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Épicure Lettre à Pythoclès (Traduction anonyme) Épicure à Pythoclès, salut. Cléon m’a apporté ta lettre, dans laquelle tu te montrais à mon égard plein de sentiments d’amitié, dignes du soin que je prends de toi ; tu as essayé de façon convaincante de te remémorer les arguments qui tendent à la vie bienheureuse, et tu m’as demandé pour toi-même de t’envoyer une argumentation résumée et bien délimitée touchant les réalités célestes, afin de te la remémorer facilement ; en effet, ce que j’ai écrit ailleurs est malaisé à se remémorer, bien que, me dis- tu, tu l’aies continuellement en mains. En ce qui me concerne, j’ai reçu avec plaisir ta demande, et j’ai été rempli de plaisants espoirs. Aussi, après avoir écrit tout le reste, je rassemble tels que tu les as souhaités, ces arguments qui seront utiles à beaucoup d’autres, et tout spécialement à ceux qui ont depuis peu goûté à l’authentique étude de la nature, ainsi qu’à ceux qui sont pris dans des occupations plus accaparantes que l’une des occupations ordinaires. Saisis-les distinctement et, les gardant en mémoire, parcours-les avec acuité ainsi que tous les autres que, dans le petit abrégé, j’ai envoyés à Hérodote. Tout d’abord, il ne faut pas penser que la connaissance des réalités célestes, qu’on les examine en relation à autre chose, ou pour elles- mêmes, ait une autre fin que l’ataraxie et la certitude ferme, ainsi qu’il en est pour tout le reste. Il ne faut pas non plus faire violence à l’impossible, ni tout observer de la même façon que dans les raisonnements qui portent sur les modes de vie, ni dans ceux qui nous donnent une solution aux autres problèmes physiques, comme le fait que le tout est corps et nature intangible, ou que les éléments sont insécables, et toutes les propositions de ce genre qui sont seules à s’accorder avec ce qui apparaît; cela n’est pas le cas pour les réalités célestes : au contraire se présente une multiplicité de causes pour leur production, et d’assertions relatives à leur être même, en accord avec les sensations. Car il ne faut pas pratiquer l’étude de la nature en s’appuyant sur des principes vides et des décrets de loi, mais comme le réclame ce qui apparaît. En effet, notre mode de vie ne requiert pas une recherche qui nous serait propre, et une opinion vide, bien plutôt une vie sans trouble. Tout devient inébranlable pour tout ce que l’on résout entièrement selon

Épicure - Lettre à Pythoclès

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Lettre Pythocls

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Lettre Pythocls

(Traduction anonyme)

picure Pythocls, salut.

Clon ma apport ta lettre, dans laquelle tu te montrais mon gard plein de sentiments damiti, dignes du soin que je prends de toi; tu as essay de faon convaincante de te remmorer les arguments qui tendent la vie bienheureuse, et tu mas demand pour toi-mme de tenvoyer une argumentation rsume et bien dlimite touchant les ralits clestes, afin de te la remmorer facilement; en effet, ce que jai crit ailleurs est malais se remmorer, bien que, me dis-tu, tu laies continuellement en mains. En ce qui me concerne, jai reu avec plaisir ta demande, et jai t rempli de plaisants espoirs. Aussi, aprs avoir crit tout le reste, je rassemble tels que tu les as souhaits, ces arguments qui seront utiles beaucoup dautres, et tout spcialement ceux qui ont depuis peu got lauthentique tude de la nature, ainsi qu ceux qui sont pris dans des occupations plus accaparantes que lune des occupations ordinaires. Saisis-les distinctement et, les gardant en mmoire, parcours-les avec acuit ainsi que tous les autres que, dans le petit abrg, jai envoys Hrodote.

