne ralentit pas l’activité. Parontre, des progrès restent probablement à faire en termese communication, de culture de sécurité et de travail enquipe : 70,2 % « délèguent » la check-list à d’autres profes-ionnels (le plus souvent soignant), 33,4 % ne participent pasla check-list et la présence simultanée des membres de

’équipe (time-out) est citée comme étant la première causeimitant la procédure (dans 37,7 % des cas).

uelles perspectives pour la (les)heck-list(s) ?

heck-lists are hot c’est ainsi que commence un édito-ial récemment publié dans une revue américaine [11]. Les

P. Cabarrot et al.

heck-lists sont des outils indiscutables en aéronautiqueu dans l’industrie, mais la démonstration de leur effica-ité en médecine — récemment démontrée dans des étudesliniques de bonne qualité [4,12] — a entraîné une intensexposition médiatique professionnelle. Les professionnelse santé, y compris les plus sceptiques, reconnaissentue les check-lists peuvent être des outils utiles pourméliorer la sécurité des soins dispensés. Il n’y a pase débat non plus sur le fait qu’elles ne sont pas aussiargement utilisées dans le monde de la santé qu’il le fau-rait. Les anesthésistes ont été pionniers en la matièrevec la check-list de la Sfar ; mais pour la plupart desédecins, l’introduction de check-lists constitue une inno-

ation « perturbatrice » qui a moins de chance d’êtrepontanément adoptée que d’autres innovations techniquestel le scanner ou autres progrès). Il s’agit d’acquérire l’expérience pour définir au mieux la place (et leas échéant la limiter) et préciser le format des check-ists.

Après deux ans de réflexion et près d’un an d’utilisatione la check-list au bloc opératoire, les caractéristiques’une « bonne » check-list sont mieux connues :une check-list s’appuie à l’évidence sur des recomman-dations à haut niveau de preuve ou tout au moins sur unfort consensus professionnel ;une check-list doit être clairement formulée et fairel’objet d’une expérimentation test avant sa mise enœuvre ;elle doit être courte et ne doit pas viser à couvrirl’ensemble des éléments de la situation vérifiée ;une check-list ne doit pas comporter d’éléments inutiles(si déjà mis en œuvre dans la pratique au quotidien ouvérifiés par ailleurs), mais elle ne doit pas oublier ce queles américains appellent les « killer items » ;une check-list doit faire l’objet d’une évaluation aprèsson implantation.

Ainsi, les check-lists constituent en premier lieu desreminders » ou aide-mémoires des gestes à réaliser lors’une procédure à risque. La check-list proposée auloc opératoire vise également (et surtout) à une modi-cation des comportements, proposant une vérificationune sagesse !) collective de ce que les professionnelsont individuellement et un partage d’informations (sou-ent différentes selon la source) entre les membres de’équipe : c’est une (r)évolution de la culture de sécu-ité au bloc opératoire. C’est la raison pour laquelle’implantation de ce type d’outils ne peut être réussieu’avec un important effort d’accompagnement péda-ogique et le fort soutien par le leadership tantrofessionnel (sociétés savantes et organisations pro-essionnelles) qu’au niveau local de l’établissement,ffort qui demande a être poursuivi ainsi que semble’indiquer les premiers résultats de l’enquête check-list (cf.upra.).

Deux travers extrêmes sont à éviter :les check-lists ne sont pas l’expression d’une méde-

cine codifiée, type application de « recettes de cui-sine » — d’ailleurs, ce n’est pas en suivant une check-listque l’on va opérer ou anesthésier un patient, au mêmetitre d’ailleurs que ce n’est pas la check-list qui faitdécoller un avion. Il faut laisser une grande marge
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Check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire » 49

Tableau 1 Facteurs favorisant l’implantation de la check-list « sécurité du patient au bloc opératoire ».

Facteurs favorisants / Leviers

Organisationnels Structurels Additionnels

Volonté politique de mise enœuvre/Direction, CME. Lacheck-list doit s’intégrer dans lapolitique de sécurité del’établissement

Implication des leaders et dumanagement/Conseil de bloc.« Portage » de la check-list parl’équipe chirurgicale etanesthésique, qui initient lacheck-list et la vérifient en find’interventionBien clarifier le rôle de chacunpour la check-list

Adaptation des supports decheck-list (informatisation sipossible)

Choix du mode d’archivage prenanten compte la tracabilité desvérifications et l’utilisation pourdes actions d’amélioration de lasécurité des pratiques au bloc

Adaptation de la check-list auxprocédures et supports déjà utilisésdans l’établissement (pour éviter laduplication des vérifications)

Mode d’emploi, posters. . .

Évaluation de l’utilisation de lacheck-listAudit de pratiques, feedback auxéquipesEnquête auprès des équipes (laprocédure est-elle bien acceptée ?les résultats sont-ilssatisfaisants. . .)

