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Mutation Research, 28 (1975) 221 226 © Elsevier Scientific Publishing Company, Amsterdam--Printe~3 in The Netherlands 221 EFFET DE LA CAFI~INE SUR LE DEVELOPPEMENT DES TUMEURS MELANIQUES CHEZ LA DROSOPHILE S. GHELELOVITCH Institut du Radium, Section de Biologie, Paris (France) (Re~u le 16 septembre 1974) (Revision r~ue le 24 d6cembre 1974) SUMMARY The effect of caffeine on the development of melanotic tumours in Drosophila Caffeine, added to the nutrient medium of strain cl tu ~ larvae which can develop spontaneous melanotic turnouts, produces a double effect: a toxic effect and an in- hibitory effect on tumorigenesis. "Ihe toxic effect manifests itself especially if young larvae are treated, and is observed as an increase in their mortality. The effect of caffeine on tumorigenesis is only seen if it is administered during the 2nd and 3rd day of the larval life. Outside of this period, or if caffeine is only applied during a part of the period, it exerts no influence on tumorigenesis. The effect on tumorigenesis consists of a decrease in the frequency of tumourous individuals. In individuals who have developed at least one turnout, caffeine does not modify the probability of the development of other turnouts. Its action thus, is at the individual scale and not at that of the tumour. The time during which larvae are sensitive to caffeine indicates that the effect must intervene before the appearance of the first turnout cells. INTRODUCTION Dans une publication r6cente, ZAJDELA ET LATARJET s ont montr6 que l'inci- dence des cancers ddvelopp6s chez les souris g la suite d'expositions r6itdr6es aux rayons ultraviolets, est r6duite de moiti6 si avant chaque irradiation, la surface ex- pos6e au rayonnement est badigeonn6e avec une solution de caf6ine. Ils ont sugg6r6 que ce r6sultat pourrait ~tre du/~ l'action inhibitrice de la caf6ine sur certaines r@arations des photol6sions du DNA et en ont tit6 un argument en faveur de l'id~e que la transformation canc6reuse serait due g une "erreur de r@ara- tion" de cet acide. L'id6e que les erreurs de rdparation des 16sions du DNA pouvaient figurer parmi les causes de mutations a ~t6, en effet, ~mise par WITKIN ~, qui est arriv6 par la suite ~ la conclusion que chez les bact6ries, une grande pattie des mutations provoqu6es par le rayonnement UV ~tait produite par ce m6canisme 7. D'apr~s DRAKE 1, les m6canismes de r6parations des l~sions du DNA peuvent

Effet de la caféine sur le developpement des tumeurs melaniques chez la drosophile

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Page 1: Effet de la caféine sur le developpement des tumeurs melaniques chez la drosophile

Mutation Research, 28 (1975) 221 226 © Elsevier Scientific Publishing Company, Amsterdam--Printe~3 in The Netherlands 221

E F F E T DE LA CAFI~INE SUR LE DEVELOPPEMENT DES TUMEURS

MELANIQUES CHEZ LA DROSOPHILE

S. GHELELOVITCH

Institut du Radium, Section de Biologie, Paris (France)

(Re~u le 16 septembre 1974) (Revision r~ue le 24 d6cembre 1974)

SUMMARY

The effect of caffeine on the development of melanotic tumours in Drosophila Caffeine, added to the nutrient medium of strain cl tu ~ larvae which can develop

spontaneous melanotic turnouts, produces a double effect: a toxic effect and an in- hibitory effect on tumorigenesis.

"Ihe toxic effect manifests itself especially if young larvae are treated, and is observed as an increase in their mortality.

The effect of caffeine on tumorigenesis is only seen if it is administered during the 2nd and 3rd day of the larval life. Outside of this period, or if caffeine is only applied during a part of the period, it exerts no influence on tumorigenesis. The effect on tumorigenesis consists of a decrease in the frequency of tumourous individuals. In individuals who have developed at least one turnout, caffeine does not modify the probability of the development of other turnouts. Its action thus, is at the individual scale and not at that of the tumour.

The time during which larvae are sensitive to caffeine indicates that the effect must intervene before the appearance of the first turnout cells.

INTRODUCTION

Dans une publication r6cente, ZAJDELA ET LATARJET s ont montr6 que l'inci- dence des cancers ddvelopp6s chez les souris g la suite d'expositions r6itdr6es aux rayons ultraviolets, est r6duite de moiti6 si avant chaque irradiation, la surface ex- pos6e au rayonnement est badigeonn6e avec une solution de caf6ine.