Tout dabord, il ne faut pas penser que la connaissance des ralits clestes, quon les examine en relation autre chose, ou pour elles-mmes, ait une autre fin que lataraxie et la certitude ferme, ainsi quil en est pour tout le reste. Il ne faut pas non plus faire violence limpossible, ni tout observer de la mme faon que dans les raisonnements qui portent sur les modes de vie, ni dans ceux qui nous donnent une solution aux autres problmes physiques, comme le fait que le tout est corps et nature intangible, ou que les lments sont inscables, et toutes les propositions de ce genre qui sont seules saccorder avec ce qui apparat; cela nest pas le cas pour les ralits clestes: au contraire se prsente une multiplicit de causes pour leur production, et dassertions relatives leur tre mme, en accord avec les sensations. Car il ne faut pas pratiquer ltude de la nature en sappuyant sur des principes vides et des dcrets de loi, mais comme le rclame ce qui apparat. En effet, notre mode de vie ne requiert pas une recherche qui nous serait propre, et une opinion vide, bien plutt une vie sans trouble. Tout devient inbranlable pour tout ce que lon rsout entirement selon le mode multiple en accord avec ce qui apparat, lorsquon conserve, comme il convient, ce qu propos de ces ralits on nonce avec vraisemblance; mais lorsquon admet une explication et quon rejette telle autre, qui se trouve tre en un semblable accord avec ce qui apparat, il est clair que lon sort du domaine de ltude de la nature, pour se prcipiter dans le mythe.

Certaines des choses qui apparaissent prs de nous fournissent des signes de ce qui saccomplit dans les rgions clestes, car on les observe comme elles sont, la diffrence de celles qui apparaissent dans les rgions clestes; il est en effet possible que ces dernires arrivent de multiples faons. Il faut toutefois conserver limage de chacune des ralits clestes, et en rendre compte par ce qui lui est rattach, ce dont la ralisation multiple nest pas infirme par les choses qui arrivent prs de nous.

Un monde est une enveloppe du ciel, qui enveloppe astres, terre et tout ce qui apparat, qui sest scinde de lillimit, et qui se termine par une limite ou rare ou dense, dont la dissipation bouleversera tout ce quelle contient; et elle se termine sur une limite soit en rotation soit en repos, avec un contour rond, triangulaire ou quel quil soit; car tous sont possibles: rien de ce qui apparat ne sy oppose dans ce monde-ci, o il ny a pas moyen de saisir ce qui le termine. Mais il y a moyen de saisir qu la fois de tels mondes sont en nombre illimit, et quaussi un tel monde peut survenir tant dans un monde que dans un inter-monde, comme nous appelons lintervalle entre des mondes, dans un lieu comportant beaucoup de vide, mais pas dans un vaste lieu, pur et vide, comme le disent certains, et ce, dans la mesure o des semences appropries scoulent dun seul monde, ou inter-monde, ou bien de plusieurs, produisant peu peu des adjonctions, des articulations et des dplacements vers un autre lieu, selon les hasards, et des arrosements provenant de rserves appropries, jusqu parvenir un tat dachvement et de permanence, pour autant que les fondations poses permettent de les recevoir. Car il ne suffit pas que se produise un agrgat, ou un tourbillon dans le vide o il est possible quun monde surgisse, daprs ce que lon croit tre par ncessit, et quil saccroisse jusqu ce quil heurte un autre monde, ainsi que lun des rputs physiciens le dit; car cela est en conflit avec ce qui apparat.

Le soleil, la lune et les autres astres, qui se formaient par eux-mmes, taient ensuite envelopps par le monde, ainsi videmment que tout ce quil prserve, mais ds le dbut ils se faonnaient et saccroissaient (de la mme faon que la terre et la mer) grce des accrtions et des tournoiements de fines particules, quelles soient de nature vente ou igne, ou bien les deux; la sensation nous indique en effet que cela se fait ainsi.

La grandeur du soleil et des autres astres, considre par rapport nous, est telle quelle apparat, car il ny a pas dautre distance qui puisse mieux correspondre cette grandeur. Si on le considre en lui-mme, sa grandeur est ou plus grande que ce que lon voit, ou un peu plus petite, ou identique (pas en mme temps). Cest ainsi galement que les feux, quauprs de nous lon observe distance, sont observs selon la sensation. Et on rsoudra aisment tout ce qui fait obstacle dans cette partie, si lon sapplique aux vidences, ce que nous montrons dans les livres Sur la nature.

Levers et couchers du soleil, d la lune et des autres astres peuvent rsulter respectivement dune inflammation et dune extinction, Si lenvironnement est tel - et ce en chacun des deux lieux correspondants - que ce qui vient dtre dit saccomplisse; car rien de ce qui apparat ne linfirme; et cest encore par une mergence au-dessus de la terre, puis au contraire par une interposition, que levers et couchers pourraient se produire; car rien de ce qui apparat ne linfirme.

