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Annales Pharmaceutiques Françaises (2014) 72, 141—142 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ÉDITORIAL Encore des évidences en faveur des génériques ! More evidence in favor of generics! Dans ce numéro des Annales, est publié un article de Monnier et al. portant sur l’analyse des concentrations sériques chez des patients leucémiques recevant deux génériques dif- férents de vancomycine [1]. Les auteurs montrent sans ambiguïté qu’il n’existe aucune différence significative entre les moyennes de ces concentrations entre les deux formes génériques. Une évidence de plus en faveur des médicaments génériques ! Il faut en effet se souvenir que les médicaments génériques doivent faire la démons- tration de leur bioéquivalence afin d’obtenir une AMM, ce qui est réalisé en administrant à des groupes comparables de volontaires sains alternativement le médicament princeps et le générique suivant ainsi un design dit en cross over. Cette bioéquivalence correspond à un profil d’absorption, de distribution et de métabolisme non différent entre les deux médicaments (profil pharmacocinétique), bioéquivalence qui implique une équivalence thérapeutique. Ce test permet ainsi de mettre en évidence une éventuelle différence de biodisponibilité pouvant être liée à une formulation différente. À l’évidence, il est universellement admis par les autorités d’enregistrements et la communauté scientifique que, lors d’une administration intraveineuse, la biodisponibi- lité est par définition totale puisque le principe actif est directement introduit dans le torrent circulatoire et donc non influenc ¸able par la formulation comme cela est possible par voie orale. De ce fait, les études de bioéquivalence ne sont pas exigées lors de la commercialisation d’un générique d’un médicament injectable en intraveineux. Les controverses sur les génériques font fréquemment la « une » des médias, très particulièrement en France, terre d’anormalité quasi-championne mondiale de la sous- utilisation des génériques, chacun y allant de son « histoire de chasse » sur l’inefficacité proclamée d’un générique suite à une substitution, aux prétendues allergies qui seraient provoquées par de mystérieux excipients, le tout pimenté d’une suspicion généralisée de « médicaments au rabais » et de remise en cause de la liberté de prescription par le pharma- cien ! Et même certains n’ont pas hésité à suspecter l’efficacité de génériques injectables, par exemple des antibiotiques [2]. Une équipe sud-américaine a ainsi publié en 2010 une étude tendant à démontrer par des tests in vivo sur modèle d’animaux infectés une infério- rité des six génériques de vancomycine versus le princeps (Vancocine ® , E. Lilly), ceci malgré http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2014.04.004 0003-4509/© 2014 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Encore des évidences en faveur des génériques !

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Annales Pharmaceutiques Françaises (2014) 72, 141—142

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

ÉDITORIAL

Encore des évidences en faveur desgénériques !

More evidence in favor of generics!

Dans ce numéro des Annales, est publié un article de Monnier et al. portant sur l’analysedes concentrations sériques chez des patients leucémiques recevant deux génériques dif-férents de vancomycine [1]. Les auteurs montrent sans ambiguïté qu’il n’existe aucunedifférence significative entre les moyennes de ces concentrations entre les deux formes

génériques. Une évidence de plus en faveur des médicaments génériques !

Il faut en effet se souvenir que les médicaments génériques doivent faire la démons-tration de leur bioéquivalence afin d’obtenir une AMM, ce qui est réalisé en administrantà des groupes comparables de volontaires sains alternativement le médicament princepset le générique suivant ainsi un design dit en cross over. Cette bioéquivalence correspondà un profil d’absorption, de distribution et de métabolisme non différent entre les deuxmédicaments (profil pharmacocinétique), bioéquivalence qui implique une équivalencethérapeutique. Ce test permet ainsi de mettre en évidence une éventuelle différence debiodisponibilité pouvant être liée à une formulation différente.

À l’évidence, il est universellement admis par les autorités d’enregistrements et lacommunauté scientifique que, lors d’une administration intraveineuse, la biodisponibi-lité est par définition totale puisque le principe actif est directement introduit dans letorrent circulatoire et donc non influencable par la formulation comme cela est possiblepar voie orale. De ce fait, les études de bioéquivalence ne sont pas exigées lors de lacommercialisation d’un générique d’un médicament injectable en intraveineux.

Les controverses sur les génériques font fréquemment la « une » des médias, trèsparticulièrement en France, terre d’anormalité quasi-championne mondiale de la sous-utilisation des génériques, chacun y allant de son « histoire de chasse » sur l’inefficacitéproclamée d’un générique suite à une substitution, aux prétendues allergies qui seraientprovoquées par de mystérieux excipients, le tout pimenté d’une suspicion généralisée de« médicaments au rabais » et de remise en cause de la liberté de prescription par le pharma-

cien ! Et même certains n’ont pas hésité à suspecter l’efficacité de génériques injectables,par exemple des antibiotiques [2]. Une équipe sud-américaine a ainsi publié en 2010 uneétude tendant à démontrer par des tests in vivo sur modèle d’animaux infectés une infério-rité des six génériques de vancomycine versus le princeps (Vancocine®, E. Lilly), ceci malgré

http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2014.04.0040003-4509/© 2014 Publie par Elsevier Masson SAS.

