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Le Praticien en anesthésie réanimation (2009) 13, 438—443 RUBRIQUE PRATIQUE Comment gérer une induction inhalatoire chez l’enfant ? How to manage facial mask induction in children? Catherine Baujard , Giuseppe Staiti Département d’anesthésie-réanimation, hôpital Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France MOTS CLÉS Sévoflurane ; Induction inhalatoire ; Aide inspiratoire ; Manifestations épileptiformes ; Sévoflurane Résumé L’induction inhalatoire est le mode d’induction le plus fréquemment utilisé en anes- thésie pédiatrique. Le sévoflurane est l’agent anesthésique de choix dans cette circonstance. La prémédication par midazolam ou clonidine améliore la compliance de l’enfant à la procédure. L’utilisation de fortes concentrations de sévoflurane permet une perte de conscience rapide associée à une parfaite tolérance respiratoire et hémodynamique. L’administration conjointe de N 2 O augmente la vitesse d’action du sévoflurane. Cependant, la capacité du sévoflurane d’induire des manifestations épileptiformes, rattachée à l’administration de fortes concentra- tions, justifie de limiter la fraction inspirée à 6 % et de réduire le temps d’exposition à des fractions alvéolaires inférieures à 1,5 MAC. L’utilisation d’une assistance ventilatoire durant l’induction permet un monitorage fiable des gaz expirés ainsi qu’un maintien de la normocap- nie. Les conditions d’intubation sous sévoflurane ne sont pas toujours optimales et justifient l’administration d’un complément anesthésique intraveineux. © 2009 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. KEYWORDS Sevoflurane; Inhalation induction; Pressure support ventilation; Epileptogenic effects Summary Inhalation of anaesthetic agents is commonly used for anaesthetic induction in children. Sevoflurane has become the gold standard for anaesthetic induction in that setting. Premedication by midazolam or clonidine facilitates the acceptance of facial mask. Inhalation of high concentrations of sevoflurane permits a rapid loss of consciousness with a good respiratory and haemodynamic tolerance. A mixture of nitrous oxide in oxygen speeds loss of consciousness. However, epileptogenic effects of sevoflurane have been documented further to the administration of thigh concentrations. Consequently, guidelines recommend Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Baujard). 1279-7960/$ — see front matter © 2009 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.pratan.2009.11.004

Comment gérer une induction inhalatoire chez l’enfant ?

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UBRIQUE PRATIQUE

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Catherine Baujard ∗, Giuseppe Staiti

Département d’anesthésie-réanimation, hôpital Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc,94270 Le Kremlin-Bicêtre, France

MOTS CLÉSSévoflurane ;Inductioninhalatoire ;Aide inspiratoire ;Manifestationsépileptiformes ;Sévoflurane

Résumé L’induction inhalatoire est le mode d’induction le plus fréquemment utilisé en anes-thésie pédiatrique. Le sévoflurane est l’agent anesthésique de choix dans cette circonstance. Laprémédication par midazolam ou clonidine améliore la compliance de l’enfant à la procédure.L’utilisation de fortes concentrations de sévoflurane permet une perte de conscience rapideassociée à une parfaite tolérance respiratoire et hémodynamique. L’administration conjointede N2O augmente la vitesse d’action du sévoflurane. Cependant, la capacité du sévofluraned’induire des manifestations épileptiformes, rattachée à l’administration de fortes concentra-tions, justifie de limiter la fraction inspirée à 6 % et de réduire le temps d’exposition à desfractions alvéolaires inférieures à 1,5 MAC. L’utilisation d’une assistance ventilatoire durantl’induction permet un monitorage fiable des gaz expirés ainsi qu’un maintien de la normocap-nie. Les conditions d’intubation sous sévoflurane ne sont pas toujours optimales et justifientl’administration d’un complément anesthésique intraveineux.© 2009 Publie par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDSSevoflurane;Inhalation induction;Pressure supportventilation;Epileptogenic effects

