26
CHŒUR DE NOTRE-DAME DE PARIS. YSTOIRES ET EMBLÈMES BIBLIQUES SCULPTÉS AU POURTOUR EXTÉRIEUR Author(s): Félicie d'AYZAC Source: Revue Archéologique, 12e Année, No. 1 (AVRIL A SEPTEMBRE 1855), pp. 10-34 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41742201 . Accessed: 20/05/2014 21:13 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Archéologique. http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

CHŒUR DE NOTRE-DAME DE PARIS. YSTOIRES ET EMBLÈMES BIBLIQUES SCULPTÉS AU POURTOUR EXTÉRIEUR

Embed Size (px)

Citation preview

CHŒUR DE NOTRE-DAME DE PARIS. YSTOIRES ET EMBLÈMES BIBLIQUES SCULPTÉS AUPOURTOUR EXTÉRIEURAuthor(s): Félicie d'AYZACSource: Revue Archéologique, 12e Année, No. 1 (AVRIL A SEPTEMBRE 1855), pp. 10-34Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41742201 .

Accessed: 20/05/2014 21:13

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].

.

Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to RevueArchéologique.

http://www.jstor.org

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

CHŒUR DE NOTRE-DAME SE PARIS.

YSTOIRES ET EMBLÈMES BIBLIQUES

SCUUPTČS AD POURTOUR EXTÉRIEUR.

II y a quelques années, M. E. Cartier, dont les travaux ont jeté, à chacune de leurs apparitions , de si vives lumières sur le symbo- lisme chrétien , nous invitait à visiter les bas-reliefs sculptés sur le revêtement extérieur du chœur de Notre-Dame de Paris. H nous y signalait, surla face méridionale , une série de figurines identiques aux statues des tourelles de S. Deny s, dont nous venions à cette époque de publier l'explication. En effet , après examen , nous de- meurons persuadée que non-seulement la paroi méridionale , mais aussi la paroi septentrionale, sont, par leur ornementation, une splendide page de symbolisme éclose sous l'inspiration de l'esprit chrétien.

La clôture ou enceinte en pierre dont il demeure des vestiges autour du chœur de Notre-Dame , remonte au commencement du XIV* siècle , sinon à la fin du XIII*. L'inscription qui existait jadis sur cette clôture elle-même, sous la statue de son auteur, en face de la « Porte Rouge», attestait qu'elle avait été commencée par Jehan Ravy, masso n et en môme temps ymaigier, c'est-à-dire archi- tecte et sculpteur de la basilique , et qu'elle avait été « parfaicte » en 1351 « par son nepveu maître Jehan le Bouteillier (1). •> Ce qui en reste est de nature à faire éternellement regretter ce qui a dis- paru ; ce travail est l'une des œuvres les plus magnifiques de son époque.

Selon toute apparence , la clôture élevée par Jehan Ravy dut être sculptée sur toute sa surface et enveloppa le pourtour du chœur dans tout son développement ; mais elle a été mutilée et renversée en 1699 par un acte de vandalisme des chanoines de celte époque, Ce qui en reste offre à l'extérieur un rang continu de statues enca- dré dans une délicate ornementation, et s'étend à droite et à gauche du chœur à concurrence de trois travées, l'espace de 17 m. 70 c. L'ensemble des statues qui tapissent cette clôture forme une

(1) Ces dales nous ont été fournies par l'obligeance de M. Guénebault et par un feuillet des Monumento du moyen âge, de M. Gailbabaud.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

YSTOIRBS ET EMBLÈMES BIBLIQUES. 11

suite d'épisodes choisis exclusivement dans la vie de N. S. J. C. , et en réunissait autrefois un nombre plus considérable. Placé, à ce qu'il paraîtrait, à l'intérieur même du chœur, chacun de ces épi- sodes ou « ystoires » était accompagné jadis au-dessous du plan qu'il occupait ou plutôt sans doute au revers même de la paroi, comme c'était alors l'usage, de YYstoire de l'Ancien Testament cor- respóndante, et qui, par anticipation, en avait été la figure (1). Ces dernières ont disparu ; ce qui subsiste des premières forme le revêtement extérieur des deux pans du mur de clôture rétablis ou restés debout , et consiste en vingt-quatre ystoires , dont quatorze au nord et dix au midi.

Les quatorze ystoires au nord sont : la Visitation de Notre-Dame, la Révélation de la nativité de J. C. aux bergers et leur marche vers Bethléem , la Nativité du Sauveur, l'Adoration des Mages , le Mas- sacre des innocents , la Fuite en Égypte, la Présentation de Jésus au temple, la Controverse de l'Enfant Jésus avec les docteurs de la loi, le Baptême de J.C.,les Noces de Cana, l'Entrée triomphante de J. C. dans Jérusalem et l'empressement de Zachée ; la Cène , au moment de l'institution de l'Eucharistie; Jésus lavant les pieds des apôtres dans le cénacle ; la Prière et la défaillance de J. C. et l'assoupisse- ment des trois apôtres dans le jardin des Oliviers.

Les dix ystoires au midi sont : d'abord , deux motifs de significa- tion douteuse, et qui semblent pouvoir convenir à différents épi- sodes de la vie de J. C.; ensuite , la Pêche miraculeuse; S. Thomas approchant sa main de la plaie du côté droit de J. C. (2); un épisode, aussi peu déterminé que les deux premiers (3); J. C., cheminant avec les deux disciples d'Emmaüs ; J. C , assis à table et rompant le pain entre ces deux mêmes disciples ; la Résurrection de Lazare ; le Centenier, sollicitant la guérison de son serviteur; J, C. apparais- sant aux trois saintes femmes; J. C. se faisant reconnaître de Marie- Madeleine après sa résurrection.

(1) Le choix de ces places était lui-même symbolique : au dehors du cbœur et du sanctuaire, les figures et les promesses : au dedans, l'accomplissement et la réa- lisation.

(2) Nous nous disposons à publier un travail complet et très-étendu , contenant 1 a solution de celte question et de celles qui s'y rattachent : « Pourquoi la plaie latérale de Noire-Seigneur Jésus-Christ est-elle marquée tur le còti droit et non sur le côté gauche du Sauveur dans presque toutes les œuvres d'art du moyen âge ? »

(3) Quoique ce premier, ce second et ce cinquième motif soient déterminés dans plusieurs publications , leur spécification réelle ne nous en paraît pas moins de- meurer douteuse.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

12 RF.VÜB ARCHÉOLOGIQUE. Telles sont les vingl-quatre ystoires qui composent ce bel en-

semble. En nous bornant à les nommer, nous regrettons que les limites de ce travail ne nous permettent pas d'entrer dans l'exposi- tion de leur mise en scène ; nous aurions aimé à y signaler des types curieux et traditionnels qui se retrouvent sur les monuments sculptés analogues et aussi dans les miniatures du XIII* et du XIV* siècle, et à y faire ressortir des traits pleins d'un charme et d'une naïveté parfaitement évangéliques. Mais chacun pouvant vi- siter et étudier cette grande composition, nous préférons nous attacher à des détails moins perceptibles à la foule et beaucoup plus curieux peut -ótre par le mysticisme de leur esprit. Nous voulons parler de l'ornementation qui enrichit l'encadrement de ces ystoires.

L'art profane s'est presque toujours complu à orner ses œuvres en y imprimant soit des chiffres , soit des anagrammes ou des em- blèmes en rapport avec le caractère ou la destination de l'objet. L'art hiératique a fait de même: l'ornementation des églises, rare- ment insignifiante , a ses anagrammes à elle , ses chiffres pieux et ses emblèmes reconnus et traditionnels, et ce sont des fleurs, des feuillages , des pierres ou des animaux. Parfois , ces objets acces- soires n'expriment qu'une idée isolée , rattachée indirectement an sujet principal ; ailleurs , ils complètent le sens et facilitent l'in- telligence de l'œuvre, la parant aux yeux de l'esprit par les allu- sions de tout genre qu'ils viennent grouper autour d'elle , comme ils l'ornent aux yeux du corps par la grâce de leurs détails et la perfection de leurs formes. C'est ce que l'on remarque ici.

Au côté méridional , c'est-à-dire celui du quai , les ystoires de l'Évangile sont surmontées d'une frise élégante formant une sorte de rampe, où se jouent des figurines penchées comme pour regar- der les scènes qui se déroulent sous leurs pieds. Ce sont des anges musiciens, quelques figures méditatives, une ou deux sirènes, et beaucoup d'autres personnages, nouveaux Nabuchodonosors à demi ou complètement transformés en bêtes. Ce sont là les statuettes que nous avait signalées M. E. Cartier ; leur interprétation ne nous semble ni compliquée ni douteuse. L'esprit d'allusion ne semble-t-il pas avoir appliqué ici au Juste par excellence, dont la vie est là , mise en scène sous les yeux de tous ces témoins , cette expression de l'Écriture parlant au nom de tous les justes : Spectaculum facti sutnus mundo , et Angelis, et hominibus (1)?

