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De becker - La collaboration en Belgique (1940-1944) ou une révolution avortée

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C.R. N· 497-498Le 30 octobre 1970.

940.53/.54 (493)

COUlIllFlIIl;R liil!!i:iii:POMAIllAIItIE

DU C.I'l.I.S.!='.

LA COLLABORATION EN BELGIQUE <19110 - 19114)

OU UNE REVOLUTION AVORTEE.

Inédit attribué à Raymond De Becker(extraits)

SOMMAIRE.

Présentation

,La."., ,,-oLl,a,b,or.à~ti. o,n,,,e n.,~Be.l,g,Î,q.ue _.. 0 u "une, 0 ''',.. , ..

.. rév.o lution.....avort.ée

p. 2.

p'.' 3.

I. Les causes historiques de la collaboration p. 4.

II. Les'raisons idéologiques de la collaboration ,. p. 16.

III. Les raisons psychologiques de la collaboration p. 30.

IV. Les ca.uses d'un échec p. 46.

Annexes: 1. Raymond.De Becker - Notice biographique

2. Correspondance De Becker - Rex(1943) (Inédit)

p. ,66.

p. 67.

©l<!l<lfi'!1!!: IililfO ~l1i:©!'lIIi<II\lC!-l" I;Y !:ll'B~fF@liiit~Gn!(j1J\! l1\11)©[email protected]«lJi.11!@UI~$ 0 ©.I!U.~.~.

c. R. N° 497-498

PRESENrATlON,

2 .

Le texte que nous publions ici est constitui ~es

principaux extraits d'un essai rédigé, selon toute vraisemblance,par Raymond De Becker, publiciste belge, ,édacteur en chef duSoit sous l'occupation (1940 - 1943), d~rtissionnaire de ce p~ste

etvouê à la résidence survëillé'é dàns le IIrHime Reil:::h, jusqu'àson arrestation en 1945 et sa condamnation, pour collaborationavec l'ennemi, par la justice belge.

Au moment de la rédaction du document, .R. De Reckerétait sous le coup d'une condamnation à mort à Bruxelles, senten­ce· ·commuée ultérïeurement.

R. De Becker, issu d'e l'action catholique, bel­gi~iste et neutraliste av~nt 1940 1 fut asiez pro~he des .socialis­tes nationaux P.R .. Spaak.et H. De Man pehdànt les .annleg.oa laBeigique fut indépendante puis neutre. Il anima le groupe ESPRITNOUVEAU' et COMMUNAUTE puis, après un passage à l"Tn1:l~pl~ndàtlèe

Belge, créa l'Ouest fin 1939, organe bénéficiant d'Une aide finan­cière allemande, ultra-neutraliste, auquel collaborait le jour­naliste maurrassien Robert Poulet.

R. De Becker était lié aux Allemands Liebe etvon Burgen, de l'Auswartiges Amt Ribbentrop et fréquentaitassidûment le Salon Didier en 1939 - 1~4Q.·Il publia, SOUg

l'occupation, aux Editions de la T"ison d'o.r que dirigeaiantles Didier, un livre ·de "mêmoires· lI

, sous" le titre:" L'e' Li~"re

âë"s·~ViV'inï:·'S'~~eT·-'d·e-s-·mo1···t·s· ". .... . .... --" . " _.._..... - .. -"._- .---..- .... ".--~_ ~."" _'''_

Les allégations de l'auteur na sont pas toujour'sà prendre au pied d·e la lettre mais nous avons .préféré respecterson texte, plutôt que d'y ajouter d'innombrables mises au pointqui n'eussent rien ~nlevé à l'intérlt du t&moignagemaisl'eussent. alourdi considérablement.

Par contre, nous avons .jugé utile de j~indre enannexe une brève biographie da R, Da Becker et la correspondan­ce qu'il fichangea en janvier 1~43 avec les dirigeants de REX.

;;

;; ;;

C.R. N° 497··498

LA COLLABDRATION EN BELGIQUE

·OU··UNE··REVOLUnON·AVOHTEE.

( ... ) Nous avons pensé qu'il pouvait êtreintéressant de fixer brièvement quelles furent les causeshistoriques de la Collaboration, ses raisons idéologiqueset psychologiques, quelles furent aussi, selon notre opi­nion, les causes de l'échec qu'elle rencontra, et celaindépendamment de la défaite militaire allemande ( ... ).Nous n' examiner'ons ici que la collaboration en .Belgiqu·e, vuque nous la connaissons mieux que toute autre et qu'elle futla plus importante de tous les pays de l'Ouest, .mais il estévident qu'un grand nombre de considérations que nous éme~­

trons i son propes s'appliquent également aux phénomènesanalogues qui se produisirent dans les autres territoiresoccupés par l'Allemagne. L'auteur, lui-même condamné i mortpar la justice belge après avoir été déporté deux années enAllemagne pOlir s'être opposé aux tendances annexionnistesdes dirigeànts nazis, ne peut sans doute s'abstraire complè­tement des convictions et de l'action qui furent siennes,ainsi que du fait particulier d'écrire dans une prison etdans l'ignorance complète de son destin. C'est la .raison.pourlaquelle il considère que ces pages, outre la .valeur objectivequ'il a cherché à leur donner, peuvent également, pour ceuxd'en face, représenter un témoignage significatif. Toutefois,

"s;':'sIi:'ù'a"tio'ii'parllcÙ1ièrëësF ôe nature à' lèûtdonnér ùüpoids. qu 'eiiè's'neÏ)oÙi:raiënt possêder autrement:

DEVANT LA MORT, IL EST PEU D'HomiES QUI NE RECHERCHENT

AVANT TOUT LA VERITE.

3.

C, H. N" 49;'-1.98

[. LES CAUSES ·HISTORIQUES DE ·LA .COLLABORATION._........,_ ..------~_ ...--_._._---~.~.~ ..~..,-_._....__..--_-_._--------

4 •

Il ne nous est pas possible d'examiner d'unemaniêre approfondie et d~·tail1'e las causes 11istoriques de lapolitÏ-qTle d'ite d-e îlc"el1a'b-ê1Ëationll~ et cela cl 'sutant plu-,s quenotis na so~mès pas en possession des documents qui pourraientitayer nos affirmations. Cependant, l'on peut itablir quelquespoints de repère qui convaincront chacun que cette politiquen'est pas née au moment de la guerre~ mais trouve sa sourceplusieurs annies auparavant. La guerre n'a fait que pricipiterun processus qui e:x;istai.t in~~pendamment d'ell" et qui, mêmesans el1e~ serait un jour arriv€ à maturit€o On pourrait peut~'

être mêœe suggérer que les événements militaires,·en liantles aspir~tions et les rialisations de la minoriti "collabora­tionniste" à celles d'un pouvoir occupant étranger, compromirentdéfinitivement un mouvement dont les racines se trouvaient belet bien dans le sol ancestral.

La guerre a mêlé des passions nationales à cequi n'itait, au dibut, qu'un phénomène idéologique et socialet, de cette manière, elle a brouillé les cartes, tant pourles adversaires que pour les partisans de la dimocratie. Enrecherchant brièvem~~t ici les causes historiques de la colla­boration, il faut nouselforcer de démller cet écheveau etde ~aire appara!tre la rialiti sous les apparences .

.....,.'-... . ..- --- .. - ..

LA CRIS·E,DE. LA DEMOCRAITE·B"OURG"E"OTSE•.

Le phinom?ne de la collaboration ne peut êtresépari de celui du fascisme, quoiqu'il ne puisse s'identifierà lui. Plusieurs des causes qui, en Italie ou en Allemagne,avaient provoqué la chute de la démocratie bourgeoise et parle­mentaire existaient aussi en Belgique ou en France. Si ces mêmescauses n'avaient pas encore produit les mêmes effets, c'est quela jonction entre les sentiments démocratiques et les passionsnationalistes, jonction qui s'était effectuée dans les pays del'.Axe, n'avait pu se.r.éalis.er.encore.d'u.ne.manière aussi étroite...

En Belgique ou en France, les partisans d'unepolitique autoritaire et socialiste ne pouvaient agiter dans lesmasses de~ sentiments de revanche ou des ambitions impi~ialistes.

Au contraire, le paradoxe fut que, malg'r" le's' c'linvict":i,o"i1lf n'àtio­nalistes de la p·lupar·t d'entre' e'u'X, i1.1f ·y,:::(-o"b"t"i11.r"è'tl·t"'l1'tl-llùèè"l;smomenj:ané que 'par la défait'e 'de leu'r pr'olJr"e' paYs' ·e·t· 'en-.li:antleur sor t il ce lu id' une na t io'n i tyan'g·e·re. Les véri tabl es c ondi­tians d'un fas~isme analogue à celui des pays de l'Axe n'itaientdonc pas nées dans les pays de l'Ouest avant la guerre, mais ilexistait sans aucun doute une atmosphère favorable à une sortede prifascisme.

C,R. N° 497-498 5.

Ce~te atmosphère résultait avant tout des carencesde la démocratie parlementaire, des injustices de l'organisationsociale et économique, des erreurs et des faiblesses des ancien­nes classes dirigeantes. Pour les pays anglo-saxons, l'insurrec­tion d'une partie des populations occidentales contre les insti­tu~ions démocratiques est difficilement compréhensible. Elleapparaît aisément comme un phénomène pathologique, ou tout sim­plement comme une manifestation de perversité, car on s'imagineque ceu·x qui "en fur-e'ht les auteurs visatent systématiquement ladestruction des libertés individuelles et l'instauration d'unrégime policier.

Cependant, ce n'est pas ainsi quYà l'originele problème s'est posé en France ou en Belgique. La seulequestion qui se posait réellement était celle de l'efficacitépolitique et sociale, du rendement pratique des institutions.( ... )

En Belgique ou en France, le pouvoir exécutif ( .•• )est devenu le jouet des a~semblées et, celles-ci étant éluesselon un système de représentation proportionnelle, elles ,neparviennent jamais à dégager une majorité stable. Le gouverne­ment oscille donc du ministère de faible majorité, incapablede réalIser des réformes sérieuses par suite de la menaceet du chantage que fait peser constamment sur lui une oppositiontrop puiEsante, au ministère d'u~i0n nationale, dont i'impuissan­ce résulte au contraire de la présence au sein d'une même équipede tendances et d'intérlts contradictoires. En France et enBelgique, l'hostilité à la démocratie n'est donc pas née d'uneopposition aux libertés individuelles ou d'une volonté d'asser­vir la personnalité, mais de la constatation de l'impuissancede l'Etat à,réaliser son objet propre et du gouvernement à

" go{,yer"':"i,.é ette Împuissanc e; ',font" ,te', 'c!l-angemÉùlt ,éonsfâiÙ:d'èministères est la manifestation la plus apparente, continu8d'exister en France et en Belgique depuis la lib5ration. Elledemeure une des causes permanentes qui, en Occident, peuventconduire la d~mocratie l sa ruine.

Certes, comme nous venons de le souligner, cettehostilité à la démocratie s'est développée sur le Continentbien moins contre le contenu de la démocratie que contre certai­nes de ses formes. Il n'est pas dit que, si un parti sincèrementattaché aUE droits de la personnalité et aux libertés civilesavait combnttu avec énergie et persévérance pour la réforme dela dé'niocrati'e 'd;m-s le sen'; d'une 'plus 'gra'i,de efficience po'liti­que et sociale, il n'est pas dit, répétons-le, qu'il n'eGt pasévité le développement du fascisme et, ultérieurement, de lacollaboration. Il est frappant de constater, en tout cas, que,dans les années qui virent naître le préfascisme en Belgique,ceux qui dans la suite collaborèrent avec le national-socialis­me et avec le Reich, prétendaient tracer une troisième voie etaccomplir une révolution pacifique aussi éloignée du Communismeque du Fascisme. Ils voulaient accomplir les réformes qu'ilsjugeaient nécessaires tout en respectant les valeurs tradition­nelles de l'Occident et la personnalité du citoyen. Les groupesqui incarn~rent un moment ces id€~s, comme lrEsp'r"it NObveauen 1932, l'},vant-G'arde en 1934-35, le MouVe'm'e"it' 'Re'x'i's'te à cette

C • Ft • N• 4 ~n ~lf 'il8

époque, ne se considéraient pas comme fascistes. Et, de meme,les "Socialistes-Nationaux"coll1me Henri. de Mau et Paul-HenriSpaak condlimnaient Hussi bien le.s régimes totalitaires que lad~mocrntie bourgeoise et capitaliste.

'6.

si donc UD grand parti avait inscrit l son program­me la réfo~me de la démocratie., il est probable qu'il Bat ralliéles jeunes, énergies qui, di!s cette épOq,Il?, che,rchaient une voi",

, ;' , "f" 'F t' JE" j '7naUve_le. > Î3J.en sJ.gnJ. lca.tl:... es 'J cl l~e propos" .B 81t qu en 93 -,lois du duel Van Zeeland - Degrelle, urie borine partie des élê_entsqui "collaborèrent" dans la suite avaient pris parei pour le chefdu gouvernement contre le chef rexistè 9 et cela parce que .tantM. Van Zeeland que MM, de Man et Spaak avaient proclamé la~r

volonté de procéder. à la réforme de l'Etat et à la révision dela Constitution et s'étaient présentés comme des novHteursralliés à Itn socialisme national.

si lH "troïka" Van Zeelar:d - Spaak,- de Han ,avaitalors poursuivi ses objectifs sans coup férir, il est yraise~bla~

ble que le R~xisme; non seulement eOt été battu ainsi qu'i~ lefut en 1937, mais n'eût plus jamais eu l~occasion,de renaître.Malheureusement, il n'en fut pas ainsi, et de mRme ,qu'il ne seconstitua aucun parti nouveau qui se proposât comme fin deréformer la démocratie, tout en demeurant attaché à ses revendi­cations essentielles, aucun des partis traditionnels ne futcapable de répondre aux aspirations nouvelles,

Le parti. libéral, attaché à une conception '1)lan~

chestérienne de la liberté et aux grands intérits capitalistes,pouvait, moins que tout autre, y répondre. Le parti catliolique,fondé SUl' des critères confessionnels, était par là même limité

"'~~"-à."\ùië'pat·TiW'"d,,"la-p~opula"t~ioh" e tÎn,-~p'oû'ITait-'dépaf< ser ,U n-c e rt ain'"'plàfoÏid-;" s'a f'ôrIilUle même"l'ob'l'i'geait'''à'conc''i:lier'd'es 't'endance's""contradictoires et des groupes sociaux opposés, Quant au partisocialiste, il eût été le seul à pouvoir se renouveler et àattirer à. lui les énergies réformatrices. Un moment, lorsqu 'FLenride Man lui donna comme programme son fameux plan du Travail et,plus tard, lorsque P.B. Spaak proclama ses convictions socialis­tes-n~tion81es et déclara que son parti devait se transformerdans le sens du 1abor Par~y anglais, de jeunes intellectuelslib~raux et catholiques s~ tourn~rent vers lui avec espoir~

Mais.là au~si, 1eR vieilles tendances anticléricales et leconformism. politicien l'emportèrent et maintinrent le P.O.B.dans lesllmiteE' de l'orthodoxi~ marxi'ste:

Dès lors, les éléments qui aspiraient à dépasserles vieill~s barrières confessionnelles, à unir croyants etincroyants dans un programme social hardi pour la réalisationduquel une réforme àe 1 1 Etat était nécessaire, se trouvèrentsans cadre~. sans chefs, sans mattres capables de fixer unemesure à leurs revendications et à leurs espoiTso Dégoûtés despartis qui ne songeaient qu'à exploiter le pouvoir à leur profitet ne se préoccupaient pas de le réformer dans un sens reconnvnécessaire par tous les bons esprits, ils furent prlts • suivredes aventuriers, des chefs improvisés, ou l se rallier à l'OrdreNouveau que leur pr~sentaient des révolut1onnaires étrangers dontils connailsaient à peine la langue et ignoraient tout de 1.psychologieJ ..• )

C ;H. N° 497-~,98

LE DECLIN DES EGLISES.

7.

si la crise de la démocratie bourgeoise fut unedes causes premi~res dè l'T'incivisme l' en Belgique et en France,il faut ajouter comme cause non moins importante, quoique moinsvisible; ia crise spirituelle de la jeune génération et le ,d€clin des Eglises. Tout observateur cotiScieh~ietlX des f~~cis­

mel et des milieux collaborateurs dans leg pays 6ccupés dévrareconnaître, en effet, que, dans ses profondeurs, ce qui seproduisait alors fut Don ,seulement un phénomlne politique,mais aussi un phénomlne spirituel.

De quoi s'agit-il en l'occurence? La Belgique étaitconsidérée 9 jusqu'à la première guerre mondiale, comme une"na·tian c-atholiqù'é". Ce'p~i:lda.nt cette expression; déj à à ëetteépoque, n~ correspondait plus à la réalité. Le suffrage univer­sel qui fut instauré en 1921 révéla qu'une bonne moitié dela population échappait au contrSle des cadres confessionnelset se considérait comme d'obédience libérale ou socialiste.Encore, parmi tous ceux qui votaient pour le parti catholique,un grand nombre ne pratiquait pas fidllement ou vivait dans unétat de moralité absolument semblable à celui des incroyauts.Les années qui suivirent montrèrent que le flot de l'incroyancemontait lentement mais sa~ement et que l'Eglise, avec ses'organismes politiques et sociaux annexes, se trouvait sur ladéfensive en Belgique comme ailleurs.

Cette constatation provoqua chez quelques jeuneslaïcs et chez quelques pieux ecclésiastiques un état d'alarme

,qui.,futà.,l '.époque à.l',origine d'un, mouvement, de, renaissanGeconfessionnelle qui se développa sous le,nom, de, ,l'Ac,t.ï.o,n Ca.t,h,o­liqùë.'L'P;.ê.-j;:è;'(J.o'.ë:, 'j;E;ë., etc ... ) s'efforçait decombattre les tendances à'la déchristianisation et de reconqué­rir les masses qui se détournaient de l'Eglise. Elle parvintentre les années 1925 - 1930 à mobiliser des foules importantesde la jeunesse catholique et le Pape Pie XI lui attacha assezd'attention que pour ~lever l'Action Catholique au rang d'ins­titution de l'Eglise universelle. Toutefois, elle ne réussitpas à rayonner au-delà des milieux demeurés traditionnellementcatholiques et elle aboutit seulement à développer chez lesjeunes gens qu'elle groupait un esprit d'absolutisme etd'intransigeance que l'affaiblissement mime des convictionsreïigieuse~ tendait',' en c'e's d"èrnièi::es- ant~"ges ~ à é~art~"r dela vie publique.

c'est un destin bien curieux que celui de l'ActionCatholique et de ses chefs spirituels. ~gr Picard, qui en étaitl'aumônier général, possédait d'incontestables qualités de tribunet d'entratneur d'hommes, mais il donna à la gpiritualité dela jeunesse catholique un style "am€ricain " tout orient& versl'action extérieure et vers le succès 9 qui devait lui êtrefatal. Lui même avait d'ailleurs des sympathies pour le fascismeitalien et exaltait devant ses disciples Mussolini et sonoeuvre de pacification sociale. Le résultat fut que presquetous ses collaborateurs devinrent, dans la suite, des chefsou des dirigeants des mouvements à'ordre nouveaUa

C. H. N° 497-498 8 0

Degrelle fut pendant de longues années son pénitent, ainsi queVictor Matthys, chef du 'mouvement rexiste a.i'9 José Streel,le philosophe officiel du Rexisme, fut également un de sesdisciples. Henri Baucha~. qui fonda le Service du Travail,et Raymond De Becker 9 ré-dacteur en chef du "Soir", avaientété formé;, eux aussi, par l'Action Catholique. En Flandre,la plupart des nationalistes flamands étaient catholiques,mais il est vrai qu'ils arrivèrent à la "collaboration" parun autre chémin, dont nouS parlerons plus loin~ Il nrenreste pas moins qu'en Belgique d 1 éxpression françai3è~ la"collaboration" recruta presque tous ses cadres dansl'Action Catholique. Seuls firent exception à cette rlgleles socialistes de l'entourage d'Henri de Man qui le suivirentdans la voie nouvelle qu'il s'était tracée en 1940 et, souvent,l'y dépassèrent.

Certes, l'on pourra observer que l'Action Catholiquedésavoua rapidement ses militants qui s'engagèrent dans lefascisme et la collaboration. Mais ce désaveu formeln'rnlèverien au fait de la filiation spirituelle. L'Action Catholiqueavait développé chez Ses adeptes un sens de l'absolu qui s'étaitperdu dans la plupart des milieux catholiques; elle avait faitrenaî.tre un dogmatisme ~t une intolérance qui devaient nécessai­rement avoir des conséquences dans la vie publique. Mais commeelle était incapable d'orienter les énergies qu'elles captaitvers des fins réellement .pirituelles et qu'elle les dirigeaituniquement vers un apostolat superficiel qui copiait les mêtho­des de la publicité américaine ou de la propagande totalitaire,cornme,d'autre part, le processus dêchristianisateur agit surles disciples de l'Action Catholique autant que sur les massesdès qu'ils commencèrent d'entrer en contact avec celles-ci et

-aVec la vierée-Tle; -il-sabandonnèrent 'à-l-eur tour-la -f-_oidont-il-s "s'étaie'u-t ·fai·ts· les- ·apôt·r-es-· ou..,. -tout·· -au·mo-inB;· ses ·exigences-.les plus caractéristiques.

Il n'y eut d'exception à cette r€gle que dans lesmilieux jocistes où une yie intérieure plus profonde et le senti­ment ouvriériste maintinrent la plupart à l'écart des tentationsfascistes. Parmi les intellectuels, beaucoup ne parvinrent pasà harmoniser ;es points de vue scientifiques qu'ils découvraientpeu à peu avec les croyances transcendantales et i~s arriv~rent

à sacrifier les dernières au profit des premiers. Ceux que lesidées n'intéressaient pas directement cortinuèrent à se procla­mer catho-liques mais répudièrent le- ma-gistère d.. -l!Eglise en desdomaines toujours plus étendus.

Ces attitudes furent notamment celles de la plupartdes dirigeants rexistes et de Degrelle en particulier. Les uns ­et les autres projetèrent dès lors dans le domaine de la viepublique le besoin absolu, le dogmatisme et l'intransigeanceauxquels l'Action Catholique les avait habitués. Ils devinrentdes idéologues fanatiques ou des militants cyniques et sansscupules, partageant avec les autres incroyants l'indifférenceou l'hostilité à l'égard des croyances transcendantales, maisdifférant d'eux par une psychologie de sectaires tournée,cette fois, non plus vers les choses sacrées~ mais vers leschoses ~rofaneso Ils furent ai~si pr;ts i rallier un syst~me

C.R. N° 497-498 9.

qui ripondait aux besoins de cette m€me psychologie et riclamaitd'eux un fanatisme et un don aussi complets que la Catholicisme,tout en les orientant vers des rialisationsterrestres.

Ainsi le diclin m€me de l'Eglise en Belgique commeailleurs fut une autre cause de la collaboration, tout au moinsdans la jeunesse. L'Action Catholique, loin de repris enter unphénomène de renouvellement religieux, peut, au contraire, €treconsid~rêe comme un phénomène de décadence. Elle ne contribuanullement à ranimer d~ns lea âmes les valeurs chrétiennesauthentiques tallas que l'Evangile et le Sermon sur la montagneles rivèlent.:. Elle parvint seulement à réveiller un sens del'absolu qui ne trouva pas satisfaction dans les vieillescroyances transcendantales.

Les jeunes gens qui sentaient ~n eu~ cette soifd'action et de sacrifice, aspiraient à lutter et à mourirpour une cause plus efficace et plus progressive que le Chris­tianisme confessionnel. Plusieurs d'entre eux crurent trouvercette cause dans le fascisme et le national-socialisme. Là aussi,il est vraisemblable que si l'Eglise en Belgique avait eu uneattitude moins conservatrice, si l'Action Catholique avaitattaché plus d'importance aux valeurs spirituelles authentiqueset en avait diveloppi le culte au lieu d'orienter ses adeptesvers le succès extirieur~ si elle avait offert des points devue intellectuels plus solides et moins contestables, ellesauraient pu retenir une grande partie des iliments qui s'enga­gèrent par après dans la collaboration.C ... )

L'EFFONDREMENT DE LA SECURITE COLLECTIVE.

Les cau~es historiques internes dont nous venonsde parler ne sont évidemment pas les seules qui provoquèrentla collaboration. Des ~auses eiternes vinrent s'y ajouter~

qui permettent d'expliquer comment un phinomène puremert idéo­logique et social à ses débuts se transforme en un facteur actifde la politique internationale et militaire.

Il ne faut pas oublier, en effet, que,si l'on faitexception des nationalistes flamands, naturellement portis versl'Allemagne par de·s ,sympathies. de. r·a.ce et de. cultur.e., . I.a ..plu.pa.rtdes autres l'collaborateurs'! avaient ete €lev€s dans un milieuanti-allemand, se considéraient plutôt COmme des Latins redeva­bles à la France et au monde roman de leur formation et de leursaspirations. Un journaliste comme Robert Poulet, qui exerça uneinfluence intellectuelle pripondérante dans le monde de la colla­boration, avait combattu hêrolquement contre les Allemands dansla premiÈre guerre mondiale et avait conservi à leur igard unerépugnance quasi physique. Alors m€me qu'il avait priconisi 'lapolitique de collaboration, il continua de se considirer commeun hêritier de Maurras et un adversaire des formes de la pensieet de la sensibilité' germaniques.

A son origine, le mouvement rexiste fit preuve, luiaussi, des sentiments anti-allemands qui dominaient dans labourgeoisie catholique belge d'expressidn française.

C.IL N° 497-498 10.

Dans l'hebdomadaire "Soirées" qu'il lança alors qu'il appartenaitencore au cercle de l'Action Catholique, Degrelle publia person­nellement des articles virulen~s contre l'Allemagne nationale­socialiste et la persécution des catholiques allemands par lerégime na~i. Le philosophe officiel du rexisme, José Streel, seconsidérait,lui aussi, comme un maurassien et avait une répugnanceinstinctive pour toutes les formes de germanisme. Pendant laguerre. il éprouvait un dégoDt phYsique vlritable i cOtoyer desAllemands etvses fonctions l'ayant amené à se rendre un jour àBerlin~ il éri €t&it tetéfiti ~uasimeut malade et muhi de la coriv'ic~

tion qu'aucun contact humain et vraiment profond n'était possibleavec nos voisins de l'Est.

Cette hostilité à l'égard du germanisme n'existaitpas, il egt vrai, dans d'autres milieux de la collaboration qui,tels Henri de Man et son entourage, manifestaient au contraire~ne sympathie naturelle et un intérêt particulier pour toutesles formes de la vie et de la pensée allemandes. Mais il n'enest pas moins vrai que la pente naturelle de la plupart descollaborateurs d'expression française eût du les porter, aunom 'même de leur nationalisme, à se dresser contre le Reich.S'il.n fut autrement, c'est que des événements impr~visibles

pour la génération de la première guerre mondiale survinrententre-temps.

Le premier d'entre eux est sans conteste l'échecde la Société des Nations et l'effondrement de la sécuritécollective. ( .•• )

Ce fait eut une influence considérable surIesesprits. D'une part, les milieux nationalistes qui, pour des

'''t'-arsons 'de--ptiïŒiP"é ,'cdtiqilaient 'n'lree"plaisir "les' ins titu­"tions i'nter'nntionale.s et-, ne souha:i:tai'ent pas' sincêremen't'leur réussite, se convainquirent davan~age que seule étaitefficace la poiitique de l'égoïsme sacré et que l'on ne pouvaitrégler sa conduite que sur la considération réaliste du rapportdes forces entre les grandes puissances. C'est le raisonnementqui triompha notamment dans les groupes qui subissaient l'influ­ence de la Nation Belge et de Robert Poulet. D'autre part, un 'grand nombre de ceux qui avaient attaché une valeur aux idéesde sécurité collective et d'internationalisme furent découragéset inclinerent de plus en plus à l'idée que la paix ne pouvaitêtre sauv?e q~e par une entente directe avec les nations ascen­dantes" qU'i étaien't' parvenu'es i"'mettre 'en échec la 'Société ,desNations et les Etats défenseurs de l'ordre établi à Versailles.C'est l'opinion qu'adoptèrent des groupes comme Jeune Europeet de nombreux socialistes de l'entourage d'Henri de Man.

