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© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 9 Pour résumer les principales données épidémiologi- ques sur les maladies rhumatismales, nous proposons de centrer notre propos sur l’incidence et la prévalence des pathologies les plus fréquentes. Parmi elles, on trouve essentiellement les pathologies rachidiennes (lombalgies et lomboradiculalgies), les pathologies osseuses (l’ostéo- porose essentiellement pour les pathologies diffuses et la maladie de Paget pour les pathologies localisées), les pathologies articulaires (rhumatismes inflammatoires et arthrose) et les pathologies liées au sport. La prévalence des lombalgies a surtout été étudiée à partir d’auto questionnaires, dans les pays nordiques. On distingue la lombalgie apparue pendant la durée de vie avant l’enquête, celle apparue dans l’année, le mois ou la semaine qui a précédé l’enquête, et celle qui existe au moment de l’enquête. En bref, la prévalence de la lombalgie s’accroît à partir de l’age de 12 ans pour at- teindre, chez l’adulte, un taux de 50 % pour la prévalen- ce sur l’année précédente et de 67 % pour la prévalence sur la durée de vie [1]. L’incidence de la lombalgie sur un an dans une population de 18 à 75 ans est de l’ordre de 35 % [2]. L’ostéoporose est une ostéopathie déminéralisante diffuse qui augmente la fragilité osseuse, et donc le ris- que de fractures, que l’on définit en pratique à partir de critères densitométriques (T-score < -2,5). Cette définition permet de reconnaître la maladie à un stade pré-fracturaire. Néanmoins, des fractures ostéoporoti- ques surviennent chez des femmes ostéopéniques (-2,5 < T-Score < -1) et ce sont les fractures (de l’extrémité supérieure du fémur ou FESF, vertébrale ou FV et du radius) qui sont symptomatiques. L’approche épidémio- logique repose donc plus volontiers sur l’incidence des fractures. L’incidence de la FESF est de 17 pour 10 000 chez les femmes et 6,2 pour 10 000 chez les hommes de 20 ans et plus [3]. Elle atteint après 65 ans 67,9 pour 10 000 chez les femmes et 26,1 pour 10 000 chez les hommes [4, 5]. L’incidence des FV est difficile à évaluer car elles sont moins symptomatiques et n’imposent que rarement une hospitalisation. La cohorte européenne EPOS (European Prospective Osteoporosis Study) a per- mis d’estimer une incidence annuelle des FV radiogra- phiques à 1 % chez la femme et 0,5 % chez l’homme âgé de 65 ans. La maladie osseuse de Paget est la maladie osseuse la plus fréquente après l’ostéoporose, touchant, en 1988, 0,5 à 4,6 % de la population adulte de plus de 55 ans, avec de larges variations géographiques (4,6 % en Grande Bretagne, 2,5 % en France, 0,5 % en Grèce) [6]. Cette prévalence aurait diminué, notamment en Grande Bretagne, de 40 % entre 1974 et 1994 [7]. La première étude française publiée en 1995 estimait les taux de prévalence à 2,5 % pour les hommes et 1,5 % pour les femmes adultes et la deuxième étude publiée en 2000, estimait le taux de prévalence chez les femmes de plus de 75 ans entre 1,1 et 1,8 %. La prévalence de la maladie osseuse de Paget diagnostiquée est bien infé- rieure et a été estimé à 0,3 % en Angleterre [8] par Van Staa et coll. La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le rhumatisme inflammatoire le plus fréquent. Les études de prévalence donnent des estimations variables d’un pays à l’autre, celles-ci oscillant entre 0,3 % et 1 %. Aux Etats-Unis, on estime la prévalence de la PR à 1,4 % pour les femmes et à 0,74 % pour les hommes [9]. En Europe, il existe des disparités régionales avec une prévalence estimée à 0,81 % en Grande Bretagne (1,16 % chez les femmes et 0,44 % chez les hommes) [10], 0,5 % en Espagne (0,8 % chez les femmes et 0,2 % chez les hommes) [11] et 0,33 % en Italie (0,51 % chez les femmes et 0,13 % Alain Saraux Service de Rhumatologie, CHU de la Cavale Blanche, bd Tanguy Prigent, 29609 Brest cedex, France Épidémiologie des maladies rhumatismales en France Revue du Rhumatisme 74 (2007) 9-11 Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] Mots clés : Épidémiologie ; Rhumatologie

Épidémiologie des maladies rhumatismales en France

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© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Pour résumer les principales données épidémiologi-ques sur les maladies rhumatismales, nous proposons de centrer notre propos sur l’incidence et la prévalence des pathologies les plus fréquentes. Parmi elles, on trouve essentiellement les pathologies rachidiennes (lombalgies et lomboradiculalgies), les pathologies osseuses (l’ostéo-porose essentiellement pour les pathologies diff uses et la maladie de Paget pour les pathologies localisées), les pathologies articulaires (rhumatismes infl ammatoires et arthrose) et les pathologies liées au sport.

