Etre mère en situation de précarité économique. Etude exploratoire qualitative

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L'objet de cet article est d'analyser des entretiens semi-directifs de mères en situation de précarité économique. Il analyse "l'expérience maternelle" au travers de l'enfance des mères, de leur relation conjugale, de leur rôle maternel et du soutien social qu'elles sollicitent.

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  • TRE MRE EN SITUATION DE PRCARIT CONOMIQUE. TUDEEXPLORATOIRE QUALITATIVE

    Chantal Zaouche-Gaudron et al.

    L'Harmattan | La revue internationale de l'ducation familiale

    2007/1 - n 21pages 51 69

    ISSN 1279-7766

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-la-revue-internationale-de-l-education-familiale-2007-1-page-51.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Zaouche-Gaudron Chantal et al., tre mre en situation de prcarit conomique. tude exploratoire qualitative , La revue internationale de l'ducation familiale, 2007/1 n 21, p. 51-69. DOI : 10.3917/rief.021.0051--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Distribution lectronique Cairn.info pour L'Harmattan. L'Harmattan. Tous droits rservs pour tous pays.

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  • La revue internationale de lducation familiale, n21, 2007 51

    tre mre en situation de prcarit conomique

    tude exploratoire qualitative4

    Chantal Zaouche-Gaudron5, Sverine Euillet6, Olivia Troupel-Cremel7, Pauline Jayr8

    ___________________________________________________

    Lobjet de cet article est danalyser des entretiens semi-directifs de mres en situation de prcarit socio-conomique. Il analyse lexprience maternelle au travers de lenfance des mres, de leur relation conjugale, de leur rle maternel et du soutien social quelles sollicitent. Il rend compte, partir de ces diffrentes dimensions, de la faon dont elles exercent et se reprsentent leur maternit. 18 mres

    4 Recherche finance par la DRASS Midi-Pyrnes (Comit Rgional des

    politiques de sant : Etudes rgionales de sant) et par la Caisse Nationale dAllocations Familiales. 5 Professeur de psychologie du dveloppement, Laboratoire Psychologie du

    dveloppement et processus de socialisation, Universit Toulouse II Le Mirail, 5 alles A. Machado, 31058 Toulouse, cedex 9. 6 Doctorante en psychologie, Laboratoire Psychologie du dveloppement et

    processus de socialisation, Universit Toulouse II Le Mirail. 7 Docteur en psychologie et ATER, Laboratoire Psychologie du

    dveloppement et processus de socialisation, Universit Toulouse II Le Mirail 8 Psychologue, CMP pour adolescents et jeunes adultes, Albi.

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    denfants gs de 44 mois en moyenne, en situation biparentale, ont t rencontres individuellement en entretiens semi-directifs. Trois lments mergent de lanalyse du discours : prgnance du modle traditionnel de la maternit, investissement important de lenfant et recherche active de soutien familial et auprs des services sociaux pour pallier leurs difficults financires.

    Mots cls : mre ; prcarit ; recherche qualitative ________________________________________________________

    Les donnes chiffres fournies par le Conseil de lEmploi, des Revenus et de la Cohsion sociale (CERC, 2004) rvlent que les situations de pauvret et de prcarit socio-conomique touchent de plus en plus denfants et de familles en France. Ainsi, un million denfants de moins de 18 ans vivaient en 1999 en dessous du seuil de pauvret montaire de 560 euros (seuil de pauvret 50%). A 60% du revenu mdian, comme le prconise lOffice statistique des Communauts europennes, ce chiffre serait deux fois plus lev, soit environ 16% de lensemble des enfants de moins de 18 ans. Ces lments nous incitent formuler que les situations de prcarit, dans toute leur diversit, dessinent un nouveau tournant socio-historique dans notre socit, y compris quand on se rfre la famille, sa dynamique et sa fonction. Si le devenir mre et ltre mre sancrent dans lhistoire psychique des femmes, les situations de conditions de vie dfavorises ne sont pas sans incidence sur la construction de leur identit maternelle, leur conjugalit, leur rle et place auprs de lenfant.

    1. Problmatique

    Les recherches en psychologie qui portent sur les populations prcaires savrent encore rares, notamment en France, et sont principalement issues de la littrature anglo-saxonne (Zaouche-Gaudron, 2005). Les principaux rsultats obtenus partir de ltude de Petterson et Burke Albers (2001), qui explore les donnes du National Maternal and Infant Health Survey sur un chantillon reprsentatif de 7677 dyades mre-enfant (les femmes sont ges de 15 49 ans et les enfants ont de 28 50 mois au moment de ltude), indiquent que les

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    mres dsavantages au plan conomique prsentent plus de dtresse psychologique que leurs homologues plus aises. Dautres travaux rapportent que les mres de jeunes enfants ont davantage de problmes psychologiques, compares aux autres femmes (Kaplan, Roberts, Camacho & Coyne, 1987, in Petterson & Burke Albers, 2001), avec des taux de dpression maternelle leve (Liaw & Brooks-Gunn, 1994).