LE DECLIN DE LA FRANCEET LE RAPPROCHEMENT ITALO-ALLEMAND.

C'est qu'en effet, l'effondrement de la sécuritécollective s'accompagna d'un déclin du prestige des nations quien avaient défendu jusque-II les principes et garantissaienten quelque sorte l'ordre issu de Versailtes.

C.R. N° 497-498 J J •

Cela était particulièrement vrai pour la France,à laquelle la population belge d'expression française étaitliée par une amitié sentimentale, depuis la grande guerre.Sans doute des tendances p~ofondes s'étaient manifestées enFlandre contre la politique d'alliance avec nos voisins duSud et même contre l'hégémonie de la culture française enBelgique. Mais.si puissantes qu'elles fussent dans les milieuxnationalistes flamands et même dans dTimportants secteurs deliopinion socialiste et catholiquè fl~màtidè, elles nrgtaientpas parvenues, jusqu'à l'avlnement du national-socialismeallemand, à influencer la politique étrangère du pays.

Au contraire, l'accession d'Hitler au pouvoir,la passivité des gouvernements fr~nçais face au raz-de-marée_allemand, notamment lors_ d .. _la remilitarisation de la rivegauche du Rhin, convainquirent un nombre toujours plus grandde gens que la France ne représentait pas un principe desécurité aussi ferme qu'on avait pu l'imaginer jusqu'alors.On ne manquait pas de constater,en France même,des tendancesfavorables à une cdnciliation avec l'Allemagne et la pol~tique

officielle du quai d!Orsay oscilla entre celles-ci et l'expres­sion du vieux chauvinisme ~ntiallemand. L'attitudé françaiseparut dès lors incohérente- et dangereuse, trop faible pour consti­tuer un rempart efficace contre les ambitions allemandes ettrop chauvine cependant pour permettre une entente réelle etdurabie.

Ce sentiment de malaise et d'incertitl1de enversla France qu'un nombre toujours croissant de Belges ressentirentdans les années 1933-1940 trouvait _de plus un aliment dans

'i--l'in':t~-démoc·ràtisme'-des"milieux- de"droite ,d"Ds la-crainte dtC-"""F-l'o-n-t-Po pu-l a-i r-e- ·e t --du-·-C-ommun-i-sme --auxq-u-e-ls -la---'Fr anc e--'répu b-l-ic-ai ne ­semblait s'abandonner. Mais, plus encore, l'impression que nbtrevoisine du Sud était entrée en décadence et que sa force démogra­phique s'abaissait de telle sorte qu'elle n'était plus capablede soutenir l~ raIe de grande puissance, tous ces faits contri­buèrent à créer dans la jeune génération un sentiment d'indiffé­rence, sinon d'hostilité, à l~égard d'une nation qui, pendantlongtemps, était apparue comme la première du continent. Lesévénements qui précédèrent les hostilités, et spécialement lesaccords de Munich, la lassitude visible avec laquelle lesF7ançais s'engagèrent dans la guerre, la manière peu g16rieusedont_ils .ebattirent en 1940 et, enfin, l'avlnement ~ime-du

maréchal Pétain et du régime de Vichy convainquirent définitive­ment un grand nombre qu'il n'y avait plus rien à attendre deParis et qu'il fallait tourner les yeux ailleurs.

Précisément, la répugnance que pouvaient éprouverenvers le Germanisme les milieux nationalistes de formationcatholique avait été fortement entamée par le rapprochement del'Italie et de l'Allemagne. Depuis longtemps, les milieux catho­liques belges, même ceux attachés aux institutions parlementai­res, envisageaient la personnalité de Mussolini et l'expérienceitalienne avec intérêt et sympathie. La signature des accords deLatran avait provoqué dans les milieux ecclésiastiques une satis­faction non dissimulée . . ~. ~'Italie continuait de·représenter,

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aux yeux de larges secteurs de l'opinion belge,le silge de laCatholicité, le centre de la culture latine et des idéauxméditerranéens. Son prestige, loin d'avoir été affaibli par lefascisme, avait augmenté. Son orientation vers l'Allemagne eutune importance considérable. Elle tendit à mettre,au-dessus desoppositions entre la Latinité et le Germanisme,une nouvelle oppo­sition entrè ce que l'on considérait déjà comme deux formes deciviliscitïon. Bien ava.ilt la guerre, Degrelle, '~i"T-eC le. 'sens dese.x.pré-ssi()tls imagées .q-ui lui a-p-partenait ~ voya.it da.ns la. luttequi s'esquissait entre les fascismes et la démocratie Tr unenouvelle guerre de religion".

Pour beaucoup de milieux de droite, ce n'était pointl'Italie qui se mettait à la remorque de l'Allemagne mais celle­ci qui se mettait à l'école de la Latinité et se ralliait au campde l'ordre et de la tradition. Ces miliaux voyaient d'ailleursplus dans le fascisme une expérience politique et institutionnellequ'un~ révolution embrèssartt tous les domairies de la vie et, parcertains eStés,. fonci~rement antitraditionnel1e, ainsi que leconcevaient sans aucun doute les théoriciens et les chefs dunational-socialisme allemand. Ils continuèrent de croire qu'ilétait possible de suivre l'idéal politique du fascisme italiensans subir l'influence de la "Weltanschauung" allemande. Pendanttoute la guerre, Robert Poulet opposa les principes du fascismeitalien à ceux du nationaL~socialisme allemand, dans la mesureoù ceux-ci étaient spécifiquement germaniques, et il cessa sonactivité de journaliste lorsque ces derniers s'imposèrent défini­tivement aux milieux belges de la collaboration.

Il n'en reste pas moins que c'est grâce à la consti-~ ~·t-u·t~i·on ~·d·e ·1 '·Axe···Rome-Ber~li~n.que.c·d' impor·t,è,nt·-s. mi-l~ieux ·nat,iona,l·is.te-s.~

...de "forma.t.io.n,c.a,t,ho~lique.,.envisagèr.ent .dé-so.rntais. sans.. ,répugnance,le rapprochem.ent avec l'Al.1emagne et avec le national-socialisme.Pour eux, en se ralliant à l'Axe, il ne s'agissait plus de semettre à la remorque du Germanisnte, mais de prendre sa place dansune forntation européenne nouvelle, où les forces latines et ger­maniques paraissaient s'eniendre et s'équilibrer en vue de laréalisation de réformes politiques et sociales respectant lestraditions de l'Occident ..

LA POSITION EXTRA$UROPEENNE DE LA GRANDE-BRETAGNE.

A ces faits, il faut ajouter l'impression produiteen Belgique et dans un grand nombre d'autres pays européens parl'attitude ambivalente et équivoque de la Grande-Bretagne. LaSociété des Nations et la sécurité collective au service des­quelles on avait été incapable de mettre une force coërcitivepropre, reposaient en fait fiurla puissance militaire de la Franceet de la Grande-Bretagne, auxquelles l'Italie était d'ailleursralliée avant d'adhérer à l'Axe. Mais, lorsqu'il apparut que lesgrandes puissances ne soutenaient pas réellement les institutionsinternationales, on se convainquit que la paix de l'Europe reposaitexclusivement sur l'équilibre des forces militaires. Or, celui-cise transformait chaque jour au détriment des anciens Alliés.L'affaiblissement de la France, l'orientation de l'Italie vers

, '

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l'Allemagne faisaient peser, aux yeux des esprits clairvoyants,tout le système du statu-quo européen sur la Grande-Bretagne.Mais l'attitude de celle-ci était loin d'être claire depuis 1918.

En Belgique, on ne peut pas dire qu'il existait dansla population un mouvement sentimental en faveur de la Grande­Bretagne analogue à celui qui existait pour la France. Les Anglaisn'étaient pas aimés. Plus exactement, ils étaient ignorés. Alorsquiun~ m~s'se de Belges se rèndaiefit quotidiennement eh Francèpour affaires ou pour les vacances~ fort peu Se lend~iènt enÀngleterre. Il n'existait de snobisme pro-britannique que dansla minorit~ aristocratique et bourgeoise qui lisait le rtTimes 'tet allait chercher à Londres les lois de l'élégance vestimen­taire. Mais la véritable mentalité britannique et les formes dela vie sociale britannique demeuraient inconnues et profondémentétrangères à la mentalité belge. Celle-ci restait continentaleet relativémen't imperméable aux idéaux et aux attitudes insulaires.Il ne serait même pas exagéré de dire que l'influence anglo­saxonne en Belgique s'exerça bian davantage sous sa forme améri­caine que sous Sa forme britannique( ..• )

. Les milieux déjà favorables,par principe~aux régimesautoritaires et qui cherchaient un rapprochement avec l'Axeestimèrent que l'attitude britannique résultait directement desa position extra-européenne et qu'il était nécessaire de tenterun accord des peuples européens sans la Grande-Bretagne et aubesoin contre elle. Si cette position ne fut celle que de laminorité qui "collabora" dans la suite, il faut cependant noterqu'élIe ne fut pas entravée par des sentiments contraires de lamajorité.( ... ) Les B~lges ne connaissaient pas les Anglais et,dans la mesure où ils les connaissaient, ils n'éprouvaient pour

. "eux qu.' un.ee.,sy.mpa.t hie ....mi t i gé.e...•.L ~anglo.ph ilie .. q ui."s e.d ével op.P ap lu.s tA!;.d-..d.!lns ..1a .. P9.p.t11a t: i Qn ....e .. na.q.u i t .. ni en .1..9 3 8~, . n.l ...e.n .. 1. 9.4 0, .mais plusieurs mois plus tard, lorsque les premiers inconvenientsde l'occupation allemande et la résistance hérorque de la Grande­Bretagne démontrèrent qu'il n'y avait plus qu'une seule forcecapable de s'opposer à l'Allemagne et que cette force était préci­sément la force britannique. Mais cette anglophilie résulta bienmoins d'une sympathie consciente pour le peuple britannique qued'une opposition à l'occupant, opposition qui eût été prête àacclamer tous ses alliés, quels qu'ils fussent, pourvu qu'ilsfussent capables de la libérer. Par contre, ce sentiment d'indif­férence, voire d'hostilité envers la Grande-Bretagne, persistachez ceux qui considéraient le problème allemand d'une autrema~ière et i~t, 'iui auss:L';;n~ des"càuse~ d~' ia·coHàbo~ation.

LA POLITIQUE DE NEUTRALITE DES PETITS ETATS.

L'ensemble des faits que nous venons de mentionneravait déjà produit dans les années qui précédèrent la guerre unphénomène que l'on pourrait qualifier de pré-collaborationnisteet qui, à son tour, exerça une influence déterminante sur lesêvénements ultérieurs. Ce phénomène fut celui de la politiquede neutralité à laquelle se rallia la Belgique en 1936 et quepratiquèrent avec elle la plupart des petits Etats.

C.R. N° 497-498 l " .

Il faut noter ici que l'adhésion de la Belgique àcette politique revltait uhe signification fort diffé~ente del'attitude neutraliste de pays comme la Suisse, la Norvège oula Suède. Ces dernières nations n'avaient pas participé à lapremière guerre mondiale. Leur statut de neutralité étaitpermanent. Elles n'avaient jamais été liées, par des accordsmilitaires ou politiques, avec la France ou la Grande-Bretaghe.En maintenant vis-à-vis du Reich national-socialiste une attitudeneutre, elles ne faisaient que perslvlrer dans' leur politiquetraditi6nn911e~ Mais la situation était différente pOur la Belgi­que. Celle-ci s'était considlrle comme une des nations victorieu­ses de Versailles. Elle s'Itait liée par des engagements rlcipro­ques aux grands Alliés. En dlliant ces liens, elle se rapprochaitdu Reich, quelles que soient les interprltations théoriques quel'on pouvait donner de son'attitude~... )

La ,politique de neutralitl fut adoptée en partiesous la pression de l'opinion flamande qui se révélait toujoursplus antifrançaise et elle fut salule dans la plupart des manifes­tations publiques flamande~ au cri de "Los van Frankrijk!n Si laplupart des politiciens d'expression française, de nombreux socia­listes et libéraux s'y rallièrent sans conviction et sans enthou­siasme, diautres secteurs de l'opinion y virent une orientationvraiment nouvelle de la politique belge et crurent qu'elle exprimaitla vocation même de la Belgique en Europe, c'est-à-dire une tâchede mldiation et de synthèse entre le monde latin et le mondegermanique et, plus particulièrement, entre la France et l'Allemagne.

La neutralité devint ainsi l'expression d'un nouveaunationalisme belge qui, aU,lieu de trouver ses raisons en dessentiments de haine à l'égard de l'Allemagne, s'identifiait àune fonction européenne. Le ministre des Affaires Etrangères, M.

''''PàUl "'Heinri Spaak;' q'üi;' 'dari's"'l'e "d'omained'e' 1 a' 'po li tiq'ue ,'in tir i eu re ;' '"'a'Va"i"t '~e n' . 19"36 -p'T"ccl a"mé - S"é"8' '-c'o-nvi'C'~;:'On's" IT- s'o'c i'i:fri Éft e s "-:'tÙlt i ona 1 ë ff"';"

Prononça plusie~rs discours et publia divers articles dans lesquels,il tlmoignait son hostilité à la formation de blocs idéologiques,se dlclarait opposé à une alliance des démocraties avec l'UnionSoviétique et affirmait que l'ordre issu de versailles ne pouvaitêtre maintenu et que les revendications allemandes devaient êtresatisfaites. Il ajouta que la politique de neutralité ne consti­tuait pas un pis-aller mais correspondait à la vocation permanentede la Belgique en Europe.

Sans aucun doute, cette opinion était également celled'u roi LlopoJ.d" q'ue l "a s'c'enda'nc e 'a'llema'nde"et les' tend'ances autori~

taires personnelles portaient à envisager l'expérience nation~le­

socialiste avec une sympathie dépourvue de préjugés. Certes, leroi Léopold voyait avant tout dans la politique de neutralité etd'indlpendance un moyen pour tenir la Belgique à l'écart de laguerre mais il n'en es't pas moins vrai que son opinion €taitinfluencle, pe~t-être inconsciemment, par des affinités secrètesavec le Reich ~t le national-socialisme. Comme l'a sugglré M.Gafenco, le roi Llopold fut, comme le prince Paul de Yougoslavieet le roi Carol de Roumanie, un des souverains d'Europe que desgoûts secrets pour l'autocratie portaient natur~llement à envisa­ger avec rlserve l'action des démocraties.

C. R. N~ 497-498 1.5 •

Cette politique de neutzalité eut une influencedécisive sur les événements ultérieurs. Elle habitua les espritsà ne plus eonsidérer le sort de la Belgique comme étant nécessai­rement lié 1 celui de la France ou de la Grande-Bretagne. Elle lesporta à considérer que, dans un pays neutre, les sympathies pourl'Axe étaient aussi légitimes que celles pour les anciens Alliés.Certes, il ne manquait pas de gens, comme H. Rolin, pour affirmerque la neutralité juridique n'impliquait pas la neutralité moraleet qiÏce les· Rel-gés tleva.iè:ut soutgl.lir -les d'éuro--cra-ties de tOti"téS' ·lg8

manières, sans pour cela aller jusqu'à participer à leur côtéà une guerre éventuelle.

Mais les porte-parole officiels du gouvernementse gardèrent bien de faire des distinctions de.ce genre. Ilsfeignaient, au contraire, de mettre sur le·même pied les démocra­ties et les dictatures. La conséquence en fut qu'un parti proalle­mand put se d€ve1opper à côté d'u·n parti favorlible aux Alliés etqu'en dehors de l'opinion émise par des personnalités privées,sans mandat officiel, tolis ceux qui le désiraient purent croirequ'il était moralement indiff1rent de prendre parti pour l'un oul'autre camp. Cette mentalité provoqua les équivoques de lacapitulation et de l'entourage royal à l'égard de l'occupant, carsi le Roi considéra, le 28 mài 1940, que la Belgique avait remplitous ses engagements env~rs les Alliés dès qu'elle avait défenduson territoire national et .que la guerre était ter:minée pour ell~,

cela résulta directement de la politique de neutralité .comprisetelle que nous venons de l'indiquer. M. Spaak et les membres ducabinet Pierlot demeurèrent eux-mêmes dans l'hésitation jus4ue fin1940, tandis qu'en Belgiq~e occupée, des personnalités COmmeMM. Deve·ze·, Li~pens ·o"u Hay;oî:'t~·dè· nnnI~'l"iîrt envisageaient la .constitution d un gouvernement sous le contrôle de l'occupant et

··"que·le s·membre,s '. de.. L'.entourage.. r,oya.l, .. co1ltll1e...le. comte Capelle, ... ·.secrétaire.. du.Roi; .1.e. yicPlIl.te.D.av.igno,n, .l!PcJ.eIl·a:fub.a.ssadeur.à Berlin··

ou H. Paul H·eymans, iincieri ministre des· AffairesEcci~nci:mique8, ., ..recevaient des "collaborateurs" caract~ris~s, leur donnaient desconseils, les encourageaient par les propos et les écrits et esti­maient, à tout le moins, que la carte de la collaboration avecl'Allemagne devait être réserv~e et envisagée avec sympathie( ••. )

*§ *

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ri. LES RAISONS IDEOLOGIQUES··DE LA COLLABORATION.

16.

Notre effort pour classer les causes de la "colla­horation i1 en causes his,toriques, raisons idgolngiguea èt raisonspsychologiques est 'videmment en grande partie arhitraire. Ilcorrespond 1 une vue de l'esprit qui cherche i isoler des ilimentsqui, dans la réalité~ sont inséparables. Les phénomènes idéologi­ques et psychologiques n'existent pas indépendamment des causeshistoriques ou, tout au ~oins, ne trouvent pas sans elles l'occa­sion de se manifester. CêS causes elles-mêmes produisent des effetsdifférents selon le terrain idéologique et psychologique surlequel'elles agissent. Enfin, "les raisons que les hommes se donnentpour agir ne sont rien sans les sentiments, les instincts et,d'une façon générale, san's la structure organique qui leur se·rtde support.( ... )

L'OPINION NATI01'IALTS"TR En FLANDRE.

Parmi les facteurs idéologiques qui e~ercèrent unegrande influence sur le mouvement collaborationniste en Belgique,il faut men.tionner en premier lieu l'opinion natio-naliste enFlandre. A vrai dire, il est difficile, ici .plus êncore qu'ail­leurs, d'isoler dans l'aspect flamand l'aspect idéologique desaspects idéologiques et sbciaux. On ne peut prétendre, en effet,

~Au,:~"_sce.s~b.rJ.g.i,n.e_s_,_.l,e, ..mo.u"emen t,Jl.amand,ait".é. t.i .Aé l,ibé r émentantibelge. Mais il est juste de dire ql1'il,.,est.né.et. 'lll.'il..?'~.~t

"oiô've"lôppé Clails··'iùi..,,··atmo·sphère·f"oü·cîèrement étrangère aux idéau~

et i la mentalité de ceu~ qui furent les fondateurs et les diri­geants de l'Etat belge. Purement culturel et linguistique i sesdébuts, cherchant à restaurer le flamand comme langue littéraireet i l'imposer comme seule langue officielle en pays flamand, iltrouva ses premiers succès grâce à la centralisation excessivedu gouvernement de Bruxelles et aux injustices incontestablesdont furent victimes les Belges ne connaissant que le flamand.

Le mouvement flamand, lancé par des intellectuels,recueillit ainsi les suffrages de ceux qui~ pour une raison oul'iùti:'e, 'dêsiraiei'if s'opposer à l'înrluence' française: Il re;';c~n­

tra notamment l'approbation du clergé,et surtout du petit clergé,qui voyait dans cette influence un agent de la déchristianisationdes masses. Or, en Flandre; l'aristocratie et la haute bourgeoisieavaient abandonné l'usage du flamand et s'étaient en grande partiefrancisées. Le mouvement flamand, d'origine linguistique et cultu­relle, devint ainsi rapidement un mouvement de révolte sociale etde résistance religieuse. A ce titre~il ne pouvait s'identifieri un milieu ditermlni mais trouvait des adhérents et des sympathisants dans les milieux populaires ou petits bourgeois de tous lespartis. Le parti le moins mordu par l'idéologie flamande itaitsans aucun doute le parti libéral car, en Flandre, il était sur­tout constitué des membres de la bourgeoisie francisée. Par contre~

la large base paysanne et populaire du parti catholique dans lesprovinces flamandes devait le rendre partiaulièrement accessible~ux sentiments et aux opinions des milieux extrgmistes.

C.R. N° 497-498 17.

Pendant la premilre guerre mondiale, des intellec­tuels flamands, ayant 1 leur t@te le Dr Borms, profitlrent del'occupation du pays par les troupes allemandes pour tenter deréaliser un Etat flamand et de détruire la Belgique. Avec l'appuide l'Allemagne, ils constitulrent en 1917 un "Conseil des Flandres"qui proclama la séparati6n administrative du pays et devait cons­tituer le nOuveau noyau directeur de la Flandre indépendante. LeDr Borms qui, aprls avoir été condamné 1 mort et gricié aprlsl'écr6ulemènt dé l'Allemagne, récidiva en 1940, fut une seconâefois conàa~né 1 mort et exécuté en 1946. C'était un idéaliste,1 l'esprit étroit mais religieux, fanatiquement dévoué 1 l'idéede l'autonomie flamande. Tous ceux qui ont pu l'observer à laprison de St-Gilles,pendant les semaines qui précédlrent sa mort,peuvent témoigner de son détachement des contingences terrestreset de son idéalisme exalté. Le Dr Borms vit dans le destin qui lebrisa l'accomplissement de ses voeux les plus intimes et lesacre du martyre.

En 1914 - 18 cependant, les membres du Conseildes Flandres n'avaient été suivis que par une inftme minoritéde Flamands. Dans l'ensemble, la population flamande étaitdemeurée loyale à l'Etat belge, à l'armée et au Roi.

C'est qu'èn effet, contrairement à ce que prétendaujourd'hui la justice militaire, le mouvement "activiste" de laguerre 1914 - 18 était foncilrement différent du mouvement"collaborationniste" de la guerre 1940 - 45. Alors que ce dernierpeut invoquer la capitulation du Roi et le fait que celle-citerminait la guerre pour la Belgique, alors que, sauf en sesformes extrémistes, il ne se proposa jamais la destruction del'Etat belge, le mouvement activiste, au contraire, s!était cons-tîtu'éil1ors que le Roi" et le gotlve"rnem'entunanime poursuivaientlà ' guè rr'è" su'r'''l e ' sol n'at'i on'a 1. Au s si ,"qu el's' 'qu "aient é t"é le'ursmobiles idéalistes, les activistes flamands. les plus purs avaientencouragé la trahison militaire, au sens réel de cette expression.

Si la majorité des Flamands ne suivit pas le DrBorms durant la premilre guerre mondiale, elle éprouva cependantà son égard une sorte de'solidarité lorsque la justice belge,aprls l'avoir condamné ainsi que ses collaborateurs, fut lenteà les libérer et à sleng~ger dans la voie de l'amnistie. Demultiples facteurs jouèrent ici, parmi lesquels il faut mentionnerégalement la mauvaise volnnté avec laquelle le gouvernement deBruxelles ado-pta"'et appliqua les lois linguistique's ,qui· d·evaient ..assurer aux Flamands une égalité de traitement dans la communautébelge. Un grand nombre de Flamands, cependant loyaux envers l'idéenationale belge, considérèrent les activistes comme des sortes demartyrs et témoir,nlrent en leur faveur, tant au cours des fameuxpélerinages de Dixmude qui réunirent jusqu'à cent cinquante millepersonnes qu'à l'occasion d'autres manifestations. C'est ainsique le Dr Borms, privé clpendent de ses droits civils et politi­ques.recueillit à Anvers,aux élections de 1928, 80.000 voixde préférence. Un sentiment de solidarité flamande pénétraitainsi l'ensemble des partis en Flandre et l'on vit s'y développerune idéologie qui, débordant le cadre des revendications linguis­tiques et culturelles, prit progressivement un aspect nationaliste.

C. H. N° 497-l,98 i8 .

Dans tous les milieux s l~on d~fendait l?id~e d'unecommunauté populaire flamande qui devait disposer de ses propresorganes d'expression et d'ex€cution. Les plus mod€r€s se conten­taient de ~éclamer la décentralisatiDn administrative, tandisque d'autr~s revendiquaient l'autonomie flamande dans un Etatfédéral belge et d'autres encore le séparatisme pur et simpleou la constitution d'un Etat thiois dont devaient faire nartiela Hollande, les provinces belges d'expression flamande ~t lesdépàrtements du Nord dé la France. l,'idéologie de la communautépopulaire ou VolkBge~eenschap glinspirait sans aucun doute del'idée correspondanta de la Volks~e~e1ns~haft du national-socia­lisme. Elle s'opposait, sinon dans sa-formulation théorique,du moins dans ses tendances les plus manifestes, à l'idéologieétatiste défendue par les partisans du gouvernement de Bruxelleset de l'Etat unitaire. C.tte idéologie, diffuse dans tous lespartis flamands, devint la doctrine officielle du parti natio­~aliste fla~andou V.~.V~ (Vlaamsch Rationaal veibond)qui, sans's'opposer officiellement à l'Etat belge, cherchait cependant entoute occasion à mettre en valeur ce qui pouvait dresser lacommunauté flamande contre la Belgique.

Le V.N.V. qui, aux élections législatives précé­dant l'éclosion du conflit mondial, avait obtenu J2Z des voix ducorps électoral flamand, adopta pendant la mobilisation uneattitude pleine d'équivoques •. Tout en approuvant la politiqueofficielle de hèutralité. il entreprit dans l'armée une campagnede démoralisation et certains l'accusent même aujourd'hui d'avoirentame dès cette époque une action d'espionnage militaire auprofit de l'Allemagne. Peu après la capitulation belge, le chefdu V.N.V., M. Staf Declercq, en un discours prononcé à Anvers,fit allusion aux services rendus par Son parti à l'Allemagne et,

·-m·al.g·r·é··l '·obscurLt.é. de .. se.s ...pa.r.o.1e.s., .. il_e.s.tlégLtime.d.. 'y voir une.....a:f.f.i.rma.t.i o.n ..d e.s <le eus a t i.9p.s ...cl. '.e.s p i oJ1J!a.g!".. P.;', t ~ce!l .. iUlj 0 ù.d.'h ui. ..

c6ntre ce parii. Quoiqu'il en soit, les nationalistes flamandsvirent dans la défaite de 1940 et dans la victoire allemandel'occasion de détruire l'Etat belge centralisateur et, grâceà l'appui de l'Allemagne, de réaliser leur programme "thiois':( ... )Ce qu'ils visaient, c'était moins de se mettre au service desAllemands que de rêali~er ce qu'ils considéraient comme étantleurs buts nationaux.

Le programme "thiois" du V.N.V. manquait cependantde clarté. Tout en réclamant pour les Flamands le droit de.d.isposer cl 'orgf\nes p"lit:igu"cs ..autorlO:mes et....en déclamant contrel'Etat belge unitaire, la formule d'un Etat belge réformé surune base f~dérBle n'était pas rejetge • priori, quoique lesextrémistes du parti tombaient malades. la seule audition duterme "belge"; il en était ainsi des rgdacteurs du journalVolk en Staat. Des éléments sérieux, COmme MM. Romsée et Leemans,qui furent respectivement, pendant la guerre; secrÉtaire généralau ministère belge de l'Intérieur et secrétaire général au minis­tère des Affaires Economiques, étaient sans aucun doute ralliésau fait de l'Etat belge et il en était de même sans doute pour leDr Elias qui, fin ]942, succéda l M. Staf Declercq à la directiondu parti.

