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Acta Biotheoretica 31, 12 7-141 (1982} 0001- 5342/82/02012 7-15 $00.20/0 © 1982 Martinus Nifhoff/Dr W. Junk Publishers, The Hague. Printed in the Netherlands Commentaires sur le systbme de classification des Angiospermes de Takhtajan DENIS BARABE* et LUC BROUILLET** *Jardin botanique de Montr6al, 4101 est, rue Sherbrooke, Montr6al (Qu6bec), Canada H1X 2B2;** Box 4,000, Macdonald College, 21111 Lake Shore Road, Ste-Anne-de Bellevue (Qu6bec), Canada H9X 1C01 (regu 2-XI- 1981) Abstract. The authors analyze Takhtajan's system of classification of the Angiosperms in relation to the principles of evolutionary and cladistic systematics. It is shown that Takhtajan belongs to the evolutionary school: he identifies the ancestors of some taxa, he accepts polytomous branching and he groups taxa on the basis of primitive as well as derived character states. Takhtajan's notion of weighted similarity does not appear to be based on objective criteria, when determining the weight and evolutionary status of characters. After a summary of the modifications brought out by Takhtajan in his 1980 version, the weak and strong points of evolutionary systems as a whole are emphasized. In these, the delimitation of taxa and their f'fliation are difficult to refute since they do not rely on precise criteria, which would ensure continuity and uniformity within a given system. However, these systems have some flexibility, which allows them to incorporate readily new information, a feature unfortunately missing in cladistic classifications. In fact, while it does have weaknesses from a theoretical point of view, the system of Takh- tajan gives us an idea of flowering plants phylogeny that appears to be one of the most complete at the present time from both analytical and synthetic standpoints. R6sum6. Les auteurs analysent le syst6me de classification des Angiospermes de Takh- tajan en fonction des principes de la syst6matique 6volutive et de la syst6matique cladis- tique. I1 est d6montr6 que le syst6me de Takhtajan appartient ~ l'6cole 6volutive: cet auteur reconnaff directement les anc6tres pour certains taxons; il accepte des embranche- merits polytomiques dans ses dendogrammes et, enfin, il r6unit les taxons aussi bien sur la base de caractbres evolu6s que primitifs. La notion de similarit6s pond6r6es de Takhtajan ne semble pas bas~e sur des crit~res objectifs pour d~terminer le poids et le stade ~volutif des caract6res. Apr6s avoir r6sum~ les modifications apport6es par Takhtajan dans la version de 1980, les auteurs font ressortir les faiblesses et les points forts des syst6mes 6volutifs en g~n6ral. Dans tes syst6mes 6volutifs, la d61imitation des taxons et leur filiation sont difficilement r6futables puisqu'ils ne reposent pas sur des crit~res pr6cis qui assure- raient une continuit6 et une uniformit6 ~ l'int6rieur d'un m~me syst6me. D'un autre c6t6, ces syst6mes poss6dent une flexibilit~ qui les rend aptes ~ incorporer des change- ments mineurs apport6s par des travaux nouveaux, 616ment qui fair malheureusement d~faut ~ la syst6matique cladistique. En fair, tout en comportant des faiblesses au niveau th6orique, le syst~me de Takhtajan nous donne une vision de la phylog6nie des plantes ~ fieur qui, pour le moment, demeure l'une des plus complete tant du point de vue analytique que synth6tique. 1 Adresse actueUe: Institut botanique de rUniversit6 de Montr6al, 4101 est, rue Sher- brooke, Montr6al, Canada H1X 2B2.

Commentaires sur le système de classification des angiospermes de takhtajan

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Acta Biotheoretica 31, 12 7-141 (1982} 0001- 5342/82/02012 7-15 $00.20/0 © 1982 Martinus Nifhoff/Dr W. Junk Publishers, The Hague. Printed in the Netherlands

Commentaires sur le systbme de classification des Angiospermes de Takhtajan

DENIS BARABE* et LUC BROUILLET**

*Jardin botanique de Montr6al, 4101 est, rue Sherbrooke, Montr6al (Qu6bec), Canada H1X 2B2;** Box 4,000, Macdonald College, 21111 Lake Shore Road, Ste-Anne-de Bellevue (Qu6bec), Canada H9X 1C01

(regu 2-XI- 1981)

Abstract. The authors analyze Takhtajan's system of classification of the Angiosperms in relation to the principles of evolutionary and cladistic systematics. It is shown that Takhtajan belongs to the evolutionary school: he identifies the ancestors of some taxa, he accepts polytomous branching and he groups taxa on the basis of primitive as well as derived character states. Takhtajan's notion of weighted similarity does not appear to be based on objective criteria, when determining the weight and evolutionary status of characters.

After a summary of the modifications brought out by Takhtajan in his 1980 version, the weak and strong points of evolutionary systems as a whole are emphasized. In these, the delimitation of taxa and their f'fliation are difficult to refute since they do not rely on precise criteria, which would ensure continuity and uniformity within a given system. However, these systems have some flexibility, which allows them to incorporate readily new information, a feature unfortunately missing in cladistic classifications. In fact, while it does have weaknesses from a theoretical point of view, the system of Takh- tajan gives us an idea of flowering plants phylogeny that appears to be one of the most complete at the present time from both analytical and synthetic standpoints.