Summary Inhalation of anaesthetic agents is commonly used for anaesthetic inductionin children. Sevoflurane has become the gold standard for anaesthetic induction in thatsetting. Premedication by midazolam or clonidine facilitates the acceptance of facial mask.Inhalation of high concentrations of sevoflurane permits a rapid loss of consciousness with agood respiratory and haemodynamic tolerance. A mixture of nitrous oxide in oxygen speedsloss of consciousness. However, epileptogenic effects of sevoflurane have been documentedfurther to the administration of thigh concentrations. Consequently, guidelines recommend

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (C. Baujard).

279-7960/$ — see front matter © 2009 Publie par Elsevier Masson SAS.oi:10.1016/j.pratan.2009.11.004

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to use sevoflurane concentrations <6 % for induction and to reduce time spent at alveolarconcentrations >1.5 MAC during maintenance of anaesthesia. Pressure support ventilation duringinhalation induction allows to maintain normocapnia and to monitor FeSevo. Adding intravenousadjuvants may improve tracheal quality of tracheal intubation.© 2009 Published by Elsevier Masson SAS.

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Introduction

La peur de la piqûre explique que l’induction inhalatoiresoit le mode d’induction le plus couramment pratiqué enanesthésie pédiatrique. Elle permet un endormissementrapide, lié aux spécificités pharmacologiques et physiolo-giques propres à l’enfant, tout en facilitant la mise en placedes accès veineux périphériques. Le sévoflurane est actuel-lement l’agent d’induction de référence. Cet halogéné adémontré ses qualités :• rapidité de l’induction et du réveil ;• excellente tolérance respiratoire et hémodynamique ;• faible risque de toxicité hépatique ;• absence de toxicité rénale.

La principale contre-indication d’une induction par inha-lation est l’existence d’un estomac plein.

Les principes de bases

Il est primordial d’éviter toute induction forcée. Prendre sontemps, expliquer à l’enfant ce qu’on va lui faire, le rassurersont des étapes incontournables pour le bon déroulementd’une induction anesthésique.

Induire dans un environnement calme estessentiel. Un enfant ne peut pas suivre plusieurs

conversations à la fois.

Pour faciliter sa collaboration, il doit n’y avoir qu’un seulinterlocuteur. Utiliser le « doudou » pour lui expliquer ce quiva lui être fait est une erreur et peut être vécue commeune agression. Il est préférable de faire une démonstrationsur une peluche neutre. L’application de force d’un masquesur un enfant rouge, se débattant, maintenu par deux outrois personnes doit toujours être vécue comme un échec.En effet, une induction orageuse peut être un facteur decomplications : risque de spasme éventuellement majoré dufait de l’hypersécrétion induite par l’agitation, troubles ducomportement postopératoires, développement d’une pho-bie du masque qui compliquera l’approche de l’enfant lorsd’une prise en charge ultérieure. Il faut utiliser du matérielconcu pour la pédiatrie afin de tenter une approche ludique :électrodes de scope comportant des dessins d’animaux,ballon du circuit d’induction décoré, masque transparent,idéalement parfumé. Laisser l’enfant manipuler le masquequelques minutes avant de lui appliquer sur le visage peut

permettre de lui faire accepter plus facilement l’induction.Chez le petit enfant, lui permettre de garder sa tétine,quitte à avoir quelques fuites ne compromet pas le dérou-lement de l’induction et peut lui d’éviter de pleurer. Onla retirera alors au moment de la perte de conscience.

