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Audrey Chadly 20.10.15 Commentaire d’arrêt Cass. 3 e chambre civile, 7 mai 2008 Le 7 mai 2008, la 3 e chambre civile de la Cour de Cassation a rendu un arrêt, portant sur la validité de la rétractation d’une offre d’achat. Une personne a signé une proposition d’achat avec des consorts, au cours de laquelle elle a remis un dépôt de garantie. Or elle s’est rétractée un jour avant le délai qu’elle avait imposé. La personne assigne les consorts en justice, en restitution de la somme versée. Suite à l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris, rendu le 17 octobre 2005 condamnant les consorts, ces derniers forment un pourvoi en cassation. Les motifs de la Cour d’Appel sont les suivants : La rétractation de la personne est intervenue avant l’acceptation de l’offre par les consorts. Il n’y a donc pas eu formation du contrat. La question qui se pose en l’espèce est la suivante : Un contrat peut il être formé si la rétractation de l’offre assortie d’un délai intervient avant l’acceptation de cette même offre ? La Cour de Cassation répond par la négative et casse et annule l’arrêt, selon le motif que : Une offre d’achat peut être rétractée tant qu’elle n’a pas été acceptée mais en l’espèce la personne s’était engagée à maintenir son offre jusqu'à une date qu’elle n’a pas respecté. L’arrêt rend une décision classique et reprend la solution de l'arrêt Puy Isler et Chastan du 17 décembre 1958. De plus un arrêt antérieur avait statué dans ce sens, rendu par la 3 e chambre civile de la CC, le 10 mai 1968. Mais la jurisprudence est assez peu fournie et difficile a interpréter, ce qui explique que ce pan du droit des contrats est assez discuté par les auteurs de doctrine qui ne semble pas tous adhérer à cette solution rendue. I. Le principe de la révocation de l’offre 1

Commentaire 7 mai 2008, CC

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Page 1: Commentaire 7 mai 2008, CC

Audrey Chadly 20.10.15

Commentaire d’arrêt

Cass. 3e chambre civile, 7 mai 2008

Le 7 mai 2008, la 3e chambre civile de la Cour de Cassation a rendu un arrêt, portant sur la validité de la rétractation d’une offre d’achat.

Une personne a signé une proposition d’achat avec des consorts, au cours de laquelle elle a remis un dépôt de garantie. Or elle s’est rétractée un jour avant le délai qu’elle avait imposé.

La personne assigne les consorts en justice, en restitution de la somme versée. Suite à l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris, rendu le 17 octobre 2005 condamnant les consorts, ces derniers forment un pourvoi en cassation.

Les motifs de la Cour d’Appel sont les suivants : La rétractation de la personne est intervenue avant l’acceptation de l’offre par les consorts. Il n’y a donc pas eu formation du contrat.

La question qui se pose en l’espèce est la suivante : Un contrat peut il être formé si la rétractation de l’offre assortie d’un délai intervient avant l’acceptation de cette même offre ? La Cour de Cassation répond par la négative et casse et annule l’arrêt, selon le motif que : Une offre d’achat peut être rétractée tant qu’elle n’a pas été acceptée mais en l’espèce la personne s’était engagée à maintenir son offre jusqu'à une date qu’elle n’a pas respecté.

L’arrêt rend une décision classique et reprend la solution de l'arrêt Puy Isler et Chastan du 17 décembre 1958. De plus un arrêt antérieur avait statué dans ce sens, rendu par la 3e

chambre civile de la CC, le 10 mai 1968. Mais la jurisprudence est assez peu fournie et difficile a interpréter, ce qui explique que ce pan du droit des contrats est assez discuté par les auteurs de doctrine qui ne semble pas tous adhérer à cette solution rendue.

I. Le principe de la révocation de l’offre

A. La valeur juridique de l’offre

Cet arrêt est rendu dans le domaine du droit civil plus précisément du droit des contrats. Définie comme « la proposition ferme de conclure, a des conditions déterminées, un

contrat de telle sorte que son acceptation suffit à la formation de celui ci » par Fr. Terré. Aussi appelée pollicitation, l’offre est une proposition comportant tous les éléments du

contrat projeté. Elle exprime le consentement de son auteur, doit être ferme et précise (sinon incomplète).