R6sum6. Les auteurs analysent le syst6me de classification des Angiospermes de Takh- tajan en fonction des principes de la syst6matique 6volutive et de la syst6matique cladis- tique. I1 est d6montr6 que le syst6me de Takhtajan appartient ~ l'6cole 6volutive: cet auteur reconnaff directement les anc6tres pour certains taxons; il accepte des embranche- merits polytomiques dans ses dendogrammes et, enfin, il r6unit les taxons aussi bien sur la base de caractbres evolu6s que primitifs. La notion de similarit6s pond6r6es de Takhtajan ne semble pas bas~e sur des crit~res objectifs pour d~terminer le poids et le stade ~volutif des caract6res.

Apr6s avoir r6sum~ les modifications apport6es par Takhtajan dans la version de 1980, les auteurs font ressortir les faiblesses et les points forts des syst6mes 6volutifs en g~n6ral. Dans tes syst6mes 6volutifs, la d61imitation des taxons et leur filiation sont difficilement r6futables puisqu'ils ne reposent pas sur des crit~res pr6cis qui assure- raient une continuit6 et une uniformit6 ~ l'int6rieur d'un m~me syst6me. D'un autre c6t6, ces syst6mes poss6dent une flexibilit~ qui les rend aptes ~ incorporer des change- ments mineurs apport6s par des travaux nouveaux, 616ment qui fair malheureusement d~faut ~ la syst6matique cladistique. En fair, tout en comportant des faiblesses au niveau th6orique, le syst~me de Takhtajan nous donne une vision de la phylog6nie des plantes ~ fieur qui, pour le moment, demeure l'une des plus complete tant du point de vue analytique que synth6tique.

1 Adresse actueUe: Institut botanique de rUniversit6 de Montr6al, 4101 est, rue Sher- brooke, Montr6al, Canada H1X 2B2.

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Introduction

Takhtajan publiait r6cemment, dans Botanical Review (1980), une rdvision de son syst6me de classification des plantes ~i fleurs. Les botanistes du monde entier ont eu l'occasion de se familiariser avec l'une ou l'autre des diff6rentes versions de ce syst6me (Takhtajan 1959, 1966, 1969, 1973). De plus en plus, il est adopt6 dans les trait6s de botanique et les monographies spdcialis6es. Par exemple, dans la nouvelle ddition du livre de Metcalfe et Chalk (1979), les families de Dicotylddones sont classifi6es selon celui-ci. Malgrd que l'oeuvre de Takhtajan soit majoritairement dcrite en russe, quelques livres publids en allemand ou en anglais ont permis de faire connaftre rapidement ses iddes dans les pays occidentaux. Les volumes Die Evolution der Angio- spermen (1959) et particuli6rement Flowering plants- Origin and dispersal (1969) sont responsables de la grande diffusion de son syst6me. C'est pourtant le livre paru en 1966 qui, en fait, est le plus complet du point de vue de la systdmatique. Malheureusement ce volume de 600 pages, off chaque ordre et famille est ddcrit, est aujourd'hui dpuisd et, par surcroi't, il est 6crit en russe. Dans les lignes qui suivent nous analyserons la version de 1980 par rapport ~ celles de 1969 et de 1973. Malgr6 certains changements impor- tants, le syst6me de 1980 conserve globalement la m6me structure que les syst6mes ant6rieurs, particuli6rement au niveau des ordres et des sous-classes.

La publication de 1980 se divise en trois parties: une premi6re, o/~ Takh- tajan expose bri6vement les principes de base et les origines de son syst6me de classification; une seconde, off sont ddcrites les sdries dvolutives inh6ren- tes aux plantes ~ fleurs et, enfin, la derni6re off est ddveloppd le syst6me de classification. Nous analyserons chacun de ces points sdpardment en com- mentant l'axiomatique de Takhtajan et le mod61e de classification auquel elle conduit. Nous voulons particuli6rement ins6rer nos commentaires darts la dialectique systdmatique moderne, off s'opposent les dcoles dites cladistique et dvolutive.

Pr6misses de base

Takhtajan consid~re comme synonymes classification dvolutive et classifica- tion phylogdndtique. Or m6me si, dans un sens large et imprdcis, ces deux expressions sont considdrdes comme dquivalentes par plusieurs auteurs, une autre dcole de pensde, le cladisme, se rdclame aussi de l'dtiquette phylogd- ndtique (Cracraft, 1974; Janvier et al., 1980). Nous prdf~rons conserver les expressions syst6matique 6volutive et syst6matique cladistique pour caractd- riser ces deux approches, r6servant ainsi au terme 'phylogdndtique' un statut plus neutre, comme l'a fait Gould (1981).