Pour leurs mouvements, il nest pas impossible quils rsultent soit dune rotation du ciel tout entier soit du fait que, si celui-ci est en repos, eux connaissent une rotation engendre lorient suivant la ncessit luvre lorigine, lors de la naissance du monde, ensuite, prenant en compte la chaleur, du fait dune certaine propagation du feu qui progresse toujours vers des lieux contigus.

Les rtrogradations du soleil et de la lune peuvent survenir en raison de lobliquit du ciel qui se trouve par moments contraint obliquer; galement parce que de lair les repousse, ou bien aussi parce que la matire dont ils ont constamment besoin, et qui senflamme progressivement, les a abandonns; ou il se peut aussi que ds le dbut un tourbillon ait envelopp ces astres, un tourbillon que leur mouvement soit comme celui dune spirale. Car toutes ces raisons et celles qui leur sont apparentes ne sont en dsaccord avec aucune des vidences si, pour de tels aspects particuliers, sattachant au possible, lon peut ramener chacune delles un accord avec ce qui apparat, sans redouter les artifices des astronomes, qui rendent esclave.

Les videments et les remplissements de la lune pourraient se produire aussi bien en raison du tour queffectue ce corps quen raison galement des configurations de lair, mais encore en raison dinterpositions, et de tous les modes par lesquels ce qui apparat auprs de nous, nous appelle rendre compte de cet aspect-l, condition que lon ne se satisfasse pas du mode unique et que lon ne repousse pas de faon vaine les autres modes, nayant pas observ ce quil tait possible et ce quil tait impossible un homme dobserver, et dsireux en consquence dobserver limpossible.

En outre, il se peut que la lune soit lumineuse par elle-mme, possible aussi quelle le soit grce au soleil. De fait, autour de nous, lon voit beaucoup de choses qui sont lumineuses par elles-mmes, et beaucoup qui le sont grce dautres. Et rien de ce qui apparat dans le ciel ne fait obstacle cela, Si lon garde toujours en mmoire le mode multiple et si lon considre ensemble les hypothses et les causes qui sont conformes ce qui apparat, si lon ne considre pas ce qui ne lui est pas conforme, que lon grossit en vain, et si lon nincline pas dune manire ou dune autre vers le mode unique.

Lapparent visage en elle peut rsulter aussi bien de la diffrence de ses parties successives que dune interposition, ainsi que de tous les modes dont, en tous points, lon observerait laccord avec ce qui apparat; pour toutes les ralits clestes en effet, il ne faut pas renoncer suivre une telle piste; car si lon entre en conflit avec les vidences, jamais il ne sera possible davoir part lataraxie authentique.

Une clipse de soleil et de lune peut rsulter aussi bien dune extinction - comme auprs de nous lon voit cela arriver - qugalement dune interposition dautres corps, soit la terre, soit le ciel, ou un autre du mme type; et cest de cette faon quil faut considrer ensemble les modes apparents les uns aux autres, et voir que le concours simultan de certains modes nest pas impensable.

En outre, comprenons lordre rgulier de la rvolution la faon dont certaines choses se produisent prs de nous, et que la nature divine ne soit en aucun cas pousse dans cette direction, mais quon la conserve dpourvue de charge et dans une entire flicit; car si lon ne procde pas ainsi, toute ltude des causes touchant les ralits clestes sera vaine, comme cela est dj arriv certains qui ne se sont pas attachs au mode possible, mais sont tombs dans la vanit pour avoir cru que cela arrivait seulement selon un seul mode, et avoir rejet tous les autres qui taient compatibles avec le possible, emports vers limpensable et incapables dobserver ensemble tout ce qui apparat, quil faut recueillir comme ses signes.

Les longueurs changeantes des nuits et des jours peuvent venir soit des mouvements rapides et inversement, lents, du soleil au-dessus de la terre, parce quil change les longueurs des espaces parcourus, soit parce quil parcourt certains espaces plus vite ou plus lentement, comme on observe aussi des cas prs de nous, avec lesquels il faut saccorder lorsquon parle des ralits clestes. Mais ceux qui se saisissent de lunit entrent en conflit, avec ce qui apparat et chouent se demander si la considrer est possible lhomme.

Les signes prcurseurs peuvent apparatre soit la faveur de concours de circonstances, comme dans le cas des animaux qui en manifestent prs de nous, soit en raison daltrations de lair et des changements; car ces deux explications ne sont pas en conflit avec ce qui apparat; mais dans quels cas elles se produisent pour telle ou telle cause, il nest pas facile de le voir galement.