    La relation conjugale semble tre aussi affecte par le contexte de tension quengendre une situation de prcarit conomique (Devault & Gratton, 2003). Les problmes financiers vont influencer les relations conjugales et la dynamique interactionnelle entre les deux partenaires (Conger, Elder, Lorenz, Conger, Simons, Whitbeck, Huck & Melby, 1990). Les problmes motionnels qui surgissent chez les femmes et leurs conjoints vont engendrer davantage de situations conflictuelles, qui vont, en retour, conduire au fil du temps une plus grande dtresse conjugale (Conger, Rueter, & Elder, 1999). La pression conomique semble exacerber les tensions au sein du couple et induire insatisfaction et conflits conjugaux. Par ailleurs, la place de la mre est essentielle dans la confiance que les pres peuvent avoir soccuper dun enfant, et toute attitude mfiante ou dprciatrice de la mre leur gard est prjudiciable leur engagement paternel (Allard & Binet, 2002).

    Sur le registre des pratiques ducatives et des interactions mres-enfants, les conditions de vie dfavorises ne sont pas sans consquence sachant quelles sont soumises trois types de contraintes, savoir, les ressources conomiques et culturelles, les anticipations relatives l'intgration sociale de leur enfant, elles-mmes dpendantes de son identit sociale (sexe et rang de naissance), et le type de cohsion groupale qui caractrise le fonctionnement de la famille. Ainsi, les parents en situation de stress permanent, li la privation conomique quils subissent, tmoignent de moins de ractivit lgard de leurs enfants, et adoptent des stratgies ducatives avec un contrle fort qui se traduit par des punitions plus dures. Plusieurs tudes tmoignent de ce contrle parental (Duncan & Brooks-Gunn, 1997 ; Mosley & Thomson, 1995) et relvent que la pauvret est un facteur de risque qui affecte, outre le fonctionnement et la stabilit familiale, les interactions parents-enfant (Brooks-Gunn & Duncan, 1997 ; Gibbons, Schiffman, Brophy-Herb, Fitzgerald, Omar, & McKelvey, 2001). Les premires tudes sur les familles pauvres montrent des difficults dans le parentage qui incluent plus dexpression daffect ngatif (comme la tristesse, la

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    colre), moins dengagement positif et moins de ractivit maternelle dans les soins donns aux enfants (Field, Masi, Goldstein, Perry & Parl, 1988 ; Lyons-Ruth, Connell, Grunebaum & Botein, 1990). Les travaux sur les populations hautement dsavantages montrent aussi des troubles dans les interactions mre-enfant (Cohn, Matias, Tronick, Connell, & Lyons-Ruth, 1986 ; Field, Healy, Goldstein, & Guthertz, 1990 ; Field & al., 1998 ; Field & al., 1995 in Petterson & Burke Albers, 2001). Par exemple, les mres non pauvres parlent ou rpondent deux fois ou plus leurs enfants que les mres pauvres. Les mres les plus aises ont davantage tendance montrer de laffection la fois verbale (sous forme dencouragements) et physique (sourires, caresses) envers leurs enfants (Bradley, Corwyn, Pipes McAdoo & Garcia Coll, 2001).

    Au regard des nouvelles perspectives de recherche en psychologie du dveloppement, lobjectif de cette tude exploratoire consiste analyser lexprience maternelle en situation de prcarit conomique en cernant les dimensions personnelle, conjugale, parentale et sociale.

    2. Mthodologie

    2.1. Echantillon

    Nous prsentons de faon synthtique, la manire de Allard et Binet (2002), les critres dinclusion et les raisons qui ont motiv nos choix de population.

    Situation gographique

    Les parents vivent en milieu urbain et pri-urbain : en effet, le fonctionnement familial rural nest pas toujours superposable celui de la famille urbaine. Les soutiens sociaux et institutionnels ny sont pas reprsents ni de la mme manire ni dans la mme proportion.

    Situation socio-conomique

    Les parents rencontrs sont dans une situation prcaire dune dure minimum de un an ; ils ont un faible niveau de ressources (RMI depuis au moins un an ou emplois peu qualifis ou succession demplois peu qualifis dure dtermine, temps complet ou temps partiel) : la dure de un an minimum fait rfrence aux tudes qui

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    montrent limportance de la dure de la prcarit conomique sur le devenir des enfants. Ce critre a pour objectif dliminer un biais de recherche li la diffrence entre une prcarit de crise et une prcarit installe .