C oH. Ne 497-498 J 9.

c'est vraisemblablement en raison de cette positionque le Comte Capelle, B~cr'taire du Roi, entretint pendant laguerre des relations suivies avec M. Romsie et,en 1940, avaitinterrogé M. Elias sur sa participation éventuelle à un gouverne­ment. L'on sait d~ail1eu~s qu ' à cette gpDque~ des personnalit~s

COmme 1,;.!. comte I..Jppens:l dont perso'nne ne met en doute les i~,s1J.·~i~·­

ments patriotiques, avaient eu des contacts analogues aVBë lefutur leader du V.N.V .• Iout en jouant à fond la carte 21lemande,les chefs nationalistes flamands ne rejetaient pas ~ prioriItidge d1llne Belgique r~orgAnis~e sur Uhe bése f~d~rale, di~ig§e

1 . • - > d 1 d t' .par ,e ROJ et 1ntegree anS un comp exè e na.~ons germanlques.

c'est quiau cours àe l'occupation~ en effet, lesAllemands cherchèrent de plus en plus à faire dévier l'idéologieflamande, fondée sur la langue et sur la culture, vers desconceptions germaniques où la solidarité dite de sang devaitjouer Un rBle prépondérarit. Et" de fait, l'on vit de plus en plusles journaux flamands célébrer la communauté d'origine germaniquequi reliait la Flandre à l'Allemagne. Cependant, cette tendancenouvelle suscita aux Allemands leurs premières difficultés dansles milieux nationalistes flamands. Ceux-ci, en effet, voulaientbien adhérer à un complexe germanique mais à condition que cefut comme communauté autonome. Ils ne voulaient pas renoncer à lalangue néerlandaise au profit de l'allemand et ils espéraienttrouver chez les N.S.B. de Mussert, en ,Hollande, une volontéanalogue qui leur eût permis de réaliser, au sein du mondegermanique. un Etat thiois de langue néerlandaise. Au contraire,en mettant l'accent sur la communauté de race, les Allemandscherchaient à convaincre les Flamands qu'ils devaient s'intégrerdirectement dans le Reich, où ils jouiraient d'une place analogue·à celle des Bava.rois" des Rhénans, des Wurtemoergeois, etc ...C'était suggérer l'Anschluss.

J"'es'''milieux nat"ion"ali'St"es 'flamands;" malgré leurhostilité sentimentale à l'Etat belge, comprirent le danger.Ils refusèrent systématiquement d'admettre une formule d'intégra~

tion au Reich qui, en pratique, eût signifié l'annexion. Le pro­vincialisme de leurs aspirations qui, si souvent~ les avaitdressés ~'une manière mesquine et ridicule contre l'Etat belge,les sauva de la tentation cl' adhérer sans réserve à l' "Empire,IInational-socialiste. Les Allemands, qui rencontrèrent aupr~s d'euxune résistance toujours plus grande, accordèrent des appuis plus~tendus l ln organisme qui ~tait enti~rement A leur service~

la DE.'lJLA. Go (Communauté de travail germano-flamande).. Cegroupement. dirigé' p'ar Jef Vande "Wi'ele, ',prôna O'uv'ertemetl't desbuts annexlonistes et engagea une guerre au couteau contre leV.N.V .• Sa situation auprès des Allemands devint prépondéranteen 1943 - 44 lorsqu'en Allemagne mlme,lès milieux de la SSl'emportèrent sur ceux de la Wehrmacht qui, jusque là, avaientsoutenu le V.N V.oMais il ne parvint jamais à acquérir dans lesmilieux popula res flamands l'audience et la rayonnement duparti national ste et demeura un petit groupe complètement asservià l'Allemagne.

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Le fait que les dirigeants nazis dévoilaient leursvisées ann~xionnistes provoqua dans le parti nationaliste flamandune profon~e crise de conscience. D~s 1942, des dirigeants nat{o­nalistes flamands qui, deux années aup~ravant, avaient chantéles louanges de l'Allemagne et voué la Belgique aux gémonies,revisaient leur position'et se demandaient comment organiser unerésistance à la menace qui se dessinait.

Je ma souviens i ce propos que, des journalistesbruxellois ayant ch€rché à cette époque à nouer des rapportsavec les milieux fl~mands dirigeants afin de réaliser, au seinmême de la collaboration, un front solide en faveur de l'indépen­dance nationale, ils rencontr~rent le Dr Jan Brans, rédacteur enchef de Volk en Staat. En 1940 - 41, celui-ci avait attaqué, avecune violence extrême, les journalistes belgicistes qui défen­daient l'idée de l'Etat belge et il les avait dénoncés auprèsde l'autorité allemande d'occupation. Or, lors de leur premiereritretien de 1942, M. Br~~s leur déclara en.réponse à la questionqui lui était posée sur l~s possibilités d'entente entre lescollaborateurs des deux parties du pays: "un terrain d'accord?~

dit-il, "mais il est tout .trouvé: c'est la lutte contre lesAllemands". Le Dr Brans se faisait d'ailleurs expulser peu apr~s

de Berlin par la Gestapo qui le menaçait d'arrestation.

De même, à la mort du "leider" Staf Declercq, ladésignation de son successeur, le ~r Elias, se fit ~ l'insu desAllemands et prit l'allure d'un geste hostile à ceux-ci. Le nouveauchef nationaliste adopta aussitôt une attitude de combat à l'égarddes tendances annexionnistes de la De. VIa. G. et de la Ss • Ilprononça plusieurs discours où il s'efforçait de réconciiier sespartisans avec l'idée de l'Etat b:elge etpréc<:lUisait une positionpi;ï'~ modiirgê (ràn~ ies"p-ro~i;iÊfmë-s"de'"BruxeÜes' etëiêia "Wallonie. 'Tl'clièfEha"iC visiblement des" ,,:llTés' dànsiâ"par"fieromane du 'pays"pour pouvoir mieux résister aux prétentions allemandes mais,confiant dans la force populaire de son parti, il s'imaginaitque les Allemands n'oseraient jamais toucher à lui et qu'il étaitpossible d'exercer cette résistance tout en continuant de demeurerfavorable à une victoire de l'Allemagne ainsi qu'à ses idéauxeuropéens et germaniques. Toutefois, ces divergences de vuedéveloppèrent, de 1943 à 1945, un sentiment de plus en plus anti­allemand au sein du V.N.V ..

Le V.N.V. cessa pratiquement de collaborer dès ]~44.

Lb'rsqi.l~';· à 'l.a 'l"i1,éi',,-tiou' ilu""territ'oire, lé 'Dr Eliâs'èt"s'on' é'ta1:-""major se réfugi~rent en Allemagne, ils refus~rent de se livrerencore à quelque activité politique. Tandis que Degrelle etVandewie1e fondaient un 'soi-disant "Comité de "Libé'ration" etattendaient le succ~s de l'offensive von Run$tedt pour reprendrele p'ouvoir en Bélgique, le Dr Elias s'opposa aux visées de Himmleret, én conséquence, fut ,arr8té par lui. En captivité, il rédigeason testament politique où il invitait ses partisans à renoncerà toute action antibelge et à adhérer à la formule d'un Etat belgequi ne devait même pas être fédéral mais seulement décentralisé.

Ainsi l'expérience de la collaboration se terminaitpour les nationalistes flamands par un retour à la Belgique et uneimmunisation à l'égard des tentatives allamandes. Il ne fait pasde doute que ces sentiments se fussent maintenus et qu~un des plus

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graves problèmes de la politique intérieure de ce pays eût étéainsi résolu si la répression entreprise depuis la libérationn'avaient pas rejeté les anciens adhérents du V.N.V. vers leursanciennes erreurs. crest que ceux-ci, quelle que soit leur hosti­lite i la Belgique, ne sa'nt pas et n'ont jamais ~t~ des partisansde l'annexion à l'Allemagne, c'est-à-dire des traîtres véritables.Leur trahison concernait l'Etat mais nOn le peu~le, auquel ilsdemeuraient attach~s par des liens profonds et solides. Le senti­ment régionaliste et, pour tout dire, provincial, qui les dressacontre l'Etat belge les empêcha également de se fourvoyer dansles sentiers où se perdirent les dirigeants de Rex ou de laDe.Vl a . G. C'est dire combien ce sentiment ne put s'égarer en desvoies dangereuses que par les erreurs qui furent commises etcontinuent d'être commises à leur égard.

L'OPINION ANTIDEMOCRATIQUE.

si l'opinion nationaliste fut, en Flandre, un desfacteurs idéologiques essentiels qui menèrent à la collaboration,il faut lui ajouter l'opinion antidémocratique qui fut surtoutprépondérante dans les milieux d'expression française qui serallièrent à l'Allemagne.

Dans la première partie de cet exposé, nous avonsrappelé quelle était la crise de la démocratie parlementaire dansles pays de l'Ouest européen, et particulièrement en Belgique.Cette crise provoqua la naissance et le développement d'une opinionantidémocratique qui chercha une partie de ses mots d'ordre dans

. . l' . 1 d . l ··f·.1e __ fasc.~sÙ1e _.~ta: 1.6.n et.; ....p -us .. e.ncore." ... - au-s· ·8' ·maurra-s-sl.,gme·-- ra-nç'a-rs"~'"

Ce fut le cas notamment des milieux de La.NationBelge,dont Robert Poulet était le théoricien et du mouvementrexiste, dont José Streel exprima la philosophie. Ces milieuxne désiraient nullement imposer une idéologie totalitaire, ausens où le national socialisme le prétendait ouvertement. Ilsestimaient que la libert~ de conscience devait être respectéeet que les principes chrétiens qui se trouvaient à la base dela civilisation occidentale devaient continuer d'inspirerl'Etat et la vie publique. Ils s'opposaient seulement au parlemen­tarisme et au système des partis, arguant que ceux-ci enlevaientau pouvoir toute ~ff~ç~~~çe.et constituaient une sorte d'organisa­tio~ léial~ 'de la gierre civile. Ils préconisaient donc le rempla­cement de la représentation parlementaire par une représentationcorporative, ·groupant les grandes forces sociales et économiquesdu pays et destinée à collaborer avec un pouvoir exécutif renforcéet l le contrSler. IJiautorit~ gouvernementale ne devait plusêtre soumise au~ désignations aléatoires des majorités parlemen­taires, mais résulter du pouvoir royal, sOutenu dans l'opinionpar un parti uniqueo

Ces points de vue théoriques, pour discutablesqu'ils soient, ne manquaient pas cependant d'être dépassés dansla pratique par la mentalité affective que des groupements commele rexisme développaient parmi leurs adhérents. A l'instar de

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ce qui se passait en Italie ou en Allemagne, la rexisme avait criiune mystique du chef qui était bien davantage que la mise en valeurd'un principe d'autoritiet de responsabilité. Il s'agissait del'adhésion sentimentale à un leader considéré Comme infaillible.Dans les milieux rexistes, la mystique du chef donna lieu auxmêmes phénomènes d'hystérie. qu'en Italie ou en Allemagne. C'estelle qui permit à beaucoup d'adhérents de ce parti, cependantsincèrement patriotes, de s'aveugler sur les qualités réellesde Degrelle et Sur l'évolution antinationale de sa politique.

En Flandre, une même mystique du chef fut criéepar le V.N.V., mais elle n'acquit jamais un développement aussiconsidirable que dans les milieux rexistes. La raison en futque la nature individualiste et critique du Flamand est plusdiveloppée que celle du Wallon et que le chef du V.N.V., dontla personnalité était plus sérieuse et plus équilibrée que cellede Degrelle, considérait sa propre action aVec un scepticismeet une modération que ce dernier ne posséda jamais.

Dans les milieux socialistes qui adhérèrent à lacollaboration, l'opinion antidémocratique prit des voies quelquepeu différentes mais fini~ par aboutir au mIme point. Pour denombreux socialiites, en effet, la dest~uction de la soci~t~

capitaliste demeurait l'objectif fondamental, vis-à-vis duquelles structures politiques ne. revêtaient qu'une importance secon­daire.( ... ) Henri de Man et ( ... ) ses disciples cherchèrent à se libérer des schèmes de la pensée marxiste et suggérèrent que l'anti­capitalisme socialiste ne visait pas la destruction de toutepropriité privée et était de nature à rallier tous ceux dontl'activité était fondée sur le travail et qui avaient intérêtà détruire la dictature des grandes banques, des trusts et desmonopoles. Certes, la politique officielle du P.O.B., dont de Man

____~_ .. _.fù.tJ e ... v.i ce.;:.p.r_é.s.i.den.L~ay..ant~A.~_e_n._A."'y.eni.r ..J. e. pré s i dent , demeura i tattachie au système démocratique . Mais déja:'e~"f9-3-3,'lors,l"Ë; ...".~...

. ..... iierlride Manitii imposa' sonfaïneux' pian du"Travail, il Ùait .parvenu à faire admettre l'idée que les institutions parle­mentaires et la structure de l'Etat libéral n'étaient pas adi­quates aux réformes sociales et économiques pr&conisées par lessocialistes. Le P.O.B. avait alors admis la nécessité d'un renfor­cement du pouvoir exécutif, la suppression du Sénat et son rempl~­

cement par un Conseil économique, fondé sur la représentation desgrandes forces corporatives et qui eOt da assister la Chamb~e,

sinon la remplacer dans sa tâche de direction et de contrôle de .la vie économique. Mais ces points de Vue ne furent jamais admisque théoriquement par leP.O.B., qui continua d'évoluer dans lesvoies ~~. la' politique i~aaifi~nn~rfi: -

En 1940, lorsque les Allemands occupèrent le pays,Henri de Man en profita pour dissoudre le P.O.B. et dans un mani­feste qui eut l l'époque un grand retentissement, il préconisa laconstitution d'un parti unique dont la mission eût été de réaliser,sous l'égide du Roi, les objectifs socialistes esquissés autrefois~ar le Plan du Travail. Il faut ajouter toutefois que l'opinionantidémocratique des socialistes de la tendance de Henri de Manse distinguait de celle des communistes russes ou des nationaux­socialistes allemands en ce qu'elle prétendait demeurer fidèleaux principes chrétiens et humanistes de la civilisation occidentale.

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Dans ses livres, "Au delà du marxisme" et "L'Idle socialiste",l'ancien p~ésident du P.O.B. avait p~ésenté le sDcialisme commel'héritier du christianisme et considérait la liberté de penséeet la liberté de cons,cierice comme des valeurs que devait respec­ter toute $ociété et qui dominaient les nécessitls politiques etsociales les plus légitimes.

~

Dans quelle mésure céS convictions pouvaient-ellesstharmoniser aVEC le f~it que ~es libertés ~~étaient guère respec­tées en Allemagne, c'est ce qui reste difficile 1 comprendre. Ilsemble toutefois que les "collaborateurs" d'origine socialiste oucatholique, qui demeuraient fidèles aux traditions humanistesde la civilisation occidentale, imaginèrent qu'ils avaient laforce de réaliser dans l'Ouest europlen une forme de fascismetrès difflrente du national-socialisme allemand; de plus, l'exis­tence d'un concordat entre le Reich et le Vatican ainsi que laliberté du culte en Allemagne étaient de nature 1 dlvelopper leursillusions sur le nationill-'-socialisme lui-mêm,e, dont le fanatismeextrémiste ne s'était pas encore rlvéll à l'Ipoque.

L'OPINION ANTIBOLCHEVIQUE CHEZ LES CATHOLIQUES.

Un troisième facteur idéologique qui eut une influ­ence prépondérante dans le développement de la collaboration futle complexe antibolchevique répandu dans de larges secteurs de lapopulation belge. Cet antibolchevisme, quoique diffus égalementdans les milieux libéraux et socialistes, existait plus particu­lièrement dans' les masses c~tholiques.

", ", •• 00-0, êh~zolesÙb"i~;::;;;"~~ ii :;;o'i§:iiai't'en ordre prinCipalq'üe' 'la' ··r€'a.ction des f'ô'rce's èapita.lîs"!:"es· co'nt-f"ë une expêriëncede socialisation intégrale; chez les socialistes, il n'était quecondamnation anecdotique des méthodes antidémocratiques ou anti­humanistes employées par les Soviets, condamnation mitigée parun sentiment de solidarité pour un système dont les sourcesidéologiques étaient communes.

Par contre, pour les catholiques, le bolchevismereprésentait l'antithèse de toute pensée chrétienne et de toutrégime social ou politique inspiré par des principes chrétiens.Les masses catholiques et la jeunesse catholique avaient été"€duqu~es par l'eu-rs pa"s"teurs "et le"urs· politiciens' "dans 1.e sèns"d'une opposition absolue et radicale au rigime des Soviets. Celui­ci n'était autre que le Royaume de l'Antichrist, l'inversion detout ordre humain et éternel. Les encycliques pontificales, leslettres pastorales, l'éducation dans les collèges et dans lesorganisations de jeunesse, tout poussait le catholique à adopterune attitude militante et combattive à l'égard de l'athéismesoviétique.

Cette attitude remplaçait aisément tout effortpour atteindre une vie spirituelle authentique et satisfaisaitdes instincts de violence et de conservation sociale, en donnantl'impression i celui qui l'adoptait d'Itre un grand défenseurdes valeurs spirituelles. Or, les fascismes se présentaient, eux

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aussi, comme des adversaires irréductibles du communisme russeet beaucoup de catholiques furent naturellement portés à les con­sidérer co~me des alliés naturels dans la lutte commune'.

Le pacte germano-russe n'avait pas essentiellementtrouhlé.ces convictions. Les gens qui voy&ient dans le fascismeun rempart contre le communisme n'attachaient pas une import~_,ce

excessive ~ des €v~nements de la politique internationale :..lxquelsils attribuaient une simple portée tactique.C ... ) Lorsq~e la guerre§clata entra la Russie et l'Allemagne s ils estimirent que lal%tte prenait SoD sens riel et que lei affinités profortdes entrele désordro démocratique et l'inversion soviétique se révllaie~t

enfin. Aussi,beaucoup ~e jeunes catholiques qui avaient Itlélevés dans les sentimeœts que nous venons de décrire ne compri­rent pas par quel miracle leurs pasteurs et leurs mattres, jusquelà fanatiquement antibolthevistes, s'enfonc~rent soudain dans unsilence qui faisait le jeu de la Russie. Ils crurent demeurerfidiles .~ l'~ns~ignement qui leur avait Ité donnl ~n consldlrantla guerre ~ontre la Russie comme une croisade sainte et ens'engageant dans les Ilgions antibolcheviques qui se constitu~­

rent dans tous les pays europêens à la demande de l'Allemagne.Plus des trois quarts de ces Légions étaient de formation et dereligion catholiques. Elles group.rent Sans aucun doute cequ'il y eut de plus pur et de plus entreprenant dans les troupesde la collaboration. Alors même qu'elle fut versle dans laWaffen - SS, la légion "WALLONIE" continua de rlclamer et d'ob­tenir un aumônier catholique. Le refus des autorités ecclésias­tiques belges d'autoriser toute cérlmonie officielle à l'enter­rement religieux des Légionnaires tombês au Front de l'Est susci­ta une tragédie spirituelle et une amertume profonde dans lesfamilles et chez les camarades de ceUx qui s'étaient engagés dansla lutte antibolchevique par idlalisme confessionnel.C ... )

L · . ., ... t' ' .. es J,eunas .g.ens .qUl s .enga.geren • n .eurent 'J'''m'a~s

le sentiment qu'ils allaient combattre contrel~ur pays. Noriseulement ils estimaient que la guerre Itait finie contre laBelgique mais ils n'ignoraient pas qu'aucun trait€ dtalliance

-n'unissait la Russie à leur pays; Dans l'entourage royal, onleur avait fait savoir que le chef de l'Etat envisageait leurinitiative avec sympathie et qu'en ce qui concerne notammentles officiers de l'armle belge, il n'existait aucune {ncompati­bilitl entre leur serment de fidllitl au Roi et le serment qu'ilsdevaient pl'êter à Hitler, non comme chef du Reich DU de l'E.tatnational-s~cialiste, mais comme chef des armées alliées contrele holchev':: sme. Ils portaien.t. les cou,leurs t.r.ieolo.res -su·r leu.rsuniformes ~t croyaient sinc.rement lutter pour leur pays dansl'Europe Nuuvelle. Il n'yen a pas un qui, au moment de son enga­gement, imaginait que celui-ci put le conduire Un jour devantles Conseils de guerre et lui valoir la détention perpétuelleDU la peine de mo,t.

Certes, à :mesure que les événements é'voluèrent, lecaract.re des Llgions changea également. Ce fut vrai spécialementpour la Légion "WALLONIE". La force et la faihlesse de celle-ci

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était d'être liée au mouvement rexiste et à la personnalité deDegrelle. Ce ~erriier n'h'sita pas à la considérer comme un ins­trument au service de son ambition personnelle. En juin 1943, il

f 1 -' ,,' d • D'" SS .trans· arma a Leglon ên vr2ga e, PU1S an ~v~s~on et les LégLon-naires qui s'étaient engagés pour la lutte contre le bolchevismedevinrent "les soldats politiques du F~rher", qui devaient Itreprêts à remplir toutes les tâches quë-rë Reich leur asoignait.C'est à ce titre que Dagrelle envisage~ de faire participer laL§gion à l'offensive von Runstedt, ce qui, si la chose s'étaitréalisée, eût entrainé les Légionnaires à pratiquer la véritabletrahison militaire et à porter les armes contre leur propre pays.En ~ait, la Légion ne participa pas à cette offensive et "seulspénétrèrent alors sur le territoire belge à la suite des troupesallemandes, Degrelle et quelques hommes de sa garde personnelle.Il faut toutefois "souligner que ce développement de la poiiti~tielégionnaire se fit en quelque sorte à l'insu de la majorité deceux qui" s'y €taient eng~g€s. Tout au m~ins) ceux-ci nfen per­çurent gulre la signification.( ••. )

L'OPINION ANTICLERICALE.

Par un paradoxe qui n'est qu'apparent, les mêmespersonnes qui furent poussées à la collaboration par leur opinionantibolchevique, y furent également entraînées par un sentimentanticlérical.

Nous avons déjà dit tout ce qu'eut de superficiella formation donnée par l'Action catholique à la jeunesse. Toute

"téurnéevers i' àêti6riet le sùccès,"" â"tta:'èliaî:ïEpltis'd'inipcirtaîiêii:"à" :uIïè"'ce"J:"ta"i"në êI'f'ië"àëité" 8Jft"êr"i'eüte qU'Lau ·'leû.'t' "trâv"ai-l dematuration spirituelle, dans tous les domaines, elle feignaitd'être "moderne" et d'avoir les idées larges. De même que l'actionantibolchevique donnait facilement à celui qui s'y consacraitl'impression d'être un fidlle paladin de" la civilisation chrétien-"ne, sans que pour cela il lui soit nécessaire d'effectuer le tra­vail de transformation intérieure que requiert l'Evangile, de mêmeles dirigeants de l'Action catholique prétendaient qu'il étaitpossible d'être bons chrétiens et anticléricaux.

Il Y avait, certe~, beaucoup de phraséologie dansce"s a"f"firmations "mais"" "i"l'" ne fai"t pas d"e" doute "quë beaucbup""dejeunes catholiques prirent au sérieux la tâche du laïcat ets' habitulrent à ne plus c:onsidérer avec le même respect lesdirectives et les actes du clergé. Pour quelques uns d'entreeux, cette attitude fut un des éléments psychologiques quileur facilita le départ du catholicisme, tandis que pour ceuxq"ui demeurèrent attachés à la foi, elle éut pour conséquence dedévelopper un âl"lticlérica,lisme pratique qui, en certaines

,circonstances, prit un aspect violent.

C'est ainsi que dés catholiques comme Degrelle,Poulet, Streel ou Mathijs prétendaient àemeurer des fidèlessincères tout en rejetant les directives de l'Eglise dans cequ'ils considéraient COmme le domaine temporel. En somme, ils

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rejetaient.le magistère indirect de l'Eglise sur la vie profaneet n'acceptaient sans réserve Bon autorité que dans les domainesdu dogme et de la vie proprement religieuse. Ils croyaient trouverdes justifications dans l'attitude de bien des princes médiévauxqui, tout én demeurant profondément attachés à l'Eglise, combat­tirent avec énergie les intrusions des papes et des évêques dansla vie temporelle.

c'est ainsi qu'en 1937, lorsque .1e cardinal VanRoey, archevêque de Malines, prît patti dànà le duel Van Zeeiand­Degrelle en interdisant .au·~ catholiques de ....tote'!' pour ce de-r-nier

9les rexistes estimèrent qu '_il s' ag"issai.t là d. 'un itttblérableabus de pouvoir spirituel et ce geste épiscopal contribua àdévelopper encore leur sentiment anticl'rical .. Pendant la guerre,Victor Mathijs, chef de Rex a.i., attaqua violemment le Cardinalert des discours '~ublics, le traitant même de "vieux rhinocéros"et menaça, dans le Pays Réel, d~ publier contre lui un dossieraccablant Qui devait prouver ses interventions et sa collusiondans les scandales po1itlco-financiers du Boerenbond, la grandeorganisation des paysans c~tholiques flamands.

En 1943, Degrelle, revenu du front, passa quelquesjours à Bouillon, sa ville' natale. Un dimanche, il prétenditcommunier dans l'église paroissiale, en compagnie ·de quel'ques-unsde ses gardes du corps, quoique les autorités ecclésiastiquesaient interdit aux membres des formations politiques en uniformede se présenter ainsi aux officiers religieux. Lorsque Degrelles'agenouilla au banc de communion, le curé passa devant lui àdiverses reprises sans lui accorder le sacrement. Le chef rexistel'ayant interpellé sur les raisons de son attitude, le prêtrelui répliqua qu'il ne faisait qu'appliquer les instructions deses supérieurs. Sur cè, Degrelle enjamba le banc de communion,empoigna 1-' officiant., la força à ·remettr·e le ciboire dans le

b 1 . . -'d.l' h d ,- ,.. t:a .e.r.nac e,_ .p.u.~s, avec 8e.s se.1. e.s~,."., ; .. emme-na·- D,r·s··· -8· 1.. e-g-1'1.8·e---et l'enferma dans une caVe où il fut délivré par la Feldgendarme_rie allemande. Cet incident eut le retentissement que l'on devine;l'evique de Namur prononça l'excommunication mineure ,contre lechef rexistequi, néanmoins, continua de se considérer comme uncatholique fervent.

Dans les milieux nationalistes 11amands, un anti­clérical analogue s'était développé. Alors qu'à l'origine, lepetit clergé avait soutenu le mouvement flamand, le haut clergécondamna bientôt l'activité antibelge et prêcha la loyauté àl.'.ég?.rd d'pn Etat dont, .par ail.1eurs, .. se.s membres étaient lesfonctionnaires rétribués. Cat anticléricalisme eut toutefoischez certains des conséquences plus profondes et les amenaprogressivement à abandonner la foi chrétienne elle-même.

Le leider du:V.N.V., ls Dr' Kl"ias, qui, en Belgique,avait continué d'assister aux offices religieux afin de ne passcandaliser les maSSes paysannes flamandes demeurées catholiques,abandonna toute pratique religieuse lorsqu'il se réfugia enAllemagne après la libération du territoire et il y avoua qu'ilavait en réalité quitté la catholicisme depuis plusieurs annéesdéjà. Chez un certain nombre de jeunes Flamands, cet anticléri­calisme les orienta vers la SS où ils cherchèrent un substitutà leurs aspirations religieuses. Le nouveau paganisme nazi,avec sa mythologie germanique, ses idéaux nietzschéens, son sensélevé du sacrifice et de la mort leur parut mériter davantage

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leur adhésion qu'une religion qui leur apparaissait surtout sousune forme anémiée et disposée à tous les compromis.

