5

Click here to load reader

DRESS syndrome avec atteinte pulmonaire prédominante sous clomipramine

  • Upload
    l

  • View
    215

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: DRESS syndrome avec atteinte pulmonaire prédominante sous clomipramine

R

C

Dp

C

0d

evue des Maladies Respiratoires (2012) 29, 430—434

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

AS CLINIQUE

RESS syndrome avec atteinte pulmonairerédominante sous clomipramine

lomipramine hypersensitivity with predominantly pulmonary involvement

J. Gallegoa, P.-A. Haussa, M. Salaüna, D. Picardb,S. Botaa, S. Lachkara, S. Dominiquea,L. Thibervillea,∗

a EA4108, clinique pneumologique, université de Rouen, hôpital Charles-Nicolle, CHU deRouen, 1, rue de Germont, 76000 Rouen, Franceb Clinique dermatologique, CHU de Rouen, 76000 Rouen, France

Recu le 1er septembre 2011 ; accepté le 20 novembre 2011Disponible sur Internet le 22 février 2012

MOTS CLÉSClomipramine ;Syndromed’hypersensibilité ;Poumon éosinophile ;Toxicité pulmonairemédicamenteuse

Résumé Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (DRESS syndrome) comporte desmanifestations systémiques et viscérales diverses. L’atteinte pulmonaire est rare et se carac-térise principalement par une infiltration à éosinophiles. Nous rapportons une observationde syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse induite par la clomipramine avec atteinterespiratoire prédominante.© 2012 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSClomipramine;

Summary Drug hypersensitivity (DRESS syndrome) is a rare disorder with diverse systemicand visceral manifestations. Pulmonary involvement is uncommon and is mainly characterized

Hypersensitivitysyndrome;

by eosinophilic infiltration. We report a case of DRESS syndrome induced by clomipramine withpredominant pulmonary involvement.© 2012 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Pulmonary

eosinophilia;Pulmonary drugtoxicity

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (L. Thiberville).

761-8425/$ — see front matter © 2012 SPLF. Publié par Elsevier Massonoi:10.1016/j.rmr.2012.01.006

SAS. Tous droits réservés.

Page 2: DRESS syndrome avec atteinte pulmonaire prédominante sous clomipramine

us clomipramine 431

Figure 1. Radiographie du thorax de face, condensation alvéo-l

atp

théImddIe(

lép

DRESS syndrome avec atteinte pulmonaire prédominante so

Introduction

Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse ou DrugRash with Eosinophilia and Systemic Symptoms (DRESS) syn-drome est une réaction médicamenteuse aiguë associant uneéruption cutanée, une hyperthermie, des adénopathies dif-fuses, une éosinophilie sanguine et des atteintes viscéralesvariées. Il est potentiellement grave, avec une mortalitéestimée à 10 % des cas [1].

Nous rapportons l’observation d’une pneumopathie aiguëà éosinophile dont l’originalité est de s’intégrer dans unDRESS syndrome, induit par la prise de clomipramine.

Cas clinique

Une femme âgée de 47 ans, éducatrice spécialisée, est hos-pitalisée pour dyspnée récente et toux. Outre un tabagismesevré à 30 PA et un prolapsus mitral non compliqué, elleétait suivie pour un syndrome dépressif dont le traite-ment avait récemment été modifié, associant depuis quatresemaines clomipramine 50 mg et bomazépam 3 mg/j. Cettepatiente avait bénéficié, deux ans auparavant, d’un bilandans le cadre de son tabagisme, comprenant notamment uneradiographie thoracique et des explorations fonctionnellesrespiratoires, qui s’était avéré normal. Il n’y avait pas denotion de voyage récent hors de France métropolitaine.

La symptomatologie respiratoire était apparue demanière progressive, associant une dyspnée d’effort, puisde repos et une douleur basithoracique droite. La patienteprésentait également une asthénie depuis un mois. Depuisune semaine, lors d’un séjour dans le Vaucluse, une dyspnées’était installée, d’apparition progressive, associée à unetoux grasse. Une diarrhée non glairosanglante était apparuedepuis 48 heures.

