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Conduite à tenir devant une ascite

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Page 1: Conduite à tenir devant une ascite

Conduite à tenir devant une ascite

Management of patients with ascitesJ.-D. Grangé *Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France

MOTS CLÉSCirrhose ;Ascite ;Ascite réfractaire ;Hypertension portale ;Infection du liquided’ascite ;Diurétiques ;Transplantationhépatique

KEYWORDSCirrhosis;Ascites;Resistant ascites;Portal hypertension;Ascitic fluid infection;Diuretic drugs;Liver transplantation

Résumé L’ascite est la complication la plus fréquente au cours de la cirrhose. Environ50 % des patients atteints de cirrhose développent une ascite sur une période de 10 ans.L’ascite est associée à un risque accru d’infection, d’insuffisance rénale et à un pronosticréservé à long terme. L’arrêt de l’intoxication alcoolique, le régime hyposodé et lestraitements diurétiques sont efficaces chez environ 90 % des malades. Des paracentèsesrépétées et parfois la réalisation d’anastomoses portosystémiques intrahépatiques parvoie transjugulaire sont proposées en cas d’ascite résistante aux diurétiques. Les patientspar ailleurs éligibles pour une transplantation hépatique doivent être évalués pourinscription en liste d’attente de transplantation. Une ponction d’ascite diagnostique doitêtre réalisée dès l’admission chez tout malade atteint de cirrhose avec ascite. Lorsque lespolynucléaires neutrophiles sont supérieurs à 250/mm3, une antibiothérapie (céfotaximeou amoxicilline/acide clavulanique) associée à des perfusions d’albumine doit êtredébutée sans attendre le résultat chez les malades atteints de cirrhose hospitalisés pourhémorragie digestive haute ou avec une ascite pauvre en protides (< 10 g/l) ainsi qu’aprèsguérison d’un premier épisode d’infection d’ascite.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Ascites is the most common complication of cirrhosis. Approximately 50% ofpatients with compensated cirrhosis will develop ascites over a 10-year period. Ascites isassociated with increased risks of infections, renal failure and poor long-term outcome.Abstinence from alcohol, salt restriction and diuretics are the mainstays of the therapy,and these measures are effective in approximately 90% of the patients. Treatment optionsfor diuretic-resistant patients include serial therapeutic paracentesis and transjugularintrahepatic portosystemic stent-shunts. Patients eligible for liver transplantation shouldundergo evaluation for this procedure after development of ascites. A diagnostic para-centesis should be performed on hospital admission in any cirrhotic patient with ascites toinvestigate the presence of spontaneous bacterial peritonitis. In patients with an asceticfluid PMN cell count > 250/mm3, antibiotic therapy (cefotaxime or amoxicillin-clavulanicacid) and albumin infusion need to be started before obtaining the results of ascites orblood cultures. Prophylactic antibiotic administration is recommended in cirrhotic pa-tients hospitalized with upper gastrointestinal haemorrhage or low ascites protein(i.e. < 10 g/l) and in patients recovering from an episode of spontaneous bacterialperitonitis.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J.-D. Grangé).

EMC-Hépato-Gastroentérologie 2 (2005) 297–306

www.elsevier.com/locate/emchg

1769-6763/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emchg.2005.07.005

Page 2: Conduite à tenir devant une ascite

Introduction

L’ascite est une accumulation de liquide dans lacavité péritonéale. La prise en charge de l’ascitedépend dans un premier temps de l’appréciation dela tolérance, de la recherche de complications as-sociées et de l’identification d’une cause. Dans lespays industrialisés, la cirrhose est la cause la plusfréquente. Environ 85 % des malades ayant uneascite ont une cirrhose.1 Environ 50 % des maladesatteints de cirrhose « compensée » développentune ascite dans les 10 ans qui suivent le diagnostic.2

L’apparition d’une ascite marque un tournant évo-lutif dans l’évolution de la maladie hépatique avecune mortalité de 30 à 50 % au cours de l’année quisuit la première poussée d’ascite.

Physiopathologie et diagnosticchez le patient atteint de cirrhose

Rappel physiopathologique

L’évolution de la cirrhose entraîne une augmenta-tion des résistances intrahépatiques et le dévelop-pement progressif d’une hypertension portale etd’une circulation veineuse collatérale. Lorsquel’hypertension portale s’aggrave, on observe unevasodilatation artérielle splanchnique, en rapportnotamment avec une hyperproduction de mo-noxyde d’azote.3 L’aggravation de la vasodilatationentraîne une hypovolémie efficace et une chute dela pression artérielle avec pour conséquence uneactivation des systèmes vasoconstricteurs et desfacteurs antinatriurétiques conduisant à une réten-tion hydrosodée. Les différents traitements de l’as-cite vont agir à des niveaux physiopathologiquesdifférents : le régime hyposodé et les diurétiquessur la rétention hydrosodée, les anastomoses por-tocaves intrahépatiques sur la pression portale etles ponctions évacuatrices sur le volume de l’as-cite. Seule la transplantation hépatique est capablede corriger de façon drastique à la fois l’insuffi-sance hépatocellulaire et l’hypertension portale.

