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Le Point Vétérinaire / N° 256 / Juin 2005 / 40 Se f ormer / CONDUITE À TENIR / Le syndrome d’oblitération nasale est probablement lié à l’œstrose. Il importe de ne pas le confondre avec d’autres affections et de détecter précocement les lésions sur l’ensemble du troupeau. e syndrome d’oblitération nasale des ovins (SONO) correspond aux rhinites qui conduisent au rétrécissement plus ou moins prononcé de l’orifice nasal, selon un processus qui évoque une hypersensibilité retardée, vraisemblablement vis-à-vis des larves d’Œstrus ovis. L’attention portée à ce syndrome date de la fin des années 1990. Les éleveurs se plaignaient alors que les symptômes attribués à l’œstrose persistaient après le traitement, voire qu’ils s’aggravaient. La plupart des troupeaux ovins du Piémont et des coteaux du Pays basque sont atteints de façon plus ou moins prononcée par le SONO, dès lors qu’ils ne transhument pas l’été. À l’automne 1997, avec le concours de l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT), nous avons entrepris de rechercher systématique- ment les œstres (L1) dans les cornets nasaux de brebis résistantes aux traitements. Les recher- ches se sont avérées le plus souvent infruc- tueuses, malgré les précautions (ouverture selon différents plans, inspection en lumière rasante, etc.). Des points communs ont été retrouvés entre les différents troupeaux affectés (rétrécis- sement des orifices nasaux sans implication directe des œstres, traitements antiparasitaires inefficaces, zone de Piémont, aggravation avec l’âge, etc.). En l’état actuel des connaissances, il importe de ne pas confondre le SONO avec d’autres affections (diagnostic différentiel) et de détecter précocement les lésions sur l’ensemble du troupeau (notation et stade clinique) afin de pouvoir envisager un éventuel traitement et de proposer un pronostic précis. La connaissance des facteurs étiologiques impliqués dans ce syndrome étant encore incomplète, la préven- tion s’inspire des mesures préventives de l’œstrose. Première étape : recueil d’éléments épidémiologiques concordants Dans un élevage pour lequel le praticien est appelé pour des “bruits respiratoires”, certains paramètres concordent avec un SONO. Ils manquent toutefois de spécificité. 1. Zone Le SONO affecte surtout les élevages de la zone des coteaux basques et du Piémont. Cette région de forte concentration ovine coïncide avec celle de répartition de l’œstrose, ainsi qu’avec celle où sévit Pitomyces chartarum, champignon dont la toxine est responsable des photosensibilisa- tions de l’eczéma facial. 2. Conduite d’élevage Le SONO est observé uniquement dans les élevages qui ne transhument pas en altitude. Les élevages qui pratiquent le traditionnel pâturage nocturne en période de chaleurs diurnes semblent épargnés. 3. Race La race manex à tête rousse est largement majoritaire dans la zone la plus affectée par le SONO. Elle est moins transhumante que la race manex à tête noire, qui passe l’été à 1 000 mètres. Des cas parfois prononcés sont rapportés chez des basco-béarnaises, des lacaunes, des manex à tête noire, et, ponctuel- lement, chez diverses races à viande (Berry, Île- de-France, etc.). 4. Âge Dans les troupeaux qui passent l’été dans le Piémont, la relation entre le degré d’atteinte de SONO et l’âge augmente clairement entre un et cinq ans, puis se stabilise en raison des réformes. Lorsque les ovins sont gardés sur l’exploitation les deux premières années avant de transhu- mer, l’atteinte se stabilise après deux ans. 5. Saison Le SONO s’exprime avec une intensité plus forte au début de l’automne, quand les attaques parasitaires et la chaleur sont marquées et les gestations avancées. Les lésions d’oblitération nasale persistent tout l’hiver. Une recrudescence des difficultés respiratoires a lieu en fin de printemps, dès les premières chaleurs et à l’époque principale des réformes. Le SONO sévit donc toute l’année. 6. Prévalence et incidence Dans les troupeaux qui présentent l’une des caractéristiques épidémiologiques décrites ci- dessus (lieu, race, etc.), 0 à 80 % des animaux L Conduite à tenir lors d’ oblitération nasale ovine AFFECTIONS DES VOIES RESPIRATOIRES SUPÉRIEURES CHEZ LES OVINS par Jean-Christophe Natorp Urdozekoeskola 64430 Baigorri Étape 2 : diagnostic différentiel • Œstrose, tumeur des sinus, Visna-Mædi, adénomatose pulmonaire, pasteurellose, bronchite vermineuse, rhinite non spécifique d’ambiance • Association possible avec d’autres maladies Étape 1 : recueil d’éléments épidémiologiques • Région, race, sans transhumance • Plus marqué en été, augmente avec l’âge Étape 3 : examen clinique • À distance : orthopnée • Rapproché : notation Étape 4 : examens complémentaires • Histologie • Sérologies “œstrus” • Intradermoréactions Les étapes essentielles Étape 5 : traitement • AIS • Élargissement et cicatrisants • Réforme selon le stade © Le Point Vétérinaire - Reproduction interdite