À l’examen clinique, il existait une fébricule à38 ◦C. La saturation transcutanée en oxygène était à96 %, l’auscultation pulmonaire objectivait des râlescrépitants en base droite, associés à des sibilants. La

fréquence cardiaque était à 90 battements/min, la pressionartérielle à 130/80 mmHg et l’auscultation cardiaque étaitnormale. Il n’y avait pas d’hépatomégalie ni de spléno-mégalie. L’examen des aires ganglionnaires retrouvait des

L

mc

Figure 2. Angiotomodensitométrie thoracique.

aire du lobe inférieur droit et élargissement hilaire.

dénopathies inguinales et cervicales centimétriques mul-iples. Les examens cutané et articulaire ne présentaientas d’anomalies.

La radiographie thoracique retrouvait une condensa-ion alvéolaire rétrocardiaque associée à un élargissementilaire bilatéral (Fig. 1). Devant un taux de d-dimèreslevé (770 ng/mL), un angio-TDM thoracique a été réalisé.l excluait le diagnostic d’embolie pulmonaire, et confir-ait l’existence de multiples adénopathies précarinaires,e la loge de Baréty et hilaires ainsi que de multiples plagese « verre dépoli », bilatérales, à prédominance périhilaire.l existait également un épaississement des septas intert intralobulaires réalisant un aspect de « crazy paving »Fig. 2).

La numération formule sanguine retrouvait une hyper-eucocytose à 13,7 G/L avec un taux de polynucléairesosinophiles à 2,47 G/L et un taux de polynucléaires neutro-hiles à 9,0 G/L. L’hémoglobine était à 13 g/dL. Le dosage deDH était à 608 UI/L. Le bilan hépatique était normal.

La fibroscopie bronchique était macroscopiquement nor-ale. La cytologie de l’aspiration bronchique était de

aractère inflammatoire, avec présence d’éosinophiles et

Page 3: DRESS syndrome avec atteinte pulmonaire prédominante sous clomipramine

432 J. Gallego et al.

Tableau 1 Lavage bronchoalvéolaire.

Résultats LBA Valeurs

Cellularité 3,4 G/lLymphocytes 11 %CD4/CD8 3,15Macrophages 8 %PNN 0 %PNE 81 %Golde 0

PNN : polynucléaires neutrophiles ; PNE : polynucléaireséosinophiles.

sm(

éaceldf2I1E

é

Figure 3. Aspect microscopique de la biopsie cutanée : ostiumfolliculaire avec souffrance de la membrane basale par vacuoli-sd

tdlda

tjccoïdes. Dès le huitième jour, une diminution progressive de

F

ans atypie identifiable. Le lavage bronchoalvéolaire (LBA)ettait en évidence une alvéolite à éosinophiles intense

Tableau 1).La recherche d’autoanticorps (FAN, FR, ANCA, anti-CCP)

tait négative. La sérologie des principales parasitosesutochtones (toxocarose, distomatose, trichinose, échino-occose et hydatidose), ainsi que la sérologie aspergillairet le dosage des IgE ne montraient pas d’anomalie. Enfin,es sérologies virales VIH, VHB, VHC, ainsi que la sérologiee Lyme étaient aussi négatives. La sérologie HHV-6 étaitaiblement positive en IgG (seuil de positivité supérieur à0, index à 40). La sérologie EBV retrouvait des Ac EBV-VCAgG et Ac-EBNA IgG positifs (seuil de positivité supérieur à, index à 12,3 et 7,4 respectivement) et l’absence d’IgMBV-VCA.

Au deuxième jour de l’hospitalisation, la clomipramine até arrêtée.

l(

10,0

7,5

Clomipramine

3 9

5,0

2,47

3,9

2,5

0,0

e . … … J1 J2 J

4 semaines

Début c

lomipr

amine

Erupcutan

91

4,64

91

J3 J4

igure 4. Évolution du taux d’éosinophiles au cours de l’hospitalisatio

ation kératinocytaire. Infiltrat inflammatoire péri-vasculaire fait’éléments mononuclés. Hematoxyline-éosine-safran ; G × 250).

