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Psyehopharmacologia (Bed.) 12, 239--249 (1968) t~tude des effets subjectifs de l'amphdtamine chez l'homme en fonction de la personnalitd P. HuBr~* et J. S~v~s Insfitu~ de Th6rapeutique Ex@rimen~Me, Li~ge/Belgiqne Regu le 20 Juillet 1967 Introduction L'amphdtamine eat une des drogues psychotoniques qui a fair l'objet du plus grand nombre de travaux, en raison de ses qualit6s de stimulant de la vigilance et de l'humeur et de son action favorable sur l'apprentis- sage. De nombreux cliniciens l'emploient darts les dtats de fatigue chronique ou passaggre, en ddpit de ses effets seeondaires souvent g6nants. Avant l'apparition des drogues thymo-analepbiques du type des inhibiteurs de la monoamine-oxydase ou de l'imipramine, on employait frdquemment l'amphdtamine duns les dtats d@ressffs off l'asthgnie et l'aboulie dtaient au premier plan du tableau elinique. L'amine psycho- tonique est encore utilis6e seule ou en association avec les barbituriqnes duns le traitement de tels dtats (O~swEr~ et Wn~T~A~, 1963). L'effet antiddpressff de l'amphd~amine est toutefois loin d'6tre la rbgle : rappelons les travaux d'auteurs tels que LASAGNA, VON FELS1X~GER et BEECHE~ (1955) qui avaient ddjg soulignd la frdquenee des effects sddatifs de l'amphgtamine, partieuligrement ehez des sujets de tendance d6pressive, immatures ct ngvrosds. La sddation s'aceompagne ]e plus souvent, d'aprgs ees auteurs, d'un effet agrdable ou m6me euphorisant, trbs rarement d'un effet neutre ou dysphorique. Duns la prdsente dtude, nous avons voulu dtablir la frdquence de ces rgaetions s~datives ou d@ressives ehez de jeunes sujets normaux aprgs administration (mdthode aveugle) de fortes doses d'amphdtamine et nous avons recherchd s'il existe des traits de personnalitd qui caraetgri- sent les individus qui les prdsentent. On peut se demander si cette sdda- tion ne correspond pus g un effet placebo : s'il en dtait ainsi, nous pouvons nous sttendre ~ retrouver chez nos sujets les eorrdlations que avons raises en gvidenee (Hu]sI~ et Ss,~vA~s, 1965) entre eertaines prddispositions earaetgrielles des placebo-rdacteurs et le sens (d@ressif ou excitant) de la rgaetion s ce placebo. * Stagiaire de recherche au Fonds NationM de la Recherche Scientifique 1963-- 1964.

Étude des effets subjectifs de l'amphétamine chez l'homme en fonction de la personnalité

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Page 1: Étude des effets subjectifs de l'amphétamine chez l'homme en fonction de la personnalité

Psyehopharmacologia (Bed.) 12, 239--249 (1968)

t~tude des effets subjectifs de l'amphdtamine chez l'homme en fonction

de la personnalitd

P. HuBr~* et J . S ~ v ~ s

Insfitu~ de Th6rapeutique Ex@rimen~Me, Li~ge/Belgiqne

Regu le 20 Juillet 1967

Introduction L'amphdtamine eat une des drogues psychotoniques qui a fair l 'objet

du plus grand nombre de t ravaux, en raison de ses qualit6s de st imulant de la vigilance et de l 'humeur et de son action favorable sur l 'apprentis- sage. De nombreux cliniciens l 'emploient darts les dtats de fatigue chronique ou passaggre, en ddpit de ses effets seeondaires souvent g6nants.

Avant l 'appari t ion des drogues thymo-analepbiques du type des inhibiteurs de la monoamine-oxydase ou de l ' imipramine, on employait frdquemment l 'amphdtamine duns les dtats d@ressffs off l 'asthgnie et l 'aboulie dtaient au premier plan du tableau elinique. L 'amine psycho- tonique est encore utilis6e seule ou en association avec les barbituriqnes duns le t ra i tement de tels dtats (O~swEr~ et Wn~T~A~, 1963). L'effet antiddpressff de l 'amphd~amine est toutefois loin d'6tre la rbgle : rappelons les t ravaux d 'auteurs tels que LASAGNA, VON FELS1X~GER et BEECHE~ (1955) qui avaient ddjg soulignd la frdquenee des effects sddatifs de l 'amphgtamine, partieuligrement ehez des sujets de tendance d6pressive, immatures ct ngvrosds. La sddation s 'aceompagne ]e plus souvent, d 'aprgs ees auteurs, d 'un effet agrdable ou m6me euphorisant, trbs rarement d 'un effet neutre ou dysphorique.