Chacun de ces syst~mes s'appuie sur des prdmisses de bases qui jusqu'h un certain point s'avbrent incompatibles. Sans faire une analyse de ces deux fa~ons de reconstituer ou de prdsenter la phylogdnie, nous exposeront bri6-

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vement, en nous r6f6rant h l'article de Cracraft (1974), les 6nonc6s de base qui les distinguent, et nous montrerons que le syst6me de Takhtajan (1980) rel6ve de l'6cole 6volutionniste. Naturellement nous ne voulons pas ici discuter la validit6 de chacun de ces mod61es syst6matiques. Le lecteur d6si- reux d 'appronfondir cet aspect sera combl6 puisque les publications sur ce sujet foisonnent. Qu'il nous suffise de mentionner, en plus du travail de Hennig (1966), les articles ou les livres des auteurs suivants: Ashlock (1979), Cracraft et Eldredge (1979), G6nermont (1980), Hull (1979), Platnick (1979), et Wiley (1980a).

Sur le Tableau 1 sont rassembl6s les 6conc6s de base des syst6mes 6volutifs et cladistiques. Sans qu'il ait explicitement 6nonc6 les principes de la classifi- cation 6volutive, il est clair que Takhtajan appartient ~ cette 6cole. I1 n'h6site pas ~ reconnal'tre directement les anc6tres pour certains taxons, 6crivant par exemple (p. 229):

'Thus, it is highly probable that the Laurales originated directly from the Magnoliales, the Papaverales from the Ranunculales, the Theales from the Dilleniales . . . .

Si Takhtajan croit ~i la possibilit6 de reconnaffre les anc~tres directs, il pr6cise cependant qu'au niveau des cat6gories taxonomiques sup6rieures, ce ne sont pas les membres actuels qui ont donn6 naissance h d'autres taxons, mais bien des groupes aujourd'hui 6teints. Ceci ne change pourtant rien au sch6ma conceptuel de base, car pour la syst6matique cladistique il est impossible de reconnaftre les anc~tres, peu importe la cat6gorie taxonomique ~i laquelle on se situe.

Sur la question du mode de sp6ciation, Takhtajan reste muet. Pourtant, comme il retient les deux autres principes de la classification 6volutive, tout laisse croire qu'il accepte aussi la notion de gradualisme phy16tique, sinon ses dendrogrammes suivraient des embranchements dichotomiques, ce qui n'est pas le cas. A ce sujet, Bremer et Wanntorp (1978), pour montrer que le syst6me de Takhtajan ( 1 9 6 9 ) n e suivait pas les principes cladistiques, se sont attaqu6s au fait que ses embranchements n'6taient pas dichotomiques et que les groupes-fr6res n'avaient pas le m6me rang taxonomique. Nous avons tent6 de retracer un dendrogramme pour son syst6me de 1980, et sommes arriv6s au m6me r6sultat: polytomies nombreuses, qui r6sultent souvent d'une formulation impr6cise des relations entre les taxons. Nous prendrons ici comme exemple les nombreux groupes qu'il fait d6river des Magnoliales, Hamamelidales, Saxifragales ou Liliales, sans pour autant donner l 'ordre des ernbranchements.

Enfin, en ce qui conceme les caract6res importants servant ~ rapprocher les taxons, Takhtajan adopte la position des 6volutionnistes. Constatant que tous l e s caract6res d'un taxon ne conduisent pas forc6ment fi la m6me position taxonomique, il sugg~re de leur donner un poids, qui peut varier d 'un groupe ~ l 'autre. Contrairement aux adeptes de la classification cladis- tique qui rassemblent les groupes exclusivement sur la possession commune

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de caract6res dvoluds (synapomorphie) , Takhtajan unit les taxons aussi bien sur la base de caract6res 6volu6s que primitifs. I1 s'agit bien 1~ de similarit6s pond6r6es. Ainsi, lorsqu'il fait des Nympheales le groupe-fr6re des Mono- cotyledones, Takhtajan se b'ase sur un ensemble de caract6res que lui-m~me consid6re comme primitifs, ~ l 'except ion de l 'absence secondaire de vaisseaux.

Comme t o u s l e s syst6maticiens dvolutionnistes, Takhtajan tente d'61i- miner les caract6res dont la concordance r6sulte d 'une convergence. Or selon la m6thode cladistique, il ne suffit pas d '6liminer les cas de convergence pour obtenir des groupes monophyl6tiques, il faut aussi exclure les groupes paraphyl6tiques, c 'est-~-dire ceux dont la ressemblance r6sulte de la posses- sion en commun de caract6res primitifs. Comme le soulignait Hennig (1965, p. 11 -12 ) :

'les diff6rences entre le syst~me pliylog6n~tique et tousles autres syst6mes qui comme lui classent les esp~ces sur la base de leurs ressemblances morphologiques sont les suivantes: (A) Syst6mes utilisant le simple crit~re de ressemblance morphologique: ils incluent des groupes polyphyl6tiques, paraphyl6tiques et monophyl6tiques. (B) Syst~mes employant le crit6re de ressemblance morphologique mais ~liminant les carac- t~res dont la concordance repose sur la convergence; chez eux, les groupes polyphy- 16tiques sont 6limin6s mais des groupes paraphyl6tiques sont admis en m~me temps que les monophyl~tiques. (C) Syst~mes phylog6n~tiques: les caract~res dont la concordance repose sur la convergence ou la sympl6siomorphie ne sont pas pris en consideration. Par cons6quent, les groupes polyphyl6tiques et paraphyl~tiques sont exclus et seuls subsistent les groupes monophyl~tiques.'