Cette orîentaticn v~rs le nouveau paganisme al1emand~

pour être plus exception~el1e daus lBS milieux diexpression fran­çaise de la collaboration, ne leur fut cependant pas coœpl~tement

étrangire. Elle toucha quelques intellectuels, 1. plupart d'originesocialiste, qui se group~rent dans un organisme appelg Le CercleW<illon qui Se rallia aux idéaux spirituels et politiques de la SS.Dans l'ensemble, les socialistes ralliés à la collaboration etqui demeuraient fidiles 1 la pensée J'llliaui.te et chrétienne d'Henride Man, étaient cependant animés par un anticléricalisme quivisait avant tout 1 expulser l'Eglise des différents secteurs de1 a vie pub 1 ique. Ce s soc i'a 1 i s te s dés i raien t avant tou t lasuppression définitive du parti cathDli~ue, dei syndicats chrétienset des écoles confessionnelles. Ils De·veul_leur pas persétuterl'Eglise, ils estimaient mRme que la vie politique et soctaledevait s'inspirer des principel chrétiens et humanistes mais ilsvoulaient Iliminer le potivoir temporel de l'Eglise et donner 1toutes les organisations ~e la vie sociale Un caract.re neutreet purement national.C· .. )

L'OPINION ANTICAPITALISTE.

A ces différents facteurs, il convient d'ajouterencore l'opinion anticapitaliste qui s'était développée dans lessecteurs les plus larges de la population. A l'origine, issue desmilieux socialistes où elle revêtait Un caractere nettement ou­vriériste, cette opinion avait nettement débordé dans les milieux

·'~,{i:hoÙques. lion' seuleni~n1: les dérnocni1:ù:"chrétiens, sU:Lvant les·'·ênsèignemèiït"s'dèS èncyclïquèi ·Rèium"Noviii'ûmet ~Qüa:c1r"ag,!s:Lmo'Anno

défendaient Une conception de la propriété qui s'écartait sensiblement de la conception libérale, mais encore une forme spécialed'anticapitalisme était née dans les classes moyennes et chez lesjeunes intellectuels.

Cet anticapitalisme,loin de revRtir le caractèreouvri€riste des revendications socialistes ou d§mocrates-chr~­

tiennes, s!adressait aux ~rtisans, aux commerçants DU aux indus­triels victimes des grandes banques, des trusts et des. monopoles.Un des premiers, le sénateur Paul Crockaert en avait exprimé'1 è"s ". rev ë ild i c 8. t i on s . en" en tâniaritsa'''''c arilp'é'q~Ïïec ont r'à' nl~_1E~·!_4~·§!;Eg~g.!: net "les menottes d'or". En 19.34, les jeunes catholiques del'Av;;~:~;;â~-;;;I;~~, de leur c6té, pris parti en faveur du Plandu Travail de Henri de Man qui, précisément, cherchait 1 dépasserl'ancien ouvrilrisme socialiste pour réaliser "un front du travail"auquel les classes moyennes eussent pu adhérer~ Vers la même époque,Degrelle déclancha ses vastes campagnes contra les scandalespolitico-financiers, campagnes qui fondèrent sa popularité etrecueillirent un succès incontestable dans la masse des petitsbourgeois qui désiraient se dresser contre Ip. haut capitalisme,sans cependant condescendre à prendre plac0 dans les rangs d'unpar ti ouvrier. ( .. ,)

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L'ASPIRATION EUROPEENNE.

28 •

Tous les facteurs dont nous venons àe parlern'eussent· pu cependant produire les fruits qu'ils produisi,entdans la réalité si une partie de l'opinion belge n'avait pas étéprête à rencontrer les idéaux de l'Allemagne en matière interna­ti0nale.

Dans la premièra partie de cet exposé, nous avonsdit quelle mentalité était née de l'effondrement des institutionsinternationales et de la sécurité collective, du déclin de laFrance et du rapprochement ita1o-al1emand, de la position extra­européenne de la Grande-Bretagne et de la politique de neutralité.Dans une. mino.rité;, ces ·faits avaient provoqué la naissance cl 'unidéal enropéen qu'on i~aginait pouvoir.être réalisé parl ' ll1emagne.

Dans la jeune génération spécialement, on ne possé­dait pas à l'égard du Reich les mêmes sentimen~s d'hostilité quedans la ~énération qui avait fait la premi.re guerre mondiale.On estimait qu'il y avait un effroyable destin pour les pays del'Ouest à s'entre-déchirér tous les vingt .BnS et qu'il s'imposaitd'y trouver un remède définitif. L'on admettait que la clef duproblème européen se trouvait en Allemagne et qUe pour établir unepaix solide sur le continent, il fallait détruire le Reich ou lesatisfaire.

La génération précédente avait voulu réaliser sadestruction et n'avait pas été capable de la réaliser; dès ·lors,certains avaient été prêts à réaliser l'entente, même au prix

. clè'·largéif·c'once·s'si:ons·,····

6n ne voyait pas d'inconvénient à laisser à l'Al1~­magne les mains libres à l'Est (1) pourtru qu'elle reconnût laliberté nécessaire des peuples de l'Ouest. On commençait à faireune distinction entre l'Est et l'Ouest, estimant qu'au-delà d'unecertaine ligne l'Europe finissait et que les r~gles. qui devaientprésider d'un côté aux relations entre les peuples n'étaient ·pasnécessairement valables de l'autre. L'idée d'une certaine solida­rité européenne, d'une unité politique et économique, voire mili­taire, qui se· fOt substituée à l'ancienne conception de .la souve­raineté absolue des Etats, naissait chez de jeunes esprits clégo~­

tés du ·provincialisme daris .lequel continuaientà ..vivr.e las..Ru·r.o'-' ..péens. Ceux qui, dans la politique intérieure, admettaient le prin­cipe d'autorité ne voyaient pas davantage d'inconvénient à ce quel'Europe slorganisât selon ce même principe et que} n'ayant pu seconstituer en fédération d'Etats égaux, quelques "Grands" prissentla responsabilité de la diriger.( .... ) En 1940, beaucoup de genscrurent que l'Allemagne et l'Italie allaient unifier l'Europe, quel'ère des guerres intestines était finie sur le Continent et que,grlce à cette unification, les peuples européens pourraient éviterla décadence politique, économique et militaire qui les menaçait.Certains eurent le sentiment que le patriotisme européen était .entrain de nattre et qu'il avait plus de sens que les ancienspatridtismes nationaux. Au fur et à mesure que la guerre se

(1) Cf. àce sujet, le manifeste pro-neutraliste de novembre 193~,"~ __ M. __ ~ ~ nn~~~~~o? ~'1?en~ l~Q nrnmn~P'1r~

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prolongea, principalement lorsque la Russie et les Etats-Unisentrèrent en guerre, cette conviction européenne prit un aspectdramatique dans les minorités collaborationnistes. Celles-cieurent le sentiment que le destin de l'Europe était irrévoca­blement lié à celui de l'Allemagne et que l'effondrement decelle-ci am~nerait le chaos sur le continent et son partageentre les forces extraeuropéennes de la Russie et des Etats-Unis( . ..)

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III, LES ·RAJSONS··PSYCHOLOGIQUES··DE LA· COLLABORATION.

30.

si l'on veut pbrter un jugement complet sur lapolitique de collaboration, on ne peut se contenter d'analyserles "raisons id'alogiques qui pr~sid~rent ~ sa naissance et i sondéveloppement. Il faut creuser plus loin et chercher à en décou­vrir les mobiles. En s'engageant dans cette voie, une grandeprudence s'impose néanmoins. Quelle que soit la sagacité del'observateur ou du psychologue,' il demeure quelque chose dansle comportement humain qui ne peut êtr'e saisi de l'extérieur.Toute analyse psychologique'procède par éclairages successifset si, de cette manière, elle arrive à serrer toujours laréalité de pius près et à at·teindre ,un·El grande approximation,'elle ne parvient cependant pas à en épuiser la réalité. A lasource la plus intime de ses pensées et de ses actes, l'hommedemeure seul et secret. c'est pourquoi le conseil de Jésus:"Ne jugez point i" correspond à une vérité spirituelle si pro­fonde.( ... ).

LE GOUT DU POUVOIR.

Les adveriai~es de la collaboration estimentgénéralement que celle-ci eut deux raisons psyohologiques:1-' :amb,i,t:i,o.n':";e t ....le ..lùc r·e ...C '.est.;·évidemm·eil t.·. s imp li f ie.r· 1 es· C ho ses,qUo.;i,qu.e. c.es ... f.acteur.s ·aient. jou.é. l.eur ..rôle, ...nous.. allons. ~!oir' d·a.ns.qu'elle me·sure.

L'ambition intervient dans la plupart des actionshumaines. Eh elle-même, elle n'est ni bonne ni mauvaise. Le tout~st de savoir si elle sert des buts idlalistes ou, au contraire,~se sert d'eux. Dans bien des cas, les mobiles idéalistes et les

mobiles intéressés sont mêlés d'une manière inextricable. Dansla collaboration, l'ambition a joué Son rôle autant qu'ailleurs.Elle intervint chez les fonctionnaires et les bourgmestres quidemeurèrent en fonction, acquirent un grade grâce à leur colla­bo,:,.ation ou acce.Ptèr,ent. un pos,te.. qu·,,' îl.s .ne .posséda.ient pas j.usq.uelà; elle intervint chez l'es journalistes qui eurent ainsi l'occa­sion de jouer un rôle plus important qu'en temps de paix; elleintervint aussi chez les dirigeants des mouvements d'ordre nouveauqui cherchaient à s'emparer de l'Etat et à en devenir les seulsmaîtres.

Cependant, dans la plupart des cas, l'ambition nefut ni le mobile unique, ni le mobile principal. Parmi les fonc­tionnaires qui demeurèrent en fonction ou qui acceptèrent un poste,grâce à l'occupant ou aux partis d'ordre nouveau, un grand nombrecroyaient être utiles au pays. Ils cherchaient à effectuer leurmission avec con~cience et dans l'lntlrRt de leurs administrls.Beaucoup de bourgmestres d'ordre nouveau rurent des administrateursprobes .( ... ) A l'échelon supérieur, de hauts fonctionnaires commeles secrétaires généraux R6msée, ·L·e·e·ma"n~ ou' De l?i"nter étaient sans

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aucun doute des idiaListes ~ui crurent servir leur pays.Les tribu­n~ux militaires furent obligis d'acquitter des hommes comme lessecrétaires giniraux VenTilihen ou De ·Voghel qui, sans avoir prisune positiun politique bien pricise, Bdopt~rent une attitude depr~sence sous l'occupation.

Parmi ies journalistes, plusieurs dimontr~rentqu'ils itaient capables de sacrifier leur ambition personnellelorsqu'ils estimaient que da gia~~~ qUBBtiorts de princi~es

~taient en jeu: en 1945) Robert P&ulet cessa ga collaborationau NoUveAU Jaurnal .lorsque celui-ci s'engagea dans la politiqueannexionniste de Degrelle; il fut' suivi par plus de la moitiide son iquipe ridactionnelle; la même annie, Raymond De Beckers'ileva publiquement contre la politique allemande, fut arritiet diporté; plusieurs de ses collaborateurs' cess~rent. leu~

activitê joutnalistique èpr.s Son arrestation. Dêjl 'en 1942,Henri de Man avait protesté contre la politique allemande enmatière syndicale; la Militarverwaltung lui avait interdit touteactiviti publique et il vécut des lors dans Un demi-exil enSavoie, jusqu'à la fin de 1. ,uerre.

De même, Henri Bauchau, Chef du Service du Travailpour la Wallbnie qui, sans avoir jamais pris position en faveurde la collaboration, avait cependant fondé son mouvement sousl'occupation, avec l'accord et l'appui des Allemands et du minis­tère de 'l'Intérieur, dirigi par M. Romsée, Henri Bauchau avaitrefusé d' ob.tempérer 'en 1943 aux prétentions a11emandes etrexistes relatives i son'servi~e et démissionna de ses fonctionsplutôt que de céder; certains de ses collaborateurs furentarrêtés et emprisonnes, t.andis que lui-même passait à la Résis­tance et y combattaithiroIquement. Tous ces faits montrent que,cràtis les inil'iéi.1x favorables' l, l' ordr enouve a u,;l' amb i t i on

. .~ . f . - ~ d • d ' - --p·erB"O·n-nel'le· saV'·a-1.·t···etre.·· sa·crl. ··1:e,·8,' a: .es po·].:u·t·g·- ·8 ~vue P·.L;Us··"e.·le·ves··et qu'elle fut loin de constituer le mobile unique et dominant.

Certes,des ambitions sordides se manifest.rentigalement. Une sirie de gens flattèrent les partis d'ordre nouveauou les Allemands dans le seul but d'en obtenir des places; maisils furent loin de jouer un rôle dicisif dans la collaboration.A la tête de celle-ci Se trouvaient la plupart du temps des hommesconvaincus de la valeur sociale de leur action. Ce fut certainementle cas pour la plupart des dirigeants nationalistes flamands et'pour quelques chefs rexistes, Josi Streel notamment, qui dirigeajusque, fin ,194,2 le· Bureau Po·lit·i,que de Rex et -q·ue ·l--a' ju,stice--bel'gefusilla 'en 1946, itait un idialiste capable de sacrifier sonambition i ses principes; en janvier 1943, il dimissionna du partirexiste où il occupait une fonction dominant~ et expliqUa i l'auto­riti allemande qu'il ne pouvait suivre la nouvelle politique deDegrelle; en 1944, lorsqu"il se rifugia en Allemagne, il refusade poursuivre une activité politique et accepta, avec sa femme,et ses enfants,d'y vivre en ouvrier d'usine de la façon la plusmisirable.

Même le cas de Victor Mathijs est loin d'êtreBimple et rnirite d'être considéré d'une façon nuancée. Toutefois,il est juste de dire que la personnaliti de Degrelle susciieautour d'elle une foule d'ambitions mesquines et médiocres, touteuné faune de politiciens ambitieux et vides, prêts à accomplir parvanitê les actes les plus audacieux et incapables d'en prendre 1a

... 't ~~d _

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Quant à Degrelle, qui possédait un courage physiqueincontestable et risqua sa vie sur le front de l'Est, il estcertain que son ambition maladive,. son besoin physiqUé d'Btreobéi et adulé obnubilèrent complàcement son sens des valeurs.Tous ceux qui ont travaillé avec lui, q11i ont pu suivre son actionde près, qui ont pénétré son intimité sont unanimes à reconnaîtrequ'il était prgt à tout céder aux Allemands, pourvu que ceux-cilui assurent en Belgique la première place. Sans doute espérait-ilgrRce i llautorit' quti~ aurait ain~i acquise, t'rouler l

? ses pro­tecteurs et &ssurer à son paya une marge étendue d'autonomie, maisil nlen est pas moins vrai qutil identifiait l'intêrêt du paysavec son intérêt personnel. Cette ambition démesurée fut Sansaucun doute la tragédie de Degrelle à qui les Allemands accordè­rent les satisfactions de vanité les plus étendues. Depuis labataille de Tcherka~ notamment, où la Légion "WALLONIE" avaitjoué un rôle héroique et où le chef rexiste avait échappé àl'encerclement, s~ pdpularité en Allemagne était devenue audsigrande que celle de certains chefs du nazisme ou de certains asde la Luftwaffe, comme Marseille, Malders ou Galland. La presseet le film diffusaient ~a~tout sa photo et célébraient ses ex­ploits. Il avait obtenu finalement la croix de Chevalier de laCroix de Fer avec feuilles de chêne et termina la guerre commeBrigade-farher de la SS~ grade qui équivaut approximativement àcelui de général. Il ne fait pas de doute qu'en ses moments d'exal­tation, Degrelle ait ambitionné, non seulement de devenir lemaître en Belgique mais de succéder un jour à Hitler comme maîtrede l'Europe. En Allemagrie, il se présentait déjà comme un chef etun protecteur aux Français et aux autres étrangers qui s'y étaientréfugiés.

En janvier 1945, lorsque l'6ffensive von Runstedtéveilla de's espoirs inco-nsidérés .. dans .. 1esmilieux Taxis.tes" ,-une.

;f,Qule d~ P.oJ.i.t.ic;.iens. d.~·. ce __n:tpuv,e.~.en,:t .~.~ r~~.n,i~ent. à .Bonn", p:t;'.ê~sà rentrer en Belgique dans les fourgons de l'êtranger. Ils ydonnèrent le spectacle burlesque de gens se distribuant des postesde gouverneurs ou de bourgmestres, avant même de savoir quelleattitude prendraient les Allemands à leur égard. La folie desgrandeurs du chef rexiste avait tourné la tête à tous ces person­nages que considêraient avec ironie les légionnaires, habitues àd'autres combats. Car il ne faut pas oublier que, si le rexismeet Degrelle étaient loin d'être toute la cOllaboration, il yavait encore dans le rexisme, et même à cette epoque, des hommesqui commençaient à comprendre, quoiqu'un peu tard, dans quelleayenture on ~e,~. ~yait e~gagés,.

Dans les milieux légionnaires, en effet, on repro­chait au chef rexiste d'avoir utilisé la Légion à des fins politi­ques, étrangères à ses objectifs initiaux, On lui reprochaitégalement de l'avoir poussée à diverses reprises à des combatsparticulièrement sanglants, dont la valeur stratégique étaitdouteuse et qui n'avaient d'autre but que de procurer à son chefdes grades nouveaux ou des décorations nouvelles, ainsi qu'iladvint lors de la bataille de Dorpat, en aoOt 1944. Enfin, onlui reprochait encore d'avoir mis au feu les Jeunesses Légio~Daires

qui contenaient des adolescents de dix-sept ans et cela, malgréles engagements pris par le Prévôt de la Jeunesse, John Hagemans.Tous ces faits avaient convaincu les légionnaires au courant de lasituation réelle que Degrelle n'hésitait pas à sacrifier inconsi-

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dérement ses propres hommes pour des satisfactions de vanité oud'ambition personnelle.

Daué l'ensemble, la collaboration fut .sans aucundoute un "rush" vers le pouvoir. Mais ce "rush" fut loin d'avoirtoujours des motifs sordides et constitue Un phénomène normaldans toute révolution. Celle-ci vise avant tout à remplacer unecouche dirigeante par une autre et, sous une apparence idéologique,n'est principalement que ce brusque.renouvellement d'élites. Nuldoute qu'un nombre important dfhommës~ èt rtotamment dans l~ jeunegénération, n'avaient pu, jusqu'à la guerre, jouer le rôle auquelils estimaient avoir droit et profitèrent des circonstances pours ' i mp 0 s e rl ... )

LE MANQUE D'ADAPTATION.

Plus important sans doute que l'ambition, quoiquesouvent caché dans les profondeurs de l'inconscient, le manqued'adaptation sociale d'un grand nombre d'individus a été une descauses psychologiques de~ fascismes et de la collaboration. Parmanque d'adaptation sociale, nous visons ici non seulement lesdifficultés que la société capitaliste crée à un nombre croissantde membres des classes moyennés, écrasés entre les forces dusyndicalisme ouvrier et celles des monopoles industriels etcommerciaux, mais aussi un malaise plus profond, issu sans doutede l'évolution même de la société moderne vers la mécanisationet la spécialisation excessive.

C'est un phénomène intéressant et qui mériteraitd'itreétudié d'une manière plus approfondie que celui de l'adhé­s{on aux fis~i~~ii ~E'I'li c~11~borati6n'd'un grand nombre deg'~üs 'rebëlTès à ·la"sp·écialisatio"n-. D-anS""la masse deceu,", qui·s'engagèrent dans des organisations comme Todt, la N.S.S.K.K.ou mime les services de la Feldgendarmerie et de la recherchedes. réfractaires, On pourrait découvrir beaucoup d'individusdépourvus de métier précis et qui n'avaient pas reçu une forma­tion d'ouvriers spécialisés.

Avant la guerre, ils faisaient partie de cettecatégorie relativement nombreuse d'irréguliers gagnant leur viepar des moyens à la limite de la légalité. Il s'agissait d'un~~~E~gEE~l~!~E~~! qui ne se sentait rattaché à aUcUne forceà·ëù~.iale c6nst"ituee 'et d"evai't nécessairement envisager son lendemain.avec .in~ertitude.

Pendant la guerre, ce Lumpenproletariat oscillaentre le commerce du marché noir et les organisations paramilitai­res de la collaboration, voire de la Résistance à la fin de laguerre, organisations qui lui offraient des moyens de subsistance,l'occasion fréquente de 'manifester une certaine rancune socialeet l'espoir d'une modification générale favorable. A ces indivi­dus se joignirent naturellement ceux qui, sans appartenir eux­mêmes à ce Lumpenproletariat, étaient menacés d'y tomber et de sedéclasser. Les paysans effrayés par l'industrialisation croissante,des'artisans, des commerçants eu des industriels en lutte avec les

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grands magasins, lBS trusts et les mDuDpbles DU endettis 1 l'igarddes banques, des employés au traitement de famine ou sans espoird'avancement, canstituir~nt la client~le 1. plus nombreuse des

. '1' '1 cl ~ " •• d l ·1 .partlB nat~ona Lste x aman eL reX18~e, S1nSJ. que e _a CO labora-tien dans son ensembleo Les uns et les autres) non seulement etaientles victimes d~une situation sociale et €conomique anormale maisEprouvaient un malaise ~t un effroi non dissimul~s devant l'§volu­tian m~me ~e la soci~te.

Tl est significatif de constAter que~ chez lesintellectuels, ce mal.ise et cet effroi s'exprimaient tant6tpar un esprit de révolte contre les forces s0cialc.s itablies,tant6t par une nostalgie profonde envers un pass§ qui n'exigeaitpas une lutte pour la vie aussi brutale et aussi aig~e. La plupartdes intellectuels de la collaboration étaient en effet;r;;;- amateurs d'idées générales q-;-i ne s'étaient pas'adapt~s l la sp~cialisation professionnelle et universitaire querequiert 1. sociéti contemporaine. Tout en préconisant les idéesd'ordre et de discipline, ils incarnaient en réalité un indivi­dualisme profond qui protestait de toute la force de l'Btre contrela dipersonnalisation de la sociité.

Un ~crivain comme Robert Poulet, qui avait €t~

autrefois anarchiste et "avait pass~par llexpgrience surr€aliste,révélait dans ses romans et ses ouvrages littéraires un tempira­ment plus sensible aux donnies intirieures de la vie cirébralequ'. celles de la réaliti sociale extérieure. Paul CDlin.quidirigea Cassandre et Le Nouveau Journal et qui, d'un point devue purement technique, fut sans aUCun doute le plus grand jour­naliste belge de ces cinquantes derni~res ann~es) avait unenature profondément anarchiste qui n'était satisfaite que par

~i~~~:·t~i~~'·~hda (i~O}:i'~ ;~'f'~ï~'\}~+~~~~~jV,t'~h~ra~':Ii'~'Ê:; ~Qu~~ ~k er,auxo ri·dl'ictëüï· s °d'ùPa ys'Ké°"; 1',1°' brgàri ë . °o'r f icLë 1 °d'Cïiioûvèinen to rOëx i " tE,·"les adversaires de-ia collaboration seraient sans doute ahurisde découvrir en plusieurs d'entre eux un caractère essentiellementfantaisist~ et espiègle. Leur tragédie fut de ne pas mesurer lagravité et la portée sociale de leur action et de s'imaginer quecontinuait toujours la farce estudiantine commencée par Degrelleà Louvain. Le caricaturiste Jam ,i qui chacun reconnatt une sortede génie, exprimait avant tout une force joyeuse de destruction et,comme beaucoup de rej,istes~ ne comprenait rien au national-socia­lisme allemand auquel il ne s'était rallié que pour pouvoir con­tinuer 1 ridiculiser l'ordre établi et ses représentants les 'plusca'ra-ctéi:iiftiOques ~ (,0, .)

LA CRAINTE DE L'INCONNU.

t'inadaptation de beaucoup de °gerts colnaide Bouventavec une sorte d'effr.oi devant l'avenir et 1~ crainte de l'inconn~~

Celles-ci furent un autre facteur psychologique qui eut Son im­portance daus le développement du phénomène social dont nousparlons ici,

c'est ainsi que la d~mocratie et la soci€t§ capita­liste furent ressenties en diverses circonstances comme des struc­tures instables et essentiellement traDsitoiresa Beaucoup deT\o'w~~n~_ r1e netits coTIlmercants ou d T il1dustriels s dVe-mployés ou

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d'intellectuels avaient le sentiment que l'&quilibre existantentre les masses ouvrières et les classes moyennes, entre lesforces urbaines et les forces rurales, entre les foules croyan-tes et les foules d&christianis&es, &tait un &quilibre fragileet risquait de se rompre à leur d&sauantage. Bien plus que lesfinanciers, les grands industriels ou les leaders syndicaux quisont les agents de la trinkformation sOciale ou économiqu~, cesmilieux Sè sentaient de purs objets de devenir historique,emport§s passivement vers un destin catastrophiqu~. Ils avaientl'obscure conviction que les campagnes seraient toujours désavan­tagées au profit des vilies, le petit commerce et la petiteindustrie au profit des trusts et des monopoles, les croyancesreligieuses au profit de l'athéisme et de l'irréligion et qu'aubout de ce processus devaient nécessairemen~se trouver l'anarchie,la misère, le prolétariat généralisé et finalement le communisme ..En particulier, le spectjcle de la dissociition sociale de laFrance, de sa décadence profonde, de ses grèves et des expériencesdu Front Populaire, produisaient sur eux un sentiment d'effroiallint jusqu'au vertige. La guerre civile d'Espagne et les pers~

Dectives d'une domination communiste en Europe agissaient dans le~Ime sens. Il s'agissait .là non seulement de la crainte d'uneruodîfication de leur état social et économique, mais de l'incapacitéabsolue à envisager ieur place dans le nouvel univers spirituelqui se profilait et à l'imaginer sous des formes vivables. Lesentiment de panique qui s'empare de l'individu à l'évocation del'inconnu agissait chez eux à l'idée d'une évolution au bout de.laquelle ils ne voyaient que le vide et le néant. Chez bien desgens, il fut le substrat psychologique de l'anticommunisme,

.pri ne iFa 1 emen t d ans le.s....~Illa."s.e.s ..du_. p.ay'sannat ..e.t:.~de ...l.a~.p.et.i.te ..···· ....····botïiïiëcÏl's:cë·'.fl'am·aüëieainsi que dans les milièux catholiques

d'e'xpressiou' fr,,,·u·çai"se.

Toutefois, et par un paradoxe fréquent en histoire,cette crainte de l'inconnu contribua à sa manière à accélérerun processus que l'on redoutait. Les mImes personnes qui furententraînées dans la collaboration pour des raisons conservatriceset réactionnaires apportèrent leur appui à une politique qui,avec le temps, se dévoila de plus en plus comme une marche versla nihilisme. Dès 1943 et jusqu'à la fin de la guerre, les diffé­rences qui pouvaient exister précédemment entre le bolchevismerusse et les fascismes tendirent de plus en plus à s'estomper.-Avec les Té'qu'isit'iohS"4"~'travail')' 'l"ét'roït'°c1iif'gis'me"éëo'no'mi"que!;les arrestations et les représailles, avec le triomphe croissantdes idéaux et des méthodes. de la SS, l'Allemagne réalisa dansl'Ouest européen une sorte de bolchevisme. De plus, le prolongementmIme de la guerre, l'appauvrissement qui en résulta, les destruc­tions causées par les bombardements aériens et par les combatscontribuèrent à étendre une prolétarisation croissante que l'onavait cherché à &viter. Et, là comme ailleurs, en voulant fuirson destin, l'individu s'y engagea malgr& lui.

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LA PASSION DE LA HIERARCHIE.

36,

Dans L'Espoir, André Malraux faisait dire lesparoles suivantes à un de ses personnages engagé dans le conflitentre la droite et la gauche espagnole: "Le besoin de fraternitécontre ta passion de ta hiérarchie, c'est une opposition trèssérieuse dans ce pays". Cette remarque vaut nOn seulement pourliEspagne) mais, sans doute~ pour tèus les pays de If Ouest éuto­véen. Il est incontestable, en effet, qu'une véritable passionde la hiérarchie a été, chez la plupart des fascistes et descollaborateurs, un des ressorts psycholo~iques fondamentaux deleur action.