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hez l’enfant plus âgé, l’inciter à respirer par la boucheeut lui éviter d’être incommodé par l’odeur du sévoflu-ane et améliorer son acceptation de l’induction. Acceptere faire une induction chez un enfant assis, sans le forcers’allonger, peut être utile, évitant ainsi un conflit, en lui

aissant l’illusion d’un choix.Une prémédication par midazolam ou clonidine permet

’améliorer la compliance de l’enfant pendant l’induction1]. La présence des parents à l’induction peut s’avérerrofitable chez certains enfants comme les enfants âgése plus de quatre ans, de tempérament de base calmet dont les parents ne sont pas angoissés. Son bénéficeeste, cependant, controversé et cela ne remplace pasne prémédication par midazolam [2]. De plus, cette pra-ique comporte des contraintes organisationnelles telles que’existence d’un circuit simple dans le bloc opératoire per-ettant aux parents d’accéder à la salle d’opération, laisponibilité d’un membre du personnel pour les accompa-ner ainsi que la nécessité de pouvoir les identifier dans leloc comme étant des non soignants. Ces derniers pointsssociés à la réticence de certains soignants rendent sa réa-isation parfois délicate. Le bénéfice de l’hypnose a étéémontré mais nécessite une formation spécifique et duemps.

uelle concentration de sévoflurane ?

ne perte de conscience rapide est un des objectifs de’induction en anesthésie pédiatrique, notamment lorsque’enfant s’avère peu coopérant ou anxieux. Plusieurs tech-iques ont été proposées pour accélérer la perte deonscience et tenter d’obtenir un délai d’induction se rap-rochant de l’induction intraveineuse.

Le délai de perte de conscience est directement influencéar le niveau de la fraction inspirée et sera donc d’autantlus rapide que cette première est élevée. L’utilisation’une concentration d’emblée élevée à 8 % comparée àne induction progressive par paliers permet de raccour-ir le délai de perte du réflexe ciliaire de 85 ± 16 à1 ± 12 secondes, sans augmentation des effets secondaires.’adjonction de 50 % de N2O à une concentration de sévoflu-ane d’emblée à 8 % permet de réduire ce délai à 46 ± neufecondes [3].

La technique de la capacité vitale comparée à la tech-ique du volume courant avec une concentration de 7 % deévoflurane en présence de 50 % de N2O permet une réduc-

ion significative du délai de perte du réflexe ciliaire, sansugmentation des effets secondaires [4]. Dans ce travail réa-isé chez 73 enfants âgés de plus de cinq ans, les scores deatisfaction sont significativement plus favorables dans leroupe capacité vitale. Cependant, cette technique néces-
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Tableau 1 Prévention des phénomènes épileptiformes.

Les bonnes pratiquesLimiter les fractions inspirées à 6 %Limiter les durées d’exposition à des fractions expirées

de 1,5 MACProscrire l’hyperventilation manuelleUtiliser un complément intraveineux pour l’intubation

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igure 1. Évolution du BIS au cours d’une induction inhalatoirehez l’enfant [12].

ite une parfaite coopération de l’enfant et s’avère souventifficile à utiliser dans la pratique clinique.

es complications des fortesoncentrations

es manifestations épileptiformes [5]

ien que l’administration de concentration à 8 % ait bienontré sa supériorité en matière de délai de perte de

onscience, la constatation de phénomènes épileptiformesattachés à ces hautes concentrations a amené à réviserette pratique. En effet, plusieurs descriptions cliniques dehénomènes épileptiques ont été rapportées sous sévoflu-ane. Des études portant sur l’analyse des tracés EEG auours de l’induction au sévoflurane ont permis de caractéri-er des effets électroencéplalographiques très différents enonction des stades de l’induction.

L’analyse de la cinétique du BIS au cours de’administration de 7 % de sévoflurane en O2 pur per-et de mettre en évidence une chute précoce et profondees valeurs de BIS qui survient avant la deuxième minute,eliée à un ralentissement très marqué du tracé EEG (Fig. 1).e phénomène s’associe cliniquement à l’apparition fré-uente d’une apnée. Ces valeurs basses de BIS ne sont pasorrélées à une profondeur d’anesthésie suffisante pourermettre la pose de la VVP, voire l’instrumentation desoies aériennes. L’évolution ultérieure est marquée par uneé-ascension des valeurs de BIS pour atteindre un plateauprès la quatrième minute de l’induction. Le stade cliniqueupilles centrées, témoignant d’une anesthésie profonde,pparaît après l’obtention de ce plateau. Les manifesta-ions épileptiformes sont observées en phase d’anesthésierofonde et persistent sous anesthésie profonde. Ellesont à distinguer des mouvements non coordonnés desembres correspondant à l’agitation observée très pré-

