Comprendre un arrêt de la Cour de cassation

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1 COMPRENDRE UN ARRT DE LA COUR DE CASSATION RENDU EN MATIRE CIVILE

par Jean-Franois Weber prsident de chambre la Cour de cassation (m.a.s.)

Depuis la cration du Tribunal de cassation en 1790, des gnrations de conseillers la Cour de cassation ont affin une technique de rdaction des arrts trs sophistique dont les principales caractristiques sont la concision, la prcision terminologique et la rigueur logique. Les progrs de linformatique permettent dsormais de rendre accessible dans les bases de donnes, les rapports objectifs du conseiller rapporteur qui posent la problmatique du pourvoi ainsi que les conclusions des avocats gnraux dans les affaires publies au bulletin de la Cour. Ensuite, les moyens des pourvois auxquels rpondent les arrts qui ntaient publis que dans les arrts de rejet car ils font alors partie intgrante de larrt, sont, depuis dcembre 2008, accessibles sur Jurinet lorsquils sont annexs la dcision1. A travers le dveloppement des sites intranet et internet de la Cour de cassation, de trs nombreux documents relatifs aux arrts rendus, sont dsormais accessibles en ligne. Dans le souci de faciliter encore davantage la lecture et la comprhension des arrts de la Cour, il est apparu utile de diffuser la prsente note mthodologique contenant un certain nombre de prcisions techniques sur la rdaction des arrts et qui a pour objet dattirer lattention des lecteurs sur la spcificit formelle des arrts de la Cour de cassation. Cette nouvelle fiche, comme la fiche dj diffuse sous le titre Interprtation et porte des arrts de la cour de cassation en matire civile, a pour ambition de contribuer au dialogue ncessaire entre la Cour de cassation et les juridictions du fond. La version lectronique de cette fiche permet daccder directement la plupart des arrts cits. Les difficults de comprhension des arrts1

Cest dire, pour les arrts de cassation, pour les arrts de rejets pour lesquels la Cour se contente de rpondre au moyen si elle estime que la solution simpose lvidence, et mme pour les dcisions de non admission.

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Les interrogations sur le sens des arrts de la Cour de cassation L*interprtation de ses arrts suscite des questions et parfois des critiques, engendre des faux sens ou des hsitations. Il est d*abord malais pour un justiciable de comprendre que la Cour - ne re-juge pas l*affaire, mais juge la conformit de la dcision attaque aux rgles de droit (article 604 CPC). - n*apprcie pas le fait, mais dit le droit; Les avocats eux-mmes ne commettent-ils pas parfois le contresens consistant lire le moyen au lieu de retenir la rponse de la Cour. Combien darrts sont invoqus, de plus ou moins bonne foi, dans des conclusions, comme des arrts de principe alors quils ne sont que des arrts sans aucune porte normative en raison de lapprciation souveraine des juges du fond ? La mise en ligne par Legifrance de lintgralit des arrts a dcupl la frquence de ce type daffirmation. Quant aux interprtations doctrinales, elles font parfois dcouvrir aux chambres de la Cour des innovations ou des revirements que celles-ci navaient ni envisags, ni effectus. De leur ct, les juges du fond s*interrogent souvent sur le sens d*un arrt censurant leur dcision, sur l*interprtation d*un prcdent jurisprudentiel ou sur la porte d*une dcision. Ainsi, peut-on se leurrer sur un rejet d*apparence satisfaisant pour le juge du fond, qui constitue en fait un sauvetage de sa dcision, par exemple grce aux motifs prsums adopts des premiers juges. Inversement, nous savons bien que sont mal reues certaines cassations, pour dfaut de rponse aux conclusions: n*est-ce-pas en effet un grief difficile accepter par le juge d*appel qui s*est trouv, dans un litige de droit immobilier, devant une douzaine d*intims, des actions en garantie, des appels incidents ou provoqus, conduisant de trs nombreuses conclusions interminables, enchevtres et touffues...? Pourtant, tous les magistrats du fond qui viennent en stage la Cour de cassation se rendent bien compte que mme si le taux de cassation en matire civile est de lordre de 30% des pourvois, les magistrats de la Cour nprouvent aucun plaisir casser un arrt. Mais, sauf renoncer sa mission propre, la Cour ne peut que casser lorsque la loi est claire et que les circonstances de fait souverainement releves par les juges du fond ne lui laissent aucune marge dapprciation. Analyse des difficults de comprhension des arrts :

3 Ces difficults ont, pour l*essentiel, deux sortes de causes relevant: a) de la logique juridique des arrts; b) de la politique et de la pratique judiciaire ; a) la logique juridique des arrts: Si les arrts de la Cour sont d*interprtation dlicate, c*est en effet d*abord en raison de la mission de la Cour : Aux termes du sous titre III du titre XVI du livre premier du code de procdure civile, le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui tend, selon larticle 604 faire censurer par la Cour de cassation la non conformit du jugement quil attaque aux rgles de droit. Ainsi, comme toute dcision judiciaire, un arrt de la Cour de cassation correspond la formalisation du raisonnement de la Cour qui, partant de circonstances de fait souverainement retenues par les juges du fond, est saisie dune contestation de la dcision des juges du fond au moyen dun argumentaire juridique. Si elle approuve le raisonnement des juges, elle rejette le pourvoi. Si elle le rfute, elle casse la dcision attaque. Mais, contrairement ce quelle exige des juges du fond, la Cour de cassation, juge du droit, nexprime pas la motivation de sa dcision en ce sens quelle dit le droit sans dire pourquoi elle privilgie telle ou telle interprtation de la loi. Cette absence de motivation des arrts est frquemment critique par la doctrine et la Cour de cassation nest pas reste insensible cette critique. Depuis la condamnation de la France par la Cour europenne de Strasbourg, la Cour de cassation a profondment modifi les conditions dexamen des pourvois puisque les parties et leurs conseils ont dsormais facilement accs, ainsi que tous les magistrats pour les arrts publis, au rapport objectif du conseiller rapporteur et lavis de lavocat gnral2. La simple comparaison de ces lments avec larrt prononc, permet dapprhender aisment la problmatique du pourvoi, les solutions envisageables et les lments pris en compte par la Cour de cassation dans le choix de la solution. Mais cet effort de transparence ne semble pas devoir aller jusqu transformer la nature de la mission de la Cour qui lui permet de faire voluer la jurisprudence en fonction des mutations de la socit telles que prises en compte par les dcisions des juges du fond. Le lecteur, ignorant souvent tout de la technique de rdaction dun arrt de la Cour de cassation, risque de linterprter inexactement. Afin dviter de faire dire un arrt plus que ce quil comporte, il convient de rappeler les limites dans lesquelles la dcision de cassation sinsre.

Sur Jurinet, les moyens sont accessibles par licne en tte de larrt cot de la mention texte de la dcision et sont placs aprs le texte de larrt. Le rapport objectif et les conclusions de lavocat gnral sont accessibles par les icnes places au pied de larrt, cot des noms du rapporteur et de lavocat gnral.