La prévalence des lombalgies a surtout été étudiée à partir d’auto questionnaires, dans les pays nordiques. On distingue la lombalgie apparue pendant la durée de vie avant l’enquête, celle apparue dans l’année, le mois ou la semaine qui a précédé l’enquête, et celle qui existe au moment de l’enquête. En bref, la prévalence de la lombalgie s’accroît à partir de l’age de 12 ans pour at-teindre, chez l’adulte, un taux de 50 % pour la prévalen-ce sur l’année précédente et de 67 % pour la prévalence sur la durée de vie [1]. L’incidence de la lombalgie sur un an dans une population de 18 à 75 ans est de l’ordre de 35 % [2].

L’ostéoporose est une ostéopathie déminéralisante diff use qui augmente la fragilité osseuse, et donc le ris-que de fractures, que l’on défi nit en pratique à partir de critères densitométriques (T-score < -2,5). Cette défi nition permet de reconnaître la maladie à un stade pré-fracturaire. Néanmoins, des fractures ostéoporoti-ques surviennent chez des femmes ostéopéniques (-2,5 < T-Score < -1) et ce sont les fractures (de l’extrémité supérieure du fémur ou FESF, vertébrale ou FV et du radius) qui sont symptomatiques. L’approche épidémio-logique repose donc plus volontiers sur l’incidence des fractures. L’incidence de la FESF est de 17 pour 10 000 chez les femmes et 6,2 pour 10 000 chez les hommes de

20 ans et plus [3]. Elle atteint après 65 ans 67,9 pour 10 000 chez les femmes et 26,1 pour 10 000 chez les hommes [4, 5]. L’incidence des FV est diffi cile à évaluer car elles sont moins symptomatiques et n’imposent que rarement une hospitalisation. La cohorte européenne EPOS (European Prospective Osteoporosis Study) a per-mis d’estimer une incidence annuelle des FV radiogra-phiques à 1 % chez la femme et 0,5 % chez l’homme âgé de 65 ans.

La maladie osseuse de Paget est la maladie osseuse la plus fréquente après l’ostéoporose, touchant, en 1988, 0,5 à 4,6 % de la population adulte de plus de 55 ans, avec de larges variations géographiques (4,6 % en Grande Bretagne, 2,5 % en France, 0,5 % en Grèce) [6]. Cette prévalence aurait diminué, notamment en Grande Bretagne, de 40 % entre 1974 et 1994 [7]. La première étude française publiée en 1995 estimait les taux de prévalence à 2,5 % pour les hommes et 1,5 % pour les femmes adultes et la deuxième étude publiée en 2000, estimait le taux de prévalence chez les femmes de plus de 75 ans entre 1,1 et 1,8 %. La prévalence de la maladie osseuse de Paget diagnostiquée est bien infé-rieure et a été estimé à 0,3 % en Angleterre [8] par Van Staa et coll.

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le rhumatisme infl ammatoire le plus fréquent. Les études de prévalence donnent des estimations variables d’un pays à l’autre, celles-ci oscillant entre 0,3 % et 1 %. Aux Etats-Unis, on estime la prévalence de la PR à 1,4 % pour les femmes et à 0,74 % pour les hommes [9]. En Europe, il existe des disparités régionales avec une prévalence estimée à 0,81 % en Grande Bretagne (1,16 % chez les femmes et 0,44 % chez les hommes) [10], 0,5 % en Espagne (0,8 % chez les femmes et 0,2 % chez les hommes) [11] et 0,33 % en Italie (0,51 % chez les femmes et 0,13 %

Alain Saraux

Service de Rhumatologie, CHU de la Cavale Blanche, bd Tanguy Prigent, 29609 Brest cedex, France

Épidémiologie des maladies rhumatismales en France

Revue du Rhumatisme 74 (2007) 9-11

Correspondance.Adresse e-mail : [email protected]

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chez les hommes) [12]. En Grèce, la prévalence de la PR est estimée à 0,45 % pour les femmes et 0,19 % chez les hommes [13]. En France, les données les plus récentes évaluent la prévalence de la PR à 0,3 % (0,51 % chez les femmes et 0,09 % chez les hommes), avec une augmentation de la prévalence en fonction de l’âge puis une décroissance de celle-ci à partir de 75 ans [14].

