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ÉTUDE ORIGINALE Médecine palliative 292 N° 6 – Décembre 2005 Med Pal 2005; 4: 292-297 © Masson, Paris, 2005, Tous droits réservés En quête d’une démarche palliative Restitution de l’enquête « Soins Palliatifs » effectuée sur le secteur Cannes-Grasse-Antibes Isabelle Casini (photo), Médecin responsable de l’EMSP Cannes-Grasse-Antibes. Sandrine Porsin, Médecin Coordonnateur la Principauté Orange. France Gros, Responsable Cellule qualité, CH Antibes. Ingrid Cherrier, Psychologue, Frédéric Normant, Psychologue, Lila Bridi, Infirmière, Nadine Vincent, Infirmière, Jocelyne Bois, Kinésithérapeute, Mahalia Dalmasso, Sophrologue Relaxologue, EMSP Cannes-Grasse-Antibes. Summary In search of a palliative approach: restitution of the Palliative Care. Survey conducted in the Cannes-Grasse-Antibes area A survey was conducted with health care workers at the Canes- Grasse-Antibes hospital centers. Among 1514 questionnaires distributed to health care workers, the overall response rate was 29% (response rate in medicine wards was 37%). The best re- sponse rates were from nurses (40%) and care assistants (31%). Difficulties were expressed (42%) concerning care for patients with terminal disease (isolation…). The intervention of the pal- liative care team was principally important for: terminally ill patients (23%), patients with intractable pain (19%), patients and family with psychological problems (17 and 12% respectively). request for euthanasia coming from the patient (28%). Concerning accompanying practices, it appeared important to improve information (6%) and support (73%) for families. The survey of health care personnel demonstrated that they ex- pected to perform accompanying practices for the patient (83%) and the family (79%). The personnel wanted team support (60%). Only 53% requested a dedicated space for talking. Nurses and as- sistants desired advice concerning clinical and therapeutic practices (70%) more than physicians and head nurses. The need for training in palliative care was significant (84%). The main themes put for- ward were: “relationship with patients” and “pain management”. This study revealed certain difficulties which occur in the hospital setting and enabled an identification of the expectation of hospital personnel concerning the intervention of the palliative care team. Key-words: waits of hospital staff, mobile palliative care team’s. Résumé Une enquête a été menée auprès des soignants des centres hos- pitaliers de Cannes-Grasse-Antibes. Sur 1 514 questionnaires distribués, la participation a été de 29 % (services de médecine 37 % des cas). Les populations les plus représentatives sont les infirmiers (40 %) et les aides-soignants (31 %). Des difficultés sont ressenties (42 %) dans la prise en charge des patients at- teints de maladie incurable (isolement…). Cependant 57 % des soignants disent avoir la possibilité d’échanger. L’intervention de l’EMSP est justifiée lors : de la phase terminale (23 %), de douleurs rebelles (19 %), de l’expression des difficultés psychologiques des patients (17 %) et de l’entourage (12 %), d’une demande d’euthanasie de la part du patient (28 %). En ce qui concerne l’accompagnement de l’entourage, il semble important d’améliorer l’accueil (60 %) et le soutien des familles (73 %) aux différents stades de la maladie. Les attentes des soignants sont un accompagnement du patient dans 83 % des cas, mais presque autant auprès de l’entourage ; un soutien d’équipe dans 60 % des cas avec la nécessité d’un espace de parole dans 53 % des cas ; des conseils cliniques et thérapeutiques dans 70 % des cas. Le besoin de formation est significatif (84 %). Les thèmes évoqués sont : « la relation au pa- tient » et « la prise en charge de la douleur ». Cette étude a révélé les diverses difficultés auxquelles pouvait être confronté le personnel hospitalier et vise à identifier les attentes de ce dernier vis à vis de l’Équipe Mobile de Soins Pal- liatifs qui a pu faire évoluer son projet de service. Mots clés : attentes des soignants, Équipe Mobile de Soins Palliatifs. Casini I, Porsin S, Gros F, Cherrier I, Normant F, Bridi L, Vincent N, Bois J, Dal- masso M. En quête d’une démarche palliative. Restitution de l’enquête « Soins Pal- liatifs » effectuée sur le secteur Cannes-Grasse-Antibes. Med Pal 2005; 4: 292-297. Adresse pour la correspondance : Isabelle Casini, Centre hospitalier de Grasse, Bât. « Les Chênes Verts », Porte E1, chemin de Clavary, 06135 Grasse Cedex. e-mail : [email protected]

