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actualités juridiques | gestion OptionBio | Lundi 21 juillet 2008 | n° 404 25 D ès 2004, après que le directeur juridique de la CARMF (Caisse autonome de retraite des médecins de France) m’eut exposé la thèse qu’il soutenait et les jurisprudences sur les- quelles il s’appuyait 1 , j’attirais l’attention des bio- logistes sur la position de la CARMF et de la CAVP (Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens) qui considéraient que constituait une activité libé- rale l’exercice par un médecin ou un pharmacien au sein d’une société d’exercice libéral (SEL). État des lieux des affiliations à la CARMF et à la CAVP Au titre de l’activité médicale, la CARMF procé- dait à l’affiliation obligatoire de tous les médecins associés professionnels exerçant leur art au sein de la SEL, qu’ils occupent ou non par ailleurs des fonctions de mandataire social dans la société. Au titre du mandat social, les médecins associés professionnels et dirigeants de la SEL relevaient également de la CARMF du fait de l’exercice de leurs fonctions de direction, sauf dans certains types de société où ils étaient exceptionnellement rattachés pour leur seule activité de mandataire social au régime général des travailleurs salariés en application des dispositions de l’article L.311-3 du Code de la sécurité sociale (CSS), sans pré- judice de l’affiliation à la CARMF au titre de leur exercice médical. Était donc affilié obligatoirement à la CARMF tout associé professionnel exerçant la médecine au sein d’une SEL, et cela indépendamment de son statut social. La CAVP procédait, quant à elle, au titre de l’acti- vité professionnelle de pharmaciens d’officine ou de directeurs ou directeurs adjoints de laboratoi- res, à l’affiliation obligatoire de tous les pharma- ciens associés professionnels en exercice au sein de la SEL, quel que soit le nombre de parts qu’ils détiennent, qu’ils occupent ou non par ailleurs des fonctions de mandataire social ou de dirigeant dans la société. La CAVP notait qu’au titre du mandat social, les pharmaciens associés professionnels et dirigeants de la SEL relevaient également de sa caisse, du fait de l’exercice de leurs fonctions de direction, sauf dans certains types de société où ils sont exceptionnellement rattachés pour leur seule activité de mandataire social au régime des tra- vailleurs salariés en application des dispositions de l’article L.311-3 du Code de la sécurité sociale, sans préjudice de l’affiliation à la CAVP au titre de leur exercice professionnel. Tout associé professionnel exerçant la pharmacie ou la biologie au sein d’une SEL était donc affilié obligatoirement à la CAVP, et cela indépendam- ment de son mandat social. Validation par la Cour de cassation le 20 juin 2007 La deuxième chambre civile de la Cour de cas- sation valida, le 20 juin 2007, le raisonnement de la cour d’appel de Lyon du 16 mai 2006, à l’encontre de quatre biologistes qui argumentaient qu’ils exerçaient au sein d’une SELAFA (société d’exercice libéral à forme anonyme), qu’ils étaient liés par un contrat de travail et ne pouvaient être assujettis aux caisses sociales libérales, ce qui constituerait une double affiliation. La Cour de cassation retenait que les biologis- tes étaient placés sous le contrôle de l’autorité ordinale et non sous celui de la SEL, que la SEL n’avait pas le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements. Elle stipulait également qu’aucun texte n’excluait le cumul de l’immatriculation d’une activité libérale avec le régime général applicable aux mandataires. Arrêt du Conseil d’État du 14 novembre 2007 Ces travaux furent repris par certains auteurs qui n’hésitèrent pas, quand le Conseil d’État annula le 14 novembre 2007 la délibération du conseil d’administration de la CARMF du 23 avril 2005 qui avait décidé d’élargir l’assiette de calcul de ses cotisations, à recommander aux biologistes de demander le remboursement à leur caisse d’un indu (Biologiste Infos n° 30). C’était ignorer que si le Conseil d’État a le pouvoir d’annuler la décision d’une caisse d’assurance maladie, motivant son arrêt notamment sur le fait que les dividendes versés aux associés d’une société de capitaux sont des revenus du patri- moine et sont imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobi- liers – jouant ainsi parfaitement son rôle de juge de l’impôt –, c’est à la Cour de cassation qu’il revient de faire appliquer le droit de la sécurité sociale. Arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2008 Et de fait, la Cour de cassation vient de réaffir- mer que les bénéfices perçus par le praticien qui exerce son activité libérale dans le cadre d’une société d’exercice libéral ont le caractère d’un « produit de son activité professionnelle » devant entrer dans l’assiette des cotisations et contri- butions auxquelles l’intéressé est tenu à l’égard des différents régimes de sécurité sociale dont il relève. Elle s’appuie sur les termes de l’arti- cle L.131-6 du Code de la sécurité sociale qui renvoient, pour la détermination de l’assiette des cotisations dues par les travailleurs indépendants, aux règles relatives à l’impôt sur le revenu sans se référer aux catégories de revenus distinguées par la loi fiscale. En procédant de manière autonome à la qualifica- tion du revenu professionnel au sens de l’article L.131-6 du Code de la sécurité sociale, l’arrêt rendu le 15 mai 2008 affirme une nouvelle fois l’indépendance du droit de la sécurité sociale à l’égard de la législation fiscale. | GÉRARD GUEZ Avocat au barreau de Paris [email protected] Notes 1. Soit deux arrêts de cour d’appel et plusieurs jugements de tribu- naux des affaires de sécurité sociale concernant des médecins. Les bénéfices distribués par les sociétés d’exercice libéral à leurs membres y exerçant leur activité professionnelle constituent le produit de cette activité et entrent dans l’assiette des cotisations, bien qu’ils soient imposés comme des revenus de capitaux mobiliers. Dividendes, caractère de revenu professionnel © Fotolia.com/KonstantinosKokkinis