Ce serait une erreur de considérer exclusivementcette passion' coinnié l'expression d'un certain' conservatisme social',Certes, les gens qui ont intérêt au maintien des inégalités exis­tantes déf~ndent également la notion de hiérarchie. Les eccllsias­tiques, les ~ilitaires,les patrons ont une tendance à exalter ladiscipline, l'obéissance, l'inagalité sociale afin de mieux asseoirleur autorité et défendre leurs intérêts. Mais, dans les fascismes,il y eut encore quelque chose de plus. Tandis que le sentimentde l'injustice sociale et du désordre économique pousse encorecertains à adhérer aux idéaux Igalitaires, d'autres éprouventavéc violence le besoin de nouvelles "distinctions". Ce besoinpeut s'harmoniser avec un accroissement de la justice sociale,car il vise moins à maintenir des inégalités fondées sur la fortu­ne ou sur la naissance qu'à leur substituer de nouvelles inégalitésfondées sur le mérite et la capacité personnelle. Chez beaucoup

. de gens, le sens de la justice sociale se révolte non seulement. . ~ ...... . " l"d- 1.c····c·on.t,re....les. ,.fau,sses .. sup.er,J.or"l"te.s., maJ.s".a l1.,s,sJ. c.ontre ..... J. ee. qu un

. homme intelligent et un imbécile, un individu compiitent e't u'n''''ig~~r'~ntpui;'s~tit,'a:ürl<:im deL,'dêinoCr'aHe efdël '~ga1ité

hùmaine, jouir des mêmes droits et posséder les mêmes devoirs.Dans c'ette révolte, il y' a tout à la fois le sentiment du rôledominant que l'on pourrait jouer soi-même et le besoin de vén~rer

ce que l'on admet comme supérieur à soi.

Ainsi, la passion ~e la hiérarchie se constate auxdeux pôles de la communauté, chez les éléments actifs qui aspirentà jouer le rôle de chefs et chez les natures passives, en quelquesorte féminines, qui ne s'épanouissent que dans l'obéissance auxindividus supérieurs et dans la foi en leurs consignes. Ces deuxpôles exiStent 'd' aÜi'eurs"no'n seulëment'dans la société mais"aussi à l'intlrieur de chaque homme qui, par un certain côté desa nature, aspire ~ commander et, par un autre, à obéir. De làvien~ l'idée qu'un nombre si considérable d'individus peut s'exal­ter à l'idée de "chef" ét s'enthousiasmer pour le "F~rherprinzip",

. . .. l' - 1 f' 1 .. h ~ h'- •celu~-c~ :tmp 1quant a a 0:15 a soumlSS1on au'X c ...eIS .~1erarch~ques

et la possibilité d'exercer un commandement, si modeste soit-il, .au niveau occupé par l'individu en question dans l'échelle sociale.Le même individu qui reçoit les ordres d'une cascade de chefs estlui-même, dans sa commune, son atelier OU sa prof.ession, le supé-

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rieur de quelques hommes sur lesquels il exerce à Son tour cettefonction de commandement qu'il admire tant chez ceux qui ledominent. rI y a bien là autr~ chose que la tentative des forcesr&actionnaires pour d&fendre les in&galit&s sociales existantes.( ... )

L'apparition et le développement des partis d'ordrenouveau donnèrent à une foule de gens l'occasion de jouer un rôled~ chèf, dè pOrter un unifOrme qui les distinguait de la masse,dl~tre salu§s et de recevoir les hommages; ils parmirent à beau­coup de donner libre cours aux besoins d'admiration et d'enthou­siasme qu'ils portaient en eux et de les diriger vers de grandespersonnalités historiques comme Hitler ou Mussolini ou des con­dottieri de format plus modeste, comme Degrelle. Toutefois, cessentiments n'ayant pas été guidés et ayant &té exploités par desindividus sans scrupules, ils donnèrent lieu à des phénomènesd'hystérie, principalement negatifs et souvent burlesques. Ilsdemeurent cependant chez beaucoup à l'état de besoin et surviventà la défaite des fascismes.

LE BESOIN DE STYLE.

Dans le mêmè ordre d'idées, il faut mentionner lebesoin de style qu'éprouvent bien des gens et, spé~ialement, uncertain nombre de jeunes hommes, dégoûtés de la vulgarité et dudébraillé de la société démocratique. Bien plus d'esprits qu'onne pense souffrent de ne pas découvrir dans la vie publique lestyle et les rites capables de lui donner une valeur esthétique.La grossi~retê ou l'excentricité vestimentaire que l'on reproche

"à"'Ta' J·eun·eB,se···moder·ne c·a·chebien·souvent son .. incapac.ité à.retrou­·ver ...1e.8 .. setlt.ime.ntB .le.s ..plu.s p.rp.f-9,n.d.s ...d,ans ,l,e.p.. J,o..rmes. ap.ci.ennesde la politesse et dans les rites sociaux de là bo~rgeoisi~ e~son malaise de n'en point découvrir de nouveaux qui pourraientcorrespondre à ses aspirations et aux exigences du temps.

On peut dire, en effet, que les formes de la sociétédémocratique ne sont que les résidus des usages et de la convenan­ce de la bourgeoisie individualiste.( ... )

Par contre, dès leur origine, les fascismes atta­chèrent une grande importance au décorum de la vie politique età l '.élaborat.ion de nouvea4x ,rites. social1x.. ( ... ).

En Belgique, les partis rexiste et nationaliste­flamand cherchèrent à s'inspirer du style de vie national-socialis­te. Le cérémonial nazi fut adopté dans les cérémonies publiques,dans les rapports officiels et à la Légion. Les meetings d'ordrenouveau devinrent pendant la guerre très différents de ce qu'ilsétaient autrefois. Ils n'~vaient pluw que des rapports lointainsavec les réunions électorales revendicatives et oratoires de lapériode héroique. Ils se rapprochèrent plutôt des cérémoniesreligieuses, où les disco·urs et l;es sermons n'ont qu'une importan­ce réduite. Par contre, la présence de drapeaux et de vasques àencens, l'usage des tambours et des choeurs, parfois même del'orgue, la disposition ordonnée des différents groupes, l'alter­nance obligatoire des cris, et des silenses contribuèrent i donneraux manifestants l'impression d'être, non point les auditeurs

-_.!- ,_ ... ....... ..-v-..;,.,~T'\.:IV\rQ /l'lin Ti'lvstère civique et

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Il faut reconnaître à ce propos que certainescérémonies rexistes qui se déroulèrent au Palais des Sports ouaux Beaux-Arts à Bruxelles eurent une grandeur réelle et unebeauté incontestable. Elles impressionnèrent profondér'ent lesjeunes gens qui appartenaient aux Formations de jeune3se. Pourleur chef, John Hagemans1 qui avait été décorateur et étalagisteaux grands magasins du Bon Marché à Bruxelles et possédait ainsi,avec un goût réel, des connaissances techniques adéquates, laformation de la jeunesse consistait avant tout dans l'adhésionà un nouVeau style de vie, fondé sur le sport, la discipline etl'esprit de sacrifice et possédant une valeur symbolique etartistique. Il parvint d'ailleurs à exercer une influence profon­de sur les jeune~ gens de son organisation qui le suivirentjusqu'au Caucase, où il mourut dans les combats de la Légioncontre les Russes.

Au front, ~insique dans les G~mps ~'instruction

et dans les écoles d'officiers du Reich, les Légionnaires subirentégalement l'attrait du style de l'armée allemande qui, pour eux,était sans comparaison possible avec celui qu'ils avaient connuen Belgique lors de leur service militaire. Les aspirations esthé­tiques qui, dans la socié~é démocratique, ne pouvaient itre satis~

"faites que par une" mi~orit€ ais€e et au sein m@me de la vie priv~e,

cherchèrent dans les fascismes l'expression d'une vie publiqueembellie et de nouveaux rites sociaux. Le besoin de méler l'artà la vie demeure, en .ffe~, une constante de la vie humaine etexiste tant d"ans les masses que parmi les élites les plus raffi­nées.

LE BESOIN D'UN RYTHME DE VIE ELARGI.

"T.;rn"dis que; dans lés" masse" na"tionalistes "fLima:ndes"et chez la plupart des militants rexistes de base c'était, ainsique nous l'avons vu, un certain sentiment d'inquiétude enversl'avenir et, souvent, une sorte de provincialisme qui les poussè­rent dans la collaboration et dans l'anticommunisme, des senti­ments très différents amenaient des jeunes gens à s'engager dansles Légions ou dans les formations paramilitaires de la Wehrmachtou à prendre position en faveur d'une Europe unifiée politiquementet économiquement. Comme on le sait, les engagements dans les for­mations militaires et paramilitaires revêtirent une importancebeaucoup p<us considérable qu'on ne Se l'imaginait d'abord. D'aprèsléS" statistiques pu"bliées par l'Auditorat général"; ils s'élevèrenten Belgiqu~ à plus de 130.000. Quoique tous CéS engagements n'aientpas la mime signification et que beaucoup eurent comme caUSe lanêcessitê de vivre et, parfnis, la contrainte .morale, il n'estpas possible de leur enlever tout sens profond.

Il ne fait pas de doute, en effet, qu'avec lédéveloppement des relations internationales, l'uniformisationdes conditions de Vié économique et sociale et le surpeuplementdes pays dé l'Ouest, beaucoup de gens ont commencé à ressentirles différenciations nationales comme une diminution morale etles frontières comme des entraves. Plus particulièrement, le fait

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d'appartenir à un petit pays sans influence sur les événementsmondiaux mais réclamant des citoyens les mimes sacrifices queles grands Etats, a été souvent considérê dans la jeunessecomme une absurdité et un archaïsme. Bien des intellectuelsestimaient qu'à l'Ige du chemin de f.r et de l'avion, du télé­phone et de la radio, à l'Ige de l'interdépendance des Etats,il était absurde et déraisnnnable de demeurer attaché à lanotion de souveraineté abs~lue desdits Etats. Ils souffraientde la mentalité étriquée de leurs compatriotes et du rythmeprovincial et désUêt- de la vie nationale. Beaucoup ressentaientphysiquement le besoin de devenir les participants de plusvastes espaces politiques et économiques, de voir s'ouvrir ainsidevant eux des possibilités plus étendues et de pouvoir setransformer, sinon en citoyens d'un grand pays, du moins en sesassociés. Certains furent préparés ainsi psychologiquement àl'idée deI 'Europe nouvelle préconisée par les pays de l'Axe oumime à admettre ,la constitution d'une sorte de vaste' Empiregermanique dont ils eussent été les citoyens à l'égal desAllemands. ( ... ) ,

Dans les milieux populaires, les jeunes genstémoignèrent de cette aspiration extranationale par leur engage­ment comme ouvriers volontaires en Allemagne, comme chauffeur dansla NSKK ou auxiliaires dans l'organisation Todt. Beaucoup d'entreeux parcoururent ainsi les routes de l'Europe pendant toute ladurée de la guerre, allant de Varsovie à Prague DU à Athènes,avec une facilité qu'ils ne pouvaient soupçonner auparavant. Demême, les jeunes Flamands qui s'engagèrent dans' l'a S'S- Di'vis'ion"LANGEMARCK" oU dans la S'S - Divi sion "WIICING", les jeunesWallons qui constituèrent la Légion '''WALLO'NIE'' vécurent 'sur unrythme européen, participant à l'épopée d'uné des plus grandes

"",a,rmé:e s :_,d,u ".mo,nd e.., e"t",: p,l a,nt:an t :,,1 eu r:.. ,d r:a.pe.au ...:tan"t, .. ,d e"van t "L e ningr.adqu'en Crimée,dans le Caucase ?U le Kouban. Ils eurent ainsilè"sèiJ.timent d"être devenüSdes citôyens d'-une unitg poiitï:qu';'infiniment plus vaste que celle de leur pays qu'ils continuentde ressentir comme une réalité touchante mais étriquée et mes­quine. De leur côté, les dirigeants politiques et les intellec­tuels s'habituèrent pendant quatre années à traiter constammentavec les représentants d'uri grand Etat, à fréquenter ses milieuxdiplomatiques, scientifiques et universitaires. Ils cherchèrentà comprendre leurs raisons, à observer leur comportement, à penser,à agir selon le rythme plus large qui était le leur. Ils acquirentle sentiment de devenir des acteurs d'un grand drame historiquequi se déroulait et de ne plus en être simplement les objets,ainsi que leur appa'raissaient res autres' ressortissants des1::err'l.­toires occupés. ( ... )

L'AMOUR DE LA FORCE.

Dans les années qui précédèrent la guerre et, en1940 même, lors de la défaite des pays de l'Ouest, l'Allemagneexerça une véritable fascination sur tous les esprits sensiblesaux manifestations de la force. A vrai dire, il est peu d'hommesqui ne soient accessibles à celles-ci, mais il est juste d'ajouteTque ce sont principalement les natures très viriles qui souffrentde ne pas trouver un exutoire à leur vitalité dans les formespolicées - et souvent dégénérées - de la société moderne, et aussilp. n.~,'re. oRssives. et en au~lque sorte fêminines, qui se

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comme la femelle vers le mâle. Les tempéraments .équilibrés et,plus encore, les tempéraments moyens, par contre, s'adaptent plusfacilement aux compromis, aux abandons et aux inhibitions de lavie sociale contemporaine.

L'affaiblissement excessif des caractlres dans lespays de l'Ouest, l'absence de volonté des dirigeants politiqueset sociaux, la dégénérescence des classes supérieures et laveulerie de la presse furent autant d'éléments qui, mûme en 1940,pb~t~reht téS te~p~raments moyens et €quilibr§s ~ èhyisagér a~èt

sympathie Ijexpirience totalitaire. Sans itre favorables l sesexcès, ils pensaient qu'une réaction énergique était souhaitablecontre l'efféminisation de la société occidentale et que, dansla suite, la vie se chargerait d'éliminer les exagérations et deramener l'équilibre.

En 1940, les trois quarts de la population françai­se et belge acceptaient plu~ ·ou ~oins passivement l'installètionde l'ordre nouveau et éprouvaient Une admiration à peine dissimuléepour la force calme et sereine de la jeunesse allemande qui avaitgagné cette guerre. Il ne faut pas oublier, en effet, qu'à cetteépoque l'armée allemande n'avait pas encore commis les excès etles cruautés qui distinguèrent dans la suite dra.utres servicesallemands attachés au parti et qu'ell·e prétendait incarner autantl'esprit chevaleresque,le respect des adversaires et la générosité

.à l'égard des vaincus que la force austlre de l'ordre et la disci­pline. Bien des adversaires de l'Allemagne furent alors surprisde la modération dont elle témoigna et du comportement de "gentle­men" de ses officiers et de ses soldats. Toutefois, beaucoup degens ne voyaient pas encore se profiler derrilre la force tradi­tionnelle de la Wehrmacht les instincts de brutalité couvant

.dans les rangs du parti national-socialiste, que l'immoralisme. des ciirigeantsriazi.sal1ai'tcomplètement libérer .dèsque la ré­

.. sis.t.arice .des populations ,q~cupée".et:.l~s.p;remièr.""s diff.i",ulté.smilitaires feraient ~vanouir le rêv~ d'une Europe germaniqriefondée sur le consentement de tous.

En Belgique.et en France, la grande masse destempéraments moyens, qui constitue généralement la clientèledes partis conservateurs, se porta en 1940 vers la collaborationavec une certaine réserve. En France, les milieux entourantle Maréchal Pétain, de même qu'en Belgique, les conseillers duRoi Léopold, étaient partisans de ce qu'ils appelaient une poli­tique d'ordre et d'autorité. Ils· croyaient qu'il était temps de.placer à L1 tête .des afJairE\s .. pub)iqtjes de.s hommes de caractèreenergique, peu accessibles aux compromis et décidés à ~ntreprendre

de vastes eampagnes de rénovation morale.

Toutefois, le même processus qui se produisit enAllemagne se constata dans les pays de l'Ouest. Derrilre la massedes tempéraments moyens qui admettait une politique de force,nécessaire dans une certaine mesure, à titre de rêaction provi­soire et modérée contre la faiblesse des démocraties, s'avancèrentles tempéraments extrêmes qui, soit par virilité excessive, soitpar féminité, se trouvaient portés vers l'aventure et n'aperce­vaient point les limites entre la force sage et guidée par laraison et la violence brutal~ et instinctive.

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Dans le peisonnel des partis d'ordre nouveau, .spécialement à Rex, les Légions ou à la SS, on découvrait beaucoupde ces tempéraments extrêmes, dont quelques-uns eussent faitd'excellents pionniers de l'époque coloniale et se trouvèrentd'ailleurs parfaitement à l'aise dans les combats de Russie,tandis que les autres, plus faibles que la moyenne, cherchaientà faire oublier leur propre impQis~?nce en applaudissant lesforts et en exaltant des valeurs quî rtlê~istaient pOlir eux quial'état de compensation.

La formatidn rationelle et morale étant chez euxpeu développée, ces éléments n'hésitèrent pas a utiliser vis-a­vis de leurs adversaires des méthodes inqualifiables. Ils prati­quèrent la dénonciation, fondèrent des services de police,applaudir·ent l'action répressive des aut.orit.és .. allemandes et Selivrèrent eux-mêmes à des dénonciations et a des massacres. Desinstincts que l'on croyait dEtruits par la civilisation reparu­rent .. Une lie humaine se prEsenta comme exécutrice des bassesoeuvres. Elle prit place dans les équipes de tueurs, les ~ndica­

teurs du SD ou de la police rexiste, la Feldgendarmerie ou lesgardiens de Breendonck. Certes, la plupart des membres des partisd'ordre nouveau ignorèrent à l'époque les excès qui se commirentalors et réprouvent aujourd'hui les dénonciateurs, les policiersou les criminels qu'ils découvrent a côté d'eux dans les prisons.

Mais il faut reconnaître qu'eux-mêmes ne dEdai­gnaient pas alors les violences verbales et vouaient facilementaux gémonies leurs adversaires politiques. Depuis les discoursde Degrelle' jusqu 1 aux harangues des petits .chefs locaux, en

'. pa ss a n.t....p.ar...1e s . .a r tic 1 e s du P ay s' Réel oU de' Ca s's'ànd're, ce n' Etai tqu'un cliquetis' d"',,"rme,,';""urï t 0 hu-b è huâ "Î"ri]"ur è S et de "mena'c'e:s,' -

Et, si beaucoup de c'eux qui se livrèrent a cesexcès Etaient incapables dans le privé de faire du mal à unemouche, le malheur voulut que des êtres plus brutaux ou pluslogiques tirèrent de ces propos les conclusions qui s'imposaient.En particulier, on ne peut expliquer que par ce climat de vimlen­ces verbales le fait qu'un homme comme Mathijs, cependant doux decaractère et plutôt faible de nature, parvint a prendre la respon­sabilité de représailles comme celles de Courcelles où, en rEponseà l'assassinat,par les partisans,du bourgmestre rexiste de Charle­roi, de sa femme et de son fils, il fit exécuter 20 ota~es.

L'Equité ne permet cependant pas d'oublier q'ue' lespart'is d'ordrenouveau ne possédèrent pas le monopole de la violence. C... )

Quoi~u'il en soit, les tempéraments moyens etéquilibrés qui, tant en France qu'en Belgique, avaient étédisposEs, en 1940, a adopter une politique de collaborationmodErée furent ainsi dépassés ou éliminés dans la suite par lesEléments les plus extrêmes auxquels ils avaient frayés la voie.PEtain fut éclipsé par les hommes de Doriot et de Daruand; enBelgique, les conseillers du Roi Léopold rentrèrent dans l'ombredès 1942, tandis que des collaborateurs modérés comme Henri de Man,

.Robert Poulet ou Raymond De Becker étaient écartés de la viepublique. Dans la presse collaborationniste, Le Soir qui, en 1940

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avait participé à la campagne contre les membres de l'ancien gouver­nement qui, à Limoges, s'étaient opposés au Roi Léopold, abandonnadans la suite cette attitude et fut le seul journal à s'élevercontre· les dénonciations et les assassinats commis par des adhérentsde l'ordre nOuveau. Toutefois, les journalistes de cette opinionfurent précisément ceux qui, en raison de leur hostilité plus géné­rale à la radicalisation de la politique allemande, avaient étééliminés.

ln jl.ndre, le V.N.V. fut désavantagé au profit deDe.Vla. G. Partour, les éléments les plus violents dominèrent aufur et à mesure que les extrémistes du parti et de la SS §cartaientdu pouvoir, en Allemagne m%me, les forces traditionnelles de laWehrmacht ou de l'Auswartige Amt. Délaissés du contrepoids desmilieux modérés qui, "à l'origine, leur avaient ~ervi de frein,ils s'abandonnèrent aux instincts qui couvaient en eux. si l'onfait exception p,our les .Légionnaires combattant ·au 'front âe l'Estet qui ignoraient une grande partie de ce qui se passait au pays,les éléments qui "collaboraient" encore en 1944 n'agissaient pasautrement qu'un "gang" américain. Ils se livrèrent non seulementà des violences politiques mais encore à des crimes de droitcommun, comme celui du vol de bijouteries bruxelloises quelquesjours avant la libération du territoire. L'amour de la force qui,lorsqu'il est commandé par la raison et guidé par une consciencemorale affinée, peut être la source de qualités précieuses, dégé­néra ici en banditisme pur ~t simple. Les modérés de la collabora­tion jouèrent à l'égard des extrémistes le rôle de Kérensky,méis les Lénine au petit pi~d qui leur succédèrent ne possédaientni la rigueur morale ni la formation intellectuelle du chef dela révolution russe.

LE' BE SOIN"O"UNEWît:tT';ÙtGSêHAÜÙNG

Bien des aber~ations qui furant commises pendantcette tragique période de l'occupation s'expliquent en partie parle désarroi intellectuel et ~6ral de la jeune génération. Nous nepouvons perdre de vue, en effet, que les troubles dont lesfascismes furent l'expression ne furent pas seulement politiqueset institutionnels mais trouvaient. leur source l la racine m@me del'âme. Confus et inconscients chez la plupart, saisis par desesprits plus sensibles ou plus perspicaces comme une aspirationprofonde à une nouvelle conception du monde, à une nouvelledéfinition des.règles dela~unduite humaine.' -,-

La "Weltanschauung" all~mande e~erça ses ravagessur les ruines de la foi chrétienne et de la morale traditionnelle.Beaucoup de jeunes gens avaient déserté l'Eglise Catholiqu~ ou neparvenaient plus à trouver dans ses commandements une réponse auxquestions qu'ils se posaient. De plus, une attitude purement ratio­naliste et scientiste ne les satisfaisaient pas davantage. Ilsaspiraient à trouver des règles nouvelles, quoique plus larges,dans le domaine de la morale sociale et privée. Ils désiraientreconquérir un certain équilibre entre les connaissances scientifi­ques et les exigences du coeur et de la vie. Ils souhaitaientdécouvrir un nouveau type d'homme ainsi qu'un idéal héroique axésur les réalités de la vie moderne. Chez les jeunes intellectuelsqui étaient déjà initiés à la philosophie allemande par l'intermé­diaire de Nietzsche, on s'imagina dêcouvrir dans les valeurs

,

t

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national-socialistes de quoi combler cette aspiration confuse.L'exaltation du sport, de la santé, de la vie, les idéaux pseudo­scientifiques de la géopolitique et du racisme donnèrent l'illusionqu'il y avait là un système embrassant la vie privée comme la viepublique et capable de donner à l'homme moderne une nouvelle raisonde vivre,

Cêrtes) I1Bdh~sion consciente aux id€U12X sbi~ituéls

du national-socialisme fut ex~eptionnel1a, mgme dans les ~ilieuxde la collaboration; elle ne fut le fait que de quelques SS etd'intellectuels isolés; ces idéaux agirent toutefois profondément,et souvent à l'insu de ceux qui les subissaient, même dans lesmilieux qui ne voyaient dans la collaboration qu'une entreprisepolitique mais qui, tout ~n demeurant formellement attachés auxcroyances et à la morale traditionnelle, ressentaient cependanti leur ~~ard un maiaise et 'une insatièf~ction.

Sans doute', la plupart des éléments qui subirentla fascination de la Weltanschauung allemande oroyaient y trouverdes valeurs qui ne s'y trouvaient pas en réalité. Ils ne voulaientpas renoncer à l'acquit le plus pur, de la oivilisation chrétienne,mais seulement à certaines de ses formes dégénérées et efféminées.Ils croyaient à la possibilité d'un nouvel humanisme, accordantplus de confiance aux valeurs sociales et telluriques, mais conti­nuant à faire sa place au respect de la personnalité. Une oeuvrecomme Le LiVre des Vivants et des Morts de Raymond De Beckertémoigne fort bien de cette aspiration et de cette espérance. Maisil est évident que ceux qui la partageaient n'avaient pas encoremesuré l'effroyable puissance nihiliste du national-socialismequi. se pla.çait non !lau-delà du christianisme", mais en opposition

'''absolue' ave'(: son·inspir·ation· l·a·pltls ..profonde.et qui étaitlui-même. une sorte d '.ant.echristia,nis,me... ( ...J.

LE GOUT DU LUCRE.

Tout ce qui précède aura sans doute convaincu lelecteur du fait que les mobiles de la collaboration furent loind'Btre l~s mobiles sordides qu'on se platt généralement à décrire.Dans le tablea~ que nous avons brossé, noUs n'avons caché ni lesombres ni les lumières. Ces mobiles ne furent ni exclusivementbons, ni exclus.ivem.ent. I1?-,g\lYa~s,,_ IDf:l,if? ,ils fu:r~p:1;: hum.ain~, d lQ,nehumanité lourde et dramatique qui mérite la sympathie et lerespect. Nûus ne pouvons cependant terminer cet exposé desraisons psychologiques dé la collaboration sans dire un mot dugoût du lucre qui, d'après certains, aurait été déterminant dansla plus grande partie des cas.

Notre opinion, aU contraire, est que ce mobile futexceptionnel. On ne peut qualifier comme tel la nécessité de vivrequi poussa une foule de petites gens dans la N.S.K.K. Ou dans laTodt. La situation économique était difficile pendant la guerre.Il s'agissait, pour beaucoup d'ouvriers, d'employés et de petitscommerçants que les événements avaient privé d'emploi, de donnerà manger à leur femme et à leurs enfants. Ils acceptèrent dutravail en Allemagne ou dans les formations paramilitaires parceque le traitement y était honorable, qu'ils y étaient bien nourriso~ u ~nl1i~~~1pnt de Quelques facilit~s; ils ~vaient €t€pouss€s

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hasard, à Jes circonstances nées de "relations personnelles~ parceque les y partaient des goDt& de voyage et d'aventure et parcequ'ils s'imaginaient que la guerre ~tait finie pour la Belgique.

Dans la collaboration politique, la plupart desmilitants &t des dirigeants ne profit.rent nullement de la situa­tion privil€gi'e qui 'tait la leur. La plupart d'entre eux vicurentassez large~ent~ maia cQriform~ment aux fonctions qui ~taient leslêurs à cette époque et sans avoir la ~ù~eibilité de mettre del'argent de côté ou d'amasser une fortune.

Dans la presse, le traitement des journalistesn'itait pas plus €lev' que celui d'avant-guerie, malgr~ l'augmen­tation considérable du coOt de la vie et le fait que la nouvelle

..organisation de la pressp ava~t interdit l ses ~embres touteressource extrajournalis~iqued'ordre commercial ou publicitaire,~essources qui ~taient a~toris€es avant 1940~

Certes, il y eut des excès, mais ils furent exceptionnels. s'il est acquis que Degrelle s'enrichit personnel·l·ement auc6urs de la guerre, tant .par ses entreprises de' presse qu'en st em­parant des biens juifs, il n'en demeura pas moins qu'il n'eut quefort peu de disciples en cette matière et il est évident que cen'est pas le lucre mais l'ambition qui fut San mobile dominant.La plupart des chefs de la collaboration sont pauvres et leurfamille est aujourd'hui dans la misère; cette situation nerisu·lte pas de la main-mise du séquestre sur leurs biens maisavant tout du fait qu'ils étaient dépourvus·de fortune etvivaient exclusivement du fruit de leur travail .