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4 La Cour de cassation na aucune possibilit dauto-saisine dune affaire qui reste la chose des parties. Ds lors, le lecteur devra tre attentif trois paramtres qui dfiniront les limites du champ dintervention de la Cour : - Les parties : Ne peuvent se pourvoi que les parties la dcision critique et qui y ont intrt (article 609 CPC). - Les griefs : Ne seront examins que les chefs du dispositif de la dcision attaque expressment critiqus par le pourvoi. Les chefs de dispositif non viss par les moyens, ne seront pas atteints par une ventuelle cassation, sauf sils sont la suite logique et ncessaire dun chef de dispositif cass. - Les moyens : La Cour de cassation ne statuera, selon ladage classique, que sur Le moyen, rien que le moyen, mais tout le moyen, do la ncessit de prendre connaissance des moyens prsents pour mesurer la porte dun arrt de la Cour. En effet aux termes de larticle 624 du code de procdure civile, la censure qui sattache un arrt de cassation est limite la porte du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas dindivisibilit ou de dpendance ncessaire. Si la Cour de cassation, comme elle en a la possibilit, sous rserve du respect du principe de la contradiction (article 1015 CPC), relve un moyen doffice ou rejette un pourvoi par substitution dun motif de pur droit relev doffice un motif erron, cet lment sera ncessairement mentionn dans la dcision elle mme et donc, le lecteur en sera inform. Il rsulte des limites du champ de la saisine de la Cour de cassation, que contrairement ce qui est parfois peru, un arrt de rejet na pas ncessairement pour effet une totale approbation par la Cour de cassation de la dcision attaque. En effet, si les moyens nont pas vis certains chefs du dispositif ainsi que les motifs qui les justifient, la Cour na pas eu les analyser ni, par voie de consquence, se prononcer sur leur pertinence. De la mme faon, une cassation intervenue sur un moyen contestant, par exemple, la recevabilit dun appel ne prjuge en rien de la valeur de la dmonstration juridique au fond de larrt attaqu. En effet, certains moyens sont ncessairement pralables lanalyse des moyens de fond, tels que les moyens invoquant la violation du principe de la contradiction (article 16 CPC) ou des rgles de procdure comme la validit de lordonnance de clture. Une cassation sur de tels moyens interdit lexamen des autres moyens sur lesquels la Cour ne se prononce pas. Lexigence du raisonnement logique impose, comme devant les juridictions du fond, lexamen des moyens dans un certain ordre ( recevabilit avant le fond, principe de responsabilit avant lindemnisation du prjudice qui est ncessairement pralable lexamen des moyens portant sur les appels en garantie etc...). Ds lors quun de ces moyen est accueilli, il interdit lexamen des moyens qui, en pure logique, ne portent que sur une consquence du chef de dispositif cass. Cette situation sexprimera par lindication juste avant le dispositif de la formule: Par ces motifs et sans quil y ait lieu de statuer sur les autres moyens ....

5 Les moyens sont, en gnral, dcomposs en branches qui correspondent aux diffrents angles dattaque que le demandeur au pourvoi a trouvs pour contester le chef de dispositif attaqu par le moyen : ainsi, une condamnation payer une certaine somme peut tre critique sur le fondement de la violation de larticle 1382 du code civil (1re branche), mais aussi pour manque de base lgale au regard de cet article 1382, faute, par exemple, davoir caractris le lien de causalit entre la faute et le dommage (2/ branche), pour dfaut de rponse des conclusions qui contestaient la ralit du dommage (3/ branche) etc.... Pour quun moyen soit rejet, il faut que la Cour examine chacune des branches prsentes et les rejette toutes. Si la critique dune branche est fonde, la Cour naura pas statuer sur les autres branches du moyen sauf sil est possible dcarter la branche pertinente en retenant que les motifs critiqus ne sont pas le seul fondement de la dcision attaque qui peut tre sauve par un autre motif non contest, ce qui sexprime par une formule du type : abstraction faite dun motif erron mais surabondant.... Cette logique, inhrente la dcision de cassation, trouve sa traduction dans la construction mme des arrts (cf. infra). b) Les difficults tenant la politique et la pratique judiciaire du traitement des pourvois Il est galement des causes de difficults de comprhension du sens et de la porte des arrts qui tiennent aux choix des parties et de leurs conseils, ainsi qu la politique judiciaire au sens large et aux intrts contradictoires concilier. On entend frquemment dire : pourquoi n*y a-t-il pas davantage d*arrts de principe? C*est dabord parce que les pourvois n*en donnent pas toujours la possibilit car les moyens dits disciplinaires (cf infra) constituent une majorit des pourvois, et ensuite parce que la rigidit d*un arrt de principe et l*ampleur, difficile cerner, de ses consquences ont, de tout temps, incit la Cour de cassation la prudence: La scurit juridique qui est la premire mission de la Cour conduit privilgier des volutions petit pas, plutt que des revirements spectaculaires dont lapplication aux affaires en cours pose de redoutables questions comme la montr le rapport du professeur Molfessis sur les revirements de jurisprudence (Litec 2005). La Cour a nanmoins eu loccasion de mettre en oeuvre le fruit de ces rflexions dans un arrt de la deuxime chambre civile du 8 juillet 2004, (Bull 387) puis dans un arrt dassemble plnire (Ass plen 21 dcembre 2006 Bull n/15). S*y ajoute le fait que les rejets d*espce dits de sauvetage, dnus de vritable porte juridique et dont le nombre a tendance s*accrotre, rvlent l*hsitation et les scrupules de la Cour suprme devant les effets dilatoires et souvent dplorables des cassations de dcisions qui, pour tre imparfaitement motives, n*en sont pas moins pertinentes quant la solution apporte. Comme le disait Mme le doyen Fossereau, la Cour de Cassation rejette les pourvois deux fois plus qu*elle

6 ne les accueille en cassant et c*est heureux, mais elle rend des arrts d*espce plus que de principe et c*est dommage. Ensuite, la Cour de cassation est ncessairement amene regrouper lexamen de certains pourvois. Comme devant toutes les juridictions, un pourvoi qualifi de principal peut entraner, de la part du dfendeur une rplique sous forme de pourvoi incident ou provoqu(614 CPC). La Cour choisira de rpondre ces diffrents pourvois et aux diffrents moyens quils comportent dans un ordre procdant de la simple logique juridique3. Il existe galement des cas de connexit qui conduisent la Cour joindre des pourvois et rpondre par un seul arrt lorsque la mme dcision est frappe de diffrents pourvois par des parties diffrentes4. Mais il est galement possible que certains moyens visent un arrt avant dire droit et dautres larrt au fond, ou que certains moyens critiquent un arrt ayant fait lobjet dun arrt rectificatif, lui mme critiqu5.Dans ces cas, la Cour ne rendra quun seul arrt. Par ailleurs, la Cour de Cassation, par la force des choses, est compose de plusieurs chambres et il ne peut tre recouru tout instant aux chambres mixtes. Or, les chambres gardent une certaine autonomie compte tenu de leur spcialisation ce qui a justifi, ces dernires annes, la mise en place de procdures internes pour limiter autant quil est possible les divergences de jurisprudence entre les chambres. Nanmoins, lorsque plusieurs chambres sont conduites traiter de la mme question, il est assez frquent que le mcanisme de consultation officielle de lautre chambre soit mis en oeuvre conformment aux dispositions de larticle 1015-1 du code de procdure civile. Dans ce cas, lindication de la consultation figure en tte de la rponse de la Cour et donne au lecteur la certitude de laccord des chambres sur la doctrine ainsi exprime qui devient ainsi celle de la Cour toute entire ( Civ. 2, 14 fvrier 2008, Bull 36). Certaines dispositions purement matrielles, qui paraissent une vidence pour les praticiens de la cassation, doivent tre explicites telles que lindication, en haut et droite, sur la minute de chaque arrt, de son mode de diffusion. Pour identifier le type de publication qui est dcid au terme du dlibr des chambres et qui correspond limportance que la chambre accorde la dcision quelle vient darrter, les arrts mentionnent des lettres suivantes dont il faut connatre la

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Com 10 fvrier 2009,(pourvoi 07 20445)

Soc, 4 mars 2009 (pourvois 07 45 291 et 07 45 295), Com, 3 mars 2009 (pourvois 08 13 767 et 08 14346) Civ 3, 11 mars 2009(pourvois 08 10 733, 08 11 859 et 08 11 897) Civ 2, 22 janvier 2009 (pourvois 07 20 878 et 08 10 392)5