En quête d’une démarche palliative

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É T U D E O R I G I N A L E

Médecine palliative

292

N° 6 – Décembre 2005

Med Pal 2005; 4: 292-297

© Masson, Paris, 2005, Tous droits réservés

En quête d’une démarche palliative

Restitution de l’enquête « Soins Palliatifs » effectuée sur le secteur Cannes-Grasse-Antibes

Isabelle Casini (photo), Médecin responsable de l’EMSP Cannes-Grasse-Antibes.

Sandrine Porsin, Médecin Coordonnateur la Principauté Orange.

France Gros, Responsable Cellule qualité, CH Antibes.

Ingrid Cherrier, Psychologue,

Frédéric Normant, Psychologue,

Lila Bridi, Infirmière,

Nadine Vincent, Infirmière,

Jocelyne Bois, Kinésithérapeute,

Mahalia Dalmasso, Sophrologue Relaxologue, EMSP Cannes-Grasse-Antibes.

Summary

In search of a palliative approach: restitution of the Palliative Care. Survey conducted in the Cannes-Grasse-Antibes area

A survey was conducted with health care workers at the Canes-Grasse-Antibes hospital centers. Among 1514 questionnaires distributed to health care workers, the overall response rate was 29% (response rate in medicine wards was 37%). The best re-sponse rates were from nurses (40%) and care assistants (31%). Difficulties were expressed (42%) concerning care for patients with terminal disease (isolation…). The intervention of the pal-liative care team was principally important for: – terminally ill patients (23%),– patients with intractable pain (19%),– patients and family with psychological problems (17 and 12% respectively).– request for euthanasia coming from the patient (28%).Concerning accompanying practices, it appeared important to improve information (6%) and support (73%) for families.The survey of health care personnel demonstrated that they ex-pected to perform accompanying practices for the patient (83%) and the family (79%). The personnel wanted team support (60%). Only 53% requested a dedicated space for talking. Nurses and as-sistants desired advice concerning clinical and therapeutic practices (70%) more than physicians and head nurses. The need for training in palliative care was significant (84%). The main themes put for-ward were: “relationship with patients” and “pain management”.This study revealed certain difficulties which occur in the hospital setting and enabled an identification of the expectation of hospital personnel concerning the intervention of the palliative care team.

Key-words:

waits of hospital staff, mobile palliative care team’s.

Résumé

Une enquête a été menée auprès des soignants des centres hos-pitaliers de Cannes-Grasse-Antibes. Sur 1 514 questionnaires distribués, la participation a été de 29 % (services de médecine 37 % des cas). Les populations les plus représentatives sont les infirmiers (40 %) et les aides-soignants (31 %). Des difficultés sont ressenties (42 %) dans la prise en charge des patients at-teints de maladie incurable (isolement…). Cependant 57 % des soignants disent avoir la possibilité d’échanger. L’intervention de l’EMSP est justifiée lors : – de la phase terminale (23 %),– de douleurs rebelles (19 %),– de l’expression des difficultés psychologiques des patients (17 %) et de l’entourage (12 %),– d’une demande d’euthanasie de la part du patient (28 %).En ce qui concerne l’accompagnement de l’entourage, il semble important d’améliorer l’accueil (60 %) et le soutien des familles (73 %) aux différents stades de la maladie.Les attentes des soignants sont un accompagnement du patient dans 83 % des cas, mais presque autant auprès de l’entourage ; un soutien d’équipe dans 60 % des cas avec la nécessité d’un espace de parole dans 53 % des cas ; des conseils cliniques et thérapeutiques dans 70 % des cas. Le besoin de formation est significatif (84 %). Les thèmes évoqués sont : « la relation au pa-tient » et « la prise en charge de la douleur ».Cette étude a révélé les diverses difficultés auxquelles pouvait être confronté le personnel hospitalier et vise à identifier les attentes de ce dernier vis à vis de l’Équipe Mobile de Soins Pal-liatifs qui a pu faire évoluer son projet de service.

