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Conduite à tenir devant un tremblement Tremor diagnosis and management C. Henry (Ancien interne des hôpitaux de Paris), A. Améri (Praticien hospitalier) * Service de neurologie, centre hospitalier de Meaux, 6-8, rue Saint-Fiacre, BP 218, 77104 Meaux cedex, France. MOTS CLÉS Tremblement ; Tremblement essentiel ; Parkinson ; Myoclonie KEYWORDS Tremor; Essential tremor; Parkinson; Myoclonia Résumé L’exploration d’un tremblement repose avant tout sur l’examen clinique, dans de rares cas sur l’électrophysiologie. Il faut tout d’abord pouvoir affirmer que le mouvement constaté est bien un tremblement. Il faut ensuite préciser ses caractéristi- ques, et rechercher d’autres signes neurologiques (ou généraux) permettant d’étayer une hypothèse diagnostique. Enfin, si possible proposer un traitement. Les causes principales sont par ordre de fréquence le tremblement essentiel, la maladie de Parkinson et les médicaments. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Investigating a tremor consists principally in undertaking clinical examination, and in some rare cases, electrophysiological investigation. It must be confirmed first that the observed movement is a tremor. Then, its characteristics should be identified, and a screening for other neurological (or general) signs should be carried out in order to confirm a diagnostic hypothesis. Finally, a treatment must be proposed. In order of frequency, main tremor causes are a heredofamilial etiology, Parkinson’s disease, and drugs. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Définition (Fig. 1) Selon Déjerine les tremblements sont « caractéri- sés par des oscillations rythmiques involontaires que décrit tout ou partie du corps autour de sa position d’équilibre ». Le tremblement est le reten- tissement observable d’une activité musculaire pé- riodique, d’origine centrale : 1,5,8 on écarte donc le frisson, de nature musculaire. Les limites qui séparent tremblement et myoclo- nies sont floues et les termes employés dépendent des publications initiales qui servent de références. On peut considérer que lors d’une myoclonie les secousses musculaires sont brèves, irrégulières, dé- nuées d’une véritable périodicité et qu’elles inté- ressent des groupes musculaires antagonistes. Se- lon la localisation de l’activité rythmique, on parle de manière conventionnelle de nystagmus (yeux), de myoclonies (pour le voile du palais, le pharynx, le tronc ou l’abdomen). Les francophones nomment dyskinésie ou hyperkinésie un tremblement dès lors qu’il est très ample. Le tremblement s’inscrit dans une gamme de fréquence en deçà et au-delà de laquelle il devient difficile d’inclure certaines activités rythmiques : une activité lente de moins de 3 Hz au membre supérieur ne donne pas l’impression de trem- bler ; une activité rapide (> 12 Hz) au membre supé- rieur peut se traduire par une hypertonie ou * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Améri). EMC-Médecine 1 (2004) 255–261 www.elsevier.com/locate/emcmed © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcmed.2004.02.007

Conduite à tenir devant un tremblement

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Page 1: Conduite à tenir devant un tremblement

Conduite à tenir devant un tremblement

Tremor diagnosis and management

C. Henry (Ancien interne des hôpitaux de Paris),A. Améri (Praticien hospitalier) *Service de neurologie, centre hospitalier de Meaux, 6-8, rue Saint-Fiacre,BP 218, 77104 Meaux cedex, France.

MOTS CLÉSTremblement ;Tremblementessentiel ;Parkinson ;Myoclonie

KEYWORDSTremor;Essential tremor;Parkinson;Myoclonia

Résumé L’exploration d’un tremblement repose avant tout sur l’examen clinique, dansde rares cas sur l’électrophysiologie. Il faut tout d’abord pouvoir affirmer que lemouvement constaté est bien un tremblement. Il faut ensuite préciser ses caractéristi-ques, et rechercher d’autres signes neurologiques (ou généraux) permettant d’étayer unehypothèse diagnostique. Enfin, si possible proposer un traitement. Les causes principalessont par ordre de fréquence le tremblement essentiel, la maladie de Parkinson et lesmédicaments.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Investigating a tremor consists principally in undertaking clinical examination,and in some rare cases, electrophysiological investigation. It must be confirmed first thatthe observed movement is a tremor. Then, its characteristics should be identified, and ascreening for other neurological (or general) signs should be carried out in order toconfirm a diagnostic hypothesis. Finally, a treatment must be proposed. In order offrequency, main tremor causes are a heredofamilial etiology, Parkinson’s disease, anddrugs.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Définition (Fig. 1)

