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Chirurgie digestive vidéolaparoscopique: dix ans déjà!

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Page 1: Chirurgie digestive vidéolaparoscopique: dix ans déjà!

Chirurgie 1998 ; 123 : 113-4 0 Elsevier, Paris

fiditorial

Chirurgie digestive vidkolaparoscopique : dix ans dbj& !

F Dubois 54, avenue de Saxe, 75015 Paris, France

Si certaines interventions gynecologiques Ctaient deja pratiquCes sous laparoscopie, c’est en fait la cholecys- tectomie laparoscopique qui a CtC le detonateur.

Dix ans, cela peut paraitre tres court si l’on consi- d&e la rapidite avec laquelle cette technique s’est de- veloppee et &endue a presque tous les domaines de la chirurgie [l] - cette vague deferlante n’ayant guere de precedent dans l’histoire chirurgicale. Mais, a l’in- verse, la cceliochirurgie est tellement entree dans les maeurs et banalide, par exemple, pour la cholecys- tectomie, que l’on a du ma1 a se souvenir qu’il n’y a que 10 ans que quelques pionniers la mirent au point dans un climat au mieux de curiosite condescendante, mais le plus souvent de franche hostilite [2].

De t&s nombreux articles ayant deja retrack l’his- torique de la methode et fait le point sur 1’Ctat actuel de sa pratique, ne seront donnees ici que quelques reflexions sur des aspects plus ou moins litigieux.

La cceliochirurgie est-elle une discipline nouvelle comme l’ont proclam certains, ou s’inke-t-elle dans le cadre general de la chirurgie, ce que je pense profondement ? 11 y a en effet deux volets dans la chirurgie video-endoscopique : - le volet endoscopique qui s’inscrit dans le cadre ge- n&al de la chirurgie mini-invasive [3] : les organes sont abordes dans leur milieu nature1 ; la cavite pkitoneale, par exemple, la cavite pleurale ou une articulation font office de Salle d’opkration ; le contact avec l’exterieur est reduit au minimum, d’oti la diminution du risque infectieux et des perturbations physiologiques. On peut presque dire que la taille des incisions est secondaire : en effet, m&me si I’on doit recourir a la fin a une incision plus ou moins large d’extraction, l’intervention ne s’en sera pas moins deroulee dans un cadre <( mini-invasif N ; - le volet visuel : deja avec les premiers endoscopes, l’image opkratoire Ctait agrandie de cinq a 15 fois, se rapprochant des conditions de la microchirurgie, et il

Ctait possible d’explorer visuellement toute la cavite concemee avec l’int&& diagnostique que l’on imagine. L’apparition des microcarkras a constitue un progres majeur en lib&-ant les mains de l’op&ateur pour lui per- mettre d’agir << con-me un chirurgien B et en donnant a l’ensemble de l’equipe une vision Claire et complete du deroulement de l’intervention, rendant celle-ci transpa- rente et permettant un enregistrement tres utile ; certains detracteurs voulurent d’ailleurs rendre cet enregistre- ment obligatoire pour deceler les fautes alors qu’ils n’etaient pas p&s a accepter que I’on tihne en video dans le meme but leurs interventions << ouvertes B.

11 y a done bien des aspects nouveaux dans la video- chirurgie, mais il n’en demeure pas moins qu’il s’agit toujours de chirurgie avec ses gestes classiques de dissection, d’hemostase, de suture et... d’indications. Celles-ci doivent rester gross0 modo les memes qu’auparavant, meme si la b&ignite accrue du geste permet parfois d’en Ctendre le benefice a des cas autrefois recuses. Les conferences de consensus ont pour but d’y repondre, toutefois, ne risquent-elles pas de << figer B la chirurgie en soumettant les avancees ou innovations A trop de contraintes ?

L’operateur doit maintenant imperativement ac- qdrir la maitrise des deux techniques ne serait-ce que pour pouvoir << convertir >k, que ce soit pour << ouvrir >> au tours d’une laparoscopie difficile ou pour recourir a un endoscope pendant une chirurgie G classique j>. 11 y a la un probleme de formation, et l’on connait deja des equipes tres performantes et renommees envideo- chirurgie dont l’aisance est moins Cvidente a ventre ouvert. Vet-m-t-on les jeunes gCn6rations se former par << compagnonnage >> en videochirurgie et devoir re- courir a l’animal pour apprendre les gestes classiques ?

Cela nous amene au probleme de la formation et de l’evaluation. Dramatiquement deficient au debut de l’kre laparoscopique, avec les consequences que l’on

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sait sur le taux de certaines complications faisant abon- damment discourir sur la << courbe d’apprentissage >>.), l’enseignement est maintenant assure officiellement dans les pays developpk grace au devouement d’enseignants publics ou prives aides de me&es industriels.