Mots clés :

attentes des soignants, Équipe Mobile de Soins Palliatifs.

Casini I, Porsin S, Gros F, Cherrier I, Normant F, Bridi L, Vincent N, Bois J, Dal-

masso M. En quête d’une démarche palliative. Restitution de l’enquête « Soins Pal-

liatifs » effectuée sur le secteur Cannes-Grasse-Antibes. Med Pal 2005; 4: 292-297.

Adresse pour la correspondance :

Isabelle Casini, Centre hospitalier de Grasse, Bât. « Les Chênes Verts », Porte E1,

chemin de Clavary, 06135 Grasse Cedex.

e-mail : [email protected]

Med Pal 2005; 4: 292-297

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www.masson.fr/revues/mp

É T U D E O R I G I N A L E

Isabelle Casini et al.

Introduction

Les Équipes Mobiles de Soins Palliatifs offrent une priseen charge pluridisciplinaire (médicale, psychologique, socialeet spirituelle) de la personne malade et de son entourage [1,2]. Dans le cadre de l’amélioration de la prise en charge despatients en soins palliatifs, les centres hospitaliers de Cannes,Grasse et Antibes-Juan-les-Pins ont élaboré un projet decréation d’Équipe Mobile de Soins Palliatifs inter hospitalière(EMSP) en avril 2001. De ce projet est né l’EMSP enmai 2002, rattachée au Syndicat Inter Hospitalier Cannes-Grasse-Antibes. Une étude a ainsi été menée auprès dessoignants afin d’évaluer leurs attentes par rapport auxmissions de cette unité et ce concernant [3, 4] :

– les pratiques professionnelles,– les connaissances,– le niveau de formation en matière de soins palliatifs

et de traitement de la douleur.

Matériel et méthodes

Le questionnaire a été réalisé par le Dr Casini et sonéquipe. La diffusion a été organisée par les cadres infir-miers de chaque secteur d’activité après rencontre duDr Casini avec les Directeurs des soins infirmiers de cha-que établissement.

La restitution s’est faite par courrier anonyme adresséà l’EMSP avec la date limite du 23 juillet 2003, mais ré-ception jusqu’à début août. La saisie et le traitement desdonnées ont été effectués sur tableur Excel. Les outils ontété élaborés par Mme Gros et le Dr Porsin.

La population enquêtée regroupe l’ensemble des per-sonnels soignants médicaux et paramédicaux des centreshospitaliers de Cannes, Grasse et Antibes.

Le questionnaire, à visée descriptive, proposait 17 items,structurés en 5 chapitres portant sur [4] :

– l’identification des attentes,– la prise en charge de l’entourage,– les réponses aux attentes,– les besoins en formation,– les moyens de communication avec l’EMSP.Il s’agissait d’un questionnaire à questions fermées de

type :– choix multiple à 4 niveaux permettant de regrouper

les réponses de manière binaire au moment de l’exploita-tion des résultats ;

– questions à 2, 3 ou 4 choix possibles sans que leurnombre ne dépasse les 50 % de l’ensemble des propositions.

Nous avions émis l’hypothèse que les médecins et lescadres en tant que déclencheurs des interventions del’EMSP pouvaient émettre des avis différents de ceux des

professionnels dépourvus de moyens d’action. Afin de tes-ter cette hypothèse, il nous a semblé intéressant de diffé-rencier trois groupes de soignants :

Un groupe A « médecins et cadres infirmiers »

(12 %) : ils prennent l’initiative de contacter l’EMSP et ontmoins de contact (durée et fréquence) avec les patients ensoins palliatifs.

Un groupe B « infirmiers, aides-soignants, psy-chologues, kinésithérapeutes »

(75 %) : ils n’ont pas l’initiativedu contact avec l’EMSP mais sontplus présents auprès des patientsen soins palliatifs.

Un groupe C « agents deservice et autres »

(8 %). Les ré-ponses du groupe C seront uni-quement prises en compte dansl’approche globale.

Les données ont été exploitées statistiquement et lescomparaisons soumises au test du Chi

2

.

Résultats

Sur 1 514 questionnaires distribués, 445 nous ont étérestitués, soit 29 % des soignants ont répondu aux ques-tionnaires distribués.