    Logement

    Ils ont peu (ou nont pas) daccs la proprit : laccs la proprit reprsente une forme de stabilit pour ces familles en dtresse qui pourrait induire un biais important tant les conditions lies au logement sont essentielles pour la vie familiale.

    Composition de la famille

    Les deux parents vivent dans un mme foyer et leurs enfants sont gs de 3 5 ans : la pluralit des structures familiales (monoparentales, recomposes, en situation de rsidence alterne) est telle que nous avons choisi dexaminer une structure familiale biparentale htrosexue dans laquelle les deux parents sont prsents auprs de lenfant.

    Nationalit

    Les deux parents sont de nationalit franaise : notre population est compose de parents de nationalit franaise ou issus de la seconde gnration et vivant en France.

    Nous avons rencontr au total un chantillon de 18 mres qui ont accept de raliser individuellement un entretien semi-directif. Elles constituent un groupe homogne qui rpond ces diffrents critres, sans tre pour autant reprsentatif de la population franaise prcaire dans la mesure o la situation de prcarit socio-conomique touche davantage les familles monoparentales et les familles nombreuses. Cependant, cette contribution sinscrit dans une recherche plus large dont lobjectif gnral est danalyser, dans un contexte de primoparentalit, non seulement lexprience maternelle mais aussi celle du pre ainsi que le dveloppement socio-affectif des jeunes enfants.

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    Tableau 1 : Caractristiques socio-conomiques

    Caractristiques Pres Mres Niveau scolaire : - Aucun - 3me - BEPC9 - CAP-

    BEP10 - Niveau baccalaurat11 - Niveau suprieur bac +212

    10 4 4

    10 2 6

    Emploi : - Chmage et/ou au RMI13 - Travail : temps partiel ou

    intrim - En formation - Cong parental

    11 7 0 0

    9 5 2 2

    Revenu annuel de la famille () - sans rponse - 5000 - 9999 - 10000 - 14999 - 15000 - 24999

    10 3 3 2

    Source des revenus : - Salaires - RMI - Allocations chmage - Aide famille

    7 6 4 1

    5 5 7 1

    Nationalit franaise : 1re gnration 2me gnration

    8 10

    6 12

    En dehors du fait que les parents sont soit au chmage ou bnficiaires du RMI, soit en emploi prcaire (ce qui est en accord avec nos critres dinclusion), force est de constater que la majorit dentre eux prsentent un niveau scolaire faible (14/18 pour les pres et 12/18 pour les mres). Le nombre important de sans rponse (10/18) relatif la question des

    9 Brevet dEtudes du Premier Cycle diplme obtenu au terme du collge.

    10 Certificat dAptitude Professionnel et Brevet dEnseignement

    Professionnel. 11

    Premier Grade Universitaire en France obtenu la fin de lenseignement secondaire. 12

    Obtention dun diplme quivalent 2 ans dtudes aprs lobtention du baccalaurat. 13

    Revenu Minimum dInsertion, salaire minimum vers par lEtat franais.

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    revenus annuels ne nous permet pas de connatre les ressources financires dont disposent plus de la moiti des familles de notre chantillon.

    2.2. Instrument et procdure

    Entretiens semi-directifs

    Cette tude procde, au plan mthodologique, dune dmarche qualitative par entretiens semi-directifs raliss auprs des 18 mres qui constituent notre chantillon. Les entretiens mens visent recueillir des informations sur le dveloppement et les caractristiques de lexprience maternelle dfinie par quatre axes (Zaouche-Gaudron & Devault, 2003)14 :

    - Lexamen du premier axe, relatif lhistoire personnelle, poursuit trois objectifs : reprer la structure familiale (nuclaire, monoparentale, recompose, dcs) en tant quenfant et adolescente, la qualit de la relation et des liens dattachement au pre, la mre, la fratrie ou autre adulte rfrent (si place en dehors du domicile familial, par exemple), et les ventuelles difficults familiales durant lenfance.

    - Laxe de la conjugalit permet de situer la rencontre avec le conjoint et la qualit de la relation conjugale.

    - Pour ce qui concerne la place parentale, son examen nous permet de considrer le devenir mre (dsir denfant, le vcu de la grossesse, la naissance) et ltre mre (relations lenfant au plan affectif, au niveau de limplication, et sur le registre de la responsabilit), et enfin de prciser la dimension intergnrationnelle.

    - Enfin, pour laxe social, nous voulons reprer si lentourage familial et amical et/ou les services sociaux facilitent la relation maternelle ou la freinent, et si les mres vont chercher ou non du soutien social.

    Recrutement

    Les mres ont t contactes par les intervenants de diffrents organismes (PMI, associations). Les entretiens ont t raliss leur domicile. Chaque mre a sign un formulaire de consentement pour que les entretiens soient enregistrs, lui assurant la confidentialit des propos, conformment aux rgles d'thique et au Code de Dontologie des Psychologues (Titre I, articles 1, 3, 5, 6 ; Titre II, articles 3, 9, 20).

