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20 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JANVIER 2008 - N°398 Dans l’espace, une salmonelle plus agressive Avec le développement des programmes d’exploration spatiale, qui impliquent une vie extra-terrestre de plusieurs mois, voire plusieurs années, de nouvelles questions se posent quant au comportement de pathogènes terrestres dans l’espace. Même si un soin extrême est observé dans la conception et la préparation des repas embarqués, il n’est pas totale- ment exclu que les futurs explorateurs se trouvent un jour confrontés à des bactéries pathogènes transmises par les aliments. Quand bien même les bactéries impli- quées seraient totalement exclues de ces préparations, ce qui est tout à fait envisageable, les astronautes embar- quent aussi… leurs flores microbiennes et leurs propres pathogènes. La question du pouvoir pathogène des micro-organis- mes terrestres dans l’espace devra donc, tôt au tard, être abordée. Une première étude vient d’être conduite afin de com- parer différents paramètres biologiques et notamment la virulence d’une souche de salmonelle pathogène (Salmonella ente- rica serovar Typhimurium), cultivée de façon synchrone au sol (Kennedy Space Center) et dans l’espace. L’expérience a été conduite lors du vol de la navette Atlantis en septembre 2006. Cette étude inclut une analyse trans- criptomique, afin d’analyser l’expression des gènes bactériens dans l’espace en microgravité, et une analyse du pouvoir pathogène sur la souris. Les cultures réalisées dans la navette et sur la base spatiale au sol ont été pilotées par ordi- nateur de façon à être parfaitement syn- chronisées. Les résultats obtenus sont pour le moins étonnants. Ils montrent que les souches bactérien- nes cultivées dans l’espace sont plus virulentes pour la souris. Les bactéries cultivées en microgravité produisent éga- lement une quantité plus importante de biomolécules impliquées dans la forma- tion de biofilms. Ces modifications phé- notypiques sont associées à des bou- leversements profonds de l’expression des gènes bactériens : 167 transcrits et 73 protéines voient ainsi leur expression modifiée dans l’espace. La responsable de ce grand chambar- dement serait une protéine bactérienne de liaison à l’ARN, appelée Hfq. Les mécanismes qui relient l’activité de la protéine Hfq à la microgravité restent énigmatiques, mais les chercheurs de la NASA tentent d’ores et déjà de définir des stratégies qui leur permettraient de modifier l’activité de cette protéine pour limiter la virulence de certaines bactéries dans l’espace. Wilson J.W. et al., Proc. Nat. Acad. Sci. USA 104(41 (2007) 16299-16304 Définir des stratégies pour limiter la virulence de certaines bactéries pour l’homme Des vibrations pour maigrir Des études récentes confirment que les populations occidentales sont de plus en plus exposées aux complications associées au surpoids et à l’obésité : diabète, pathologies vasculaires et articu- laires. Aux États-Unis, 66 % des adultes sont concernés par des problèmes de surpoids, et 30 % sont obèses et/ou diabétiques. Cette situation sanitaire déplora- ble s’accompagne d’une facture économique particulièrement élevée. En effet, près de 150 mil- liards de dollars sont annuelle- ment consacrés aux soins pour diabète ou surpoids. Les campagnes de lutte contre l’obésité insistent sur deux com- posantes essentielles de la prise de poids : le contrôle de l’équili- bre nutritionnel dès le plus jeu- ne âge et la pratique d’activités physiques. L’exercice physique contribuerait à limiter l’adipoge- nèse par deux voies au moins. L’une, la plus connue, est d’ori- gine métabolique. La seconde, moins bien étudiée, serait d’or- dre mécanique. Dans tous les cas, on considère que la régu- lation négative de l’adipogenèse répond à un principe simple : plus on fait d’exercice, moins on fait de gras ! Des travaux récents, conduits par une dizaine de chercheurs de l’université de Stony Brook (New York) montrent que l’on peut « se faire du bien sans se faire de mal ». Les auteurs ont conçu une plateforme oscillante qui permet d’exposer des souris à des vibrations mécaniques de haute fréquence (90 Hz), mais de très faible amplitude (envi- ron 12 μm). Ces vibrations, à peine perceptibles au toucher, ont été appliquées quotidienne- ment, 15 minutes par jour, 5 jours sur 7. Au bout de 15 semaines, les souris traitées montrent une réduction de l’adipogenèse de près de 27 %. Ce traitement amé- liore également de façon signifi- cative des indicateurs importants du diabète de type 2 : les taux d’acides gras libres non estérifiés et de triglycérides hépatiques diminuent de 43 % et 39 % res- pectivement. Ce phénomène, pour le moins étonnant, serait associé à une inhibition de la différenciation des cellules souches en adipo- cytes. Le rôle précis des signaux mécaniques dans ce processus reste, quant à lui, très mysté- rieux. Les auteurs, qui ont bre- veté leur découverte, travaillent actuellement à la conception d’un appareillage vibratoire destiné à ceux qui souhaitent perdre du poids mais rebutés par l’exercice physique. Rubin C.T. et al., Proc. Nat. Acad. Sci. USA 104(45) (2007) 17879- 17884 Des vibrations mécaniques entraînent une réduction de l’adipogenèse de près de 27 %

Des vibrations pour maigrir

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20 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JANVIER 2008 - N°398