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7 signification: D = Diffusion sur la base de la Cour mais sans publication. Ce sont les arrts qui, pour les chambres, napportent rien la doctrine de la Cour de cassation. Ils sont frquemment qualifis darrts despce, mme si une telle analyse na gure sa place pour un arrt de la Cour qui ne rpond qu des moyens de droit. B = Publication au Bulletin dInformation de la Cour de Cassation (BICC diffus tous les 15 jours tous les magistrats) comportant le sommaire des arrts qui seront publis, et dont la Cour estime ncessaire de porter rapidement la solution la connaissance des magistrats du fond. Le sommaire des arrts est labor au sein de la chambre qui a rendu la dcision et tend dgager ce quapporte larrt la doctrine de la Cour. Le lecteur avis ne doit en aucun cas se contenter de la lecture du sommaire dont la concision peut conduire des interprtations errones, mais doit absolument se reporter larrt lui mme connaissance prise des moyens auxquels il est rpondu. P = Publication au Bulletin de la Cour de Cassation dit dsormais uniquement en version numrique. Ce sont les arrts qui ont une porte doctrinale, soit par la nouveaut de la solution, soit par une volution de linterprtation dun texte au regard de la jurisprudence antrieure, soit enfin par ce que la Cour na pas publi cette solution depuis longtemps (une dizaine dannes) et quelle entend manifester la constance de sa position. I = Diffus sur le site internet de la Cour de Cassation : Il sagit des arrts qui, de lavis de la chambre, prsentent un intrt pour le grand public soit parce quil sagit dune question de socit ou parce que la solution a des incidences pratique videntes pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Ils sont parfois assortis dun communiqu qui en prcise la porte. R = Ce sont les arrts dont la porte doctrinale est la plus forte. Ils sont analyss au rapport annuel de la Cour de Cassation qui permet lactualisation, en lger diffr, de lessentiel de lvolution de la jurisprudence de la Cour. Ces indications relatives au niveau de publication des arrts se retrouvent sur Jurinet en tte des dcisions, lexception de lindication de la mise sur internet. Les arrts publis au bulletin disposent dun sommaire dit en italiques avant larrt, et la publication au rapport annuel est indique avec un lien direct avec ce rapport quand il est imprim.

Comprendre la nature du contrle exerc par la Cour de cassation Il rsulte des articles L 411-1 et L 411-2 du code de lorganisation judiciaire, que la mission essentielle de la Cour de cassation est dassurer lunit de linterprtation de la loi sur tout le territoire de la Rpublique sans connatre le fond des affaires, afin dassurer lgalit des citoyens

8 devant la loi. La distinction du fait et du droit apparat a priori comme une vidence, comme un principe simple: la Cour de cassation contrle lapplication uniforme du droit et laisse aux juges du fond lanalyse des faits. Cette distinction est plus complexe quil ny parat et la lecture attentive des arrts permet de comprendre limportance et les modalits de ce contrle qui dtermine la libert daction des juges du fond. La problmatique du contrle: Sur le principe du contrle, certains soutiennent que la Cour ne pourrait pas exercer un contrle nuanc: elle devrait contrler toutes les notions juridiques mais ne pourrait pas contrler ce qui touche aux faits souverainement apprcis par les juges du fond. Les tenants de cette position considrent que lon doit apprcier un contrle son effet (la cassation) et non sa forme ou son expression. Ils contestent donc le principe mme dun contrle modul. Dautres tentent de distinguer le contrle de forme (de procdure), du contrle logique (vice de motivation y compris la dnaturation) du contrle normatif (qui porte sur ce qui a t dcid au fond). Cette distinction sduisante, ne semble pas pertinente puisquil ny a pas de hirarchie entre les lois de procdure et celles de fond. Les moyens dits disciplinaires, aussi irritants soient-ils, relvent du contrle de la Cour de cassation au mme titre que les moyens portant sur le fond du droit. La seule diffrence est que les contrles de forme ou de motivations sont tous de mme intensit, alors que le contrle normatif est le seul qui puisse revtir un niveau dintensit variable. Cette question du contrle est particulirement complexe et constitue un sujet dincertitudes que seule la connaissance des arrts les plus rcents de la Cour de cassation permet de lever. En effet le niveau de ces contrle nest pas constant mme si, sur le plan thorique, la Cour de cassation est consciente que trop contrler pervertirait sa mission. Lorsque lon entre dans la ralit des pourvois, il apparat parfois difficile de sen remettre lapprciation souveraine des juges du fond sous peine de renoncer au rle unificateur dinterprtation du droit de la Cour de cassation. Or, au fil du temps, la doctrine de la Cour de cassation peut voluer: ainsi lors de la promulgation dun nouveau texte, la tentation existe den contrler strictement les conditions dapplication, pour ensuite relcher le contrle. Une intervention de lassemble plnire peut modifier la nature du contrle: Ainsi la contestation srieuse en matire de rfr, dont le contrle abandonn par la premire chambre civile le 4 octobre 2000 (Bull. 2000, I, n/ 239) , a t rtabli par lassemble plnire le 16 novembre 2001 (Bull. 2001, Ass. pln., n/ 13) au motif prcisment que en statuant par ces motifs, qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrle sur l'existence d'une obligation non srieusement contestable, la cour d'appel n'a pas donn de base lgale sa dcision.

9 . Suivant les matires et les chambres, la mme notion peut tre contrle ou non: Ainsi en est-il de la faute qui, en matire de divorce nest pas contrle, mais qui fait lobjet dun contrle lger dans les autres contentieux. Lanalyse dune chambre peut galement varier dans le temps: Si la chambre sociale a longtemps considr que le harclement tait souverainement apprci par les juges du fond (Soc. 23 mai 2007, Bull 85)6, plusieurs arrts du 24 septembre 2008, dans le souci dharmoniser les solutions souvent disparates des juges du fond, ont instaur un contrle de qualification de cette notion (Soc. 24 septembre 2008, Bull.175) Qu'en se dterminant ainsi, sans tenir compte de l'ensemble des lments tablis par la salarie, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrle sur le point de savoir si les faits tablis n'taient pas de nature faire prsumer un harclement moral au sens des textes susviss. Les diffrents types de contrle: Les praticiens de la Cour de Cassation (magistrats et avocats aux Conseils) distinguent classiquement le contrle normatif, le contrle de motivation et le contrle appel par commodit disciplinaire qui tend une vritable galit des citoyens devant la justice en faisant assurer un contrle de qualit des dcision judiciaires par la Cour de cassation. I/ Le contrle normatif Le contrle normatif, ou contrle de fond, prsente quatre niveaux : - Labsence de contrle lorsque le juge dispose dun pouvoir discrtionnaire : le juge na mme pas besoin de motiver sa dcision: par exemple en application de larticle1244-1 code civil pour refuser daccorder des dlais de paiement, pour refuser de modrer une clause pnale ( 1152 du code civil), pour refuser une demande de sursis statuer, pour fixer la charge des dpens ou le montant des frais non compris dans les dpens. Dans ces cas les arrts mentionnent que le juge na fait quuser de son pouvoir discrtionnaire (Com 16 septembre 2008, pourvois 07 11 803 et 0712.160, , Civ 1, 11 fvrier 2009 pourvoi 08 11 337). - Le contrle restreint lexistence dune motivation compte tenu du pouvoir souverain des juges du fond : le juge du fond, ds lors quil motive, apprcie la ralit des faits, et ces faits simposent la Cour de cassation: par exemple, lvaluation du prjudice et des modalits de sa rparation. Les arrts font frquemment rfrence au pouvoir souverain des juges du fond ou

..la cour d'appel a constat, par une apprciation souveraine, que les messages crits adresss tlphoniquement la salarie le 24 aot 1998 et les autres lments de preuve soumis son examen tablissaient l'existence d'un harclement.