L’offre suscite de nombreuses difficultés, notamment de savoir dans quel cas elle engage ou non son auteur.

On distingue deux types d’offres : assortie d’un délai / non assortie d’un délai.

B. La libre révocation de l’offre non assortie d’un délai

L’offre non assortie d’un délai : Dans ce cas là, il n’y a pas de délai fixé par l’offrant, ni par la loi. Cette offre peut en principe être librement rétracté. Si la volonté de l’offrant rencontre la volonté du destinataire, le contrat est formé.

On comprend que le principe dépend désormais de la nature juridique de l’offre. On remarque qu’ici la Cour de Cassation opère une distinction entre les offres assortie d’un

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délai et celles qui ne le sont pas, et imposent une obligation aux offres assorties d’un délai : l’obligation de maintien de l’offre durant toute la durée du délai. C’est du moins ce que les juges de la Cour nous disent dans cet arrêt du 7 mai 2008.

Le principe pour ces offres non assorties d’un délai est tel que tant que l’offre n’est pas acceptée, elle est un acte unilatéral.

L’offre est librement révocable en vertu du principe de la liberté contractuelle. C’est a dire que tant que la formation du contrat n’a pas eu lieu, l’offre est susceptible d’une révocation.

C’est d’ailleurs les motifs de la Cour d’Appel de Pau, qui retient « la validité de la rétractation de son offre d’achat » car cette révocation s’est faite antérieurement à l’acceptation de l’offre par les consorts.

Cependant, avec le temps on a pu constater une évolution jurisprudentielle : en dehors de tout délai, la jurisprudence considère un délai raisonnable durant lequel l’offre doit être maintenue.

II. La restriction de la liberté de révocation de l’offre

A. Une liberté de révocation limitée de l’offre assortie d’un délai

L’offre assortie d’un délai : quand le pollicitant précise que son offre de contracter est valable pendant un certain temps, alors on considère que l’offre dispose d’un délai, d’une durée de vie obligatoire. Dans cette situation, la jurisprudence impose au pollicitant de maintenir son offre pendant le délai prévu (Cass, 1ère chambre civile, 17 décembre 1958). = si le pollicitant rétracte son offre pendant le délai, la révocation est sans effet.

Dans cet arrêt du 7 mai 2008, la Cour de Cassation censure la décision des juges du fond, qui ont fait droit a l’appel de la demanderesse. En rendant sa décision, la Cour de Cassation affirme le principe de liberté de révocation mais le limite « il en est autrement au cas où celui de qui émane s’est engagé à ne pas la retirer avant une certaine époque ».

La Cour de Cassation ne l’exprime pas explicitement dans cet arrêt du 7 mai 2008 mais cela signifie que le destinataire de l’offre peut l’accepter après la révocation SI l’acceptation intervient dans le délai, ce qui est le cas en l’espèce. De ce fait le contrat sera considéré comme valablement formé et le pollicitant sera obligé de l’exécuter.Le délai est utile = permet de réfléchir.

B. La sanction audacieuse en cas de révocation prématurée

Le principe est tel que le pollicitant (l’offrant) doit maintenir son offre pendant tout le délai.

En ce qui concerne les sanctions : o Une rétractation anticipée d’une offre assortie d’un délai serait une faute, avec

réparation de dommages et intérêts pour celui qui démontre qu’il allait contractero Il est de jurisprudence constance que « l’offrant peut être tenu pour responsable du

dommage causé par une révocation intervenue alors que le destinataire pouvait encore légitimement compter sur le maintien de la proposition qui lui avait été adressée », selon l’arrêt rendu par la 1ère chambre civile de la CC, le 8 octobre 1958 mais également par la chambre sociale le 22 mars 1972.

Dans ce cas, un délai avait été prévu par la pollicitant et même de l’offre, qui était donc contractuellement tenue au maintien de sa proposition, l’offre n’était pas librement révocable tant que le délai convenu n’est pas écoulé.

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o Certains auteurs de doctrine estiment que l’offre est censée être maintenue. Si elle est acceptée, alors le contrat se formera et l’offrant pourra être forcé de son exécution.

Après avoir semblé, dans un premier temps, établir une distinction entre les offres (17 déc. 1958, 10 mai 1968, 19 janv. 1977) la jurisprudence n’a pas réitéré cette solution.

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