Diagnostic clinique

Le diagnostic est le plus souvent clinique, à savoirdécouverte d’une distension abdominale par le ma-lade ou par le médecin. L’ascite est une complica-tion fréquemment révélatrice de la cirrhose. Par-fois, l’ascite est découverte de façon fortuite, lorsd’un examen morphologique : échographie ou exa-men tomodensitométrique de l’abdomen. Lorsquel’ascite est peu importante, elle peut être mise en

évidence par la percussion des flancs abdominauxqui montre une matité mobile et déclive. Si lediagnostic est suspecté cliniquement, il doit êtreconfirmé par l’échographie abdominale ou par laréalisation d’une ponction d’ascite. L’examen cli-nique doit également apprécier le retentissementde l’ascite sur la fonction ventilatoire, évaluerl’état hémodynamique, rechercher un foyer infec-tieux et des arguments en faveur d’une étiologie.Lors d’une première poussée d’ascite, une her-

nie ombilicale est présente dans près de 20 % descas. Sa fréquence augmente avec le nombre despoussées. Le risque de rupture est élevé en cas designes cutanés associés et notamment d’ulcérationdu sommet de la hernie. Un soin attentif de ceslésions est nécessaire. Le traitement de la hernieombilicale est chirurgical mais il sera au mieuxeffectué après assèchement total de l’ascite. Lamortalité d’une intervention en urgence pour rup-ture ombilicale est d’environ 15 %.

Ponction d’ascite (Tableau 1)

Elle doit être effectuée chez tous les malades pré-sentant un premier épisode d’ascite.4 Elle est éga-lement indiquée en cas de gêne respiratoire, d’as-cite postopératoire importante après chirurgieabdominale et en cas de risque de rupture de hernieombilicale. Le malade doit être informé de l’indi-cation et des risques de la paracentèse. La peau estdésinfectée avec de la povidone iodée (Bétadine®).Certaines équipes utilisent une anesthésie localeavec de la lidocaïne à 1 %.5 La ponction est généra-lement réalisée, en pleine matité, dans la partieexterne du quadrant inférieur et gauche de l’abdo-men. Il s’agit d’un geste simple qui n’est pascontre-indiqué par la présence de troubles impor-

Tableau 1 Ponction d’ascite : principaux examens à viséediagnostique et thérapeutique.

RoutineNumération des éléments figurésProtides totauxSuspicion d’ILANumération des polynucléaires neutrophilesBandelette urinaireCulture sur flacons à hémoculture ensemencés au lit dumaladeColoration de Gram (examen direct)Diagnostic étiologiqueCytologieBacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR), culture et polyme-rase chain reaction (PCR) Mycobacterium tuberculosisTriglycéridesAmylaseGlucose

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tants de la coagulation. L’utilisation d’aiguillesmultiperforées de gros diamètre et de poches derecueil peut faciliter la procédure et diminuer sadurée. Les complications surviennent dans moinsde 1 % des cas (hématome de la paroi abdominaleou fuite d’ascite postponction). Les complicationsplus sérieuses à type d’hémopéritoine ou de perfo-ration de l’intestin par l’aiguille à ponction sontexceptionnelles (< 1/1000 paracentèses).6 L’utili-sation prophylactique de plasma frais congelé ou deperfusion d’unités plaquettaires avant la réalisa-tion de la ponction n’est pas recommandée.4

Analyse du liquide d’ascite

L’analyse du liquide d’ascite doit comporter lecomptage des cellules et notamment celui des poly-nucléaires neutrophiles et la mesure de la concen-tration en protides. Si une infection du liquided’ascite est suspectée, le liquide d’ascite doit êtreensemencé au lit du malade dans des flacons pourhémoculture. Le comptage des cellules peut êtreeffectué de façon très précise par un « automate ».En cas d’ascite par hypertension portale, la concen-tration en protides dans l’ascite est généralementfaible, inférieure à 15 g/l. Lorsque le gradientd’albumine entre le sérum et l’ascite est supérieurou égal à 11 g/l, l’hypertension portale est respon-sable de l’ascite dans environ 97 % des cas.7

Une ascite chyleuse est définie par une ascited’aspect laiteux et une concentration en triglycéri-des dans l’ascite supérieure à 2 g/l. L’ascite chy-leuse est rare au cours de la cirrhose (0,5 à 1 %). Sielle apparaît secondairement à une ascite claire,son pronostic est particulièrement sévère. Elle estgénéralement en rapport avec une rupture descanaux mésentériques lymphatiques. Lorsqu’elleest révélatrice, elle doit faire éliminer une autrecause que la cirrhose ou une cause associée etnotamment un blocage lymphatique d’origine tu-morale.8