Ils ont sugg6r6 que ce r6sultat pourrait ~tre du/~ l'action inhibitrice de la caf6ine sur certaines r@arations des photol6sions du DNA et en ont tit6 un argument en faveur de l'id~e que la transformation canc6reuse serait due g une "erreur de r@ara- tion" de cet acide.

L'id6e que les erreurs de rdparation des 16sions du DNA pouvaient figurer parmi les causes de mutations a ~t6, en effet, ~mise par WITKIN ~, qui est arriv6 par la suite ~ la conclusion que chez les bact6ries, une grande pattie des mutations provoqu6es par le rayonnement UV ~tait produite par ce m6canisme 7.

D'apr~s DRAKE 1, les m6canismes de r6parations des l~sions du DNA peuvent

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222 S. GHELELOVITCH

jouer un r61e important dans la mutagdn~se, soit en la favorisant, soit en la ddfavori- sant. Ainsi, dans les exp~riences de MENDE~SON ET SOBELS ~ sur les Drosophiles irradides par les rayons X, la caf6ine a augmentd la frdquence des 16taux dominants et diminud celle des translocations chromosomiques. L'inhibition par la cafdine du processus de la restauration dans les ovocytes de cet insecte, mise en 6vidence par ME~DEI~SONL a permis ~ MUNI)ELSON ET SOBELS ~ d'expliquer ce double rdsultat. On suppose en effet que les ruptures cbromosomiques non rdpardes sont en grande partie responsables de l'effet ldthal dominant, et que d'autre part, les translocations r6sultent des rdpara- tions errondes des cassures chromosomiques.

Les tumeurs mdlaniques spontan6es qui se ddveloppent chez les Drosophiles poss~dant dans leur g~nome le g~ne tumoral tu ~", sont d'apr~s GHELELOVITCtt :~, l 'aboutissement d'un processus qui ddbute par la mutation d'une ou de plusieurs cellules sanguines de la larve. La nature de cette mutation, qui se produit sous l'in- fluence du g~ne mutateur tu 4~,, n'est pas connue et un m6canisme comportant la r6paration des accidents de rdplication du DNA pourrait ~tre envisagd.

L'dtude de l 'action de la cafdine sur le ddveloppement des tumeurs mdlaniques chez la Drosophile pourrait donc fournir une information utile pour la comprdhension des ph~nom~nes qui jouent probablement un r61e important dans la tumorig~n~se, non seulement chez cet insecte, mais aussi chez d 'autres organismes. Pour cette dtude, les tumeurs de la Drosophile prdsentent plusieurs avantages apprdciables: (a) la connaissance exacte de la cbronologie des diff6rentes dtapes de la tumorigdn~se chez la larve, permet de pr&iser le stade sensible ~ l 'action des facteurs que l'on fait intervenir, (b) le n~mbre 6levd d'individus que l'on peut facilement utiliser pour les expdriences, permet d'dvaluer quanti tat ivement les rdsultats avec une prdcision qui ddpasse celle qu'on peut atteindre dans les expdriences sur les mammif~res, et enfin, (c) la dur~e d'une expdrience est rdduite ~ quelques jours.

MATI~RIEL ET TECHNIQUES

La souche de Drosophile utilisde est la souche cl tu 48% dont le gbne tumoral occupe le locus 29. 5 sur le deuxi~me chromosome 2. L'incidence des tumeurs dans cette souche n'est pas la m~me chez les m~les et les femelles. L'incidence et la distribution statistique des tumeurs ont done dfi 5tre, dans toutes les expdriences, ddtermindes sdpardment, pour chaque sexe. Les tumeurs dtaient ddnombr6es chez les mouches adultes, apr~s dissection sous la loupe binoculaire.

Tout le d6veloppement, de l 'oeuf h l 'adulte, se ddroulait ~ la temperature de 23 °. La cafdine 6tait ajoutde ~ la nourriture des larves, constitude par une suspension

de levure de boulangerie dans l'eau, solidifi6e par l 'agar-agar et additionnde d'acide ac6tique. Son incorporation dtait faite avant la solidification template du milieu.

R~SULTATS

Les r~sultats sont rdsum6s dans le tableau ci-dessous. Ce tableau met en ~vidence deux effets de la cafdine chez les larves de la Droso-

phile: effet toxique, qui diminue le taux de survie chez les individus trait6s, et effet sur la tumorig6n~se, qui se traduit par la diminution de la proportion des individus porteurs de tumeurs.

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Page 4: Effet de la caféine sur le developpement des tumeurs melaniques chez la drosophile

224 s. GHELELOVITCH

Effet toxique de la cafdine A la concentration de 5oo #g dans I ml de milieu, la caf6ine est toxique pour les

larves du premier stade. Ceci est vrai aussi bien pour les larves de la souche tumorale que pour celles de la souche non-tumorale (Paris).