Les nuages peuvent se constituer et sassembler soit par le foulage de lair d la compression des vents, soit par des enchevtrements datomes concatns et propres produire ce rsultat, soit en raison de la runion de courants issus de la terre et des eaux; mais il nest pas impossible que les assemblages de tels lments se ralisent selon bien dautres modes. Par suite, les eaux peuvent se former en eux pour autant que les nuages se pressent, et changent, et aussi parce que des vents, sexhalant des lieux appropris, se dplacent dans lair, laverse plus violente se produisant partir de certains agrgats convenant pour de telles prcipitations.

Il est possible que les coups de tonnerre se produisent en raison du roulement du vent dans les cavits des nuages, comme cest le cas dans nos viscres, galement par le grondement du feu quun vent, dans les nuages, alimente, aussi en raison des dchirures et des cartements des nuages, et aussi en raison des frottements et des ruptures des nuages sils se sont congels comme de la glace; ce qui apparat nous appelle reconnatre quau mme titre que lensemble, cette ralit particulire se produit selon plusieurs modes.

Et les clairs, de mme, se produisent selon plusieurs modes; en effet, cest par le frottement et le choc des nuages que la configuration du feu propre produire cet effet, lorsquelle sen chappe, produit lclair; galement par lattisement, sous laction des vents, de corps de ce genre arrachs aux nuages, qui disposent lclat que lon voit; galement par pressurage, si les nuages sont comprims, soit les uns par les autres, soit par les vents; galement par lenveloppement de la lumire qui sest rpandue depuis les astres, car ensuite elle est contracte par le mouvement des nuages et des vents, et elle schappe travers les nuages; ou bien par le filtrage, d aux nuages, de la lumire la plus fine, et par le mouvement de cette lumire; ou encore par lembrasement du vent, qui se produit en raison de la forte tension du mouvement et dun violent enroulement; aussi par les dchirures des nuages sous leffet des vents et lexpulsion des atomes producteurs de feu, qui produisent limage de lclair. Et il sera facile de voir distinctement cela en suivant bien dautres modes, si lon sen tient toujours ce qui apparat, et si lon est capable de considrer ensemble ce qui est semblable.

Lclair prcde le tonnerre dans une disposition nuageuse de ce genre, soit parce quen mme temps que le vent tombe sur les nuages, la configuration produisant lclair est expulse, et ensuite le vent qui est roul produit ce grondement; soit, en raison de la chute de lun et de lautre en mme temps, lclair vient jusqu nous grce une vitesse plus soutenue, et le tonnerre arrive avec du retard, comme cest le cas pour certaines choses vues de loin, qui produisent des coups.

Il est possible que les foudres se produisent en raison de runions de vents en plus grand nombre, dun puissant enroulement et dun embrasement, et dune dchirure dune partie suivie dune expulsion de celle-ci plus puissante encore, en direction des lieux infrieurs - la dchirure survient parce que les lieux attenants sont plus denses, en raison du foulage des nuages; aussi en raison du feu comprim qui est expuls, comme il est possible aussi que le tonnerre se produise, lorsquil est devenu plus important, que le vent la puissamment aliment et quil a rompu le nuage, du fait quil ne peut se retirer dans les lieux attenants, cause du foulage (le plus souvent contre une montagne leve, sur laquelle les foudres tombent avant tout), qui se fait toujours entre les nuages. Et il est possible que les foudres se produisent selon bien dautres modes; que seulement soit banni le mythe ! Et il sera banni si lon procde des infrences sur ce qui napparat pas, en saccordant correctement avec ce qui apparat.

Il est possible que les cyclones se produisent dune part en raison de la descente dun nuage dans des lieux infrieurs, qui change de forme en tant pouss par un vent dense, et se trouve emport en masse du fait de ce vent abondant, en mme temps quun vent extrieur pousse le nuage de proche en proche; et aussi bien en raison dune disposition circulaire du vent, lorsque de lair se trouve pouss par en haut, et quun fort flux de vent se cre, incapable de scouler sur les cts, cause du foulage de lair tout autour. Et si le cyclone descend jusqu la terre, se forment des tornades, quelle que soit la faon dont leur naissance a lieu selon le mouvement du vent; sil descend jusqu la mer, ce sont des tourbillons qui se constituent.