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10 leur apprciation souveraine des lments de fait : ( Civ 2 19 fvrier 2009, pourvoi 07-19.340)

...c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'apprciation des faits qui lui taient soumis que la cour d'appel a dcid que son attitude tait constitutive d'un abus de droit.- le contrle lger: Cest un contrle de lgalit qui intervient lorsque la cour dappel a tir une consquence juridique de ses constatations de fait qui tait possible mais qui aurait pu tre diffrente sans pour autant encourir la critique et ce contrle lger sexprime par une rponse au rejet selon laquelle le juge du fond a pu..... statuer comme il la fait : (Com. 17 fvrier 2009 pourvoi 07-20.458) que la cour d'appel a pu en dduire que ce comportement tait fautif et

devait entraner pour M. D. dcharge concurrence de la valeur des droits pouvant lui tre transmis par voie de subrogation ; que le moyen n'est pas fond.. - le contrle lourd : Il intervient lorsque la cour dappel ne pouvait, partir de ses constatations de fait, quaboutir la solution retenue sous peine de voir son arrt cass pour violation de la loi : les arrts de rejet utilisent alors des expression trs fortes telles que exactement, bon droit lorsque le juge a nonc pertinemment une rgle (Civ.2 19 fvrier 2009 pourvoi 08-11.888) : Mais attendu que l'arrt retient bon droit que ni l'indpendance du

service du contrle mdical vis--vis de la caisse ni les rserves mises par celle-ci sur le respect du secret mdical ne peuvent exonrer les parties la procdure du respect des principes d'un procs quitable. Le mot justement est utilis de prfrence lorsque le juge a correctement tir les consquences dun texte (Civ 1, 11 fvrier 2009, pourvoi 0716.993).

II/ Le contrle normatif de motivation : le manque de base lgale Le deuxime type de contrle est la fois normatif et pdagogique et sexprime dans les cassations pour manque de base lgale : Dans ce cas, il est fait reproche aux juges du fond de navoir pas caractris tous les lments permettant la Cour de cassation dexercer son contrle normatif. Un exemple classique est pris des lments de la responsabilit civile ( faute, dommage et lien de causalit) qui doivent tre caractriss faute de quoi la dcision naura pas la base lgale qui est contrle par la Cour de cassation. Dans une telle hypothse, la dcision est peut tre excellente, mais la motivation est insuffisante en ce quelle fait limpasse sur des faits qui sont indispensables lapplication de la rgle de droit. Cest en ce sens que les cassations pour manque de base lgale ont une vocation pdagogique pour tous les juges et la cour dappel de renvoi pourra reprendre la mme solution ds lors quelle la motivera correctement. Ceci explique quil ne peut

11 y avoir de rbellion dune cour de renvoi aprs une cassation pour manque de base lgale. III/ Le contrle dit disciplinaire En dehors des contrles qualifis de normatifs, il existe galement ce que la pratique appelle improprement le contrle disciplinaire. Les moyens disciplinaires sont ceux qui n'ont d'autre but que de faire censurer la dcision attaque pour un vice de motivation, frquemment au visa des articles 455 et 458 du CPC et souvent, pour dfaut de rponse conclusions. Certaines de ces critiques formelles drivent de la mconnaissance des principes fondamentaux de la procdure, tels que la dtermination de lobjet du litige, le respect des droits de la dfense et du principe de la contradiction, la publicit des audiences, la communication des causes au ministre public, la composition des juridictions, ou la signature de la minute. Dans tous ces cas, la Cour de cassation ne censure pas les juges du fond pour avoir mal jug en leur dispositif, mais elle censure la dcision pour sa mconnaissance des formes ou de la mthodologie lgales. La consquence dune cassation disciplinaire est que la juridiction de renvoi pourra reprendre son compte la mme solution, mais aprs avoir complt, amlior ou modifi la motivation, ou aprs s'tre conforme aux formalits requises. De la mme faon, le grief de dnaturation est gnralement considr comme un grief disciplinaire puisquil soutient que le juge a fait dire un crit clair autre chose que ce quil dit. La dnaturation dun crit ne sera sanctionne par une cassation que si lcrit est clair, car sil est ambigu, il appartient alors aux juges du fond de linterprter souverainement (Civ3, 11 fvrier 2009, pourvoi 07-19.211) Mais attendu que c'est par une interprtation souveraine, exclusive de dnaturation , que l'ambigut des termes de la clause dite "rserve du privilge du vendeur et de l'action rsolutoire" rendait ncessaire, que la cour d'appel a retenu que l'exception d'irrecevabilit prsente par Mme H. devait tre rejete. Il convient dattirer lattention du lecteur sur la diffrence essentielle entre le manque de base lgale qui sanctionne une insuffisance de motivation touchant au fond du droit et le dfaut de motifs qui sanctionne une absence de motivation7 et qui trouve sa source non seulement des dispositions trs claires du droit interne, mais aussi de la Convention europenne des droits de

Ou une motivation incertaine, hypothtique, dubitative, contradictoire ou inintelligible (Civ 1, 30 septembre 2008 pourvoi 07 17 163), toutes situations qui reviennent une vritable absence de motif utiles.

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12 lhomme et de linterprtation quen a donn la Cour europenne de Strasbourg8. Si un chef de dispositif de la dcision attaque nest pas fond sur un motif de la dcision qui le justifie ou un motif adopt de la dcision des premiers juges qui est confirme, la cassation interviendra pour violation de larticle 455 (et ventuellement 458) du code de procdure civile qui impose la motivation des jugements. Pour quil y ait un manque de base lgale, il faut que la dcision soit motive, mais que les motifs soient insuffisants pour la justifier en droit. La diffrence entre ces deux cas douverture cassation nest donc pas une diffrence de degr, mais une diffrence de nature car le dfaut de motifs est un vice de forme de larrt alors que le manque de base lgale est un vice de fond. A la lumire de cette analyse des trois types de contrles exercs par la Cour de cassation, quelques exemples permettent de comprendre comment la Cour contrle les dcisions des juges du fond, mais videmment dans la limite des moyens prsents par les parties: - Les faits sont toujours souverainement apprcis par le juge du fond qui doit seulement motiver sa dcision (Civ 2, 5 mars 2009, pourvoi 06-20 994). Toutefois le respect des rgles de preuve de ces faits, et notamment de la charge de la preuve, est videmment contrl car il sagit dune question de droit (Civ 1, 3 dcembre 2008, pourvoi 08-10 718). Les motivations portant sur un tat psychologique, ou sur une apprciation quantitative non rglemente telles que loccupation insuffisante dun local, le montant dune provision, la valeur dune exploitation agricole, la part contributive dun poux aux charges du mariage ne sont pas contrls. - La qualification des faits est en principe contrle car elle correspond la mission essentielle du juge du fond. Mais ce principe est tempr lorsque certaines qualifications sont trs imprgnes de fait et quun contrle, mme lger, serait inopportun: Si la faute fait en principe lobjet dun contrle lger9, elle est souverainement apprcie par les juges du fond en matire de divorce car dans cette matire trs sensible, la Cour prfre laisser les juges du fond apprcier souverainement la faute des conjoints. Lala en matire dassurance nest plus contrl depuis un arrt de la premire chambre civile du 20 juin 2000 (Bull 189). Le trouble manifestement illicite,8

Article 455 du code de procdure civile aux termes duquel le jugement doit tre motiv et CEDH (Garcia Ruiz c. Espagne, 21 janvier 1999, req; n/ 30544/96): La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante refltant un principe li la bonne administration de la justice, les dcisions judiciaires doivent indiquer de manire suffisante les motifs sur lesquels elles se fondent. Ltendue de ce devoir peut varier selon la nature de la dcision et doit sanalyser la lumire des circonstances de chaque espce. ( 26). Il faut rappeler cet gard lexigence de motivation de la faute lorsque les juges du fond sanctionnent un abus du droit dagir en justice pour viter de regrettables cassations pour absence de motivation de ce chef (Civ 3 25 fvrier 2009 , pourvoi 08 10 280).9