Selon Déjerine les tremblements sont « caractéri-sés par des oscillations rythmiques involontairesque décrit tout ou partie du corps autour de saposition d’équilibre ». Le tremblement est le reten-tissement observable d’une activité musculaire pé-riodique, d’origine centrale :1,5,8 on écarte donc lefrisson, de nature musculaire.Les limites qui séparent tremblement et myoclo-

nies sont floues et les termes employés dépendentdes publications initiales qui servent de références.On peut considérer que lors d’une myoclonie lessecousses musculaires sont brèves, irrégulières, dé-

nuées d’une véritable périodicité et qu’elles inté-ressent des groupes musculaires antagonistes. Se-lon la localisation de l’activité rythmique, on parlede manière conventionnelle de nystagmus (yeux),de myoclonies (pour le voile du palais, le pharynx,le tronc ou l’abdomen). Les francophones nommentdyskinésie ou hyperkinésie un tremblement dès lorsqu’il est très ample.

Le tremblement s’inscrit dans une gamme defréquence en deçà et au-delà de laquelle il devientdifficile d’inclure certaines activités rythmiques :

• une activité lente de moins de 3 Hz au membresupérieur ne donne pas l’impression de trem-bler ;

• une activité rapide (> 12 Hz) au membre supé-rieur peut se traduire par une hypertonie ou

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A. Améri).

EMC-Médecine 1 (2004) 255–261

www.elsevier.com/locate/emcmed

© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emcmed.2004.02.007

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rester imperceptible cliniquement et être dé-tectée en électromyogramme (EMG).Un léger tremblement s’observe chez tous les

individus sains, c’est le tremblement physiologi-que. Sa localisation est distale. Il est rapide (9 à12 Hz), irrégulier, présent dans le maintien del’attitude. Il s’amplifie dans l’action et l’intention.Son mécanisme est complexe. Il augmente d’ampli-tude jusqu’à devenir visible sous l’effet d’une émo-tion, de la peur, de l’hypoglycémie.Les tremblements pathologiques sont eux aussi

très fréquents, et parmi eux le tremblement essen-tiel, dont la prévalence après 65 ans serait de 14 %,constitue à lui seul le plus fréquent des mouve-ments anormaux. la maladie de Parkinson, au seinde la même classe d’âge, aurait une prévalence de3 %.

Physiopathologie

Les tremblements se traduisent à l’enregistrementpar une succession de bouffées rythmiques d’acti-vité électrique séparées par des intervalles detemps durant lesquels aucune activité n’est enre-gistrée. Ces bouffées expriment l’activité d’unitésmotrices traduisant une synchronisation excessivedes motoneurones alpha, suivie d’une période d’in-hibition. Cette dernière est un élément essentiel dela structuration du tremblement.10

L’origine de ces décharges rythmiques des moto-neurones est mal connue. Les structures impliquéessont multiples, à la fois périphériques et centrales.

Il s’agit, pour les énumérer, des afférences sensiti-ves profondes, de la boucle réflexe d’étirement, dela moelle épinière, du cervelet, de l’olive bulbaire,du noyau rouge, du thalamus, du pallidum et mêmedu cortex.On peut formuler l’hypothèse suivante : tout

sujet est porteur d’un rythme trémogène d’originethalamique ou réticulaire, qui s’extérioriserait phy-siologiquement au cours de l’émotion et, en patho-logie, sous l’influence de certaines lésions des sys-tèmes régulateurs du mouvement.