Revenons maintenant h la not ion de similarit6 de Takhtajan. Nous avons vu que t ous l e s caract6res d 'un taxon ne conduisent pas forc6ment ~ la m6me interpr6tat ion phylog6nique, ph6nom6ne plus marqu6 au niveau des families qu 'aux rangs hi6rarchiques inf6rieurs, puisque l 'on trouve souvent une r6parti- t ion en mosai'que de caract6res primitifs et 6voluds chez les families 6troite- ments apparent6es. Cette distr ibution en mosai'que des caract6res est appel6e h6t6robathmie par Takhtajan. Par exemple, un taxon peut poss6der ~ la fois des caract6res primitifs et 6volu6s, comme cela se voit chez les Magnoliales. De plus, les m6me caract6res peuvent avoir un poids diff6rent d 'un taxon l 'autre. Ceci consti tue l 'un des points fondamentaux pour les syst6maticiens 6volutionnistes (Tableau 1). Mais quels sont les crit6res utilis6s pour d6ter- miner la valeur d 'un caract6re dans un groupe taxonomique pr6~is par Takh- tajan (1980), (p. 2 3 1 - 2 3 2 ) ? :

Besides, the same characters could have different weight in various related taxa. It is also well known that weighting can only be a posteriori, that is, based on experience. It is determined by trial and error method, based on the personal experience of a sys- tematist as well as on the experience of his predecessors and colleagues. Weighting is a specific taxonomic problem, which can be solved only by the systematist himself.

Plus loin il 6crit (p. 233):

Only the application of various methods can reveal those 'critical characters' and 'critical tendencies' (Werham, 1913:136) which are reliable phyletic markers. Correct weighting

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of the characters and their evolutionary tendencies gain special significance in such cases. It depends on the experience of a systematist and his erudition.

On peut se demander si la valeur scientifique d'un syst~me, qui serait fond6 uniquement sur l 'exp~rience et l '~rudition n'est past discutable? M6me si en pratique, dans les syst~mes de classification botanique modernes, ce sont probablement lfi les aspects qui jouent le plus dans la d~limitation des taxons, il devrait th~oriquement y avoir des crit~res objectifs pour d~terminer le poids et le stade ~volutif des caract~res. Takhtajan mentionne l 'existence de diff6rentes m~thodes, sans pour autant les indiquer. Qu'il n'ait pas appro- fondi cet aspect de la reconnaissance des caract~res d~terminants constitue,

notre avis, une faiblesse dans les fondements de son syst~me de classifi- cation. Lorsqu'il parle de 'trial and error method' , fait-il r6f~rence g la 'method of reciprocal illumination' qui occupe une place importante en sys- t imatique (Hennig, 1966)? En fait, il y aurait lieu de discuter davantage le probl~me des s6ries ~volutives d 'autant plus que ce sujet a fait l 'objet de plusieurs travaux dont les plus r~cents (de Jong, 1980; Stevens, 1980; Watrous et Wheeler, 1981) tendent ~ d~montrer que le concept de com- paraison hors-groupe ( 'out-group comparison') demeure l 'un des plus pertinents pour la ditermination des stades primitifs et ~voluis. De plus, faut- il choisir de pr i f i rence les caract~res reproducteurs ou v6g6tatifs? Les carac- t~res ayant une grande valeur adaptative sont-ils moins importants que d'autres? Ce sont l~i des questions qui ne sont pas discut~es dans cette nouvelle version de son syst~me. Ceci est quelque peu surprenant puisqu'il consacre plusieurs pages i la description de s6ries ivolutives chez les Angio- spermes, donnant, pour la plupart des caract~res reproducteurs et vigi- tatifs, les stades primitifs et ~voluis. Or quels crit~res utilise-t-il pour en arriver aux s6ries qu'il propose? Ici, comme sur la pond~ration des caract~res, Takhtajan n'~labore pas davantage: il appuie ses s~ries ~volutives sur les travaux d'un ensemble d'auteurs. Mais encore lfi, ceux-ci n 'ont pas tous utilis6 le mime schema conceptuel ou les mimes crit~res pour d~terminer le sens des siries ~volutives. D'ailleurs, les crit~res peuvent varier d 'un organe

l 'autre. Si les siries stratigraphiques, par exemple, sont pricieuses pour comprendre l ' ivolution du pollen, elles auront peu d ' importance, par contre, pour expliquer la phylog~nie de l 'androcie, o/l l 'ontogen~se s'av~re plus appropri6e.

Passons maintenant au syst~me de classification proprement dit. Takh- tajan, ainsi qu'il l'~crit lui-m6me, fut fortement influenci par Hallier (1912) et Gobi (1916), deux botanistes qui ont publii leur syst~me de classification au d~but du si~cle, soit vers la m6me ipoque que celui de Bessey (1915). Ces syst~mes, par comparaison avec celui de Engler, se caract~risent par la position plus ou moins ~volu6e des apitales, les groupes primitifs i tant majoritairement dialypitales. Dans les lignes qui suivent nous risumerons les principaux changements que Takhtajan a apport i ~i ses syst~mes anti- rieurs.

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Nouveau syst6.me de classification

Sous-classes des Magnoliidae et Ranunculidae

La position des Winteraceae, aujourd'hui consid6r6e comme la famille la plus primitive parmi les Angiospermes, repr6sente un changement important par rapport aux syst6mes pr6c6dents darts lesquels les Magnoliaceae occu- paient cette place. Takhtajan rejoint ainsi le point de vue de Thorne (1976). Malheureusement, dans les notes accompagnant la classification des families, il ne donne pas les raisons qui rnotivent ce changement alors qu'il parai't essentiel de le justifier. C'est dans la partie consacr6e ~i l'6volution des ca- ract6res qu'on trouvera des arguments en faveur de cette nouvelle classifica- tion. Comme toujours, les caract6res de la fleur jouent, chez Takhtajan, un r61e primoridial dans la subdivision et la disposition des cat6gories taxonomi- ques sup6rieures. Selon lui, les fleurs primitives, comme celles des Wintera- ceae et des Degeneriaceae, seraient plut6t de taille moyenne et poss6deraient un r6ceptacle plus ou moins allong6. Les grosses fleurs des Magnoliaceae, avec un r6ceptacle pro6minent, seraient d'origine secondaire et constitueraient une adaptation h un mode de pollinisation particulier. Voil~i probablement ce qui justifie la position basale des Winteraceae.

Les Illiciales constituent, dans cette r6vision, le deuxi6me ordre des Mag- noliideae, alors qu'ils appartenaient ~i la sous-classe des Ranunculidae dans les syst6mes ant6rieurs. Si on se r6f6re au dendrogramme, les Illiciales se s6parent tr6s t6t du phyllum qui conduit aux Ranunculidae. I1 s'agit, ici, d'un cas de paraphylie au sens des cladistes: les groupes-fr6res ne sont pas r6unis dans un m~me ensemble taxonomique.

Les Nelumbonales, autrefois plac6s dans les Ranunculidae, sont main- tenant inclus dans les Magnoliideae et auraient une origine commune avec les Nymphaeales.

D6s lors, la sous-classe des Ranunculidae se trouve r6duite ~ trois ordres: Ranunculales, Papaverales et Sarraceniales.

Sous-classe des Hamamelididae

Dans la mise ~ jour de son syst6me, Takhtajan ajoute quatre families ~i la sous-classe des Hamamelididae: Daphniphyllaceae, Buxaceae, Simmondsia- ceae et Cecropriaceae. Les trois premi6res, autrefois plac6es dans les Euphor- biales, sont incluses dans les Hamamelidales; quant ~ la quatri6me, il s'agit d'une nouvelle famille d'Urticales d6crite par Berg (1978). lci, contrairement

la situation chez d'autres taxons, les changements taxonomiques sont analys6s avec plus de profondeur.

Sur la question des Fagales et des Betulales, Takhtajan rejoint l'opinion de Cronquist (1968) puisqu'il r6unit ces deux taxons dans l'ordre des Fagales, en excluant cependant les Balanopaceae. Cette position paraft justifi6e puisque pour l'ensemble des caract6res les Balanopaceae se placent dans le sillon des Hamamelidales (Barab6 et al., 1981).

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Sous-classe des Dilleniidae

Les ordres monotypiques Passiflorales et Cucurbitales disparaissent pour 6tre inclus dans les Violales, alors que les Diapensiales prennent place parmi les Ericales.

Sous-classe des Rosidae

Dans la sous-classe des Rosidae, la position des diffdrentes families de Saxi- fragales est analys~e en d~tail. Ceci se comprend puisque les Saxifragales, qui partagent une origine commune avec les Rosales d'apr~s Takhtajan, ont donnd directement naissance h plusieurs ordres de Rosidae: Podostemales, Nepenthales, Myrtales et Elaeagnales. Ceci constitue d'ailleurs un cas de polytomie.

Contrairement ~ ses syst6mes de 1969 et 1973, Takhtajan s~pare les Araliales des Cornales, tout en n'excluant pas la possibilit~ qu'ils forment un seul ordre (p. 288): 'It is difficult or even impossible to draw a distinct clear-cut morphological boundary between these two orders.' Devant ce fait, on pourrait s'interroger sur les crit~res selon lesquels il drige certaines categories supdrieures.

On assiste aussi ~i la disparition des Hippuridales qui, dans les syst~mes prdc~dents, prenaient place aux c6t~s des Myrtales. Dor~navant, les Halora- gaceae se joindront aux Myrtales, les Gunneraceae aux Rosales et, chose surprenante, les Hippuridaceae feront un grand saut pour se retrouver dans les Scrophulariales.

Sous- classe des A steridae

Dans les syst~mes de 1969 et de 1973, les Asteridae se divisaient en deux super-ordres: les Lamianae et les Asteranae. Le premier comprend les Dipsacales, les Gentianales, les Polemoniales, les Scrophulariales et les Lamiales et, le second, les Campanulales, les Calycerales et les Asterales. Maintenant, Takhtajan (1980) regroupe ces ordres en trois super-ordres: les Gentiananae, les Lamianae et les Asteranae. Les Gentiananae, qui font le pont entre les Rosidae et les Asteridae, comprennent les Gentianales et les Dipsacales, tous deux apparent~s aux Cornales, les Oleales et les Loasales monotypiques, auparavant places pr6s des Polemoniales. Les Lamianae regroupent les Polemoniales, les Lamiales et les Scrophulariales. Enfin les Asteranae incluent les Campanulales, les Calycerales et les Asterales, les trois ordres les plus dvolu~s des Dicotyledones. Takhtajan adopte donc la thdorie qui veut que les Asteraceae ddrivent du complexe Campanulaceae- Lobelioideae, contrairement ~ Cronquist (1977) qui les rapproche des Rubia- ceae.

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Sous-classe des Alismatidae

Les Hydrocharitales disparaissent pour ~tre inclus dans les Alismatales, ordre qu'il consid6re comme le plus primitif parmi les Monocotyledones ~ cause de son gyn6c6e apocarpe et de sa placentation lat6riale-laminale. On voit encore une fois l'importance donn6e par Takhtajan aux caract6res floraux. Notons cependant que pour Burger (1977) la fleur des Alismatales serait peut-~tre ~volu6e 6tant donn6e l'origine secondaire de la corolle. I1 inter- pr6te d'ailleurs la fleur des Alismatales comme 6rant le r6sultat d'une conden- sation de fleurs simples bisexu6es. De plus, il est possible que la polyandrie et la polycarpie chez les Alismatales soient des caract6res 6volu6es (Sattler et Singh, 1978).

L'inclusion des Hydrocharitaceae dans les Alismatales est un exemple qui nous montre l'aspect parfois arbitraire des syst6mes 6volutifs. En effet, pourquoi, en 1969, les Hydrocharitales d6rivaient-ils des Alismatales alors que, en 1980, ils forment une famille de cet ordre, plac6e pr6s des Limno- charitaceae et des Butomaceae? Les r~gles syst6matiques et les donn6es sur lesquelles se base ce changement ne sont pas expos6es.

Sous-classe des Liliidae

Le groupe des Liliales s.l., qui constitue la souche de la sous-classe des Liliidae, a subi des changements importants que Takhtajan discute en d6tail, sans pour autant approfondir l'aspect touchant directement la subdivision des cat6gories taxonomiques sup6rieures. Avec les families Philesiaceae, Trilliaceae, Smilacaceae, Dioscoreaceae et Taccaceae, auparavant comprises dans les Liliales, il forme le nouvel ordre des Smilacales, qui d6riverait des Liliales et plus particuli6rement des Asparagaceae. Notons que dans les syst6mes de 1969 et 1973 les Trilliaceae n'6taient pas accept6s comme famille.

Un autre point int6ressant concerne la disparition de l'ordre des Eridales qui comprenait les Eridaceae, les Geosiridaceae, les Burmanniaceae et les Corsiaceae. Les Iridaceae, qui inclueront les Geosiridaceae, vont dor6navant se placer dans les Liliales et former, avec les Tecophilaeaceae, un sous-ordre

part. Les Burmanniaceae et les Corsiaceae seront r6unis pour donner l'ordre des Burmanniales, qui d~rivera des Iridaceae.

Les Bromeliales, auparavant compris dans le super-ordre des Comme- linanae, se placent dans les Lilianae. Ceci est logique puisqu'ils d6rivent directement des Liliales. Les Zingiberales forment maintenant un super-ordre

part (Zingiberanae) dans la sous-classe des Liliidae. Ce changement refl6te bien la position plus ou moins en retrait des Zingiberales par rapport aux autres Monocotyledones (Clifford, 1977). A c e sujet, Cronquist (1978) a cr6e r6cemment la sous-classe des Zingiberidae qui comprend les Zingiberales et les Bromeliales. L'emplacement des Bromeliales dans les Lilianae, alors que les Zingiberales, leur groupe-fr6re, font partie des Zingiberanae, rend

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le premier super-ordre paraphyl6tique. Un autre changement important concerne l 'acceptation de l'ordre des

Hydatellales, nomm6 par Cronquist suite aux travaux de Hamman (1976), ordre que Takhtajan place pr6s des Restionales et des Poales.

Sous- classe des A recidae

Contrairement fi ses syst6mes ant~rieurs (1969, 1973) Takhtajan fait un super-ordre fi part avec la famille des Araceae, les Aranae. Rappelons que la position marginale des Araceae, dans la classe des Monocotyledones, a ~t~ discut~e en dgtail par Burger (1977) qui les rapproche des Piperales.

Discussion

Les quelques notes qui pr6c6dent font ressortir, dans une certaine mesure, les faiblesses des syst6mes 6volutifs en g6n6ral et de celui de Takhtajan en particulier. I1 faut bien comprendre qu'il s'agit moins d 'un manque ~ refl6ter la phylogdnie r6elle des organismes que de l'absence de crit6res concrets sur lesquels pourrait se batir une telle phylog6nie. La d6limitation des taxons et leur filiation sont difficilement r6futables puisqu'ils ne reposent pas sur des crit6res pr6qis qui assureraient une continuit6 et une uniformit6 fi l'int6- rieur d 'un m6me syst6me. Pourquoi dans un cas, par exemple, peut-on passer du niveau familial au niveau ordinal alors que dans d'autres ce n'est pas possible? Sur quoi se base-t-on pour reconnaffre les anc~tres? Et m6me si l'exp6rience et la culture du syst6maticien sont primordiales dans la con- struction d 'un syst6me de classification, il nous semble peu convaicant de considdrer cette id6e comme une r6ponse aux questions pr6c6dentes. D'un autre c6t6, faut-il sauter pieds et poings li6s dans la syst6matique cladistique, surtout lorsqu'on connaft toutes les tortures taxonomiques que celle-ci fait subir fi la classification? On assisterait probablement, en pr6sence d 'un tel mod61e, fi une augmentation consid6rable du nombre de cat6gories taxonomiques. En fait, Gould (1980) a bien r6sum6 la situation au niveau des sciences biologiques, lui qui 6crivait (p. 112):

I have avoided plunging into this Hennigian maelstrom, if only beca.use my own position is so much in the middle. On the one hand, I do not see how the cladistic system can serve as a reasonable basis for classification. It produces wildly unbalanced and unstable higher taxa (any change of opinion about branching sequence early in the history of a group forces a recalibration of all ranks). It also explicitly ignores the biologically important fact that differential amounts of evolution characterize the different forks of a branch (I refuse to abandon the useful notion of 'fish' because coelacanths are closer cladistic relatives of human than of trout). On the other hand, cladistics has yielded important rewards: branching sequences are potentially objective facts and can, in principle, be reconstructed through the use of shared derived characters. 'Overall' similarity, on the other hand, is an invitation to endless wrangling. Cladists have also sharpened our concept of homology, codified the important concept of paraphyly, and

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correctly emphasized genealogy as the essential notion of biological similarity. Finally, cladists have forcefully reminded paleontologists that the criterion of phylogeny is the analysis of characters (Schaeffer et al., 1972) not the geological fact of relative occurrence in time.

La syst6matique cladistique pose peu de probl6mes niveau des cat6gories taxonomiques inf6rieures, telles que le genre et l'esp6ce. Cependant au niveau des families ou des ordres la situation se complexifie. Depuis quelques ann6es, certains auteurs (Bremer et Wanntorp, 1978, Burger, 1979; Parenti, 1980; Smoot et al., 1981; Wanntorp, 1980) discutent de la possibilit6 d'appliquer les m6thodes de la syst6matique phylog6n6tique h la classification des Cormo- phytes en g6n~ral et h celle des plantes h fleurs en particulier. Malheureuse- ment, jusqu'~ maintenant, ces tentatives ne se sont pas av6r6es fructueuses. Trop ancr6 dans les sch6mas traditionnels de la syst6matique 6volutive, on ne parvient pas ~ faire suffisamment abstraction des anciens taxons qui, eux, ne sont peut-6tre pas monophyl6tiques.

Bremer et Wanntorp (1978) ont analys6 le syst6me de Takhtajan (1969) en fonction des principes de la classification cladistique. Cependant, ~i notre avis, ils se sont trop attach6s ~ l'aspect classification du cladisme et pas assez

l'importance pratique de cette m6thode pour la syst6matique. Ces auteurs ont montr6 que Takhtajan (1969) ne donnait pas le m~me niveau hi6rar- chique aux groupes-fr6res et que ses embranchements n'6taient pas dicho- tomiques. Or, on se trouve devant un paradoxe: comment construire un syst6me cladistique en partant d'un syst6me ~volutif, qui se base sur des principes diff6rents? I1 faudrait s'attaquer en premier lieu ~ la formation de groupes monophyl6tiques et, par la suite, ~ la repr6sentation graphique de leur filiations phylog6niques. Ceci pr6suppose, bien entendu, le choix d'une unit6 de base. I1 semblerait que la famille soit le niveau hi6rarchique

privil~gier. Car, en g~n~ral, la d~limitation de la plupart des families change peu d'un auteur h l'autre par opposition aux ordres par exemple. I1 faut aussi prendre en consid6ration qu'il n'est pas pratique, dans le cas des syst6mes de classification des Angiospermes, de retourner ~ l'esp6ce qui, th~oriquement, constitue l'unit6 de base de la classification.

Le syst6me de Takhtajan (1969) a aussi fait l'objet d'une analyse ph6n6- tique au niveau de la sous-classe des Hamamelididae (Barab6 et al., 1981) qui comprenait ~ cette ~poque, 22 families . Apr6s avoir recens6, pour chacune des families, 130 caract6res morphologiques et anatomiques, les donn6es ont 6t6 trait6es ~ l'aide de m6thodes ph6n6tiques utilis6es en taxo- nomie num6rique. Les r6sultats obtenus concordent sensiblement avec le syst6me de Takhtajan, version 1969, sauf pour la position de deux families: les Balanopaceae et les Leitneriaceae. En 1980, Takhtajan d6place cependant ces deux families approximativement aux m6mes endroits que ceux qu'avait indiqu~s l'analyse ph6n6tique. On peut supposer qu'avec l'augmentation du nombre de donn6es, entre 1969 et 1980, Takhtajan a eu une meilleure perception de la position de ces families, ce qui confirmerait le fait que le

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syst6me 6volutif de cet auteur est de nature ph6n6tique. La citation suivante est significative ~i ce sujet (1980, p. 263):

In many respects Trochodendrales occupy, as it were, an intermediate position between Magnoliales and Hamamelidales, but in the totality of their characters they stand nearer to the latter.