(1) Voir notre Mémoire sur les trente-deux statues de* tourelles de Saint-Denys.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

YSTOIRES ST BMBLÈMES BIBUQCES. 13 Àu côté septentrional, on voit une double série de motifs d'orne-

mentation , l'une au-dessus, l'autre au-dessous de la représentation des ystoires. L'ornementation d'au-dessus est une guirlande de pampres et de grappes de raisin sculptée et fouillée avec beaucoup d'art. Ici , comme dans nombre d'églises de la même époque , une

préférence marquée a été donnée à la vigne sur tous les autres vé- gétaux. C'est que la vigne , on le savait dans ces âges de mysticisme, est par son sens anagogique l'un des plus beaux et des plus évangé- liques emblèmes de J. C. Le moyen âge tout entier s'empara de cette figure et la consacra dans ses œuvres. La vigne, disent una- nimement ses écrivains après tous les docteurs sacrés, représente anagogiquement J. C. el allégoriquement l'Église et l'âme chré- tienne, en vertu des paroles du Sauveur même : « Je suis, a-t-il dit, la vigne , et vous en êtes les rameaux (1). » La vigne est donc sculp- tée ici comme le chiffre du Sauveur, du héros de ce beau poëme dont les scènes si dramatiques s'alignent immédialement au- dessous.

Les motifs d'ornementation sculptés au-dessous des ystoires dé- corent leur soubassement. Sous le plan où elles défilent , est une suite d'arcalures ogivales subtrilobées , reposant , à leur retombée , sur de triples colonnetles engagées couronnées de chapiteaux de feuillages. Dans le champ des intervalles curvilignes existants entre leurs impostes , des bouquets de fleurs ou de feuillages délicats sculptés en relief sont alternés par des animaux bibliques , ou par de petites scènes dont les acteurs sont des animaux. Ces groupes, quoique très-frustes pour la plupart , sont parfaitement neis à l'œil et aussi complets que l'exiguïté de l'encadrement l'a permis. Ils forment dix motifs distincts, indépendants les uns des autres. Le premier de ces motifs est un hibou, ailes déployées, s'acculant contre la paroi ; le second, le troisième, le quatrième, le septième et le neuvième, autant de dragons isolés, qui diffèrent par les dé- tails , l'expression et les attitudes ; le cinquième est un limier qui se jette sur un lion ; le sixième , une grande chauve-souris au vol ; le huitième , deux limiers se précipitant sur la patte d'un cerf vivant et terrassé , dont on n'aperçoit que ce membre ; le dixième , un re- nard blotti derrière des gerbes et épiant un pèlerin. Ces sujets ont tous de la vie et une expression énergique; celle de leur physiono- mie est pleine de férocité ou d'une terreur comprimée; sous le

(i) Jo., XV, 1, 4, 5, 6. Et pour l'iulerprétalion, saint Isidore et tous les commen- Uteurs sacrés.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

14 ftfitOE ARCHĚOLOGlQUB .

rapport de l'esthétique, ils ne le cèdent en rien aux statues sculp- tées au plan supérieur.

Nous ne saurions nous persuader que le mysticisme, si vivant et si influent au temps où cette œuvre fut faite , puisse avoir été étran- ger à ce choix d'animaux bibliques. Il ne l'a pas été non plus à la place où nous les voyons au-dessous du plan où défilent les scènes de la vie du Sauveur. A Reims, à Chartres et partout, les sujets posés en consolé sous les pieds des grandes statues ont évidemment avec elles des rapports historiques ou allégoriques pleins d'un véri- table intérêt. Ici, foulés en quelque sorte au lieu inférieur qu'ils occupent par la marche humble en apparence , mais en réalité triomphante du Fils de Dieu, ces animaux sont des vaincus et font ressortir son triomphe ; ce qui est d'autant plus vraisemblable , qu'ils figurent précisément par leur symbolisme biblique et par leurs acceptions notoires pendant les quatorze premiers siècles chrétiens, les adversaires du Sauveur, les ennemis qu'il terrassa par ses vertus, par ses miracles et par l'efficacité de sa mort. Ces enne- mis furent en effet, avant tout, les démons dont il venait terminer le règne; il les chassait du corps des possédés; les traditions lé- gendaires, si en honneur au moyen âge , rapportaient unanimement qu'il faisait taire leurs oracles , qu'il faisait crouler leurs idoles , et qu'à ces signes éclatants ils purent pressentir la fin et la chute de leur empire. A.près eux se placent les Juifs, pleins d'envie et de jalousie, qui repoussèrent sa parole, nièrent sa divinité, rejetèrent ses miracles, semèrent sa route de pièges, conjurèrent sa mort violente et lui résistèrent toujours. Ce sont précisément ces deux sortes d'ennemis, à savoir, les démons et les Juifs, que symbolisent les espèces et les actes de ces animaux. Ainsi , dans le langage mys- tique répandu au XIII* siècle, l'affection opiniâtre aux ténèbres spirituelles, si souvent reprochée aux Juifs dans les Écritures sacrées, est figurée par le hibou ; lès affections toutes terrestres incapables de s'élever et de tendre à aucune chose en dehors des biens tem- porels, autre caractère distinctif de ce peuple, ont pour emblème la chauve-souris qui rase le sol de ses ailes et se creuse un nid souterrain. La haine et l'envie acharnée s'unissant contre le Sau- veur, mais n'osant l'attaquer de front et se cachant à son approche, ont leur type dans le dragon , dont nous donnerons la légende. Enfin, l'agression implacable, la rage aveugle et altérée du sang du Juste ont le leur dans les chiens limiers, s'attaquant à deux animaux qui comptent parmi les plus nobles et les plus magnifiques em- blèmes de J. C.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

YSTOIRBS ET EMBLEMES BIBLIQUES. 15

Tels sont les ennemis vaincus , terrassés par sa vie divine. Le rang inférieur qu'ils occupent dénote pour eux , ce nous semble , d'une part , qu'ils complotent dans les ténèbres ; de l'autre , qu'ils seront domptés par le Christ et deviendront son marchepied en vertu de cette parole de l'Écriture s Ponam inimicos tws scabellum pedum tuorum , et qu'ils orneront son triomphe, ainsi qu'il y est dit encore : Ët expo liant) principatus et potestates , traduxit confidenter, palam triumphans ; poétique et sublime idée , digne de cet âge mys* tique doht toutes les œuvres sont une glorification de la Bible , soit par la science , soit par l'art !

Nous allons entrer maintenant dans l'exposition abrégée de nos preuves , en commençant par les sujets sculptés dans la troisième travée au nord , c'est-à-dire au point du chevet où la clôture en pierre qui nous occupe reste tout à fait dénudée , et nous dirigeant vers la grille en fer ouverte dans le bras septentrional du transsept. Nous emprunterons nos explications au Dictionnaire de la zoologie monumentale et emblématiqne du moyen âge , dont nous préparons la publication.

1 . Hibou aux ailes déployées. Le premier des animaux sculptés sous les ystoires de la vie du Sauveur est un hibou, vu de face et les ailes étendues. Son expression, car l'ymaigier a su en donner une à cet animal, est celle de la retraite furtive dans l'angle où il s'adosse au mur, et d'une haineuse et ardente méditation. Voy. pl. 255, n° 7.

Le hibou est le nyeticorax de la Bible et le type principal des oi- seaux de nuit, qui, distingués encore sous les noms de bubo et de noctua , partagent les attributions du nycticorax dans le langage hiératique, et les étendent, comme nous le verrons plus bas, à un autre oiseau de ténèbres, la chauve-souris.

Il y a dans le mysticisme chrétien, entre les emblèmes tradition- nels et les choses qu'ils représentent, certaines analogies devenues étrangères à l'esprit du siècle actuel, mais parfaitement conformes aux idées du moyen âge : la science de clergie enseignait ces analo- gies des premiers avec les secondes, et expliquait ainsi pourquoi les uns étaient investis de l'attribution de représenter les autres (1).

(1) Il est démontré, par l'étude sérieuse du moyen 4ge, que le langage de clergie, qui n'est autre chose que le langage métaphorique et spirituel des livres sacrés , a inspiré les œuvres de l'art chrétien jnsqu'au XIVa siècle et bien au delà. Ce langage, familier aux clercs et compris dans l'étude des saintes lettres, était néanmoins assez étranger aux laïques. Le clerc Guillaume le Normand s'en expli- que nettement dans son Bestiaire, et il est curieux de lire, dans un magnifique et vieux commentaire de saint Augustin , à la bibliothèque Sainte-Geneviève , que

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

16 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. .

L'Écriture est toute remplie de ce? métaphores, ou allusions, et toutes ces figures bibliques ont été consacrées dans l'art.