...." ... ,.......• ~ ····· .. ····,·~·_,···,,· ..·Otl··rle·~p'e·üi:··yetenLr···J:··+ntel~ t'i'on ··de ···luc re····qu'e ·chez-1·e·5 individus qui· s·1,adonnè·r.ent . à ..·l·.' e·s.p.ion.nage..ou.. se .mir.e.n.t auservice des institutions de la police allemandè. Mais cesindividus furent loin de représenter la collaboration et leurssemblables existent dans tous las camps. On doit la retenir égale­ment dans le chef des collaborateurs é·c·onO"niiq·ües qui profitèrentdes circonstances pour entreprendre de nouvelles .affaires ouagrandir celles qu'ils possédaient. Toutefois, cette collaborationfut le fait de l'immense majorité des industriels belges qui,pour se justifier, arguèrent de la contrainte ou de la réquisition.La justice militaire accepta aisément leurs explications car pourpouvoir appliquer avec rigueur les règles qui 'taient les siennes·en ·la mati1're, elle aurait dD p.aralyser ..toute La v.i.e .économiquedu pays. Elle céda donc atix campagnes qui se déclanchèrent dansla presse en faveur des "collaborateurs êconomiques" et secontenta pour satisfaire l' opinion ·socialiste et communiste, demettre en sc~ne quelques .. grands proc~s ~cono~iques Gomme c~ux

de Fabelta ou de la Pétrofina. Les dirigeants de cas entreprisesavaient, pendant la guerre, cédé une partie de leurs titres auxAllemands, agrandi leurs affaires et gagné des millions grâceau pouvoir occupant, mais ils furent condamnés l des peines déri­soires qui contrastèrent brutalement aVec celles infligées auxcollaborateurs politiques ou militaires. Les autres industrielsou commerçants qui avaient travaillê aU profit de l'Allemagne nefurent même pas inquiétés et certains, comme le Bar·on de Launoyde la Société d'Ougrée-Marihaye, furent même décorés par laRésistance. Pendant la guerre,· la plupart des "collaborateurs~ccnomiques" avaient~ en effet~ pris l'habitude de s'assurer..

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,

nouveau qu'aux organisations de la Résistance; lorsque les événe­ments firent entrevoir la défaite del'Allemagne, tout en continuantde travailler pour celle-ci, ils se distancèrent des partisd'ordre nouveau et multiplièrent leur service à la Résistance quiles protégea dans la suite.

Le goût du lucre fut donc bien déterminent danscette catégorie de collaborateurs) ainsi que chèz les personnesoui acceptèrent des Allemands dèS postés d'administratèur Cu de~équestre dans les entreprises résuisitionnées. On ne leur en tinttoutefois pas une rigueur excessive, car, en Belgique, le goût del'argent est mieux compris par les classes dirigeantes 'et plusfacilement pardonné qu'un idéalisme dressé contre l'ordre social.

If

1> '*

Nous ne pouvons terminer ce bref exposé des raisonspsychologiques de la collaboration sans dire notre impression que,dans l'examen de ce grand phénomène humain, nous nous heurtons àquelque chose d'inexplicable. Il ne s'agit pas seulement du faitmentionné au début de ce chapitre et qui concerne l'impossibilitépour l'analyse psychologique d'épuiser la richesse et la comp1exi~

té d'un fait vivant. Il s'agit d'autre chose et ,d'une réalitéqui nouS ~aratt hétérogène à celle de la psychologie ordinaire.

Pour tout dire, noUs ne parvenons pas encore àcomprendre comment la somme des raisons idéologiques et des raisons

. psychologiques; l'ensemble "de"caus"i:!"shlst',ïi{'1ues'"s'qüissé'ë's' ici, ,'détérinîii.a' uri phénoiiiène'sod"ai aU"'si'importan't"quëée1Uïde Tà"cOllaboration et, par certains côtés, si aberrant. Il nous estdifficile de comprendre notamment comment les aotes des dirigeantsallemands,qui contredisaient si souvent les aspirations les plusprofondes des "co11aborateurs",furent si difficilement aperçuspour ce qu'ils étaient vraiment, comment les masses de l'Ouestréagirent favorablement au national-socialisme en 1940 et qued'importantes minorités continuèrent jusqu'en 1945 'dans une voie que les événements condamnaient. Nousnous demandons s'il ne faut pas retenir l'idée de Jung d'aprèslaquelle le national~socialisme fut la plus grande épidémie mentale

",(ue' connùt, l'Eùrope depuis"le 'Moyen Age. Il seinbTe' incontestable" '"qu'un phénomène de contagion mentale et psychologique intervint

,dans la genèse des fascismes et de la collaboration et que Seuleune hypothèse de ce genre permet de rendre compte de faitsinexplicables autrement.

Bien des gens qui ont collaboré et qui ne manquentni d'intelligence ni de sincérité se trouvent aujourd'hui comme ausortir d'un état d'ivresse; c'est à peine s'ils se souviennentdu caractère réel de leurs actes passés et se demandent commentils purent être ainsi ce qu'ils furent en réalité. Beaucoupd'entre eux - et nous pourrions citer ici des noms de premierplan - avaient été avant la guerre,sinon antifascistes, du moinsantiallemands. Ils se retrouvèrent dans le camp de l'Allemagne,

C . Il. N· 497-498 !~ 6.

sans bien savoir comment. Beaucoup étaient de bons pères de famille,des êtres calmes et pacifiques; ils devinrent, comme presque sanss'en douteg, des politiciens fanatiques et haineux, aux moeurssouvent déréglées.( .•• ) Le moraliste ne pourra s'empêcher deressentir une sorte d'effroi devant les perspectives vertiginpusesqu'ouvre sur la nature humaine cette possibilité d'aliénationcollective et de contagion mentale.

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IV. LES ·CAUSES D'UN ECHEC.

L'échec de la politiqup de collaboration ne fut Dasle seul fait de la défaite allemande. Cet échec était oonsommé .l,..i en avaTI t q li é 1 à c a tas t r 0 p h e ne s' a bat t i t sur 1 e Re i ch; i 1l'était déjà avant que les Alliés ne débarquent sur le continent.A cette époque, l'Allemagne n'était plus soutenue dans les paysoccupés que par des minorités infimes, c9mplètement rejetées dela masse de là population et séparées d'elles. Dans ces minoritésmêmes, plusieurs avaient perdu toute illusion sur les intentionsallemandes; ils .savaient que leur idlal ne se réaliserait ja~ais

et qu'ils n'avaient fait que servir un impérialisme indigne.

Beaucoup de "ciollaborateurs" disent aujourd'hui:"Il est heureux que l'offensive von Runstedt n'ait pas réussi.Nous nous rendons compte maintenant qu'une victoire allemandeeQt amené une tyrannie sahs pareil sur l'Europe et sur notrepays. Nous sommes seuleme~t découragés et désespérés de voirque notre iddal européen n'ait pu se réaliser, que la défaiteallemande, si nécessaire par ailleurs. ait provoqué un effondre~

ment définitif de l'Europe et le triomphe sur notre continentdes forces extraeuropéennes de la Russie et de l'Amérique" ...De tels propos indiquent bien qu'indépendamment des événementsmilitaires, la collaboration était déjà considérée comme un échecen 1944 et en 1945 par ceux de ses promoteurs qui avaient conservlun lminimum de sin.cérité .e~.;.,~,:_.:.t?_.~.~,~'::.,~,~?~:;n.?:~.

. .,._...~.-~--'- ..._-'., ._'-'--'--'-"':~-'-.__:- ....-,.-._,;.-.....-._~~ ..~.•.. .:" ....

- ... - ·EnI 940,unelargeiIiaj ofi"cé·étiiTt dispos;;" àaccueillir une politique d'ordte nouveau. Elle espérait mainte~irl'unité et la liberté du ~ays dans le cadre d'une Europe unifiéepar l'Axe. Des espoirs analogues s'étaient levés en France etdans beaucoup d'autres .pays européens. La sphère des sympathiesenvers l'ordre nouveau fut, en. Belgique, dans les premiers tempsde l'occupation, particulièrement large. Entre la minoritéde "collaborateurs" convaincus et la minorité d'anglophiles décidés,se trouvait une masse indécise qui, après avoir envisagé la colla­boration avec faveur, se tourna vers l'autre uamp.

P en·d an t les· d eu·x pr·emi"re··s ·a riilée s ,1" 1"' o·c cup a t i on,la scission entre les· deux partis ne fut jamais aussi nett·ë qu'endes pays comme la Hollande ou la Norvège, où le chef deI 'Etatet le gouvernement légal s'étaient enfuis en Angleterre et, decommun accord, avaient décidé de continuer la guerre. En Belgique,au contraire, le Roi Léopold, en demeurant au pays, décourageait[a. résistance. Les secrétaires généraux et même la magistrature,nantis de pouvoirs réguliers, continuaient d'assurer leurs fonc-tions et tr~itaient avec l'autorité allemande. Des organismespatronnés par des personnalités officielles comme le Secours d'Hiverou le Service du Travail se créaient à la la limite de la collabo­ration. L'industrie belge travaillait pour les .besoins de l'Allemagne.

C.H. N° 497-1,98 48.

M. Galopin, gouverneur de la Société Générale, que certains disaientêtre possesseur d'un mandat du cabinet Pierlot, se rendait àBerlin, négociait plusieurs accords économiques germano~belges

et entretenait les relations les plus ~ordiales avec M. Leemans,secrétaire général des affaires économiques, désigné à ce postepar les Allemands.

les auspicesLa collaboration avait donc débuté en Belgique

les plus favorables.sous

Moins de trois ans plus tard, ces brillantes promes­ses s'étaient évanouies. Les masses sympathisantes du débuts'étaient tournées vers Londres. Les conseillers royaux étaientrentrés dans l'ombre. Le Secours d'Hiver oU les dirigeants duService du Travail étaient devenus anglophiles. Henri de Mans'était retiré de la vie publique. Robert Poulet et les deuxtiers de l'équipe du Nouveau Journal avaient· quitté la presse.Raymond de Becker et plusieurs de ses col1~borateurs avaient faitde mime. Le V.N.V. demeu~ait dans une rés~rve presque totale.

En 1944, il ne demeurait dans le camp de lacollaboration que les rexistes et les SS. Encore, lors de l'offen­sive von Runstedt, Degrelle lui-mime se vit frustré des espoirsqu'il avait entretenu jusque là; Himmler, de qui il avait espéréobtenir à son profit le maintien du statut unitaire de la Belgiquepour une période de dix ans, lui communiqua qu'à leur retour àBruxelles, les Allemands diviseraient compl.tement le pays endeux "gaue", possédant chacun leur capitale et leur administration,et que Bruxelles serait transformé en ~ille neutre oD siégeraitun gouverneur civil allemand coordonnant la vie économique desrégions séparées.

ÀÎnsi,telûiin:@Îlù,---qû:Î.av/iit le plus d~nnê~ liAÙe­magffe "et "ql..li," dans sa "folle" àmbitlon, "itilag'iriait que" s~es··la.uriers

militaires lui conféreraient enfin le droit d'atteindre un pouvoirqu'il espérait depuis toujours, se vit rejeté comme un accessoireinutile et encombrant. La collaboration échouait là même oD elleavait manifesté le moins d'exigences et rendu les services lesmoins discutés. Sans doute, des résultats avaient été atteintsen des domaines particuliers. L'illusion de la possibilité d'unralliement de la Belgique à l'Axe, illusion entretenue dansl'esprit des Allemands par les collaborateurs, avait retardé pourla Belgique l'établissement d'une administration civile semblableà celle des Pays-Bas. Les cadres administratifs et judiciaires

··àvà:ieilt pu· se "maintenir: sans grand"s dOÏrt.ma"g'e$".· A l r aBri de cettefaçade, la Résistance avait pu s'organiser et grouper ses troupessans subir de représailles trop violentes qui n'intervinrent qu'àla fin de l'occupation. Le Ministère du Ravitaillement et laCorporation de l'Agricultrlre avaient rendu à la population lesservices les plus éminents en lui évitant la disette.

Dans l'ensemble, et grâce à la collaboration écono­mique, la Belgique abordait la libération dans un état économiquerelativement favorable qui, sur ce continent, ne pouvait êtrecomparé qu'à celui de la Tchécoslovaquie. Matériellement, lesBelges avaient moins souffert de la guerre que les autres p·euplêseuropéens, tant occupés que belligêrants. Tout cela était sans

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conteste le rlsultat de la 'collaboration prise dans son ensemble.

Mais ceS rlsultats favorables n'enlevèrent rienau fait que les buts politiques les plus Ilevls des collaborateursne s'étaient point rlalisés. Les Belges n'étaient point ralliésà l'idle d'une Europe unie, dirigée par l'Allemagne; les Allemarrdsne l'Itaient point à celle d'une Belgique une et indlpendante.La rlalisation d'un ordre nouveau, fondé sur la justice, s'Itaitévanouie d~né le réli~e des réquisitioné cletravail et les rigQeursdé la guèrre. La tentative de renv"ersement déS alliances entreprisepar les collaborateurs n'Itait pas parvenue à détruire une haineque les erreurs allemandes rendaient héréditaire. Ce sont lesraisons de cet échec qu'il nous faut examiner maintenant.

L'INCOHERENCE DOCTRINALE.

La force et l'efficacité d'un parti dépendent engrande partie de la clarté de ses buts et de la cohésion de sesprincipes. Il est certes dangereux de poursuivre des objectifserronés, mais il est encore plus dangereux cle ne pas savoirexactement ce que l'on veut. L'accord contre certains ennemiset la communion en des sentiments relativement vagues peuventsusciter un succès momentané mais ils ne rêsistent pas àl'épreuve des événements qui exigent des décisions preciseset rigoureuses. Or, si les partisans de l'ordre nouveau Itaientbien contre la démocratie parlementaire, contre le communisme,contre les Alliés, ils ne Se retrouvaient que dans l'adhésion àl'idéal d'une Europe unie et à l'Allemagne qui devait en être lagarante. Cet accord devait itre nécessairement fragile et

·"in'suff·isant .. 'L'adhésioon à l'idéaleuropéen'et à l'Allemagne ne...pouvait. déter.miner à, e.1.1e.:.seule.une.. li.gne.d.e··.cond.ui·te-·c-oh·ér·e-nte;·······

puisqu'elle supposait une vision claire et nette de la situationde chacun des peuples dans cette fédération europ'enne et desdroits et devoirs des puissances dirigeantes elles-mêmes. C'estsur ces points essentiels que les promoteurs de l'ordre nouveaune parvenaient pas à se mettre d'accord.

Il s'agissait d'abord de savoir si la constitutionfuture de l'Europe permettrait au non le maintien dei 'Etat belge.A l'origine, les collaborateurs belges d'expression françaiseavaient été unanimes à réclamer l'unité nationale et le maintiende la dynastie. Le Nouveau.Journal de .Robert P.oulet et P·aul Col'in;Le Pays Réel avec José Streel, Le Sbir avec Raymond De Becker,Le Travail aVec Henri de Man formèrent un groupe que les Allemandsdénommèrent belgiciste pour signifier que SeS membres faisaientdu maintien de la Belgique une condition essentielle de leur colla­bor~tion. Les secrétaires 'généraux d'ordre nouveau, les dirigeantsde la C.N.A.A., de l'U.T.M;r. ainsi que les Légionnaires wallonsappartinrent tous à ce groupe.

Dès 1940 cependant, CeS adhérents se heurtèrentviolemment aUX tendances séparatistes du V;N.V. et de son organeVolk en Staat. Nous avons vu précédemment combien les idées natio­nalistes flamandes sur le futur statut de la Flandre et de laBelgique étaient confuses et évoluèrent au cours de la guerre.Cette hostilité sentimentale à l'idée nationale belge empêchanéanmoins les nationaliste. flamands de faire front en temps

. "

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vis-à-vis des Allemands une opinion ferme et commune sur toutesles questions importantes. A cette &poque, les "collaborateurs"flamands inclinaient à penser qu'il &tait suffisant de mettre enrelief les valeurs de l~ communaut' populaire et qu'en ce q~i

concerne les formes futures de l'Etat, il fallait faire confianceà la sagesse du vainqueur. Naturellement, ils esp&raient ainsique cette sagesse s'exercerait à leur profit et ne se doutaientpas' que lBS Allemands pourraient un jour manifester une mauvaisehu~eur aussi grande envers l'idée de l'autonomie flamande qu'àl'&gat~ de l'idée nationale belge.

Dès le début, le mouvement de la collaborationfut d&chiré entre deux tendances qui, l'une, exigeait lemaintien du statu-quo étatique et l'autre, admettait que l'étran­ger puisse le bouleverser complètement. Cette opposition de vuessur une question aussi ~ssentielle fut fatale au mouvementd'ordre nouveau, dont la base populaire se trouvait en Flandremais l'élite politique à Bruxelles.

L'autorité occupante, tout en respectant la formeextérieure de l'Etat belge et en ne prenant parti officiellementpour aucun des partis en présence, encouragea cependant la tendanceà la collaboration "inconditionnelle!' dont avaient témoigné lesmembres du V.N.V. En WaVlonie, elle suscita de petits groupes,comme l'AGRA (les ~~!~_~~_~E~~~_~~!~~_~l!~~~~~),qui prônèrentouvertem~des buts annexionnistes et elle favorisa les journauxqui, comme la Gazette dé Charleroi ou Le .Jo·uYna!" .de Char"1eroi,écrivaient que les problèmes discut&s par les Belgicistes étaientoiseux et qu'il fallait faire confiance à Hitler. Dans ces jour­naux reparaissaient curieusement de vieilles tendances wallingantesqui, orientées avant la ~uerre vers la France, s'appuyait mainte­nant sur l'Allemagne. Dans le Reich même, une propagande intense

., ···""e·:;:î'"raveÛr' ci'Idéêri aÎiàT6gtië,ï'"1;E'â,'l'tiiêë'Ompl i'epâifui le il '300. 000..' '. oU'vri Brs" bel ges" ·t niv'~'ill·ant en .. All'ema'gn'e, au' omo yend· l Or g"ane's c'Olfilfie'

Het Vlaamsche Land ou L'Effort Wallon, organes rédigés à 'Berlinpar des journalistes hostiles 1 l'Etat belge. En multipliant lestendances et les journaux qui s'opposaient sur la question fonda­mentale de l'avenir du pays, les Allemands jouaient sur un clavierqui leur était familier et leur permettait d'empêcher les collabo­rateurs de s'unir et de devenir une force avec laquelle il eûtfailu compter.

Dans l'automne 1942, des efforts furent accomplispour réaliser un front unique de tous ceux qui, au sein de la'c'ollaboration, 'étaient a·ttaché·s 'à' l'idée- d'uni·t·é et 'd" ind'épe'ndance'du pays. Cette tentative n'eut pas l'oacasion de porter sesfruits, car elle fut réduite 1 n~ant par le discours que prononçaDegrelle le 17 janvier 1943 au Palais des Sports en faveur del'intégration de la Belgique dans l'Empire germanique (auparavant,des personnalités rexistes et non rexistes s'étaient rencontréeset a~aient établi des contacts avec les dirigeants nationalistesflamands qui commençaient 1 &prouver une vive désillusion àl'égard des Allemands). Lors de la r&ception que. lui avait faite

. quelques jours auparavant l'Association des Journalistes, le chefc':>' -.orexi'st·e avait déclaré: "Nous jouir:t'ons dans ce vaste empi:t'e d'une

libe:t'té semblable à celle dont disposent actuellement enAllemagne Hambourg, Vienne, Munieh, ete •.. " Paul. Colin, fondateurdu Nouveau Journal, se rallia à cette nouvelle tendance. Sespromoteurs prétendaient que les Wallons étaient des Germains delan~ue francaise et devaient devenir des citoyens êgauJt aux

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Allemands dans le nouvel Empire germanique qui serait créé etdevait comprendre toutes léS popdlations germaniques .ou germani­sées d'Europe. C'était admettre l'annexion, quoique les commenta­teurs de la nouvelle politique protestassent contre ce reprochequi leur était fait; ils déclaraient qu'il s'agissait seulementde dépasser des formes trop é~roites de la souveraineté nationaleet de s'associer intimement au futur vainqueur.

L lib '1' 1 n • • ~ ",,". -",-? g·:1iQ,~P·?_·:·;_.e:J,g'~:~·a:cs:t-_e· 'l·Ul eX1staa.,t a :Sru-:x-a~1.-l-es

se désagrégea aussitBt. José Streel, chef du Bureau Politiquede Rex, démissionna de ses fonctions. Robert Poulet et plusieursrédacteurs du Nouveau Journal rompirent avec Paul Colin tandisque Le Soir recevait de l'autorité allemande l'autorisation demarquer son désaccord à l'égard de la nouvelle politique. Laconfiance des derniers collaborateurs belgicistes en l'autorité~lle~arid~ 'était cependant sérieusement ébranlée par le~ évinementset ils ne parvinrent pas a poursuivre leur travail. De m~me, enpays flamand,le V.N.V.,qui avait vu surgir a ses côtés un organisme,la De.Vla. G., prônant a l'usage des Flamands les m~mes thèses queDegrelle, se retira progressivement dans une opposition larvée.

Ainsi, la confusion initiale des buts politiquesdes mouvements d'ordre nouveau les empêcha de maintenir vis-a-visdes Allemands un programme ferme et cohérent. A partir de 1943,les idées des collaboratèurs n'étaient plus que celles souffléesde Berlin.

Dans les autres secteurs. de la politique intérieure,les partisans de l'ordre nouveau ne parvenaient pas davantagea s'entendre. Beaucoup d'entre eux ne voulaient pas faire confiancea· Deg.re.l.le et estimai.ent ,qu.e .. .le. p.arti. rexiste devait se fondre a

·1 '.avenir dans un vaste mouvement d'opinion, expr'{mani: r"es 'forces;':{~iiësdu pays. c'était le :PéiintélevÙë .C1uSoTr,qui,en" ëela,était évidemment combattu par le parti rexis~t par le V.N.V.réclamant, l'un en Wallonie, l'autre en Flandre, le monopole del'activité politique. .

Encore, l'entente de ces deux partis, entente quise brisa en 1943, n'avait jamais été sincère et solide, Degrelleayant toujours espéré reconquérir Ses possibilités en Flandre etn'étant d'accord avec Staf Declercq ni sur le problème de laflamandisation de Bruxelles, ni sur celui de la colonisationflamande en Wallonie. Les rexistes espéraient sans aucun doute'Ùâblir une' ilicî:"a't'ure de Degrelle en 'llelgiqùe', . ce que n'àür,ïïëntjamais accepté ni les na'tionalistes flamands, ni le's collabora­teurs modérés qui souhai~aient une monarchie fédérale ·et corpora­tive. De même, ils étaient prêts à adopter des méthodes de répres­sion policière et de vio~ence généralisée auxquelles répugnaientd'autres secteurs de ltordre nou~eau et ils n1eussent pas hésitéà les appliquer aux modérés de la collaboration qui n'applaudis­saient pas à leur action.

Dans cet ordre d'idées, on vit en 1943 se diviserles collaborateurs, non seulement dans l'ordre des fins mais aussidans l'ordre des moyens, en deux tendances dont l'une, suivant laSS, s'orientait vers une sorte de bolchevisme. Ce conflit detendances eut une expression intérëssante dans une polémique quidans l'été 1943, mit aux prises Marcel Déat, directeur de L'Oeuvre

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à Paris et Raymond De Becker, rédacteur en chef du Soir. Des bruitsde compromis avaient circulé à cette époque et l'idée d'une paixséparée entre la Russie et l'Allemagne avait été soulevée. Dansles milieux proches de la SS, dans les milieux rexistes ainsi'que dans Le Pays Réel, on n'avait pas manqué de laisser entendrequ'une paix germano-russe était à prévoir et qu'il y avait plusd'affinités entre les révolutionnaires du communisme et ceux dunational-socialisme qu'intre ces derniers et les "ploutocrates"anglo~saxons.

Dans L'Oeuvre, Marcel Déat reprit le même thèmeen écrivant que si on envisageait Une paix de compromis, deuxsolutions pouvaient se présenter: l'une consistant en un accordà l'Est, l'autre en un accord à l'Ouest. Déat se prononçait pourle premier contre le second, estimant que les exigences révolu­tionnaires ne permettaient pas une réconciliation avec le vieuxm'~'nde capii:';'liste.· .

De Becke~, au contraire~ ~crivait qula~ant de setransformer il fallait existir et que cette existence étaitconditionnée par le retour des relations normales entre lemonde d'Outre-Mer et les pays de l'Ouest, ceux-ci étant liés aupremier par la position géographique,les intérêts économiqueset les affinités spirituelles; il ajouta qu'une entente germano­russe amènerait, qu'on le veuille ou non, une sorte de bolchevi­sation de l'Europe, même si elle s'accomplissait sous un autre .nom; que, notamment, toute prolongation de la guerre à l'Ouestcréait Un état de détresse économique et un ninilisme moral quine pouvait que servir de lit au bolchevisme et qu'en conséquence,l'Europe ne pouvait être sauvée du chaos que par une réconcilia­tion anglo-allemande.

. .. ne ..Reck.er ré.p.éta ce.s. opini.ons d.ans..un. di.scoursqu'il prononça devant ses rédacteurs le 3 septembre de 1';' m~m~année et qui provoqua son arrestation.Le fait fut à peineremarqué à l'époque mais il fut un incident caractéristique dela lutte qui opposa au sein ·de la collaboration, d'une part latendance extrémiste, ralliée à la SS et qui n'hésitait pas àproclamer ses affinités avec le bolchevisme et, d'autre part, latendance modérée, à laquelle, dans le fond, appartenait le V.N.V.également et qui demeurait attachée à certaines formes tradition­nelles de l'Occident et refluait progressivement vers le mondeanglo-saxon. C••• )

LA DIVERSITE DES INTERETS.

La collaboration était tiraillée, non seulemententre des tendances idéologiques différentes, mais aussi entredes intérêts contradictoires. Une tendance anticapitaliste communeavait poussé dans ses rangs tant d'anciens socialistes que desreprésentants des classes moyennes et des intellectuels. Toutefois,le paradoxe voulut que, dès l'origine, les dirigeants de grossesentreprises capitalistes soutinrent les mouvements d'ordre nouveaude leurs deniers ou prirent place dans Les rangs de la collabora­tion économique. Derrière un homme comme Paul Colin, on put soup­çonner des groupes financiers qui voyaient dans la nouvelle politi­que l'occasion de faire des affaires intéressantes avec l'Europe

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centrale et de briser définitivement la force des organisationsouvrières, en leur enlevant l'arme de la grève. Le haut patronat,tout en témoignant de sentiments anglophiles dans les conversationsde salon, ne dédaignait pas de s'entendre avec les autorités alle­mandes pour fixer les salaires. un niveau qui lui convenait.

Dans les premiers temps de l'occupation, le pouvoiroccupant, soucieux de se créér une certaine popularité dansles masses et animé en partie par les tendances sociales du partinazi~ favorisa las in~érêts ouvriers g,a.llp plu~ii;1.,tJ,"~. çonflit..a .dut'r-av'~il.' D';";s le Borinage et dans le Centre notamment, les Feld­kommandanturen donnèrent raison aùx meneùrs de grève contre lespatrons réactionnaires. De son côté, Henri de Man avait reçudes promesses et des encouragements en faveur de son action pourl'unité ouvrière. La fusion des syndicats politiques en uneorganisation unique (UTMI)semblait correspondre aux voeux expri­més depuis longtemps dans la classe ouvrière et la plupart desleaders syndicaux la saluèrent avec confiance.