Diagnostic différentiel

Une ascite peut compliquer des maladies hépati-ques non cirrhotiques : hépatite aiguë grave, mala-die de Budd-Chiari, maladie veino-occlusive, infil-tration massive du foie par des métastases (côlon,sein).En cas de suspicion de carcinose péritonéale,

l’ascite est souvent hémorragique ou chyleuse etriche en protides (> 25 g/l). Un examen cytologiqueest au mieux effectué sur 50 ml d’ascite adressésrapidement au laboratoire de cytologie et répétéau besoin 3 jours de suite (spécificité excellente etsensibilité comprise entre 50 et 90 %). Le plus

souvent, les patients ayant une carcinose périto-néale ont un antécédent connu de cancer digestifou du sein. Cependant, un cancer d’origine gynéco-logique, notamment ovarienne, peut être révélépar l’ascite. Lorsque l’examen cytologique ne per-met pas de conclure, l’augmentation simultanéedes concentrations en antigène carcinoembryon-naire (> 5 ng/ml) et en cholestérol (> 1,21 mmol/l)dans l’ascite est très en faveur d’une carcinosepéritonéale.9

Une ascite d’origine tuberculeuse est le plussouvent suspectée chez un patient originaire dezones d’endémie ou séropositif pour le VIH. L’as-cite est riche en protides et en lymphocytes. Enl’absence d’un contexte évocateur, la recherche demycobactéries dans l’ascite n’est pas systémati-quement effectuée. La présence de bacille acido-alcoolo-résistant dans l’ascite est exceptionnelle.La culture est positive dans environ 50 % des cas. Laprésence de granulations sur le péritoine en cœlios-copie, complétée par une biopsie et une mise enculture, peut affirmer le diagnostic. Enfin, le dia-gnostic peut être fait par une polymerase chainreaction (PCR) pour Mycobacterium tuberculosisdans l’ascite. D’autres causes plus rares peuventêtre rencontrées : insuffisance cardiaque, syn-drome néphrotique, pancréatite (le plus souventchronique, parfois aiguë ou post-traumatique).Des péritonites infectieuses spontanées d’origine

gynécologique peuvent être révélées par une ascitechronique isolée (Chlamydia trachomatis, Neisse-ria gonorrhoeae). Enfin, des péritonites amicro-biennes peuvent compliquer un lupus érythéma-teux disséminé, une maladie périodique, unemaladie de Still, une sarcoïdose, une maladie deCrohn, un syndrome hyperéosinophilique idiopathi-que.10

Traitement de la première pousséed’ascite

Traitement de la rétention hydrosodée

Le traitement de première intention repose essen-tiellement sur le régime hyposodé et le traitementdiurétique (Fig. 1). La mise en place du régimehyposodé nécessite une éducation du malade, ef-fectuée au mieux par une diététicienne. Il doitapporter environ 2 g de sel/j (60 à 90 mEq/j). Il estparticulièrement important en cas de non-réponseà un traitement diurétique Une restriction plussévère n’est pas recommandée. La restriction so-dée (et non la restriction hydrique) peut conduire àla perte progressive de poids. Le régime hyposodé

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peut être relâché de façon progressive au cours dela surveillance, voire arrêté lorsque l’améliorationde l’hépatopathie sous-jacente a permis une dispa-rition de l’ascite. L’utilisation d’une restrictionhydrique doit être limitée au traitement des hypo-natrémies sévères (< 125 mmol/L). Aucun essaicontrôlé n’a montré l’utilité d’un repos au lit.En l’absence de contre-indication (insuffisance

rénale, hyponatrémie), un traitement diurétiquepeut être débuté par une dose unique de 100 mg despironolactone per os. Un traitement par 20 à 40 mgde furosémide peut être ajouté en cas d’œdèmeimportant ou de non-réponse au traitement parspironolactone. La perte quotidienne de poids re-commandée est comprise entre 800 et 1000 g/j encas d’œdèmes importants et inférieure à 500 g/j enl’absence ou après réduction des œdèmes. Le furo-sémide en monothérapie est moins efficace que laspironolactone en monothérapie.11 Si la réponse estinsuffisante, la spironolactone peut être augmen-tée progressivement jusqu’à 300 mg/j et la dose defurosémide jusqu’à 120 mg/j. La survenue d’effetssecondaires (insuffisance rénale, hyper- ou hypoka-liémie, hyponatrémie, gynécomastie douloureuse)peut conduire à l’arrêt du traitement diurétique.En cas de gynécomastie, la spironolactone peutêtre remplacée par l’amiloride à la dose de 10 à

40 mg/j. Le traitement associant régime hyposodéet traitement par un ou deux diurétiques, est effi-cace chez plus de 90 % des malades. Le traitementest au mieux débuté lors d’une hospitalisation,pendant laquelle le bilan complet de la maladiehépatique est réalisé, ainsi que l’éducation théra-peutique du malade (Tableau 2). L’hospitalisationpeut également favoriser un premier contact avecune équipe d’alcoologie. Elle permet de rechercherun facteur déclenchant de l’ascite : hépatite alcoo-lique aiguë, hémorragie digestive, carcinome hépa-tocellulaire, apports sodés alimentaires excessifs.Elle permet d’évaluer la fonction rénale et la fonc-tion cardiaque (notamment en cas de cirrhose al-coolique). L’existence d’une néphropathie organi-que peut contre-indiquer l’usage des diurétiquesantialdostérone, du fait du risque d’hyperkaliémie.Lorsque l’obtention d’une diurèse efficace est ob-tenue, le patient peut quitter l’hôpital avec sur-veillance clinique et biologique effectuée en ambu-latoire par un médecin généraliste ou spécialiste.