ocement après le début de l’induction, au décours de laerte du réflexe ciliaire, suivis d’une hypertonie avec unebstruction fréquente des voies aériennes et cédant avec’approfondissement de l’anesthésie (Fig. 1).

Le mécanisme de ces manifestations n’est pas connu.’utilisation de concentrations élevées de l’ordre deà 8 % est un facteur favorisant reconnu, de mêmeue l’hypocapnie induite par l’hyperventilation manuelle.

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Réaliser une induction progressiveAdministration de N2O

’incidence des signes électriques augmente avec la durée’exposition à des fractions alvéolaires supérieures à,5 MAC. En revanche, une prémédication par des benzo-iazépines pourrait avoir un effet protecteur, de même que’administration conjointe de N2O. Cependant, cet effet pro-ecteur du N2O n’est pas clairement démontré et seraitnsuffisant pour prévenir l’apparition de ces signes. Cesanifestations épileptiformes précèdent et chevauchent

’apparition d’épisodes de burst suppressions, qui sont laraduction d’un surdosage médicamenteux. Aucune séquelleostopératoire n’a été rapportée.

Ces données ne remettent pas en question l’utilisationu sévoflurane lors de l’induction en pédiatrie mais incitent

éviter l’administration de fortes concentrations. Laimitation des concentrations inspirées à 6 % et de laurée d’exposition à une fraction expirée supérieure à,5 MAC, l’interdiction de l’hyperventilation manuelle avant’intubation, la réalisation d’une induction plus progressivear paliers, l’utilisation du N2O ainsi que l’administration’un complément intraveineux pour l’approfondissementvant l’intubation représentent autant d’alternatives per-ettant de limiter l’apparition de ces manifestations

Tableau 1). Sous réserve du respect de ces précautions,’utilisation de sévoflurane n’est pas contre-indiquée chez’enfant épileptique.

es manifestations hémodynamiques

e sévoflurane à fortes doses est réputé pour sa parfaiteolérance hémodynamique. Les risques de troubles duythme sont bien plus faibles que sous halothane. Cepen-ant, quelques cas de torsades de pointes ont été rapportés,onsécutifs à l’allongement de l’intervalle QT causé pare sévoflurane. L’existence d’un syndrome du QT longongénital doit faire contre-indiquer l’administration deévoflurane. En outre, des épisodes de bradycardies sévèresnt été rapportés sous 8 % de sévoflurane. Ce dernieroint, associé au risque de manifestations épileptiformes,enforce la nécessité de ne pas dépasser les concentrationsnspirées de 6 %.

lace du N2O durant l’induction parnhalation

on principal intérêt est de raccourcir le délai de perte deonscience et de mise en place de la voie veineuse périphé-ique. En effet, l’administration de 60 % de N2O permet uneiminution de 25 % de la MAC du sévoflurane [3]. Cependant,

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cet effet semble moins marqué lors de l’utilisation de latechnique de la capacité vitale [4]. Enfin, l’administrationde N2O permettrait de réduire la phase d’agitation observéelors de l’induction anesthésique, après la perte du réflexeciliaire. Il est, cependant, judicieux de repasser en O2 puraprès la mise en place de la VVP, avant l’intubation. Chezun enfant coopérant, l’adjonction de 50 % de N2O associéeà une augmentation progressive des concentrations desévoflurane permet de réaliser une induction calme etprogressive.

À quel moment perfuser l’enfant ?

