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Contribution de l’APESS au Manifeste des femmes rurales D'ici 2030, la population ouest africaine devrait doubler pour atteindre 500 millions d’habitants, la demande en produits agricoles et d’élevage va augmenter. Ceci représente une extraordinaire opportunité de sortir les populations les plus vulnérables, notamment les femmes, de la faim. Il ne faut surtout pas la manquer. En ces futures élections couplées (présidentielles/législatives) au Burkina Faso, les femmes membres de l’APESS lancent un appel fort aux futurs dirigeants politiques d’investir plus et mieux dans l’agriculture, et notamment dans l’élevage. Dix ans après la déclaration de Maputo, on constate que le Burkina Faso figure dans le peloton des rares pays d’Afrique qui consacrent un peu plus de 10% du budget de l’Etat au secteur agricole, selon les données officielles. Les éleveurs du Burkina Faso saluent ces efforts du gouvernement mais s’interrogent sur les montants qui ont été consacrés au sous-secteur de l’élevage et sur les résultats auxquels ils ont mené. En matière de création de richesse au Burkina Faso, l’élevage passe devant la plupart des productions végétales (mais derrière le coton) et sa part dans le secteur primaire est en pleine croissance, passant de 28,9% en 2001 à 44% en 2010 (revue des dépenses publiques, RDP 2012). Ce secteur est parallèlement confronté à des conditions de production qui se dégradent d’année en année, notamment parce que les crises climatiques sont de plus en plus fréquentes, les pressions foncières sur les éleveurs de plus en plus en grandes, et les services publics insuffisants. En effet, au Burkina Faso la filière bétail est la plus dynamique, la plus forte en volume et en valeur. Tirée par une demande urbaine en pleine explosion, elle assure au Burkina le statut d’exportateur net vers les pays côtiers et ce, dans un contexte des plus hostiles sur le plan climatique (crises quasi bisannuelles depuis 10 ans) mais aussi sur les plans social et institutionnel (entraves à la mobilité du bétail). Les femmes pasteures et éleveurs tirent l’essentiel de leurs

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Contribution de l’APESS au Manifeste des femmes rurales

D'ici 2030, la population ouest africaine devrait doubler pour atteindre 500 millions d’habitants, la demande en produits agricoles et d’élevage va augmenter. Ceci représente une extraordinaire opportunité de sortir les populations les plus vulnérables, notamment les femmes, de la faim. Il ne faut surtout pas la manquer.

En ces futures élections couplées (présidentielles/législatives) au Burkina Faso, les femmes membres de l’APESS lancent un appel fort aux futurs dirigeants politiques d’investir plus et mieux dans l’agriculture, et notamment dans l’élevage.

Dix ans après la déclaration de Maputo, on constate que le Burkina Faso figure dans le peloton des rares pays d’Afrique qui consacrent un peu plus de 10% du budget de l’Etat au secteur agricole, selon les données officielles. Les éleveurs du Burkina Faso saluent ces efforts du gouvernement mais s’interrogent sur les montants qui ont été consacrés au sous-secteur de l’élevage et sur les résultats auxquels ils ont mené.

En matière de création de richesse au Burkina Faso, l’élevage passe devant la plupart des productions végétales (mais derrière le coton) et sa part dans le secteur primaire est en pleine croissance, passant de 28,9% en 2001 à 44% en 2010 (revue des dépenses publiques, RDP 2012). Ce secteur est parallèlement confronté à des conditions de production qui se dégradent d’année en année, notamment parce que les crises climatiques sont de plus en plus fréquentes, les pressions foncières sur les éleveurs de plus en plus en grandes, et les services publics insuffisants.

En effet, au Burkina Faso la filière bétail est la plus dynamique, la plus forte en volume et en valeur. Tirée par une demande urbaine en pleine explosion, elle assure au Burkina le statut d’exportateur net vers les pays côtiers et ce, dans un contexte des plus hostiles sur le plan climatique (crises quasi bisannuelles depuis 10 ans) mais aussi sur les plans social et institutionnel (entraves à la mobilité du bétail).

Les femmes pasteures et éleveurs tirent l’essentiel de leurs revenus dans la filière « lait local ».La production de lait, dominée par les éleveurs pastoraux, constitue un pendant de la filière bétail viande. Mais la filière lait local subit une concurrence forte des importations de produits laitiers qui sont passées de 5,6 en 2000 à 13 milliards en 2011 soit une hausse de 7,8% par an. Le faible taux de protection douanière des produits animaux dans l’espace UEMOA (5%), l’insuffisance des infrastructures de collecte et de transformation et les difficultés d’accès aux marchés expliquent en partie ce phénomène. Les produits laitiers constituent 92% des importations de produits animaux. Pourtant, alors que la consommation en lait est en forte hausse, la part des importations dans la consommation en lait a baissé de 45% en 1990 à environ 11% de nos jours (MRA/PNUD, 2011).

Par ailleurs, la fin des quotas laitiers annoncée à partir du 1er avril 2015, accroîtrait sans doute les volumes d’exportation du surplus des produits laitiers vers l’Afrique, et du coup, le risque d’étouffement des filières locales dans les années à venir (Source : Note d’analyse de l’impact

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des politiques commerciales régionales sur la filière « lait local », GRET/APESS, avril 2015). En matière de politique commerciale et de sauvegarde des filières lait local, des changements majeurs sont certes attendus à travers la mise en œuvre du TEC (tarifs extérieurs communs) CEDEAO et de l’Accord de Partenariat Economique (APE) avec l’Union européenne, en vue d’améliorer la compétitivité des filières lait local et assurer leur adaptation aux marchés face aux produits importés. En guise d’illustration : en 2013, l'Afrique avait importé 11,31 millions de tonnes de lait non-concentré pour une valeur de 9 milliards de dollars ; 6,83 millions de tonnes de lait concentré, pour une valeur de 23,2 milliards de dollars et 18 millions de tonnes de lait importé pour 31 milliards de dollars (Source: International Trade Center, http://www.trademap.org/). Or, de l’avis des experts, ces montants avoisinaient les coûts d’investissements nécessaires pour développer la filière lait en Afrique, et pouvaient être mis à profit pour améliorer la performance des filières lait local.

Les femmes membres de l’APESS profitent de la tenue des futures élections pour renouveler leur engagement à défendre les intérêts des exploitations familiales, et exigent à l’Etat Burkinabé la mise sur pieds d’un train de mesures efficaces et adaptées visant à accompagner le développement des filières « lait local », à travers notamment la facilitation de systèmes d’approvisionnement en aliment du bétail gérés par les organisations d’éleveurs, la sécurisation des espaces pastoraux et de la mobilité pastorale ; l’accompagnement des unités de transformation s’approvisionnant à partir de lait local ; l’amélioration de l’accès aux crédits pour la collecte, la transformation et la conservation des produits laitiers locaux ; et l’information du grand public aussi bien sur la qualité du lait local que sur l’impact de la filière sur l’emploi et les revenus ruraux, afin d’orienter le choix des consommateurs vers le lait local.