Examiner un tremblement

Il est rare qu’un tremblement corresponde à unelésion anatomique définie. Il doit plutôt être com-pris comme la traduction d’un nouvel équilibre dessystèmes qui contrôlent la motricité. Ce nouveléquilibre est l’aboutissement d’une perturbationqui peut résulter de lésions diverses. La topogra-phie des lésions ne saurait par conséquent servir deguide à une classification des tremblements.Cette classification reste donc fondée sur des

critères cliniques. Dans la démarche diagnostiquecourante, le caractère rythmé ou non permet deséparer les tremblements des autres mouvementsanormaux.Une fois cette caractéristique déterminée, on

identifie le type de tremblement pour ensuite l’in-tégrer ou non dans une affection neurologique plusvaste et pour déterminer la conduite thérapeutiqueappropriée.

Figure 1 Conduite à tenir devant un tremblement.

256 C. Henry, A. Améri

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L’examen clinique précise :• le siège : s’agit-il d’un membre, de la tête(contraction des muscles du cou), de la mâ-choire ? Le tremblement est-il bilatéral, symé-trique, s’est-il étendu avec le temps ? Est-il,pour les membres, proximal ou distal ?

• l’amplitude : elle correspond à l’importancedu déplacement de l’extrémité concernée ;

• la fréquence : elle se mesure en cycles parseconde, c’est-à-dire en Hertz ;

• la régularité : seul le tremblement parkinso-nien est réellement régulier ;

• le siège, l’amplitude et la fréquence sont liés :plus un tremblement est proximal, plus il estample et plus il est lent ;

• les circonstances de survenue : au repos, lorsdu maintien d’attitude ou pendant l’action.C’est l’élément le plus pertinent pour l’orien-tation diagnostique (Tableau 1), même si untremblement se limite rarement à une des troiscirconstances.Un tremblement de repos est presque toujours

synonyme d’un syndrome parkinsonien, et même leplus souvent d’une maladie de Parkinson. Il serecherche en examinant le patient assis, les avant-bras posés sur les cuisses, et pour observer lesmembres inférieurs, les jambes croisées d’un côtépuis de l’autre, afin d’obtenir un relâchement mus-culaire total. La manœuvre est sensibilisée par lecalcul mental ou par les émotions.Le tremblement d’attitude (ou tremblement

postural) se recherche en demandant au patient detenir les bras en avant, les doigts tendus ou d’adop-ter l’attitude du « bretteur de Garcin » : les deuxindex face à face à hauteur du visage, les coudeséloignés du corps. Il peut persister lors des mouve-ments ce qui est à l’origine de la gêne constatée parle patient.Le tremblement d’action est un tremblement

qui s’accentue à l’occasion du mouvement volon-taire, mais il existe déjà lors du maintien d’atti-tude. La recherche d’autres signes neurologiques,en particulier une atteinte cérébelleuse, est néces-saire.L’électrophysiologie (EMG) peut dans les cas dif-

ficiles compléter l’examen clinique. L’enregistre-ment électromyographique du tremblement àl’aide d’électrodes cutanées de surface placées sur

les muscles agonistes et antagonistes permet dedistinguer un tremblement de repos (4 à 6 cyclespar seconde, chaque bouffée de contraction mus-culaire est entourée de deux périodes de silence)d’un tremblement d’attitude (7 à 12 cycles parseconde). Il faut rappeler cependant que l’associa-tion des deux tremblements est possible.

Identifier le tremblement

Tremblement de repos

Il caractérise le tremblement des syndromes par-kinsoniens. Lors de la maladie de Parkinson idiopa-thique (MPI), le tremblement est le plus souventdistal, il débute à un membre, s’étend à l’autre dumême côté avant de devenir bilatéral ; le tremble-ment de repos unilatéral est un très bon indicateurde MPI. Il peut toucher la mâchoire ou la langue,mais épargne la tête. Il disparaît lors du sommeil ets’exagère lors du calcul mental et lors des émo-tions. Sa fréquence, remarquablement fixe pour unmême patient, est relativement lente, entre 4 et8 Hz. Comme la bradykinésie et l’hypertonie de laMPI, le tremblement est atténué par la L-dopa, lesagonistes dopaminergiques et les anticholinergi-ques. Cette particularité pharmacologique est ca-ractéristique, mais elle peut n’être observée, dansles cas sévères, qu’après plusieurs semaines detraitement à fortes doses.Il s’associe très souvent au tremblement de re-