Peu de données sont disponibles permettant de fixer ledélai autorisant la pose d’une VVP sans majorer les risquesde complications respiratoires. En effet, une stimulationnociceptive trop précoce peut déclencher une toux, unedésaturation, voire un laryngospasme. Un travail réaliséchez des enfants âgés de deux à huit ans sous halothaneavait établi que la mise en place d’une VVP précocementaprès le début de l’induction inhalatoire ne s’accompagnaitpas d’une augmentation de l’incidence des complicationsrespiratoires, bien que 81 % des enfants aient présenté desmouvements lors de la pose de la perfusion, contre seule-ment 8 % des enfants dans le groupe anesthésie profonde.Ces résultats n’ont pas été confirmés au cours de l’inductionpar sévoflurane. En effet, dans une étude réalisée chezdes enfants âgés de un à 18 ans, induits avec 8 % de sévo-flurane associé à 66 % de N2O, les auteurs retrouvent uneincidence plus marquée de mouvements et de complicationsrespiratoires lorsque la perfusion est posée 30 secondesaprès le début de l’induction versus 120 secondes après ledébut de l’induction [6]. Les complications respiratoiressont observées chez les enfants les plus âgés (âge moyen :9,4 ± 4,4 ans versus 6,1 ± 3,6 ans). Les spécificités de la phy-siologie respiratoire (ventilation alvéolaire plus élevée) etcirculatoire (débit cardiaque plus élevé) du jeune enfantexplique l’augmentation plus rapide de la fraction alvéo-laire des halogénés, conduisant à un approfondissement plusrapide. L’expérience clinique conduit à perfuser l’enfantlorsqu’il n’existe plus de réactivité clinique lors d’une sti-mulation douce.

Gestion des voies aériennes durantl’induction

La pression expiratoire positive (PEP)

L’application d’une PEP de 4 à 5 cmH2O est recommandéedès le début de l’induction inhalatoire chez le jeune enfantafin de contrebalancer la réduction de la CRF imputable auxhalogénés. En effet, la CRF est d’autant plus basse chezl’enfant qu’il est jeune. La compliance thoracique étantplus élevée, la dépression nécessaire pour déclencher uneinspiration est plus importante que chez l’adulte. Le frein

glottique génère une auto-PEP physiologique qui permet delutter contre le collapsus des voies aériennes. Ce méca-nisme compensatoire va disparaître au cours de l’inductionanesthésique du fait des effets dépresseurs respiratoiresdes halogénés. L’application d’une PEP dès le début de

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’induction permet de compenser ces effets et limite laéduction de la CRF imputable à l’anesthésie.

En outre, une obstruction des voies aériennes supérieureseut survenir précocement lors de l’induction inhalatoire.lle est liée aux effets des halogénés sur la musculatureharyngée, responsables, notamment d’une diminution duonus du muscle génioglosse entraînant une bascule pos-érieure de la langue. Une obstruction des voies aériennesupérieures est observée constamment lors de l’induction auévoflurane. L’existence d’une hypertrophie amygdalienneajore le risque de collapsus des voies aériennes supé-

ieures. L’application d’une PEP, associée à une élévationu menton permet le plus souvent de lever cette obstruction7]. Ces manœuvres peuvent contribuer à lever l’obstructionaute sans qu’il soit nécessaire de recourir à la luxatione la mandibule qui constitue une stimulation nociceptiveouvant déclencher un laryngospasme. Enfin, dans un tra-ail portant chez des enfants présentant une hypertrophiemygdalienne, Reber et al. montrent que l’utilisation d’unePAP permet de réduire l’asynchronisme thoracoabdomi-al lors de la ventilation spontanée sous 3 % de sévofluranessocié à 60 % de N2O. Cependant, l’administration d’uneEP supérieure à 5 cmH20 conduit à une réduction desolumes courants délivrés, sans bénéfice supplémentaire sura réduction de l’asynchronisme thoracoabdominal [8].