La question de l’evaluation, et surtout de l’accredita- tion, est plus complexe. 11 est certes souhaitable qu’un futur open5 puke savoir si son chirurgien est competent ou non pour l’operation qu’il doit subir ; mais qui en jugera ? Dormer acte de l’assiduite a des cours ou v&-i- fier les connaissances theoriques est facile ; certifier l’aptitude reelle ne sera pas plus facile pour la videochi- rurgie que ce ne l’etait auparavant en chirurgie classique, d’autant plus que la double competence est indispensable.

Et que dire de I’accreditation pour ne pas tomber dans le formalisme americain ? En cas de poursuites, un chirurgien pourrait se voir reprocher d’avoir << converti >> si son accreditation ne mentionnait pas specifiquement c< cholecystectomie par voies crzlio- scopique ET laparotomique (sic) P.

Ceci am&e a un plaidoyer pour la pluridisciplina- rite (probablement helas inutile et depasse du fait des reglementations croissantes) face a l’hyperspecialisa- tion progressive. Certes il n’est plus possible d’etre un chirurgien universe1 de meme que 1’~ honnCte homme Y du XVII” siecle a vecu. Cependant, l’exem- ple recent du retard de developpement de la cceliochi- rurgie digestive lie a la meconnaissance des progres realis& en gynecologie doit inciter a refuser les cloi- sonnements trop Ctanches et a Ctudier la N chirurgie cornparke )>. Le chirurgien digestif devrait non seule- ment savoir operer selon les differentes techniques disponibles le foie, les voies biliaires, le << tube haut >> et le << tube bas x>, et y etre autorid, mais avoir aussi une competence et une autorisation pour des gestes eventuels de gynecologie, d’urologie, de chirurgie thoracique ou vasculaire, au cas ou un tel geste s’im- poserait ; sans compter une formation en endoscopie endoluminale... vaste programme ! I1 ne faudrait pas que s’institutionnalise une scission entre endoscopistes ou radiologues (c interventionnels >> et chirurgiens. En effet, pour le malade, le choix d’une premiere explo- ration conditionne souvent la strategic therapeuti- que : si l’on opte par exemple, actuellement, pour une cholangiographie retrograde, il est bien rare qu’une sphincterotomie ne s’ensuive pas !

Bien d’autres aspects seraient a envisager mais nous n’evoquerons que : - le cot3 de la videochirurgie : il depend de tellement

de facteurs et du mode de calcul que son evaluation va d’un tiers en moins a quatre fois le co3 << ou- vert k> et que les economistes declarent forfait. Dans un centre actif et entraM, il semble que le cotit de la cholecystectomie, par exemple, soit moindre en video- chirurgie [4]. Sans compter l’avantage pour la societe ; mais encore faut-il qu’il n’y ait pas de complication grave et comment, a l’oppose, comptabiliser le confort? -la pratique de la cceliochirurgie dans le tiers monde : elle est like a ces problemes de formation et de coat. Cette chirurgie n’y trouverait pourtant que des avan- tages en raison de la diminution du risque d’infection et de la reduction de l’hospitalisation dont les possi- bilites sont dramatiquement insuffisantes dans ces pays. I1 a CtC demontre qu’a condition de ne pas som- brer dans le delire technologique, une instrumentation simple permet de faire bedficier ces populations des avantages de la cceliochirurgie.

Alors que la videochirurgie a et6 une veritable re- volution, sommes-nous a la veille d’une transforma- tion plus grande encore : celle de la robotisation et de la tClCchirurgie [5] ? La miniaturisation des micromo- teurs et des engrenages, les progres fabuleux de I’in- formatique multipliant presque a l’infini les parame- tres de calcul, permettent de construire des instruments extremement precis, contr81Cs a distance, Cventuellement par commande vocale, et equip& de capteurs transmettant les sensations tactiles ou autres. Ainsi ce qui est deja experiment6 en chirurgie << dure >> devient envisageable en chirurgie G molle P.

En attendant, des progres plus G banals )> sont deja a notre disposition : endo-echographic ou cholangio- graphie par resonance magnetique pour le diagnostic, micro-instrumentation, bistouris a ultrasons, etc.

Le domaine de la videochirurgie devrait encore s’etendre, realisant cette << relance >> de la chirurgie que certains n’ont pas vu venir et qui en a bien besoin.

RRFkRENCES

1 Dubois F, Berthelot G> Levard H. Cholecystectomie sous ccelio- scopie : rapport preliminaire apropos de 63 cas. Nouv Presse MCd 1989 ; 18 : 980-2

2 Bruhat MA, Dubois F. Caliochirurgie abdominopeivienne. I vol. Paris : Springer ; 1992

3 Steichen F. La chirurgie x mini-invasive )> de I’abdomen en 1996. Chirurgie 1997 ; 122 : 94-7

4 Habib E. Elhadad A. Mekkaoui M. Cot% de la cholecystectomie pour lithiase de la vesicule. Chir Endosc (Paris) 1997-; 3 : 980-2

5 Churr MO, Breitwieser H, Melzer A. Kunert W. Schmitt M, Vo- ges U et al. Experimental telemanipulation in Endoscopic Surge- ry. Surg Laparoscopy Endoscopy 1996 ; 6 : 167-15