Les données d’incidence sont plus limitées tant en France qu’à l’étranger. Une étude menée en Lorraine au début des années 90 estimait l’incidence annuelle à 90 cas par million d’habitants [15].

Si les spondylarthropathies étaient considérées comme plus rares que la PR, il est maintenant démon-tré [16] que les prévalences de ces 2 maladies sont si-milaires. En France, la prévalence des spondylarthro-pathies est estimée à 0,3 % avec des chiff res identiques chez les hommes et les femmes. Aux Etats-Unis, la pré-valence des spondylarthropathies est estimée à 0,21 % et celle du rhumatisme psoriasique à 0,25 % [17, 18]. La prévalence de la spondylarthrite ankylosante est de 0,26 % en Norvège du Nord [19].

La prévalence des autres rhumatismes infl ammatoi-res, plus rares, est résumée sur le tableau I

L’arthrose peut être abordée en terme de prévalence autopsique, radiographique et clinique (symptomati-que). Les informations les plus accessibles sont celles de l’arthrose radiologique mais les formes symptoma-tiques sont les plus intéressantes à connaître. Mannoni et coll [20], dans une étude portant sur une popu-lation italienne de 697 sujets de plus de 65 ans ont observé une prévalence de 29,8 %, 14,9 %, et 7,7 % respectivement pour le genou, la main et la hanche. Andrianakos et coll. [21], sur une population grecque de 10,647 sujets, observent une prévalence de l’arth-rose symptomatique de 6 % pour le genou, 2 % pour la main et 0,9 % pour la hanche. Ces prévalences de l’arthrose symptomatique sont signifi cativement plus importantes chez la femme que chez l’homme et aug-mentent signifi cativement avec l’âge.

Dans l’étude de Wilson et coll. [22], portant sur la population générale, le taux d’incidence ajusté sur l’âge et le sexe est estimé à 47,3 pour 100 000 person-nes années et 163,8 pour 100 000 personnes années pour la hanche et le genou respectivement. L’incidence de l’arthrose des mains, hanches et genoux augmente avec l’âge, et les femmes semblent présenter des taux d’incidence plus élevés que les hommes, surtout après 50 ans.

Dans le domaine de la médecine du sport, une en-quête réalisée aux États-Unis par interrogatoire direct

pour évaluer les sports pratiqués et les blessures obser-vées a montré que près de 7 millions d’américains ont eu en 1997-1999 une pathologie du sport, soit 25,9 pour 1000 habitants, mais avec de chiff res proches du double chez les 5-24 ans [23]. Le basket-ball apparaît comme le plus grand pourvoyeur. Chez les hommes, après le basket, c’est surtout le football américain et le vélo. Chez les femmes, ce sont surtout la gymnastique et le basket-ball. Une enquête similaire a été eff ectuée par une clinique du sport australienne en 1997, sur 6476 consultations, mais elle a plus porté sur la mo-tivation d’un recrutement en médecine du sport que sur la distribution des atteintes [24]. Ces études sou-lignent, par la prééminence de sports peu pratiqués en France, combien une étude doit être adaptée au contexte. Aucune étude française n’est actuellement disponible dans ce domaine en dehors d’une enquête nationale française qui a évalué le motif de consulta-tion de 7291 patients consultant un médecin du sport, mais sans notion de prévalence ou d’incidence [25].

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Tableau 1 : Prévalence des rhumatismes inflammatoires en France.

Pathologies Prévalence (%)

Polyarthrite rhumatoïde 0,3

SpondylarthropathiesSpondylarthrite ankylosanteRhumatisme psoriasique

0,30,080,19

Pseudopolyarthrite rhizoméliqueMaladie de Horton

≈ 0,1 à 0,2≈ 0,1 à 0,2

Maladie de Still -

Syndrome de Gougerot-Sjögren -

Lupus érythémateux aigu disséminé 0,04

Polymyosite dermatomyosite -

Sclérodermie 0,016

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