13 en matire de rfr, fait au contraire, lobjet dun contrle lger la suite dun arrt dassemble plnire du 28 juin 1996( Bull. AP n/ 6) qui est revenu sur les dcisions de lassemble plnire du 4 juillet 1986 (Bull AP 11)10 et celles postrieures de la deuxime chambre civile qui privilgiaient la notion de trouble (question de pur fait) sur le manifestement illicite (question de droit mais qui doit tre vidente 25 octobre 1995 Bull 255). - Les consquences juridiques de la qualification des faits retenus sont toujours contrles. A titre dexemple, un arrt de la 3/ chambre civile du 13 juillet 2005 (Bull 155) montre la diversit des contrles auxquels peut procder la Cour et la richesse des enseignements que lon peut tirer dun arrt de la Cour lorsque lon prend soin de lanalyser: On y trouve successivement : 1/un contrle normatif sur larticle 606 du code civil, 2/une apprciation souveraine de certains faits, et 3/un contrle lourd sur le raisonnement de la cour dappel compte tenu de la pertinence des prmisses : Mais attendu qu'ayant relev,(1) bon droit, qu'au sens de l'article 606 du Code civil, les rparations d'entretien sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon tat de l'immeuble tandis que les grosses rparations intressent l'immeuble dans sa structure et sa solidit gnrale, et (2)souverainement retenu, par motifs propres et adopts, que les dsordres taient dus des dispositions constructives inadquates et que les travaux de remise en tat de l'immeuble aprs les inondations, les travaux qui tendaient empcher ou limiter le risque d'inondation, les travaux de mise en conformit de toitures et de rfection de l'installation lectrique, la reprise de la fuite d'eau en cave, la rparation d'une canalisation dtruite par le gel en raison d'un manque de calorifugeage et la remise en tat de la couverture de l'appentis concernaient la structure et la prservation de l'immeuble, la cour d'appel (3) en a exactement dduit que ces travaux taient imputables au propritaire ds lors que le contrat de bail mettait la charge du locataire les rparations locatives ou d'entretien l'exception des grosses rparations vises par l'article 606 du Code civil ; D'o il suit que le moyen n'est pas fond ;. La claire perception par les juges du fond de la nature du contrle tel quexerc actuellement par la Cour de cassation semblerait de nature permettre dviter, grce une motivation adquate, des cassation inutiles.

La formulation du contrle dans les arrts de la Cour de cassation

Mais attendu que si la grve est licite dans son principe en cas de revendications professionnelles, il appartient au juge des rfrs d'apprcier souverainement si elle n'entrane pas un trouble manifestement illicite ;.....

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Les prcisions qui suivent ont pour objet de faciliter la comprhension des subtilits terminologiques habituellement appliques par les chambres civiles de la Cour de cassation, mme sil peut exister des dcisions qui sen cartent. 1/ Dans les arrts de rejet : Au regard des motifs de la dcision attaque, le terme : a nonc.... implique la reproduction exacte des termes de la dcision attaque et napporte aucune prcision sur le contrle. a constat... correspond une apprciation souveraine des faits par les juges du fond: lindication de labsence de contrle des faits procde de lusage mme de ce mot: un constat est ncessairement du fait. a relev... porte plutt sur des considrations et circonstances de fait a retenu... correspond plutt une apprciation de fait ayant une incidence dordre juridique. Mais dans la rdaction, lun de ces deux derniers verbes (relev et retenu) est parfois utilis dune faon moins prcise afin dviter une rptition. Cependant ces verbes relev, retenu, jug ou dcid ne dterminent pas, par eux mme, la nature du contrle exerc par la Cour de cassation : en effet, ils peuvent correspondre -soit une apprciation souveraine des juges du fond. Ils sont alors frquemment prcds de lindication a souverainement relev..., a souverainement retenu....,a souverainement dcid...., et la seule mention a relev, a retenu, a dcid sous entend une absence de contrle puisque cette formulation ne contient aucune critique et implique la souverainet des juges du fond. -soit lexpression dun contrle qui est alors indiqu de la faon suivante: *Contrle lger : a pu retenir,....a pu en dduire...a pu dcider que .... *Contrle lourd: a exactement retenu...., en a exactement dduit... ou a retenu bon droit.... en a dduit bon droit......a dcid bon droit..... 2/ Dans les arrts de cassation : Par hypothse, si une cassation est prononce, cest que larrt attaqu prsentait un vice faisant lobjet dun moyen pertinent, sur une question qui fait lobjet dun contrle de la Cour de cassation. Lexpression de ce contrle se trouvera dans ce que lon appelle le conclusif de larrt, cest dire dans le dernier alina de larrt qui exprime la doctrine de la Cour de cassation et qui dbute par quen statuant ainsi .... pour la violation de la loi ou par quen se dterminant ainsi.....pour le manque de base lgale. Le contrle normatif pour violation de la loi se concrtise la fin du conclusif par lexpression la cour dappel a viol le texte susvis;(Ass. Plen. 13 mars 2009).

15 Le contrle de motivation normatif et pdagogique sexprime par la formule la cour dappel na pas donn de base lgale sa dcision;(Ch. mixte, 20 juin 2003, Bull. 2003, Bull n/ 4). Le contrle disciplinaire, lorsquil correspond une violation dun texte, sexprime comme le contrle normatif puisquun texte simposant au juge a t viol. Lorsquil sagit de la violation des articles 455 et 458 du CPC qui exigent que le juge motive sa dcision, le conclusif se termine, en gnral, par la formule quen statuant ainsi, la cour dappel na pas satisfait aux exigences du texte susvis;(Civ 3, 26 novembre 2008, Bull 188).

Comment sont construits les arrts de la Cour de cassation? Pour lire aisment les arrts de la Cour de cassation, il convient de connatre leur structure qui est fonde sur un syllogisme rigoureux. Structure dun arrt de rejet Le syllogisme dun arrt de rejet se prsente ainsi : - Chef de dispositif de la dcision attaque critiqu - Moyens exposant les raisons juridiques de la critique - Rfutation par la Cour de cassation de ces critiques Il existe deux principaux types darrts de rejet du pourvoi : 1/ Les arrts dits en formule dveloppe sont les arrts de rejet, tels quils sont publis au bulletin, qui ont suscit un dbat la chambre et qui apportent quelque chose la doctrine de la Cour de cassation. Ils comportent un expos des faits, la reproduction des moyens, et la rponse de la Cour de cassation conduisant au rejet du pourvoi. - Lexpos des faits ne contient que les lments rsultant de larrt attaqu et ventuellement du jugement sil est confirm. Cest la raison pour laquelle lexpos des faits est introduit par lexpression Attendu selon larrt attaqu... pour bien marquer que cette analyse des faits nest pas celle de la Cour de cassation dont ce nest pas la mission, mais celle des juges du fond. Sont limins de cet expos tous les lments factuels qui ne seraient pas ncessaires la comprhension des moyens et de la rponse de la Cour de cassation. Les juges du fond ne doivent donc pas stonner de ne pas retrouver dans larrt de la Cour de cassation tous les faits du procs quils ont eu juger. Il se termine souvent par lindication de lobjet de lassignation et de la situation procdurale des parties.

16 - Larrt se poursuit par lindication du chef de dispositif attaqu par le moyen: il nest pas ncessairement intgralement reproduit et est souvent simplement mentionn par une formulation du genre :M. X... fait grief larrt de le dbouter de sa demande ( ou daccueillir la demande de M. Y), ds lors que la fin de lexpos des faits a prcis la situation des parties11. - Une fois le grief prcis, le moyen est introduit par la formule : alors selon le moyen que..... Cest le moyen tel que formul par lavocat aux Conseils qui est reproduit en caractres typographiques italiques sur la minute de larrt et sur la publication au bulletin, chaque branche tant numrote. Sagissant du texte tabli par le conseil dune partie, il nappartient pas la Cour de cassation de le modifier, quelques soient ses ventuelles imperfections. - La rponse au rejet de la Cour de cassation sexprime, en principe, par une seule phrase puisquelle est la rponse un moyen qui vient dtre reproduit, et est introduite par Mais attendu..... ds lors que largumentation du moyen est rfute grce aux motifs pertinents repris de la dcision attaque. En effet, sauf les cas rares o la Cour substitue un motif de pur droit aux motifs de la cour dappel (article 620 CPC), la Cour de cassation doit trouver dans les motifs de la dcision attaque, ou, si larrt est confirmatif, dans les motifs prsums adopts des premiers juges, les lments ncessaires la rfutation de toutes les branches du moyen12. La doctrine de la Cour de cassation qui sexprime par la reprise formelle des motifs des juges du fond, montre bien limportance majeure de la motivation juridique des dcisions des juges du fond, quils soient du second degr ou du premier valids la suite dune confirmation du jugement en appel. Cette observation est dautant plus importante que la Cour veille ne pas rcrire les dcisions attaques dont la prcision terminologique, voire grammaticale, laisse parfois dsirer ce qui est imput ensuite, bien tort, la Cour de cassation. Lorsque larrt attaqu comporte un mot impropre que la Cour de cassation vite dutiliser, le mot est mis entre guillemets afin de bien marquer ses rserves sur cette expression impropre (par exemple: compromis de vente au lieu de promesse de vente13). Il appartient au lecteur avis de tirer, pour lavenir, les consquences de cette invitation