Le hibou, classé parmi les oiseaux, et par conséquent pourvu d'ailes, semblerait devoir s'élancer dans les hautes régions de l'air: cependant il fuit la lumière, nç quitte son trou que la nuit et se complaît dans les ténèbres; c'est pourquoi l'Écriture , tout, en en faisant, au point de vue anagogique, et d'après d'autres caractères, l'un des emblèmes du Sauveur, l'a choisi en même temps pour fi- gurer au point de vue allégorique les aveugles spirituels. Cette al- lusion a été acceptée dans l'art.

Saint Isidore dit que le hibou est le type de ceux qui repoussent la lumière de la vérité.

On lit dans Pierius, à l'article intitulé Noctua, que les ténèbres où se complaît le hibou sont déclarées par saint Eucher figurer la perversité, l'infidélité, les ombres de l'erreur, l'aveuglement de l'ignorance.

On lit dans saint Brunon d'Asti que le hibou figure ceux qui suivent le roi des ténèbres et qui fuient le soleil de justice, c'est- à-dire J. C.

Hésychius de Jérusalem, saint Thomas d'Aquin disent que le hibou passe pour avoir une vue perçante pendant la nuit, mais que cette vue s'obscurcit aux rayons du jour; « tels sont, ajoute le premier, ceux qui se glorifient de la science et de la méditation de la loi, incapables en même temps d'acquiescer. à la lumière de l'Évangile. » « Il signifie, dit le second, les hommes fins et péné- trants dans les affaires temporelles, mais inintelligents dans l'ordre des choses de Dieu. »

Le mysticisme du moyen âge, enchérissant sur celui des docteurs chrétiens, donna souvent de l'extension à ces métaphores bibliques, au XII', au XIII" et au XIVe siècles. Ce ne sont plus seulement les aveugles volontaires que symbolise le hibou, mais eu particulier

le langage de clergie n'était pas mieux compris du vulgaire lorsqu'on le parlait en français que quand on remployait en latiii. « Des choses céjestiennes et supercé- lestiennes, y est-il dit, come dè Jésuchries et autres haultes matières (fui si soub- tivement, si haustement et si briefvement sont traitées en ce livre et autres, nous nous debvons entremettre espécialement den parieren françois, non pas pour ceuls qi entendent et lun et lautre : mais pour ceuls qi sont purs lays, et qi pour chose qe nous en deissions, nen seroient en riens plus ediffieznenentendroient point leur langaige plus que lautre : néant plus qe du cinquième livre de Boëce de consola- tion, duquel la translación ne donne aux lays point plus de déclaration qe le latin.»

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

TSTOIRKS BT EMBLÈMES BIBLIQUES. 77

les Juifs, à raison de la cécité spirituelle qui est leur caractère le plus saillant et celui qui leur est reproché le plus fréquemment dans les livres saints. C'est celui qui leur a valu ce reproche de l'Àpôtre : « Lux venit in mundum, et dilexerunt homines magis tenebras quam lucem ; » reproche indirect , mais évidemment adressé à ce peuple, si obstinément incrédule et ennemi dunoin du Christ, tandis que les gentils se convertissaient.

Les Bestiaires s'étendent beaucoup sur le rapprochement des Juifs volontairement aveugles, et du hibou ou de l'orfraie qu'ils lui associent, et dont ils ne font, sans doute à cause de cette identité de symbolisme, qu'un même oiseau avec lui. C'est ce qu'on lit dans Philippe de Thann : « Le nycticorax, dit-il, est l'animal ap- pelé en français orfraie : c'est un oiseau nocturne dont le chant présage malheur , et voici sa vraie signification : les ténèbres , ce sont l'enfer, où le chant sera un concert de cris de douleur. L'or- lraie signifie les Juifs , qui , lorsque le Sauveur voulut en cette vie leur communiquer sa lumière et les racheter de la mort, le repous- sèrent et refusèrent d'écouter ses commandements. »

Le Livre des natures des bestes dit que le nycticorax est l'emblème des Juifs, parce qu'ils ne voulurent pas croire au mystère de F Incar- nation, et conséquemment à la divinité de J. C. Ce refus a été effec- tivement la source de tous leurs crimes : il l'a été, dès le principe, de leur haine contre le Christ, de leur endurcissement contre ses miracles, de la répulsion qu'ils opposèrent à sa doctrine, et enfin de leur déicide. « Le nycticorax , dit ce Bestiaire, aime moult les « tenebres plus que le jor.... Et voirs est qe il ne velt onques voler « par jor. Del nicticorax a li poples des Juis la samblance qe il « déboutèrent. Nòstre Segnor qant il vint por els sauver. Lors dis- « trent li Juis : « Nos n'avons nul roi fors Cesar, cestui ne savons « nos qi il esl. » Et porce, amèrent-ils plus tenebres qe jor.... Cest « a entendre qe Jui ne creirent pas qe Dex s'aombra en la sainte « Vierge pucele Nostre Dame sainte Marie sa beneoile mere : et « ne le voldrent conoislre par l'oscurté de lor inescréance. Et por « ce amèrent-il l'oscurté qant il ne creirent cléremeňt la poissance « de Nostre Segnor : et por cete, samblent Jui li nicticorax, il hel « luinierre del jor et aime tenebres : et tot li oisel l'ont en despil « (in despectu), et tot crestiens ont Jui en despit. »

Le Bestiaire de Guillaume le Normand n'est pas aussi précis sur le refus des Juifs d'acquiescer au mystère de l'Incarnation. Dans son chapitre intitulé Li nicticorace, il se borne à dire en général qu'ils repoussèrent la lumière, qu'ils détournèrent leurs regards

XII. 2

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

18 MVUB ARCHÉOLOGIQUE.

pour ne point voir le vrai soleil, et qu'ils préférèrent les ténèbres au jour qui se levait sur eux (1) : mais si leur incrédulité au sujet de l'Incarnation n'est point spécifiée dans ce texte, elle l'est dans la miniature correspondante où on voit les Juifs refusant, comme le dit le livre Des natures des bestes, de croire « que Dex s'aombra en la sainte Vierge pucele Nostre Dame Marie sa beneoite mère. » Il était pourtant difficile d'exprimer par le pinceau et par les couleurs ces détails du dogme sacré, et ce rejet, acte tout spirituel. C'est pourtant ce qui est rendu très-ingénieusement par celte petite peinture : on va voir comment. (Voy. pl. 255, n" 1.)

Au centre, la Vierge Marie, cette femme de tant de foi, et heu- reuse pour avoir cru, nimbée et chastement drapée , les cheveux li- bres et flottants, et un livre dans sa main gauche, présente la droite à un ange : celui-ci également nimbé, ailé et debout devant elle, a pour atiribut une palme ; il n'ose effleurer cette main de la fiancée du Très-Haut : il se borne à lui présenter, dans la paume de sa main tendue et ouverte, l'anneau de ce divin mariage. La Vierge, la tête inclinée, semble prononcer la parole d'acquiescement, et le Saint-Esprit, sous la forme d'une colombe, voltigeant autour de son front, penche le bec vers son oreille (2). Derrière la sainte épousée, attiré par cette lumière qui fait son entrée en ce monde et que les Juifs vont repousser, se presse un groupe de croyants ; ce sont les gentils : nous-mêmes, dit le Bestiaire (nos gens) : ces con- vertis sont guidés par saint Paul, leur apôtre, reconnaissable à son épée. Le personnage qui le touche, et dont les cheveux sont taillés en couronne est sans doute le représentant de la vie érémétique. Le troisième, caché par ceux-ci, ne laisse apercevoir que son nimbe uni , attribut qui lui est commun avec eux. A l'extrémité.du tableau, au côté opposé à l'ange, complotent six Juifs, les hiboux spirituels, les nitieoraces, tristes héros de ce thème, caractérisés par la corne qu'une ordonnance de Philippe le Hardi les contraignit à porter sur leur bonnet. Deux ne laissent apercevoir que le som- met de cette coiffure ; trois autres ergotent et gesticulent avec un rire sarcastique très-énergiquement rendu sur la miniature ori- ginale. Celui qui est placé à leur tête a les yeux couverts d'un ban- deau, marque de son aveuglement : il tourne le dos au mystère, à

(1) Voir ce bestiaire. (2) Cette manière métaphorique de représenter le mystère de llncarnation a eu

cours au moyen âge, non-seulement dans l'art, mais même dans la liturgie. On lit dans un bymne ou une séquence des anciens missels ou bréviaires, ces mots, adressés à la sainte Vierge ; Beata gute credidisti, qu» per aurem concepisti, etc.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

YST01RE6 ET EMBLÈMES BIBLIQUES. 19

l'ange, à la Vierge Marie, à l'essaim des gentils, rebrousse grave- ment chemin, et portant sa main en avant, invite sa cohorte impie à faire retraite avec lui. Dans l'angle , un hideux petit diable qu i l'a saisi par son manteau le tire dans le même sens et s'efforce d'activer sa marche.