Le taux de mortalit6 consdcutif ~ ce traitement appliqu6 pendant le premier jour du d6veloppement larvaire, atteint environ 35Yo de l'effectif. Chez les larves plus ag6es, l 'absorption de la nourriture contenant la m~me concentration de caf6ine, ne provoque aucune mortalit6. Le taux de survie de ces larves est sensiblement le m~me que celui des tdmoins. De m6nle, la mortalit6 des larves maintenues d6s leur 6closion et jusqu'/~ la pupaison sur le milieu/~ la cafdine, ne ddpasse pas celle qui a 6t6 observ6e chez les larves 61ev6es sur ce milieu pendant seulement les deux premiers jours qui suivent l'6closion de l'oeuf. La dur6e du stade larvaire est augment6e de 15 ~ 2 o ~ si tout le d6veloppement de l'6closion ~ la pupaison se fair sur le milieu contenant cette concentration en cafdine. Chez les larves qui ne passent que deux jours sur le milieu ~ la caf6ine, la dur6e de la vie larvaire n'est que faiblement ou pas du tout augmentde.

La concentration de IOOO #g ml -~ de caf6ine dans le milieu nutritif est par contre toxique non seulement pour les toutes jeunes larves, mais 6galement pour les larves qui sont ~gfes de plus de 24 h, et probablement aussi pour celles qui sont ~g6es de plus de 48 h. Elle provoque un retard de la pupaison qui est ~ peu pros le double de celui provoqu6 par la concentration de 500 ¢*g/ml.

Une autre constatation qui se ddgage de l'examen des donn6es num6riques, concerne la proportion relative des sexes chez les mouches issues des larves trait6es par la caf6ine. Chez ces mouches, la proportion des males est augment6e. L'explication la plus simple de cette augmentation, pourrait 6tre cherch6e, malgr6 l'absence de corrdlation nette entre les taux de mortalit6 et la proportion relative des deux sexes, en une rdsistance un peu plus grande des mfdes/~ l'effet toxique de la cafdine.

E fret de la cafdine sur le ddveloppement des tumeurs Dans la souche tumorale, la caf6ine ~ la concentration de zoo pg n~1-1 n'a pas

influenc6 la tumorig6n~se, mais ~ la concentration de 5o0 pg m1-1, elle a rdduit de moiti~ ~ peu pr6s, la proportion d'individus porteurs de tunleurs. La concentration de iooo/~g ml 1 de caf6ine n'a pas produit un effet plus grand que la concentration de 500/~g ml 1, mais le peu de prdcision des r6sultats obtenus avec la plus forte de ces deux concentrations interdit de tirer des conclusions d6finitives de cette comparaison. L'effet sur l'incidence tumorale, qui se manifeste aussi bien chez les femelles que chez les raffles, ne se produit que si la caf6ine est administr6e pendant deux jours consfcu- tifs, le deuxi6me et le troisihme jour de la vie larvaire. L'administration de la caf6ine en dehors de cette p6riode ou pendant une pattie de celle-ci seulement, reste sans effet. Si parfois une faible baisse d'incidence tumorale est observ6e dans ce cas, elle n'est pas significative.

D'autre part, dans aucun cas, et m~rne lorsqu'elle a diminu6 l'incidence tumo- rale, la caf6ine n 'a exerc4 une action sur la multiplicit6 des tumeurs. La caf6ine peut donc diminuer la probabilit4 pour qu'un individu dfveloppe des tumeurs, mais chez ceux qui les manifestent, elle ne modifie pas la probabilit6 d'en avoir deux ou plusieurs.

Notons enfin que le traitement par la caf6ine n'influence pas les dimensions des tumeurs m61aniques chez la Drosophile et que l'incidence et la multiplicit6 des tumeurs

Page 5: Effet de la caféine sur le developpement des tumeurs melaniques chez la drosophile

E F F E T D E LA CAFI~INE C H E Z LA D R O S O P H I L E 225

chez les descendants des larves trait6es par la caffine sont les m4mes que chez les descendants des larves t6moins non-traitfes.

D I S C U S S I O N

La p6riode pendant laquelle les larves de la souche tumorale sont le plus sensi- bles ~ l'action toxique de la caf6ine ne coincide pas avec la p6riode pendant laquelle la caf~ine est susceptible d'influencer la tumorig6n6se. Ces deux effets de la caf~ine sont donc ind6pendants. On peut affirmer par cons6quent, que la diminution de l'incidence tumorale dans les populations trait6es par la caf6ine n'est pas une cons6quence in- directe de son effet toxique, et qu'elle n'est pas due, par exemple, ~ une mortalit6 s61ective des individus tumoraux, ou/~ un 6tat de mis6re physiologique gfin6rale.