Conduite à tenir lors d'oblitération nasale ovine

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Le Point Vétérinaire / N° 256 / Juin 2005 / 40

Se former / CONDUITE À TENIR /

Le syndrome d’oblitération nasale est probablement lié à l’œstrose.Il importe de ne pas le confondre avec d’autres affections et de détecterprécocement les lésions sur l’ensemble du troupeau.

e syndrome d’oblitération nasale desovins (SONO) correspond aux rhinitesqui conduisent au rétrécissement plusou moins prononcé de l’orifice nasal,selon un processus qui évoque une

hypersensibilité retardée, vraisemblablementvis-à-vis des larves d’Œstrus ovis.L’attention portée à ce syndrome date de la findes années 1990. Les éleveurs se plaignaientalors que les symptômes attribués à l’œstrosepersistaient après le traitement, voire qu’ilss’aggravaient. La plupart des troupeaux ovins du Piémont etdes coteaux du Pays basque sont atteints defaçon plus ou moins prononcée par le SONO,dès lors qu’ils ne transhument pas l’été. À l’automne 1997, avec le concours de l’Écolenationale vétérinaire de Toulouse (ENVT), nousavons entrepris de rechercher systématique-ment les œstres (L1) dans les cornets nasaux debrebis résistantes aux traitements. Les recher-ches se sont avérées le plus souvent infruc-tueuses, malgré les précautions (ouverture selondifférents plans, inspection en lumière rasante,etc.). Des points communs ont été retrouvésentre les différents troupeaux affectés (rétrécis-sement des orifices nasaux sans implicationdirecte des œstres, traitements antiparasitairesinefficaces, zone de Piémont, aggravation avecl’âge, etc.).En l’état actuel des connaissances, il importede ne pas confondre le SONO avec d’autresaffections (diagnostic différentiel) et de détecterprécocement les lésions sur l’ensemble dutroupeau (notation et stade clinique) afin depouvoir envisager un éventuel traitement et deproposer un pronostic précis. La connaissancedes facteurs étiologiques impliqués dans cesyndrome étant encore incomplète, la préven-tion s’inspire des mesures préventives del’œstrose.

Première étape : recueild’éléments épidémiologiquesconcordantsDans un élevage pour lequel le praticien estappelé pour des “bruits respiratoires”, certainsparamètres concordent avec un SONO. Ilsmanquent toutefois de spécificité.

1. ZoneLe SONO affecte surtout les élevages de la zonedes coteaux basques et du Piémont. Cette régionde forte concentration ovine coïncide avec cellede répartition de l’œstrose, ainsi qu’avec celleoù sévit Pitomyces chartarum, champignon dontla toxine est responsable des photosensibilisa-tions de l’eczéma facial.

2. Conduite d’élevage Le SONO est observé uniquement dans lesélevages qui ne transhument pas en altitude. Les élevages qui pratiquent le traditionnelpâturage nocturne en période de chaleursdiurnes semblent épargnés.

3. Race La race manex à tête rousse est largementmajoritaire dans la zone la plus affectée par leSONO. Elle est moins transhumante que la racemanex à tête noire , qui passe l ’ é té à1 000 mètres. Des cas parfois prononcés sontrapportés chez des basco-béarnaises, deslacaunes, des manex à tête noire, et, ponctuel-lement, chez diverses races à viande (Berry, Île-de-France, etc.).