Telle est, selon les idées de l'antiquité chrétienne et du moyen âge, la ressemblance des Juifs avec l'oiseau qui « het le jor », et voilà pourquoi celui-ci ouvre la série des animaux qui les repré- sentent : il n'était nul clerc au XIII* siècle qui n'eût su se dire en avisant ce grand hibou ramassé là contre le mur. « Del nilicorax a li poples des Juis la samblance.... samblent Jui li nicticorax : il het lumierre del jor et aime les ténèbres, et tot li oisel l'ont en despit (mépris : despee tus), et toi crestiens ont Jui en despit. »

2, 3, 4, 7 et 9. Dragons dans diverses attitudes. Dans chacun de ces cinq compartiments, un dragon plus ou moins comprimé dans l'espace étroit, ici s'aplatit avec rage, là essaye de se redresser ou se prépajre à l'agression. Le dernier, le n° 9, qui est le plus rapproché du transsept, a une expression de férocité remarquable. Une tête de bête fauve qui se retourne avec terreur : de grandes oreilles, couchées par la même impression : des ailes de palmipède dé- ployées qui essayent de hâter son élan : des pattes de lion entre lesquelles il ramène et cherche à cacher sa queue de serpent : en même temps il se ramasse, comme pour échapper au regard. L'é- pouvante, l'attention surexcitée et la méditation de la fuite sem- blent personnifiées dans cet animal. Voy. pl. 255, n° 5.

Le démon est le premier et le plus acharné d'entre les ennemis de Dieu : l'Écriture dit que J. C. le refoula dans les enfers et l'y en- chaîna pour toujours (1) ; c'est à bon droit que son emblème se trouve ici parmi les figures des rebelles qu'il a vaincus.

Le dragon, emblème de l'esprit de ténèbres, a deux types , ou expressions principales dans l'art chrétien au moyen âge : on l'y voit tantôt sous la figure d'un énorme serpent à buste ou à tête de jeune fille, et tantôt sous celle d'un monstre moitié mammifère et moitié reptile, ayant une tête de bête fauve avec des griffes de lion. Sauf d'assez rares exceptions, l'un et l'autre de ces types se terminent, soit par une queue de cheval ou d'àne, soit par une monstrueuse queue de serpent invariablement sinueuse , et très- souvent enroulée ou formant des nœuds. Le serpent tentateur cher- chant à persuader Éve dans le paradis de délices est ordinairement

(1) Apoc., XX, 2, 9, 10.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

2Ď REVUE ARCHÉOLOGIQUE. montré sous le premier de ces types : le second est plus fréquent, et partage avec lui sur le trumeau des portails des églises du moyen âge la place qui lui est donnée sous les pieds des statues de la sainte Vierge en vertu de cette parole prophétique de la Genèse : « Ipsa conteret caput tuum. »

Nous n'entreprendrons point ici d'exposer les motifs qui ont fait admettre le dragon dans les livres saints et dans les légendes comme personnification du Démon: ce type est trop vulgarisé et les motifs en sont trop notoires. Nous rappellerons seulement que , d'après les docteurs sacrés et en vertu des métaphores bibliques, le dragon , tant par lui-même que par les membres d'emprunt dont il est formé, représente dans le mysticisme chrétien le démon in- vesti de différents caractères. Il dénote, par ses cornes, l'arrogance et le pouvoir dece mauvais ange; par ses ailes d'oiseau de proie au vol énergique et allier, l'orgueil fatal qui l'a perdu; par ses ailes de palmipède, vigoureuses en apparence, mais impuissantes ou débiles , son hypocrisie et sa chute ; par celles qu'il emprunte quel- quefois à la chauve-souris , les affections et les désirs dirigés vers les choses temporelles ou même abjectes ; par sa tète de jeune fille, les amorces et l'attrait subtil de la tentation et ce qu'elle a de spé- cieux aux yeux de la raison vaincue, figurés par l'éloquence insi- nuante du langage exclusivement réservé aux lèvres humaines et féminines ; par sa tète de chien vorace ou de bête fauve et par ses griffes de lion, l'agression subite et violente et la ténacité de la tentation. La queue sinueuse ou enroulée du dragon, par laquelle ce monstre était réputé entortiller, entraîner et étouffer .ses vic- times, marque la perfidie, les ruses, le redoutable pouvoir du mauvais Esprit. Lorsque cette queue est empruntée à l áne ou au cheval , elle marque les ignobles déportements et la fin ignomi- nieuse des sensuels figurés par ces animaux (1).

Plusieurs de ces caractères se font remarquer dans les dragons qui nous occupent : leur tête emprunte au chien, au singe , au re- nard ou à quelque autre animal carnassier ce qu'ils otil de plus fa- rouche, de plus malicieux, de plus fin ; tous sont ailés, tous ont une queue sinueuse appartenant soit au cheval , soit au serpent , que l'émotion et la terreur ramène et colle sous leur ventre ; tous ont des pattes de lion entées sous l'avant-corps d'une bête fauve; enfin,

(I) Toules ces interprétations sont puisées dans les commentaires bibliques et étaient passées dans l'esprit du temps. Voir, pour leur jusUQcalion et pour les au- tres siguiQcalions du dragon que nous omettons sciemment , notre travail prêt à p arailre sur la Démonologie mystique et les géhennes du moyen âge.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

YSTOIRES ET EMBLÈMES BIBLIQUES. 21

leur expression générale est le désir de l'agression , la terreur, la rage impuissante , le désespoir de la défaite et la fuite dans les té- nèbres. (Voy. pl. 255, n° 4.)

Parmi les traditions légendaires et allégoriques répandues au moyen âge sur le dragon infernal , il en est une surtout où celui-ci est montré rongé d'envie contre le Sauveur : on l'y voit brûlant de haine contre lui, terrifié à son approche, se précipitant avec rage dans les abîmes ténébreux à l'aspect de la vie et de la marche du Fils de l'homme entrainantà sa suite les populations converties. C'est à cette allégorie légendaire, reproduite dans tous les Bestiaires, que semblent faire particulièrement allusion les dragons de ces bas- reliefs, frémissant de haine et de rage, et repoussés dans leurs repaires par le défilé triomphant de la vie du céleste Réparateur.

La légende dont nous parlons montre la panthère comme un animal bigarré, d'humeur ordinairement douce et d'une beauté merveilleuse : tous les animaux la recherchent ; le dragon seul la hait à mort. Quand elle a trouvé quelque proie , elle mange et se rassasie , puis elle s'étend dans son gîte et y dort trois jours d'un sommeil profond. Alors la panthère se dresse , fait entendre un long miaulement et s'élance à travers les bois. A ce cri , bien connu de tous , attirés surtout par une émanation suave qui sort de sa gueule entr'ouverte et qui se répand au loin , tous les animaux accourent, se rassemblent comme un troupeau, marchent en cortège à sa suite , et plus elle franchit d'espace , plus sa cour augmente et gros- sit. Mais le dragon qui la redoute et qui hait l'odeur qu'exhale sa gueule embaumée n'a pas plutôt ouï sa voix qu'il se précipite vers son repaire; il s'y tapit et y demeure, tremblant, sans mouvement, sans forces , inanimé et comme mort (1).

La légende de la panthère et du dragou a , au moyen âge , une interprétation uniforme. La panthère , c'est J. C. , le plus beau des enfants des hommes. « Nostre sires Jhucrist il est vraie pantère: qe « tôt altresì atrait-il par sa sainte incarnation l'umain lignage qe li « dragons , c'est li diables, tenoit en mort. » Elle est aimée des ani-

(1) Plusieurs naturalistes du moyen âge , tout en rapportant cette tradition, ont soin d'observer que les animaux sont seuls juges et seuls appréciateurs des parfums qu'exhale la gueule de la panlhère. Nous n'avons , du reste , à entrer ici en nulle manière dans la discussion critique du plus ou moins de validité des traditions et des légendes qui ont servi de base à un très-grand nombre des allusions du sym- bolisme. Nous constatons ces traditions, nous développons leur liaison avec les emblèmes acceptés par le génie des siècles passés. Nous avons à poser des faits, et non à nous établir juge de l'esprit de l'antiquité et de celui du moyen ige.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

22 RB VUE ÀHCBÍOLOGIQUB. maux : « Ce que la panthère est molt privée , de ce dist Ysaïes li « prophètes « esjolsse-toi , esleece (exulta), fille de Syon (1), fille « de Jherusalem, preeche, car tes rois vient à toi qi te salvera. » Les couleurs variées de la panthère marquent les vertus du Sau- veur, sa sagesse, sa vérité, sa pureté immaculée, sa toute-puis- sance, sa magnificence, sa miséricorde pour tous les hommes, sa compassion pour les pécheurs, sa justice, etc. La mansuétude de la panthère marque sa charité divine poussée jusqu'à l'immolation volontaire, et jusqu'à la vocation des gentils. Si la panthère se nourrit de proie jusqu'à la satiété et sommeille ensuite trois jours, c'est que J. C. fut rassasié de tourments et dormit trois jours dans le sépulcre : « Tôt altresì nostre sire Jhucrist por qil fu saollés des « escharnissemens des Juis, des tormans , des bufes , des torchene- « ries , des espines , des escopemens , des clous fichiés en ses mains « qant il le pendirent en crois et il l'abeurèrent de fiel et d'aisil et « il tresperchièrent ses costés de la lance. Jhucrist de tos ces dons « fu saollés et s'endormi et reposa el sepulcre trois jors et descendi « en enfer et loia iluec le grant dragon, ce est li diables qi est « anemis à nos tos. » Le réveil de la panthère c'est la résurrection du Christ. Son cri, les parfums de sa gueule, l'attraction qui fas- cine et entraine tous les habitants des forêts, marquent l'irrésistible charme de la parole évangélique prêchée dans toute sa puissance et toute sa suavité , retentissant par tout le globe et convertissant tous les cœurs (2). Enfin, le dragon, qui frémit, prend la fuite, gagne son trou et y demeure comme mort, c'est le Démon, que J. C. enchaîna au fond des enfers lorsqu'il descendit dans les limbes (3).

