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Douleurs, 2006, 7, 6 339 ACTUALITÉS BRÈVES DE « DOULEURS » Brefs échos des congrès et des sociétés savantes, notes de lecture des revues spécialisées à l’usage des cliniciens, cette rubrique est ouverte à tous. La revue Douleurs encourage tous ses lecteurs à lui faire parvenir des informations brèves issues de leurs lectures, de leurs rencontres, de leurs expériences, de leurs travaux, de leurs voyages ou de leurs navi- gations sur le web, à l’adresse suivante : [email protected] Une référence bibliographique pour ceux qui souhaitent en savoir plus, un court commentaire critique seront bienvenus. Comment développe-t-on une douleur idiopa- thique ? Diatchenko L, Nackley AG, Slade GD, Fillingim RB, MaixnerW. Idiopathic pain disorders – Pathways of vulnerability. Pain 2006;123:226-30. Les auteurs de cette revue définissent le syndrome douloureux idiopathique (SDI) comme une situation où la plainte doulou- reuse apparaît disproportionnée par rapport aux données de l’examen clinique. Ils y regroupent le SADAM, la fibromyalgie, l’intestin irritable, les céphalées chroniques, la cystite intersti- tielle, les douleurs pelviennes chroniques, les acouphènes chroniques, les syndromes post-traumatiques et la dyspareu- nie. En se basant sur les données de la littérature, ils dévelop- pent l’hypothèse que la probabilité de développer une douleur idiopathique est comparable au modèle proposé pour le can- cer : elle serait liée à une interaction complexe entre des fac- teurs de prédisposition génétique et l’exposition à des facteurs environnementaux. La chronicisation douloureuse dépendrait alors à la fois de facteurs physiques (type de traumatisme) et de déterminants psychologiques (réaction au stress infligé). Plusieurs anomalies génétiques ont déjà été décrites comme susceptibles de favoriser l’apparition d’un SDI. Dans un avenir proche, les auteurs espèrent que les travaux sur le génome humain permettront de repérer les individus à risque de déve- lopper un SDI. La modélisation qu’ils proposent fait l’objet d’une illustration très parlante (fig. 1 de l’article). F. Clère Comorbidités psychiatriques des douleurs diffuses chroniques Raphael KG, Janal MN, Nayak S, Schwartz JE, Gallagher RM. Psychia- tric comorbidities in a community sample of women with fibromyalgia. Pain 2006;124:117-25. Arguelles LM, Afari N, Buchwald DS, Clauw DJ, Furner S, Goldberg J. A twin study of postraumatic disorder symptoms and chronic widespread pain. Pain 2006;124:150-7. Les douleurs diffuses chroniques (DDC) sont décrites par le Collège Américain de Rhumatologie comme des douleurs intéressant, depuis plus de 3 mois, le rachis et au moins 2 quadrants controlatéraux du corps humain. La fibromyalgie constituerait un sous-groupe, d’intensité sévère, des DDC. Raphael et coll. ont cherché à comparer, dans une popula- tion générale, la fréquence de certains troubles psychia- triques entre les personnes atteintes de fibromyalgie (FM+) et le reste de la population (FM-). Leurs résultats sont les suivants dans le groupe FM+ : En termes d’antécédents médicaux : – 2 fois plus de conduites addictives ; – 5 fois plus de syndromes de stress post-traumatiques (SSPT). Au moment du diagnostic : – 3 fois plus d’épisodes dépressifs majeurs (EDM) ; – 5 fois plus de troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ; – 20 fois plus de troubles anxieux généralisés (TAG). Tous ces résultats sont significatifs sur le plan statistique (p < 0,05). Si la sur-représentation des troubles anxio-dépres- sifs semble commune à l’ensemble des douleurs chroniques, les auteurs appellent à la réalisation d’autres études afin de mieux connaître l’intrication entre DDC et 2 troubles parti- culièrement fréquents dans leur population : les antécédents de SSPT et les TAG. Ces 2 tableaux semblent pouvoir consti- tuer de véritables facteurs de risque à développer des DDC. Si Arguelles et coll. ont pu poser le même constat, leur étude sur une population de jumeaux tend à prouver qu’il n’existe pas de facteur favorisant d’ordre familial ou géné- tique de développement de DDC après un SSPT. L’événe- ment de vie traumatisant apparaît alors comme un facteur environnemental majeur de déclenchement, indépendam- ment du patrimoine génétique du patient. En l’absence de données validées sur la physiopathologie des DDC, ces 2 équipes insistent sur la nécessité de prendre en compte la personnalité et l’histoire de vie des patients dès le début de leur prise en charge. F. Clère Quand s’installent les séquelles fonctionnelles du SDRC de type I ? Vaneker M, Wilder-Smith OHG, Schrombges P, Oerlemans HM. Impair- ments as measured by ISS do not greatly change between one and eight years after CRPS 1 diagnosis. European Journal of Pain 2006;10:639-44. L’équipe hollandaise de Margreet Oerlemans témoigne dans cet article de son expérience pour la prise en charge du

Comorbidités psychiatriques des douleurs diffuses chroniques

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Douleurs, 2006, 7, 6

339

A C T U A L I T É S B R È V E S D E « D O U L E U R S »

Brefs échos des congrès et des sociétés savantes, notes de lecture des revues spécialisées à l’usage des cliniciens, cetterubrique est ouverte à tous. La revue

Douleurs

encourage tous ses lecteurs à lui faire parvenir des informations brèvesissues de leurs lectures, de leurs rencontres, de leurs expériences, de leurs travaux, de leurs voyages ou de leurs navi-gations sur le web, à l’adresse suivante : [email protected]

Une référence bibliographique pour ceux qui souhaitent en savoir plus, un court commentaire critique seront bienvenus.