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ne qualité pharmaceutique identique de l’aveu même desuteurs (pharmaceutical equivalence) ! [3]. Ces résultats,ui, remarquons-le, impliqueraient une complète ruptureu paradigme universellement admis : principes actifs deualité identique = propriétés pharmacologiques et toxico-ogiques identiques, ont été largement critiqués sur le planéthodologique et des études d’autres équipes, notamment

rancaises, ont montré sur des modèles d’endocardites àtaphylococcus aureus méthicilline résistant qu’il n’existaitas de différence significative entre 6 génériques de vanco-ycine [4]. L’argument d’impuretés insoupconnées pouvant

nduire des différences d’activité a été très clairementécusé par une étude très détaillé de la pureté et de’efficacité antibactérienne de l’ensemble des génériquese vancomycine disponibles sur le marché des États-Unis,ontrant que leur pureté était supérieure aux critères exi-

és par la pharmacopée des États-Unis [5]. Faut-il enfinouligner que le princeps de vancomycine (Vancocine®)’est plus disponible mondialement et que donc seulses génériques sont utilisés, ce qui relativise un peu leébat !

L’étude de Monnier et al. apporte un argument supplé-entaire à ce débat. Il fait appel à des déterminationse taux plasmatiques de vancomycine chez des patients,onc en conditions de vie réelle. Ce choix de patients plu-ôt que de volontaires sains est un élément majeur deette étude, une critique récurrente des anti-génériquestant de clamer que les tests de bioéquivalence sur volon-aires sains ne seraient pas pertinents pour préjuger d’unequivalence clinique. De plus, le choix de l’indication :a prévention des neutropénies fébriles chez des patientstteints de leucémie myéloïde aiguë recevant une chimio-hérapie très lourde, est particulièrement pertinent, ceype de patients étant très représentatif des conditionsliniques réelles. Enfin, la méthodologie suivie prend enompte une situation pratique, souvent mise en cause par lesontempteurs des génériques, les changements de marchét d’approvisionnement « imposés aux prescripteurs » par lesharmaciens, puisque les périodes testées correspondaient

un changement de marché réel entre génériques dans leite hospitalier de l’essai.

Les résultats sont sans appel, les concentrations plasma-iques à 48 h étant identiques entre les deux génériques,

t confirmant, comme cela était attendu, que les tauxndividuels étaient corrélés à l’âge, du sexe et du taux’hémoglobine des patients indépendamment du génériqueesté.

Éditorial

Cet article démontre ainsi, s’il le fallait encore, queeules les évidences scientifiques doivent être prises enompte dans la définition d’une stratégie thérapeutique,eci afin d’éviter les positions partisanes, les assertionsnsuffisamment fondées et les manipulations d’informationsrop souvent constatées pour le médicament, situation enégradation qui a justifié les recommandations pour unenformation objective émanant du rapport bi-académiqueu « groupe Bouvenot » [6]. Cette notion d’ evidence-basedharmacy, essentiellement étayée par une analyse rigou-euse et critique des publications scientifiques, a été à laase du rapport de notre Académie sur les génériques [7]. Ceapport, très largement apprécié, fait référence. Il devraitertainement et utilement être pris comme modèle pour nosravaux futurs.

éférences

1] Monnier A, Malbranche C, Fagnoni P, et al. Generic vanco-mycin products: analysis of serum concentrations in patientswith acute myeloid leukemia. Ann Pharm Fr 2014:72,http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2013.12.010.

2] Gauzit R, Lakdhari M. Generic antibiotic drugs: is effectivenessguaranteed? Med Mal Infect 2012;42:141—8.

3] Vesga O, Agudelo M, Salazar B, et al. Generic vancomycinpro-ducts fail in vivo despite being pharmaceutical equiv-alents ofthe innovator. Antimicrob Agents Chemother 2010;54:3271—9.

4] Tattevin P, Saleh-Mghir A, Davido B, et al. Comparison ofsix gene-ric vancomycin products for treatment of methicillin-resistantStaphylococcus aureus experimental endocarditis in rabbits.Antimicrob Agents Chemother 2013;57:1157—62.

5] Nambiar S, Madurawe RD, Zuk SM, et al. Product quality of par-enteral vancomycin products in the United States. AntimicrobAgents Chemother 2012;56:2819—23.

6] Rapport Bouvenot. Pour une information scientifiquementfondée, impartiale, facilement accessible et compréhensibledans le domaine du médicament. Rapport bi-académique.Académie nationale de médecine et Académie natio-nale de pharmacie; 2014 http://www.acadpharm.org/dos public/rapport final bouvenot.pdf

7] [91 pages] Rapport de l’Académie nationale de pharmacie surles médicaments génériques; 2012 http://www.acadpharm.org/dos public/RAPPORT GEnEriques VF 2012.12.21.pdf

A. Astier

Pôle PUI, hôpitaux universitaires Henri-Mondor,

AP—HP, 94010 Créteil, France

Adresse e-mail : [email protected]