    14 Non publi.

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    Lensemble des donnes a t anonym. Elles nont reu aucune compensation financire.

    Consigne de depart

    Le chercheur menant lentretien utilisait le prambule suivant : Nous allons vous poser quelques questions qui vous permettront dexprimer votre opinion sur diffrents aspects de votre exprience de mre. Nous souhaitons parler avec vous de votre cheminement personnel jusqu aujourdhui. Nous allons dabord discuter de votre histoire quand vous tiez enfant et adolescente, puis on va regarder ensemble votre vie de couple, de mre, puis votre vie avec les autres (lentourage et les services). Il ny a pas de bonne ou de mauvaise rponse, nous voulons juste connatre ce que vous pensez au sujet de la maternit, et vous pouvez, bien sr, faire le choix de ne pas rpondre certaines questions si vous le souhaitez. Ce sont vos propres mots qui nous intressent, cest pourquoi, si vous tes daccord, nous enregistrons lentrevue .

    Mthodes danalyse

    Les 18 entretiens auprs des mres ont t enregistrs et intgralement retranscrits (corpus denviron 150 pages). Nous avons procd, dans un premier temps, la lecture flottante et attentive de chacun des entretiens qui favorise l'appropriation des discours par les chercheurs. Nous avons exploit la mthode qualitative de Huberman et Miles (1991) qui propose une analyse descriptive des donnes afin de dcouvrir les reprsentations des sujets. Cette approche consiste identifier les units significatives en notant la frquence de certains termes, expressions, phrases pour chacun des thmes de lentretien (cest la raison pour laquelle certains rsultats seront prsents avec des donnes chiffres). Bien que cette analyse de contenu sappuie sur une mthode analytique raliste et rductionniste (Delefosse & Rouan, 2001, 24), nous considrons que ce que les rpondeurs expriment, possde un certain sens et une certaine ralit pour eux, au del de la situation particulire de lentretien (op. cit., 25) ; de ce fait, nous avons pris en compte le contexte dans lequel les sujets se sont exprims. Comme le propose ce type danalyse, nous avons effectu, pour 4 entretiens, le reprage des units smantiques ncessaire lanalyse de contenu, de faon conjointe par deux chercheurs. Laccord inter juge sest avr lev avec un taux

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    daccord de plus de 80% (chaque chercheur analyse les entretiens, dans un premier temps de faon spare puis, ils confrontent leurs rsultats dans un second temps). Une grille danalyse (prsente en annexe) a ensuite t utilise pour lensemble des donnes textuelles.

    3. Prsentation des rsultats

    Les rsultats sont prsents en quatre volets qui correspondent aux axes voqus prcdemment.

    3.1. La trajectoire personnelle

    La majorit des mres rencontres sont issues de familles nuclaires (12/18) et dune fratrie nombreuse (8 mres ont plus de 5 frres et surs). Elles ont toutes grandi au sein de foyers disposant de peu de ressources financires et dans lesquels le plus souvent le pre occupait un emploi peu qualifi et la mre restait la maison : Mon pre travaillait lusine, ma mre soccupait des enfants .

    Lenfance de certaines mres a t marque par des vnements de vie douloureux, 3 mres ont connu la sparation de leurs parents au cours de leur enfance et deux ont perdu un de leur parent lorsquelles taient en bas ge. De faon gnrale, les relations noues avec leurs parents semblent satisfaisantes. Pour dcrire celles en lien avec la figure maternelle, les adjectifs les plus souvent cits par les partici-pantes sont ceux de gentillesse , dattention , de disponibilit et daffection . Elle nous donnait beaucoup damour . Cependant, certaines dentre elles (8/18) ont grandi dans un climat moins chaleureux, et elles voquent alors des mres distantes aussi bien physiquement que psychiquement ( manque de communi-cation et dcoute ) : on avait pas daffinit, on ne recevait pas des clins . Quant la figure paternelle, lorsquil sagit de relations positives pour les 2/3 des participantes, elles parlent de pres protecteurs , gnreux : Il tait un peu svre, aprs il tait honnte aussi et il nous aimait. En revanche, certaines prsentent aussi des pres trs svres voire violents , ou absents : Je le voyais pas trop parce qu il travaillait .