4. Âge Dans les troupeaux qui passent l’été dans lePiémont, la relation entre le degré d’atteinte deSONO et l’âge augmente clairement entre unet cinq ans, puis se stabilise en raison desréformes. Lorsque les ovins sont gardés sur l’exploitationles deux premières années avant de transhu-mer, l’atteinte se stabilise après deux ans.

5. Saison Le SONO s’exprime avec une intensité plus forteau début de l’automne, quand les attaquesparasitaires et la chaleur sont marquées et lesgestations avancées. Les lésions d’oblitérationnasale persistent tout l’hiver. Une recrudescencedes difficultés respiratoires a lieu en fin deprintemps, dès les premières chaleurs et àl’époque principale des réformes. Le SONO sévitdonc toute l’année.

6. Prévalence et incidenceDans les troupeaux qui présentent l’une descaractéristiques épidémiologiques décrites ci-dessus (lieu, race, etc.), 0 à 80 % des animaux

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Conduite à tenir lorsd’oblitération nasale ovine

AFFECTIONS DES VOIES RESPIRATOIRES SUPÉRIEURES CHEZ LES OVINS

par Jean-ChristopheNatorp

Urdozekoeskola64430 Baigorri

Étape 2 : diagnostic différentiel • Œstrose, tumeur des sinus, Visna-Mædi, adénomatose pulmonaire, pasteurellose, bronchite vermineuse, rhinite non spécifique d’ambiance • Association possible avec d’autres maladies

Étape 1 : recueil d’éléments épidémiologiques • Région, race, sans transhumance• Plus marqué en été, augmente avec l’âge

Étape 3 : examen clinique• À distance : orthopnée • Rapproché : notation

Étape 4 : examens complémentaires• Histologie• Sérologies “œstrus”• Intradermoréactions

Les étapes essentielles

Étape 5 : traitement • AIS• Élargissement et cicatrisants• Réforme selon le stade

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sont atteints (jusqu’à 100 % pour certainesclasses d’âge). Le nombre de cas semble plusélevé certaines années.

Deuxième étape :diagnostic différentiel

Le syndrome d’oblitération nasale des ovins doitêtre distingué d’autres affections afin de concen-trer les efforts de lutte (voir le TABLEAU “Diagnos-tic différentiel du syndrome d’oblitérationnasale des ovins”). La présence de plusieursaffections dans un même troupeau est toutefoisfréquente.

1. Lien avec l’eczéma facial À l’échelle des troupeaux, une corrélation nettea été mise en évidence lors de la premièreenquête de terrain sur ce syndrome, certainséleveurs rapprochant même l’apparition duSONO d’épisodes d’eczéma facial observés dansleur élevage. Cela n’a toutefois pas été confirméà l’échelle des individus : recoupement desexamens à l’abattoir (nez et foies) ou dosagessériques de gamma-glutamyl-transférase. Certes,dans certains cas, la photosensibilisation induitepar l’eczéma facial peut conduire à une gênerespiratoire par inflammation, donc gonflementdu naseau, mais toute relation directe entre leSONO et l’eczéma facial semble écartée.

2. Lien avec l’œstrose Malgré la distinction clinique essentielle (pasd’oblitération nasale dans l’œstrose classique),plusieurs arguments plaident pour un lien entrele SONO et l’œstrose. En premier lieu, les airesgéographiques d’observation de ces deuxmaladies se recoupent.À l’origine, le SONO a été mis en évidence chezdes animaux qui présentent des réactions auxtraitements des œstres. La répétition des traite-ments ou l’emploi de médicaments rémanentsn’apportaient aucune amélioration. Des essaisd’inoculation intradermique d’antigènes d’œstres,sous la conduite du Pr Dorchies (communica-tion personnelle), semblent aller dans le sens del’hypothèse suivante : un phénomène d’hyper-sensibilité aux œstres, peut-être accentué par lestraitements, serait impliqué dans l’apparition duSONO, d’où le lien (indirect) entre ces maladies,mais cela reste à confirmer (conception d’outilsantigéniques adaptés, détermination des antigè-nes impliqués, mise en évidence d’IgE, etc.). Les produits de lyse des œstres pourraient êtreparticulièrement allergéniques, un peu commedans le cas du varron traité tardivement.