À j4 de l’hospitalisation, la patiente présentait une érup-ion cutanée vésiculeuse prurigineuse épargnant le visage,urant 24 heures. Une biopsie cutanée faite en zone patho-ogique révélait un infiltrat inflammatoire périvasculaire fait’éléments mononucléés, aspect histologique compatiblevec une réaction médicamenteuse (Fig. 3).

Malgré l’arrêt de la clomipramine, une ascension duitre de PNE était constatée, atteignant au septièmeour 7,11 G/L. Du fait de l’absence de retentissementlinique et fonctionnel, il n’a pas été introduit de corti-

’hyperéosinophilie était observée se normalisant au 13e jourFig. 4).

6,85 7,11

tion ée

6,20

4,13

PNE (G/l)

,

2,41

0,70

J6 J7 J9 J11

J13

n (PNE en G/L).

Page 4: DRESS syndrome avec atteinte pulmonaire prédominante sous clomipramine

DRESS syndrome avec atteinte pulmonaire prédominante sous clomipramine 433

sdsEcnidH

métpnldtpt

sludpl

C

Itcmlpdp

Figure 5. Évolution tomodensitométrique à un mois.

L’évolution était favorable avec une normalisation de latomodensitométrie thoracique à un mois de l’arrêt du trai-tement, sans mise en place d’une corticothérapie (Fig. 5).Cette observation a fait l’objet d’une déclaration à la phar-macovigilance.

Discussion

Le diagnostic retenu est une pneumopathie à éosinophiless’intégrant dans un DRESS syndrome induit par la prise declomipramine. Les arguments sont l’hyperéosinophilie san-guine, la pneumopathie à éosinophiles avec adénopathiesmultiples et l’atteinte cutanée. Ces différents symptômessont apparus dans un délai compatible après la prise médi-camenteuse et sont résolutifs à l’arrêt de celle-ci, sanstraitement corticostéroïdes, rendant hautement probable laresponsabilité de la clomipramine.

Le terme de « RESS syndrome » a été utilisé pour lapremière fois en 1996 par Bocquet et al. [2]. Les médica-ments les plus souvent incriminés sont les anticonvulsivants(carbamazépine, diphénylhydantoine, acide valproïque),l’allopurinol, les antibiotiques (sulfamides, minocycline) etles antirétroviraux (Efavirenz) [3]. Ce syndrome survienthabituellement dans les six semaines après l’introductiondu médicament responsable [4].

Les critères diagnostiques du DRESS syndrome associentune éruption cutanée en lien avec une prise médica-menteuse, des anomalies hématologiques avec éosinophiliesupérieure à 1500 G/L et/ou présence de lymphocytesatypiques, et au moins une atteinte systémique parmides adénopathies diffuses de plus de 2 cm, une hépatite(transaminases supérieures à deux fois la normale), unepneumopathie interstitielle, une néphropathie, une péri-cardite ou une myocardite [2]. L’atteinte hépatique estprédominante parmi les atteintes viscérales [5].

L’atteinte pulmonaire peut conditionner le pronostic.Elle peut concerner jusqu’à 33 % des patients selon lesséries et se présente sous la forme d’une pneumopathie àéosinophiles [5]. Elle peut précéder l’atteinte cutanée etrappelle l’importance de l’enquête médicamenteuse dansun contexte de pneumopathie à éosinophiles. Une fois le

diagnostic évoqué, l’arrêt du médicament en cause peutpermettre une guérison spontanée en une à six semaines.Une atteinte viscérale grave impose généralement la pres-cription d’une corticothérapie.

D

Lr

Les mécanismes physiopathologiques du DRESS syndromeont peu connus. Une réactivation virale est mise en évi-ence chez un certain nombre de patients. Il s’agit le plusouvent des virus de la famille des herpesviridae (HHV6,BV et CMV) [6,7]. Dans cette hypothèse, les symptômesliniques du DRESS seraient liés à une prolifération oligoclo-ale de lymphocytes T CD8+ [8]. Les médicaments incriminésnduiraient une réactivation et la présentation antigéniquee l’EBV ou d’autres virus de la famille Herpès tels queHV-6.