pos un tremblement d’attitude, qui bat en généralà la même fréquence, sauf dans 10 % des cas où letremblement d’attitude est nettement plus rapide,ce qui peut faire discuter la coexistence d’un trem-blement essentiel avec une maladie de Parkinson.Enfin, d’authentiques MPI, de forme essentielle-

ment akinétorigide, comportent un tremblementd’attitude et d’action sans composante de repos.Les signes associés (akinésie, hypertonie), le carac-tère unilatéral au début et l’effet de la L-dopa sontdes éléments très forts en faveur du diagnostic.Parfois, le tremblement de repos reste isolé,

mais il faut attendre 2 ans d’évolution avantd’écarter une MPI débutante.Les neuroleptiques sont une cause majeure de

tremblement de repos. Les signes sont extrême-

Tableau 1 Caractéristiques des principaux tremblements.

Maladie de Parkinson Tremblement essentiel Syndrome cérébelleuxRepos +++ +/- 0Maintien d’attitude + +++ +Mouvement + +++ +++Sommeil 0 0 0

257Conduite à tenir devant un tremblement

Page 4: Conduite à tenir devant un tremblement

ment proches de ceux de la MPI, à la différence prèsqu’ils sont plutôt symétriques et qu’ils concernentsouvent la mâchoire et la langue.Lors des syndromes parkinsoniens d’origine dé-

générative autres que la MPI (paralysie supranu-cléaire progressive, atrophie multisystématisée),les tremblements sont au second plan.Chez un sujet jeune (avant 50 ans), un tremble-

ment parkinsonien doit systématiquement faire re-chercher une maladie de Wilson.9 Le tremblementpeut être isolé au début de la maladie, être d’atti-tude ou d’action et s’associer à des signes d’at-teinte cérébelleuse ou à une dystonie faciale etpharyngolaryngée.

Tremblement d’attitude (ou postural)

Le tremblement d’attitude survient à partir d’uncertain degré de contraction musculaire et dispa-raît ou s’atténue pour un degré supérieur. Il per-siste dans l’action, ce qui est à la source de la gênerapportée par le patient.

Tremblement essentiel (TE)Ubiquitaire, sa fréquence en fait l’une des affec-tions neurologiques les plus répandues3 (prévalence0,4 à 3,9 % de la population générale). Rare chez lestrès jeunes, l’affection à partir de 60 ans devienttrès fréquente, trois fois plus que la maladie deParkinson. L’âge de début connaît deux pics :

• le premier correspond aux formes à début pré-coce, dans l’enfance, constaté lors de l’acqui-sition de l’écriture. Même si le tremblementreste discret, il constitue un handicap, entra-vant les études, interdisant les professions né-cessitant une habileté manuelle. Il retentit surla vie relationnelle ;

• le second pic correspond aux formes de trèsloin les plus fréquentes, et la survenue dutremblement à un âge avancé, parfois au-delàde 80 ans, explique que l’on a pu parler detremblement sénile.On ne connaît jusqu’ici aucun marqueur biologi-

que, ni même en anatomopathologie. Le diagnostic

est clinique tant que la génétique de la maladie nesera pas déterminée. Le tremblement essentiel estaffirmé, possible ou probable selon les critèressuivants :

• la notion d’un tremblement d’attitude et d’ac-tion, intéressant les deux membres supérieurs,la tête et la voix qui est chevrotante ;

• présent depuis plusieurs années ;• isolé, c’est-à-dire résumant à lui seul la mala-die neurologique ;

• absence de tout facteur toxique, médicamen-teux, hormonal susceptible de provoquer untremblement ;