Il semble inutile dalourdir la rdaction en mentionnant par exemple que M. X... fait grief larrt de le condamner payer 3.000.000 i de dommages- intrts avec intrts compter de la demande sauf, bien entendu, si le moyen porte sur le point de dpart des intrts. Ainsi dans un mme arrt, un moyen peut tre rejet grce des motifs propres de larrt attaqu et un autre moyen rejet grce aux motifs adopts des premiers juges(Civ 3, 18 juin 2008, Bull 105). Attendu,.... qu'en l'absence de clause de caducit sanctionnant de plein droit le non respect du terme prvu pour la ritration de la vente , "le compromis " prvoyait que pass ce dlai, huit jours aprs la rception d'une lettre recommande avec accus de rception adresse par la partie la plus diligente sommant l'autre de s'excuter et demeure sans effet, l'acqureur aurait la possibilit de contraindre le vendeur par toute voie de droit, que M. Brun13 12

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17 discrte veiller la prcision terminologique. Afin dviter de trop alourdir le style mais dans le souci dcarter chaque branche du moyen, la rponse contient de nombreuses incidentes telles que :sans dnaturation, sans violer lautorit de la chose juge, abstraction faite dun motif erron mais surabondant, rpondant aux conclusions, sans tre tenue de rpondre des conclusions que ses constatations rendaient inoprantes etc.... Cest pourquoi, pour bien comprendre lintgralit dune rponse au rejet, il convient de confronter chaque lment de la rponse, avec les branches du moyen et les motifs contests de larrt. Cependant, ainsi que nous lavons vu, lessentiel et lintrt dune rponse au rejet ne rside videmment pas dans ces incidentes, mais dans la partie de la rponse dans laquelle la Cour reprend les motifs de la dcision attaque en les assortissant de lindication du contrle quelle entend exercer. Si la Cour de cassation entend matrialiser limportance doctrinale dun arrt de rejet, elle introduira dans sa rponse ce que la pratique appelle un chapeau intrieur. Ce chapeau intrieur correspond la formulation abstraite dune interprtation prtorienne de la rgle de droit et est le pendant, pour un arrt de rejet, du conclusif dun arrt de cassation pour violation de la loi. Ce chapeau intrieur est plac en tte de la rponse de la Cour. Il est suivi immdiatement, de la constatation que la dcision attaque a fait une correcte application du principe ainsi nonc (Chambre mixte 28 novembre 2008, pourvoi 06 12307),. Lorsque lassemble plnire, runie la suite dune rbellion dune cour dappel de renvoi, revient sur la doctrine de la Cour de cassation et adopte la position de la seconde cour dappel, elle rejette frquemment le pourvoi en formulant la nouvelle doctrine de la Cour sous forme dun chapeau intrieur (Ass. Plen. 9 mai 2008, Bull. 2008, Ass. Pln., n/ 3). 2/ Les autres arrts de rejet nont aucune porte normative et sont le plus souvent examins par une formation trois magistrats ds lors que la solution simpose conformment aux dispositions de larticle L 431-1 du code de lorganisation judiciaire. Un tel arrt habituellement qualifi darrt rdig en formule abrge, ne contient pas dexpos des faits et ne reproduit pas les moyens. Il se contente de formuler la rponse de la Cour de cassation et les moyens sont simplement annexs la dcision. Les seules consquences qui peuvent tre tires de ce type darrt, sont, soit que larrt attaqu tait conforme la doctrine de la Cour, soit que les moyens ntaient pas efficaces comme contestant une apprciation souveraine des juges du fond. Il faut prciser ici que, lorsque la Cour rpond quun moyen manque en fait, cette expression signifie simplement que le moyen fait dire larrt quil attaque autre chose que ce quil contient: cest donc avait somm l'acqureur par lettre recommande du 1er juin 2005, laquelle avait le 2 juin 2005 ritr sa volont d'acqurir, la cour d'appel, sans dnaturation, en a exactement dduit que la vente intervenue le 16 septembre 2003 tait parfaite ; ( Civ 3, 16 dcembre 2008 pourvoi 07 21 779).

18 le moyen, qui par inadvertance ou dlibrment, affirme une inexactitude qui est sanctionne par le rejet du moyen (Civ 3, 27 janvier 2009, pourvoi 08 11 401). 3/ Enfin, mention doit tre faite des dcisions de non admission des pourvois qui reprsentent actuellement environ 30% du volume des affaires civiles. Les dcisions de non admission, qui ne sont pas vritablement des arrts puisquelles ne comportent aucune rponse de la Cour si ce nest le visa de larticle 1014 du code de procdure civile, ont les effets dun arrt de rejet mais sans aucune porte normative. La non admission peut tre fonde sur lirrecevabilit vidente du pourvoi ou sur labsence de moyen srieux de cassation. Une dcision de non admission exprime plus la faiblesse des moyens (ou de certains moyens) prsents que la valeur de larrt attaqu ( Civ 3, 10 mars 2009, pourvoi 07 20 671). Il va de soi que ces diffrentes rponses de la Cour de cassation peuvent se combiner en fonction de la pertinence des diffrents moyens prsents loccasion dun pourvoi. Structure dun arrt de cassation Le syllogisme dun arrt de cassation se prsente ainsi : - La rgle est celle-ci (le visa et le chapeau) - La juridiction du fond a dit cela - En statuant ainsi elle a viol la rgle (le conclusif) Cest pourquoi un arrt de cassation se dcompose de la faon suivante : Il dbute par le visa de la rgle de droit sur laquelle la cassation est fonde ( article 1020 du CPC), ce qui sexprime par un visa du ou des textes en cause, ou le cas chant, dun principe gnral du droit reconnu par la Cour14. Si le texte est codifi, le numro de larticle est mentionn, suivi du titre du code :Vu larticle 1382 du code civil. Si plusieurs textes sont le support direct de la cassation, il sont relis par la conjonction de coordination et (Ass. pln., 9 juillet 2004, Bull. 2004, Ass. pln., n/ 11, p 25). Si un texte est le support direct de la cassation et quun autre texte apparat ncessaire dans la situation particulire, cet autre texte est prcd de lexpression ensemble (Ass. pln., 24 juin 2005, Bull. 2005, Ass. pln., n/ 7, p. 16) : Aprs ce visa, est nonce la rgle de droit lui correspondant: cest le chapeau ainsi appel Le professeur Morvan en a identifi 96 tels que le principe du respect des droits de la dfense, le principe selon lequel nul ne doit causer autrui des troubles anormaux du voisinage ou le principe fondamental en droit du travail, selon lequel, en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salaris qui doit recevoir application( Le principe de droit priv Ed Panthon-Assas 1999).14