Philippe de Thann dit de même que la panthère figure la vie du Sauveur :

Pantere mustre vie dei fiz sainte Marie E nus signiflum les bestes par raisun (à bon droit) E li dragun, diable, par semblant cuvenable (par une allusion motivée), etc.

La légende de la panthère , où cet animal apparaît avec sa robe bigarrée, ses forêts remplies de parfum, son long cortège d'ani- maux , son dragon qui tend des embûches et bientôt fuit épouvanté, est digne en tout point d'avoir place parmi les brillantes traditions réunies dans les bestiaires et longtemps adoptées dans l'art. On la

(I) Zachar., IX, 9. - Isa., LXH, 11. (2) Voy. H livres des natures des bestes, ms. de l'Arsenal et les autres bestiaires. (3) Apoc., XX, 2.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

YSTOIRES ET EMBLÈMES BIBLIQUES. 23

voit, au moyen âge, orner les retables d'autel, les vases sacrés; nous voyions naguère un calice où elle était reproduite en relief. C'est l'une des plus splendides fictions qui nous aient été conser- vées; c'est tout un poëme, magnifique mise en scène de cette pa- role de J. C. (Jo. XII, 32) : Si exaltatus fuero a terra , omnia traham ad meipsum.

5. Limier saisissant m lion. Réunis dans un cadre étroit, ces deux animaux sont groupés de manière à y trouver place et à le rem- plir tout entier. Voy. pl. 255, n° 6.

Ardent et lancé à la course, un limier se jette seul sur un lion, appose résolûment sur lui une de ses pattes, le saisit au point où finit la crinière et qui demeure dénudé : le lion , vu presque de face, penché vers le sol comme descendant un plan incliné, parait arrêté dans sa marche par un aussi faible ennemi. On s'étonnerait d'une défaite aussi étrange si cet acte n'était commandé par le mysticisme : ce chien, d'une audace si grande, est encore l'em- blème des Juifs qui ne sont plus montrés ici refusant d'écouter le Verbe de vie, mais s'attaquant au Roi de gloire qui se livre volon- tairement pour les sauver.

Le chien, même dans l'antiquité et le paganisme, est, à son mauvais point de vue (1), l'emblème de l'impudence effrontée et celui des profanaterrs : dans le sein du christianisme il a gardé ces acceptions (2). L'Évangile , ainsi que les épîtres des apôtres, dési- gnent sous le nom de cet animal les profanateurs orgueilleux inca- pables de discerner les choses sacrées et qui en doivent être écar- tés : « Ne donnez pas, dit J. C., les choses saintes aux chiens, de peur qu'ils ne se retournent et ne se précipitent sur vous pour vous dévorer (3). » Et encore : « Il n'est pas juste, dit-il, de pren- dre le pain des enfants et de le donner aux chiens (4) » , c'est-à- dire aux profanateurs, aux indignes, aux orgueilleux. De là, cette malédiction que saint Jean, dans l'Apocalypse, place sur les lèvres de J. C. : « Hors d'ici (de la cité sainte) les chiens , les empoison- neurs, les impies.... (5) » De là aussi cette formule : « Sancta,

(I) Le chien, à son bon point de vue, a de très-nobles acceptions dans le mysti- cisme sacré. (2) « Scriptura.... canum nomine primo infideles significai : secundo profanos « Verbi contemptores qui crudellter saeviunt in veritatis prœcones : tertio, quosvis « piorum hosles et invasores, etc. » (Bocharl., Uieroz.) (Z) Matth., VII. 6. (4) Matth., XV, 26. Marc, VII, 27. (5) Apoc., XXII, 15.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

24 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. sanctis : foris canes (1) », prononcée lout haut par le diacre dans les premiers âges chrétiens au moment où Faction du saint sacrifice allait commencer, et où les pécheurs reconnus, les péniteuts pu- blics non encore réconciliés, les excommuniés et les énergumènes étaient exclus de rassemblée.

Au moyen âge, le mépris haineux dans lequel on enveloppait tousles Juifs indistinctement vulgarisa de bonne heure et fit passer dans le langage cette épithète dégradante dont l'initiative était prise par les écrits hiératiques : on l'employait pour les honnir , et elle leur fut appliquée trop souvent avec cruauté. Ce ne fut point assez, pour Tanimad version publique« de la proscription que les Juifs avaient subie sous Philippe Auguste : ni des ordonnances du concile de Latran et de Louis X qui les obligeaient à porter toujours sur leur poitrine le signel caractéristique, rouelle d'étoffe jaune ou mi-partie rouge et blanche de la largeur « d'un blanc tournois » : ni de l'arrêté de Philippe le Hardi qui les contraignait à porter une corne sur leur bonnet : ni de la défense humiliante qui leur était faite de se baigner dans la Seine : ni de l'odieuse accoutumance passée jusque dans les actes publics, qui désignait leur commu- nauté sous le nom de societas caponum, et le lieu où ils s'assem- blaient sous celui de domus societatis caponum (2) : ni des règle- ments de police qui reléguaient les demeures des moins aisés d'entre eux sur la lisière des forêts de mauvais renom assises près de l'emplacement actuel des halles (3), et celles des riches dans les sales rues de la Juiverie, de la Teixanderie et du Pet-au-Diable : le prétexte le plus léger suffisait pour les faire pendre, et toujours,

(1) « .... Après l'instruction on faisait sortir les catéchumènes , les énergumènes, les excommuniés, les infidèles..«, et le diacre disait à haute voix : Saneia , sanctis : foris canes , faisant allusion à cette parole de Jésus-Christ : N olite dare sanctum canibus , etc. (Gatéch. de Montpellier, t. II, p. 148.)

(2) Registre du parlement, an 1312. (3) Dom Félibien et tous ceux qui se sont appliqués à l'histoire de Paris, préten-

dent que le côté nord de la Seine était, au IX* siècle, couvert d'une vaste forêl. La tour octogone qui subsista longtemps au coin du cimetière des Innocents , servait , dit-on, pour faire sentinelle dans cette forêt contre les bandes de voleurs et contre les Normands qui pouvaient venir s'y embusquer et fondre de là dans Paris. On y éleva une muraille pour prévenir leurs irruptions; et les Juifs obtinrent la permis- sion de bâtir dans celte enceinte les fétides rues de Saint -Bon, de la Tacherie, du Pet-au-Diable et autres adjacentes. Ce ne fut que sous le règne de Louis VII que l'on commença à bâtir dans Champeaux (quartier des Halles) et aux environs de Sainte-Opportune , que l'on appelait auparavant l'Ermitage de Notre-Dame des Bois , parce qu'il était à l'entrée de la forêt. (Saint-Foix , Ess . sur Paris.)

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

YSTOIRES ET EMBLÈMES BIBLIQUES. ?5

quel que fût leur nombre, en France et même en Angleterre, c'é- tait toujours entre deux chiens (1).