L’utilisation d’une canule oropharyngée au cours de’induction reste discutée. Un positionnement correct duasque et de la main permet le plus souvent d’éviter la mise

n place d’une canule qui peut conduire à de nombreusesomplications :

la survenue d’un laryngospasme secondaire à l’intro-duction d’une canule à stade d’anesthésie légère ou à lastimulation de l’épiglotte par une canule trop longue ;l’apparition d’une obstruction des voies aériennes par unecanule trop petite, plaquant la base de la langue contrela paroi postérieure du pharynx ;l’arrachage d’une dent de lait.

lace de l’assistance ventilatoire

n ventilation spontanée, l’hypoventilation alvéolairenduite par le sévoflurane ainsi que les difficultés à recueillires gaz expirés du fait de l’espace mort du masqueonduisent à une surestimation des fractions expirées’halogénés. L’utilisation d’une assistance ventilatoire per-et :de compenser l’hypoventilation alvéolaire induite par leshalogénés ;d’éviter l’hyperventilation ;de monitorer correctement la fraction expirée d’halo-génés.

Deux modes ventilatoires sont envisageables : la pressionontrôle ou l’aide inspiratoire.

a ventilation assistée en pression contrôle’utilisation d’une ventilation assistée en pression contrôle

eut être réalisée dès que le volume courant est inférieur àml/kg. Ce mode ventilatoire, particulièrement populairen anesthésie pédiatrique, permet de compenser les fuitest d’obtenir plus facilement les volumes courants souhaités,râce à une pressurisation prolongée du circuit ventilateur-
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atient. À volumes courants identiques, les pressions’insufflation sont moins élevées que lors de l’utilisation’un mode en volume contrôlé. Le volume courant délivrést directement influencé par les variations de compli-nce pulmonaire. Des fréquences respiratoires trop élevéeseuvent conduire à une expiration incomplète, à l’originee la génération d’une auto-PEP, conduisant à une réduc-ion de la compliance et donc du volume courant généré lorses cycles suivants. L’utilisation d’une pression de 10 cmH2Ohez l’enfant de moins de 10 kg, de 15 cmH2O chez l’enfantesant 10 à 20 kg ou de 20 cmH2O chez l’enfant de plus de0 kg permet l’obtention d’un volume courant compris entreet 12 ml/kg, sans causer de distension gastrique.

’aide inspiratoire’utilisation d’une assistance ventilatoire en aide est pos-ible dès la perte de conscience, en titrant le niveau d’aidenspiratoire en fonction du monitorage de la spiromètrieobjectif : VT = 8—10 ml/kg). Ce mode permet d’associer uneide en pression à la ventilation spontanée du patient.e volume courant obtenu dépend de l’effort inspiratoireu patient, du niveau d’aide, de la compliance thora-opulmonaire et des résistances des voies aériennes. Lesecommandations concernant le réglage du seuil de déclen-hement sont empiriques en l’absence de données validéesar la littérature. Chez l’enfant, les débits inspiratoiresaximaux étant nettement inférieurs à ceux de l’adulte, il

emble justifié de régler le seuil de déclenchement en des-ous des valeurs de l’adulte. En pratique clinique, le seuile déclenchement est réglé entre 0,3 et 0,4 l par minute.abituellement, des niveaux d’aide de 5 cmH2O permettente compenser l’augmentation du travail respiratoire lié auollapsus des voies aériennes supérieures induit par lesalogénés. L’expérience clinique montre que des niveaux’aide compris entre 5 et 10 cmH2O sont efficaces durant’induction sous sévoflurane. Des niveaux d’aide supérieursont parfois nécessaires en fonction de l’importance dea dépression ventilatoire, elle-même dépendante de larofondeur d’anesthésie. Il n’existe pas de publicationédiatrique lors de l’induction inhalatoire. En revanche, unravail réalisé chez l’adulte montre que l’utilisation d’uneide inspiratoire au cours de l’induction permet d’obtenirne meilleure profondeur d’anesthésie et de meilleuresonditions d’intubation [9]. En améliorant la qualité deschanges gazeux, l’aide inspiratoire permet une meilleureiffusion des halogénés. Ce mode ventilatoire peut être uti-isé plus précocement que le mode en pression contrôle auours de l’induction et permet de respecter la ventilationpontanée de l’enfant en limitant le risque d’insufflationastrique.