Secteurs d’activité

Les secteurs d’activité les plus représentés sont les servi-ces de médecine dans 37 % des cas, services les plus con-frontés à la prise en charge en soins palliatifs. À remarquer,la participation du personnel de réanimation urgence à13 % et du personnel de psychiatrie à 9 %. Le personnel arépondu à 7 % en chirurgie et à 5 % en maternité pédiatrie.

Catégories professionnelles représentées

La majorité de la population enquêtée a une activitéde jour (60 %) et une ancienneté de plus de 10 ans dansla profession (50 %) :

– 40 % d’infirmier(e)s,– 31 % d’aides-soignant(e)s,– 6 % de cadres infirmiers,– 6 % de médecins,– 4 % d’agents de service,– 2 % de psychologues,– 2 % de kinésithérapeutes,– 8 % autres.

Identification des attentes

Les difficultés rencontrées

– Avez-vous déjà ressenti des difficultés dans la priseen charge des patients atteints d’une maladie incurable ?

Ainsi 42 % du personnel interrogé dit se sentir en difficultés.

Médecine palliative

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N° 6 – Décembre 2005

En quête d’une démarche palliative

É T U D E O R I G I N A L E

Il n’existe pas de différence significative entre lesgroupes A et B (le Chi

2

calculé < au Chi

2

théorique).Ainsi 42 % du personnel interrogé dit se sentir en dif-ficultés.

– Vous sentez-vous isolé face à certains de ces patients ?

Face à certains patients incurables, les médecins et lescadres infirmiers se sentiraient moins isolés (« non » = 81 %)que les autres professionnels de l’équipe de soins(« non » = 66 %). Globalement, il resterait 29 % (129/445)du personnel interrogé qui dit se sentir isolé face à certainsde ces patients.

– Avez-vous la possibilité d’échanger, dans votre mi-lieu professionnel, à propos de ces situations difficiles ?

Oui, dans 57 % des cas.

Les interventions de l’EMSP

D’après vous, quelles situations justifient l’interven-tion de l’EMSP ?

(figure 1)

.–

D’après vous, quelles dimensions éthiques ou moralesjustifient l’intervention de l’EMSP ?

(figure 2)

.

Les principaux symptômes retenus par les équipes soignantes

1. Douleur physique (38 %).2. Anxiété/dépression (35 %).3. Anorexie (26 %).4. Escarres (24 %).5. Dyspnée (19 %).6. Perte d’autonomie (19 %).7. Nausée (14 %).8. Bouche sèche (9 %).9. Constipation (8 %).10. Agitation (7 %).

Prise en charge de l’entourage

Les soignants pensent qu’il est possible d’améliorerl’accueil des familles (60 %), ainsi que la préparation duretour à domicile (58 %).

Par ailleurs, l’accompagnement de l’entourage est res-senti comme nécessaire aux différents stades de la maladie :

– 73 % pendant la maladie,– 68 % après le décès,– 63 % lors de l’annonce du diagnostic : les acteurs

de soins semblent davantage convaincus qu’il est pos-sible d’améliorer l’annonce du diagnostic que les méde-cins et les cadres infirmiers,

– 53 % lors de l’annonce du décès.

Place des bénévoles

Quatre-vingt cinq pour cent des personnes interrogéessouhaiteraient la présence d’accompagnants bénévolesformés en soins palliatifs.

Besoins en formation

Si 87 % des personnes ayant répondu n’ont pas de DUen soins palliatifs, on en compte au moins autant (81 %)qui n’ont pas suivi de formation extra hospitalière. Seul28 % ont suivi une formation en intra hospitalier et 15 %ont participé à des congrès.

Les thèmes de formation retenus sont indiqués dans la

figure 3

.– Modalités de formation : – 44 % souhaitent une formation intra hospitalière,– 25 % une information dans leur service,– 24 % une information commune aux trois hôpitaux.

Réponses aux attentes

Les réponses aux attentes sont répertoriées dans la

figure 4

.

Moyens de communication avec l’EMSP

Au moment de l’enquête, 48 % de la population en-quêtée ne savait pas comment joindre L’EMSP et 53 % neconnaissaient pas sa composition.

Figure 1. Quelles situations justifient l’intervention de l’équipe de l’EMSP ?Figure 1. Which situations justify the mobile palliative care team’s

involvement?