À notre connaissance, seuls deux cas de toxicité pul-onaire possiblement imputables à la clomipramine ont

té publiés, dont un recensé sous forme d’une pneumopa-hie organisée cryptogénique [9]. La deuxième rapporte uneneumopathie aiguë à éosinophiles chez une patiente pre-ant également de la sertraline [10]. Dans ce deuxième cas,’amélioration était survenue après l’arrêt concomitant deseux traitements, sans que l’on puisse conclure avec certi-ude à l’imputabilité de la clomipramine, la sertraline ayantréalablement été impliquée dans des cas de pneumopa-hies à éosinophiles [11].

L’imputabilité de la clomipramine à l’origine d’un DRESSyndrome n’a été rapportée qu’une seule autre fois dans laittérature [7], sans atteinte pulmonaire associée, [7]. avecne atteinte cutanée prédominante et mise en évidence’une réactivation sérologique vis à vis du virus HHV-6. Ellerésentait également une atteinte hépatique et s’était amé-iorée sous corticothérapie.

onclusion

l s’agit, à notre connaissance, de la première observa-ion rapportée d’une pneumopathie à éosinophiles dans leadre d’un DRESS syndrome, liée à la prise de clomipra-ine. Cette observation souligne l’importance d’évoquer

a possibilité d’un DRESS syndrome devant toute pathologieulmonaire infiltrante avec hyperéosinophilie, en l’absence’atteinte cutanée initiale, qu’elle peut précéder delusieurs jours.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

Page 5: DRESS syndrome avec atteinte pulmonaire prédominante sous clomipramine

4

R

[

34

éférences

[1] Bonnetblanc JM. Le syndrome d’hypersensibilité médicamen-teuse : à la recherche de son identité. Ann Dermatol Venereol1998;125:309—10.

[2] Bocquet H, Bagot M, Roujeau JC. Drug-induced pseudolym-phoma and drug hypersensitivity syndrome (Drug Rash WithEosinophilia and Systemic Symptoms: DRESS). Semin Cutan MedSurg 1996;1:250—7.

[3] Roujeau JC. Clinical heterogeneity of drug hypersensitivity.Toxicology 2005;209:123—9.

[4] Wolkenstein P, Chosidow O. Toxidermies avec atteintes pulmo-naires. Rev Mal Respir 2003;20:719—26.

[5] Yi-Chun Chen. Drug Reacion with eosinophilia and systemic

symtoms. Arch Dermatol Vol 146. (No. 12).

[6] Suzuki Y, Inagi R, Aono T, et al. Human herpesvirus 6 infectionas a risk factor for the development of severe drug-inducedhypersensitivity syndrome. Arch Dermatol 1998;134:1108—12.

[

J. Gallego et al.

[7] Youichi Nishimura, Akihiko Kitoh, Yoko Yoshida, et al.Clomipramine-induced hypersensitivity syndrome with unusualclinical features Nara, Japan.

[8] (a) Picard D, Janela B, Descamps V, et al. Drug reactionwith eosinophilia and systemic symptoms (DRESS): a mul-tiorgan antiviral T cell response. Sci Transl Med 2010;2:46ra62;(b) Cooper J, White D, Matthay R. Drug-induced pulmo-nary disease. Part 1: Cytotoxic drugs. Am Rev Respir Dis1986;133:321—40.

[9] Kummer F, Salzmann H, Wieckowski A. Progressive interstitiallung disease in a 75 year old woman. Monaldi Arch Chest Dis1995;50:118—22.

10] Barnés MT, Bascunana J, García B, et al. Acute eosinophi-

lic pneumonia associated with antidepressant agents 1999;1:241-2.

11] Haro M, Rubio M, Xifré B, et al. Acute eosinophilic pneumoniaassociated to sertraline. Med Clin (Barc) 2002;119:637—8.