3. Lien avec le confinement du bâtimentet les rhinites bactériennes à germes nonspécifiques Certains troupeaux expriment le SONO dansdes bâtiments récents correctement ventilés etd’autres ne comptent aucun cas dans desbâtiments pourtant mal ventilés. Il sembletoutefois que de mauvaises conditionsd’ambiance aggravent un SONO, initié indépen-damment des conditions de ventilation.

Troisième étape : examenclinique et lésionnelL’examen clinique permet de préciser undiagnostic de SONO et d’estimer le degréd’atteinte du troupeau.

1. Examen à distanceLes difficultés respiratoires dans un cheptels’apprécient dès l’entrée dans la bergerie. L’observation à distance permet d’évaluer lenombre de cas sévères : les brebis prennent uneattitude caractéristique d’un repos compensa-teur, le menton posé sur les cornadis, sur lesmurets, sur le dos, l’arrière ou l’échine d’autresanimaux, l’encolure étirée, en orthopnée. Cesanimaux respirent difficilement, en trois temps(PHOTO 1) :- inspiration forcée avec dépression marquéeen arrière des narines ;

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Œstrose • Diagnostic thérapeutique et examens à l’abattoir• Pas de modification des narines le plus souvent

Tumeur des sinus • Pas dans la race manex, contrairement au SONO • Déformation nasale assez postérieure

Visna-Mædi Troubles pulmonaires

Adénomatose pulmonaire • Respiration discordante• Signe de la brouette(1) avec jetage

Pasteurellose • Toux, hyperthermie• Jeunes plus touchés

Bronchite vermineuse • Coproscopie (Baerman)• Auscultation

Rhinite non spécifique, • Absence de modification des narinesd’ambiance • Pas de prédisposition des classes d’âge avancé

• Affection limitée dans le temps

Diagnostic différentiel du syndrome d’oblitération nasale des ovins

(1) Quand les postérieurs de la brebis sont relevés, de l’eau s’écoule par les narines.

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PHOTO 1. Brebis atteinte de SONO en orthopnée : l’expiration avec formation de bajoues à gauche et l’inspiration avec dépression marquée des fosses nasalesà droite signent une atteinte déjà avancée.

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- expiration forcée avec formation de bajoues ;- récupération la bouche ouverte, halètements ;la brebis paraît “hébétée”.Selon la ventilation du bâtiment, les brebis lesplus atteintes peuvent être regroupées près desouvertures. Les dyspnées s’observent préférentiellement ets’aggravent dans les lots en fin de gestation, quipeut entraîner la mort de certains animaux. L’état corporel moyen des animaux d’untroupeau peut être affecté lors de SONO, maisce critère, non spécifique, est susceptibled’orienter le diagnostic vers d’autres maladies.

2. Examen rapproché

! Extérieur du nezUne modification du profil de la brebis peutsurvenir : le dessus du nez paraît ainsi légère-ment en retrait lorsqu’elle est sévèrementatteinte (PHOTO 2). Des “nez de boxeur” ont étéobservés dans environ un cas pour cent brebisatteintes. L’implication du SONO dans ces casn’a toutefois pas été confirmée (mais ce signen’a pas non plus été relié à une autre affection).Les lésions peuvent évoquer celles du syndromede Wegener en médecine humaine (granulomerhinogène).

! Inspection des orifices nasaux et notationL’ouverture des narines est appréciée. Leslésions précoces sont détectées par unepalpation de la muqueuse du septum nasal avecla face palmaire d’un doigt (le majeur) (voirl’ENCADRÉ “État de l’orifice nasal aux différentsstades lésionnels du SONO”). Au premier stade, la dimension de l’orifice nasaln’est pas affectée : seule la pituitaire est enfléeet dépolie. Une zone nettement circonscrite àla limite de l’épithélium externe apparaîtblanche, souvent bordée de quelques pétéchiesvisibles à condition d’éclairer convenablement

l’intérieur du nez. Les premiers stades (note “1”)sont assez homogènes, mais passent souventinaperçus. Leur détection est fondamentale carelle permet un diagnostic précoce, avec unepossibilité thérapeutique et surtout uneappréciation du SONO plus proche de la réalité(PHOTO 3).Il importe de récapituler les notes lésionnellesobtenues en fonction de l’âge des brebis carl’accroissement de la sensibilité à ce syndromeavec le temps est un élément diagnostique.