omment intuber sous sévoflurane

u cours d’une induction inhalatoire, l’intubation est clas-iquement possible lorsque les pupilles sont centrées. Lors

’une induction réalisée sous 5 % de sévoflurane en O2 pur,’intubation s’avère possible après 214 secondes chez 50 %es patients versus 255 secondes chez 95 % des patients.es délais d’intubation ne semblent pas être influencésar les modalités d’administration. En effet, des délais

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C. Baujard, G. Staiti

imilaires sont retrouvés que l’induction soit réalisée par’administration de fortes de concentrations d’emblée à 8 %u par le biais d’une augmentation progressive par palierses fractions inspirées de sévoflurane (337 ± 59 secondesersus 320 ± 69 secondes) [3]. Dans ce travail, l’adjonctione N2O ne modifiait pas les délais d’intubation. En revanche,l semble exister une influence de l’âge [10]. En effet, dansne étude réalisées chez 153 enfants âgés de un à huitns, l’administration de sévoflurane à 8 % associée à 60 %e N2O permettait de réaliser 80 % des intubations dans deonnes conditions après 137 secondes chez les enfants den à quatre ans contre 187 secondes chez les enfants delus de quatre ans. Ces différences s’expliquent par lesarticularités physiologiques propres au jeune enfant, expli-uant une vitesse d’induction plus élevée dans cette tranche’âge. Dans ce travail, la fraction alvéolaire moyenneour réaliser 80 % des intubations dans de bonnes condi-ions était de 4,85 %. Cependant, dans cette étude, lesonditions d’intubations étaient mauvaises dans 16 % desas.

En effet, les conditions d’intubations sous sévofluraneeul ne sont pas toujours optimales. Ces difficultés sontous tendues par la persistance d’une réactivité laryngéearquée sous sévoflurane [11]. Plusieurs moyens peuvent

ontribuer à faciliter l’intubation. L’approfondissement de’anesthésie par hyperventilation sous sévoflurane seul doittre proscrit en raison des risques de manifestations épilep-iformes. L’administration d’un complément intraveineuxvant l’intubation est une alternative classique. En effet,’injection de sufentanil à la dose de 0,2 mcg/kg ou de pro-ofol à la dose de 2 à 3 mg/kg contribue très largement àméliorer les conditions d’intubation, sans qu’il soit néces-aire d’administrer un curare. Enfin, une prémédication parmcg/kg de clonidine administré une heure et 30 minutesvant l’induction permet une réduction de près de 40 % dea MAC de sévoflurane pour l’insertion d’un masque laryngé.

onclusion

es recommandations actuelles sont d’éviter l’admini-tration de concentrations de sévoflurane supérieure

6 % ainsi que de limiter les durée d’exposition àes fractions alvéolaires supérieures à 1,5 MAC, afin’éviter les manifestations épileptiformes. L’utilisation’un adjuvant intraveineux avant l’intubation permet deépondre à ces impératifs tout en améliorant les condi-ions d’intubation. L’hyperventilation manuelle doit êtreroscrite. En revanche, l’application d’une assistance ven-ilatoire lors de l’induction semble pleinement justifiée,ermettant d’assurer une meilleure diffusion des halogénés,n meilleur contrôle des échanges gazeux et un monitoragelus fiable des gaz expirés. L’utilisation de l’aide inspiratoireès le début de l’induction semble être particulièrementntéressante. Les données issues de l’anesthésie adulte sontrometteuses, mais nécessitent des études complémen-aires chez l’enfant.

onflits d’intérêts

ucun.

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Comment gérer une induction inhalatoire chez l’enfant ?

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