    Les relations tablies avec les parents durant lenfance et ladolescence restent relativement inchanges lge adulte. Ainsi, la plupart des mres ont gard un contact rgulier avec leurs parents. Certaines font remarquer que la relation leur mre sest modifie depuis quelles sont devenues elles-mmes mres : Moi a ma permis de quelque part de comprendre un petit peu mieux ma mre,

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    comprendre ses angoisses, pourquoi elle avait ragi de telle ou telle faon une certaine priode. Une fois quon est de lautre ct de la barrire et quon est parent on arrive un petit mieux dcoder. Et puis cest vrai quon sest beaucoup rapprochs . Ces femmes restent trs attaches leurs mres qui leur donnent encore beaucoup de conseils au quotidien. Il est noter que les relations fraternelles de ces mres sont de bonne qualit, aujourdhui encore : En tant gamin, on se chamaillait normment. Chien et chat. Et maintenant on sentend vraiment super bien. On a vraiment une relation trs fusionnelle, trs complice . Peu dlments ont t recueillis propos de la relation conjugale des parents des mres. Les mres ont prsent des difficults laborer autour de ce sujet.

    3.2. La conjugalit

    La naissance de lenfant a eu un impact sur la relation conjugale en termes damlioration ou dinsatisfaction. Sur le registre des liens conjugaux, les tmoignages recueillis montrent que 10 mres sur 18 sont satisfaites des relations quelles entretiennent avec leur conjoint ou leur mari. Elles parlent spontanment de bonne entente . Toutefois, elles voquent aussi certains conflits : on se dispute des fois, bien sr comme tous les couples . Leur nature se rapporte, pour la plupart, lducation des enfants, au partage des tches domestiques et aux problmes financiers : Pour les enfants, pour largent, jaimerais quil maide un peu plus. Il ne fait rien lui, il sort toujours . La situation financire du couple devient objet de discorde notamment en ce qui concerne le choix des achats prioritaires. Les mres prcisent que chaque dpense est discute au sein du couple ce qui met parfois en relief des souhaits dachat divergents : Il faut toujours quon justifie ce quon achte et quon calcule combien il nous reste aprs avoir achet . On peut ainsi constater que les questions financires colorent de faon singulire les communications qui se droulent au sein du couple ; le rapport largent est souvent questionn au sein de la vie conjugale.

    Pour certaines, la naissance a permis chacun dentre eux de se centrer sur le nouveau venu avec cependant une attention toute particulire ne pas dlaisser le conjoint. Certaines mres souhaiteraient aussi que leur conjoint sinvestisse un peu plus dans la vie familiale.

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    3.3. La parentalit

    Les questions autour de la maternit ont suscit un grand intrt de la part des mres et ont permis de recueillir des lments riches et varis.

    Pour ce qui concerne le dsir denfant , toutes les participantes disent avoir profondment dsir tre mre et ce, pour diverses raisons. Pour beaucoup, le dsir denfant tait motiv par le souhait dadhrer aux reprsentations de la femme vhicules par la socit comme devant enfanter Cest comme a, on grandit, on se marie et on a des enfants, on devient mre . Pour dautres, ce dsir est n dans le cadre dune relation de couple stable et dun dsir commun de sengager dans la vie parentale : Moi, ma vie cest les enfants, jaurais pas fait de vie sans enfant ; Cest nous quon la voulu, on avait bien discut avant . Une seule mre prcise que sa grossesse navait pas t planifie. Pour deux tiers des mres rencontres, la naissance de lenfant est survenue rapidement aprs la rencontre du conjoint. Pour les six autres, le temps coul entre la rencontre du couple et la grossesse peut soit sexpliquer par le dsir davoir un enfant dans un contexte de stabilit conjugale soit par la difficult davoir un enfant (fausses couches ou problmes de sant). La majorit des mres voquent une grossesse qui sest bien droule avec un pre engag et prsent. Certaines dentre elles ont dplor labsence de leur conjoint au moment de laccouchement15.

    Sur le registre de la transmission intergnrationnelle , une forte majorit de ces mres souhaitent transmettre leur enfant les valeurs quelles ont elles-mmes reues. De faon plus prcise, il sagit dhonntet , de respect , de donner de lamour : respecter soi-mme, les autres ; transmettre mes enfants lhonntet, lcoute des autres . Elles souhaitent que leur enfant parvienne devenir autonome en connaissant la valeur des choses et de largent : surtout je voudrais quil apprenne se dmerder dans la vie, tre autonome, bien dans sa tte . Malgr la difficult pour la plupart de porter un jugement sur ce quelles ont reu de leurs parents, certaines souhaitent modifier la faon de les transmettre : Je me rends compte que ce que ma mre ma appris, plutt de force que de gr, a me sert aujourdhui [] mais jai pas limpression que ce soit transmis avec autant de rigueur que mes parents ont pu me limposer [] je lui laisse le choix [] jai limpression davoir mis

    15 Dans les cultures maghrbines, laccouchement se droule exclusivement

    en prsence de femmes.

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    un ct beaucoup plus ludique aux choses, ce qui ma vachement manqu . Majoritairement, les figures parentales de ces mres reprsentent encore aujourdhui un modle en termes de valeurs et de pratiques ducatives.