Duns la prdsente dtude, nous avons voulu dtablir la frdquence de ces rgaetions s~datives ou d@ressives ehez de jeunes sujets normaux aprgs administration (mdthode aveugle) de fortes doses d 'amphdtamine et nous avons recherchd s'il existe des traits de personnalitd qui caraetgri- sent les individus qui les prdsentent. On peut se demander si cette sdda- tion ne correspond pus g un effet placebo : s'il en dtait ainsi, nous pouvons nous s t tendre ~ retrouver chez nos sujets les eorrdlations que avons raises en gvidenee (Hu]sI~ et Ss,~vA~s, 1965) entre eertaines prddispositions earaetgrielles des placebo-rdacteurs et le sens (d@ressif ou excitant) de la rgaetion s ce placebo.

* Stagiaire de recherche au Fonds NationM de la Recherche Scientifique 1963-- 1964.

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En administrant la drogue duns les m6mes conditions ~ deux reprises, nous avons pn 6galement reehercher si ees effets s6datffs se reproduisent r6gulibrement ehez les mgmes individus ou, au eontraire, varient de fagon impr6visible.

Sch6ma exp6rimental

Dix-huit 6tudiants de sexe maseulin, ~g6s de 22 ~ 25 ans, ont partieip6 ~t deux s6ances exp6rimentales espac6es de six semaines: il s'agit du groupe exp6rimental Ap form6 de sujets qul regoivent , avant de subir diverses 6preuves, une drogue qui leur est ineonnue. Le mode d'admini- stration de cette drogue est identique pour chaeune des deux s6anees: pendant route la semaine qui pr6e~de le jour de l'exp6rience, les sujets prennent au repas du matin et de midi, 5 mg d'amph6tamine rac6mique, administr6e sous une forme pharmaceutique ne permettant pus de l'identifier. Au d6but de ehaque s6ance exp6rimentale (~ 14 h) chaeun des sujets dolt appliquer g la drogue regne un qualifieatff: excitant, d6presseur ou placebo, sulvant l'effet ressenti pendant la semaine prde6dente. Ensuite, les sujets absorbent 20 mg d'amph6tamine racgmi- que sous la m6me forme, ce qui 61~ve ~ 30rag la quantit6 d'amph6tamine ing6r6e le jour de la s6ance exp6rimentale. L'exp6rimentateur pr6cise co moment que la substance administr6e pendant la semaine pr6c6dente et eelle regue le jour de l'expgrienee peuvent ~tre soit de m6me nature, soit de nature diff6rente. Les m6mes instructions sont r6p6t6es lors de la deuxi~me s6anee expgrimentale. Les 6preuves d6butent 1 heure plus t a r d e t comprennent, dans l'ordre, & la premiere sdance:

1. un examen eardiovaseulaire avee mesure de la fr6quenee eardiaque et de la tension art6rielle;

2. ]es tests psyehologiques suivants:

a) l ' inventaire de temp6rament de Guilford-Zimmerman (dur6e: 45 min)

b) les 5 tests de c616rit6 perceptive et mentale (C.P.M.) de l 'examen standard Bonnardel 1 (dur6e: -V 30 mill, y eompris les instructions) qui sont des 6preuves papier-crayon de eourte dur6e mais demandant une at tention soutenue.

A la deuxi~me sdance, los m6mes examens sont r6p6t6s, mais l'inven- taire de temp6rament est remplae6 par deux tests d'intelligence g6u6rale non verbale (Free Culture Test de R. B. Cattell, forme A et Progressive Matrices de Raven: dur6e 4- 45 rain au total).

1 Examen standard Bonnardel. Note C.P.M. (niveau collaborateur) Editions scientifiques et psychotechniques. Issy-les-Moulineaux, 1966.

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241

Los tests C.P.M. sont suivis d 'un test de mdmoire (cahier Es de Lahy2; durde: ~= 60 rain, y eompris los instructions) qui explore la mdmoire visuelle et auditive de fagon immddiate et par la mdthode du rappel.