19 parce quil coiffe larrt et qui est, en principe, la reproduction du texte vis. Lorsque le texte est long et complexe, la Cour en fait parfois la synthse matrialise par une formule du genre Attendu quil rsulte de ce texte que .... ou Attendu selon ces texte...... Pour les texte trs connus ( articles 4, 16 et 455 du CPC, 1134, 1382, 1384 , 1792 du code civil) lhabitude a t prise de se dispenser du chapeau, ainsi que pour les cassations pour manque de base lgale. Les textes introduits dans le visa par le mot ensemble ne sont pas reproduits dans le chapeau qui ne reprend que le texte principal, fondement de la cassation. De nombreux textes comportent des renvois en rendant la comprhension difficile : ...viss au troisime alina de larticle 5 du chapitre 6 du livre II du code....: une telle numration incomprhensible est alors remplace par lobjet quelle concerne. Lexpos objectif des seuls faits constants qui sont ncessaires la comprhension de larrt se situe soit aprs le chapeau, soit en tte de larrt lorsquil y a plusieurs moyens auxquels il convient de rpondre. Larrt mentionne ensuite le grief fait la dcision attaque Attendu que pour accueillir (ou pour rejeter) la demande, larrt retient....., suivent les motifs errons qui fondent la dcision et qui, parce quils ne sont pas pertinents, vont conduire la cassation. Larrt se termine par le conclusif, seul texte qui exprime la doctrine de la Cour de cassation qui boucle le raisonnement en retenant: quen statuant ainsi la cour dappel a viol le texte susvis (Ch. mixte, 25 octobre 2004, Bull. 2004, Ch. mixte, n/ 3, p. 6), ou quen se dterminant ainsi, la cour dappel na pas donn de base lgale sa dcision lorsque la cassation intervient pour manque de base lgale ( Civ. 2, 19 fvrier 2009, pourvoi 07-18.039). Afin de faciliter la comprhension de son arrt, la Cour complte frquemment le conclusif dun lment dexplication qui se traduit, pour les cassations pour violation de la loi, par la formule quen statuant ainsi alors que ..... (Ass Pln. 27 fvrier 2009 pourvoi 07 19841 ) et pour les manque de base lgale, en indiquant la nature du vice de motivation retenu tel quesans rechercher...; sans caractriser... afin de la cour dappel de renvoi sache exactement ce quelle doit faire et quavait omis la premire cour dappel (Com. 10 fvrier 2009 pourvoi 07 20445). Il arrive parfois que linterprtation de la rgle se trouve dans le chapeau notamment lorsque le chapeau tant introduit par une formule du genre Attendu quil rsulte de ces textes..., ne se contente pas de formuler une synthse neutre des textes mentionns au visa, mais prcise linterprtation que donne la Cour de cassation de ces textes (Civ 1, 16 avril 2008 Bull 114). Une telle prsentation, plus percutante, est parfois critique comme constituant une anomalie mthodologique car la Cour de cassation srige alors en pseudo-lgislateur en affirmant demble une interprtation prtorienne, alors que cette affirmation doit, dans un processus judiciaire normal, tre le rsultat dun raisonnement dductif.

20 Le lecteur doit tre attentif au visa et au contenu du chapeau au regard du conclusif de larrt car une cassation peut intervenir dans deux hypothses: soit parce que la cour dappel a refus dappliquer un texte, soit parce quelle a appliqu un texte alors quil ntait pas applicable. -Si la cassation correspond un refus dapplication dun texte, le visa et le chapeau correspondront au texte qui aurait d tre appliqu et qui ne la pas t. Le conclusif indiquera, lorsque la formule traditionnelle quen statuant ainsi la cour dappel a viol le texte susvis ne suffit pas la comprhension de la cassation, pourquoi le texte aurait d tre appliqu grce une incidente introduite par alors que .... (Civ 1, 18 fvrier 2009 pourvoi 07-21.262 ). - Si la cassation intervient pour fausse application, le visa et le chapeau correspondront au texte que larrt attaqu a appliqu inexactement et cest le conclusif qui permettra de savoir la raison pour laquelle le texte vis ntait pas applicable. Dans ce cas galement, le conclusif sera souvent complt dune prcision introduite par alors que .... (Soc 3 mars 2009, pourvoi 07-44.794). Autrefois, les arrts de cassation prcisaient frquemment si la cassation intervenait pour refus dapplication ou pour fausse application. Ce type de prcision est aujourdhui plus rare dans la mesure o il est admis que la nature de la cassation doit se dduire logiquement du rapprochement du visa et du chapeau, avec le conclusif 15. . Comme dans toutes les dcisions judiciaires, le dispositif est introduit par la formule : Par ces motifs, qui est ventuellement complte de lindication destine purger sa saisine : et sans quil y ait lieu de statuer sur les autres moyens si la cassation rend sans porte certains moyens qui critiquent des chefs de dispositif dpendant de celui qui est cass (Ch. mixte, 3 fvrier 2006,Bull. n/1, p.1) ,). Si la cassation est totale, elle intervient en toutes ses dispositions (Ch. mixte, 3 fvrier 2006, Bull. n/1, p.1,). La cour de renvoi aura alors re-juger lintgralit de laffaire partir de la dcision du premier juge. Si elle est partielle, sa porte est prcise dans le dispositif :Deux formules sont possibles : Soit casse sauf en ce quil a ... (Ch. mixte, 16 dcembre 2005, Bull. 2005, Ch. mixte,n/ 9, p.19) soit casse mais seulement en ce quil a... (Ch. mixte, 23 novembre 2004, Bull. 2004, Ch. mixte, n/ 4, p. 9, arrt n/ 2). Le choix de la formule sera fonction de ce qui semble le plus clair pour permettre la cour dappel de renvoi de dterminer ce qui reste juger.

Comprendre la porte des arrts de cassation

Fausse application : Civ 1, 11 mars 2009, pourvoi 08 12 166, Refus dapplication : Civ 1, 11 mars 2009, pourvoi 08 13 390

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- Si la Cour de cassation rejette un pourvoi qui na fait lobjet que dun moyen sur un chef de dispositif, elle napprouve pas pour autant la solution donne sur les autres points puisquelle nen a pas t saisie. Cest pourquoi on trouve parfois dans les arrts des formule quayant retenu par un motif non critiqu...., ce qui permet de sauver larrt en rejetant ce moyen. -Si une cassation intervient, cest que larrt nest pas justifi par un autre motif qui permettrait la Cour de dire que le motif attaqu qui va entraner cette cassation est erron mais surabondant. - Si larrt attaqu se contente de confirmer le jugement, ce sont les chefs de dispositif du jugement qui servent de base larticulation des moyens. La Cour ne relve que rarement des moyens doffice de pur droit, mais lorsquelle le fait, elle le dit et mentionne quelle en a donn avis aux parties conformment larticle 1015 CPC ( Com. 17 fvrier 2009, pourvoi 07-17.711) . Donc, si la porte de la cassation semble ambigu, il faut revenir au dispositif de larrt et ventuellement du jugement, pour le rapprocher du grief fait larrt par le ou les moyens sur lesquels la cassation est fonde. Un gros effort a t fait par les chambres de la Cour pour prciser la porte de la cassation. Mais pour tre efficace cet effort doit tre partag : En effet comment tre prcis dans la porte de la cassation si le dispositif du jugement et celui de larrt sont gnraux ou se contentent de dbouter le plaideur sans avoir prcis, au pralable, trs prcisment quelles taient les demandes quil formulait ? Un arrt dassemble plnire du 13 mars 2009 (pourvoi n/ 08 16033) vient de rappeler que lautorit de la chose juge na lieu qu lgard de ce qui a fait lobjet dun jugement et a t tranch dans le dispositif, ce qui ne peut quinciter les juges du fond une rdaction prcise du dispositif des jugements dont dpend la dtermination de ltendue de lautorit de la chose juge. Nanmoins, la Cour de cassation nhsite pas rechercher parfois dans le corps de larrt des rponses distinctes des chefs de demande correctement articuls mais qui font lobjet dun dispositif global du type dboute X... de ses demandes, afin de limiter lampleur de la cassation. Mais il est vrai que mme si la cour de renvoi parvient cerner les limites de sa saisine, il est souvent difficile dobtenir des plaideurs et de leurs conseils, de se limiter dans leurs critures et leurs plaidoiries, la saisine de la cour de renvoi. Il appartient la cour dappel de renvoi, et notamment au conseiller de la mise en tat, dy veiller fermement et il est tout fait souhaitable que la cour de renvoi dfinisse expressment les limites de sa saisine lors de la mise en tat puis dans le texte de larrt.