• la notion familiale n’est pas indispensable audiagnostic mais il est rare de ne pas rencontrerd’autres cas dans la famille quand de nom-breux membres en sont connus ; le mode detransmission est alors autosomique dominant.Le tremblement essentiel s’exacerbe le matin au

réveil, dans les périodes d’hypoglycémie, lors desémotions et au décours des efforts physiques. Ils’atténue après une prise modérée d’alcool, avecun rebond à l’arrêt de sa consommation. Les élé-ments permettant de le distinguer d’une maladiede Parkinson débutante sont consignés dans le Ta-bleau 2.La maladie est très lentement évolutive. On peut

observer de longues phases de stabilisation. Avec letemps, la tendance se fait vers l’extension du ter-ritoire du tremblement, l’augmentation de l’ampli-tude et conjointement le ralentissement de sa fré-quence. De postural il semble se transformer entremblement d’action, ce qui peut le rendre trèshandicapant.

Tremblements iatrogènesLes médicaments en cause sont nombreux (Ta-bleau 3). Certains exagèrent le tremblement phy-siologique, comme la caféine et les bases xanthi-ques (théophylline), les agonistes bêta-adrénergiques à visée cardiaque ou broncho-dilatatrice, les antidépresseurs tricycliques maisaussi sérotoninergiques, les corticoïdes. Les intoxi-

Tableau 2 Éléments d’orientation devant un tremblement permettant de distinguer un tremblement essentiel d’une maladie deParkinson débutante.

Tremblement essentiel Tremblement parkinsonienHistoire familiale Plus de 50% des cas RareAge de début Enfance, âge adulte, vieillesse Adulte d’âge moyenDurée d’évolutionavant la consultation

Longue Courte

Type de tremblement D’attitude surtout De repos : caractéristiqueSiège fréquent Mains, tête, voix Mains, menton, mâchoireFacteurs d’amélioration Alcool L-DopaÉcriture Tremblante MicrographieSignes associés Aucun Akinésie, hypertonie

258 C. Henry, A. Améri

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cations par les métaux lourds (bismuth, mercure,bromure de méthyle) font trembler, de même quele lithium en début de traitement ou en cas desurdosage ; il y a dans ce cas en plus un syndromecérébelleux. Le valproate de sodium (Dépakine®)entraîne un tremblement surtout en cas de surdo-sage. Enfin, le sevrage en benzodiazépines et lesevrage alcoolique sont des causes habituelles detremblement.

Autres tremblements d’attitudeIl faut citer certains désordres métaboliques etendocriniens tels que l’hyperthyroïdie et l’hypogly-cémie, même si le tremblement est rarement lemotif de consultation.L’alcool en prise concentrée calme la plupart des

tremblements et particulièrement le tremblementessentiel. Dans l’alcoolisme chronique, la survenued’un tremblement annonce un accident de sevrage.Certaines neuropathies périphériques peuvent

s’accompagner d’un tremblement, mais là encore ilexiste d’autres signes qui sont au premier plan.Citons la sclérose latérale amyotrophique et lesautres causes d’atteinte de la corne antérieure dela moelle, les polyneuropathies du diabète, de l’al-cool et de l’insuffisance rénale, les neuropathieshéréditaires telles que la maladie de Charcot-Marie-Tooth.Certains tremblements sont considérés comme

des formes particulières de tremblement essentielcar ils en ont certaines propriétés : le caractèresouvent familial, la prédominance du tremblementd’attitude et la diminution après ingestion de fai-bles doses d’alcool.

Le tremblement orthostatique est perçu par lepatient comme une difficulté à rester debout ; eneffet, il survient exclusivement lorsque les mem-bres inférieurs sont tendus activement ; il apparaîtdonc aussi lors de l’examen si l’on demande aupatient couché de reproduire l’effort d’extensiondes membres inférieurs. Sa fréquence est caracté-ristique, de 16 Hz. Il touche les sujets âgés, s’ag-grave progressivement et peut être associé à untremblement essentiel des membres supérieurs. Lediagnostic est important car le clonazépam (Rivo-tril®) est remarquablement efficace.11

Le tremblement de l’écriture serait à rapprocherdes dystonies de fonction et de la crampe desécrivains ; seuls les anticholinergiques peuvent ap-porter un soulagement.Le tremblement essentiel du voile du palais se

manifeste par un clic auditif lié à la contractionrépétée du muscle tenseur du voile. Il existe desformes de tremblement isolé du menton, de la voixou de la langue.