Dans l’espace, une salmonelle plus agressive

Avec le développement des programmes d’exploration spatiale, qui impliquent une vie extra-terrestre de plusieurs mois, voire plusieurs années, de nouvelles questions se posent quant au comportement de pathogènes terrestres dans l’espace. Même si un soin extrême est observé dans la conception et la préparation des repas embarqués, il n’est pas totale-ment exclu que les futurs explorateurs se trouvent un jour confrontés à des bactéries pathogènes transmises par les aliments.Quand bien même les bactéries impli-quées seraient totalement exclues de ces préparations, ce qui est tout à fait envisageable, les astronautes embar-quent aussi… leurs flores microbiennes et leurs propres pathogènes. La question du pouvoir pathogène des micro-organis-mes terrestres dans l’espace devra donc, tôt au tard, être abordée. Une première étude vient d’être conduite afin de com-parer différents paramètres biologiques et notamment la virulence d’une souche de salmonelle pathogène (Salmonella ente-

rica serovar Typhimurium), cultivée de façon synchrone au sol (Kennedy Space Center) et dans l’espace. L’expérience a été conduite lors du vol de la navette Atlantis en septembre 2006.

Cette étude inclut une analyse trans-criptomique, afin d’analyser l’expression des gènes bactériens dans l’espace en microgravité, et une analyse du pouvoir pathogène sur la souris. Les cultures réalisées dans la navette et sur la base spatiale au sol ont été pilotées par ordi-nateur de façon à être parfaitement syn-chronisées. Les résultats obtenus sont pour le moins étonnants.Ils montrent que les souches bactérien-

nes cultivées dans l’espace sont plus virulentes pour la souris. Les bactéries cultivées en microgravité produisent éga-lement une quantité plus importante de biomolécules impliquées dans la forma-tion de biofilms. Ces modifications phé-notypiques sont associées à des bou-leversements profonds de l’expression des gènes bactériens : 167 transcrits et 73 protéines voient ainsi leur expression modifiée dans l’espace.La responsable de ce grand chambar-dement serait une protéine bactérienne de liaison à l’ARN, appelée Hfq. Les mécanismes qui relient l’activité de la protéine Hfq à la microgravité restent énigmatiques, mais les chercheurs de la NASA tentent d’ores et déjà de définir des stratégies qui leur permettraient de modifier l’activité de cette protéine pour limiter la virulence de certaines bactéries dans l’espace. ■■

Wilson J.W. et al., Proc. Nat. Acad. Sci. USA 104(41 (2007) 16299-16304

Définir des stratégies

pour limiter la virulence

de certaines bactéries

pour l’homme

Des vibrations pour maigrir

Des études récentes confirment que les populations occidentales sont de plus en plus exposées aux complications associées au surpoids et à l’obésité : diabète, pathologies vasculaires et articu-laires. Aux États-Unis, 66 % des adultes sont concernés par des problèmes de surpoids, et 30 % sont obèses et/ou diabétiques. Cette situation sanitaire déplora-ble s’accompagne d’une facture économique particulièrement élevée. En effet, près de 150 mil-liards de dollars sont annuelle-ment consacrés aux soins pour diabète ou surpoids.

Les campagnes de lutte contre l’obésité insistent sur deux com-posantes essentielles de la prise de poids : le contrôle de l’équili-bre nutritionnel dès le plus jeu-ne âge et la pratique d’activités physiques. L’exercice physique

contribuerait à limiter l’adipoge-nèse par deux voies au moins. L’une, la plus connue, est d’ori-gine métabolique. La seconde, moins bien étudiée, serait d’or-dre mécanique. Dans tous les cas, on considère que la régu-lation négative de l’adipogenèse répond à un principe simple : plus on fait d’exercice, moins on fait de gras !

Des travaux récents, conduits par une dizaine de chercheurs de l’université de Stony Brook (New York) montrent que l’on peut « se faire du bien sans se

faire de mal ». Les auteurs ont conçu une plateforme oscillante qui permet d’exposer des souris à des vibrations mécaniques de haute fréquence (90 Hz), mais de très faible amplitude (envi-ron 12 μm). Ces vibrations, à peine perceptibles au toucher, ont été appliquées quotidienne-ment, 15 minutes par jour, 5 jours sur 7. Au bout de 15 semaines,

les souris traitées montrent une réduction de l’adipogenèse de près de 27 %. Ce traitement amé-liore également de façon signifi-cative des indicateurs importants

du diabète de type 2 : les taux d’acides gras libres non estérifiés et de triglycérides hépatiques diminuent de 43 % et 39 % res-pectivement.

Ce phénomène, pour le moins étonnant, serait associé à une inhibition de la différenciation des cellules souches en adipo-cytes. Le rôle précis des signaux mécaniques dans ce processus reste, quant à lui, très mysté-rieux. Les auteurs, qui ont bre-veté leur découverte, travaillent actuellement à la conception d’un appareillage vibratoire destiné à ceux qui souhaitent perdre du poids mais rebutés par l’exercice physique. ■■

Rubin C.T. et al., Proc. Nat. Acad. Sci. USA 104(45) (2007) 17879-17884

Des vibrations mécaniques

entraînent une réduction

de l’adipogenèse de près de 27 %