Dividendes, caractère de revenu professionnel

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OptionBio | Lundi 21 juillet 2008 | n° 404 25

Dès 2004, après que le directeur juridique de la CARMF (Caisse autonome de retraite des médecins de France) m’eut exposé la

thèse qu’il soutenait et les jurisprudences sur les-quelles il s’appuyait1, j’attirais l’attention des bio-logistes sur la position de la CARMF et de la CAVP (Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens) qui considéraient que constituait une activité libé-rale l’exercice par un médecin ou un pharmacien au sein d’une société d’exercice libéral (SEL).

État des lieux des affiliations à la CARMF et à la CAVPAu titre de l’activité médicale, la CARMF procé-dait à l’affiliation obligatoire de tous les médecins associés professionnels exerçant leur art au sein de la SEL, qu’ils occupent ou non par ailleurs des fonctions de mandataire social dans la société.Au titre du mandat social, les médecins associés professionnels et dirigeants de la SEL relevaient également de la CARMF du fait de l’exercice de leurs fonctions de direction, sauf dans certains types de société où ils étaient exceptionnellement rattachés pour leur seule activité de mandataire social au régime général des travailleurs salariés en application des dispositions de l’article L.311-3 du Code de la sécurité sociale (CSS), sans pré-judice de l’affiliation à la CARMF au titre de leur exercice médical.Était donc affilié obligatoirement à la CARMF tout associé professionnel exerçant la médecine au sein d’une SEL, et cela indépendamment de son statut social.La CAVP procédait, quant à elle, au titre de l’acti-vité professionnelle de pharmaciens d’officine ou de directeurs ou directeurs adjoints de laboratoi-res, à l’affiliation obligatoire de tous les pharma-ciens associés professionnels en exercice au sein de la SEL, quel que soit le nombre de parts qu’ils détiennent, qu’ils occupent ou non par ailleurs des fonctions de mandataire social ou de dirigeant dans la société.La CAVP notait qu’au titre du mandat social, les pharmaciens associés professionnels et dirigeants