Il est possible que les sismes se produisent en raison de linterception de vent dans la terre, de sa disposition le long de petites masses de cette dernire, et de son mouvement continu, ce qui provoque un tremblement dans la terre. Et ce vent, la terre lembrasse ou bien parce quil vient de lextrieur, ou bien parce que seffondrent des fonds intrieurs qui chassent lair captur dans les lieux caverneux de la terre. Et en raison de la communication mme du mouvement par suite de leffondrement de nombreux fonds et de leur renvoi en sens inverse, quand ils rencontrent des concentrations plus fortes de terre - il est possible que se produisent les sismes. Et il est possible que ces mouvements de la terre se produisent selon plusieurs autres modes.

Il arrive que les vents surviennent au bout dun certain temps, lorsquun lment tranger sintroduit, rgulirement et petit petit, et aussi par le rassemblement deau en abondance; et les autres vents se produisent, mme si ce sont de faibles quantits qui tombent dans les nombreuses cavits, lorsquelles se diffusent.

Le grle se forme la fois en raison dune conglation assez forte, du rassemblement de certains lments venteux venus de tous cts, et dune division en parties, et aussi par la conglation assez modre de certains lments aqueux, en mme temps que leur rupture, qui produisent la fois leur compression et leur clatement, conformment au fait que lorsquils glent ils se condensent par parties et en masse. Et la rondeur, il nest pas impossible quelle tienne au fait que de tous cts les extrmits fondent, et que lors de sa condensation, de. tous cts, comme on dit, se disposent autour de manire gale, partie par partie, des lments aqueux ou venteux.

Il est possible que la neige se forme dune part lorsquune eau fine scoule la suite de ladaptation de nuages diffrents, de la pression des nuages appropris, et de sa, dissmination par le vent, et quensuite cette eau gle se dplaant, parce que, dans les rgions situes au-dessous des nuages, il y a un fort refroidissement; et aussi, en raison dune conglation dans les nuages qui prsentent une densit faible et rgulire, pourrait se produire une mission, hors des nuages qui se pressent les uns contre les autres, dlments aqueux disposs cte cte, lesquels, sils subissent une sorte de compression, produisent finalement de la grle, chose qui arrive surtout dans lair. Et aussi en raison du frottement des nuages qui ont gel, cet agrgat de neige pourrait, en retour, slancer. Et il est possible que la neige se forme selon dautres modes.

Le rose se forme dune. part en raison de la runion mutuelle dlments en provenance de lair, de nature produire une humidit de cette sorte; et cest dautre part en raison dun mouvement qui part des lieux humides ou des lieux qui contiennent de leau, que la rose se forme dans les lieux o elle apparat: ensuite ces lments se runissent au mme point, produisent lhumidit, et vont en sens inverse vers le bas, ainsi que souvent, mme prs de nous, se forme de manire semblable ce genre de choses. Et la gele blanche se forme lorsque ces roses connaissent une sorte de conglation, cause dune disposition dair froid.

La glace se forme aussi bien par lexpression hors de leau de la forme arrondie, et la compression des lments ingaux et angle aigu qui se trouvent dans leau, que par le rapprochement, partir de lextrieur, dlments de cette nature qui, runis, font geler leau, une fois quils ont exprim une certaine quantit dlments ronds.

Larc-en-ciel survient en raison de lclairement par le soleil dun air aqueux, ou bien en raison dune nature particulire de lair, qui tient la fois de la lumire et de lair, qui produira les particularits de ces couleurs, soit toutes ensemble, soit sparment; et partir de cet air-l, do se spare , nouveau en brillant, la lumire, les parties limitrophes de lair prendront cette coloration, telle que nous la voyons par lclairement des parties; quant sa forme arrondie, cette image se forme parce que la vision voit un intervalle partout gal, ou parce que les sections dans lair se compriment de la sorte, ou bien parce que dans les nuages, les atomes tant emports partir dun mme air, un certain arrondi se dpose dans ce compos.

Le halo autour de la lune se produit parce que de lair se porte de tous cts vers la lune, et que, ou bien il renvoie galement les coulements qui sont mans delle, jusqu disposer en un cercle la nbulosit que lon voit, sans oprer une sparation complte, ou bien il renvoie de faon proportionne, de tous cts, lair qui est autour de la lune, pour disposer ce qui entoure cette dernire en une priphrie ayant une paisseur. Cela se produit seulement en certaines parties soit parce quun coulement venu de lextrieur exerce une violente pression, soit parce que la chaleur sempare des passages appropris pour raliser cet effet.