    En ce qui concerne lengagement maternel et plus particulirement les relations avec lenfant, la majorit des mres apprcient de passer du temps avec leurs enfants. Toutes proposent diffrents types dactivits ludiques : On regarde les dessins anims, on joue, on raconte des histoires ; on va la piscine, jouer au parc . La dimension affective occupe une place primordiale pour toutes ces mres. Elles pensent apporter leur enfant tout lamour dont il a besoin pour grandir et se construire. Sur lensemble des mres rencontres, deux se consacrent uniquement lducation de leur enfant, elles montrent un dvouement total, et leur vie semble centre exclusivement sur eux. Pour ces mmes mres, la sparation davec leur enfant reste extrmement difficile (laisser son enfant garder par exemple) : je sors pas, je fais que a ; de toute manire, je ne le laisse pas une heure de plus vers quelquun [] je peux pas [] quand il dort je ne supporte pas, il faut que je sois ct de lui, cest comme a . Les participantes ont dtaill plusieurs reprises limportance de la prsence de la mre auprs de lenfant pendant son jeune ge. Parmi elles, huit sont mres au foyer par choix, cest--dire quelles ne sont ni dans une dmarche de recherche demploi ni en qute de formation. La question de la discipline nest pas spontanment voque, mais certaines mres noncent toutefois la difficult poser des limites et exercer une autorit. Quant la question de la responsabilit maternelle, il est important pour ces mres en situation de prcarit de rpondre aux besoins fondamentaux de lenfant cest--dire la protection, la scurit, et lassurance dun bien-tre matriel (nourriture, vtements). La plupart voque aussi la ncessit de veiller la bonne russite scolaire de lenfant.

    A la question relative la diffrenciation des rles parentaux, les mres dcrivent spontanment le partage des tches quil soit domestique ou ducatif. Les mres, pour la plupart, se sentent soutenues par leur conjoint dans tout ce qui a trait lducatif, et les pres interviennent aussi dans les soins donns lenfant : il maide beaucoup, je rentre le soir de la formation, je trouve quil a fait le repas et tout, il a lav son fils, il la habill . Seules trois mres reprochent leur conjoint de ne jamais intervenir dans les domaines domestiques et ducatifs. En revanche, pour les tches dordre mnager, dans la majorit des cas, ce sont les mres qui les prennent en charge et qui assurent le bon fonctionnement du domicile familial :

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    comme tout est ma charge, les papiers, les courses [] jaimerais quil maide un peu plus . Enfin, elles prouvent certaines difficults dsigner le rle du pre (par exemple en termes de pre protecteur, pourvoyeur, tiers). Deux mres insistent sur la complmentarit du rle du pre et de la mre sans pouvoir toutefois lexpliciter de faon dtaille.

    Pour ce qui rfre aux modifications lies la naissance de lenfant, elle a impliqu pour la quasi-totalit des mres une adaptation aux rythmes de lenfant, une nouvelle organisation de la vie quotidienne. Au niveau des habitudes de vie, cest pas la mme organisation ; on nest plus libre, tout est rythm par lenfant, il faut soccuper de lui , cest plus aussi simple que quand on navait pas denfant, quand on voulait sortir, se faire un resto en amoureux . De faon gnrale, larrive de lenfant va de pair avec une certaine stabilit de vie : Ca a tout transform, a ma donn envie de vivre [] a ma permis de me donner envie de me lever tous les matins, de trouver un boulot, de me poser, davoir un appart ; De se poser au mme endroit, moi avant javais pas de domicile fixe [] tout de suite il y a des horaires, on peut pas vivre au jour le jour . La majorit des mres mettent en avant un changement important au niveau de leur identit personnelle : je suis beaucoup plus maman que femme maintenant ; dun coup, on change de statut ; a change tout, il y a vraiment avant et aprs lenfant . La maternit semble les avoir transformes, elles se sentent plus mres que femmes, en consacrant davantage de temps leur enfant qu leur conjoint. Avec sa venue, lenfant a aussi apport la jeune femme une certaine rassurance, en lui redonnant confiance en sa capacit dtre mre. La plupart voque la possibilit daccder une nouvelle fois la maternit.

    3.4. Le soutien social

    Les mres recherchent et reoivent, pour la plupart, un soutien familial. Il sagit pour douze de ces femmes dun soutien moral de leur mre ou sur en termes de conseils. Cest une aide essentiellement fminine mme quand ces femmes sont loignes gographiquement : que ma mre, parce que les autres jai pas confiance en ce quils me disent, ma mre elle a lexprience, elle a lev quatre enfants . Le soutien de la belle-famille est aussi voqu notamment au plan matriel, et pour garder lenfant. Cependant, cinq des mres rencontres ne sont soutenues ni par leur famille, ni par leur belle-famille, et parmi elles, trois trouvent alors du rconfort et de lcoute en changeant avec leurs ami(e)s. Le soutien amical ne

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    semble cependant pas prpondrant, et une mre dplore labsence damis qui pourraient laider et la conseiller. On peut ainsi souligner que la sphre familiale reste la premire source de soutien en ce qui concerne la maternit et le rle maternel.