de la SEL relevaient également de sa caisse, du fait de l’exercice de leurs fonctions de direction, sauf dans certains types de société où ils sont exceptionnellement rattachés pour leur seule activité de mandataire social au régime des tra-vailleurs salariés en application des dispositions de l’article L.311-3 du Code de la sécurité sociale, sans préjudice de l’affiliation à la CAVP au titre de leur exercice professionnel.Tout associé professionnel exerçant la pharmacie ou la biologie au sein d’une SEL était donc affilié obligatoirement à la CAVP, et cela indépendam-ment de son mandat social.

Validation par la Cour de cassation le 20 juin 2007La deuxième chambre civile de la Cour de cas-sation valida, le 20 juin 2007, le raisonnement de la cour d’appel de Lyon du 16 mai 2006, à l’encontre de quatre biologistes qui argumentaient qu’ils exerçaient au sein d’une SELAFA (société d’exercice libéral à forme anonyme), qu’ils étaient liés par un contrat de travail et ne pouvaient être assujettis aux caisses sociales libérales, ce qui constituerait une double affiliation.La Cour de cassation retenait que les biologis-tes étaient placés sous le contrôle de l’autorité ordinale et non sous celui de la SEL, que la SEL n’avait pas le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements. Elle stipulait également qu’aucun texte n’excluait le cumul de l’immatriculation d’une activité libérale avec le régime général applicable aux mandataires.

Arrêt du Conseil d’État du 14 novembre 2007Ces travaux furent repris par certains auteurs qui n’hésitèrent pas, quand le Conseil d’État annula le 14 novembre 2007 la délibération du conseil d’administration de la CARMF du 23 avril 2005 qui avait décidé d’élargir l’assiette de calcul de ses cotisations, à recommander aux biologistes

de demander le remboursement à leur caisse d’un indu (Biologiste Infos n° 30).C’était ignorer que si le Conseil d’État a le pouvoir d’annuler la décision d’une caisse d’assurance maladie, motivant son arrêt notamment sur le fait que les dividendes versés aux associés d’une société de capitaux sont des revenus du patri-moine et sont imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobi-liers – jouant ainsi parfaitement son rôle de juge de l’impôt –, c’est à la Cour de cassation qu’il revient de faire appliquer le droit de la sécurité sociale.

Arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2008Et de fait, la Cour de cassation vient de réaffir-mer que les bénéfices perçus par le praticien qui exerce son activité libérale dans le cadre d’une société d’exercice libéral ont le caractère d’un « produit de son activité professionnelle » devant entrer dans l’assiette des cotisations et contri-butions auxquelles l’intéressé est tenu à l’égard des différents régimes de sécurité sociale dont il relève. Elle s’appuie sur les termes de l’arti-cle L.131-6 du Code de la sécurité sociale qui renvoient, pour la détermination de l’assiette des cotisations dues par les travailleurs indépendants, aux règles relatives à l’impôt sur le revenu sans se référer aux catégories de revenus distinguées par la loi fiscale.En procédant de manière autonome à la qualifica-tion du revenu professionnel au sens de l’article L.131-6 du Code de la sécurité sociale, l’arrêt rendu le 15 mai 2008 affirme une nouvelle fois l’indépendance du droit de la sécurité sociale à l’égard de la législation fiscale. |

GÉRARD GUEZ

Avocat au barreau de Paris

[email protected]

Notes1. Soit deux arrêts de cour d’appel et plusieurs jugements de tribu-naux des affaires de sécurité sociale concernant des médecins.

Les bénéfices distribués par les sociétés d’exercice libéral à leurs membres y exerçant leur activité professionnelle constituent le produit de cette activité et entrent dans l’assiette des cotisations, bien qu’ils soient imposés comme des revenus de capitaux mobiliers.

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