Les astres chevelus naissent soit parce quapparat la disposition qui fait que du feu prend consistance dans les rgions clestes, en certains lieux, certains moments, soit parce que le ciel, par moments, adopte au-dessus de nous un mouvement particulier, propre faire apparatre de tels astres, ou encore ils slancent certains moments en raison dune disposition donne, se dirigent vers les lieux que nous occupons, et deviennent visibles. Et leur disparition survient par suite de causes opposes celles-l.

Certains astres tournent sur p1ace: cela arrive non seulement parce que cette partie monde autour de laquelle le reste tourne, est immobile, comme le disent certains, mais aussi parce quun tourbillon dair tourne autour de lui en cercle, et lempche de faire un parcours identique celui des autres; ou bien parce qu proximit ils nont pas la matire approprie, tandis quils lont dans le lieu o on les voit demeurer. Et il est possible que cela arrive selon bien dautres modes, si lon peut rassembler par le raisonnement ce qui est en accord avec ce qui apparat.

Que certains astres soient errants, sil arrive quils aient des mouvements de cette sorte, tandis que dautres ne se meuvent pas ainsi, il est possible dune part que cela tienne ce quils ont t contraints ds le commencement se mouvoir en cercle, si bien que les uns sont transports par le mme tourbillon parce quil est gal, tandis que les autres le sont par un tourbillon qui comporte en mme temps des ingalits. Mais il est possible galement que selon les lieux o ils sont transports, il se trouve des tendues dair gales qui les poussent successivement dans la mme direction et les enflamment de faon gale, tandis que dautres sont assez ingales pour que puissent saccomplir les changements que lon observe. Mais donner de ces faits une seule cause, alors que ce qui apparat en appelle une multiplicit, est dlirant et se trouve mis en uvre, au rebours de ce quil convient de faire, par les zlateurs de la vaine astronomie, qui donnent de certains faits des causes dans le vide, ds lors quils ne dlivrent pas la nature divine de ces charges-l.

Il arrive dobserver que certains astres sont laisss en arrire par dautres, soit parce que, tout en parcourant le mme cercle, ils sont transports autour de lui plus lentement, soit parce quils sont mus selon un mouvement contraire, et sont tirs en sens inverse par le mme tourbillon, soit parce quils sont transports, tantt sur un espace plus grand, tantt plus petit, tout en tournant en cercle autour du mme tourbillon. Et se prononcer de faon simple sur ces faits ne convient qu ceux qui veulent raconter des prodiges la foule.

Les astres que lon dit tomber, et par parties, peuvent se constituer, soit par leur propre usure, et par leur chute, l o se produit un dgagement de souffle, ainsi que nous lavons dit pour les clairs aussi; soit par la runion datomes producteurs de feu, lorsque apparat un regroupement susceptible de produire cela, et par un mouvement l o llan a surgi depuis le commencement, lors de leur runion; soit par le rassemblement de souffle dans les amas nbuleux et par leur embrasement d lenroulement quils subissent, ensuite par la dsintgration des parties enveloppantes; et lendroit vers lequel entrane llan, cest vers l que le mouvement se porte. Et il y a dautres modes permettant cela de saccomplir, en un nombre que je ne saurais dire.

Les signes prcurseurs qui se produisent en certains animaux, se produisent par un concours de circonstances; car les animaux nintroduisent aucune ncessit qui ferait se raliser le mauvais temps, et nulle nature divine ne trne surveillant les sorties de ces animaux, ni, ensuite, naccomplit ce que ces signes annoncent; car ce nest pas sur le premier animal venu, mme un peu plus sens, quune telle folie pourrait tomber, encore moins sur celui qui dispose du parfait bonheur.

Remmore-toi tous ces points, Pythocls, car tu tcarteras de beaucoup du mythe, et tu seras capable de concevoir ce qui est du mme genre. Mais surtout, consacre-toi lobservation des principes, de lillimit et de ce qui leur est apparent, et encore des critres et des affections, et de ce en vue de quoi nous rendons compte de ces questions. Car ce sont eux surtout; lorsquon les observe ensemble, qui feront concevoir facilement les causes des ralits particulires; mais ceux qui ne ressentent pas pour eux le plus vif attachement, ne pourront pas correctement observer ensemble ces lments mmes, ni obtenir ce en vue de quoi il faut les observer.