Du reste, on voit que c'est aux Juifs , comme déicides et profa- nateurs des plus précieuses grâces de Dieu, que les commentateurs chrétiens, tant feuilletés au moyen âge, ont appliqué l'allusion at- tachée au nom du chien ou des chiens dans quelques passages de l'Écriture, notamment au 17* verset du psaume xxi et au 7e verset du psaume lviii. Saint Hilaire, saint Isidore, saint Eucher, Oddon et saint Brunon d'Asti, les deux Saint- Victor, Rhaban Maur, le savant Bochart, etc., sont formels sur ce symbolisme du chien har- gneux, agresseur, avide de sang et immonde. « C'est, disent saint Hilaire et saint Isidore, en vue de ce que les Juifs, méconnaissant le Rédempteur, se réunirent pour le faire mourir, qu'il est écrit : « Une « multitude de chiens m'ont environné, et une assemblée de pervers « m'enveloppe de toute part. » « C'est le propre des chiens, disent ailleurs les mêmes Pères, de se jouer autour du berger, de connaître le troupeau, de poursuivre les animaux rusés qui le guettent; mais ces chiens, dans leur cécité, ne sachant pas voir leur pasteur, ne comprenant plus leur devoir, tournèrent contre leur Maitre et leur Roi les aboiements qu'ils devaient diriger contre les animaux féro- ces et réserver pour les voleurs : c'est pourquoi un autre prophète dit à leur sujet (au nom du Sauveur) :

Us se sont faits à mon égard comme la flèche qui retourne frapper celui qui Ta lancée. Le chien , dit S. Eucher, signifie, dans les livres saints, tantôt le Démon , tantôt

les Juifs. Une multitude de chiens m'ont environné, c'est-à-dire, dit Odon d'Asti, les Juifs,

aboyants sans raison. Le psalmiste, dit saint Brunon, donne aux Juifs le nom d'assemblée des pervers

et celui de chiens aboyants sans cause et sans raison contre Jésus-Christ. Par les chiens, dit Rhaban Maur, l'Écriture désigne les Juifs.

Bornons-nous à ces courtes explications sur le caractère mystique du chien farouche et agresseur. Quant au lion , nous n'entrerons point ici dans l'exposition des motifs qui ont fait de cet animal l'un des plus magnifiques emblemes de J. C. dans le mysticisme hiéra- tique : il est le roi des animaux, et on sait que plusieurs passages des Écritures désignent le Messie sous son nom (2). De plus, en

(1) Conc. de Lair., chap. vin. - Chàteaub., tu hist. -De Saint-Foix, Ess. sur Paris. (2) Notamment, Genes., XI, ixt 9. - Apoe.y V, 5. - Isai ., V, 29 et les commen-

taires de ces passages. - Voy. aussi notre Mémoire sur Us stiluts du porche de Chartres, p. 88 et suiv.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

58 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. vertu de diverses traditions légendaires, le lion représentait en par- ticulier quelques-uns des faits de sa vie, quelques-uns de ses carac- tères les plus élevés et les plus mystiques. Notre dictionnaire inédit les exposera : nous ne rappellerons ici que celle de ces traditions à laquelle le bas-relief qui nous occupe semble faire allusion.

Parmi nombre de caractères qui ont été prêtés au lion, le mé- lange de force et de faiblesse qui lui fut longtemps imputé, le mit, aux temps hiératiques du moyen âge, en possession de symboliser les deux natures réuuies dans la personne de J. C. Le lion passait pour n'être doué de vigueur que dans sa partie antérieure : c'est pourquoi, selon saint Irénée et d'autres docteurs de l'Église, le lion, là où son nom fait allusion à J. C. dans les Écritures, y repré- sente par sa tête, son poitrail et ses deux pattes antérieures, la nature divine et impassible du Fils de Dieu, tandis que ses reins et toute sa partie postérieure, qui étaient réputés frappés de faiblesse, marquent l'humanité défaillante du Rédempteur, sujette à la dou- leur terrestre et aux angoisses de la mort.

On remarque ces mêmes idées dans les manuscrits antérieurs au XV* siècle : nous ne citerons que Philippe de Thann, qui dit, dans son livre Des créatures , que le lion est fort par son buste , mais fai- ble par l'arrière-train : que c'est là une allégorie, représentant Dieu, fort par sa divinité, faible par son humanité.

« E veez del leun signilicatiun : Fort est el piz (poitrail) devant , ardize cumbatant, Feble ad le trait (train) derere, eue de grant manère (laille) Ceo est dit par figure : Dé est fort par nature, Fort sulum déiled , feble en humanited. >

Après ces considérations, le bas-relief qui nous occupe est suf- fisamment expliqué. Le mouvement impétueux et la morsure de ce chien saisissant ce lion qui tombe, tout plein de vie et de vigueur, c'est le lâche attentat des Juifs sur l'humanité du Messie : le chien attaque son adversaire traîtreusement et s'attache à lui par derrière , ce qui semble indiquer d'abord leurs trames lâches et cachées, et leurs complots insidieux ; il pose insolemment sur lui une patte victorieuse et le saisit, non point en face, mais au haut des reins, c'est-à-dire à sa partie faible. Les Juifs aussi usèrent envers J. C. d'une agression insidieuse et ne s'attaquèrent en outre qu'à l'hu- manité du Sauveur , car le Dieu était impassible , et l'homme seul pouvait mourir. La défaite de ce lion, qui n'aurait qu'à se retourner pour mettre l'agresseur en fuite, symbolise à son tour deux choses :

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

YhfOIRES hi EMBLÈMES BIBLIQUES. 27

d'abord , Toblation spontanée du Fils de l'homme, u oblatus est, quia ipse volnit », ensuite l'abattement de la nature humaine à l'ap- proche de la passion : abattement volontaire à la vérité , mais ce nonobstant douloureux, qui s'épancha dans ces paroles : « Tristis est anima mea usque ad mortem (I). »

6. Chauve-souris prenant Vessor . Le sixième motif est une chauve- souris, ses ailes étendues , prenant ou poursuivant ce vol lourd qui lui est particulier et qui rase toujours la terre. Voy. pl. 255, n° 8.

La chauve-souris se distingue des oiseaux par une conformation, des mœurs et des habitudes trè^-différentes de celles qui leur sont communes. Elle n'est faite, ni n'habite, ni ne vole comme aucun d'eux : aussi fornie-t-elle une c'asse qui se rapproche de celle des carnassiers, et qui est celle des chéiroptères.

Faite en apparence pour le vol, puisqu'elle ressemble à l'oiseau, la chauve-souris habite néanmoins le sein de la terre où elle se pratique un nid : elle hait et fuit la lumière, elle ne prend jamais l'essor dans la haute région de l'air, mais son vol toujours oblique ou horizontal rase et semble effleurer la terre : elle la balaye de ses ailes et ne s'écarte jamais beaucoup de son trou.

Cet ensemble parut extrêmement propre à la mystagogie sacrée pour exprimer le caractère de ceux qui n'attachent et ne savent point élever leur pensée ni leurs affections aux choses spirituelles, qui concentrent tous leurs désirs aux choses matérielles et terrestres, et qui ne sont touchés de rien en dehors de ce qui flatte les sens. La terre, dans le mysticisme, figure toujours les choses matérielles, les choses abjectes , les instincts charnels et les inclinations sen- suelles, en un mot tout ce que le chrétien doit fouler aux pieds. Les noms de terreni , carnales , gravi corde , tardi corde , terrena sa- pientes , terrena sedantes , stygmatisent cet ordre d'hommes dans les livres saints et au moyen âge, c'est le caractère prêté aux Juifs, et celui qui leur est le plus souvent et le plus sévèrement reproché dans les Écritures. Jamais ils ne purent admettre l'humilité, l'obscu- rité, les souffrances du Rédempteur, acquiescer à l'abnégation et aux autres vertus sublimes que ses discours préconisaient. Ils rê- vaient un Messie puissant, entouré des pompes terrestres, qui devait exalter son peuple et lui soumettre l'univers, et on se souvient des reproches que leur adressait Jésus-Christ : « O stulti , et tardi cordel o cervice dura , incircumcisis cordibus , duri corde , non intelligentes eorde , casti corde, etc., « et combien de fois, en les désignant, il se

(1) Marc, XIV, «4.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

28 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. servit de ces paroles, incrassatum est cor populi , cor cœcatum est , etc. Ces affections tout inclinées vers l'ordre des choses terrestres ont eu pour représentant dans le mysticisme l'animal qui rase la terre et qui semble ne pouvoir la quitter : et, d'après ce qu'on lit dans les gloses et qu'on voit appliqué partout dans l'art comme dans le langage des quatorze premiers siècles chrétiens, la chauve-souris, montrée dans l'acte de raser la terre, a été l'emblème du peuple juif considéré comme type des aveugles spirituels, rétifs à vivre par l'esprit et opiniâtrément attachés aux choses terrestres et tempo- relles.