Tremblement d’action

Il s’agit d’un tremblement déjà présent lors dumaintien d’attitude mais qui s’aggrave lors del’exécution d’un mouvement volontaire ; il est typi-quement lent (3 à 4 Hz).Il s’agit presque toujours d’une atteinte du cer-

velet ou de ses voies de connexion (Tableau 4) : lespédoncules cérébelleux ou le tronc cérébral, enparticulier l’olive bulbaire et le noyau rouge (situédans le mésencéphale), mais aussi la région sous-thalamique. Le tremblement causé par une lésionproche du noyau rouge est souvent appelé tremble-ment rubral ou tremblement de Holmes, et il estcaractérisé par son siège très proximal et par sagrande amplitude, qui en font un tremblement trèsinvalidant. Les causes les plus fréquentes sont :

• la sclérose en plaques ;• les traumatismes crâniens sévères, le plus sou-vent avec un coma initial et d’autres signesséquellaires d’atteinte du tronc cérébral (syn-drome pyramidal, trouble oculomoteur, syn-drome cérébelleux, dysarthrie). Le tremble-

Tableau 3 Substances pouvant être à l’origine d’un trem-blement.

Classe pharmacologique ExemplesAgonistes bêta-adrénergiquesbronchodilatateurs

Théophylline, terbutaline

Antidépresseurs Amitriptyline, fluoxétineStabilisateur de l’humeur LithiumAnticonvulsivants Valproate de sodiumTraitements hormonaux Hormone thyroïdienne,

corticostéroïdesImmunosuppresseur CiclosporineProduit utilisé en radiologie MetrizamideMétaux lourds Plomb, arsenicArrêt de produit sédatif Sevrage en alcool, en ben-

zodiazépinesDiététique Caféine, glutamate mono-

sodiqueÀ retenir : le tremblement orthostatique doit être identifiécar il répond bien au clonazépam.À retenir deux causes métaboliques :- hyperthyroïdie- hypoglycémie

Tableau 4 Exemples de tremblements par atteinte cérébel-leuse et du tronc cérébral.

- Sclérose en plaques- Hématome- Accident vasculaire ischémique- Traumatisme crânien- Tumeur- Dégénérescence olivo-ponto-cérébelleuse- Atrophie cérébelleuse

259Conduite à tenir devant un tremblement

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ment survient de façon retardée, de quelquessemaines à 4 ans ;

• les accidents vasculaires cérébraux sous-thalamiques.Il faut également penser aux rares formes de

tremblement essentiel qui se présentent comme untremblement d’action prédominant, et à la maladiede Wilson pour laquelle il existe un traitementspécifique d’autant plus efficace qu’il est débutéprécocement avant l’installation d’un handicap ir-réversible.

Cas particuliers

Tremblement et dystonie : il n’est pas rare d’obser-ver un tremblement ou des myoclonies chez despatients souffrant de dystonie essentielle focale ougénéralisée. Il s’agit d’un tremblement d’attitudeet d’action irrégulier, de siège strictement segmen-taire et non évolutif, ce qui le distingue du trem-blement essentiel.Tremblement non organique : il est en général

constaté aussi bien au repos qu’au maintien d’atti-tude et à l’exécution de mouvements ;2 il peuts’atténuer lors de l’écriture ou lors du geste desaisir un verre. Son amplitude augmente lorsquel’attention du patient est focalisée sur son tremble-ment, et diminue nettement lors des épreuves dedistraction comme le calcul mental ou l’exécutiond’un geste par le membre controlatéral.