    Les problmes financiers amnent aussi les mres se tourner vers les services sociaux : Jtais vraiment bloque, ils sont l pour a, pour aider des cas comme a. Quand vous avez un problme comme a, il faut bien y aller parce que si vous bougez pas, a va pas se rsoudre tout seul . La plupart nhsite pas aller chercher de laide financire, alimentaire ou sanitaire auprs dorganismes spcialiss. Elles semblent se sentir en confiance et nvoquent pas de sentiment de dvalorisation ou de culpabilit mme si deux dentre elles ont beaucoup hsit avant de raliser certaines dmarches. Lorsquil sagit de rpondre aux besoins de lenfant, solliciter de laide extrieure ne porterait pas atteinte lidentit maternelle et fminine, mais au contraire relverait dune composante du rle de mre. Sur dix-huit mres rencontres, douze ont vraiment le sentiment de vivre dans des conditions de vie prcaires, elles mettent en avant le manque dargent, lexigut des logements et linscurit du quartier. La situation financire est toujours difficile, il faut sadapter, pour linstant cest difficile ; a prend du temps, on na pas assez dargent ; on attend le RMI couple cest pas vident , jespre quon ne va pas rester trop longtemps dans cet immeuble, surtout dans le quartier . La question financire traverse les propos des mres: sen sortir financirement, ne plus avoir de dettes, remonter la pente financirement, avoir une villa o il y a un jardin, ce serait mon rve . Cependant, aucune na voqu le contexte de prcarit dans lequel leur famille volue comme reprsentant un ventuel obstacle au bien-tre des membres du foyer, leur rle de mre ou au dveloppement de leur enfant.

    Lensemble des mres mettent laccent sur limportance de la russite scolaire des enfants pour leur viter davoir vivre une situation difficile en tant quadulte. Elles souhaitent que leur enfant spanouisse dans leur vie professionnelle et familiale de faon rompre avec la rptition des difficults quelles ont elles-mmes rencontres, tout comme leurs propres mres. Dune certaine faon, elles dsirent que leur enfant ralise ce quelles nont pu accomplir. Le fait de trouver un emploi serait pour elles le rouage manquant cette possible russite.

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    4. Discussion

    Lexamen de plusieurs domaines de vie interdpendants les uns des autres nous a permis dtudier ce quest une mre qui vit dans des conditions de vie difficiles, comment elle se construit, quelle place elle occupe au sein de la sphre familiale et quel est son rle auprs de ses enfants. Malgr les limites de notre recherche (tude limite une tranche de vie des mres rencontres, absence de prise en compte des vnements marquants dans leur parcours de vie, taille rduite de notre chantillon), linstar de ce que propose Mayer (in Bruniaux & Galtier, 2003), afin de ne pas nous contenter de la relation linaire tablie entre le revenu familial et les rsultats obtenus, nous avons abord quelques-unes des caractristiques inobserves . Parmi elles, nous avons pris en compte lhistoire maternelle, la satisfaction conjugale, la construction du couple conjugal et parental, le rle de la mre autant de variables mdiatrices ncessaires une meilleure analyse des rsultats obtenus. Autant de variables qui expliquent, en partie, que nos rsultats apparaissent moins pessimistes que ceux relats, notamment dans la littrature anglo-saxonne, sur la place de la mre en situation de prcarit socio-conomique.

    Sur le registre de lhistoire personnelle, mme sil est fait mention de situations douloureuses, les femmes rencontres dcrivent leur mre comme prsente, disponible et investie auprs de ses enfants. Le pre, dpeint comme plus distant, de par ses activits lextrieur de la cellule familiale, apparat la fois comme protecteur et dtenteur de lautorit mme si une prsence plus effective aurait t souhaite.

    Sur la question du devenir mre , les rcits illustrent comment une maternit peut tre assume et agie y compris dans les conditions difficiles dans lesquelles vivent ces familles. Les lments recueillis tmoignent, en situation de prcarit socio-conomique, dune laboration du sentiment dtre mre, dune parentalit choisie, et de capacits se mobiliser la naissance de lenfant.