« Les chauves-souris, dit Hésychius, rasent la terre dans leur vol, et quand elles marchent se servent de leurs ailes comme de pieds, ce qui est indigne des âmes contemplatives : ceux en effet qui rasent la surface de la terre au lieu de prendre l'essor prouvent par là que leur esprit est exclusivement occupé des choses terrestres. Ne dou- tez pas, ajoute-t-il, que le législateur n'ait eu en vue, en prohibant ces animaux, de signaler sous leur figure tout ce que doi- vent éviter ceux qui vaquent à la contemplation des choses di- vines (1). »

« Par la chauve -souris' qui voltige tout près du sol, dit saint Thomas d'Aquin, sont représentés ceux qui, s'al tachant vo- lontairement à la science du siècle, n'ont que des affections ter- restres (2). »

« Quand le législateur des Juifs, dit saint Isidore, interdit la chauve- souris, il réprouve ceux qui se plaisent dans les erreurs ténébreuses comme les ombres de la nuit (3). »

« Que représente, dit saint Brunon d'Asti, le hibou qui fuit la lumière et qui se complaît dans la nuit, si ce n'est ceux qui suivent le roi des ténèbres et fuient Jésus-Christ, le soleil de justice? » Et il ajoute : « Ce que nous disons de cet animal doit s'entendre égale- ment de la chauve-souris (4). »

On retrouve cette assimilation dans le livre des Natures des bestes : il confond la chauve-souris et le hibou dans un seul et même cha- pitre intitulé « le cauve-sorris , » et dit de l'un et de l'autre oiseau qu'il ressemble au peuple des « Juis qe il debouterent Nostre Segnor qant il vint por els sauver:... qi miels amèrent les ténèbres qe la

(1) Hesych, in Levitie , XI. (2) S. iuom. Aqum. Summ, theolog . (3) S. Isidor, in Levitie . XI. (4) S. Brnn. asteng. Sup. Levitie. XI.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

TSTOIRES XT EMBLÈMES BIBLIQUES. 29

lumierre, et ne.... voldrent conoistre » Jhucrist « por Tobscurté de lor mescréance. »

7. Dragon à lète et queue de cheval, retournant la tète et se blot- tissant. L'explication de ce sujet a été donnée dans le paragraphe qui réunit les n" 2, 3, 4, 7 et 9.

8. Deux chiens se jetant sur un cerf. Deux limiers lancés à la course occupent la droite et la gauche du cadre étroit de cette scène. Tous deux se jettent sur un cerf censé placé en dehors de l'encadrement. Une patte toute vivante, modelée dans la perfection et d'une déli- catesse et d'un galbe irréprochables, décèle seule au bord du cadre la présence de l'animal. On comprend par son attitude, que celui-ci est renversé ; le chien de droite le saisit des ongles et de la mâ- choire, l'autre cherche où poser sa dent. Voy. pl. 255, n° 3.

Nous ne répéterons point ici ce qu'on a déjà lu plus haut sur les chiens. Ceux-ci, semblables aux premiers, dénotent le peuple infi- dèle s'acharnant contre Jésus-Christ, considéré ici, non plus sous l'attribution de Roi immortel des nations, mais sous celle du Juste par excellence. C'est en effet le sens du cerf.

Le cerf et le faon du cerf sont nommés plusieurs fois comme emblèmes de Jésus-Christ, au point de vue anagogique, dans la Ge- nèse, le Cantique des Cantiques, les Proverbes et les Psaumes. Au moyen âge, et sans doute en souvenir de ces passages, certaines traditions accréditées sur le cerf sont habituellement appliquées au Sauveur comme autant d'allégories rappelant quelques-uns de ses caractères. « Si Jésus-Christ, dit Rhaban Maur, est appelé faon du cerf dans le Cantique des Cantiques , c'est par allusion à la généra- tion de patriarches et de justes dont il descendait » selon la chair, et qui sont désignés allégoriquement par ce nom de cerfs.

La guerre du cerf contre les serpents et d'autres traditions sem- blables sont exposées dans tous les Bestiaires avec leur explication relative à Jésus-Christ vainqueur des démons, et les Bestiaires ne font en cela que copier les commentateurs. « Par cest cerf, dit Philip de Thann, entendum Jhesu Crist par raisun. » Et il en donne les motifs. Même explication dans le Bestiaire de l'Arsenal. On lit aussi dans celui du clerc Guillaume :

« Ne devons metlre en obliaoce « Aulresi(de même) fist Nostre Sigueur Le dit ne la signefiance lliesu Grist Nostre Sauveur Du chierf , kar estrangement ouvre Quant les portes ďenfers brisa Car il mengiie la coulouvre, etc. » Et le deble tut défula..,, etc» »

Au-dessous de ce texte, la miniature représente Jésus-Christ, qui

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

30 BKTUB ARCHÉOLOGIQUE. est le cerf mystique, exorcisant un possédé ; dans un autre coin de l'encadrement on le voit encore, armé cette fois de l'écu fascé, palé et triangulaire de l'époque de saint Louis, refoulant et perçant de la hampe de sa croix de résurrection des démons pressés dans la gueule flamboyante de la Géhenne.

On voit, dans le Bestiaire en prose de l'Arsenal, une miniature de cers appuyant son museau sur le repaire du serpent, soit pour l'y suffoquer par son souffle, soit pour l'attirer au dehors par sa puis- sante aspiration, et à côté un autre cerf broyant sous ses pieds le reptile et le déchirant de ses dents. Le texte qui accompagne cette miniature montre sous le voile de cette allégorie, comme Philippe de Thann et comme Guillaume de Normandie, l'exorcisme opéré par Jésus -Christ sur l'hom .ne possédé de l'Esprit appelé Légion , tel qu'on le lit dans saint Lrc et dans saint Mathieu. « Li cers, dit-il , est une beste de grant sans par nature et legiere. Et si est de tel nature se il trovasi un serpent en une fossé il iroit et enpleroit sa boce plaine daighe et lespandroit el pertuis ou li serpens seroit ens : et lors sen ist li serpens por lesprit qe li cers a en sa bouche et le trait fors et defoule a ses piés et ocist. Tot altreJ nostre sires Jhu Crist quant il vit le Diable abitant en lumaine nation. Il espandi la fontaine de sapience en nos, laqueie li ancien diable ne poent soffrir : et quant diables vit Jhesu a rencontre de Ger sseniens il corut a tote sos de deable en home et il i abita ens : et dist, « qe il la entre moi et toi, « fils de Deu? tu nos v?ens torment er devant le tens. » Dont li « demanda Dsx « coment as tu nous? » Il li respondi : « Légion est « mes nons, » etc.

Dans un autre manuscrit de la Bibliothèque impériale, on lit ce verset du Cantique des Cantiques : Fuge , dilecte mi , assimilare caprese hinnuloque cervorum super montes aromatu.n ; à côté , est sa miniature. On y voit un faon prenant son élan vers des monts boi- sés; au-dessous, est tracée la glose: «C'est, dit-elle, la vois de sainte « Églyse qui dit à Jhucrist que c'est bien droit qu'il s'en soit foui « loin de ce monde ou (au) ciel... et que il soit sus les montaignes •• de paradis , ou sunt toutes vives oudours. » Stir la miniature cor- respondante, la Vois de s'inte Églyse est personnifiée par un reli- gieux prêchant un groupe d'auditeurs auxquels il montre de la main le cerf mystique, c'est-à-dire J. C. On le voit dans les airs, en buste , environné du chœur des anges et tenant le globe croisé dans sa main.

La légende de S. Hubert, celle de S. Julien rapportent des trans-

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

YSTOIRES ET EMBLÈMES BIBLIQUES. 31

formations miraculeuses de J. C. en cerf, apparaissant à des chas- seurs pour prophétiser ou les convertir. Une transformation sem- blable ouvre aussi la première scène de la charmante légende de S. Eustache. Ce païen , appelé Placide et non encore baptisé , était plein de charité pour les pauvres. Un jour, dans l'ardeur de sa chasse, il s'acharna à la poursuite d'un cerf qui, un peu distancé des autres, l'avait fasciné par sa taille et par son extrême beauté. Leur course avait duré longtemps. Tout à coup l'animal bondit et s'élance au haut d'un rocher. Placide arrête son cheval et se de- mande avec embarras comment forcer le fugitif. Soudain une splen- deur divine illumine tout le vallon : une lumière plus éblouissante que le soleil embrase au loin toute l'atmosphère ; une croix rayon- nante se dresse entre les deux mérains du cerf , et sur celte croix apparaît la figure du Christ , cloué et mourant pour les hommes. Alors le cerf prend la parole : « Placide , pourquoi me poursuivre ? Je t'aime, et par amour pour toi j'ai pris la figure d'un cerf. Je suis le Christ que tu sers sans le connaître ; tes aumônes sont montées jusqu'à moi et c'est pour cela queje suis venu, afin de m'emparer de toi par ce cerf dont tu avais compté t'emparer toi-même. » Aussi foudroyé que Saul sur le chemin de Damas , Placide tombe la face contre terre et reste une heure anéanti ; puis , se relevant tout changé : « Seigneur, expliquez-moi vos paroles, et alors je croirai en vous. » Le cerf reprend : « Je suis le Christ, qui ai créé le ciel et la terre ; c'est moi qui ai produit la lumière et l'ai séparée des té- nèbres, qui ai fait les temps, les ans, les jours; qui ai tiré l'homme du limon , qui ai pris une chair sur la terre pour racheter le genre humain, qui ai été crucifié, mis dans le tombeau, qui ressuscitai au bout de trois jours , etc. (1). »