A la fin de chaque sdance, les sujets doivent de nouveau appliquer un des trois qualificatffs mentionnds plus haut, s ]a drogue regue en ddbut de sdance. Enfm, aprbs ehactme des deux sdances, chaque sujet absorbe 200 mg de butobarbi tal (toujours sous la re@me forme) : ils sont prids le lendemain d 'en ddcrire 1'offer au moyen d 'un des trois qualifiea- tifs, en grant avertis que les drogues prises avant et apr~s les sdanees sont des antagonistes.

Entre los deux sgances expdrimentales, los 18 sujets du groupe Ap sent soumis s un examen cardiovasculaire de contrSle et ~ un question- naire de personnalit6: l ' Inventai re Multiphasique de I)ersormalit6 du Minnesota (MMPI), en l 'absenee de route absorption de mddicament.

Los r6sultats fournis par ce groupe expdrimental Ap sont compards ceux qui sont notds chez los 21 sujets du m~me gge et de mgme forma-

tion qui subissent los m@mes dpreuves dans des conditions identiques, mais sans recevoir d 'amphdtamine ou de barbiturique: il s 'agit du groupe C (contr61e).

R~sultats objeetifs A ) Mesures cardiovasculaires

Tableau 1. t~tude comparative des ]rdquences cardiaques et des tensions artgrielles moyennes des su]ets sous l'influence de l'amphdtamine (2 sdances) et en l'absence de

fr6quence cardiaque moyenne (nombre de pulsations/rain)

tension ar~6rielle maximale moyenne (em]I4g)

tension art6rielle minim ale moyenne (cm/ttg)

t de student

drogue (groupe Ap)

amph6tamine sans drogue amph6tamine

79,89 "1 77,56 "1 78,61

12,81 *2 12,17 *~ 13,06

*2 6,69 *2 7,11 I I

7,28

"1 non significatff (p > 0,05) *2 P < 0,05 et au-dels

Ii n'existe aucune diffdrence significative entre les frdquenees cardia- ques moyennes des sujets aprbs absorption d 'amphgtamine ou dans des conditions normales. Au contraire, les tensions artdrielles maximales et minimales moyennes augmentent ldg~rement mais significativement sous l'influence de la drogue.

2 j . M. L~Y. Cahier Es (technique collective). Etablissements d'applications psychoteehniques. Issy-les-Moulineaux.

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242

Contrairement g ce que nous avions remarqu6 pour des doses plus faibles d'amph@tamine, il n'existe ici aucune diff@rence de r@aetivit@ eardiovasculaire, apr~s absorption de la drogue, entre les sujets sym- pathicotoniques et les vago-amphotoniques (S~xv~s et t t u ~ , 1964), ni entre ceux qui ont rcssenti un effet d'excitation et les autres (S~av~s et SoPmAG, 1961).

B) ~preuves psychologiques a) Inventaire de Temp@rament de Guilford-Zimmerman

Dans les 10 domaines de la personalit@ explor@s par ce questionnaire, aucune diff@rence n'est apparue entre les r@ponses des 18 sujets qui ont absorb@ l'amph@tamine et celles de 51 sujets de deux groupes contrSle rgunis.

b) Tests de performance

En ce qui concerne les tests d'intelligence et de re@moire, aucune diff@rence n'a pu 6tre raise en @vidence entre les rgsultats des 18 sujets qui ont regu l 'amphgtamine et ceux des sujets du groupe C.

c) Tests de cdl@rit@ perceptive et mentale (C.P.M.) de l 'examen standard de Bonnardel

Les sujets des groupes C et Ap r@alisent des performances semblables lots de la premiere s@ance. De la premiere g la deuxi~me s@ance, on o b s e r v e :

a) une am@lioration des performances, parall~le dans les deux groupes pour les @preuves BCV, BV4, BG10 (B--M) et la note globale.

b) une am@lioration des r@sultats du groupe Ap sans correspondance dans le groupe C pour les tests BG3, B2C et BG10 (0m).

Ces variations sont statistiquement significatives et montrent que l'amph@tamine tend g faciliter l 'apprentissage de certaines tgches (fl s'agit plus particuli~rement des exercices requ@rant le plus d 'at tention et ne faisant gu~re appel g des automatismcs). La drogue augmente la vigilance (r@duction des omissions au BG10) des sujets sans accroltre les processus de m@morisation de fagon impotante.