22 Porte des cassations totales Il faut savoir que si la Cour de cassation, ft-ce par erreur, prononce une cassation totale, la cassation est effectivement totale, de sorte quil ne subsiste rien de larrt attaqu. Cette rgle importante a t formule par la 2me chambre civile dans un arrt du 25 novembre 1987, Bull 244 : La cassation prononce dune dcision en toutes ses dispositions investit la juridiction de renvoi de la connaissance de lentier litige dans tous ses lments de fait et de droit. Depuis la 2/ chambre civile a fermement maintenu cette position qui a t reprises par lassemble plnire le (27 octobre 2006 Bull 13), et ce quel que soit le moyen qui a dtermin la cassation (Civ 2, 21 dcembre 2006 Bull 362). Dans cette hypothse, dune part la saisine de la juridiction de renvoi est aussi large que possible, puisquaucun des chefs de larrt cass na acquis lautorit de la chose juge, alors mme que certains moyens auraient t rejets (Civ 1, 20 juin 1995 Bull 26516). Il est en effet parfois ncessaire de rejeter un moyen de procdure qui est pralable (violation de larticle 16 CPC par exemple), puis de casser sur une question de fond qui entranera la cassation totale de larrt. Dautre part, la juridiction de renvoi doit statuer sur tout ce qui lui est demand. En ne le faisant pas, elle sexposerait une nouvelle cassation. Cette jurisprudence comporte deux inconvnients vidents, lun thorique, en ce quelle mconnat lart. 624 du CPC, lautre pratique, en ce quelle prolonge ou complique le procs. Mais elle offre aussi lavantage considrable dliminer toute discussion sur ltendue de la saisine de la juridiction de renvoi en cas de cassation totale. Sur les points quelle atteint, la cassation replace les parties dans ltat o elles se trouvaient

...Attendu que, pour statuer ainsi, l'arrt attaqu nonce que l'arrt de la Cour de Cassation du 14 fvrier 1990 a rejet le moyen pris en ses trois branches faisant grief la cour d'appel d'Agen d'avoir dcid l'attribution prfrentielle de la maison d'habitation M. Darles et le partage en nature du reste des biens indivis, et que la Cour de Cassation avait ainsi indiqu, en prononant le rejet et en motivant la cassation sur les autres moyens, qu'elle entendait, quelle que soit la formule employe dans le dispositif de l'arrt, la restreindre aux chefs qui taient viss par ces derniers ; Attendu qu'en se dterminant par de tels motifs, alors que l'arrt de la Cour de Cassation disposait que l'arrt de la cour d'appel d'Agen tait cass et annul dans toutes ses dispositions, et les parties et la cause remises dans l'tat o elles se trouvaient avant ledit arrt, la cour d'appel a mconnu l'tendue de sa propre saisine en violation de l'article susvis ;.

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23 avant larrt cass. Devant la juridiction de renvoi, linstruction est reprise en ltat de la procdure non atteinte par la cassation. Ds lors, si, par leffet dune cassation totale, lordonnance de clture rendue avant larrt cass a cess de produire ses effets, les conclusions prises antrieurement nen subsistent pas moins de sorte que, lintim ayant demand dans ses critures que la clture soit prononce et que laffaire soit juge au vu des conclusions de premire instance, la cour dappel est tenue de juger laffaire en fait et en droit sur le vu de ces seules critures (Civ 2, 20 janvier 2005 Bull 19). Ds lors quune partie comparat et conclut devant la juridiction de renvoi, celle-ci nest tenue de rpondre quaux prtentions et moyens formuls devant elle. Cette rgle trouve application mme pour la procdure orale ( Ass pln 26 octobre 2001 Bull 12). Mais linverse, en cas de renvoi aprs cassation, la partie qui ne comparait pas est rpute s'en tenir aux moyens et prtentions qu'elle avait remis la juridiction dont la dcision a t casse (Civ 2, 12 fvrier 2004, Bull 63). Porte des cassations partielles En cas de cassation partielle et si certains chefs de la dcision nont pas t attaqus, la cassation stend nanmoins ces chefs en cas dindivisibilit ou de dpendance ncessaire (art.624 CPC, Civ 2, 26 octobre 2006, Bull 291). En revanche, ds lors quil ny a pas indivisibilit ou dpendance ncessaire, les chefs non casss subsistent, mme si la cour dappel avait prononc une condamnation unique correspondant des chefs de demande distincts. Le juge de renvoi est donc saisi de lintgralit du litige lexception des chefs de dispositifs non casss qui ont acquis lautorit de la chose juge. Ainsi, une cour dappel statuant sur renvoi de cassation, aprs avoir relev que la cassation intervenue ne portait que sur le dbout dune demande relative au dpassement de la quotit disponible, en a exactement dduit que le rejet des demandes dannulation dune donation partage devait tre tenu pour irrvocable (Civ I 22 fvrier 2000 Bull 52). Mais la censure est limite la porte du moyen qui constitue la base de la cassation. Ainsi doit tre cass, larrt rendu sur renvoi aprs cassation qui rvalue le montant dune indemnit dviction due au preneur dun bail commercial alors que la cassation tait limite la porte du moyen qui critiquait le chef de larrt relatif loctroi des intrts ( Civ III 23 mars 1982 Bull76).

Les cassations pour des raisons de pure forme: Lorsque des cassation interviennent pour des raisons de pure forme, il appartient aux magistrats et fonctionnaires des greffes den tirer toutes les consquences afin dviter que les anomalies sanctionnes se reproduisent. Compte tenu du dlai ncessaire de traitement des pourvois, il apparat souhaitable que chacun prenne en compte les erreurs des autres notamment grce aux

24 arrts publis au BICC, et tire les consquences utiles des arrts condamnant des irrgularits trop frquemment constates. Ainsi, le signataire se doit de procder lecture intgrale de larrt pour vrifier la rgularit formelle de la dcision et ne pas se limiter la relecture de ses seuls motifs. Sauf faillir sa mission, la Cour de cassation ne peut pas ne pas sanctionner sur des anomalies faisant que larrt nest plus une vritable dcision de justice, mme si lerreur provient dune mauvaise utilisation du traitement de texte. On ne peut que regretter les trop nombreuses cassations qui sont encore prononces, tant en matire civile que criminelle, pour des raisons purement formelles, tenant des irrgularits constates dans la composition des juridictions, l*omission de mentions obligatoires, aux absences des signatures ncessaires. Ces cassations dont l*effet est catastrophique pour l*image et le crdit de la justice pourraient tre facilement vites, si des procds de contrle simples taient mis en place au sein des cours d*appel et si les documents labors par la Cour de cassation avec les cours dappel taient systmatiquement utiliss. Avec la mise en ligne sur Jurinet et la publication au BICC des arrts sanctionnant ces anomalies, il faut souhaiter que ce type de cassation disparaisse. Les contraintes de la technique de traitement des pourvois imposant ltablissement de moyens distincts lorsquil existe plusieurs chefs de dispositifs dans la dcision attaque, il serait sage que les juges du fond nhsitent pas rdiger des dispositifs prcis et dtaills afin dviter que laccueil dun seul moyen ne conduise inutilement une cassation totale. Si un dispositif dune dcision au fond est tabli comme le propose lexemple donn ci-dessous, la cassation pourra ntre que partielle et la cour de renvoi saura exactement ce dont elle est saisie. 1/) Infirme le jugement en toutes ses dispositions ; 2/) Dclare X et Y responsables de laccident... 3/) Dit que Z (victime) a commis une faute de nature ... 4/) Condamne in solidum X et Y payer Z la somme de ... 5/) Condamne Y garantir X 6/) Autres dispositions statuant sur la contribution la dette entre les coauteurs. 7/) Article 700 NCPC 8/) Dpens *** La Cour de cassation souhaite que cette fiche mthodologique aide les magistrats du fond mieux comprendre ses arrts et lui permette ainsi, de consacrer lessentiel de ses forces sa mission dinterprtation de la rgle de droit.