Comment développe-t-on une douleur idiopa-thique ?

Diatchenko L, Nackley AG, Slade GD, Fillingim RB, MaixnerW.Idiopathic pain disorders – Pathways of vulnerability. Pain2006;123:226-30.

Les auteurs de cette revue définissent le syndrome douloureuxidiopathique (SDI) comme une situation où la plainte doulou-reuse apparaît disproportionnée par rapport aux données del’examen clinique. Ils y regroupent le SADAM, la fibromyalgie,l’intestin irritable, les céphalées chroniques, la cystite intersti-tielle, les douleurs pelviennes chroniques, les acouphèneschroniques, les syndromes post-traumatiques et la dyspareu-nie. En se basant sur les données de la littérature, ils dévelop-pent l’hypothèse que la probabilité de développer une douleuridiopathique est comparable au modèle proposé pour le can-cer : elle serait liée à une interaction complexe entre des fac-teurs de prédisposition génétique et l’exposition à des facteursenvironnementaux. La chronicisation douloureuse dépendraitalors à la fois de facteurs physiques (type de traumatisme) etde déterminants psychologiques (réaction au stress infligé).Plusieurs anomalies génétiques ont déjà été décrites commesusceptibles de favoriser l’apparition d’un SDI. Dans un avenirproche, les auteurs espèrent que les travaux sur le génomehumain permettront de repérer les individus à risque de déve-lopper un SDI. La modélisation qu’ils proposent fait l’objetd’une illustration très parlante (fig. 1 de l’article).

F. Clère

Comorbidités psychiatriques des douleursdiffuses chroniques

Raphael KG, Janal MN, Nayak S, Schwartz JE, Gallagher RM. Psychia-tric comorbidities in a community sample of women with fibromyalgia.Pain 2006;124:117-25.Arguelles LM, Afari N, Buchwald DS, Clauw DJ, Furner S, Goldberg J.A twin study of postraumatic disorder symptoms and chronic widespreadpain. Pain 2006;124:150-7.

Les douleurs diffuses chroniques (DDC) sont décrites par leCollège Américain de Rhumatologie comme des douleursintéressant, depuis plus de 3 mois, le rachis et au moins

2 quadrants controlatéraux du corps humain. La fibromyalgieconstituerait un sous-groupe, d’intensité sévère, des DDC.Raphael et coll. ont cherché à comparer, dans une popula-tion générale, la fréquence de certains troubles psychia-triques entre les personnes atteintes de fibromyalgie (FM+)et le reste de la population (FM-). Leurs résultats sont lessuivants dans le groupe FM+ :En termes d’antécédents médicaux :– 2 fois plus de conduites addictives ;– 5 fois plus de syndromes de stress post-traumatiques (SSPT).Au moment du diagnostic :– 3 fois plus d’épisodes dépressifs majeurs (EDM) ;– 5 fois plus de troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ;– 20 fois plus de troubles anxieux généralisés (TAG).Tous ces résultats sont significatifs sur le plan statistique(p < 0,05). Si la sur-représentation des troubles anxio-dépres-sifs semble commune à l’ensemble des douleurs chroniques,les auteurs appellent à la réalisation d’autres études afin demieux connaître l’intrication entre DDC et 2 troubles parti-culièrement fréquents dans leur population : les antécédentsde SSPT et les TAG. Ces 2 tableaux semblent pouvoir consti-tuer de véritables facteurs de risque à développer des DDC.Si Arguelles et coll. ont pu poser le même constat, leurétude sur une population de jumeaux tend à prouver qu’iln’existe pas de facteur favorisant d’ordre familial ou géné-tique de développement de DDC après un SSPT. L’événe-ment de vie traumatisant apparaît alors comme un facteurenvironnemental majeur de déclenchement, indépendam-ment du patrimoine génétique du patient.En l’absence de données validées sur la physiopathologiedes DDC, ces 2 équipes insistent sur la nécessité de prendreen compte la personnalité et l’histoire de vie des patientsdès le début de leur prise en charge.

F. Clère

Quand s’installent les séquelles fonctionnellesdu SDRC de type I ?

Vaneker M, Wilder-Smith OHG, Schrombges P, Oerlemans HM. Impair-ments as measured by ISS do not greatly change between one and eightyears after CRPS 1 diagnosis. European Journal of Pain 2006;10:639-44.

L’équipe hollandaise de Margreet Oerlemans témoigne danscet article de son expérience pour la prise en charge du