Avec le temps, il apparut cependant que les milieuxallemands étaient eux-mêmes' divisés sur la politique sociale.suivre en Belgique. La Dienststelle Hellwig, chargée de contrôlerl'activité ouvrière et qui était elle-même auprès de la Militar­verwaltung une succursale du Front du Travail allemand. paraissaitsoutenir la nouvelle organisation syndicale et Ses revendications.Par contre, la Wirtschaftabteilung et les autres départementséconomiques du gouvernement militaire appuyaient nettement lehaut patronat. Ces divergences de vue se manifestèrent jusque dansle domaine de la presse. C'est ainsi que Le Soir, qui avait crééun Bureau d'Etudes sociales qui rendit des services réels à lamasse ouvrière, publiait chaque jour un article faisant écho auxdoléances populaires et aux revendications syndicales; ces articlesétaient, régulièrement approuvés par laDienststelle Hellwig, tandis

"'qu"H s suse :Lt-a i en t des prol'è'st'a:tion.s ' pàsSi ol1rié e sdaris les dép ai te-'men't-s é c'o'nomiqu'e"s de"l"ad'm-ini'strati'o'n' 'mil'ita ir-e ';C eS"'c'o'nfi iYs' "'serésolurent cependant de plus en plus dans le sens d'une éliminationdes tendances s,ociales au profit des exigences militaires qui, enbien des circonstances, rencontrèrent les voeux et les intérêts dela grosse industrie.

A mesure que la guerre se prolongeait, les Allemands,en effet, ne visèrent plus qu'à obtenir le maximum de rendementau profit de leur économie de guerre. Non seulement ils désiraientdonner aux industriels des satisfactions pouvant les inciter.travailler pour leur compt~, mais encore ils cherchaient à attireren 'Allemagn'e le plus 'p'ossible d' ouvrie-rs"qui ,dans les ti'sinesallemandes, pourraient remplacer les soldats du front. Ils refu­sèrent ainsi d'établir une parité des salaires entre, l'Allemagneet la Belgique et rencontrèrent les voeux du haut patro~at enmaintenant des traitements insuffisants qui renforçaient l'appelde la main d'oeuvre vers le Reich.

Tous ces faits amenèrent un déclin de la nouvelleorganisation syndicale, dont les représentants ne se voyaientmême plus appelés aux conférences officielles où se décidaientles questions les plus intéressantes. Ce déclin fut encore accéléré

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par le fait que les Allemands, instigués par les partis d'ordrenouveau, cherchèrent à éliminer les fondateurs de l'U.T.M.I.appartenant aux anciens cadres syndicaux et à les remplacer pardes politiciens qui leur étaient dévoués. Henri de Man Se désoli­darisait, dis 1941, de la' politique imposée à l'UTMI par une lettreenvoyée au Dr Hellwig et son journal Le Travail était amené àdisparaître. Peu aprls, Grauls, le premier président de cetteorganisation, qui était,avant la guerre le leader des syndicatssocialistes anversois, ,fut éliminé et remplacé par Edgar.d,D",J,vo

• b" ~'t f' ~ 1 t' ~ ·1 .> f~d" ,. ,q:u~~ - 1:e-n 'qu ay·a.·n-t ·a·ppar'l.,;enu a·u-:te· O-â;S a -a· u.e·n",r-a··8- ··a···!t-' ,u,c·a-tl.onOuvrière de Gand, avàit occupé depuis une fonction importante auV.N.V. et se rallia ensuite à la SS. L'U.T.M.I. apparut ainsi deplus en plus comme un simple organisme de propagande dans lesmilieux ouvriers et son prestige y disparut tout à fait.

Lorsque les Allemands instaurèrent les réquisitions~etrav~i1. là politique'deralliement des masses ouvrières àl'ordre nouveau fut définitivement compromise. Les partis d'ordrenouveau cherchèrent tout d'abord à éviter les,réqüisitions, puisà en limiter les dégâts. Leurs dirigeants firent~ aüpr~s de laMilitarverwaltung, des démarches pressantes, accompagnées de pro­testations et de contre-propositions, pour obtenir des modifica~

tions ou la mise en veilleuse des ordonnances prises en,ce domaine.Mais leur action n'aboutit à aucun résultat substantiel. Il fautreconnaître d'ailleurs qû'ils étaient trop détachés des massesouvrilres et de la psychologie ouvrilre pour s'y intéresser d'unemanilre durable et efficace. Les partis nationaliste flamand etrexiste étaient composés avant tout de membres des classes moyennes.A l'occasion, ils adoptaient bien une phraséologie socialiste, maisleur intérêt et leur compréhension pour le monde ouvrier n'allaitpas au-delà.

En Allemagne, des Cercles Wa'l'lons 'et Flauia'nds'~:;;aient1ité fon,Cês 'dans un c'ertainriomb're dëvilles :enVUe de:grouper et récréer les travailleurs qui s'y trouvaient. Auprès del'organisation du Front du Travail allemand, et en vertu d'unaccord signé entre les représentants de celle-ci et .les dirigeantsde l'UTMI, un "Reichsverbindungsman" flamand et un "Reichsverbindun­gsman" wallon furent censés représenter les intérêts des travail­leurs belges dans le Reich et travailler en coopération avec lesinstances ouvrières de Bruxelles. Mais leurs pouvoirs étaientinsuffisants et presque toujours inopérants. Un journal flamandet un journal wallon furent distribués aux travailleurs maisils tomblrent rapidement l'un et l'autre entre les mains d'intellec­tü~(s ~alffés à ii s~· qüi, toüt en f~is~rit d~·radéni~~o.ie

socialiste, ne s'intéressaient pas à l'amélioration concrlte dusort des travailleurs et voyaient dans cette activité un tremplind'ordre politique. La chose ne changea pas essentiellementlorsque les rexistes s'emparèrent de L'Effort Wallon.

Degrelle considérait avant tout les travailleursse trouvant en Allemagne, comme un réservoir d'hommes pour sa Légionet lorsqu'après la libération du territoire, il fut nommé parHimmler "Volksführer" des Wallons, il songea à mobiliser les tra­vailleurs au profit de la défense du Reich. Mais son projet ne putêtre mis complètement à exécution, tant par suite des événementsqui se précipitèrent qu'en raison de l'hostilité que lui témoignè­rent les officiers supérieurs de la Légion.

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Les conflits d'intérêts auxquels donnèrent lieu lapolitique ouvrière se produisirent également en ce qui concernele marché noir qui, pendant la guerre, prit en Belgique une ex~en­

sion considérable. D'une façon générale, le marché noir se faisaitau détriment des petits gens qui, n'ayant pas assez d'argent pours'y procurer les victuailles nécessaires, ne parvenaient plus àfaire honorer leurs timbres de marchandises. Il ne profitait qu'àses organisateurs, aux paysans, aux gros commerçants, à desinterm~diaires nombreux sans profBssion pr@cise et ènfin~ ~ 19bourgeoisie aisée qai y achetait tuut ce que aepOlivBtt lui f6~t~

nir le marché légal. A l'origine, les partis d'ordre nouveau s'éle­vèrent contre le marché noir et réclamèrent une action énergiquedes services de contrôle. Ils furent soutenus par les servicesallemands qui parlaient volontiers des devoirs de chacun enversla communauté. Toutefois, il apparut rapidement qu'une grossepartie de cette activité clandestine était organisée par lesAllemands eux-~I~es ou àlèur profit et'ijued~ vastes organisationstelles que la Z.A.M. ou l'Ubervechungstèlle drainaient versl'Allemagne tout ce qu'elle pouvait acquérir et qu~l qu'en soitle prix. Là encore, les intérlts de guerre allemande rencontrèrentceux des gros collaborateurs économiques qui jouirent désormaisde l'impunité; seuls furent traqués et poursuivis les consommateurspetits et moyens qui cherchaient à trouver au marché noir un com­plément de subsistance.

Ainsi, l'éspoir de réaliser une harmonie entre lesintérlts des diverses classes sociales, espoir que possédaient àl'origine les collaborateurs idéalistes, fut déçu sous l'occupa­tion et au détriment des masses populaires et ouvrières. Et ilest vraisemblable qu'il n'eût pu davantage Itre satisfait entemps de paix, l'équilibre des intérêts risquant toujours de se6~iser'dans ·les.rangs de la· collaboration au détriment dès forces

.. ·..ouvriè.r.E!?, .....ç..el.les:-ci ne se.. trouvant .P.ilS suffisaminep.t... r.!ê,.présJan.téeset l'anticapitalisme des classes moyennes ne parvenant pas à com­penser la force financière s'exerçant dans les coulisses desjournaux ou des partis d'ordre nouVeau.

L'INSUFFISANCE DES DIRIGEANTS.

Une autre cause importante de l'échec de la politiquede collaboration fut l'insuffisance de ses dirigeants. En 1940,.beaqcpup d~ gen~ imaginèrent que le.RoiL'opold.allait ~onstituer

un nouveau gouvernement qui collaborerait avec le pouvoir occupant.Des projets avaient été faits effectivement, mais le Souverain nevoulut accomplir aucun acte de ce genre avant que ne soient libéréstous les soldats belges prisonniers. Malgré le caractère cordialde l'entrevue de Berchtesgaden oft le Roi rencontra Hitler, lesprojets de "self-governement" furent reportés à la fin des hostili­tés. La possibilité qui s'était ainsi offerte de donner à la politi­que de collaboration et au pays une direction analogue à cellequ'exercèrent le Roi de Danemark ou le Maréchal Pétain échoue.Il est difficile d'en percer les raisons; il est vraisemblableque le Roi Léopold fut retenu dans cette voie par un sentimentd'honneur vis-à-vis des Alli&s, par une certaine timidité naturelleet par les maladresses des Allemands. rl continua cependant de ré­server la carte de la collaboration en faisant donner des conseilset des encouragements par les membres de son entourage,

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Toutefoisj les personnalitls qui en faisaient partie,comme le Comte Capelle ou l'ambassadeur Davignon, agissaientuniquement par contacts privés, de telle sorte qu'il fut toujoursimpossible au grand public de connaître l'opinion du Roi et queses conseillers gardaient eux-mêmes la possibilité ge désavouerceux qu'ils avaient encouragés. Jusqu'en 1943, la politique du Roiparut être de réserver la collaboration sans cependant rompre avecle gouvernement de Londres. On attendait cependant que les événe­ments décident qui serait le vainqueur et on pensait qu'il seraitutile de posséder des gages dans les deux camps.

Cette politique fut cependant menée avec de telleshésitations et dans une telle atmosphère de mystère qu'elleréussit tout au plus à compromettre le Roi sans lui donner uneautorité suffisante pour:tenir en mains fermement le mouvementcollaborationniste et l'empêcher de s'égarer en des voies dange­reuses. Les" membres de l' entourag'e royal étaient pbuY la plupartdes hommes timides, craignant les responsabilités et plus habi­tués aux caucus diplomatiques qu'aux e~igences d'une périoderévolutionnaire. Le Souverain lui-même, dont la personnalitédemeure énigmatique à bien des égards, vit échapper à son contrôletant le camp de la collaboration que celui de la Résistance.

A l'origine, un homme politique connu et appartenantà l'entourage royal semblait cependant pouvoir jouer Un rôleimportant. C'était Henri de .Man qui, dans un manifeste retentissant~

annonça la dissolution du parti socialiste et la constitution d'unparti unique, sous l'égide du Roi. Toutefois, rien de ces projetsne passa à réalisation. De Man fonda Le Travail et l'UTMI maiss'en désintéressa rapidement. Il préférait passer de longs moisen montagne et s'étonnait à Son retour de voir ses initiatives

,·,·,,-... ·.. sé rieu s emen t ...en tamé es' p.aL.. S e.s",.adversa..ir.e s .. Dans 18.,.. c011aboration,c: Cllllme. avan): la gUe.rr.e. dans sa. c arr ière po li tique et mini s't ~rielle,l'an~ien président du P.O.B. témdigna d'urt man~uedevoionté ~~-~e

constance qui contrastaient avec ses idées larges et ses projetsaudacieux. Par' ses grands dons de théoricien et ses qualités decharmeur, il parvint toujours à attirer à lui de jeunes espritsaspirant à la nouveauté, mais il les découragea aussi régulièrementpar son indifférence aux conditions pratiques de la lutte etpar un caractère fantaisiste qui lui faisait délaisser le travaille plus urgent pour sa propre vie personnelle. En somme, le mouve­ment collaborationniste ne trouva pas en lui le guide espéré parcertains et cela, non seulement parce que les idées de de Mans'opposèrent rapidement à celles des Allemands, mais aussi parcequ',Ù ne possêdait'pas u'n'tênip~rament cle chef'et n'était qu'unhomme de doctrine et, peut-être, un éducateur.

Si les milieux de l'entourage royal et les ancienspoliticiens n'offrirent à la collaboration aucun guide sûr, lesSecrétaires généraux, qui disposaient dans le pays de l'autoritéadministrative, ne pouvaient le faire davantage. Plusieurs secré­taires généraux étaient d'ailleurs hostiles au mouvement de lacollaboration et parmi ceux qui lui étaient favorables, comme MM.Romsée ou Leemans, il n'y avait guère de personnalité capablede jouer le rôle de leader politique. D'Une manière générale, ceshauts fonctionnaires accomplirent leur. tâche administrative avecbeaucoup de èonscience et de zèle, conformément au~ convictionsqu'ils possédaient. Notamment, le Secrétaire Général au Ravitaille­ment, H. De Winter, s'appuyant à cette fin sur la C.N.A.A.

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(Corporation Nationale de l'Agriculture et de l'Alimentation),accomplit des prodiges en faveur du ravitaillement dela population et montra une grande énergie à l'égard des revendi­cations allemandes. De son côté, M. Schuind, Secrétaire Généralau Ministère de la Justice, protégea efficacement la magistratureet la poli~e belge contre les prétentions qu'avaient les Allemandsde leur faire poursuivre les délinquants conformément aux ordonnan­ces de l'autorité occypante.M.Huysmans, premier ministre socialisteaprès la libération, r~connut publiquement que la réalisation desgrandès agglomérations, faite par M: Borginon sous l'égide de M. .Romsêë) Sècrétaire Général au Ministerê de l!Intérieur,correspondaità une nécessité. Les Secrétaires Généraux étaient pour la plupartde "grands commis" qui, toutefois, n'avaient ni la capacité nile désir de jouer un rôle d'homme d'Etat ou de leader politique.

Les milieux économiques, au contraire, furent guidéspar M. Galopin, gouyerneur de la Société Générale, qui était unepe~sonnalii:é financière de tout premier plan. M. Galopin étaiten rapport avec le cabine~ de Londres mais il estimait que celui-cin'était nullement qualifié pour donner des directives au pays ence qui concerne la politique du travail en Belgique. De plus, ilentretenait des relations étroites avec M. Leemans, secrétairegénéral aux Affaires Economiques et avec les autorités allemandesqui l'appréciaient.Le monde économique fut maintenu ainsi dansune ligne de collaboration modérée, mais suffisamment souple pourréserver toute possibilité en cas de victoire alliée. Mais il estbien clair que cette direction, d'ailleurs toute occulte, étaitsans rapp6rts directs avec la politique des' mouvements d'ordrenouveau. C'est ce qui explique que des éléments irresponsablesappartenant à ces derniers purent, en 1944; assassiner M. Galopin,en des circonstances demeurées mystérieuses.

,...••••..•.•.....•"..•.." ...,.... ~.-". ,.. --'-"Cé's'''ïfaY t'i s""flîYent"",b's'ril1cj"iü:ié's 'à' "eùx'"'tiiêm e:'s et "à"lèuts· ..... 'di.rigeants. Pendant· les d'eux ''première's années ·d"e 'la guerre, "ilsfurent épaulés ou critiqués par une presse qui demeurait à leurégard fort indépendante. Le Nouveau Journal et Le Soir, par exemple,tout en étant contrôlés par l'autorité allemande selon un systèmeanalogue à celui appliqué par les Britanniques et les Américainsen Allemagne, critiquèrent souvent avec violence les partis d'ordrenouveau et exprimèrent à leur égard l'opinion des milieux modérés.Les journalistes bruxellois étaient, en général, des éléments devaleur, dont certains furent particulièrement brillants. Il estcertain que, du point de vue du talent, la presse démocratiquebelge serait incapable d'aligner une série de noms analogues à ceuxde.Paul Colin, Robert Poulet·, Pierre 'D'aye,' Paul "errie',' Paul' Kinhet,Paul Jamin, José Streel, Julien Verplaetse, etc ... La pressebruxelloise jouissait à Berlin et à Paris d'un grand crédit et onpeut dire que, techniquement parlant, elle fut sans doute une desmeilleures du continent. Toutefois, les hommes qui la dirigeaientn'étaient pes aptes à jouer un rôle politique ooncret. Malgré lesambitions de certains d'entre eux, ils n'étaient que des intellec­tuels dépourvus d'autorité sur les masses et portés avant tout àenvisager les choses sous un angle théorique.

Paul Colin, qui possédait davantage le goOt et lesens de l'action, exerça en ce domaine une influence plus néfasteque positive. Son talent immense et sa culture très étenduen'avaient pas détruit e~ .. lui mais au contraire renforcé son besoin

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de polémique personnelle et d'intrigue. Jusqu'au.moment de sonassassinat qui eut lieu au début de 1943, il donna libre coursà son tempérament foncièrement anarchiste et oppositionnel. Tantdans Le Nouveau Journal que dans les échos de Cassandre, il atta­qua sans répit les personnalités d'ancien régime avec lesquellesil avait été en conflit ~t, par ces dénonciations indirectes, créaautour de lui un tourbillon de passions et de haines dont il finitpar être la victime. Paul Colin, pendant toute sa vie, avait ététenu à l'écart des honneurs officiels, malgré Son prodigieuxtalent, et la'guerre lui donna l'occasion de se venger du sorten contribuant à plonger dans le silence ceux qui, pendant silongtemps, n'avaient pas'reconnu ses mérites. En adhérant, enfévrier 1943, à la nouvelle politique de Degrelle, il espéra'it sansdoute obtenir au moment opportun un poste de ministre de la presseet de la propagande dans le futur gouvernement rexiste. Bien loind'exercer une fonction de censeur et de guide dans le domaineintellectuel, il se plaça à la remorque des éléments les plusextrémistes et, par le prestige de son nom et de son talent, lesencouragea dans la voie dangereuse où ils s~~~aient engagés, lesexcitant d'ailleurs par sa propre violence.verbale et ses tendan­ces à la dénonciation.

Dans les partis, le personnel dirigeant étaitsingulièrement médiocre. Le V.N.V. était un peu mieux loti que le

'mouvement rexiste, mais il de~eurait un parti de politicienslocaux, à l'esprit étroit et sans formation générale. Son premierleader, Staf Declercq, était une sorte de romantique nationalitaire,plus attaché à la politique de son village qu'à celle du pays etqui n'avait aucune 'idée de ce que pouvait être Un Etat moderne etla politique mondiale. Son successeur, le Dr Elias, était un intel­lectuelde plus grande envergure" qui avait fait une partie .de ses'études à Ro~eet publié des études historiques de valeur .. Toutefois,

"s';' me'nt'aîÙédem~ur,;it'provin·c'ia1"e·'parbi'enci.e's·aspects "et'ce n'est'ij~~' ~r6i~~ssive~~~t qcie i~~ ~~~~ s"~1a~~i'ii~~, a~':f~~ ~t ~'~e~u~e

qu'il découvrit ses responsabilités dans l'Etat comme chef d'unparti important. Ses cadres locau~ étaient cependant empreintsd'une mentalité très étroite et comprenaient fort peu d'élémentsde valeur, compétents ên matière administrative ou formés auxproblèmes de:la, politique générale. Ceux d'entre eux qui furentnommés bourgmestres dans les villages ou fonctionnaires dans lesadministrations publiques ne se signalèrent pas par des qualitésparticulières; dans la meilleure hypothèqe, ils accomplirent leurtravail ni mieux ni' plus mal que les administrateurs précédentset eussent été bien en mal de démontrer qu'il existait en la matiè­re d~s~étb6des d'ordre~ouveau-plus ~f!iiie~t~s qu~ ~elles desanciennes &dministrations.

Du côté rexiste, on constate une carence analogue,aggravée par le fait que le parti re~iste ne possédait pas lesracines populaires du V.N:V .• Ses militants locaux étaient pourla plupart de braves gens souvent aigris et presque toujourssans formation politique ou administrative. Ils étaient toutefoisconvaincus de détenir la vérité absolue et le montraient. La plu­part du temps, ils se firent cordialement détester, et bien pluspar leur mesquinerie et leurs prétentions que par leur méchanceté.Alors que le V.N.V. subissait dans l'ensemble relativement peu

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d'attentats politiques, le nombre de militants rexistes locauxassassinés par la Résistance fut extraordinairement élevé. A latête du parti, 'on ne trouvait pas d'intellectuels de valeur,sauf l'un ou l'autre comme José Streel, qui démissionna d'ailleursen 1943. Le chef du mouvement ne supportait pas les fortes person­nalités dans son entourage et déco~ragea celles qui tentèrent de~ollaborer avec lui. Degielle était ,d'ailleurs un personnage imbujusqu'à la maladie de son importance et de la conscience de Sonr.SIe hi.s.t.o:rique." Il n 1 .av.a:i t pas terminé ses ~tudes de dro·;t.·t· e-ts'était lancé très jeune dans une action bruyante et démagogique.Il ne s'était jamais soucié d'acquérir une formation politique etsociale sérieuse et s'était borné à lire quelques ouvrages devulgarisation ou à fouiller des traités historiques capables delui fournir des thèmes pour ses discours ou son action. Disposantd'une sorte de magnétisme personnel, capable de certaines intui­tions et doué d'un don oidtoire incontestable, il possédait les,qualités nécessaires à un meneur et à un tribun. Mais ce n'ltBitpas un chef. Tous ceux qui l'ont abordé ,sont unanimes à reconnaî­tre qu'il était incapable de prendre une décision et surtout de s'ymaintenir; il ~tait généralement de l'avis de SOn dernier interlo­cuteur. Son ambition démesurée était le mobile fondamental de sonaction; il était aveugle 'l'our tout ce qui ne pouvait la nourrir,mais rusé et même courageux pour tout ce qui pouvait la servir.Au front, il fit preuve d'audace, voire d'héroisme. Il sut s'impo­ser la discipline du soldat et passer à travers toute la filièrequi devait le mener au commandement de l,a Légion. De ce fait, ilfascinait tous ceux qui l'approchaient mais ne faisait plusillusion à ceux qui pénétraient son intimité ou possédaient uneformation dépassant la moyenne. Il ne possédait du chef ni laformation politique et sociale, ni le désintéressement personnel,ni la constance en des buts qui le dépassent.

·A.;;të;.l~de l';T;'Ù~'y ',{ir~it CjU:ecie~per'soIlnages desecond or'dre; A Til'LI'giori's'e trouvaierit, fI 'est irr'ü','i:pielquiils"militaires de valeur comme le Major Hellebaut, fils de l'ancienministre de la Défense Nationale et de jeunes officiers formés'dans les écoles allemande~ ou qu'avait révélés l'épreuve du front.Mais ils ne possédaient p~s davantage de formation pplitique etne jouaient aucun rôle dans la direction du parti. A celle-ci,se trouvait Victor Mathijs, un jeune homme de moins de trente ans,lui aussi dépourvu des connaissances politiques et sociales lesplus élémentaires. Mathijs jouissait d'un pouvoir extraordinairementétendu pendant l'occupation mais il n'était certainement pas quali­fié pour l'exercer. Sans aucun doute intelligent, et même modérédans s.s seriti~ent., llfnt désservip~r ~a'f~iblessë 'cit une am6ra­lité qui frisait le cynisme. Mathijs appartenait à cette généra­tion devant laquelle rien ne trouve grâce et qui éprouve une joyeu­se férocité à 'tout détruire. Sans être ,d'une méchanceté réelle,il fut entraîné par une carence intellectuelle et morale à accomplirdes actes qu'il regrette aujourd'hui. Il fut le jouet de personna­ges dont il avait eu la faiblesse de s'entourer et qui, telsCollard ou Lambinon, avaient fini par acquérir sur lui Une autoritéabsolue. Ces hommes, sans morale et sans scrupules,doués de vastescapacités d'organisation, avaient mis sur pied des services depolice dont la force technique fait aujourd'hui l'admiration desofficiers instructeurs de la Sûreté d'Etat ou de la Police Judiciai­re. Ces services de police fussent devenus finalement les seuls

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maîtres duautant quefin à leur

. l' '~"d~'part2 et eussent terror2se g es ~~ns personnellesle pays, si l'avance des troupes alliées n'avait misactivité.

La corruption et le cynisme qui régnaient à la têtene pouvaient exercer un rayonnement favorable sur les masses, nipermettre une régénération nationale. L'idéalisme réel qui s'ytrouvait mêlé ne pouvait que disparaître à la longue ou traverserune crise profonde. Cela demeure une grande tragédie, que lesaspirations qui se manifestêrent dans la politique de collabora­tion ne trouvèrent pas les guides compétents e-.f: les chefs [nt~g·res

qui eussent pu les maintenir sur un terrain digne et raisonnable.

L'IMPORTANCE EXCESSIVE D'ELEMENTSHUMAINS DEFICIENTS.

A l'insuffisance des dirigeants d'ordre nouveau,il faut ajouter,comme cause de l'échec de la politique de collabo­ration, l'importance excessive qu'eut dans ses rangs la présenced'éléments humains déficients. Certes, il est três difficile d'é­mettre à ce propos une opinion définitive et nous ne pouvonsoublier que s'il était donné de fouiller le personnel des autrespartis, comme les circonstances nées de la défaite allemande ontpermis de le faire dans les milieux "collaborateurs", il seraitpossible d'émettre sans doute en bien des cas des remarques. ana­logues.

Toutefois, en observant la masse des détenus qui setrouve dans les prisons et dans les camps, on ne. peut s'empêcher

" d'être surpris par la grande proportion d'éléments psychopathes'-'''~o'u' ,fKséqùi1'rbréS';( . .-;Y·' ,,-".-. "",.. '.......

Il ne fait pas de doute que la collaboration futpour le moins alourdie par la présence dans ses rangs d'un tropgrand nombre d'éléments tarés ou suspects. A l'origine,ces élé­ments ne se trouvaient pas ou fort peu dans les organismes d'ordrenouveau proprement dits. Ils se dirigeaient naturellement vers lesservices allemands où on était moins scrupuleux quant au choix dupersonnel. Ce furent eux qui constitu.rent les cadres de la Feld­gendarmerie, du Fahndungsdienst, des indicateurs du SD, desWerbestell~n. Les partis d'ordre nouveau comprenaient seulementune large proportion de tempéraments excessifs mais que l'on nepourrait quali~ier de tarés. Ce n'est que vers. la fin de.laguerre qu'ils furent envahis à leur tour par des éléments d'unecouche sociale et humaine fort inférieure. C'est ainsi que dansla Légion "WALLONIE", les contingents de 1941 et 1942 compre­naient une large majorité d'idéalistes, dépourvus de tout casierjudi~iaire; il n'en fut plus de même dans la suite, lorsque cer­tains individus commencèrent de considérer cette organisationmilitaire comme une sorte de Légion Etrang.re où on venait faireoublier son passé.

Cette carence humaine ne doit cependant pas faireoublier qu'un grand nombre d'êtres sains et de grande valeur cru­rent trouver dans la collaboration, au moins un moment, la réali­sation de leurs espérances. Nous avons déjà dit tout ce qu'il

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y eut de valable dans certaines réalisations et dans certeinscadres de la haute administration ou de la Corporation de l'Agri­culture, dans la presse bruxelloise on à la Légion. Nous ne pouvonsoublier davantage qu'en Flandre, l'immense majorité des écrivainsou des artistes collabora ou envisagea la collaboration avec sympa­thie. Des écrivains comme Cyriel Varschaave, Philip De Pillecyn,Ernest Claes, Félix Timmermans, Gérard Walschap, des philosophescomme De Vleeschouwer, des historiens comma Van Roosbroeck, despeintres comme Servaes - et nous pourrions indéfiniment allongerla liste - s'exaltèrent, au moins pendant quelques temps, àl!idéal d'une EULOpé nouvéllè. Ils contribtièreRt, à leur manière,à créer le climat de la collaboration de 1940 qui, loin d'apparaî­tre comme une expérience humaine trouble et déficiente, se révélaitriche d'espérances et de valeurs positives.