Traitement des ascites tendueset/ou résistantes au traitement diurétique

Chez un patient hospitalisé pour une ascite tendue,une première ponction évacuatrice de 5 litres d’as-

Figure 1 Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une première poussée d’ascite.

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cite peut habituellement être réalisée sans qu’ilsoit nécessaire d’effectuer un remplissage vascu-laire. Cette paracentèse peut être suivie d’un ré-gime hyposodé associé au traitement diurétique. Sile traitement diurétique est efficace, la répétitiondes ponctions évacuatrices est inutile.Une évacuation complète de l’ascite en une

séance peut également être effectuée en 1 à 2 heu-res en association à l’utilisation de perfusions d’al-bumine (environ 8 g/l d’ascite évacué).12 L’évacua-tion d’un volume important d’ascite peut entraînerune hypovolémie efficace avec augmentation del’activité rénine plasmatique et détérioration de lafonction rénale. La perfusion d’albumine humaine à20 % a été recommandée pour des ponctions d’as-cite d’un volume supérieur à 5 litres.13

Après la sortie de l’hôpital, l’évolution du pa-tient est suivie sur le poids, la créatininémie, l’uréeet l’ionogramme sanguin. En cas de perte de poidsinsuffisante, une natriurèse ou un rapportNa+/K+ urinaire peuvent être effectués. Si la na-triurèse est élevée ou si le rapport Na+/K+est > 1 malgré l’absence de perte de poids, uneprise sodée excessive doit être recherchée. En casde diurèse sodée insuffisante, les doses de diuréti-ques doivent être augmentées progressivement.

Traitement de l’ascite réfractaire

L’ascite réfractaire est définie par la résistance dela rétention hydrosodée au traitement médical in-cluant un traitement diurétique à fortes doses oupar la persistance de l’ascite chez un malade ayantprésenté des complications sévères lors de l’utilisa-

tion des diurétiques (insuffisance rénale, hypona-trémie, encéphalopathie).14 Elle survient chez en-viron 10 % des malades présentant une ascite. Lespatients éligibles pour une transplantation hépati-que doivent être rapidement inscrits en liste d’at-tente. Le traitement de l’ascite pendant l’attented’un greffon ne doit pas compromettre la réalisa-tion de la transplantation.

Paracentèses répétées

La réalisation de ponctions évacuatrices répétéesde grand volume, toutes les 2 à 4 semaines, doitêtre proposée en première intention. Dans cetteindication, les paracentèses de grand volume sontle plus souvent associées à des perfusions d’albu-mine (8 à 10 g/l d’ascite évacuée). Ce traitementpeut généralement être effectué de façon ambula-toire.

Anastomoses portosystémiquesintrahépatiques par voie transjugulaire(TIPS)

La mise en place d’une prothèse portohépatiquepar voie jugulaire est actuellement préférée à laréalisation d’une anastomose portocave chirurgi-cale. La réalisation d’un TIPS (pour transjugularintrahepatic porto-systemic shunt) est contre-indiquée en cas d’insuffisance cardiaque (fractiond’éjection < 60 %), d’hypertension artérielle pul-monaire, de thrombose porte et d’encéphalopa-thie. Le TIPS permet de mieux contrôler l’asciteque les ponctions répétées. La survie n’est généra-lement pas améliorée, à l’exception d’un essai

Tableau 2 Bilan d’évaluation d’un malade atteint de cirrhose compliquée d’ascite.

Évaluation de l’ascite Mesures thérapeutiquesPolynucléaires neutrophiles > 250/mm3 et/ou bactéries àl’examen directAscite tendueProtides < 10 g/lSi nécessaire, cytologie, recherche de BAAR, PCR BKApprécier l’état hémodynamique et rénal (pression artérielle,ECG, créatinine, ionogrammes sanguin et urinaire)

ILA : amoxicilline/clavulanate ou céfotaxime et albuminePonction évacuatriceDiscuter norfloxacine (400 mg/j)Traitement d’une cause associée (cancer, tuberculose, insuffi-sance cardiaque)Traitement de l’hypovolémie efficaceSurveillance des diurétiquesAlcoologie, antiviraux, corticoïdes,immunosuppresseurs, saignées...Prévention ou traitement :- antibioprophylaxie et prévention de récidive hémorragique- prévention primaire d’hémorragie/VO- dépistage et traitement de lésions de carcinome hépatocellu-laire- terlipressine et albumine intraveineuseÉvaluer l’indication d’une transplantation hépatique

Bilan de la maladie hépatiqueBilan étiologiqueRecherche de complications :- hémorragie associée- gastroscopie (recherche de VO)- échographie (TDM, IRM), alpha fœtoprotéine- syndrome hépatorénalAutres (infection, cardiaque, neurologique, HTAP, syndromehépatopulmonaire...)Évaluation du pronostic (Pugh, MELD)

BAAR : bacilles acido-alcoolo-résistants ; PCR : polymerase chain reaction ; BK : bacille de Koch ; ECG : électrocardiogramme ;VO : varice œsophagienne ; TDM : tomodensitométrie ; IRM : imagerie par résonance magnétique : HTAP : hypertension artériellepulmonaire : MELD : Model for End-stage Liver Disease.