Traitement

Le traitement du tremblement de la maladie deParkinson repose sur la L-Dopa et sur les agonistesdopaminergiques. Lorsque les neuroleptiques sonten cause il faut, si le tremblement est gênant, lesdiminuer, les arrêter ou les remplacer par desneuroleptiques ayant peu d’effets extrapyramidauxtels que la clozapine ou l’olanzapine. Les correc-teurs anticholinergiques classiques sont utilisables,avec des inconvénients psychiatriques.Le traitement du tremblement essentiel reste

symptomatique. Le meilleur traitement actuel pa-raît être le propranolol, seul bêtabloquant ayantfait l’objet d’études approfondies.7 On l’utilise enl’absence des contre-indications habituelles :asthme, bloc auriculoventriculaire (faire un élec-trocardiogramme [ECG]) et ulcère gastroduodénalen évolution. Selon la sévérité du tremblement,trois attitudes thérapeutiques sont préconisées :

• le tremblement est modéré et intermittent. Untraitement continu n’est pas justifié. On re-commande au patient de prendre du proprano-lol, utilisé jusqu’à la dose de 120 mg/j, pen-

dant les 3 jours qui précèdent une visited’embauche, un examen, une prise de paroleen public ;

• le tremblement est continu et handicapant. Lepropranolol est utilisable selon une posologiepropre à chaque individu, en cherchant lemeilleur rapport efficacité/inconvénients, se-lon une posologie qui peut atteindre 360 mgchez un sujet jeune, en trois prises ou en uneprise sous sa forme à libération prolongée. Ilfaut l’employer à doses progressives, de ma-nière à atteindre, en 1 ou 2 semaines 80 à120 mg, répartis en trois prises, en surveillantla tension artérielle et le pouls dont les valeursmaximales ne doivent pas descendre, enmoyenne, au-dessous de 110 mmHg et 55/minrespectivement. En cas d’inefficacité, il estinutile d’essayer un autre bêtabloquant. En casde prescription difficile, voire impossible chezles sujets âgés, le métoprolol serait moins dan-gereux chez les sujets à risque de broncho-spasme en raison de son moindre effet bêta-2-antagoniste. La primidone est efficace maissouvent mal tolérée, même à petite dose, cequi impose une prescription très progressive,en commençant par un quart de comprimé unjour sur deux pour atteindre une dose de 250 à750 mg/j en trois prises. Ses effets secondairessont la somnolence, des vertiges et des nau-sées. Les benzodiazépines sont un appoint, leclonazépam est utile dans les formes sévères.Le tremblement de la tête et de la voix estmoins sensible au traitement que le tremble-ment des mains ;

• quand le tremblement est très ample, hyperki-nétique, l’isoniazide peut être essayé4 maisgénéralement, il résiste à tout traitement mé-dical. Le traitement proposé peut être alorschirurgical. La stimulation chronique de la par-tie postérieure du noyau ventrolatéral du tha-lamus6 remplace aujourd’hui la thalamotomiebilatérale. Il garde des indications limitées ettrès spécifiques.Pour les tremblements d’origine médicamen-

teuse, l’arrêt du médicament responsable est lasolution de bon sens ; en cas d’impossibilité, onessaie un des traitements du tremblement essen-tiel, même si aucune étude contrôlée n’a montréleur efficacité.Le traitement médicamenteux des tremble-

ments liés à une atteinte du cervelet ou du tronccérébral est décevant. Les médicaments du trem-blement essentiel sont en général inefficaces ;l’isoniazide peut être essayé mais son efficacitén’est pas validée. La L-Dopa est exceptionnelle-ment utile. Seule la chirurgie est réellement effi-

260 C. Henry, A. Améri

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cace, par le biais d’interventions du même type quepour le tremblement essentiel.Les injections de toxine botulique agissent par

l’intermédiaire du déficit moteur induit et sontréservées aux tremblements intéressant un nombrelimité de muscles ce qui ne concerne pas, pardéfinition, le tremblement essentiel.

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261Conduite à tenir devant un tremblement