23%

19%17%

12% 12%10%

7%1%

0%

5%

10%

15%

20%

25%

Phaseterminale

Douleurrésistante

Psycho-Patient

Psycho-Famille

Annoncepronostic

vital

Rechute/Pronostic

vital

Symptômesmajeurs

Autressymptômes

Figure 2. Quelles dimensions éthiques justifient l’intervention de l’EMSP ?Figure 2. Which ethical criteria justify the mobile palliative care team’s

intervention?

28%24%

22%

17%

8%1%

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

Demanded’euthanasie

patient

Non respectdésir patient

Arrêt TRT Obstinationthérapeutique

Demanded’euthanasie

famille

Autre

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Isabelle Casini et al.

Commentaires

Sur 1 514 questionnaires distribués, 445 exemplairesont été restitués soit une participation tout établissementconfondu de 29 %. La forte participation de l’hôpital deCannes (59 %) peut s’expliquer par la volonté d’une priseen charge de la douleur/soins palliatifs, instituée depuisplusieurs années. Les services de médecine ont répondudans 37 % des cas : ce sont les services les plus confrontésà la prise en charge des patients en soins palliatifs.

La participation de certains services telle la psychiatrieest à remarquer. Ce service semble intéressé par la démar-che palliative même s’il est peu confronté à la prise encharge de ces patients.

Les deux populations les plus représentatives sont lesinfirmiers (40 %) et les aides-soignants (31 %), acteurs deproximité les plus fréquemment sollicités par le patient.On note le peu de participation des médecins et des cadresinfirmiers. Les kinésithérapeutes et les psychologues sontquant à eux peu nombreux sur les établissements, ce quipeut ainsi expliquer leur faible participation.

Les difficultés ressenties (42 %) dans la prise en chargedes patients atteints de maladie incurable impliquent lanécessité d’un compagnonnage [1]. L’isolement est sourcede difficulté plus pour les acteurs de proximité : le travaild’équipe est d’autant plus indispensable qu’il est un prérequis en soins palliatifs. Cependant, 57 % des soignantsdisent avoir la possibilité de pouvoir échanger dans lemilieu professionnel à propos de situations difficiles.

Pour le personnel enquêté, l’intervention de l’EMSP estjustifiée dans les situations suivantes :

– La phase terminale. Elle semble être la situation quinécessite le plus l’intervention de l’EMSP (23 %). Une cla-rification des termes (soins palliatifs, fin de vie…) semblenécessaire.

– La stabilisation des différents symptômes. En effet,le premier motif d’appel de l’EMSP est la prise en charged’une douleur résistante (19 %).

– L’expression des difficultés psychologique des pa-tients (17 %), des familles et de l’entourage (12 %).

– Le questionnement éthique : la prise en charge despatients en soins palliatifs nécessite une approche globale,pluridisciplinaire dans le respect du désir du patient. Selonla définition de la SFAP [5] :

Les soignants qui les dispen-sent cherchent à éviter les investigations et les traitementsdéraisonnables. Ils se refusent à provoquer intentionnelle-ment la mort

(28 % appellent l’EMSP lors d’une demanded’euthanasie de la part du patient et 8 % lors d’une de-mande d’euthanasie de la part de l’entourage). La pratiqued’un « éthos d’équipe » – une culture partagée, des tempsde discussion – peut trouver sa pertinence. Là aussi,

il estimportant de clarifier les notions d’euthanasie, d’acharne-ment thérapeutique, de sédation

[6, 7].

– Le questionnement spirituel : plus que les médecinset les cadres, les soignants attendent que l’équipe mobileen soins palliatifs prenne en charge les besoins spirituelsdes patients atteints de maladies incurables.

Les symptômes les plus fréquemment rencontrés res-tent [8] :

– les symptômes des trois derniers jours de la vie dupatient : douleur, anorexie, anxiété, dyspnée, nausée, perted’autonomie, agitation ;

– les symptômes induits par les traitements médica-menteux : sécheresse buccale, nausées, constipation…

Il est important de faire des prescriptions anticipéesnotamment à la phase terminale de la maladie.