LE CARACTERE INITIATIQUE DES MOUVEMENTS D'ORDRE .NOUVEÀU ..

Pour réussir, un mouvement révolutionnaire doit ex­primer des forées plus profondes et plus réelles que les élitesdirigeantes contre lesqualles il se dresse.( ... ) En 1940, en Belgi­que, les esprits étaient disposés au changement et pr&ts à se détour'ner des politiciens démocrates qui avaient montré leur impuissanceet leur manque de sang-froid. Ils ne se refusaient pas à l'ordrenouveau et à la collaboration. Les partisans de cette polit~que,

malgré les di~ficultés de la guerre qui se poursuivait, eussentpu réussir en· se tenant étroitement en contact avec les masseset en exprimant leurs doléances et leurs espoirs au pouvoir occu­pant. Ils se révélèrent à ce propos inférieurs à leur tâche etse séparèrent de plus en plus de la conscience populaire .

.............~ " . "Sans "d'DU t·e····f·a·u·t·-il··at·t·ribue·r ··-l·a-· rai s·on-··d e'c-e'p héno-mène à 1-' idée m&me que trop .. de .colla.bo.rateu.rs .. se f.ai.saien·t de ·la·lTmission des minoritês révolutionnaires" et aüs·si au manqued'adaptation psychologique d'un grand nombre. En réaction contreles excès démagogiques, la mode était alors à l'exaltation durôle des minorités. On n'était pas loin de dire que l'opiniondes masses était sans importance et que celle des élites, siopposée qu'elle ffit à la première, devait être défendue à traverstout. On affirmait alors que les chefs ne doivent pas suivre letroupeau mais le guider et qu'il fallait .au besoin vouloir le biendu peuple contre son gré. Naturellement, ce point de vue comportaitune part d~ vérité, mais il n'était sans danger que dans la~e~ure

où ...l.es dit~~.s .minor.ités .rêvol.utionnaires .accomp.1iss.aient .un. effort ..permanent pour ne pas confondre leur propre intérêt avec celui dupays et pour adapter leurs efforts, ne fat-ce que dans un point devue tactique, à la psychologie dès foules. Elles devaient évitersurtout le mépris à l'égard de ceux qui ne pensaient pas comme euxet la suffisance dont témoignent habituellement ceux qui se croientle détenteur d'une vérité absolue. Ils ne l'évitèrent pas. Déjàavant la guerre, un homme comme Joris Van Severen, leider desDinasos (Dietsche Nationaal-Solidaristen), avait cherché à donnerà son organisation un caractère aristocratique et ses adhérentsse croyaient d'une nature supérieure à celle du commun des mortels.Sa personnalité schizothyme, faite d'un curieux mélange d'élémentsmaurassiens et prussiens, possédait cette distance aristocratiqueet cette élégance froide 'qui sont souvent le propre de cette nature.Son action, qui réagissait contre le romantisme' débraillé desFlamands, eut, en bien des points, des r€sultats salutaires mais

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elle contribu~ 1 introduire dans la politique belge un espritinitiatique qui, plus tard, eut les conséquences les plus dange­reuses. Le V,N.V. qui, de par son origine paysanne, était fortpeu accessible 1 ce genre de sentiments, y sacrifia à son touren se militarisant et en créant ses milices et ses brigadesnoires.

Du côté francophone, le parti rexiste, après avoirconnu en 1936 un vaste succès populaire, avait vu réduire seseLfge tif s, 1 un niveau d éri ~ 0 t~". p", n,~ . tl"'_.t.a P.P OE~_.'!.t1_ ..ç,u af_t1§)::.Génlrai de la Wehrma~ht, le Président Reeder, chef de laMïTitarverwaltung, nota qué le parti rexiste ne possédait aucUneaudience dans les masses de la population belge et qu'il étaitimpossible de se fonder sur lui pour une action solide et durable,Il conseillait de l'utiliser autant que possible dans le domainemilitaire puisqu'il était une source d'engagements pour le frontmais soulignait qu'il eGt été dang~reux de lui confier des respon­sabilités étendues. Les sympathies de la .population à l'égard del'ordre nouveau furent incapables, de Se polariser autour duparti rexiste. Cette constatation, au lieu de porter Degrelle etses lieutenants à reviser leurs méthodes et 1 chercher un contactplus étroit avec les masses, les détermina au contraire à s'endétourner et à obtenir par le haut ce qui ne leur était pas accordépar le bas, En fondant la Légion "WALLONIE", Degrelle pensa acqué­rir auprès des Allemands une importance et un prestige griceauxquels le pouvoir lui serait infailliblement délégué, Il estimaqu'il était inutile de perdre son temps' à conquérir une opinionhostile, lorsque la possession de quelques miliers de soldatsfanatiquement dévoués à sa personne suffirait pour établir sonautorité sur le pays,

Les jeunes gens qui s'engagèrent dans la Légionfurent entretenus dans cette mentalité, Ils étaient convaincus

.""le-'servi"r' Teur"-I,â'hTê ~'maTs--:'pô'iisédâièYit '. eh inêmetemJ?,s"uû'mépdS'--" -~rbfbhdpdur'~es mani~~~tatioi:is'c~i:icrètés de'l~'vie natiunale.Ilrse croyaient capables de la transformer de fond en comble, parleur seule force, Cependant, la constitution de la Légion et, plusencore, l'adoption de l'uniforme allemand, avaient déjà été unemanière de se séparer de 'la masse et de tourner le dos aux suscep­tibilités d'une grande partie de l'opinion. Mais les longuesabsences au front contribuèrent à accentuer encore cette sécessionet à faire des Légionnaires de véritables étrangers au milieude leur peuple. L'idée qu'ils se faisaient de la patrie n'étaitplus qu'un concept abstrait, répondant à leurs propres vues età leurs propres aspirations, mais sans rapport aVec la réalitécon~rète d~Vays, 'Les adol •• cents d.la Jeünesse Légionnai~e étaientd'ailleurs entretenus par leur Prévôt, John Hagemans, en des rêvesissus de son 'imagination exaltée et dressés à un comportement dechevaliers médiévaux qui les rendaient absolument inaptes à laconnaissance de la Belgique et du Belge moyen.

Au pays, les rexistes avaient éprouvé égal~ment lebesoin de se séparer de la population par le port de l'uniformeet par une politique extrême que la masse ne pouvait comprendre,En 1943, par son discours au Palais des Sports, Degrelle avaitrompu les ponts même avec les milieux collaborateurs modérés etétait parti en flèche dans la voie d'un travail commun avec la 56.La population, que les récentes réquisitions de travail et les

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rigueurs d'une occupation qui se prolongeait dressaient de plusen plus contre l'ordre nouveau, finit par considérer les rexistescomme des fanatiques et des sectaires, infiniment plus dangereuxque les Allemands.

Une pluie d'assassinats s'abattit sur les militantslocaux du parti, sur de simples sympathisants, sur des vieillards,des femmes et des enfants. Ces assassinats qui, en 1941 ou 1942,étaient l'excepti,on et étaient condamnls par la population, furentdlsormais Bpprouvls taci~~ment. Dans la défanse qu'il présertta auConseil de Guerre de Charleroi pour les représailles qu'il ordonnaa Courcelles, Mathijs prltendit qu'en août 1944, les attentatsantirexistes s'Ilevèrent à plus de 700 et qu'au cours des derniersmois de l'occupation, il y en eut plusieurs chaque jour. Il citaLe Drapeau Rouge, organe du parti communiste, qui avait recOnnuque dans l'espace d'un seul mois, 107 rexistes furent assassinésdans la seule rlgion de tharleroi.

Il est Ivident que cette explosion ~e haine et deviolence, pour injustifiée qu'elle soit, ne fut possible que parla sécession totale qui s'était Itablie entre ,les rexistes et lamasse de la population. Les dirigeants rexistes, au lieu decomprendre en 1943 que les souffrances et la mentalité du peuple,autant d'ailleurs que les événements militaires, rendaient impossi­ble la con.ersion du pays à l'ordre nouveau, tout aU moins tant quedurait la guerre, s'entêtèrent en des voies qui ne pouvaient queles mener a la catastrophe. Ils ne virent pas qu'ils n 1 1taientplus des rlvolutionnaires authentiques, luttant aU nom des couchespopulaires les plus profondes contre des Iii tes dirigeantess'accrochant aU pouvoir, mais bien une secte fanatisle, combattantcontre la masse même du peuple et avec le secours d'une armle

"étrangère. Ils vivaielit dans ,un monde si slparl de la,rlalitl-._" ~'"'."~'q ;-"j"-'i-ï-s' "s~e~ ',-~"ï: ure;; t .. ~âtL"t~o-r r~s;lrs"""~r~'iiiënë-r--uÏlê--"~soi;(e~'d e-'···-g·û~e·r·r·~ê-~~ë·rvT··îe-

ët:â ex'ei-ëer' dêsl~ëprlsailles canErë cieux ïiiïï Tës··pà....irsuivàiëlit.S'ils n'avaient pas acquis une véritable mentalité initiatique,.ils auraient compris que, pour pouvoir guider les masses, uneminorité rlvolutionnaire doit conserver aVec elles un minimum deliens psychologiques et que, Sans cette capacité de comprlhensionmutuelle, il importe de renverser la vapeur ou, tout au moins,de mettre une sourdine a son action jusqu'en des temps meilleurs.

Dans les rangs du V.N.V.ioù les affinités populairesdemeuraient profondes, il ne manqua pas d'esprits qui, dès 1943,envisagèrent de mettre un terme a la politique de collaborationêl,"d,,"dissOüdtë' 1" parti;'mais on in'anqua' de l"aud'ace néc'e'ss'aitèpour rlaliser cette rupture et on se borna à une attitude p~us

réservée vis-a-vis des Allemands. Par contre,à la De.Vla. G., àla 55 et dans les milieux qui lui Itaient favorables, la mêmementalité initiatique dltourna les esprits de la rlalité et dupeuple. Après la libération, en Allemagne, leurs membres continui­rent slrieusement à se prloccuper du caractère germanique de laWallonie et de la Flandre et de leur intlgration à l'Empire. Lesjourn'aux qui y furent publils comme Vlaand'eren vrij ou L'Avenir,n'avaient pas changé de ton et proclamaient chaque jour, avec'une assurance dlsarmante, que la réalisation de l'ordre nouveauétait plus proche que jamais. Pareille abérration n'est explicable

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que par le désintéressement total éprouvé par les derniers colla­borateurs à l'égard des conditions concrètes de la vie populaireet nationale. Ces collaborateurs avaient prétendu tirer le chariotdu peuple belge en des sentiers nouveaux, mais ils avaient négligéd'accrocher leurs traits au timon et, le jour ob ils arrivèrentà destination, ils furent tout étonnés de se trouver seuls etabandonnés de tous.

L'I.GN9RMIQll ,Dll, ,,1' ALtllMA,GNE .

Une dernière cause - quoique fondamentale - del'échec de la politique de collabo~ation fut l'ignorance de lapsychologie allemande dans laquelle se trouvaient la plupart desadhérents de l'ordre nouveau.C .•• )

Un grand nombre de ceux-ci appartenaient à la géné­ration des moins de trente ans et n'avaient pas une expériencepersonnelle de la première guerre mondiale et de l'occupation decette époque. Les plus âgés étaient portés Vers la collaborationpour des motifs idéologiques ou par des sympathies d'ordre culturel,ainsi que c'était le caèpour l~s Flamands. Les uns et les autresréagissaient contre les sentiments antiallemands de la générationprécédente ou des milieux démocratiques ou fransquillons. Fort peus'étaient rendus en Allemagne, sinon en de brefs voyages d'étudesou de propagande; fort peu même connaissaient la langue allemande.

Lorsque les Allemands occuperent le pays, ils lesaccueillirent pour ce qu'ils n'étaient pas. Ils s'imaginaient queleu~s anciens èdversaires étaient tous des paladins de l'idée 'européerine ',et des révolutionnaires convaincus. Ils espéraient,

,""~·qù'é~·fe"pcouvo':rr-ôë:êi:ip~al:tf "ii'fTa'ft"~péUse-f"'l e-iiî:"s" 'é~iipoTr-s"'et-satlsT"I re""lëurs fëvêriCli'éiiHà'riii;' 'TU'ëroYèÏ'ërit'-qù'üh' r-é'gJ.riii' tota ltFni'ë~,'

reposant sur une directidn unique, possédait une politique cohéren­te dans tous les domaines. L'expérience les détrompa progressive­ment. Tout d'abord, ils durent constater que la plupart desAllemands occupant des fonctions officielles se souciaient fortpeu de réaliser l'ordre nouveau et d'entreprendre une activitérévolutionnaire. Les militaires ou les fonctionnaires du Militâr­hefehlshaber, de la Militarv'erwa'ltung ou de l'AuswartigeS Amtétaient généralement des conservateurs ou des r'é'actio'nnaÏ'resqui avaient beaucoup plus de sympathies pour les dirigeants dela Société Générale ou les membres du Comité Central Industriel'que' pc)ur'leis r'évôlûüë'f1rîair'es du part'l 't'existe ou' dU' V'; N'. V".'; 1. È! li'r'"devise était Ruhé und Drdnung et ils cherchaient à tirer del'Occident cê qu'il y avait moyen d'en tirer sans trop mécontenterla population. Par contre, les nationaux-socialistes qui s'instal­lèrent petit à petit à la suite deI 'Administration Militaire àla Propagande Abteilung, à la Dienststelle Rosenberg, à laDienststelle Hellwig ou dans les services de la SD ou de la SSet qui tlmoignaient d'Une volonté révolutionnaire, se montraienthostiles à l'idée nationale belge ou aux revendications relativesà l'autonomie flamande. Ils ne s'intér'essaisnt ,qu'à la collabora­tion de tous les éléments germaniques et, souvent, n'étaient pasloin de suggérer l'Anschl~ss. A l'origine, ces positions des divers

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milieux allemands n'étaient pas nettes et les collaborateursétaient partagés entre les instances militaires ou de l'AuswartigesAmt qui acceptaient leurs points de vue nationaux et les instancesdu parti qui s'intéressaient à leurs théories révolutionnaires.La plupart conservaient d'ailleurs leurs premi.res illusions, caril fallait naturellement occuper des fonctions assez élevées pouravoir l'occasion de pénétrer les arcanes de la politique allemande.Beaucoup de jeunes gens ne possédaient pas un esprit critiquesuffisamment développé pour se rendre compte qu'ils n'étaientsouvent que des instruments entre les mains d'individus plus ru~ls.

Lorsque certains collaborateurs déjà plus réservés ou plus expéri­mentés les mettaient en garde contre une confiance illimitée ouun enthousiasme exagéré, ils les accusaient sinc.rement de trahirla 'cause révolutionnaire et s'empressaient de les dénoncer auprèsdes Allemands comme des éléments tièdes oU défaitistes.

Cette attitude fut facilitée par le fait que; du'côtl allemand, les cho~es n'étaient réellement pas claires et qu'àl'origine tout au moins, il y avait place pour les hypothèsesles plus diverses. Nou~ avons déjà fait allusion aux tendancescontraires qui se partageaient les instances allemandes tant ence qui concernait le statùt futur de la Belgique que la transfor­mation du régime. Mais il faut bien Se rendre compte que, pendantles premières années de la guerre, il ne s'agissait réellement quede tendances et que la politique allemande comme telle n'étaitpas fixée.

Dans les documents allemands saisis par la Justicemilitaire belge, on n'a pu découvrir d'instructions visant ladestruction systématique de la Belgique ou la nécessité d'unepropagande dans ce sens. Les directives indiquaient au contrairequ.e les"a,uto_ritésalletnap~esd~...13E,:;"",~_l}es d"vaient resJ,e.cter _ .les formes de l'Etat belge et ne pas anticiper sur les décisions.

-d-e lit paix; "tèut au plùs Tùvit1ïiént;';élles àfavorisé-rlés élémentsflamands. Les collaborateurs étaient donc fondés, à l'origine,de considérer qu'il y avait place dans l'Europe de l'Axe pourun Etat belge libre et uni et que les personnalités allemandes quidéfendaient des idées différentes n'exprimaient que des opinionspersonnelles. ( ... )

Les él'ments allemands du parti hostiles à l'idéenationale belge se sentaient les coudées plus franches et exer­çaient une pression toujours plus forte sur ceux qui avaientl'occasion de les approcher. A mesure qu'en Allemagne même, ilsétënd'ai'ent leur ·po"üv'Oi't ët leur influence, "les luilieux ni6d-érésallemands de Bruxelles furent réduits au silence et à l'impuissan­ce. Malgré les sentiments antirexistes du Général von Falkenhausenqui, plus tard, fut compromis dans le coup d'Etat de Juillet1944 et enfermé dans un camp de concentration, malgré les opinionsanalogues du Président Reeder, Militarwervaltungschef, opinionsexprimées très clairement dans un rapport adressé en Janvier ]943au Quartier Général de la Wehrmacht, les fonctionnaires et lesmilitaires d~s administrations allemandes en Belgique furentobligés d'applaudir les discours annexionnistes de Vandewieleou de Degrelle et d'assister à leurs meetings et cela à partirde 1943, date du changement d'orientation de la politique allemandeet de la politique rexiste en Belgique.( ... )

C.R. N° 497-498 66.

Parmi les dirigeants de la collaboration, il y ena fort peu qui n'aient pas fini par éprouver une totale désillusionenvers les Allemands. En septembre 1943, De Becker fut le premier,dans le discours qui provoqua Son arrestation, à prononcer un véri­table réquisitoire contre la politiqtie allemande en Belgique etdans les pays occupés. Il Se moqua de la manie pédagogique desAllemands, dénonça les tendances de la SS et souligna que le Reichétait parvenu, par ses fautes de psychologie, à réaliser contrelui l'unitl de l'Europe. C'est une tragédie, dit-il, que le peuplequi, par sa position géographique et sa force démographique set-.éruve $trê le seul à pouvoir exéréé:r <l1H! fonc'don Hh:1-ératri-ce enEurope, soit aussi celui que la nature a le plus dépourvu de quali­tés psychologiques et de capacités politiques. De Becker ne faisaitainsi qu'exprimer tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas maisdont ils n'osaient tirer les conséquences pratiques.

Dans les deux dernières années de l'occupation, onentendait souvent, et jusque d-ans les mi,lieux e-xtrémistes; des'opinions désabusées ou méprisantes à l'égard des Allemands. A laLégion; ceux-ci n'étaient appelés que les "Chleuhs", du nom d'unedes tribus berbères les plus sauvages. Mais on croyait encore ­ou on feignait de croire - que l'on serait assez fort pour roulerles Allemands et les amener finalement à accepter les thèsesnationales. C'était l'attitude de Degrelle qui justifiait ainsises propres abandons auprès de ses hommes demeurés fidèle~ àl'idée nationale. Mais les événements prouvèrent - en admettantmême qu'il fat sincère - que ce n'est pas le chef rexiste quiroula Himmler mais bien celui-ci qui l'utilisa comme il l'entendait.A la fin de la guerre, non seulement les milieux modérés de lacollaboration mais aussi les chefs du V.N.V. et un grand nombre deLégionnaires étaient définitivement édifiés quant aux intentionsallemandes et à leur capacités politiques.

Iiâûsié tésl:amèntqu'Ti rêdig,iaëncapti-iritê;ré '-'Dr --Elias ri:ë'ta -'lu 'üneâ_es-'-cauAesdéTa -d-éraite -mili-taireallema-ndé

résidait dans lés erreurs psychologiques du Reich à l'égard despays occupés e~ dans le fait que les Allemands étaient incapablesd'accepter de véritables collaborateurs et ne pouvaient supporterque des valets. En conver.ation privée, il ajouta qu'un des livresles plus intéressants à écrire sur la guerre devait s'intituler:"Comment l'Allemagne a perdu ses amis" et devrait être rédigé parles chefs des mouvements collaborateurs et des gouvernementsalliés de l'Allemagne dans les différents pays européens.

A la fin de la guerre, il y avait peu d'hommesîn"tE!lligetits dat,'slès milieux d'é la -ëbllabbra.'tion qui neftiSse'ntrevenuS de leurs illusions sur l'Allemagne et définitivementimmunisés contre ses tentations. Seuls ne l'étaient pas lespetites gens qui n'avaient pas eu l'occasion d'acquérir uneexpérience politique ou des fanatiques de la Germanité qui,précisément, possédaient les mêmes défauts que les Allemandset se retrouvaient en eux.( ..• )

Noël 1946 - 15 janvier 1947.

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Annexe 1.

RAYMOND DE BECKER - Notice biographique.

67.

Né le 30 janvier 1912; milite d'abord dans lesmilieux jeunes du parti catholique; journaliste; promoteur de-1 l;'~'~p~~~:ç N"o\1v·e·.e:~,; ·cl @ ·gp.:.~';!t.~~:~t;1.t~~: -0 t -de s ~:'~h.i'e·~· ·_?lJ.J:i."tj;~q~Ue$-';

rédacteur li l'Indépend'ance de 1936 à fin 1939; fondateur d'unpériodique ultraneutraliste l'OUEST avant le 10 mai 1940; fami­lier du salon Didier et ami du Dr Max Liebe de l'ambassaded'Allemagne; rédacteur puis rédacteur en chef au Soir de guerre,jusqu'à sa rupture avec l'autorité occupante en septembre'1943;membre du Conseil de Rex - sans être membre du parti - etdémissionnaire en janvier 1943. après le discours de Degrelle'sur la gerfuânité'des Wallons et leur intégration dans un grandEmpire germanique; Raymond De Becker tenta en 1941. aVec R.Poulet,P. Daye. H.Bau~~au. de' mettre sur pied un parti unique desprovinces romanes mais le projet échoua. les Allemands ne tolérantpas en Wallonie Un parti qui irait moins loin que Rex dans lavoie de la collaboration immédiate; auteur du 'Li'vt'e des Vivantset des Morts. ~dité à la Toison d'Or sous l'occupation.

Placé par les Allemands en résidence surveilléeà Hirrscheg,dans les Alpes bavaroises,jusqu'à l'arrivée desforces alliées; se constitua prisonnier en Belgique le 9 mai 1945;libéré conditionnellement le 22 février 1951, aVec interdictionde s'occuper de politique et souscription à s'installer en France;a collaboré alors à diverses publications. notamment à PLANETE;

...... __ .morL..à .._Par.îs. en. 1.96.9.. _._' _ ._.... . .._ 0'_

li-

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C.• H. N° 497-498

Annexe 2.

Correspondance De Becker-Rex(1943) (Inédit)

LE sorR

CABINET DU REDACTEUR EN CHEF

RDB/GH-3021

Mon 'cher 'Léon,

68.

18 janvier 1943

Monsieur Léon DEGRELLE,Drève de Lorraine,BRUXELLES.

Je tiens à te confirmer ce que je t'ai dit au coursde notre dernier erttretien, et de la convers~tion téléphoniquequi l'avait précédé quelques jours plus tôt, au sujet dusens de mon adhésion à la ligne politique que tu as tracéedans ton discours de dimanche.

Cette adhésion n'a de sens pour moi que dans lamesure où notre intégration dans un complexe germanique plusvaste puisse s'accomplir sur la base de notre existencecomme nation et comme Etat. Je considère que toute solutiond'annexionnisme pur ou déguisé, que toute formule analogueà celle du Gouvernement général de Pologne, de l'Ost-Markou du protectorat de Bohême-Moravie, constituerait unetr,ahi s.on",e,n.",e.",s",no,t:re.peupAe"-"e"nY,er,s".sa.,,culture et ,s on .. p àss équi ont besoin,~6~r se perpékuer, de cadtes ~tati~uesp'ropres; 'ceiii<'::éij'ê fës'co.risTd<iié', biéti· e'nten'ciu,' av!!cl~sallég!!anc!!s et les interpénétrations qui sont inévitabl!!set souhaitables dans une Europe réorganisée.

De plus, je dois souligner que j'attache la plusgrande importance à ce qu'une telle politique soit menée enaccord avec les Flamands. Ce seraît une erreur d'imaginerque les Wallons puissent s'entendr!! avec les All!!mands pardessus la tête des ~lamands. Même si une telle tactiqued!!vait valoir des avantages immédiats, elle compromettraità jamais les chance~ de ce pays, se retournerait contre euxet cont're fes 'AlLemands eux-mêm"s·...

Enfin, je tiens également à te dire qu'en ce quime concerne, et tant que l'Etat belge subsistera, je consi­dère qu'il importe de réserver les droits de la dynastie,qui aurait, en toute hypothèse, 1 se prononcer sur telleou telle solution.

o •• 1 .

C. ii. N" 497-498

• • t / •

69 .

L'orientation politique nouvelle que tu as tracéeest trop grave pour qu'elle puisse se faire dans l'équivoque.La fidélité et la confiance ne peuvent être réclamées quedans la mesure où l'on connaît clairement l'idéal pour lequelon combat et où l'on est intimement convaincu qu'il sert lesintérêts du peuple auquel on appartient. C'est pourquoi jesuis conva~gç, que tu ca.pre.dra. la raison de estta lettre:. ••. ...." • j!,.... ~ ~ "-

autant Je su~s pret a souten~r sans reserve une cause alaquelle je me serai rallié en pleine connaissance de soncontenu, autant je devrai m'écarter de tout ce qui pourraitapparaître à ma conscience comme Une abdication ou unetrahison.

Je compte évidemment sur ta réponse à cette lettre:s'il ne t'est pa-s paS-BibLe- de me la faire connaître, jedevrai en conclure que tu n'approuves pas les idées que jeviens d'exposer et je devrai, en conséquence; en tirer lesconclusions qui s'imposent.

Pietre ~e Ligne me prie de te dire qu'il pattageentièrement mon point de vue et les termes de cette lettre.

Je te prie de croire, mon cher Léon, à ma sincèreamitié.

Raymond De -BeckerRédacteur en Chef.

C.R. N° 497-498

CAB INETDU REDACTEUR EN C.HEF

RDll/GM-3067

Mon cher Victor,

70.

25 janvier 1943.

Monsieur Victor Mathijs,Chef de Rex a. i.24, avenue du Midi,B-RüX:ELLES.

N'ayant pas reçu de rlponse • la lettre que j'aienvoyle • Lion ~~C~~LL.· eri aate du lB courant et dont tuas reçu copie, je me vois forci, • mon vif regret, dedonner ma dlmission de membre du Conseil Politique de Rex.

J'estime, en effet, que la première qualitl d'unepolitique est la clartl de ses but_, et qu'il est impossi­ble de consentir un engagement total pour tout objectifqui ne soit pas dlfini.

Je tiens donc, au moins à titre provisoire etjusqu'à Iclàircissement des questions posles, • reprendrema libertl • l'Igard du mouvement rexiste et à n'approuverou • désapprouver ce dernier que s~r la base des actesconcrets qu'il sera amenl • accomplir à l'avenir •

.,Je ,veux soulignèr.. tou.tef.ois,que,.ma.démission .tient,uniquement ,aucar!lct.ère,.~quivoquede la nouvelle ligne~oliiiqtt~ ·e~ qur~ll~··n'entame ~n -ti~n mon adh§sion a~xbuts qui avaient été les nôtres jusqu'. présent, à savoir:

une Europe unie - une communautl des nations germa­niques - une existence nationale propre - une révolutionsocialiste - un style de vie plus hlroïque et plus viril.

Dans la mesure où les Iquivoques d'aujourd'huiseront dissipées, je serai Ividemment heureux de pouvoirrevenir sur ma décision.

J~ t~ prie de croire, mo~ cher Victor, à messentiments sincèrement amicaux.

Raymond De Becker,Rldacteur en Chef.