La rfiaction des larves trait6es par la cafdine est du type "tout ou rien", c'est ~ dire que la caf6ine supprime compl~tement la tumorig6n~se ou ne produit aucun effet. Le nombre des tumeurs chez un individu qui a 6chapp6 ~ son action n'est pas diminu6. L'6tude statistique de la distribution des tumeurs chez les mouches de la souche utilis6e dans ce travail ayant montr6 que l'apparition d'une premiere tumeur chez un individu n'augmentait passes chances de d~velopper une deuxi~me tumeur, toutes les tumeurs d'un individu doivent fitre des tumeurs primaires, chacune prove- nant d'un 6vdnement ind6pendant ~. L'action de la caf6ine se manifestant ~ l'6chelle de l'individu et non ~ celle de la tumeur, elle ne doit donc pas intervenir dans cet 6v6nement, qui est celui de la transformation tumorale de la cellule. Son action doit cr6er chez un individu responsif, des conditions qui empfichent la formation de toutes les tumeurs, en intervenant soit avant, soit apr~s l'apparition des premieres cellules tumorales.

Le d6but de la p6riode pendant laquelle la caf6ine est susceptible d'influencer la tumorig6n~se chez les larves, pr6c6de celle de l'apparition des premieres 6bauches tumo- rales d6celables sur les coupes histologiques. La caf~ine doit donc emp~cher la mise en place des conditions n6cessaires pour que la transformation tumorale puisse se r6aliser.

A cet 6gard, l'action de la caf~ine ressemble ~ celle de la temp6rature. La temp6- rature supraoptimale appliqu6e pendant une p6riode ddtermin6e de la vie larvaire, est capable 6galement de supprimer compl6tement la formation des tumeurs chez une fraction des individus, sans influencer la multiplicit~ tumorale chez les autres 2.

La p6riode sensible ~ la temp6rature d6bute cependant un peu plus tard que celle de la sensibilit6 ~ la caf6ine, et l'effet produit est proportionnel ~ la dur6e de son action, tandis que la caf6ine n'est active que si elle est pr6sente pendant toute la dur4e de la p6riode sensible.

Ces r6sultats n'apportent donc pas de renseignements nouveaux sur les ph6no- m6nes qui se dfroulent au niveau de la cellule tumorale et qui sont la cause imm6diate de son apparition chez la Drosophile.

Les deux facteurs, la caf6ine et la temp6rature, agissent sur un stade qui pr6c6de la transformation tumorale des cellules et interviennent probablement dans le fonctionnement du "g6ne tumoral" responsable chez les larves de la souche 6tudi4e, de l'induction de ces transformations.

Page 6: Effet de la caféine sur le developpement des tumeurs melaniques chez la drosophile

226 S. GHELELOVITCH

R~2SUMI~

La cafdine, ajoutde au milieu nutr i t i f des larves de la souche cl tu ~s,, capables

de d6velopper spontan6ment des tumeurs m6laniques, produi t un double effet : l 'effet tox ique et l 'effet inhibi teur de la tumorig~n~se.

L'effet toxique se manifeste sur tout chez les jeunes larves et se t radui t par une

augmenta t ion de leur mortali t6.

L'effet de la cafdine sur la tumorig~n~se ne se manifeste que si la cafdine est

administr6e pendant le 2~me et le 3~me jour de la vie larvaire. En dehors de cet te

p~riode, ou si elle n 'es t appliqu6e que pendant une pat t ie de celle-ci, la caf6ine

n 'exerce aucune influence sur la tumorig6n~se. L'effet sur la tumorig6n~se consiste

dans la d iminut ion de la frdquence des individus tumoraux . Chez ceux d 'ent re eux

qui ont d6veloppd au moins une tumeur , la cafdine ne modifie pas la probabilit~ d 'en ddvelopper d 'autres . Son action s 'exerce donc ~ l'~chelle de l ' individu et non / t celle de

la tumeur . La p6riode pendant laquelle les larves sont sensibles /~ la caf6ine indique que

celle-ci doit in tervenir avan t l ' appar i t ion des premieres cellules tumorales.

REMERCIEMENTS

Je tiens ~ remercier le Docteur RAYMOND LATARJET dent les commenta i res

re 'ou t 6td pr6cieux pour la discussion des r6sultants. Je remercie dgalement Mademoi-

selle CHRISTIANE BAROCHE pour son excel lente assistance technique.

BIBLIOGRAPHIE

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