3. Examen nécropsique et complications Les lésions nasales observables du vivant del’animal sont plus facilement et plus précisé-ment décrites après la mort. Le tableau nécropsique des animaux affectésparfois retrouvés morts permet en outre dejuger des complications associées au SONO : - insuffisance cardiorespiratoire, sans lésionpulmonaire systématique (cœur flasque,décompensé, myocarde aminci ; liquide d’asciteclair) ;- les cas de pleuropneumonie du lobe apicalobservés dans un contexte de SONO s’expli-quent par de fausses déglutitions à l’occasiond’administrations forcées de médicamentsoraux.

Quatrième étape :examens complémentaires

Les examens complémentaires sont utiles pourla compréhension de ce syndrome encore malcerné.

1. Histologie Les lésions histologiques observées lors deSONO sont variées : leur signification et leurspécificité restent mal cernées.Dans le cadre de cette étude, une dizaine deprélèvements ont été exploités et examinés parle laboratoire d’anatomie pathologique vétéri-naire d’Amboise et par le laboratoire d’histo-cytopathologie vétérinaire de Maisons-Alfort.Dans tous les cas, une rhinite est observée(10/10). L’inflammation de la pituitaire est leplus souvent périvasculaire (7/10), parfoishyperplasique (2/10) ou lichénoïde (1/10). Elleévolue sur le mode de la chronicité, avec unefibrose (5/10). Les lésions évoquent un proces-sus “allergique”, d’“hypersensibilité”, “immuni-taire” dans cinq cas sur dix, avec la présence demicrotraumatismes dans un cas (peut-être liéaux œstres). L’absence de caractère infectieuxprimaire (1/10) est stipulée dans un seul cas. Lecaractère “non spécifique” des lésions est plussouvent souligné (3/10). Une congestion et unœdème sont relevés deux fois, alors qu’ils sontconstants dans les lésions cliniques.Dans deux cas, des sarcocystes sont observésentre les fibres musculaires (2/10). Unecommunication non publiée de Denis Ticouletlors des journées des groupements techniquesvétérinaires des Pyrénées-Atlantiques en 2005rapporte aussi la mise en évidence de sarcospo-ridies lors de SONO.

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PHOTO 2. Cette lésion en nez de boxeur (retrouvée chez moins d'1 % des animauxatteints de SONO) est-elle liée au SONO ?

! Note 0 : état normal. L’orificenasal des brebis, quelle que soitleur race, est suffisamment largepour une exploration avec lemajeur. La muqueuse pituitaireest d’aspect nacré, lisse et decouleur rosée.

! Note 1 : stade initial. Lamuqueuse est modifiée. L’orificenasal des brebis est suffisam-ment large pour une explora-tion avec le majeur. Unecongestion est observée, avecun éventuel piqueté hémorra-gique. Un gonflement blanchâ-tre est noté sur une plage d’envi-ron 5 mm de diamètre. Uneulcération nette est constatée,avec une sensation de “dépoli”au toucher.

! Note 2 : le praticien peutpasser un doigt, mais avec lasensation d’être serré.

! Note 3 : le praticien doitrompre un tissu pour continuerla progression.

! Note 4 : aucun doigt, aussi finsoit-il, ne peut pénétrer l’orificenasal : méat à peine de l’épais-seur d’une allumette, voireoblitération totale (tissu fibreux).

! Note 5 : oblitération totale del’orifice nasal (cas rares, peuexploitables).

État de l’orifice nasalaux différents stadeslésionnels du SONO

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Une étude sur le SONO menée par SophieAlzieu en 2004 est étayée d’histologies quimettent en évidence une lipofibromatosed’origine externe, probablement secondaire àla dégénérescence glandulaire observée dans lechorion nasal profond.

2. Sérologies “œstrose”Moins d’un quart des animaux des troupeauxconcernés s’avèrent positifs avec un test Elisapour les L3 d’Œstrus ovis. Aucune corrélationentre les lésions et les résultats sérologiques n’apu être mise en évidence au niveau individuel(toutefois, à l’époque, la notation lésionnelle netenait pas compte des lésions précoces de SONO).

3. IntradermoréactionsL’état d’hypersensibilité des animaux affectés parle SONO a été testé par intradermoréactions. Lesobservations préliminaires sont en faveur d’unehyper-réactivité qui expliquerait le SONO. Cettehyper-réactivité semblant s’aggraver au fil descontacts avec l’“allergène”, le terme d’allergiepourrait donc être utilisé. Des questionsdemeurent toutefois : quel(s) allergène(s) précisest (sont) en cause ? L’aspect non nécessairementsymétrique des lésions est-il compatible avecl’hypothèse d’une origine allergique ?

! Vis-à-vis des larves d’œstres Dans un troupeau atteint de SONO, une plusgrande réactivité des brebis vis-à-vis des antigè-nes de L2 d’Œstrus ovis est observée par rapportaux brebis d’un troupeau moins touché. Lesjeunes sont sensiblement moins réactifs que lesadultes. Les réactions à ces intradermo-inocula-tions restent généralement discrètes et hétéro-gènes : nodules, hématomes, tuméfaction, etc.(lecture trente minutes après l’injection, puis àquarante-huit heures).

! Vis-à-vis de la deltaméthrineCertains éleveurs ont rapproché l’aspect deslésions nasales de leurs brebis et les réactionsqu’eux-mêmes présentent au contact deproduits phytosanitaires telle la deltaméthrine.Le pic d’expression des symptômes de SONOcorrespond en effet parfois aux périodes où lesprairies pâturées viennent d’être traitées à ladeltaméthrine (contre le cirphis, papillonnocturne dont la chenille détruit les plantulesde graminées, en particulier de maïs, etc.).Pour tester l’hypothèse d’un rôle de la deltamé-thrine dans l’étiologie du SONO, nous avonsinjecté dans le derme (Dermojet®), en arrièredu coude de six brebis, une solution très diluéed’un produit de traitement phytosanitaire (D6®)à base de deltaméthrine, et de l’eau chez sixautres brebis. Aucune réaction n’a été observéechez les animaux témoins, alors que cinq dessix brebis “deltaméthrine” ont présenté àquarante-huit heures une réaction assezhomogène qui évoque celle observée sur le nezdes brebis atteintes de SONO, et plus nette quecelle notée après l’injection des larves d’œstresL2 : une tuméfaction nacrée, circonscrite. Ilserait intéressant de répéter ce test, en utilisantdes méthodes statistiques et en inoculant auxtémoins l’excipient sans deltaméthrine.

4. BactériologieLes bactéries, en particulier Staphylococcusaureus, joueraient le rôle de contaminantssecondaires lors de SONO. Dans cette étude,Staphylococcus aureus (coagulase+) a été identi-fié en culture abondante sur deux écouvillonsanalysés. Pasteurella sp. et Streptococcus mitisont été identifiés sur un prélèvement issu d’unebiopsie nasale. Une flore variée qui inclut desmoisissures a été obtenue sur un autre prélève-ment de biopsie.Le traitement doit tenir compte de la présencepossible de ces germes dans les lésions.

5. VirologieAucune particule virale n’a été détectée sur deuxbiopsies de la pituitaire pratiquées dans le cadrede cette étude (recherche de pox et de parapoxvirus en microscopie directe après colorationnégative à l’Agence française de sécuritésanitaire des aliments, ou Afssa, site d’Alfort,par Jean-Marie Gourreau).

Cinquième étape :traitement

En pratique, lors de SONO, le premier traite-ment peut être réalisé en même temps quel’examen individuel des brebis, alors qu’ellessont au cornadis.

1. Traitement selon le stade

! Stade 1 (lésions sans rétrécissement) L’administration d’anti-inflammatoires stéroï-diens, associés ou non à des anti-infectieux parvoie locale, est préférentiellement réservée à cestade où il n’existe pas d’effraction muqueuse.L’application locale de cicatrisants et d’anti-septiques (par exemple, Dermaflon®) peuttoutefois déjà se justifier.

! Stade 2L’élargissement de l’orifice nasal risque d’aggra-ver les saignements, donc d’accroître le risqueinfectieux, inflammatoire et cicatriciel.Il est possible de choisir entre les mesuresconseillées au stade 1 et celles du stade 3.

! Stade 3 Il convient de rompre les adhérences en forçantle passage lésionnel avec le doigt et de tenter delimiter un éventuel rétrécissement cicatricielpar l’application de pommades (par exemple,Dermaflon®, Vegebom® ou préparationsextemporanées). L’amélioration peut être spectaculaire, mais lamanœuvre doit être effectuée avec précautioncar elle est traumatisante et une mauvaisecicatrisation secondaire peut avoir l’effet inversede celui attendu.

! Stades 4 ou 5 Lors d’obturation totale, trop prononcée pourêtre élargie manuellement, une interventionchirurgicale pourrait être envisagée, mais elleest difficile à proposer dans la pratique courante !!

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PHOTO 3. Stade 1 de SONO :les éleveurs doivent êtreencouragés à détecter lesanimaux affectés par uneinspection attentive.❶ Congestion et pétéchies.❷ Œdème en “vergétures”. ❸ Fibrose. ❹ Ulcère. ❺ Graisse.

En savoir plus- Alzieu J-P, Chiarisoli O. Actualitéssur la clinique et la thérapeutiquede l’œstrose ovine. Point Vét.1990;22(129):173-183.

- Alzieu J-P, Dorchies Ph, Donat Fet coll. Données nouvelles surl’épidémiologie de l’œstrose ovine.Point Vét. 1994;26(162):363-369.

- Alzieu S. Syndrome d’obstructionnasale des ovins : description.Mémoire de fin d’études pourl’obtention du titre d’ingénieur des techniques agricoles. ENITAB.2005:96.

- Dorchies P. Physiopathologie de l’œstrose ovine et rappelscliniques. Point Vét. 1997;28(n° spécial “Parasitologie desruminants”):1843-1847.

- Dorchies P, Alzieu JP. L’œstroseovine : revue. Rev. Méd. Vét.1997;148(7):565-574.

Congrès- Garcia-Sanmartin J, Garcia-PerezA, Barandika J et coll. Estertornasal cronico ovino (ENCO).Descripcion clinica yepidemiologica y su relacion conel eczema facial ovino. Congresode la Societad Espanola de ovitecnia y caprinotecnia,septembre 2002.

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(PHOTOS 4 ET 5). La réforme est plus logique.Dans un cas de cette étude, l’abattage total dutroupeau a été décidé en accord avec l’éleveuret le groupement de défense sanitaire (GDS).

2. Aspects pratiques et réglementairesAucun résumé des caractéristiques du produit(RCP) ne mentionne pour une spécialité uneutilisation dans l’espèce ovine en applicationintranasale et pour l’indication SONO. Lepraticien peut prescrire un traitement en respec-tant la cascade officielle et en vérifiant l’absencede résidus. Les résultats attendus doivent êtrepesés au regard de divers éléments :- contraintes d’administration ; - amélioration attendue du bien-être ;- risque de résidus ;- précocité d’intervention possible ;- attentes de l’éleveur.Il convient de définir précisément le momentidéal d’intervention, en sachant que les brebisaffectées sont toujours soit en lactation, soit engestation (innocuité ? risques de résidus ?).En règle générale, il convient de privilégier lestraitements locaux, à base de spécialités pouranimaux de rente (bovins) et administrés aprèsla période d’agnelages.

Sixième étape :prévention

Les mesures préventives restent arbitraires,puisque la pathogénie de cette affection n’estpas établie. Théoriquement, en raison despoints épidémiologiques communs, il convien-drait de monter le troupeau en altitude à la bellesaison et de ne pas laisser vieillir les animaux… En pratique, les mesures se résument à lutterefficacement contre les œstres, en postulant queceux-ci initient ou favorisent les troublesobservés (lien indirect via l’allergie). L’aggrava-tion des symptômes lors de traitement imposeune prévention non médicamenteuse del’œstrose. En outre, des mesures qui permettentd’éviter l’aggravation de la dyspnée, les surinfec-tions et les fausses déglutitions sont à conseiller.

1. Limiter l’agression par les œstres En l’état actuel des connaissances, deuxmesures peuvent être conseillées :- ne sortir les brebis que la nuit et aux heuresfraîches ;- utiliser des répulsifs : le badigeon d’huile decade sur le crâne semble utile, mais sa duréed’activité est mal connue (disparition rapidelors du pâturage) et il peut conférer un goûtdésagréable au lait. La pose de masques chezles animaux (utilisés dans les Andes, selon Ph.Dorchies, communication personnelle), quiempêchent l’accès des mouches aux narines,n’est pas simple à concevoir en pratique.

2. Limiter l’aggravation des symptômes• Améliorer la ventilation des bâtiments d’élevageest une mesure majeure lors de difficultésrespiratoires, notamment lors de SONO. Uneventilation correcte ne garantit pas l’absence de SONO, mais une ventilation déficientel’aggrave. Un diagnostic de bâtiment classiqueprécède tout conseil d’amélioration : densitéanimale, différentiel d’hygrométrie intérieure/extérieure, mouvements d’air et contaminants.• Il convient d’éviter une lyse brutale des parasi-tes consécutive au traitement de l’œstrose. Lalactation empêche de traiter les œstres aumoment de leur première agression estivale, cequi pourrait donner le temps à la relationantigène-animal de s’installer. Le poids desbrebis à traiter doit être correctement estimé,et les dates de traitement et l’attitude à adopteren cas d’échec sont étudiées (recours au vétéri-naire plutôt que la mise en œuvre d’un secondtraitement).• Les risques de pneumonie par fausse dégluti-tion sont fréquents lors de SONO : administra-tion forcée de médicaments par voie orale, fortecompétition à l’auge, abreuvement irrégulier.• La fatigue cardiorespiratoire à l’approche del’agnelage doit être limitée : il convient d’adap-ter l’encombrement et la densité énergétique dela ration à la taille et au poids de la portée.

L’obstruction nasale des ovins a des pointscommuns avec le piétin : les éleveurs “acceptent”ou refusent cette maladie selon leur niveaud’exigence en matière de bien-être. Le SONO peutaussi provoquer des pertes économiques(mortalité lors des agnelages, abattage total decheptels, pertes de production laitière de l’ordrede 20 %, etc.). Il convient d’améliorer la précocitéde la détection de cette maladie, de mieux évaluerles possibilités thérapeutiques et leur efficacité,et d’approfondir les connaissances épidémiolo-giques, en particulier sur d’éventuelles spécifici-tés de l’œstrose dans le bassin de production oùle SONO est rencontré. Pour cela, il seraitnécessaire de préciser le rythme et les modalitésd’agression par les œstres, par exemple en mettanten évidence directement les attaques par cesmouches, comme cela se pratique au Mexique(J.-P. Alzieu, communication personnelle). ■

Se former / CONDUITE À TENIR /!!

À lire également- Alzieu J-P. L’œstrose ovine revienten force cet été. Elle nécessite untraitement précoce de l’ensembledu troupeau. La SemaineVétérinaire. 2003;1105:22.

- Bouquet B. Œstrose, coccidioseet haemonchose au menu desréjouissances ovines. Certainesparasitoses “résistent” à l’éradication. La SemaineVétérinaire. 2002;1061:37.

- Bouquet B. Le lien œstrose-tumeurs nasales n’est pas établi.Cette parasitose est maîtrisée chez les ovins, mais pas éradiquée.La Semaine Vétérinaire.2002;1067:62.

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PHOTO 4. Stade 4 de SONO : L’orificenasal a l’aspect d'un méat, avant de se fermer intégralement, dans un nombre limité de cas.

PHOTO 5. SONO stades 3 (gauche) et 4(droite) : les adhérences responsablesdu rétrecissement de l’orifice nasal sontnettement visibles à l’autopsie, aprèscoupes horizontale, verticaletransversale et verticales paramédianes.

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Le Point Vétérinaire / N° 256 / Juin 2005 / 44

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