Enfin , Philippe deVitry, évêque de Meaux , frappé sans doute du rapprochement qu'il était naturel de faire entre la meute furibonde qu'on donnait ouvertement de son temps pour emblème aux Juifs, et le cerf , qui de son côté était celui de J. C., montrait au XIV* siè- cle, dans la fable bien connue d'Actéon , l'allégorie de J. C. mis à mort par son propre peuple. Cette idée , nous n'en douions pas , est celle qui a inspiré la petite scène sculptée qui nous occupe en ce moment. Nous ne saurions mieux faire ici que de reproduire in-

(1) Legenda aurea, 157. - Ce cerf colossal, lancé à la course, un crucifix placé entre ses mérains , est sculpté au sommet du pignon méridional de l'é- glise de Sain t-E us lache, à Paris, faisant face à la longueur de la rue de la Monnaie.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

32 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.

tégralement le texte de Philippe de Vitry, exhumé et cité par M. E. Cartier (1) :

Mais dieux qui de la guérison De son peuple est curieux,... Fist son chier Fil du ciel descendre Au monde et char humaine prendre Et tapir soubz fourme de serf , Atheon fût muez en cerf Et délranchiez et devourez Si fut par ses chiens acourez , Puisque* ot Diane veue Baignant en la fontaine nue. Dyane, c'est la déité Qui régnoit en la Irinité Nue sans humaine nature Qu'Alheon vil sans couverture.... Dieux li père plein de pitié Fist son Fils pour nostre amistié

Tapir soubz humaine figure Et livrer pour notre nature. Li sains Fils Dieu pour nos conquerra Volt descendre du ciel en terre Pour converser entre les siens ; Mais les Juifs, pires que chiens Leur maistre et leur Dieu mescoiguurent £t villainement le reçurent Par leur orgueil , leur envie Et par leur glouete felonnie Le laideingèrent et bâtirent Cornes poignans ou (au) cief lui mirent Lui pendirent et cloficherent Et comme larron le jugerent A tnort et à perdition Par fausse simulation.

9. Dragon . Le dragon , qui reparaît ici pour la cinquième et der- nière fois, est compris dans l'explication collective que nous avons donnée dans le paragraphe qui réunit les numéros 2, 3, 4, 7 et 9 , sur la présence et le sens de ces animaux dans cetle œuvre d'art.

Comme le niclicorax l'a ouverte, le dragon termine la série des emblèmes des ennemis de J. C., sculptés sur la paroi du nord. 11 est h remarquer que , sur neuf animaux mystiques demeurés sur ce monument, on a à compter cinq dragons. C'est que le démon est, de tous les ennemis de Dieu, cetui dont le règne temporaire est le plus puissant et dont la lutte est la plus prolongée , comme il est aussi celui qui sera le plus abaissé. Les créations de l'art chrétien placent presque invariablement les personnifications des péchés en regard de celles des vertus qui leur sont contraires : de même celles du démon sont rarement absentes des ystoires où la forme visible prêtée à quelqu'une des trois personnes divines est montrée en scène. La lutte inégale, mais néanmoins dramatique, de ces deux pouvoirs, tient dans l'ordre spirituel une grande place : cette place lui est maintenue dans les conceptions que l'esprit hiéra- tique inspira.

10. Pèlerin en marche . Renard aux aguets . - Ce dixième et der-

(1) Explication d'un sceau du chapitre de Saint- Chéron, de Chartres, par M. E. Cartier, Revue archéologique , vi* année, page 373.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

YSTOIRES ET EMBLÈMES BIBLIQUES. 33

nier sujet diffère des neuf précédents et n'en est pas la continua- tion , mais Yépiloyve ou moralité. Vaincu par le sacrifice propitia- toire du Rédempteur, le Démon n'a plus de puissance sur le genre humain racheté; mais il l'attaque isolément dans chaque membre de l'Église, et le pèlerinage de cette vie est, selon l'expression de Job , « une incessante tentation. »

L'être malfaisant que nous avons vu sous les emblèmes du nj c- ticorax , du dragon, du vespertilio et du chien en chasse , prend ici une autre figure, celle du renard, « li goupils », la plus propre , sans aucun doute , à caractériser ses persécutions clandestines, ses stratagèmes raffinés , ses scélérates « trescheries •> , dont l'art du moyen âge a diversifié l'expression avec tant de fine gaieté. Le rusé tentateur des funes n'a pas, dans l'iconologie chrétienne, d'em- blème plus vulgarisé que ce cauteleux animal , dont on voit dans les Bestiaires les supercheries excentriques et les effrontés mauvais lours. Ici il rampe et cherche à se blottir derrière des gerbes; mais, si bien caché qu'il se croie, sa queue et ses pattes qui se montrent à son insu décèlent la bête maudite. (Voy. pl. 255, n° 2.)

Ce champ est celui de la vie , où l'on ne s'arrête jamais ; on le voit , à l'allure lassée et un peu alourdie de ce pèlerin. A un autre point de vue également consacré dans le symbolisme , ce champ peut figurer son âme , plus ou moins stérile ou féconde , et dont le possesseur céleste lui confie la préservation.

Nous voudrions que l'espace nous permît de citer ici les manu- scrits enluminés où l'on voit le renard d'enfer se glisser dans la vigne spirituelle et en vendanger les plus belles grappes; et le hérisson infernal, autre figure du même être, s'introduire dans le verger et enfiler dans ses piquants les pommes les plus succulentes. Ici , la ruse qu'il médite n'est pas de plus honnête aloi. Ce pèlerin, sous cette vigne qui, à son double point de vue , est à la fois l'Église qui le protège et l'âme commise à sa garde, tient son bâton dans sa main gauche et appuie son menton sur l'autre dans une attitude soucieuse et méditative , car il a lieu de soupçonner et peut-êlre même a-t-il entrevu la présence de l'ennemi.

Le sens de la série d'emblèmes que nous venons de parcourir serait incomplet , si celte conclusion ne venait le clore : utile et grave enseignement qui , après l'instruction donnée, rappelle l'âme à la pratique et fixe avec soin sa pensée sur cette dernière leçon. Ce n'est point assez que le Fils de Dieu ait revêlu notre nature, qu'il se soit soumis aux opprobres , aux souffrances et à la mort pour racheter l'homme tombé ; ce n'est point assez qu'il ait terrassé

xis. 3

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

34 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. les démons et foulé aux pieds leur empire pour lui rouvrir la voie du ciel. Il faut encore que l'homme craigne , qu'il marche avec cir- conspection , qu'il sache que le tentateur veille incessamment pour le perdre , pour corrompre ses bonnes œuvres et gâter jusqu'à ses vertus. Ce conseil de vigilance chrétienne , qui amène naturelle- ment au travail sérieux sur soi-même et à l'estime et à l'usage de tous les moyens de salut, est la dernière et digne page de ce sar- mun en dix tableaux.

Rien de moins rare que ces apostrophes directes adressées parles œuvres de l'art chrétien à quiconque les étudie. Quand le visiteur, après avoir parcouru les ystoires échelonnées sous une voussure ou alignées sous un linteau, arrive au dernier épisode : quand le lecteur d'un Bestiaire atteint à la fin d'un chapitre et va fermer le manuscrit, les ystoires et le vélin, saisis de la pieuse crainte de n'avoir éveillé en lui aucune réflexion pratique et de n'avoir servi qu'à amuser son désœuvrement, élèvent tout à coup la voix et lui adressent l'apostrophe.C'est le bouquet spirituel qu'elles lui mettent dans la main en ca3 qu'il n'ait rien su cueillir ; c'est le mot de leur apologue, qu'ils lui révèlent au départ, de peur qu'il ne vienne à se retirer sans l'avoir cherché et sans avoir songé peut-être à le de- mander à personne. L'apostrophe est toujours la même, à quelque variante près dans les mots. Celle que renferme cet épilogue se rencontre aussi dans les bestiaires, dont la page de pierre que forment cette suite de bas-reliefs semble avoir été arrachée. La voici, dans son vieux langage, de même date et de même style que lui: « Et tu, hom de Deu, garde-toi del deable... et si est plains d'agaitemens. Que la cure et delis des corporels ex... ne te fasse viande as bestes, et que ťame (1) ne soit mie nue, vaine et vide, 9i comme la vigne qui est escoée et qui remaint (demeure) sans grape : et que tu ne cries après, « je gardai malveisement ma vinge (2)! »

M»» Félicie d'ÀYZÀC, Dignitaire honoraire

De la maison des élèves de la Légion dlionneur (SL-Denis)«

(1) Que la recherche et l'affection des convoitises (textuellement, des y eux) cor- porelles ne te rende pas la pâture des démons (Ne toadas bestiis animas confitentes tibi • Psalm.)» et que ton âme, etc. (2) Bestiaire , ms. de l'Arsenal. Ces derniers mots font allusion à ce verset du

Cantique des Cantiques : Ego male custodivi vineam meam.

This content downloaded from 91.229.248.83 on Tue, 20 May 2014 21:13:10 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions