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COMMUNICATION POUR LE CHANGEMENT AVEC DES PERSONNES DEPENDANTES AUX DROGUES POUR REDUIRE LES RISQUES LIES A LA CONSOMMATION MANUEL POUR LES PROFESSIONNELS Clara Valverde Cristina Visiers

Communication pour le changement avec des personnes dépendantes aux drogues pour réduire les risques lies àla consommation

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COMMUNICATION

POUR LE CHANGEMENT

AVEC DES PERSONNES DEPENDANTES

AUX DROGUES POUR REDUIRE LES

RISQUES LIES A LA CONSOMMATION

MANUEL POUR LES PROFESSIONNELS

Clara Valverde

Cristina Visiers

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Titre original: ‘Communication pour le changement avec des personnes dépendantes aux drogues pour réduire les risques liés à la consommation.’

Auteurs: Clara Valverde. Infirmière. Experte en communication thérapeutique

Cristina Visiers. Diplôme en Sciences Humaines. Collaboratrice à l’Agence de Santé Publique de la Catalogne

Traduit de l’espagnol au français par:Mlle. Béatrice MartinDr. Ali Ghoudane

© Generalitat de Catalunya Ministère de la Santé. Agence de Santé Publique de la CatalogneMinistère de la Présidence. Agence Catalane de Coopération au Développement

© des textes: les auteurs

Conception: Edén Pasies Isaac Rodríguez

Dépôt légal: B 11470-2015

Première édition: Mai 2015Ce travail est soumis à une licence de Creative Commons d’utilisation ouverte, avec la reconnaissance d’ Attribution-Pas d’utilisation Commerciale-Pas de Modification. Résumé : http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/deed.fr

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La santé de la population dépend, en grande partie, de ses habitudes. Plus âgés nous devenons, plus de difficultés nous avons à l’heure d’adopter et de changer nos styles de vie. Mais ces changements sont possibles, même s’il s’agit d’un processus lent qui demande un effort continu. De ces changements dépendra notre santé et notre bien-être dans le futur.

Si cela est vrai pour la population en général, il en est d’avantage pour les personnes qui souffrent une addiction. Surmonter la dépendance aux drogues est possible, mais on a besoin de temps, car il ne s’agit pas d’une tâche simple. Fréquemment, les essais et les rechutes font partie d’un processus qui, dans la plupart des cas, se termine avec l’addiction vaincue.

Tant qu’on n’arrive pas a cette guérison, il est essentiel que les personnes dépendantes aux drogues adoptent des habitudes qui les préviennent d’infections graves, telles que le Sida, les hépatites, la tuberculose, etc, ainsi que la mort par surdose.

Le rôle des professionnels est tres important dans la mise en place de formes de consommation plus hygiéniques et plus sûres. A travers un contact fréquent et une communication d’aide et de soutien efficace, ces professionnels peuvent accompagner les personnes affectées dans les changements qu’elles veulent réaliser et qui sont nécessaires pour protéger leur santé.

Le manuel que vous avez entre les mains prétend être un outil utile pour que les professionnels puissent faire un travail éducatif plus efficace. Nous sommes habitués à une façon de nous communiquer qui, malgré les bonnes intentions, est souvent peu utile et, même, peut nous éloigner et créer des réticences entre les consommateurs.

La communication pour le changement est un art pour lequel nous n’avons pas reçu de formation, même si c’est un art vital pour aider nos patients.

Nous souhaitons, donc, que ce manuel soit un instrument de plus dans l’amélioration de nos habiletés professionnelles, à fin que puissent en bénéficier le plus grand nombre de consommateurs de drogues avec qui nous travaillons.

Finalement, il faudrait dire que ce manuel est une action de plus, inclue dans un projet de coopération entre les Gouvernements du Maroc et de la Catalogne, adressé à améliorer la situation des personnes dépendantes aux drogues du Nord du Maroc, plus spécifiquement dans les villes de Tanger et de Tétouan.

Nous voulons profiter de cette occasion pour remercier l’Agence Catalane de Coopération au Développe-ment, pour son compromis à l’heure d’assumer et de continuer avec ce projet, qui va adressé à une population souvent stigmatisée et discriminée, avec des risques importants pour leur santé. De même, nous tenons à remercier l’effort et l’implication des professionnels et des volontaires des deux centres (Centre Médico-Psychologique Hasnouna de Tanger et Association de Lutte Contre le Sida de Tétouan) pour leur bonne exécution du projet et pour leur sensibilité envers ces personnes.

PRESENTATION

Dr. Joan Colom i FarranDirecteur du Programme des ToxicomaniesAgence de Santé Publique de la Catalogne

Dr Abdelkrim Meziane BellefquihDirecteur Régional de la Wilaya Tanger TétouanMinistère de la Santé du Maroc

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SOMMAIRE

1. Aider à changer ? Que comporte cela ? a- Qui change qui ? b- Pourquoi est-ce difficile de changer ? c- Croire l’usager d- Neutralité e- Priorités de l’usager f- Eviter l’inefficace

2. Réflexions avant d’accompagner l’usager dans ses changements a- Comprendre l’addiction b- Essayer de comprendre une personne dépendante c- Parfois, l’usager est méfiant d- Quand l’usager se montre agressif e- Si l’usager pousse les limites

3. Outils de la communication pour le changement a- Questions ouvertes et neutres b- Clarifier les objectifs c- Offrir de l’information

4. « Connecter » avec l’usager a- L’empathie b- Mais… ce n’est pas facile de montrer de l’empathie ! c- Comment faciliter l’empathie ?

5. Ecouter les mots et les émotions de l’usager a- A qui la responsabilité ? b- Pour écouter c- Ecouter les émotions de l’usager d- Si l’usager est triste ou déprimé e- Si l’usager se montre agressif ou enragé f- L’usager et son anxiété

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6. Des options au lieu de conseils a- L’aider à chercher ses options b- Le problème qui existe avec les conseils c- Pourquoi l’usager ne suit pas les recommandations ? d- Les interventions inefficaces e- Les interventions plus efficaces

7. L’injection hygiénique a- Comment devons nous parler à un usager b- Facteurs qui influent c- Par où commencer d- Exemple 1 : problèmes avec les veines e- Exemple 2 : l’usager sollicite emprunter une seringue f- Exemple 3 : contamination du matériel g- Exemple 4 : il n’y a pas d’espace propre h- Exemple 5 : la réinfection

8. Le sexe sécuritaire a- Qu’est-ce que c’est et comment introduire le thème? b- Ce n’est pas facile de pratiquer un sexe plus sécuritaire c- La communication pour le changement en rapport avec le sexe sécuritaire d- Fausses croyances et mythes e- Quelques idées pour faciliter la communication sur le sexe sécuritaire f- Communiquer sur les pratiques sexuelles g- Parler des méthodes de prévention h- Dialoguer sur la réinfection

9. Les surdoses a- La prévention des surdoses b- Les situations à risque c- Les stratégies de prévention devant chaque situation d- En cas de surdose e- Après une surdose

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Pour que les personnes présentant une dépendance aux drogues puissent protéger davantage leur santé, il est conseillé qu’ils réalisent des changements et des modifications dans leurs habitudes de consommation. Mais ce n’est pas facile de changer, ni d’aider à changer, et celle-ci est la fonction du professionnel qui travaille dans le domaine de la Réduction des Risques (RdR). A travers la communication pour le changement sont proposées des idées et des habiletés pratiques pour faciliter la tâche d’aider à la personne dépendante dans son changement et pour l’accompagner dans ce processus.

a- Qui change qui ?

Nous ne pouvons pas changer un usager. Par contre, c’est lui qui peut se changer lui-même, ses habitudes et sa façon de penser. Notre rôle n’est pas d’essayer de le changer, sinon de le soutenir, de l’accompagner, de lui offrir des informations, puis un renfort positif dans ce processus de changement.

b- Pourquoi est-ce difficile de changer ?

Il y a beaucoup de raisons ou motifs qui rendent difficile le changement d’une personne dépendante. Parmi ceux-là, nous citons les suivants :

• Elle a d’autres préoccupations plus importantes. • Elle trouve difficiles les recommandations qu’on lui fait. • Elle ne croit pas que son problème soit aussi grave comme pour avoir à réaliser des changements. • Elle se sent inquiète par le fait d’avoir à changer ses routines. • Elle a déjà reçu, tout au long de sa vie, beaucoup d’informations, de recommandations et de conseils. • Elle pense que le changement affectera/touchera sa vie sociale et émotionnelle. • Elle a déjà essayé de changer dans le passé mais elle n’a pas réussi. • Elle n’a aucune motivation (elle ne voit pas que les avantages de changer vont être plus nombreux que les désavantages). • A cause des façons de penser et de réagir (nier la réalité, par exemple) qu’elle a appris pendant son enfance.

1. Aider a changer ? Que comporte cela ?

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c- Croire l’usager

Pour pouvoir accompagner et aider l’usager dans ses changements, il est primordial de le croire. L’usager, quelles que soient ses émotions, ses comportements, ses idées, sa culture ou sa maladie, a sa vérité. Le professionnel a aussi la sienne; mais parfois celui-ci ne croit pas l’usager parce qu’il ne comprend pas qu’il n’y a pas qu’une « vérité universelle », que chaque être humain a « sa vérité » qui reflète sa réalité et son histoire. Quand le professionnel ne croit pas l’usager, ce professionnel est en train d’adopter une position de pouvoir. Certes, le professionnel est un expert en ce qui concerne les thèmes de santé et son rôle est différent de celui de l’usager. En même temps, c’est l’usager qui devrait prendre les décisions. La responsabilité du professionnel est de l’accompagner dans le processus, et celle de l’usager est de prendre les décisions concernant sa vie et son processus. Si le professionnel se situe dans une position de supériorité, cela empêchera qu’il se produise une bonne communication.

Pour travailler efficacement avec l’usager, il faut travailler avec sa vérité. Ce n’est pas tellement important que les faits soient tout à fait corrects; l’important c’est l’interprétation et l’impact que ce fait a eu sur l’usager. Pour que la communication avec le patient se produise, il est nécessaire de le croire. Si celui-ci perçoit que ce n’est pas ainsi, la communication ne sera pas efficace.

Exemple 1 : Usager (U) : « Les antibiotiques que vous m’avez donné pour l’abcès que j’ai au bras m’ont laissé à plat… J’ai arrêté de les prendre. »Professionnel (P) : « Ce n’est pas une bonne idée et, en plus, prendre des antibiotiques ce n’est pas si mauvais que cela. »U : « Mais je ne supportais pas les nausées qu’ils me provoquaient. » P : « Ecoute, les antibiotiques n’ont presque pas d’effets secondaires et c’est nécessaire que tu les prennes. Je crois que tu te plains beaucoup. »

Pourquoi ce professionnel ne croit pas l’usager ? Il y a plusieurs causes possibles :

• Le professionnel est en train d’adopter une position de pouvoir. C’est vrai qu’il s’agit d’un expert en Addictologie et que sûrement il connaît très bien les médicaments, mais même si son rôle est différent de celui de l’usager, il n’a pas le droit de prendre une position de supériorité. Quand un professionnel agit comme s’il était supérieur, il a tendance à ne pas croire l’usager.

• Ce professionnel ne comprend pas qu’il n’y a pas une « vérité universelle », que chaque être humain a « sa vérité » qui reflète sa propre réalité, et comment il la vit dépend de sa façon d’être, de son parcours de vie, de sa réalité, de ses difficultés, de ses particularités biophysiques, de sa culture et de sa famille d’origine. Dans cette situation, il est possible que le professionnel projette sur l’usager la frustration qu’il ressent par rapport au style de vie de plusieurs toxicomanes, ce qui fait que ce soit difficile de suivre une routine et des horaires, de suivre un traitement médical, etc.

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• Le professionnel est en train de minimiser le problème de l’usager en lui disant que « ce n’est pas si grave ». Sans être conscient, il se peut que ce professionnel croie que s’il transmet à l’usager que son problème est moins grave de ce qu’il dit, il se résoudra comme par enchantement.

• Généralement, les professionnels qu’on travaille dans des thèmes de santé, on se gêne quand on ne peut pas « arranger » ou « résoudre » une situation concrète, surtout si elle affecte la santé de l’usager. Dans ce cas, le professionnel projette cette incommodité sur l’usager.

Exemple 2:P : « J’ai remarqué que tu n’es pas venu te vacciner la semaine dernière comme prévu. » U : « Cela me coûte beaucoup de venir ici, surtout les jours où je me sens mal. »P : « Tu es venu aujourd’hui, donc ce ne peut pas être si difficile. »

Dans cet exemple, le professionnel ne croit pas qu’il soit si difficile pour l’usager de se déplacer. Pour être plus efficace, le professionnel doit, premièrement, croire son patient. S’il le fait, ses interventions peuvent être plus utiles avec des phrases telles que :

• Oui, je comprends qu’il peut être difficile pour toi de te déplacer. • Dis-moi ce qui est difficile dans cela. • Que t’aiderait-il à ce que ce soit plus facile pour toi? • D’après toi, quels sont les avantages et les inconvénients de ne pas te vacciner ?

d- Neutralité Quand on parle avec un usager, il est très important d’être neutre. Cela veut dire qu’il ne faut pas donner son avis, ni tenter de convaincre, ni insister, car si l’usager se voit traqué, sûrement, il réagira contre notre opinion et ne cherchera pas son propre chemin.

Pour le professionnel qui travaille auprès des personnes dépendantes, c’est très difficile d’avoir une idée de ce qui conviendrait le mieux à l’usager et de ne pas lui transmettre parce que dans les différentes formations qu’on a reçu, on conçoit que conseiller un usager fait partie de notre travail (« conseiller » n’est pas offrir a l’usager des renseignements à propos de thèmes de santé, des équi-pements, etc., ce qu’on verra plus tard). Quand on dit à un usager ce qu’il faut qu’il fasse, normale-ment débute un dialogue inutile entre l’usager et le professionnel dans lequel l’usager répond avec « Oui, mais » et le professionnel insiste. Ceci, à part de son inutilité, est généralement une perte de temps. Même si on laissait de côté les questions éthiques relatives à la responsabilité de chacun (profession-nel et usager) ; conseiller et donner son avis est inefficace. Un être humain ne change pas sa vie et ses habitudes parce que quelqu’un le lui a dicté.

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Une personne dépendante, à cause de sa trajectoire psycho-sociale, est habituée à se défendre et à réagir contre toute imposition. D’ailleurs, il est déconseillé de forcer les résistances d’un usager, car celles-ci entravent sa façon de voir ce qu’il sent et ce qu’il pense réellement, puis ralentissent son processus de changement.

P : « Veux-tu t’emporter plus de préservatifs ? » U : « Pour quoi faire ? Moi, je ne les utilise pas. » P : « Mais, tu as le VIH ! Tu dois les utiliser ! »

Dans ce dialogue, le professionnel dit ce que doit faire l’usager. Ceci, probablement, ne va pas produire qu’il le fasse. Plutôt, ce qu’il va obtenir c’est que l’usager se mette sur la défensive, ou qu’il dise ce que le professionnel veut écouter pour qu’il ne le réprimande pas. Généralement, l’usager sait déjà qu’il est recommandé d’utiliser des préservatifs. S’il ne le sait pas, c’est possible de lui offrir de l’information sur la transmission du VIH ; mais savoir comment se transmet le VIH ne veut pas dire qu’automatiquement la personne se protège. S’il ne le fait pas, le professionnel peut l’aider à réfléchir sur ce sujet d’une manière neutre avec des questions ouvertes, telles que : • Quelle opinion as-tu des préservatifs ? • Qu’est-ce qui t’empêche de les utiliser ? • Les as-tu déjà utilisés? • Comment fut l’expérience ? • Quels avantages et inconvénients vois-tu d’utiliser des préservatifs ?

La neutralité n’est pas synonyme d’indifférence. Respecter l’usager sans donner son avis ni le juger à priori ne veut pas dire que ce qu’il fait, dit ou sent ne nous intéresse pas. Respecter l’autodétermina-tion de l’usager signifie s’impliquer et travailler à partir d’une méthodologie thérapeutique et respec-tueuse.

e- Priorités de l’usager

L’usager a beaucoup de thèmes importants dans sa vie. Son problème d’addiction ou de santé, selon sa gravité, restera en haut ou en bas de sa liste de priorités. Un usager sous la méthadone qui par-fois consomme de la cocaïne et qui ignore ses complications, peut voir sa situation moins importante qu’un problème légal ou familial, par exemple. Mais si le professionnel ne traite pas l’usager comme un être bio-psycho-social, il court le risque de se focaliser seulement sur la consommation de subs-tances et ainsi prioriser cette consommation au moment de parler avec lui, tout en voulant qu’il chan-ge ses habitudes à tout prix.

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f- Eviter l’inefficace

Bien que l’éducation sanitaire soit une tâche importante des professionnels auprès des personnes dépendantes, généralement, ces professionnels n’ont pas une formation spécifique pour la mise en pratique de cette tâche. Ce manque de formation fait que les professionnels imitent des modèles qui ne conviennent pas au contexte sanitaire, ce qui amène à une éducation sanitaire qui, selon des étu-des réalisées dans ce sens, à tendance à être paternaliste et peu centrée sur l’usager.

D’autres interventions peu efficaces qui parfois sont mises en pratique incluent :

• Quand le professionnel décide à la place de l’usager quels seront les objectifs de celui-ci. • Ne pas commencer à partir de la demande de l’usager. • Insister, imposer. • Ne pas satisfaire les besoins réels de l’usager. • Ne pas chercher à connaître les opinions, connaissances, réalités ou croyances de l’usager. • Lui donner de l’information qu’il connaît déjà et lui répéter des renseignements. • Parler avec l’usager sur le changement comme si c’était facile. • Juger l’usager parce qu’il n’a pas changé ses habitudes.

Bien que le fait de donner des conseils à un patient soit, en général, inclus dans la culture sanitaire, il ne s’agit pas d’une méthodologie efficace (postérieurement, nous verrons que lui offrir de l’information et l’aider à réfléchir est plus utile que lui donner des conseils). Les professionnels qui travaillent avec des toxicomanes, dans des pays ayant une longue expérience en matière de RdR, mettent en cause les styles qu’ont utilisés les autres générations de médecins ; des styles ou façons de parler avec le patient qui imposent et qui sont paternalistes. Mais même si les nouvelles générations aient un style moins paternaliste, la méthodologie, très souvent, continue à être peu efficace. Voyons, ci-dessous, quelques exemples :

Lui dire ce qu’il doit faireJadis, les médecins disaient à leurs patients : « Vous devez faire ceci et c’est tout ! ». Aujourd’hui, avec un style plus aimable, beaucoup de professionnels essayent encore de s’imposer avec des phra-ses telles que : « Voyons, allons, faites-le. » Ils le disent plus aimablement qu’avant, mais l’effet est le même. Les deux exemples sont inefficaces, car quand on tente d’imposer ou de pousser un usager à faire quelque chose, c’est plus facile qu’il renforce ses défenses et plus difficile qu’il fasse ce qu’on lui a demandé.

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Donner son avis, jugerDans le style de jadis, on reprochait à l’usager de ne pas avoir suivi les recommandations : « Bien, si tu continues ainsi, ça ira mal ! ». Dans le nouveau style « aimable », on continue à juger l’usager dans de telles situations, mais le langage a changé : « Aïe, aïe, aïe… ainsi ça ne va pas ! ». Dans les deux styles, la méthodologie est inefficace, car l’usager se sent jugé, ce qui le démotive et détériorera la relation thérapeutique. Se fâcher Autrefois, c’était assez fréquent que le professionnel se fâche avec l’usager si celui-ci avait une re-chute ou ne suivait pas les recommandations. Aujourd’hui, bien que cette colère ne soit pas si explici-te, l’usager la ressent et la remarque dans le regard et le ton de la voix du professionnel.

Répéter Dans le système sanitaire, l’on croit habituellement que si l’on répète l’information plusieurs fois, l’usager finit par suivre les recommandations. Mais c’est le contraire de ce qui a été confirmé à travers des études et le sens commun. Jadis, on répétait l’information avec des phrases du genre : « Je t’ai déjà dit que… ! » et maintenant on le fait avec des phrases telles que : « Bon. Je te l’explique encore une fois ». En fait, aucun des deux cas n’est utile. Si l’usager ne suit pas les recommandations, il faut découvrir quelle est son opinion, ce qu’il sent, vit, et pense. Répéter ce que nous, ou d’autres profes-sionnels, avons déjà dit à l’usager, provoquera qu’il se sente comme un enfant.

Le paternalisme Bien que le professionnel et l’usager aient des rôles très différents dans la relation de soutien, les deux sont des êtres humains égaux et il n’y a pas de raison à ce que le professionnel parle comme s’il était supérieur aux autres. Autrefois, et même aujourd’hui, on entendait des phrases qui traitent l’usager comme inférieur, du genre : « Bon, qui est ici le médecin ? » Maintenant, le paternalisme se manifeste à travers d’attitudes dirigées à vouloir « sauver » ou « racheter », comme dans les exemples suivants : « Bien. Je te l’explique encore une fois. Je ne crois pas que tu ne m’as pas compris. »

Dans l’éducation sanitaire inefficace, on conçoit l’usager comme un verre vide qu’on doit remplir d’informations. Or, dans la communication pour le changement, l’usager est un verre plein, plein de son expérience, de sa vie et de ses connaissances. On se centre sur la réalité de l’usager, sa riches-se en expériences, ses croyances et ses opinions. Voir l’usager et dialoguer avec lui comme si c’était quelqu’un qui n’a pas de connaissances et qu’il faut « éduquer », cela le démotive et ne l’aide pas à prendre conscience de ses moyens et possibilités pour le changement.

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a- Comprendre l’addiction

La toxicomanie est un thème complexe, mais c’est important de réfléchir sur certains aspects concer-nant les addictions avant d’entamer la tâche d’aider l’usager à changer. L’addiction est une dépen-dance à une substance, dans le cas d’un toxicomane, avec un usage répétitif et compulsif dans le but d’obtenir une satisfaction immédiate pour ainsi soulager ses malaises socio-psycho-émotionnels. En général, la tendance à être dépendant existait déjà avant que la personne ait commencé à utili-ser la substance à cause des problèmes inhérents à son processus structurel, des conflits au niveau familial, des difficultés subséquentes à l’adolescence et aux réalités socio-économiques. Pour cette raison, dans notre travail avec les personnes dépendantes, l’important c’est la personne elle-même et non la substance consommée.

Tout être humain a tendance à être dépendant, mais dans le cas d’un toxicomane c’est sa conduite addictive, cette impulsion extrême qu’il ne peut pas contrôler, ce qui est un cas extrême de dépen-dance. La majorité des gens voit un usager de drogues comme un être vicieux, un marginal ou comme quel-qu’un « qui a cherché ce qui lui arrive ». De quelle façon nous le voyons les professionnels ? Réfléchir sur cette question nous aidera à envisager notre travail.

En général, l’usager est une personne qui a vécu de sérieux problèmes conflictuels, premièrement au sein de sa propre famille, et ensuite dans la société. Cette situation conflictuelle pourrait être apparen-te ou, dans beaucoup de cas, cachée. Dans l’état d’âme, on tend à se décourager et à tomber dans la dépression et, dans la majorité des cas, il s’agit de personnes qui ont eu des difficultés importantes à l’adolescence. Notre rôle, en tant que professionnels, est d’essayer de les comprendre sans donner son avis ni faire des jugements moraux sur leur comportement.

b- Essayer de comprendre une personne dépendante

Les professionnels veulent aider les personnes dépendantes, mais parfois ils trouvent des difficul-tés devant certains de leurs comportements. Ces comportements sont une manière d’exprimer leur malaise. Il ne s’agit pas d’attaques contre les professionnels, bien qu’il soit parfois difficile de ne pas les voir ainsi. En général, les êtres humains ne réagissent pas avec tranquillité dans des situations de souffrance, tel qu’ils le feraient dans leur vie quotidienne, et les usagers vivent, en général, des situa-tions limites. L’usager a une addiction, un problème complexe de santé physique et mentale, et quand il exprime son malaise, il ne lui est pas facile de le faire avec tranquillité et bonne humeur...

2. Réflexions avant d’accompagner l’usager

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Pour réduire les difficultés que les comportements de l’usager comportent, c’est important que le professionnel réfléchisse sur les raisons de ces comportements et aussi sur façon la plus efficace d’intervenir.

c- Parfois, l’usager est méfiant

Même quand les professionnels disposent de bonnes habilités de communication, il arrive souvent de rencontrer des usagers méfiants. Ceci est dû à des questions relatives aux origines de l’addiction et que la majorité des usagers ont eu de mauvaises expériences avec la société et avec d’autres profes-sionnels.

Quand un professionnel sent que l’usager semble ne pas avoir confiance en lui, on peut lui dire : « Dites-moi s’il y a quelque chose que je puisse faire pour vous faire sentir plus à l’aise » ou « S’il y a quelque chose qui vous gêne, s’il vous plaît, dites-le moi ».

d- Quand l’usager se montre agressif

Parfois, l’usager se montre agressif pour diverses raisons. Il pourrait s’agir d’une réaction aux ca-rences ou injustices que cet usager a vécu, ou même à celles qu’il vit maintenant. De même, il s’agit d’une défense très efficace, car pendant que l’usager est en colère et en essayant de créer un conflit avec le professionnel, il n’y a pas de place pour sentir ou partager d’autres émotions, telles que la peine ou la peur.

Le plus important face à l’agressivité de l’usager est de ne pas le prendre personnellement; de voir qu’au dessous de cette rage, il y a de la peur ou de la peine, et que l’usager est en train de se défen-dre. C’est dans ce moment précis que l’usager peut s’exprimer; il est donc important que le profes-sionnel reste calme et maintienne son rôle.

e- Si l’usager pousse les limites

Parfois l’usager pousse les limites. Cette audace fait partie de la façon d’agir de la personne dépen-dante et pourrait avoir relation avec sa famille d’origine et se produire comme réaction face à une so-ciété qui le marginalise. En poussant les limites, l’usager, en réalité, est en train de chercher les limi-tes, la sécurité. Quand on donne à l’usager des informations sur les limites et les normes, ce n’est pas une bonne idée de les répéter ni de se disputer. Les limites et les normes, si elles sont raisonnables, ont été mises pour une raison que l’usager connaît déjà. On peut montrer à l’usager de l’empathie quand il exprime son désir de voir disparaître ces limites, mais il faut les maintenir sans les répéter ni sans se disputer. C’est important que sa stratégie de pousser les limites ne fonctionne pas; c’est-à-di-re, que les limites soient toujours les mêmes avec n’importe quelle personne de l’équipe et aussi dans n’importe quelle circonstance.

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Parfois, le professionnel a l’impression que l’usager manipule ou ment. Sûrement au début c’était le comportement qu‘il utilisait pour essayer d’obtenir de l’affection (une stratégie qui probablement ne lui a pas donné de bons résultats). Une autre raison peut être que la personne dépendante, à cause de son addiction aux substances illégales et à sa situation socio-économique, a dû mener une vie margi-nale dans laquelle il a développé des ruses et des stratégies pour survivre hors-la-loi.

C’est important de continuer à travailler avec l’usager, en essayant de ne pas le confronter avec son mensonge, ni faire semblant de croire à celui-ci. La meilleure stratégie est ignorer le thème sur lequel il est en train de manipuler et chercher à découvrir ce quie se cache en dessous de ceci.

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La communication pour le changement n’est pas autant l’« éducation » au sens traditionnel du mot ; c’est l’idée où, tout le temps que nous sommes en dialogue avec l’usager, nous devrons avoir présent à l’esprit que nous l’accompagnons dans son processus de changement.

Pour que notre accompagnement soit le plus utile possible, nous recommandons l’utilisation des outi-ls suivants :

a- Questions ouvertes et neutres Même si nous avons de bonnes idées, nous ne pouvons pas les imposer à l’usager ni espérer que ses objectifs soient les mêmes que les nôtres. Peut-être, nous pensons que sa priorité est d’avoir toujours sur lui une seringue propre. Mais il se peut que sa priorité soit celle de trouver de l’argent pour se procurer de la drogue.Pour être plus efficaces, il est important de connaître quels sont leurs soucis, et cela peut être résolu grâce à des questions ouvertes et neutres.

Une question « ouverte » encourage l’usager à parler librement, par contre une question fermée com-me « Es-tu allé chercher une seringue propre ? », ne peut se répondre que par un « oui » ou un « non » et n’invite pas au dialogue.

Une question « neutre » est celle qui ne donne pas une opinion. Un exemple de question où l’on don-ne son avis sur quelque chose (et qui devrait être évitée) est : « Ne crois-tu pas que tu devrais aller chercher une seringue propre ? . » Cette question n’est pas réellement une question, c’est une phrase dans laquelle on dit à l’usager que s’il ne va pas chercher la seringue propre, il est en train d’agir mal. C’est vrai qu’il est important que l’usager ait une seringue propre, mais ne pas l’avoir, n’est pas quel-que chose de « mauvais ». Ce n’est pas une question de moralité, c’est une habitude.

Nous exposerons, par la suite, quelques questions ouvertes pour commencer la communication pour le changement (ces questions ne sont pas un questionnaire et ne doivent pas être administrées d’un seul coup; il faut choisir les plus pertinentes à chaque moment) :

• En ce moment, comment gères tu ta situation? • Depuis quand as-tu cette difficulté (qui l’a amené au service) et comment s’est elle développé ? • Quelle est ton avis par rapport aux opinions que d’autres professionnels t’ont donné sur ta

situation? • Que penses-tu des recommandations qu’ils t’ont fait ?

3. Outils de la communication pour le changement

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• Qu’est-ce qui t’aide le plus ? • Qu’est-ce qui aggrave ta situation ? • Comment tout cela a pu affecter ta vie familiale, sociale et professionnelle ? • Comment cela t’a affecté sur le plan émotionnel ? • Actuellement, qu‘est-ce qui te préoccupe le plus ? • As-tu d’autres soucis ? • Quelles sont tes priorités dans la vie ? • A ton avis, que serait-ce une qualité de vie acceptable ? • Que veux-tu faire pour obtenir cette qualité de vie ?

b. Clarifier les objectifs

Il est nécessaire de demander à l’usager quelles sont ses préoccupations en ce qui concerne sa santé dans le futur (s’aggraver, s’infecter, se réinfecter, avoir une surdose, etc.). Parfois, l’usager n’a pas bien réfléchi sur les soucis concernant sa santé, parce qu’il a d’autres préoccupations immédiates d’ordre économique, social ou d’un autre type qui occupent son esprit.Si l’on se pose des questions utiles telles que : « Actuellement, y-a-t-il quelque chose concernant votre santé qui vous préoccupe ? » ou bien : «Y a-t-il un problème de santé que vous désireriez éviter dans le futur ? ». Il se peut que la première fois que l’on discute sur ceci, l’usager n’ait pas de répon-ses. Si c’est ainsi, il est possible que dans les futures conversations, il puisse déjà répondre.A mesure que l’usager pense et parle de ses préoccupations sur sa santé, on peut lui faire des ques-tions concernant ce qu’on appelle les « objectifs », avec des questions ouvertes telles que :

• Comment crois-tu que l’on peut éviter cette situation ? • Quelles sont les petites choses que tu peux faire pour prévenir de tels problèmes ? • De quelle manière crois-tu que nous pourrions t’aider pour te maintenir en bonne santé ?

Il est important de faire introduire dans le dialogue le concept « à petits pas », pour que l’usager se sente plus capable de réussir. C’est très difficile pour un être humain de faire un si grand changement d’un seul coup. Ce qui est le plus probable est qu’il puisse faire de petits changements, à petits pas, qui pourraient aboutir à de grands changements.Par exemple, ce n’est pas réaliste qu’un usager qui utilise du matériel contaminé pour s’injecter, com-mence d’un seul coup à utiliser « toujours » du matériel neuf pour s’injecter, sans « jamais » le parta-ger. « Toujours » et « jamais » sont des mots absolus qui ne sont pas flexibles, qui intimident, qui ne sont pas réalistes. Il est recommandé de remplacer le mot « toujours » par « chaque fois » ou « le plus possible », et le mot « jamais » par « le moins possible ».

Ce qui est plus réaliste, c’est que l’usager puisse commencer par un petit changement ; par exemple, utiliser le plus possible son propre matériel sans le partager (avec quelqu’un d’autre). Ensuite, un autre pas à faire pourrait être celui d’aller chercher des seringues stériles et, plus tard, celui d’obtenir le

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reste du matériel neuf.

c. Offrir de l’information

Donner de l’information n’est qu‘une petite partie de la communication pour le changement, parce que l’être humain ne change pas à cause d’avoir reçu de l’information. Tout le monde sait aussi que fumer est mauvais pour la santé, néanmoins beaucoup de gens continuent à le faire.Pour pouvoir changer des habitudes, comme par exemple, s’injecter d’une façon plus hygiénique, en plus de disposer de l’information, il y a d’autres facteurs impliqués comme :

• Avoir les moyens matériels pour le faire (disposer de seringues propres). • Que l’usager soit préoccupé par ce thème (s’infecter ou se réinfecter par le VIH ou l’hépatite C). • Ses émotions (s’il est très déprimé, sûrement il ne se sentira pas motivé pour changer). • Ses croyances (s’il n’est pas convaincu de la gravité d’une éventuelle réinfection, il ne changera pas ses habitudes). • Voir des avantages (s’il croit que les inconvénients d’aller chercher une seringue propre sont plus importants que les avantages, il est possible qu’il ne le fasse pas).

« Offrir » de l’information est plus efficace que la « donner ». L’usager peut voir le fait qu’on lui « donne » l’information comme une imposition. Par contre, si on lui « offre » celle-ci, on est en train de respecter son autonomie et on l’invite à y participer.

Exemple de « donner » de l’information : « Ce que tu dois faire, c’est ne pas partager le matériel d’injection. »

Exemple d’ « offrir » de l’information : «Aimerais-tu avoir plus d’idées et d’information sur comment éviter la contamination de ton matériel d’injection ? . »

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a. L’empathie

L’empathie est un instrument très nécessaire pour pouvoir « connecter » avec l’usager et avoir une communication efficace avec lui. Pour montrer de l’empathie, il faut se soucier de l’usager et de sa situation, ce qui va se refléter dans notre regard. Mais si nous sommes en train de faire des jugements à l’usager, ceci se verra et nous ne pourrons pas être empathiques.

Bien que l’empathie soit une attitude qui s’observe surtout dans le visage du professionnel, il est aussi important de la montrer avec des mots. Donner son avis sur ce que quelqu’un explique, c’est quelque chose qui arrive souvent dans la communication sociale (avec la famille, des amis, etc.). Cependant, ceci n’est pas compatible avec la communication pour le changement, car cela empêche l’empathie. Le plus important, pour que l’empathie se montre dans les mots du professionnel, c’est communiquer à l’usager que nous avons écouté ce qu’il ressent.

Situation 1 :U : «Aujourd’hui je suis pire que la semaine dernière. Je me sens très accéléré » . Ce n’est pas de l’empathie le fait de dire :P : « Bon, il y a des jours pires et des jours meilleurs ». Dans cet exemple, le professionnel banalise sur ce que lui dit l’usager et donne son avis. Sa phrase est une généralisation et ne se dirige pas à la réalité de cet usager. Celui-ci ne se sent pas écouté comme individu.

L’empathie c’est dire :P : « Je le regrette. Que veux-tu dire avec « pire » ? »Le professionnel montre qu’il se soucie de l’usager et qu’il se rend compte de ce que celui-ci ressent.

Situation 2 :Femme dépendante à la drogue : « J’ai dit à mon partenaire de se mettre un préservatif mais il ne m’écoute pas ».

Ce n’est pas de l’empathie le fait de dire : P : « Oui, mais tu sais déjà que c’est très important de l’utiliser » Dans cet exemple, le professionnel ne se montre pas compréhensif et dit à l’usagère quelque chose d’évident qu’elle sait déjà (ce qui peut la faire penser que nous la considérons comme peu intelligente).

4. « Connecter » avec l’usager

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L’empathie c’est dire :P : « Certes, ce n’est pas facile de parler de ceci dans un couple. Veux-tu que nous discutions sur certaines stratégies pour te communiquer avec ton partenaire ? » Situation 3 :U : « C’est un grand effort pour moi de venir ici chercher des seringues neuves. »

Ce n’est pas empathique de dire :P : « D’accord, mais tu sais déjà que tu dois le faire. »L’usager n’a pas besoin qu’on lui répète ce qu’il connaît déjà, mais qu’on lui montre qu’on comprend les difficultés qu’il est en train de vivre. Après lui avoir montré de l’empathie, on peut vérifier s’il a besoin d’aide pour résoudre ces difficultés.

L’empathie c’est dire :P : « Je vois qu’effectivement il s’agit d’un grand effort pour toi ; cela ne doit pas être facile. Comment crois-tu que je pourrais t’aider ? »Le professionnel reflète ce que ressent l’usager (que c’est un grand effort d’aller chercher les seringues neuves), pour lui montrer qu’il l’a entendu et compris. De même, il lui offre de l’aide.

Situation 4 :U : « J’en ai marre de tout ! . » Ce n’est pas de l’empathie le fait de dire :P : « Tu ne devrais pas t’énerver. »Cette phrase suggère à l’usager que nous n’acceptons pas ce qu’il ressent et qu’il devrait se sentir autrement. Il n’y a pas une manière « correcte » de vivre et de se sentir quand quelqu’un a un problème. Chaque personne le vit comme il peut. Dans cet exemple, l’usager se sentira réprimandé et ceci pourrait l’empêcher de partager son malaise avec le professionnel. L’empathie c’est dire :Professionnel : « Je regrette que tu sois en train de vivre cette situation. C’est normal de se mettre en colère. Racontes-moi ce que signifie ce tout pour toi. »

Situation 5 :Usager séropositif par VIH : « Je n’améliore pas. Je ne sais pas ce que cela va donner. » Ce n’est pas de l’empathie le fait de dire :P : « Du courage, un autre jour tu ne le verras pas ainsi. »

Dans cette phrase, le professionnel minimise ce que ressent l’usager et donne son avis sur

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la façon dont il vit sa situation. Il est en train de lui communiquer qu’il ne devrait pas voir sa situation de cette manière et qu’il devrait changer sa réaction émotionnelle.

L’empathie c’est dire :P : « Oui, je vois que cela t’inquiète. Racontes-moi… »

Le professionnel communique à l’usager qu’il écoute son inquiétude et qu’il l’invite à parler davantage de ce qu’il ressent.

Situation 6 :U : « Je suis nerveux pour les résultats du test de l’hépatite qu’on m’a fait ».

Ce n’est pas empathique de dire :P : « Ce n’est pas si important, ne t’en fais pas! Il s’agit d’un test routinier. »Dans cette phrase, le professionnel minimise ce que ressent l’usager et lui dit qu’il est en train d’exagérer. Le test est routinier pour le professionnel, mais non pas nécessairement pour l’usager.

L’empathie c’est dire :P : « Oui, je vois que cela t’inquiète. Comment puis-je t’aider ? »Le professionnel dit à l’usager qu’il a entendu et compris son sentiment et lui montre qu’il se soucie de lui à travers d’une question dans laquelle il lui offre de l’aide.

b. Mais… ce n’est pas facile de montrer de l’empathie !

Il se peut que le professionnel ait des difficultés à montrer de l’empathie devant certains comporte-ments de l’usager. Ceci arrive dans les cas où on pense comme s’il s’agissait d’une situation sociale, au lieu de rester dans notre rôle de professionnel.

Par exemple, un usager entre dans le cabinet professionnel avec l’air d’être en colère, tout en criant : « Vous ne me trouvez aucune solution ! ». Le professionnel pourrait penser : « Encore une fois il vient m’embêter…, moi je suis au travail toute la journée et lui il vient et me dit que c’est ma faute ». Mais ces manières de penser jugent l’usager et le ne le laissent pas montrer de l’empathie. Par contre, s’il interprète le comportement de l’usager d’un point de vue professionnel, l’empathie surgira plus facilement.

Le professionnel peut penser par exemple : « Bon, c’est clair que ceci n’est pas agréable, mais je suis en train de travailler. L’usager est évidemment gêné par quelque chose. Je dois essayer de décou-vrir ce qui lui arrive ». Et il dit à l’usager : « Je vois que tu es en colère. Racontes-moi. Qu’est-ce qui t’arrive ? »Il y a des professionnels dans le domaine des addictions qui pensent que si l’usager n’est pas agréa-

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ble ni respectueux avec nous, nous ne devrions pas être empathiques avec lui parce qu’il ne le « mérite » pas. Ce type de réflexion n’est pas caractéristique d’un point de vue professionnel, mais des relations sociales courantes. Un professionnel doit travailler avec tous les usagers, sans exclure aucun d’eux.

En effet, il est crucial pour nous, les professionnels œuvrant dans ce domaine, d’observer nos pen-sées et émotions pour être plus efficaces à l’heure de montrer de l’empathie. Il est utile de nous admettre, à nous-mêmes, ce que nous ressentons, pour ainsi pouvoir essayer de reconsidérer nos pensées.

c. Pour faciliter l’empathie, il faut : Devant un usager avec un comportement qu’on considère désagréable (mauvaise humeur, « manque de respect ») :

• On ne peut pas penser : « C’est un mal élevé », « S’il se comporte ainsi, moi, je ne peux pas l’aider », ou bien « S’il ne fait pas un effort pour mieux communiquer, moi non plus je ne le ferai pas. » • Pour pouvoir être empathique, on pourrait essayer de penser : « Il n’est pas à l’aise », « Il s’exprime comme il peut, comme il l’a appris », « Il lui arrive quelque chose », et « Je suis en train de travailler. » Devant un usager méfiant :

• Ce qui n’aide pas : « S’il n’a pas confiance en moi, je ne peux pas l’aider » ou « Moi, je ne lui ai rien fait. » • Pour pouvoir se montrer empathique, le professionnel pourrait essayer de penser : « Il doit avoir des raisons pour se sentir mal à l’aise », « Je peux tenter de découvrir comment il se sent », « Peut-être je peux faire quelque chose pour qu’il ait plus de confiance ». Devant un usager qui n’a pas suivi les recommandations qu’on lui a faites pour sa santé (injection hygiénique, sexe sécuritaire) : • Ce qui ne facilite pas l’empathie, c’est penser : « Il ne veut pas assumer sa responsabilité vis-à-vis de sa santé », « C’est une personne irresponsable », « S’il ne fait pas ce qu’on lui dicte, je ne peux pas l’aider. » • Pour être empathique, le professionnel pourrait penser : « S’il ne le fait pas, je peux chercher la raison », « Peut-être, en ce moment de sa vie, il ne peut pas se soigner », « Probablement, sa ten- dance autodestructrice interfère avec ce qu’il se propose », « Je vais me renseigner sur son opi- nion par rapport aux recommandations qu’on lui a faites », « Je vais vérifier comment il voit son

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problème de santé », « Ce n’est pas facile de faire des changements », « Il se peut que je puisse l’aider dans ses difficultés », « C’est possible que son malaise émotionnel soit plus important que sa nécessité de soigner sa propre santé ».

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Il est nécessaire d’écouter l’usager pour obtenir des informations sur lui, mais écouter est beaucoup plus que tout ceci.

Ecouter ce que l’usager veut raconter est au centre de la communication pour le changement ce qui signifie créer une méthodologie et une ambiance dans laquelle le professionnel va pouvoir travailler avec l’expérience de l’usager, avec sa réalité, et ainsi l’aider à transformer cette réalité en quelque chose de moins difficile pour lui.

Les bénéfices les plus évidents qu’obtient l’usager quand il est écouté avec réceptivité, respect et em-pathie par un professionnel sont les suivants :

• L’établissement d’une relation de confiance et de respect. • Une meilleure connaissance de l’usager de la part du professionnel. • Un soulagement et une diminution de son sentiment de solitude face à sa situation. • Un travail sur ses émotions, au moment de les écouter et de les connaître. • Une connaissance de la part du professionnel, de l’expérience de l’usager, de sa réalité. • Une connaissance de la part du professionnel, des opinions de l’usager sur les traitements et les problèmes qui lui sont consubstantiels.

La manière dont le professionnel écoute et intervient dans la communication, aidera l’usager à redéfi-nir sa situation et, probablement, à chercher d’autres façons de vivre.

a. A qui la responsabilité ?

Dans la communication sociale entre amis et membres d’une même famille, la qualité de la communi-cation dépend des deux personnes qui sont impliquées dans la conversation. Dans la communication entre un professionnel et un usager, la responsabilité de la qualité de l’écoute est du professionnel, vu que l’écoute est une méthodologie de travail. Dans la communication pour le changement, le profes-sionnel parle peu et écoute beaucoup. Mais son écoute n’est pas passive, sinon réceptive, car il utilise ses habiletés d’observation, il réfléchit sur ce que dit l’usager, et il essaye de tout comprendre.

5. Ecouter les mots et les émotions de l’usager

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b. Pour écouter

Le professionnel a besoin d’adopter une position de « témoin empathique ». L’usager nécessite de quelqu’un (et le professionnel est la personne la plus adéquate) qui soit témoin de sa réalité, qui se rende compte de ce qu’il est en train de vivre et qu’il le fasse par empathie.

Le professionnel doit essayer de ne plus contrôler la conversation, de la guider, pour voir où l’usager veut l’amener. Si le professionnel tente de diriger la communication, il n’arrivera pas à savoir ce qui se passe réellement avec l’usager.

Il faut se rappeler que, quand on écoute, c’est important de le faire ainsi :

• Dans plusieurs périodes de courte durée, pour donner à l’usager le temps de développer sa con fiance vis-à-vis du professionnel. • Croire l’usager. • Lui montrer notre intérêt et attention avec un langage non verbal (regard, gestes, etc.). • Affirmer son expérience. • Respecter sa vérité. • Montrer de l’empathie (lui communiquer que « ta situation m’intéresse »). • Rester calme (la hâte ne fait pas augmenter le temps). • Rappeler que cinq minutes d’écoute empathique et tranquille sont la meilleure des aides. • Rappeler que c’est beaucoup plus important que l’usager se sente écouté, soit écouté, et s’écoute lui-même, que ce que le professionnel puisse lui dire. • Rappeler que l’écoute est l’élément le plus important pour que l’usager s’adapte à ses change ments, pour améliorer son adhésion aux traitements et à son bien-être émotionnel. • Assurer à l’usager qu’on va lui garantir la confidentialité. • Ecouter l’usager avec attention et intérêt, sans interrompre ni juger, et sans donner son avis. • Etre à l’écoute avec un regard respectueux et non pas avec un regard de « sauveur ». • Rester assis (ne serait-ce que deux minutes), en appuyant le dos contre le dossier de la chaise. pour ne pas avoir l’air d’être pressé. • Ne pas faire une autre chose pendant qu’on écoute (comme écrire, regarder l’écran, jouer avec le stylo). • A l’heure de parler, il faut être bref, parler de son rôle de personne qui l’aide, faire des questions neutres et ouvertes, et s’assurer que les interventions reflètent de l’empathie et du respect. • Se rappeler, enfin, que le rôle du professionnel n’est pas de résoudre, de « faire voir » ni d’insister, sinon d’accompagner.

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c. Ecouter les émotions de l’usager

Les émotions ne sont ni « bonnes » ni « mauvaises », ni « positives » ni « négatives ». Elles sont une expression nécessaire de l’être humain. Sans doute, souvent, les émotions causent des sensations perturbatrices. Il est important que l’usager puisse exprimer ce qu’il ressent pour pouvoir se soulager et cohabiter plus à l’aise avec ses émotions.

Notre but est de ne pas causer à l’usager de malaise émotionnel, sinon créer une ambiance, dans la relation d’aide dans laquelle l’usager puisse exprimer ses malaises émotionnels et ainsi réduire ses conflits et malaises internes. Pour faire ceci, le professionnel :

• Accepte les émotions de l’usager sans les minimiser, ni tenter de les modifier (il n’essaye pas de le tranquilliser ni de l’encourager). • L’invite à parler de ce qu’il ressent, l’interrogeant sur sa situation et sur quelles sont ses préoccu- pations. • Montre de l’intérêt à ce que l’usager ressent avec des phrases telles que : « Je perçois que… », « Tu sens que… ». • Evite les questions fermées (où on ne peut répondre que oui ou non) telles que : « Veux-tu dire que tu t’énerves quand tu dois attendre ? », et faire des questions ouvertes, neutres (sans jugement) comme : « Dis-moi, comment tu te sens quand… ? ». • Ne s’empresse pas à parler quand l’usager vient de finir une phrase; il attend et démontre son as- sentiment, pour laisser la place aux émotions sur ce qu’il vient de dire. • Montre de l’empathie avec tout ce que ressent l’usager. • L’encourage à faire une connexion entre ce qu’il ressent actuellement et ce qu’il a ressenti dans le passé, dans d’autres situations.

d. Si l’usager est triste ou déprimé L’usager peut être découragé pour diverses raisons : parce qu’il est attrapé à cause de son addiction, par ses problèmes sociaux et affectifs, parce qu’il se sent encore prisonnier de ses anciens conflits familiaux, à cause d’une maladie comme le VIH ou l’hépatite, par sa situation économique ou pour n’importe quelle autre raison pour laquelle les êtres humains se découragent. Il y a des professionnels auprès des personnes dépendantes avec de bonnes intentions, qui tentent d’encourager l’usager avec des interventions qui ne l’aident pas, qui ne sont pas efficaces et qui peu-vent même avoir des effets contraires. Nous allons voir un exemple :

Exemple inefficace :P : « Tu n’as pas l’air très content. »U : « Comment veux-tu que je le sois ? Ma famille ne veut pas me voir. »P : « Bon, du courage, tu as-quelques amis. »

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U : « Dernièrement, quand je pense à mes parents, cela me rend malade. »P : « Allons ! Du calme, tu verras comment, avec le temps, tu pourras te réconcilieravec ta famille. »

Dans la vie sociale, quand quelqu’un est découragé, on fait recours aux expressions : « Du coura- ge ! », « Ne te fais pas de mauvais sang ! » et « Ce n’est pas la fin du monde !». Celui qui fait usage de ces expressions pense qu’ainsi il va encourager l’autre. La façon dont chacun se communique dans sa vie sociale est très personnelle, mais dans la communication pour le changement, il y faut utiliser une méthodologie remarquable et efficace. Avec les mots du professionnel dans l’exemple ci-dessus, l’usager ne se sent pas ni moins triste, ni plus encouragé. Maintenant, en plus de son découragement, il se sent aussi probablement plus seul et incompris.

La peine est une émotion et, comme toutes les autres émotions, elle fait partie de l’être humain. L’idéal est que, quand une personne sent une émotion, on la laisse sentir cette émotion, qu’elle puisse la reconnaître, puis, selon le contexte, l’exprimer.

Dans notre culture, ce n’est pas difficile d’exprimer sa joie. Quand on la ressent, on se laisse inon-der par cette énergie et on l’exprime. Nous ne voyons pas la joie comme quelque chose de mauvais. Par contre, la peine (tristesse, découragement) nous la percevons comme quelque chose de négatif. Couramment, on dit que la peine est une « faiblesse », comme s’il s’agissait d’une erreur dans notre personnalité. Il est vrai que chaque fois que quelqu’un se sent triste, il se sent plus faible, plus vul-nérable. Mais dans notre société, quant nous commençons à avoir de la peine, nous essayons de ne pas la sentir de plusieurs manières : nous focalisons de façon obsédée notre peine sur quelque chose qui nous distrait de cette émotion (voir la télévision, hyperactivité), en raisonnant avec nous-mêmes (« Allons ! Ce n’est pas grand chose ») ou en consommant des substances qui, momentanément, font que nous ne sentions pas notre peine (alcool, héroïne, cocaïne), par exemple.

Mais ces « ruses » ne fonctionnent pas, en plus de créer le danger de développer une addiction. Si on ne vit pas les émotions quand elles apparaissent, elles peuvent nous répercuter plus tard. Si nous ne laissons pas sentir le chagrin quand il surgit en nous, celui-ci pourrait s’accentuer, créer une grande tension interne, qui pourrait aboutir à des phobies, de l’anxiété, de la dépression, des addictions ou d’autres malaises.

Les émotions ne sont pas des choses qu’il faut « enlever », ni « résoudre », mais des expériences à vivre. Et si quelqu’un se sent découragé, pour pouvoir sentir à nouveau une émotion comme la joie, premièrement, il faut sentir et exprimer sa peine. L’être humain est comme une cocotte-minute : il a besoin de dégager la pression. Tout être humain passe par des moments de peine et d’effondrement, mais un usager de drogues, avec ses défis psychologiques et sociaux, peut avoir plus de moments comme ceux-ci, surtout quand, dans son processus de changement, il sent qu’il y a des « reculs ».

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Exemple efficace :P : « Comment ça va ? Comment tu te sens ? »U : « Pas très bien… (Dit-il en regardant en bas avec des yeux tristes) »P : « Racontes-moi… »U : « Je ne progresse pas, je suis fatigué. Une autre rechute (il se met à pleurer) »P : « (En silence, il démontre son assentiment) »U : « Il y a des années que je suis dans cette situation »P : « (Il reste en silence quelques secondes et ensuite il dit) : Cela doit être dur »U : « Oui, et quand je n’en peux plus, j’ai besoin de pleurer, mais mes camarades me disent que ce n’est pas si important »P : « Ici, tu peux pleurer. »

Ne pas oublier que… • L’usager ne s’encourage pas en « l’encourageant », sinon en l’aidant à exprimer son découragment pour qu’il puisse se soulager et se calmer. • Etre découragé fait partie de la vie, de même qu’être animé; ce n’est pas quelque chose de mau vais qu’il faut « résoudre ». • Parfois, nous, les professionnels, nous essayons que tous les usagers soient encouragés, en cro yant que le fait qu’ils soient animés voudra dire qu’ils sont mieux ; mais ceci n’est pas nécessaire- ment vrai. • La peine et le découragement ne sont pas des émotions « négatives » ; ce sont une réaction à une situation du présent ou du passé. • Si un être humain tente ne pas sentir sa peine, il se sentira pire, car il se créera un conflit interne. • Dans le domaine des addictions, nous assistons tous les jours à une souffrance (physique et émo- tionnelle). Il est donc très important que les professionnels aient une formation et une supervision adéquates pour savoir comment travailler dans ces situations difficiles.

e. Si l’usager se montre agressif ou enragé

La rage et l’agressivité ont tendance à être des réactions produites par une injustice qui a eut lieu dans le passé ou qui est en train de se dérouler maintenant. La personne dépendante vit beaucoup d’injustices : elle a un problème de santé physique et mental, mais la société le traite comme un mar-ginal. elle a souvent commis des délits en relation avec la consommation, et à cause de son addiction à une substance illégale, elle est souvent traité comme un délinquant dans sa vie quotidienne ; en plus, le coût de la substance illégale le laisse dans une situation économique précaire. De même, il est possible que, dans son milieu familial, cet usager ait vécu des situations de conflit et sans aucun type de soutien.

La rage est aussi une manière de couvrir d’autres émotions, telles que l’insécurité et la honte. L’usa-ger a long parcours en ce qui concerne fuir ses émotions : s’il aurait pu cohabiter avec elles, proba-blement il n’aurait pas eu la nécessité d’utiliser des substances pour se calmer ou s’évader.

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Conduite à tenir devant l’agressivité d’un usager :

• Ne pas croire qu’il s’agit de quelque chose de personnel. • Ne pas se mettre sur la défensive. • Croire à son état émotionnel. • Ne pas lui dire constamment de « se calmer ». • Ne pas entrer en discussion sur le contenu de ce qu’il dit. • Accepter qu’il a droit à être en colère. • Etre calme. • Voir l’usager comme quelqu’un qui est en train de souffrir en ce moment précis. • Laisser qu’il se réconforte sans qu’il demeure tout seul. • Donner à l’usager une sensation de sécurité. • Ne pas céder à ses limites. Ne pas confondre le soutien émotionnel avec les limites, qui sont néces saires pour le bon fonctionnement du service.

Si le patient se plaint : Se rappeler • Si nous n’écoutons pas ses plaintes (même si elles nous semblent banales), il recevra comme mes- sage qu’il ne peut pas nous raconter des plaintes et des préoccupations plus importantes. • Ce n’est pas par le fait de ne pas s’occuper de ses souffrances, qu’elles vont disparaître, au con- traire, il aura encore plus besoin de les répéter. • Les plaintes nous apportent de l’information (verbale ou non verbale) qui est importante pour pou- voir travailler avec l’usager. • Quand on vit avec des addictions et des problèmes de santé, l’on a beaucoup de défis et certains d’eux s’expriment d’une façon indirecte, à travers des plaintes sur des questions qui semblent banales. • Croire l’usager est un élément indispensable dans une relation d’aide efficace. Chaque être hu- main a sa vérité. Si l’usager sent qu’on ne le croit pas, il n’aura plus de confiance en nous et il ne partagera plus avec nous d’autres choses.

Comment l’écouter • Ecouter la plainte de l’usager avec tranquillité et avec un regard compréhensif et empathique. • Lui dire : « Merci de me parler de ce qui te dérange, peut-être maintenant je peux t’aider beaucoup mieux. Racontes-moi comment tu crois que je pourrais t’aider dans tout cela ? ». • Se rappeler que notre rôle n’est pas celui de « résoudre » tous les problèmes de l’usager. Si on peut faire quelque chose par rapport à ce qu’il nous dit et c’est dans notre rôle de professionnel, d’accord. Sinon, il faut l’orienter vers un autre professionnel ou bien l’encourager à chercher ses idées et ses propres stratégies.

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f. L’usager et son anxiété

L’anxiété est une partie intégrale de la vie, mais encore plus de la vie d’une personne dépendante des drogues. Des anciennes peurs et insécurités sont à l’origine de son problème et, maintenant, sa réalité est très difficile, surtout parce qu’il se sent contrôlé par la drogue. Il ne sait pas ce qui va arriver avec ce processus d’addiction qui semble l’éloigner davantage de la vie qu’il désirait avoir. Après une pé-riode de « lune de miel » avec la drogue, la majorité des usagers souhaitent, bien qu’avec des senti-ments contradictoires, sortir de leur situation et voient que le processus n’est pas facile à réaliser.A l’anxiété de l’addiction s’ajoute, si l’usager a d’autres maladies telles que le VIH ou une hépatite, l’anxiété de voir comment se déroulera la maladie. L’usager a aussi de l’anxiété par rapport à sa si-tuation économique et sociale.

Le professionnel ne doit jamais minimiser ni prendre à la légère les anxiétés ni les malaises de l’usa-ger.

Se rappeler : • Qu’avoir de l’anxiété c’est normal quand on est en train de faire des changements. • Que l’anxiété ne peut pas être éliminée, qu’il faut apprendre à cohabiter avec elle de manière plus commode. • Que la meilleure façon de pouvoir apprendre à cohabiter avec l’anxiété est sûrement en l’expri- mant.

Comment l’écouter : • Ecouter son anxiété et l’encourager à l’exprimer en lui posant des questions ouvertes et neutres te- lles que : « Qu’est-ce qui te préoccupe le plus de tout ceci ? », « En quel moment cela te préoccu pe le plus ? ». • Ne pas donner de faux espoirs sur le déroulement du processus de changement. Ce n’est pas pos- sible (ni recommandé) de sentir de l’espoir sur la possibilité d’un changement jusqu’à ce qu’on ne l’ait pas vécu et qu’on n’ait pas exprimé son désespoir pour la situation actuelle. • Ne pas tenter de changer son émotion. Pour se sentir moins angoissé, l’usager doit pouvoir expri- mer ce qu’il ressent et pense. Des expressions telles que « calmez-vous », n’aident pas du tout, elles font que l’usager ressente que son malaise nous dérange.

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a- Aider l’usager à chercher ses options Pour que la communication pour le changement soit efficace, il est très important de donner la priorité à aider l’usager dans la recherche de ses propres options, au lieu de lui donner des conseils avec des questions ouvertes et neutres. Ceci est utile pour que l’usager, d’entre ses options, puisse prendre des décisions, et cela permet aussi d’épargner du temps, car, finalement, c’est plus efficace et on ne perd pas le temps en répétant des conseils.

b- Le problème qui existe avec les conseils

Dans notre travail professionnel, une tâche qui est très importante est celle d’offrir de l’information à l’usager pour qu’il puisse prendre des décisions concernant sa santé et sa vie. Mais, souvent, nous confondons cette tâche avec celle de conseiller (dire au patient ce qu’il doit faire). Conseiller, c’est indiquer à l’usager comment il doit mener sa vie et comment il doit faire les choses ; c’est une tentati-ve d’imposer.

Les recherches ont montré que quand on essaie d’imposer une idée à un être humain, celui-ci tend à se mettre sur la défensive. C’est justement le contraire de ce que nous voulons faire avec l’usager.

Pour pouvoir aider l’usager à évoluer, à changer ses habitudes, c’est nécessaire qu’il réfléchisse et qu’il sente ce qu’il ressent. S’il se met sur la défensive, cela ne se produira pas. Pour cette raison, conseiller, même si on le fait avec la meilleure de nos intentions, demeure inefficace. Il arrive de donner des conseils sans se rendre compte, pour cela nous devons nous observer et nous écouter à nous-mêmes. Si nous sentons que nous sommes en train d’essayer de mettre de la pression à l’usager pour qu’il fasse quelque chose de particulier, il est nécessaire de prêter attention et de ne pas insister. Parfois, nous exerçons cette pression de manière aimable et saine, mais elle est encore inadéquate.

Comment pouvons-nous savoir si l’usager se tient sur la défensive ? Il est important que le profes-sionnel sache reconnaître quand l’usager est en train de se mettre sur la défensive pour ne pas aggra-ver la situation. Les indices de cette situation sont :

• Que l’usager dise : « Oui, mais… ». • Que l’usager cherche des problèmes à ce que nous venons de dire. • Que l’usager essaie de nous convaincre en cherchant des arguments.

6. Des options au lieu de conseils

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c- Pourquoi l’usager ne suit pas les recommandations ?

Même si nous ne conseillons pas, quand nous offrons une information remarquable d’une manière soignée et respectueuse, il est probable que l’usager ne l’utilise pas à ce moment donné de sa vie. Ceci peut se produire à cause de plusieurs raisons :

• L’usager a d’autres préoccupations plus importantes que celles en rapport avec l’information qu’on vient de lui offrir. (Exemple : on a donné des renseignements à un toxicomane par voie intra veineuse sur les endroits où il peut obtenir des seringues propres, mais il continue à ne pas y aller et il utilise toujours la même seringue. Cela ne veut pas dire qu’il ne se soucie pas des conséquen- ces de ne pas utiliser des seringues neuves, plutôt c’est qu’il est plus préoccupé de trouver de l’argent pour se procurer de la drogue, pour ses problèmes judiciaires, familiaux ou pour avoir un endroit où pouvoir dormir). • Il voit difficile de suivre la recommandation. (Exemple : ça lui coûte de porter avec lui des serin gues propres). • Il ne croit pas qu’il ait un problème. (Exemple : le professionnel sait que l’usager est en train de mélanger plusieurs substances et parfois en grandes quantités. Il lui recommande un usage plus modéré, mais l’usager pense que sa consommation n’est pas un problème). • Il a peur (Exemple : le professionnel offre à l’usager la possibilité de faire des analyses, mais l’usa- ger a peur d’obtenir des résultats positifs). • Il a honte (Exemple : le professionnel offre à l’usager une boîte de préservatifs pour les utiliser avec son couple, mais il a honte de les faire servir). • Il a déjà reçu beaucoup d’information et de recommandations.

d- Les interventions inefficaces

En plus de ne pas conseiller, quand on offre une information il est recommandé d’éviter le type d’in-terventions suivantes :

• Se fâcher : bien qu’on le fasse doucement, l’usager remarquera un reproche dans le regard ou bien dans le ton de la voix du professionnel, ce qui le fera se sentir mal et réduira sa motivation. • Insister, essayer de « faire voire » : les études montrent que le fait d’insister produit un effet con traire à celui qu’on désire obtenir. Au lieu de suivre l’information et les idées qu’on lui donne, l’usa- ger se mettra sur la défensive. • Répéter des renseignements qu’il sait déjà : répéter l’information provoque que l’usager sente qu’on le traite comme un petit enfant. Quand il connaît déjà l’information et qu’il ne l’utilise pas, ce n’est pas dû à un manque d’information, mais à d’autres raisons.

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e- Les interventions plus efficaces

• Créer une ambiance et une communication avec l’usager qui soit empathique et respectueuse. Seulement de cette manière l’usager pourra parler ouvertement et partager ses opinions et pen- sées. Pour créer cette ambiance, le professionnel devrait s’observer pour détecter comment il re gar de l’usager. Le regarde-t-il avec de mauvais yeux ?, Le juge-t-il pour ses habitudes ou com- portements ?. Si c’est ainsi, le professionnel peut se rappeler que juger l’usager rendra difficile la communication et qu’il peut essayer de voir l’usager comme ce qu’il est : une personne avec une addiction, avec toute la complexité d’un être humain. Le professionnel a besoin de clarifier quel est son objectif à l’heure de donner l’information à l’usager. Est-ce le moment adéquat ? Est-ce la priorité ? Est-ce l’information qui convient ? Est-ce l’information que souhaite avoir l’usager ? • L’usager doit décider l’information dont il a besoin et donner son opinion sur le processus. Le pro- fessionnel facilite à l’usager de parler sur l’information qu’il nécessite en l’interrogeant sur sa réa- lité, ses priorités, son opinion sur sa santé, son opinion sur l’information qu’on lui donne, les chan- gements d’habitudes qu’il a fait, ce qui lui fut utile, etc. • Ne pas conditionner notre aide. Il y a des professionnels sanitaires qui pensent que si l’usager n’est pas en train de faire les changements qui lui ont été recommandés, il ne devrait pas aller au centre ou au service. Faire des changements est difficile et complexe. Chaque usager à son propre rythme et réalité. • Au lieu d’enseigner comme un professeur, dans la communication pour le changement le dialogue est très important. Le professionnel peut poser des questions ouvertes et neutres pour que l’usager puisse penser ses options et décider ses propres actions.

Et si l’usager ne fait pas les changements qu’on lui propose ?

Se rappeler que cela pourrait être, par exemple, parce que... • C’est difficile pour lui de s’adapter aux changements qu’il désire faire. • Il a d’autres préoccupations et défis dans sa vie qui sont plus importants que le traitement. • Il ne croit pas que son problème de santé soit si grave. • Il n’est pas motivé. • Il a des difficultés pour suivre les recommandations. • Il a des effets secondaires de la médication. • Il ne voit pas de bénéfices à l’heure de faire des efforts.

Comment l’écouter : • Ne pas récriminer ni réprimander, • Ne pas lui faire un sermon, • Lui demander son avis sur les traitements et les recommandations qu’on lui a faits, • Lui demander comment l’affectent ses problèmes de santé et son addiction, • L’interroger sur les autres préoccupations qu’il a dans sa vie.

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• Lui demander qu’est-ce qui est le plus difficile pour lui des traitements et des recommandations qu’on lui a faits. • Ecouter sans juger ni donner son opinion. • Ne pas lui répéter l’information qu’on lui a déjà donnée. • Ne pas insister ou tenter de le convaincre. • Lui demander les choses qu’il fait (en plus des traitements et des recommandations) qu’il croit qui l’aident. • L’encourager positivement (le féliciter) pour ce qu’il fait en rapport à sa santé et lui dire qu’on comprend que ce n’est pas facile, sans juger ou donner son opinion.

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a- Comment nous devons parler à un usager

Le plus important dans la communication pour le changement en vue de promouvoir l’injection hygié-nique consiste à ce que l’intervenant réfléchisse sur comment il parle avec l’usager. L’usager qui s’in-jecte depuis des années ne sera pas aussi réceptif à recevoir de nouvelles idées, ni à dialoguer avec le professionnel si celui-ci lui parle comme s’il était l’expert, parce que dans cette situation, l’expert c’est l’usager. En fait, c’est l’usager qui a cherché différentes façons de s’injecter quand ses veines étaient dans un mauvais état, c’est lui qui a développé ses stratégies pour partager la drogue avec les autres tout en minimisant les risques de l’infection, etc.Il est probable que l’usager ait encore des habitudes et des routines qui pourraient être améliorées, et qui ne sont pas tout-à-fait hygiéniques. C’est pour cela que nous voulons lui offrir notre soutient et un dialogue respectueux pour l’aider à développer davantage de stratégies pour réduire le risque de s’infecter ou de se réinfecter du VIH et de l’hépatite C.

b- Les facteurs qui influent

Quand quelqu’un s’injecte des drogues illicites, c’est difficile de le faire dans des conditions hygiéni-ques – à différence d’une injection d’insuline par un/e diabétique. En fait, quand une personne diabéti-que s’injecte de l’insuline, il peut le faire d’une manière tranquille et calme, chez lui, devant sa famille, sans hâte et sans peur, dans un milieu propre et avec du matériel neuf.Mais quand un usager de drogues s’injecte, il le fait dans des conditions où plusieurs facteurs qui y interviennent rendent difficiles une injection hygiénique :

• Etre contraint à le faire en cachette dans des espaces « sales ». • Le faire rapidement par peur d’être surpris. • La peur de la police. • Ne pas avoir toujours accès au matériel neuf. • Avoir le syndrome de manque ou « sevrage ». • Ne pas disposer d’un endroit où pouvoir laisser son matériel d’injection. • S’injecter soi-même, ce qui représente n’atteindre que peu de veines…

7. L’injection hygénique

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c- Par où commencer ?

Pour aborder le thème de l’injection hygiénique, l’on peut demander à l’usager : « Avez-vous des diffi-cultés lorsque vous vous injectez ? ».

S’il répond « Non » :• On peut lui proposer notre aide dans le futur : « Bien. Si jamais tu as des difficultés, je peux t’aider

à trouver des idées ».

S’il répond « OUI » :• on peut l’inviter à parler de ses difficultés. Au lieu de commencer en lui donnant des idées, nous

pouvons lui poser des questions pour savoir l’information dont il dispose et les stratégies qu’il connaît: « As-tu déjà essayé quelque chose ? Comment ça s’est passé ? »

d- Exemple de dialogue : Le problème avec les veines

P : « Comment vont tes bras ? L’autre jour, tu m’as dit que tu avais des problèmes ; » U : « Oui, mes bras ne sont pas très bien. » P : « Racontes-moi… » U : « C’est que les années passent, et les veines… » P : « Bien sûr, je comprends. Tu me laisse voir tes bras ?... Oui, je vois le problème. » U : « Ici, je ne peux plus m’y piquer. » P : « Comment vois-tu l’idée de te piquer plus près du poignet ou dans la partie postérieure du bras ? » U : « Ce sont des veines très fines et c’est plus difficile de les atteindre. » P : « Peut-être tu l’as déjà essayé. » U : « Non, mais j’ai vu d’autres personnes en train de le faire. Moi, je n’ose pas. » P : « Une idée pourrait être de te mettre le « smack » plus bas… et souviens-toi de te piquer dans la direction du sang vers le cœur. » U : « Bon, j’essayerai. » P : « Tu me raconteras comment tu vas. Et si jamais il y a quelque chose dans laquelle je puisse t’être utile, saches que je suis à ta disposition. »

Dans ce dialogue, le professionnel n’insiste pas et ne presse pas. Il participe dans la conversation au même rythme que l’usager, en tâtonnant des idées et en donnant de l’importance à son expérience (« Peut-être tu l’as déjà essayé »).

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e- Exemple de dialogue : L’usager sollicite emprunter une seringue

P : « Bonjour, comment ça va ? Veux-tu des seringues neuves ? »U : « Non, c’est que je ne veux pas porter des seringues partout… Tu sais, si quelqu’un qui connaît ma famille me les trouve, ou bien si la police m’arrête… »P : « Oui, c’est clair ; compris. C’est compliqué. Alors, comment obtiens-tu une seringue ? »U : « Bon, je la demande empruntée à un collègue au moment de me piquer. Je sais déjà que ce n’est pas hygiénique… mais, qu’est-ce que je vais faire ? »P : « Et que font les autres usagers dans cette même situation ? »U : « Je ne sais pas… Chacun sait comment se débrouiller. »P : « Où tu te piques ? »U : « Dans cet édifice abandonné derrière la place. »P : « Et comment est ce site ? »U : « Bon, un peu sale mais tranquille. »P : « Dans cet édifice, est-ce qu’il y a un endroit où tu pourrais cacher tes seringues ? »U : « Ah, oui... peut-être... C’est possible que là on puisse bien cacher quelques seringues. »

Dans ce dialogue, le professionnel ne se fâche pas avec l’usager pour ne pas avoir des seringues propres et pour avoir emprunté une seringue. S’il s’énervait avec lui, l’usager ne continuerait pas le dialogue avec l’intervenant et ils n’arriveraient pas à trouver une option ensemble.

f- Exemple de dialogue : Contamination du matériel

U : « Il y a des personnes qui partagent les seringues, mais moi non. »P : « Ah, très bien. Tu fais attention à ta santé. »U : « Oui, bien sûr, la santé est très importante. »P : « Voilà, je te donne plus de seringues, et si tu veux un peu de matériel… »U : « Moi, j’ai ma cuillère, ma bouteille d’eau et mes filtres. »P : « Bien. Ecoute, est-ce qu’il y a d’autres personnes qui se piquent, là où tu vas ? »U : « Oui, parfois. Moi, toujours je vais me piquer avec mon meilleur ami… parce que nous » achetons ensemble la drogue… et tu le sais, parfois l’un a de l’argent et l’autre n’en a pas. Ainsi, nous partageons. Mais ne crois pas que nous partageons les seringues… Ceci, jamais ! »P : « C’est bien que vous preniez des précautions. Mais, comment vous faites pour ne pas partager le reste du matériel, la cuillère et le filtre ? » U : « Ah, bon, ceci n’est pas important ; ce qui importe c’est la seringue… Non ? »P : « Oui, la seringue c’est le plus important, mais, sais-tu ?... Il arrive que les virus, surtout celui de l’hépatite C, peuvent vivre longtemps dans la cuillère et dans le filtre. Ce dernier est un virus très résistant. »U : « Allons ! Tu veux dire, alors, que nous pouvons nous infecter en partageant la cuillère ou le

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filtre ? »P : « Oui. Mais peut-être que tu es informé sur comment éviter cela ? »U : « Je ne sais pas… parce que nous devons partager le mélange, car c’est pour tous les deux. »P : « Oui, c’est clair. Une idée pourrait être que celui qui a une seringue stérile soit le premier à prendre le mélange, et ensuite celui qui a la seringue non neuve… De cette façon, la seringue qui risque d’être contaminée sera la dernière à être utilisée et ne contaminera pas l’autre. » U : « Allons, c’est bien ceci. Il va falloir que je le communique à plusieurs de mes collègues, car je crois qu’ils ne le savent pas. »P : « Oui, sûrement que tu peux les aider, parce que l’on remarque ton intérêt pour les problèmes de santé, et puis tu sais très bien t‘expliquer. »

Dans ce dialogue, le professionnel s’écoute et s’informe sur la réalité de l’usager. Il lui offre un peu d’information sur l’hépatite C au moment où il convient et il l’encourage à chercher des idées, qu’il lui offre aussi. Il ne le juge pas pour avoir partagé le matériel d’injection et il ne lui fait pas ressentir son erreur. Il renforce son estime de soi, ses talents, et l’encourage à faire apprendre ses connaissances à d’autres personnes dépendantes de drogues.

g- Exemple de dialogue : Il n’y a pas d’espace propre

U : « J’en ai marre de m’injecter dans des lieux sales. J’aimerai avoir un endroit propre et tranquille pour me piquer ! » P : « Oui, nous allons voir si un jour nous pouvons organiser un espace ainsi. »U : « C’est qu’il est très difficile de le faire dans des endroits si sales, avec d’autres personnes qui aussi s’injectent, et tout leur matériel dont tu ne sais pas s’il est propre ou sale… et parfois nous sommes nombreux à être dans un endroit très petit… »P : « Je connais une idée sur ceci, mais je ne sais pas si elle t’intéresserait… »U : « Oui, bien sûr ! »P : « Il y a quelques endroits où les personnes usagères se servent d’une page de journal, qu’ils déplient/étendent, et dessus ils y placent tout leur matériel, comme s’il s’agissait d’une nappe. »U : « Une nappe ? Ceci est drôle ! » P : « Oui. Et ensuite tu peux dire à tes collègues de ne pas toucher ou de poser leur matériel sur ta nappe. »U : « Allons, cette idée est intéressante ! Peut-être je vais l’essayer. »P : « Pourquoi pas ? Peut-être tu seras le pionnier d’une nouvelle mode ! »

Dans ce dialogue, le professionnel discute d’une manière décontractée et même avec un peu d’hu-mour.

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h- Exemple de dialogue : La réinfection

U : « Moi, je ne partage des seringues qu’avec mon partenaire parce que nous sommes tous les deux porteurs de VIH et VHC, nous le savons avec certitude parce que nous avons fait des tests. »P : « Très bien d’avoir fait les tests. C’est important de le savoir. »U : « Oui, parce que je ne sais pas si les autres ont quelque chose ou non. »P : « Et, comment vois-tu la réinfection ? »U : « Bon, si je suis infecté, cela m’est égal, n’est-ce pas ? »P : « C’est qu’actuellement on a beaucoup plus de connaissances sur ce sujet, et chaque fois que tu t’infectes à nouveau par un de ces virus, tu subis une augmentation de la quantité et de la variété des virus. »U : « Mais si on les a déjà, on les a et voilà tout, n’est-ce pas ? » P : « C’est ce qu’on pensait avant, mais maintenant nous savons que si tu augmentes la quantité et le type de virus que tu as, tu peux tomber gravement malade et de façon plus rapide, puis ta santé deviendra bien pire. »U : « Ah ! C’est-à-dire que je ne peux pas partager de seringues, ni avec des personnes qui ont la même chose que moi… » P : « Oui, c’est ça. Toi, tu utilises toujours ta propre seringue et ton matériel…même si vous êtes bien amis. »

Dans ce dialogue, le professionnel renforce positivement quelque chose que l’usager a bien fait (faire des tests) et il ne le juge pas, ni le gronde pour s’être réinfecté. Il lui offre l’information doucement et avec respect.

Ceci n‘est pas un coursQuand le professionnel de ces exemples parle avec l’usager, ce n’est pas comme s’il faisait un cours ou comme s’il donnait une leçon. C’est un dialogue décontracté, respectueux, qui donne de l’impor-tance à ce que l’usager fait déjà ou sait. Et, à chaque opportunité, il le renforce positivement.

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a- Qu’est-ce que c’est et comment introduire le thème ?

La « sexualité sécurisée » est un ensemble de connaissances, attitudes et pratiques que peut utiliser une personne dans ses relations sexuelles pour prévenir le risque de s’infecter ou de se réinfecter d’une maladie transmissible sexuellement, comme le VIH-Sida ou les hépatites.La manière la plus facile de créer l’opportunité pour que l’usager puisse parler de ce thème est de lui offrir des condoms et de lui demander : « Veux-tu quelques préservatifs ? »

S’il répond « Non » • Lui demander quelle est son opinion sur les condoms. Dans sa réponse, il y aura sûrement de

l’information sur l’utilisation qu’il en fait et sur son avis. • Bien que le professionnel croit qu’il devrait les utiliser (surtout s’il sait que l’usager est séroposi tif), il n’est pas conseillé de l’accuser ou de le juger (« Ah ! tu es de ceux qui ne l’utilisent pas. Et ton partenaire le sait-il (elle) ? »), ni de le regarder avec mépris, ni de lui faire un sermon (« Il faut toujours les utiliser, surtout quelqu’un dans ta situation »). • Peut-être il a déjà le VIH, de même que son partenaire, et il ne connaît pas le risque de se réinfec- ter, ou bien il ne lui accorde pas une grande importance. • Lui offrir de parler davantage sur ce thème, s’il le souhaite, à ce moment précis ou à une autre occasion : « Le préservatif, ce n’est pas facile. Pour beaucoup de gens, c’est difficile. Mais, c’est la seule manière de prévenir la transmission du VIH. Si tu as envie d’en parler, tu peux compter sur moi ». • Ne pas insister : peut-être l’usager n’a pas de partenaire sexuel et le préservatif ne représente pas pour lui une préoccupation. Ou bien, ce n’est pas une priorité. • On peut faire davantage de questions, sans insister : il se peut qu’il ne veuille pas de préservatifs ou qu’il n’en ait pas besoin.

S’il répond « Oui » • Ne pas être convaincu/e qu’il va les utiliser, • On pourrait lui demander si cette marque de préservatifs lui convient ou lui plaît, lui en offrir plus s’il le désire, lui dire qu’il y a des personnes qui les utilisent et que cela leur convient, etc. • Egalement, on pourrait parler des difficultés qu’on rencontre parfois à l’heure de les utiliser (pour lui faciliter la possibilité d’en parler).

8. Le sexe sécuritaire

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En général, il est utile de :

• Normaliser le fait d’utiliser des préservatifs, c’est à dire, expliquer que l’usage des condoms est quelque chose que font beaucoup de personnes ; mais aussi discuter sur les difficultés de les utiliser, pour que la personne puisse parler de celles-ci. • Donner la possibilité de pouvoir parler, un autre jour, de ce thème.

b- Ce n’est pas facile de pratiquer un sexe plus sécuritaire

Pour aider un usager à pratiquer un sexe sécuritaire dans ses relations sexuelles, il est important, en premier lieu, de l’aider à exprimer les obstacles qui pourraient l’empêcher à se protéger. L’usager a besoin de s’écouter, de définir à haute voix ce qui est difficile pour lui (ou pour elle) au moment de se protéger dans ses relations sexuelles. Ces obstacles peuvent être les suivants :

• Ne pas avoir conscience du risque, c’est à dire, ne pas croire que quelqu’un peut s’infecter. Il y a des personnes qui ne pensent pas qu’elles pourraient se contaminer, parce qu’elles ont déjà couru des risques et elles n’ont pas été infectées, ce qui renforce leur croyance que pour des raisons « magiques » ou immunologiques, elles sont à l’abri. • Il y a des personnes qui ont le VIH et/ou l’hépatite qui ne croient pas que se réinfecter pourrait porter préjudice à leur santé. • Il y a des hommes qui ont honte de se mettre un préservatif devant une femme parce qu’ils croient qu’ils vont paraître moins hommes. • Il y a des femmes qui pensent que l’homme va les mépriser si elles lui offrent un préservatif. • Les personnes qui sont dans un couple stable pensent souvent qu’ils ne courent pas de risques de s’infecter. • Il n’est pas toujours facile d’obtenir des préservatifs pour des raisons de disponibilité ou écono miques. • Il y a des hommes pour qui l’usage du préservatif interfère avec sa sensibilité physique. • Les personnes porteuses de VIH ou de l’hépatite ont peur que si elles utilisent ou offrent un pré- servatif à leur partenaire, celui/celle-ci suspectera qu’elle a une infection et ensuite elle sera dis- criminé/é. • Les tensions et conflits qui pourraient exister dans n’importe quelle relation conjugale, pourraient interférer dans la négociation au sujet de l’usage du préservatif. • Dans les couples où l’un est infecté par un ou plusieurs virus et l’autre en est indemne, il se peut qu’il y ait plusieurs opinions différentes sur l’importance de l’usage du préservatif. • Dans les couples hétérosexuels, vu qu’il existe beaucoup de femmes qui ont reçu une éducation familiale et sociale dans laquelle on leur apprend (par l’exemple des mères et d’autres femmes que les femmes sont tenues à répondre aux besoins de l’homme avant les leurs, parfois c’est difficile que celles-ci soient suffisamment assertives comme pour exiger que l’homme se mette un préservatif. En plus, souvent les femmes dépendent économiquement de l’homme, donc il leur coûte d’insister sur ce dont elles ont besoin ou désirent.

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• Quand il y a échange de rapports sexuels pour de l’argent, la négociation du préservatif peut être difficile. • Parfois, les femmes qui exercent la prostitution séparent la relation avec les clients de celle avec leur conjoint, en utilisant des préservatifs avec les premiers, mais non pas avec leur conjoint, même s’il est infecté.

Il est important que le professionnel, quand il encourage l’usager à parler de ses obstacles, ne juge pas ni donne son avis sur des comportements et habitudes. Pour cela, il est important d’avoir recours à des questions ouvertes et neutres, telles que :

• Quelle est ton opinion sur les préservatifs ? • As-tu eu un jour des difficultés à les utiliser ? • D’après toi, qu’est-ce qui est le plus difficile d’utiliser des préservatifs ? • Racontes-moi, dans quelles situations il pourrait être difficile pour toi d’utiliser des préservatifs ?

Si nous essayons que l’usager nous dise, d’une manière directe, s’il utilise ou non des préservatifs, sûrement qu’il se sentira « examiné ». Il ne faut pas non plus supposer qu’il n’utilise pas de préserva-tifs ; et le fait de connaître la fréquence avec laquelle il les utilise, n’aidera pas au dialogue. Ce serait préférable qu’il puisse exprimer librement ses opinions et expériences et que l’information surgisse à partir d’un dialogue ouvert.

Des questions telles que : « Les utilises-tu toujours ? » donne le message à l’usager que nous espé-rons qu’il utilise des préservatifs le 100% des fois qu’il a des rapports sexuels avec pénétration, et que s’il ne les utilise qu’un 80 % ou un 50 % des fois, nous le jugerons.

Plusieurs usagers pensent que les professionnels de la santé espèrent d’eux qu’ils soient complète-ment responsables dans leurs relations sexuelles. Cette croyance fait que l’usager ne parle pas de sa propre vérité. Le professionnel peut faire sentir à l’usager qu’il ne le déprécie pas par le fait de ne pas utiliser des préservatifs dans ses rapports sexuels. Le professionnel maintient une attitude thérapeu-tique et neutre, en écoutant la réalité de l’usager sans projeter comment il désirerait que celui-ci se comporte.

Quand l’usager cite ses obstacles, le plus important est qu’il s’écoute lui-même et que le rythme de la conversation ait des pauses pour qu’il puise percevoir ce qu’il ressent. Devant chaque difficulté que l’usager cite, le professionnel l’écoute avec empathie et le laisse s’écouter et percevoir ce qu’il res-sent.

En aucun moment, le professionnel essaye de convaincre l’usager que ses difficultés ou obstacles sont insignifiants ou faciles à résoudre.

Si l’usager dit qu’il utilise des préservatifs, pour l’encourager à définir les situations dans lesquelles il

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a des difficultés à les utiliser, le professionnel peut lui répondre ceci :

« Alors, c’est bien que tu utilises parfois des préservatifs, parce que ce n’est pas si facile. Comment le vois-tu ? »

Le rôle du professionnel ne consiste pas à donner à l’usager des idées ni des « solutions » pour sur-monter ses obstacles, sinon de lui poser des questions ouvertes et neutres pour qu’il puisse chercher ses propres stratégies devant chaque obstacle ; mais avant il faudrait vérifier s’il a de la motivation pour trouver des stratégies par lui-même et l’aider à s’écouter. Ceci se fait en lui demandant : « Même avec cela (citer l’obstacle qu’il a défini : honte, etc.), est-ce que parfois tu aimerais utiliser des préservatifs ? »

Ce n’est pas nécessaire que l’usager réponde à cette question, mais il est important qu’au moins il l’entende »

c- La communication pour le changement en rapport avec le sexe

sécuritaire

Le professionnel peut être emporté par la tentation de donner des conseils à l’usager devant ses obs-tacles et difficultés. Ceci n’est pas une méthodologie efficace, car l’usager, devant chaque conseil du professionnel, cherchera un « mais » et la conversation deviendra une dispute pleine de tiraillements, dans laquelle les deux se contrediront mutuellement. Dans une situation comme celle-ci, il y a une grosse perte de temps et les défenses de l’usager se renforcent, ce qui rend difficile qu’il s’écoute lui-même, qu’il perçoive cse qu’il ressent et qu’il pense d’une façon flexible.

Le plus utile c’est que le professionnel interroge l’usager sur les difficultés qu’il a rencontrées concer-nant le sexe plus sécuritaire, comme quelles sont les stratégies qu’il a déjà essayées, quels furent les résultats, quelles sont les options qu’il a devant chaque situation et quelle est son opinion vis-à-vis de chaque option. Le professionnel peut encourager l’usager à tester une stratégie, celle que l’usager croit être la plus facile et celle qui obtiendra un meilleur succès.

Il est important que l’usager n’envisage qu’à réaliser un petit changement chaque fois, pour ainsi avoir plus de possibilités de réussir son objectif.

En aucun moment, le professionnel ne doit pas banaliser ni ridiculiser la difficulté que rencontre l’usa-ger, avec des commentaires tels que : « Ce n’est pas si grave », « Ceci n’est pas très difficile », « Les gens ne le voient pas si difficile », « Avec un peu d’imagination… », etc.

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d- Les fausses croyances et mythes

Avant d’expliquer les risques et comment les prévenir, et vu que nous allons parler des pratiques se-xuelles, il faut prendre en considération quelques aspects :

• Il est important que les professionnels aient révisé leurs propres attitudes, préférences et préju gés sur ce sujet, et qu’ils les reconnaissent comme tels (propres à lui). • Sur ce thème, personne n’aime reconnaître ce qu’il ignore, et en même temps, il y a beaucoup de doutes qui peuvent paraître ridicules (à celui qui les envisage et à celui qui les écoute). • Le corps de la femme, pour des considérations culturelles, peut être très inconnu. Les hommes, mais aussi les femmes, peuvent ignorer l’anatomie génitale féminine basique. Quelques exemples réels concernant des fausses croyances et mythes sur la sexualité sont :

• Les femmes urinent du même endroit qu’elles donnent naissance. • L’endroit où pénètre le pénis n’est pas le même que celui d’où sortent les bébés. • Le pénis arrive jusqu’à la matrice lors de la pénétration. • Si une femme avale le sperme, elle pourrait avoir mal à la gorge. • Les hommes qui s’abstiennent d’avoir des relations sexuelles pendant longtemps et qui «se re tiennent », peuvent tomber malades. • Si la femme n’a pas d’orgasme, elle ne peut pas tomber enceinte. • Les toilettes vaginales à l’eau salée après l’acte sexuel préviennent la grossesse. • Si on fait la marche arrière (retirer le pénis du vagin avant d’éjaculer) et l’homme éjacule à l’exté rieur, la femme ne risque pas de tomber enceinte. • La femme ne peut pas tomber enceinte durant les règles ni pendant sa période d’allaitement. • Quand la femme n’a plus ses règles (ce qui est fréquent entre les consommatrices d’opiacés), elle ne peut pas tomber enceinte. • Mettre du miel dans le vagin avant l’acte sexuel prévient la grossesse.

e- Quelques idées pour faciliter la communication sur le sexe sécu-

ritaire

• Il serait intéressant d’alterner le langage « scientifique » ou formel avec celui de la rue, mais il n’est pas convenable d’utiliser seulement l’un des deux. User uniquement le scientifique peut causer de la confusion, et utiliser seulement le langage courant peut situer le professionnel dans une sphère non professionnelle, incommode pour lui (par trop intime) ou pour l’usager (qui peut penser qu’on le traite de débile). Par exemple, on pourrait dire « éjaculer », c’est à dire, « déchar ger ». • Il faut éviter de juger, de s’étonner, de rire, de « condamner » ce que dit l’usager ou l’usagère, même si cela nous paraît choquant. Il faut faire attention avec le langage non verbal, qui pourrait

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inhiber la personne ou la contraindre à changer de discours. • Il est aussi très important de ne rien donner pour acquis, vu qu’il s’agit d’un thème sur lequel per sonne n’aime reconnaître qu’elle n’est pas assez informée; • Il convient commencer à partir de la réalité de l’usager : non pas de ce que le professionnel pense ou croit qu’il est important de faire ou savoir, sinon des nécessités et des préoccupations de l’usager ou de l’usagère. • Il faut essayer d’utiliser un langage avec lequel la personne puisse saisir l’allusion, indépendam ment de son option sexuelle, dans le cas où l’on ignore l’information ou si l’on a des doutes. Par exemple, on peut parler d’un « couple » au lieu de dire « fiancé(e) » , ou éviter de dire « la fella- tion est une pratique sexuelle que la femme réalise à l’homme » (qui peut mener à des équivo- ques), en changeant cette phrase par : « La fellation consiste à faire du sexe oral à un homme, c’est à dire, il s’agit d’un contact de la bouche avec le pénis »

f- Communiquer sur les pratiques sexuelles Une fois que l’on est sûr que l’usager désire savoir quels sont les risques qu’ont certaines pratiques sexuelles, là, on peut le lui expliquer. L’idéal serait d’en parler peu à peu, en expliquant uniquement les pratiques et les risques qui l’intéressent, et en l’interrogeant ensuite s’il veut savoir d’autres cho-ses en plus, bien qu’elles ne se réfèrent pas à ses propres pratiques sexuelles habituelles. Si on lui donne trop d’informations sur les différentes possibilités et risques, il aura plus de difficultés à penser et à évaluer ce que signifie pour lui ou pour elle cette information.

Le tableau ci-dessous sur les risques des pratiques sexuelles est un outil intéressant surtout pour le professionnel (ou l’intervenant), plus que pour l’usager ; bien qu’il puisse être également intéressant pour les travailleurs et travailleuses du sexe.

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La tuberculose se transmet par voie aérienne, et pourtant il suffit de vivre avec une personne tubercu-leuse pour s’infecter, de plus le contact physique accroît ce risque.

g- Parler des méthodes de prévention

Le mode le plus sûr pour prévenir la transmission par voie sexuelle de n’importe quelle infection est le préservatif (masculin et féminin). On les appelle souvent des « méthodes barrières ». C’est une déno-mination inadéquate puisque l’un des inconvénients du préservatif c’est qu’il est perçu comme une « barrière physique » lors du contact, dans la fusion entre les deux personnes. Si nous pensons aussi que c’est ainsi, nous pouvons parler du préservatif avec des personnes qui l’utilisent et à qui leur plaît de les utiliser. Concrètement, il y a des personnes qui préfèrent son usage. Quelques argumentations des personnes qui préfèrent utiliser des préservatifs sont :

• C’est plus hygiénique, • Comme je sais que c’est un prélude à la pénétration, son bruit en l’ouvrant m’excite, • C’est la méthode qui me tranquillise le plus, • Le préservatif masculin aide à garder l’érection plus longtemps, • Il y a des personnes qui adorent le fait de mettre le préservatif à leur partenaire, car cela leur fait ressentir de la complicité et de la confiance, • Il n’a pas d’effets secondaires, • Le préservatif féminin, avec un peu de pratique, est aussi facile de mettre qu’un tampon.,

Il est important de prendre en considération que le préservatif s’associe au VIH.

Par contre, il y a beaucoup de partenaires qui l’utilisent et ni l’un ni l’autre n’est infecté. Précisé-ment, utiliser le préservatif peut permettre d’oublier ceci, de ne pas penser que l’un/e pourrait être en train de s’infecter pendant la relation. Ainsi, nous pouvons parler des préservatifs comme des « méthodes-barrières », car il s’agit du vrai « vaccin » qui immunise et protège contre le VIH et contre la réinfection.

Quant au préservatif féminin, c’est un grand inconnu. Il est convenable que les professionnels le con-naissent, le touchent, l’essayent, parlent de lui et rendent « normale » son utilisation, parce que son aspect, si différent du préservatif masculin, pourrait engendrer de la méfiance et du refus.

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h- Dialoguer sur la réinfection

Il y a des personnes porteuses de VIH et VHC qui vivent avec d’autres personnes porteuses des mêmes virus. Dans une telle situation, il est difficile de se motiver à utiliser des préservatifs. C’est très important que le professionnel explore ce thème avec l’usager, en lui demandant s’il a un partenaire, en l’interrogeant sur sa santé et sur la situation de séropositivité des deux.Il est très important d’éviter de «réprimander » ou de « sermonner » l’usager. La conversation pourrait porter sur ce qui motive l’usager à maintenir sa santé en bon état et à ne pas s’empirer, puis sur sa compréhension pour la réinfection. A propos du thème de la surdose, le professionnel a un rôle important à l’heure d’aider l’usager à dé-velopper ses stratégies de prévention et d’action devant une surdose (la sienne ou celle de quelqu’un d’autre), puis à élaborer les sentiments et les pensées des usagers devant un cas de surdose.

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a- La prévention des surdoses Dans la prévention de la surdose, il y a deux thèmes principaux : identifier les situations à risque pos-sibles et développer des stratégies face à ces situations. Il est important que le professionnel possè-de cette information, non pas pour la donner premièrement à l’usager ; mais pour aider cet usager à exprimer ses idées et ses connaissances, et à développer des stratégies bien adaptées à sa propre réalité.

Pour offrir ce thème, le professionnel peut faire des questions ou des commentaires tels que :

• « Si cela t’intéresse, nous pouvons parler un jour de la prévention des surdoses » • « Aimerais-tu qu’on organise un atelier sur le thème des surdoses ? » • « Crois-tu que les usagers d’ici sont en risque de surdose ? »

Dans ce dialogue, le professionnel pourrait demander à l’usager dans quelles situations il croit qu’il y a risque de surdose. Poser la question ainsi est important pour que l’usager puisse s’exprimer et s’apercevoir des situations qui le préoccupent ; et aussi pour que le professionnel puisse ajouter da-vantage d’informations dans le cas où, après que l’usager ait parlé, celui-ci sentirait qu’il lui manque des renseignements sur ce thème.

b- Les situations à risque

Les situations à risque les plus courantes pour avoir une surdose sont :

• Consommer seul. Si la personne s’injecte seul et commence à avoir une surdose, personne ne pourra l’aider. Pour cela, il est important que l’usager s’injecte en présence d’une autre personne, • Avoir moins de tolérance. Quand une personne dépendante des drogues a passé un certain temps en consommant moins ou sans consommer, sa tolérance diminue et la quantité qu’il s’in jectait avant pourrait lui causer une surdose. On rencontre cette perte de tolérance, par exemple, à la sortie de la prison, quand il a été hospitalisé ou après avoir subi un traitement de sevrage. Il est très important à ce que les professionnels qui travaillent dans les prisons, dans les hôpitaux et dans les centres de traitement, parlent avec les usagers sur la perte de la tolérance avant leur sortie. • Mélanger des substances. Les différentes substances mélangées entre-elles pourraient multiplier leurs effets. Quand on utilise de l’héroïne ou de la méthadone, la consommation de sédatifs, de

9. Les surdoses

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barbituriques ou d’alcool favorise les effets et peut causer une surdose. De même, la consom mation de cocaïne, d’ecstasy ou d’amphétamines pourrait causer une surdose. • Changer de vendeur (de « dealer »). Quand on achète la drogue à un vendeur différent, il y a un risque de surdose parce que, probablement, le pourcentage de substance active dans la drogue n’est pas le même.

Si l’usager paraît ignorer l’un de ces facteurs de risque, le professionnel lui offre cette information.

c- Les stratégies de prévention devant chaque situation

Une fois l’usager et le professionnel ont discuté sur les situations à risque possibles, le professionnel peut demander à l’usager quelles sont les idées qu’il a pour prévenir la surdose devant chaque si-tuation. Bien que le professionnel ait des connaissances sur ceci, il est préférable de laisser l’usager chercher lui-même ses propres stratégies et qu’il les exprime. Les stratégies que développe l’usager sont les plus utiles pour lui, parce qu’elles sont basées dans sa réalité, dans ses habiletés et dans ses idées.

Après que l’usager ait pu dialoguer avec le professionnel sur ses stratégies, le professionnel pourrait lui offrir des idées.

Pour éviter la surdose à cause de la perte de l’abstinence : • Commencer par consommer une quantité beaucoup plus petite à celle qu’on prenait d’habitude, • Penser à adhérer à un programme de méthadone.Pour éviter la surdose à cause d’être seul(e) : • Essayer de consommer avec une autre personne, • Informer un/e ami/e du lieu de consommation, • Consommer dans des lieux tranquilles et connus.Pour éviter la surdose quand on change de vendeur : • Diviser la drogue qu’on a achetée en deux et commencer par consommer seulement la moitié, puis garder le reste pour une autre fois.

Pour éviter la surdose causée par un mélange de substances : si l’on détient deux substances, con-sommer uniquement une et garder l’autre pour une autre occasion.

d- En cas de surdose C’est très important que les services de réduction des risques réalisent des ateliers, pour les person-nes dépendantes de drogues, de réanimation cardio-pulmonaire et sur comment se comporter dans des situations d’urgence. Les usagers ont besoin de cette information et formation, car dans la ma-jorité des situations de surdose, celui qui se trouve sur place est un autre usager et le temps est un

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facteur clef pour sauver la vie de celui qui est en train d’entrer en situation de surdose.

e- Après une surdose Quand quelqu’un a été victime d’une surdose (fatale ou non), il est important que les usagers qui con-naissaient cette personne puissent partager leurs sentiments par rapport à cette situation. Il n’est pas conseillé d’utiliser cette situation pour « faire un sermon » aux usagers. Ils sont déjà en train d’appren-dre de la situation sans qu’on ne leur dise rien du tout. Ce qu’ils nécessitent, c’est quelqu’un qui les écoute et les soutienne.

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COMMUNICATION

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