Modification de l’organisation dutravail

Amélioration de la communicationinterprofessionnelle

Information / Notamment diffusiondes données concernant l’efficacitéet l’utilité de la check-list

Formation des professionnels /utilisation check-list etresponsabilités afférentes

Ajout d’items si nécessaire, tout enrespectant la structure de lacheck-list.Ne pas trop en rajouter car celaserait contre-productif

Utilisation de la check-list à des finsd’amélioration, notamment en casd’écarts par rapport à la check-list.Le constat de « Non » tropfréquents doit rapidement conduireà des actions spécifiques

Suivi d’indicateurs de résultatsintermédiaires (ex. tauxantibioprophylaxie, nombred’interventions déprogrammées. . .)ou finaux (suivi de complications,période de temps écoulée depuis ledernier événement indésirablegrave que l’on ne souhaite pas voirse renouveler — ex. erreur decôté. . .)

Souplesse dans l’utilisation de lacheck-list (notamment, pour le(s)coordonateur(s) de check-list),mais rigueur pour le renseignementdes items : choix. Oui/Non si on aou pas vérifié l’item de manièrecroisée (pas de critères nonrenseignés) et pas de check-listremplies rétrospectivement oupassivement

Adoption de check-lists spécifiques(endoscopie, radiologieinterventionnelle. . .)

Adoption de check-listscomplémentaires (préparationcutanée de l’opéré, circulationextracorporelle pour la chirurgiecardiaque. . .)

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50 P. Cabarrot et al.

Tableau 2 Freins à l’implantation de la check-list « sécurité du patient au bloc opératoire ».

Difficultés / Freins

Difficultés liéés au concept del’outil check-list

Difficultés liées aux conditions demise en œuvre de la check-list

Difficultés en lien avec lesobjectifs visés

Obstacle culturel : chaquecatégorie professionnelle al’habitude de travaillerindépendamment des autres,avec une perceptiond’excellence individuelle etd’hyper confiance dans desprocédures répétitives etrodées.→ Perception d’inutilité ou delimitation de l’autonomieprofessionnelle

Mode d’emploi pas assez détailléou expliciteDifficultés à renseigner certainsitems

Difficultés organisationnelles :notamment, si problèmeschroniques de sous effectifsRéticence à ralentir les processuset le flux de travail habituel

Risques non prévenusexplicitement par la check-listpréparation cutanée de l’opérérisque thromboemboliqueprise en charge de la douleur etdes nausées et vomissementspostopératoiresrisque de contaminationrisque prion

Réticence « administrative » : lacheck-list vient en plus d’autrestâches administratives, deformation ou des pressionséconomiques→ Perception de tâchesupplémentaire

Présence simultanée anesthésiste /chirurgienRéalisation conjointe desprescriptions postopératoires

Coordination avec lesignalement et traitement desévénements indésirables

Oralité et « théâtralisation » del’utilisation en pratique,notamment durant le Time Out+ Barrière hiérarchique

Identification d’un ou plusieurscoordonateurs, en particulier sichangement d’équipes

Désignation et responsabilité ducoordonnateur check-list

Compte final des aiguilles etmatériel pas adapté à certainesinterventions ou spécialités

Caractère anxiogène pour lespatients, de la répétition decertaines questions ou de laformulation de certains critèresavant l’anesthésie

Difficulté de vérification desprélèvements si adressés en coursd’intervention

Réticence technique :redondance de certains itemsdéjà renseignés dans d’autresdocuments au bloc.Intégration de ce nouvel outildans des démarches déjàexistantes de sécurisation aubloc opératoire

Choix de réponse binaireOui/Non pour certains critères,qui peut porter à confusion

Critères non parfaitement adaptésou applicables avec difficultés pourcertaines activités au bloc ou danscertaines circonstancesradiologie interventionnelleendoscopiesanesthésies localesurgences absoluespose de voies veineuses centrales

Maintien dynamique dans le temps

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élraddbppsapépp

Check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire »

d’adaptation (ici, synonyme d’appropriation) aux pro-fessionnels confrontés à des situations diverses et trèsvariées ;

• les check-lists ne sont pas la « solution miracle » à tousles problèmes de sécurité, il ne suffit pas d’appliquer desprocédures en routine pour garantir l’amélioration de laqualité des soins. Le plus grave serait que l’application« passive » d’une telle vérification ne conduise à unebaisse de la vigilance des professionnels.

Conclusion

La France, malgré les importants progrès enregistrés en

matière de sécurité des soins au cours des dernières années,ne pouvait rester en dehors de l’initiative du programmeOMS, par ailleurs l’outil choisi, la check-list complétaitparfaitement le travail effectué au cours des deux der-nières années dans le cadre de la certification V2010 des

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A

51

tablissements de santé. L’avantage de la check-list de’OMS était de fournir un outil simple et valide. Il neestait plus qu’à l’adapter au contexte francais, ce qui

été fait avec l’aide des professionnels, des fédérations’établissements de santé et des représentants des usagersu système de santé. La check-list « sécurité du patient auloc opératoire » est maintenant disponible ; il revient auxrofessionnels de s’en emparer en complément des autresrogrammes mis en œuvre pour améliorer la sécurité desoins, de l’évaluer, de la faire évoluer, voire de la complétervec des check-lists spécifiques. Le rôle de la HAS et de sesartenaires professionnels sera, au vu de cette expériencetendue à la totalité des blocs opératoires francais, deréciser la place de ce type d’outils dans l’arsenal desrogrammes sur la sécurité des soins.

onflit d’intérêt

ucun.

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52 P. Cabarrot et al.

Ann

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1.

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Check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire » 53

Annexe 2.

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éférences

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