Une réflexion sur l’accueil et l’accompagnement desfamilles et de l’entourage des patients apparaît nécessaire[7] pour les services les plus confrontés à la prise en chargedes patients en soins palliatifs. Il semble important d’amé-liorer l’accueil (60 %) et le soutien des familles (73 %) auxdifférents stades de la maladie : de préférence inscrire dansle projet de service les mesures nécessaires pour que lesfamilles trouvent leur place. Insister sur l’écoute et le sou-

Figure 3. Quels domaines souhaiteriez-vous approfondir ?Figure 3. Which field of activities would you like to go into?

30%27%

19%

14%

10%

0%

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

Relation aupatient

Prise en chargedouleur

Relation famille

Prise en chargeautres

Deuil Autre

Figure 4. Qu’attendez-vous de l’EMSP ?Figure 4. What do you wait of the mobile palliative care team’s?

83% 79%

66%60% 55% 55% 54% 53%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

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70%

80%

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tien, et, après le décès (68 %), sur le suivi de deuil, soutienpossible d’un psychologue. Cet accompagnement attentifde la fin de vie facilite le travail de deuil et donc aussi laprévention des deuils compliqués.

L’enquête réalisée auprès des soignants montre queceux-ci attendent un accompagnement du patient dans83 % des cas, mais presque autant auprès de l’entourage(79 %). Les soignants souhaitent un soutien d’équipe (dans

60 % des cas) pour éviter le stressprofessionnel. Ils sont investisdans le relationnel et assumentavec courage les deuils successifs.Seulement 53 % des soignantsmettent en évidence la nécessitéd’un espace de parole. Effective-ment, 57 % des soignants disentpouvoir échanger dans leur ser-

vice à propos de situations difficiles. Les acteurs de soins(groupe B) semblent davantage demandeurs de conseils cli-niques et thérapeutiques (70 %) que les médecins et cadresinfirmiers (groupe A).

Le besoin de formation en soins palliatifs est signifi-catif (84 %). Les principaux thèmes évoqués sont : « la re-lation au patient » et « la prise en charge de la douleur ».Il faut développer la formation interne au service afin desensibiliser la majorité des soignants (créneau horaire etrythme adapté au service) [7].

Ce sont aussi des formations-actions qui s’ajustent auxbesoins des équipes, alternant apport de connaissancestechniques et psychologiques ainsi que l’accompagnementdes équipes dans leurs propres difficultés. Cette formationdoit être participative et interactive, conduisant à une re-cherche commune de solutions possibles.

La demande de bénévoles (9 formés en soins palliatifsinterviennent en lien avec l’EMSP) est fortement souhaitée(85 %). Les associations de bénévoles sont bien intégréesdans les trois établissements (JALMALV, VMEH, Blousesroses).

Les médecins et les cadres (groupe A : 87 %) saventmieux que les acteurs de soins (groupe B) comment joindrel’équipe de soins palliatifs. De même, les médecins et lescadres infirmiers connaissent mieux à 64 % la compositionde celle-ci, pour 41 % des acteurs de proximité. En effet,il avait été décidé que l’EMSP ne se déplacerait dans lesservices qu’après accord des responsables.

Conclusion

L’ensemble de ces résultats montre l’intérêt porté parles services aux soins palliatifs. Ce travail a permis de sus-citer un temps de réflexion pour les professionnels surleur activité. Même si cette étude ne permet qu’une ana-

lyse ponctuelle, dont l’utilisation reste locale et spécifiqueau contexte rencontré, elle propose une méthode qui per-met d’identifier les attentes du personnel hospitalier vis àvis de l’Équipe Mobile de Soins Palliatifs.

La nature exploratoire de notre démarche a révélé lesdiverses difficultés auxquelles pouvaient être confrontésles hospitaliers, la nature de leur vécu, les relais souhaitéset les connaissances à approfondir. Parallèlement, en abor-dant le champ de l’éthique, notre intervention a su susciterune réflexion ouverte et franche sur le respect des volontésdu patient [9, 10] et à permis d’installer cette expériencedans un espace relationnel enrichi d’humanisme.

L’EMSP se déplace actuellement sur trois centres hos-pitaliers. L’engagement vers une démarche palliative [11-13] évolue différemment selon ces établissements.

Nous avons constaté que les besoins formulés par lesprofessionnels correspondaient aux missions des EMSP[14, 15] : clinique, formation, recherche.