    Pour la plupart des femmes entrevues, tre mre , cest occuper la place quavait leur propre mre au sein de la famille. Elles se consacrent aux tches mnagres et domestiques, aux papiers administratifs et lducation des enfants. Certaines affirment avoir choisi dadopter cette place de mre au foyer et ne pas dsirer sinsrer dans un monde professionnel pour pouvoir se consacrer leur famille. Elles sinscrivent, tout comme leurs conjoints (Zaouche-Gaudron, Jayr, & Kettani, 2005), dans un schma traditionnel, la mre dvolue la sphre prive, le pre la sphre publique. La venue de

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    lenfant semble aussi questionner lidentit personnelle des femmes. Beaucoup dentre elles ont connu un parcours de vie relativement difficile qui a pu, certains moments, les fragiliser aux niveaux de leur estime et de leur identit. Lenfant leur offre un nouveau statut, celui dtre mre , leur permettant dexprimer des capacits et des comptences nouvelles. De faon gnrale, laccs la maternit semble tre pour les femmes de notre chantillon une source dpanouissement delles-mmes (certes, ces lments ne spcifient pas uniquement les mres prcaires , nous retrouvons dans la littrature lenfant peru comme un accomplissement ou un prolongement narcissique quelle que soit la situation socio-conomique).

    Pour ce qui concerne la conjugalit, on peut relever que certaines difficults sont voques et que les motifs sont lis, pour la plupart, au manque d'argent, une participation faible des pres aux tches mnagres et certaines divergences ducatives. La plupart des mres sont en attente dune implication plus grande de leur conjoint auprs des enfants et dans les tches domestiques. Ce faisant, quelles quelles soient, les difficults conjugales ne sont pas trangres au fait que la situation financire soit fragile et dlicate.

    Enfin, sur le registre du support social, de manire gnrale, le discours des mres rencontres rvle une fragilit de leur tissu relationnel amical. Ce dernier parfois mentionn par les femmes est peru comme restreint voire inexistant et savre tre une source de souffrance dans la mesure o les mres aimeraient changer ou partager avec dautres. Par contre, la plupart des mres, recherchent et bnficient du soutien de leur famille et de leur belle-famille. Les relations fraternelles construites pendant lenfance constituent aussi un tayage important, au mme titre que les liens encore entretenus avec les parents. Les familles respectives constituent le maillage social le plus important pour soutenir parents et enfants dans leur parcours de vie. Les mres n'hsitent pas aller vers autrui, notamment vers les services sociaux. Elles ralisent les dmarches ncessaires pour demander des colis alimentaires ou des vtements pour leurs enfants auprs des organismes sociaux. Ces mres se sentent peu inquites par le regard dautrui lorsquelles vont requrir de laide lextrieur. Lidentit de mre ne semble pas directement atteinte, elle peut mme parfois tre renforce par le fait de tout faire et faire au mieux pour les enfants. En ce sens, la demande daide nest pas dvalorisante pour elles et illustre bien leur capacit se mobiliser.

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    Conclusion

    Les tmoignages que nous avons recueillis dessinent des processus communs lensemble des mres quelle que soit leur situation conomique mais aussi des caractristiques distinctives. Les femmes rencontres ont toutes voqu un profond dsir de devenir mre, souhait partag avec leur conjoint. La naissance de lenfant a pu reprsenter, pour certaines, une faon de sinscrire dans la ligne familiale, mais aussi de sceller leur couple, ou mme de prendre de la distance par rapport leur propre mre. Ces diffrents lments du devenir mre semblent comparables ceux que lon retrouve dans la littrature scientifique propos des mres tout venant . Quant la conception traditionnelle du rle maternel, linvestissement de lenfant et la recherche active de soutien social , ils dessinent des singularits de la parentalit dans un tel contexte. Il apparat enfin que la venue de lenfant permet pour les femmes de notre chantillon la mobilisation de capacits nouvelles, une valorisation delles-mmes qui contrebalancent les effets nfastes que pourrait engendrer une situation conomique prcaire.

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  • La revue internationale de lducation familiale, n21, 2007 69

    Annexe : Grille danalyse

    1. Trajectoire personnelle - adultes significatifs et fratrie auprs de qui la mre a grandi - qualit de la relation avec les parents/la fratrie pendant lenfance et aujourdhui -vnements de vie marquants -ressenti de la situation de prcarit au cours de lenfance (sil a exist) ; relever si absence de prcarit au cours de lenfance

    2. Conjugalit -histoire de la rencontre et dure de la relation conjugale -conflit conjugal vs entente conjugale

    3. Parentalit -dsir denfant de la mre (et du pre) -droulement de la grossesse et de laccouchement (prsence du pre ou pas) -qualit de la relation avec lenfant (jeu, sortie..) -modifications lies la naissance de lenfant -soutien du pre dans lducation, dans les tches, dans les soins -reprsentations des rles du pre et de la mre -projet de futurs enfants -transmission intergnrationnelle

    4. Soutien social -aide de lentourage (parents, amis) -attitude face laide sociale -projet et vision du futur

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