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récent dans lequel ont été inclus des malades ayantun score de Pugh ≤ 11 et quelques ascites récidi-vante.15,16 La survenue d’une encéphalopathie sé-vère est plus fréquente chez les malades traités parTIPS que chez ceux traités par traitement médical(diurétiques et paracentèse totale). Les principauxinconvénients de cette technique sont un taux im-portant d’obturation du shunt avec récidive del’ascite, le risque d’aggravation de la fonction hé-patique, le coût élevé et une disponibilité du gestelimitée à un nombre restreint de centres. Le tauxd’obstruction progressive des prothèses est dimi-nué par l’utilisation de prothèses couvertes (poly-tétrafluoroéthylène). Dans l’attente d’études com-plémentaires, cette méthode est réservée à desmalades sans insuffisance hépatocellulaire sévèreet dont le traitement par ponctions itératives estdifficile (ascite cloisonnée, refus des ponctions). LeTIPS ne contre-indique pas la réalisation ultérieured’une transplantation hépatique.

Dérivation péritonéojugulaire

La mise en place d’une tubulure sous-cutanéecontenant une valve antireflux permet l’écoule-ment de l’ascite de la cavité péritonéale vers laveine cave supérieure. Cette dérivation peut per-mettre un contrôle efficace de l’ascite. Cependant,la survie n’est pas améliorée et les complicationssont fréquentes, notamment obstruction ou infec-tion de la prothèse, thrombose veineuse, survenued’une péritonite encapsulante pouvant gêner laréalisation d’une transplantation ultérieure. Leurutilisation est quasi abandonnée. La mise en placed’une dérivation péritonéojugulaire peut parfoisêtre associée à une cure de hernie ombilicale.

Physiopathologie et diagnosticde l’infection du liquide d’ascite (ILA)

Physiopathologie

Une ILA survient chez 8 à 30 % des malades hospi-talisés avec une ascite.17,18 Sa gravité immédiateimpose un traitement rapide et adapté. La gravitédu pronostic à distance et la fréquence des récidi-ves doivent faire envisager un traitement prophy-lactique. La plupart des infections survenant aucours de la cirrhose sont dues à des entérobactérieset principalement Escherichia coli. L’hypothèse pa-thogénique la plus probable est une translocationde bactéries d’origine intestinale à travers la paroidigestive dans les canaux et les ganglions lympha-tiques mésentériques, puis le passage de ces bacté-

ries dans le courant sanguin avec colonisation se-condaire de l’ascite. Ces phénomènes detranslocation intéressent essentiellement les ba-cilles à Gram négatif. Ceci explique la fréquencedes infections à bacilles à Gram négatif et leurcaractère monomicrobien habituel. Au cours de ces5 dernières années, la prévalence des différentesespèces bactériennes isolées dans les liquides d’as-cite infectés ne paraît pas s’être modifiée de façonsignificative.18 Lors des hospitalisations, 50 à 70 %des ILA sont présentes à l’admission (ILA commu-nautaires) et le reste survient en cours d’hospitali-sation. Au cours des infections nosocomiales, uneproportion plus importante d’infections causéespar des cocci à Gram positif peut être observée,notamment chez les malades hospitalisés en unitéde soins intensifs et chez ceux ayant subi des actesinvasifs (endoscopies avec scléroses ou ligatures devarices œsophagiennes, embolisations artérielles,anastomoses portocaves transhépatiques).

Populations à risque d’ILA

Une concentration en protides dans l’as-cite < 10 g/l est un facteur prédictif de premierépisode d’ILA et de récidive infectieuse chez lesmalades hospitalisés pour ascite, avec un risqued’ILA d’environ 15 % en cours d’hospitalisation. Laprobabilité de survenue d’une ILA est compriseentre 20 et 35 % à 1 an en cas de protides dansl’ascite < 10 g/l alors qu’elle est d’environ 3 % à3 ans en cas de protides dans l’ascite > 10 g/l.Après guérison d’un premier épisode d’ILA, la pro-babilité de récidive est de 40 à 70 % à 1 an.19,20

Chez des malades atteints de cirrhose hospitali-sés pour hémorragie digestive, l’incidence des in-fections est comprise entre 30 et 60 % dont environ15 % d’infections du liquide d’ascite. De plus, laréalisation de traitements hémostatiques par voieendoscopique pourrait favoriser la survenue d’uneILA. Chez ces patients, la présence d’une infectionbactérienne est associée à l’échec du contrôle del’hémorragie et au décès.21,22

Diagnostic

Il repose essentiellement sur les données de l’étudede l’ascite. La paracentèse doit être effectuée enurgence en cas de suspicion d’infection, à savoir encas de fièvre, d’hypothermie, de diarrhée, de dou-leurs abdominales, d’encéphalopathie hépatique,d’insuffisance rénale ou d’ictère. D’une façon gé-nérale, il faut effectuer une paracentèse chez toutmalade hospitalisé atteint de cirrhose avec ascite.4

La seule présence d’un nombre de polynucléairesneutrophiles supérieur à 250/mm3 permet de poser

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le diagnostic d’ILA et doit faire entreprendre untraitement en urgence (en l’absence d’argumentpour une tuberculose, une carcinose péritonéale ouune péritonite secondaire). La numération des po-lynucléaires est habituellement faite de façon ma-nuelle (microscope) mais elle peut être réaliséerapidement et avec une excellente fiabilité par unautomate (Technicon System H1, Bayer).23 Unebactérie n’est que rarement mise en évidence àl’examen direct du liquide d’ascite. La concentra-tion en bactéries étant habituellement faible dansl’ascite, les résultats de la culture peuvent êtreaméliorés par l’ensemencement en milieu liquidede l’ascite au lit du malade. Une bactérie est alorsmise en évidence dans 50 à 70 % des cas. Le dia-gnostic à l’aide d’une bandelette urinaire (évalua-tion semi-quantitative de l’estérase leucocytaire) aété récemment proposé. Plusieurs études ont mon-tré une sensibilité des bandelettes urinaires > 80 %avec une spécificité > 90.24,25 L’utilisation des ban-delettes urinaires peut permettre de raccourcir lesdélais entre la paracentèse et le début du traite-ment antibiotique. Cependant, si le résultat de labandelette est négatif, la numération des polynu-cléaires reste la technique de référence et sesrésultats doivent être récupérés le plus rapidementpossible. Enfin, des prélèvements d’urine, de sang(et éventuellement au niveau d’un foyer infectieuxlocalisé) doivent être systématiquement réalisés,au mieux avant le début du traitement antibioti-que.Chez les malades sans signe clinique d’infection,

hospitalisés pour une paracentèse programmée aucours de la prise en charge d’une ascite réfractaire,la prévalence des infections communautaires esttrès faible.26,27 Dans cette population, la numéra-tion des polynucléaires pourrait être suffisantepour effectuer le dépistage d’une infection sansqu’il soit nécessaire d’effectuer une mise en cul-ture systématique du liquide d’ascite.Une péritonite secondaire après perforation di-

gestive peut être dépistée par une concentrationélevée en protides, la présence d’une infectionpolymicrobienne ou à bactérie anaérobie, d’anti-gène carcinoembryonnaire > 5 ng/ml ou de phos-phatases alcalines dans l’ascite > 240 U/l.28

Traitement de l’infection du liquided’ascite

Traitement curatif

L’amélioration des critères diagnostiques d’ILA etla réalisation d’un traitement antibiotique adapté

ont permis de considérablement améliorer le pro-nostic au cours de ces 25 dernières années.25 Letraitement anti-infectieux doit être débuté en ur-gence en cas de suspicion d’ILA, sans attendre lesrésultats de la culture du liquide d’ascite. En raisondu délai d’isolement des bactéries, l’antibiothéra-pie initiale est empirique, reposant sur les donnéesbactériologiques découlant des connaissances phy-siopathologiques de l’infection. Ainsi, les antibioti-ques utilisés doivent diffuser largement et rapide-ment dans l’ascite et être actifs principalement surles bacilles à Gram négatif mais aussi sur les cocci àGram positif, et notamment les streptocoques. Ladiffusion des aminosides dans le liquide d’ascite esttrès variable et leur utilisation est fréquemmentassociée à la survenue d’une insuffisance rénale,facteur majeur d’aggravation du pronostic danscette population. La difficulté d’appréciation de lafonction rénale chez ces malades et la possibilitéd’utilisation de traitements antibiotiques plus effi-caces et mieux tolérés doivent faire abandonnerl’usage des aminosides. Actuellement, les schémasthérapeutiques les mieux validés utilisent des anti-biotiques appartenant à la classe des céphalospori-nes de troisième génération. Dans une étude rando-misée, le céfotaxime était plus efficace et mieuxtoléré au plan rénal que l’association ampicilline ettobramycine.29 Le céfotaxime utilisé à la dose de 4à 6 g/j par voie intraveineuse pendant une duréeminimale de 5 jours permet d’obtenir des taux deguérison d’environ 80 %.30 Le principal inconvé-nient de l’utilisation du céfotaxime est la nécessitéd’une administration parentérale. Des alternativesthérapeutiques sont possibles, notammentl’amoxicilline/clavulanate à la dose de 1 g/0,125 gtoutes les 6 heures ou un antibiotique de la classedes fluoroquinolones (ciprofloxacine, ofloxacine oumoxifloxacine).31,32 Ces antibiotiques ont l’avan-tage de pouvoir être débutés par voie intraveineusepuis relayés par voie orale. En l’absence de toutsigne de gravité, le traitement peut également êtredébuté par voie orale.32

La guérison de l’infection est définie par unedisparition des signes cliniques, un nombre de poly-nucléaires neutrophiles < 250/mm3 dans l’ascite etune culture négative de l’ascite. Une diminutionimportante du nombre des polynucléaires dans l’as-cite (50 % est un seuil couramment admis, mais nonvalidé) 48 heures après le début du traitement esten faveur de l’efficacité du traitement antibioti-que. En l’absence d’amélioration rapide, la morta-lité des patients est très élevée. Une réévaluationdu malade et de l’infection est nécessaire pouréliminer une péritonite secondaire ou modifierl’antibiothérapie.En présence d’une ILA nosocomiale (ascite non

infectée à l’admission), le traitement doit être

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orienté par les résultats d’un bilan bactériologique(ascite, sang, urine, foyer infectieux, cathéters...).En l’absence de bactérie identifiée, le traitementdoit tenir compte des antibiotiques récemment re-çus par le patient (fréquence des bacilles à Gramnégatif résistants à l’amoxicilline/clavulanate) etdes conditions épidémiologiques locales (fréquencedes staphylocoques méticillinorésistants).33,34

En présence d’une ILA survenant lors d’une anti-bioprophylaxie par fluoroquinolones, les bacilles àGram négatif résistants aux quinolones et au cotri-moxazole et les streptocoques sont les bactéries lesplus fréquemment identifiées.34–36 L’antibiothéra-pie doit toujours être dirigée contre les bacilles àGram négatif (céfotaxime) et élargie vers les coccià Gram positif, notamment streptocoques (amoxi-cilline) et éventuellement staphylocoques (vanco-mycine).

Préservation de la fonction rénale

Si la guérison de l’épisode infectieux est obtenuedans 80 à 100 % des cas, la mortalité hospitalièreest d’environ 30 %, en rapport avec des causes nondirectement infectieuses : syndrome hépatorénal,hémorragie digestive, insuffisance hépatocellulaireterminale ou carcinome hépatocellulaire. La pré-sence ou la survenue d’une insuffisance rénale estle principal facteur prédictif de décès en coursd’hospitalisation chez ces malades.37 La réalisationde deux perfusions d’albumine (1,5 g/kg au coursdes 6 premières heures et 1 g/kg au 3e jour dutraitement) diminue le risque d’insuffisance rénaleet améliore la survie des malades.38 L’utilisation demédicaments potentiellement néphrotoxiques doitêtre évitée, notamment les traitements par amino-sides. En l’absence d’hyponatrémie sévère(< 120 mmol/l), la restriction hydrique n’est pasindiquée.4

Traitement préventif

Le traitement prophylactique est indiqué chez desmalades atteints de cirrhose ayant un risque parti-culièrement élevé d’infection. Les méthodes deprophylaxie ont principalement évalué l’efficacitéd’antibiotiques non absorbables ou peu absorbés.Actuellement, l’antibiotique le plus utilisé est unefluoroquinolone, la norfloxacine, en raison de sonactivité sur les bacilles à Gram négatif, du respectde la flore anaérobie et de sa bonne tolérance chezles malades atteints de cirrhose. En raison d’uneabsorption incomplète (environ 40 % de la doseingérée), des concentrations élevées de norfloxa-cine sont présentes dans l’intestin, responsablesd’une décontamination digestive sélective efficacedes selles.

Chez des malades ayant une ascite pauvre enprotides (< 10 g/l), une antibiothérapie par nor-floxacine à la dose de 400 mg/j au long coursentraîne une diminution significative du risqued’infection sévère à bacilles à Gram négatif.39 Ce-pendant, l’indication d’une antibioprophylaxie pri-maire, continue, au long cours dans cette popula-tion doit tenir compte, d’une part, du bénéficeescompté pour un malade donné (risque d’ILA fai-ble, inférieur à 10 %) et, d’autre part, du risqued’émergence de bactéries à haut niveau de résis-tance. Inversement, une antibioprophylaxie n’estpas indiquée si la concentration des protides dansl’ascite est > 10 g/l.L’antibioprophylaxie est également indiquée

chez des malades hospitalisés pour hémorragie di-gestive haute (diminution de l’incidence des infec-tions et amélioration de la survie à court terme).40

Les antibiotiques les plus souvent utilisés étaientdes quinolones, parfois associés à de l’amoxicil-line/clavulanate. La présence d’une infection doitêtre recherchée chez tous les malades atteints decirrhose hospitalisés pour hémorragie digestive.Même en son absence, une antibioprophylaxie doitêtre débutée dès l’admission du malade. Une fluo-roquinolone (norfloxacine à la dose de 400 mg/12 hper os ou par une sonde nasogastrique) peut êtreutilisée pour une durée minimale de 7 jours. Enfin,une antibiothérapie est également indiquée en pro-phylaxie secondaire après guérison d’un premierépisode d’ILA (risque de récidive de 70 % à 1 an).

Traitements de la maladie causale

Le traitement de la maladie causale est un objectifprioritaire de la prise en charge. En ce qui concerneles ascites d’origine extrahépatique, le pronosticest habituellement excellent lorsqu’il s’agit d’unepéritonite d’origine infectieuse (traitement d’uneinfection tuberculeuse ou d’une infection à Chla-mydiae). Lorsque l’ascite est carcinomateuse, ellesurvient généralement à la phase terminale del’évolution tumorale. Elle est associée à une mé-diane de survie de 1,4 mois en cas de tumeurprimitive gastrique, de 3,7 mois pour le côlon et de10 mois pour l’ovaire.41

Lorsque l’ascite est d’origine hépatique, une ré-solution complète de l’ascite peut souvent êtreobtenue après traitement de la cause de l’hépato-pathie, notamment abstinence alcoolique, traite-ment corticoïde et immunosuppresseur d’une cir-rhose auto-immune, traitement anticoagulant ouchirurgical d’une maladie de Budd-Chiari. Certai-nes molécules antivirales (interférons, inhibiteursnucléosidiques) peuvent considérablement modi-

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fier l’évolution des cirrhoses posthépatiques B et C.Cependant, le pronostic à moyen terme des mala-des atteints avec ascite est généralement mauvais.En effet, 30 à 50 % des patients décèdent dansl’année qui suit la première poussée d’ascite. Mal-gré l’amélioration considérable du taux de guérisonde l’ILA et de la mortalité à court terme, la survie à1 an après guérison d’une ILA est comprise entre30 et 40 %, en rapport avec la gravité de l’hépato-pathie sous-jacente. Au total, chez les malades parailleurs candidats éligibles pour une transplanta-tion hépatique (sévérité de l’hépatopathie, âge,absence d’autre tare viscérale grave associée, ab-sence de carcinome hépatocellulaire de grandetaille), la survenue d’une première poussée d’as-cite ou celle d’un épisode d’ILA sont deux élémentsà prendre en compte dans la décision d’inscriptionsur une liste d’attente de transplantation hépati-que.42 La créatinine sérique et le score de Pughsont les deux facteurs pronostiques indépendantsde la survie à 1 an des malades ayant guéri d’unpremier épisode de péritonite spontanée et candi-dats potentiels à une transplantation hépatique.42

L’amélioration du pronostic rénal de ces maladespar l’administration d’albumine lors du traitementinitial de la péritonite et le raccourcissement desdélais d’obtention d’un greffon devraient être lesfacteurs majeurs d’amélioration du pronostic dansles années à venir. Cependant, l’ILA est une com-plication très tardive dans l’évolution de la cir-rhose. Sa gravité immédiate et à court terme (sur-vie médiane de 9 mois) rend difficile la réalisationd’une transplantation et de nombreux malades dé-cèdent sur la liste d’attente. L’utilisation du scoreMELD (Model for End-stage Liver Disease) pour ra-tionaliser les indications de transplantation ou at-tribuer un greffon sous-estime la gravité des mala-des atteints d’ascite. Un travail récent suggère quela présence d’une ascite persistante et d’une hypo-natrémie (< 135 mEq/l) devrait être prise en consi-dération pour assurer au malade un délai d’attentede greffon le plus court possible.43

Conclusion

Le diagnostic de plus en plus précoce des fibroseshépatiques importantes, notamment au cours desmaladies virales, et l’amélioration des traitementsétiologiques devraient diminuer le risque de surve-nue des complications graves de la cirrhose, notam-ment hémorragies digestives, ascite et péritonitesspontanées. Lors de la survenue d’une premièrepoussée d’ascite, le malade doit être hospitalisépour permettre une évaluation complète de la ma-ladie hépatique, le traitement des complications

associées et faire discuter l’indication d’une trans-plantation hépatique. Le traitement symptomati-que associant régime hyposodé et diurétiques per-met le plus souvent le contrôle de l’ascite. En casde résistance au traitement, des ponctions évacua-trices associées à des perfusions d’albumine en casde paracentèses de grand volume peuvent complé-ter le traitement ou être poursuivies au long courssi l’ascite devient permanente. En cas d’ILA, undiagnostic rapide, un traitement anti-infectieuxadapté et la prévention d’une détérioration de lafonction rénale permettent généralement la guéri-son de l’épisode infectieux et une évolution favora-ble. Dans tous les cas, le traitement de la maladiehépatique (incluant la discussion d’une transplan-tation) et le dépistage, la prévention et le traite-ment des autres complications de la cirrhose (hé-morragie digestive, carcinome hépatocellulaire)doivent être des objectifs prioritaires associés autraitement du symptôme « ascite » (Fig. 1).

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