Ainsi l’EMSP de Cannes-Grasse-Antibes a pu faire évo-luer son projet de service et mettre en valeur des actionsprioritaires en rapport aux attentes exprimées :

– le retour des enquêtes auprès des soignants des troishôpitaux nous a permis de repréciser la composition del’Équipe Mobile de Soins Palliatifs et ses missions ;

– développement d’une démarche palliative [2, 7, 11-13, 16], travail en transversalité et en collaboration avecles référents « douleur » et « soins palliatifs » des services[1] ;

– réunions communes avec l’EMSP ;– programmes de formation continue ouverts au per-

sonnel soignant ainsi que des formations-actions sur leterrain ;

– ouverture d’une activité de consultations externespluridisciplinaire (médecin, infirmier, psychologue, sophro-logue, kinésithérapeute).

L’Équipe Mobile semble être sollicitée dans un posi-tionnement tiers, pour aider à la réflexion sur les pratiquesprofessionnelles concernant l’accompagnement et la priseen charge globale du patient et de son entourage [6, 9].L’EMSP doit rester humble, discrète, déontologique.

Nous avons à travailler les uns avec les autres pouraboutir à cette complémentarité, essentielle pour le mieux-être du patient, de son entourage et des équipes soignantes.

Ce questionnaire sera de nouveau réalisé auprès dessoignants afin de réévaluer leurs attentes par rapport àl’Équipe Mobile de Soins Palliatifs.

Références

1. Le Divenah A. Ministère de la santé DHOS/02. Perspectivesde santé publique : Les EMSP : quel avenir ? Octo-bre 2003.

2. Collaboration européenne : groupe de travail coordonnépar Catherine Markstein, Centre Hospitalier Universitaire

Cet accompagnement attentif de la fin de vie facilite le travail de deuil.

Med Pal 2005; 4: 292-297

© Masson, Paris, 2005, Tous droits réservés

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www.masson.fr/revues/mp

É T U D E O R I G I N A L E

Isabelle Casini et al.

Frugmann, Bruxelles, Belgique. Promouvoir le développe-ment et l’intégration des équipes mobiles de soins pallia-tifs à l’hopital. Résultats de la recherche et recommanda-tions. Med Pal 2004; 3: 113-25.

3. Burucoa B. Que pensent, que vivent, qu’attendent les soi-gnants au sujet des soins palliatifs ?

In

Luquet. Les SoinsPalliatifs dans la société, enjeux et défis : 6

e

Congrès na-tional de la SFAP, Lyon, 3 et 4 avril 1998. Lyon : SFAP.

4. De la Tour Anne A. Besoins en Soins Palliatifs sur le cen-tre hospitalier d’Argenteuil. Résultat du questionnaired’évaluation. Med Pal 2003; 2: 283-92.

5. Société Française de d’Accompagnement en Soins Pallia-tifs. Définition des Soins Palliatifs, 1996.

6. Assemblée Nationale. Rapport « Mission d’information surl’accompagnement de la fin de vie », Mr le Député J. Léo-netti, Juin 2004.

7. De Hennezel M. Rapport « Mission fin de vie et accompa-gnement ». Octobre 2003.

8. ANAES. Modalité de prise en charge de l’adulte nécessi-tant des soins palliatifs. Décembre 2002.

9. Code de la santé publique Article 1110-10.

10. Loi n

°

2002-303 du 4 mars 2002 relative aux « Droits desmalades et à la qualité du système de santé ».

11. ANAES. Manuel d’accréditation des établissements desanté : deuxième procédure, Références 42 et 43. Septem-bre 2004.

12. ANAES/SFAP. Conférence de consensus : « L’accompagne-ment des personnes en fin de vie et de leurs proches ».Janvier 2004.

13. Ministère de la Santé-DHOS. Guide de bonnes pratiquesd’une démarche palliative en établissements. Avril 2004.

14. Circulaire DHOS-02/DGS/SD5D/2002/n

°

2002/98 du19 février 2002 relative à « L’organisation des soins pal-liatifs et de l’accompagnement ».

15. Loi du n

°

99-477 du 9 juin 1999 « Droit à l’accès auxSoins Palliatifs et à l’accompagnement à tous les pa-tients ».

16. Deuxième plan triennal. Programme National de dévelop-pement des soins palliatifs 2002-2005.