1
gestion | actualités juridiques L a clause des statuts d’une SA d’HLM qui soumet à agrément le transfert d’actions à un tiers à quelque titre que ce soit, ne s’applique pas à un transfert d’actions résultant d’une fusion-absorption. Une telle opération qui entraîne la transmission universelle de l’orga- nisme absorbé à l’organisme absorbant ne peut en effet être englobée dans le terme de “transfert” employé dans la clause statutaire. Celle-ci aurait dû viser expressément le cas d’une transmission résultant d’une fusion pour être efficace dans le cas d’espèce qui suit ainsi que vient de le juger la cour d’appel de Rouen, contrairement à la solution retenue par la Cour de Cassation 1 . Des termes mal employés Un article des statuts d’une société anonyme d’HLM soumettait à agrément du conseil de sur- veillance « le transfert d’actions à un tiers non actionnaire de la société, à quelque titre que ce soit ». La Cour d’appel de Rouen a jugé que cette clause d’agrément n’était pas applicable à l’oc- casion de l’opération de fusion-absorption d’une association actionnaire. Elle s’est fondée sur l’ar- gumentation suivante. La partie intitulée “cession d’actions” de cet article est la reprise des statuts types des SA d’HLM figurant en annexe à l’ar- ticle R 422-1 du Code de la construction et de l’habitation. Comme l’indiquent les parties, au vu des diverses jurisprudences qu’elles invoquent, la fusion ou la fusion-absorption ne font pas l’objet d’une interdiction expresse pour l’application de l’agrément tel que prévu par l’article L.228-23 du Code de commerce, dont les dernières modifica- tions en 2004 et 2009 ont marqué la possibilité de renforcer l’intuitu personae et ainsi d’élargir la portée des clauses d’agrément. Cela étant dit à propos des évolutions jurispru- dentielles et législatives, il convient néanmoins de se référer en premier lieu au texte même des statuts applicables. La clause litigieuse ne vise pas le cas particu- lier d’une transmission d’actions résultant d’une fusion-absorption ; elle ne comporte pas de dis- position sur les conditions ou les conséquen- ces d’une fusion concernant un actionnaire ; il ne peut être admis que le terme de “trans- fert” qu’elle emploie englobe une opération de fusion-absorption et ces deux termes ont de toute façon des sens différents. En effet, une telle opération de fusion-absorption provoque la dissolution de l’organisme absorbé et la trans- mission universelle de son patrimoine à l’or- ganisme absorbant. Au titre des conséquences d’un refus d’agrément, la clause spécifie que le prix de rachat ne peut être inférieur à celui de la cession non autorisée ; or, à l’occasion de la fusion-absorption, il n’a été question ni de vente ni de prix des actions. Enfin, le principe de libre négociabilité des titres d’une SA conduit à interpréter strictement les clauses d’agrément et ne peut permettre d’étendre leurs effets au- delà des conditions et hypothèses qui y sont clairement explicitées. Application aux LBM en SA Attention donc pour les biologistes. Beaucoup de clauses d’agrément sont rédigées ainsi en effet. Il serait donc prudent de modifier les statuts si une fusion-absorption est envisagée et d’étendre l’application de la clause d’agrément aux opéra- tions telles que fusion, scission ou confusion de patrimoine par une mention expresse dans les statuts, ce qui n’est pas interdit, afin d’éviter tout litige lié notamment à la résistance de certaines cours d’appel. | GÉRARD GUEZ Avocat au barreau de Paris [email protected] Note 1. Cour d’appel de Rouen, 9 juin 2011 n° 10/05530. Clause d’agrément et fusion-absorption

Clause d’agrément et fusion-absorption

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Clause d’agrément et fusion-absorption

gestion | actualités juridiques

La clause des statuts d’une SA d’HLM qui soumet à agrément le transfert d’actions à un tiers à quelque titre que ce soit, ne

s’applique pas à un transfert d’actions résultant d’une fusion-absorption. Une telle opération qui entraîne la transmission universelle de l’orga-nisme absorbé à l’organisme absorbant ne peut en effet être englobée dans le terme de “transfert” employé dans la clause statutaire. Celle-ci aurait dû viser expressément le cas d’une transmission résultant d’une fusion pour être efficace dans le cas d’espèce qui suit ainsi que vient de le juger la cour d’appel de Rouen, contrairement à la solution retenue par la Cour de Cassation1.

Des termes mal employésUn article des statuts d’une société anonyme d’HLM soumettait à agrément du conseil de sur-veillance « le transfert d’actions à un tiers non actionnaire de la société, à quelque titre que ce soit ». La Cour d’appel de Rouen a jugé que cette clause d’agrément n’était pas applicable à l’oc-casion de l’opération de fusion-absorption d’une association actionnaire. Elle s’est fondée sur l’ar-gumentation suivante. La partie intitulée “cession d’actions” de cet article est la reprise des statuts types des SA d’HLM figurant en annexe à l’ar-ticle R 422-1 du Code de la construction et de

l’habitation. Comme l’indiquent les parties, au vu des diverses jurisprudences qu’elles invoquent, la fusion ou la fusion-absorption ne font pas l’objet d’une interdiction expresse pour l’application de l’agrément tel que prévu par l’article L.228-23 du Code de commerce, dont les dernières modifica-tions en 2004 et 2009 ont marqué la possibilité de renforcer l’intuitu personae et ainsi d’élargir la portée des clauses d’agrément. Cela étant dit à propos des évolutions jurispru-dentielles et législatives, il convient néanmoins de se référer en premier lieu au texte même des statuts applicables.La clause litigieuse ne vise pas le cas particu-lier d’une transmission d’actions résultant d’une fusion-absorption ; elle ne comporte pas de dis-position sur les conditions ou les conséquen-ces d’une fusion concernant un actionnaire ; il ne peut être admis que le terme de “trans-fert” qu’elle emploie englobe une opération de fusion-absorption et ces deux termes ont de toute façon des sens différents. En effet, une telle opération de fusion-absorption provoque la dissolution de l’organisme absorbé et la trans-mission universelle de son patrimoine à l’or-ganisme absorbant. Au titre des conséquences d’un refus d’agrément, la clause spécifie que le prix de rachat ne peut être inférieur à celui

de la cession non autorisée ; or, à l’occasion de la fusion-absorption, il n’a été question ni de vente ni de prix des actions. Enfin, le principe de libre négociabilité des titres d’une SA conduit à interpréter strictement les clauses d’agrément et ne peut permettre d’étendre leurs effets au-delà des conditions et hypothèses qui y sont clairement explicitées.

Application aux LBM en SAAttention donc pour les biologistes. Beaucoup de clauses d’agrément sont rédigées ainsi en effet. Il serait donc prudent de modifier les statuts si une fusion-absorption est envisagée et d’étendre l’application de la clause d’agrément aux opéra-tions telles que fusion, scission ou confusion de patrimoine par une mention expresse dans les statuts, ce qui n’est pas interdit, afin d’éviter tout litige lié notamment à la résistance de certaines cours d’appel. |

GÉRARD GUEZ

Avocat au barreau de Paris

[email protected]

Note1. Cour d’appel de Rouen, 9 juin 2011 n° 10/05530.

Clause d’agrément et fusion-absorption