L'analyse des caract&es (i.e. primitif vs 6volu6) sur lesquels reposent les syst6mes 6volutifs et ph6n6tiques n'est souvent pas publi6. I1 est donc difficile de commenter pr6cis6ment les choix effectu6s par ces auteurs et de construire des cladogrammes ~i partir de leurs donn6es.

I1 semblerait pr6f6rable pour la syst6matique botanique d 'adopter une attitude souple envers ies mod61es 6volutifs et cladistiques. On pourrait y trouver ~ la fois la rigueur des derniers et la compr6hension de l 'adaptation des vivants ~ leur milieu que refl6te une classification 6volutive (Van Valen, 1978).

Le but premier d 'une classification est de fournir une expression simplifde des relations phylog6n6tiques entre les organismes (McNeill, 1979). I1 ne s'agit pas ici de cataloguer t ous l e s embranchements qui se produisirent au cours des ~iges, ni de r6pertorier les moindres voices adaptatives choisies par les organismes au cours de l'6volution. Comme le soulignait McNeill (1979), pour 6tre psychologiquement efficace, une classification dolt ~tre bas6e sur une hi6rarchie simple, o6, ~i chaque niveau, ne se retrouve qu'un nombre limit6 de taxons inclus dans chaque taxon de niveau sup&ieur. En ce sens, le syst6me de Takhtajan poss6de certains avantages face ~i ceux de Dahlgren (1980) ou Thorne (1976), par exemple. De plus, un autre objectif souhaitable d'une classification est la flexibilit6 par rapport aux changements mineurs apport6s par des travaux nouveaux (Van Valen, 1979), 616ment qui fait malheureusement d6faut ~ la classification cladistique. Certes, celle-ci pourrait ~tre simplifi6e grandement (Wiley, 1980b); mais le probl6me de l'instabilit6 demeurerait, la d6couverte de nouveaux taxons, fossiles, groupes- fr6res risquant de jeter par terre, ~ tout moment , l'6difice si p6niblement construit. Or la syst6matique traditionelle a 6t6 orient6e vers une repr6sen- ration concise, dans sa classification, des donn6es ph6n6tiques recueillies chez un groupe. On lui voulait un pouvoir de pr6diction. Pourquoi d6truire ce syst6me, qui fonctionne bien lorsqu'il s'agit d'organiser et de r6pertorier les donn6es biologiques, par un autre souvent trop rigide? Doit-on rejeter la classification ~volutive de Takhtajan simplement parce qu'elle renferme plusieurs cas de paraphylie, comme nous l 'avons vu plus t6t, et se concentrer alors uniquement sur les cladogrammes, dont Bremer et Wanntorp (1978) se font les avocats? I1 semblerait plus sage, ici, de pr6server les usages de la syst6matique traditionnelle, d 'orientation 6volutive, e.n construisant des classifications qui seraient accompagn6es du cladogramme repr6sentant l 'ordre relatif, hypoth6tique, d'origine des diff&ents taxons. En fait, il s'agirait de d6finir une classification 6volutive (ou ph6n6tique) qui soit

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'convexe' , selon l 'expression des auteurs am6ricains (e.g. Duncan et al., 1980), sur le cladogramme. D'ailleurs, ces auteurs ont r6cemment plaidoy6 en faveur d 'une approche m6thodologique plus large du probl6me. Ainsi donc on pour- rait combiner le pouvoir de pr6diction de la syst6matique 6volutive ~ l 'analyse fournie par la syst6matique cladistique. On sera plus conscient des groupes paraphyl6tiques, mais moins tributaire de ceux-ci dans la d6finition des cat6gories sup~rieures qu 'on le serait avec la cladistique seule.

Apr6s cette courte analyse, on peut se demander si le syst6me de Takh- tajan refl6te en tout ou en partie la phylog6nie des plantes ~ fleurs. Cette question demeurera sans r6ponse d6finitive, car qui peut pr6tendre poss6der le syst6me id6al dans l '6tat actuel de nos connaissances? I1 est logique de penser qu'un progr6s se soit accompli depuis l '6poque de Engler. Mais touche- t-il seulement l 'accumulation de nouvelles donn6es, ou bien implique-t-i l aussi une am61ioration r6elle dans notre capacit6 ~ repr6senter la phylog6nie? Un point qui contribue au succ6s du syst6me de Takhtajan concerne son aspect p6dagogique. I1 s'en d~gage une impression de clart6 qui le rend tr6s a t t rayant . En effet, les niveaux hi6rarchiques utilis6s par Takhtajan, particu- li6rement celui de la sous-classe, en facilitent grandement la compr6hension. Bref, tout en comportant des faiblesses au niveau th6orique, le syst6me de Takhtajan nous donne une vision de la phylog6nie des plantes ~ fleurs qui, pour le moment , demeure l 'une des plus compl6tes tant du point de vue analytique que synth6tique.

Remerciements

Nous remercions Mile Sylvie Lalibert6 de l ' Inst i tut botanique de l'Universit6 de Montr6al pour sa r6vision critique du manuscrit.

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