Pour tous les tests (except@ le BCV), les r@sultats des sujets g prd- dominance sympathique se situent g u n niveau plus @lev@ que ceux des vago-amphotoniques: ce dgcalage est toujours du re@me ordre de gran- deur au sein des groupes C et Ap. Cette supdriorit@ des sympathico- toniques ne d@pend donc pas de l'effet de l 'amphgtamine.

RTsultats subjectifs (opinon des sujets sur la nature du produit absorb@)

Nous @tudions s@par@ment -- mais parallTlement -- les r@ponses fournies par les sujets aprTs l 'absorption quotidienne de 2 lois 5 mg d'amph@tamine et celles obtenues aprTs l 'administration d'une dose de

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243

Tableau 2. Etude de l'apprentissage apprdcid par l'amdlioration des per/ormances en notes brutes (hombre de rdponses eorreetes -- hombre de rgponses erron&s) lots de la rdpdtition de 5 dpreuves d' attention visuelle. Comparaison entre la moyenne des rdsultats d' un groupe eontr~le ( C) de 21 su]ets et celle du groupe expdrimental soumis ~ l' amphdt-

amine (Ap)

notes brutes groupe premi@re s4ance I deuxi@me s6~nee I

BG3

B2C

BCV

C

Ap

C

Ap

C

Ap

Ap

BV4

I 16,91 * 16,72

- - * I r 18,45 ~ 22,33

I 46,00 i 49,40

- - - k - - ~

41,94 ~ 47,89

I 42,30 ~--. 48,09

I

i

42,33 *--* 47,33 I I

68,00 ~---> 74,34 ]

i 74,06 ~ 77,45

I

r6ponses eorrectes -- r6ponses erron6es (B--M)

t G 124,43 ~-> 137,95

Ap 119,95 ~ 137,39 I

r6ponses eorreetes omises (Ore)

29,05 *

24,33 ~-~

I 61,75

�9 1- 61,67

I

]~G10 (test de barrage)

note globale (somme des 5 notes A)

C

Ap

C

Ap

* non signifieatif (p > 0,05) t de student ~ significatif ~ p < 0,05 et au-del~,

23,86 r

12,50

68,30

70,67

20 mg de la mSme substance . E n effet, r ien ne p e r m e t aux su]ets de l ' exp~rience de supposer qu ' i l s ' ag i t du m6me produi t .

A ) Comparaison des e//ets sub]ecti/s provoquds par la drogue selon le mode d'administration

Le Tab l eau 3 rassemble les opinions des 18 su je ts coneernan t la n a t u r e du p r o d u i t qui leur a dt~ admin i s t r& I l s p e u v e n t choisir en t re

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trois possibflitds: fl s 'agit, selon eux, d'un excitant (E), d 'un placebo (P) ou d 'un ddpressear (D). Les rdsultats obtenus aprbs l 'administration d 'amphdtamine selon les deux modes y sont notds pour les deux sdances : le rdsultat total est compard aux proportions de rgponses E, P ou D obtenus chez 212 sujets apr~s administration d 'un placebo dans les m6mes conditions (103 sujets pour l 'administrat ion quotidienne de 2 cachets-placebo pendant une semaine et 109 pour l 'administration d 'un seul placebo).

lqous pouvons en tirer les conclusions snivantes: la rdpartition des effets subjectifs est s tat ist iquement diffdrente snivant le mode d'admini- stra$ion de la drogue (X~,I ~ 6,00 pour 2 degrds de libert6: diff6rence signifieative ~ p < 0,05).

Tableau 3

mode d'administration de dose quotidienne de dose unique de l'amph~tamine --> 2 • 5 mg pendant 20 mg

1 semaine

opinions exprim6es E P D E P D

1 re s4ance 6 8 4 8 5 5

2 me s6ance 1 13 4 6 6 6

total des 2 s6ances 14 11 11

16 67 opinions aprSs admistration de placebo (212)

mode d'administration du placebo -~

7 21 8 * i

~2

23 55 25

2 X 1 cachet par jour pen- dant 1 semaine (103 sujets)

26

1 cachet-placebo (109 sujets)

Apr~s l 'administrat ion d'une dose unique de 20 mg d 'amph6tamine, nous notons que l 'appari t ion de sensations subjectives d'exeitation ne sont pas signalges par la majoritg des sujets mais seulement par certains d 'entre eux comme si elles se distribuaient au hasard: cette r@loartition est toutefois diff6rente de celle observ~e apr~s administration d 'un placebo (X~,a ~ 12,82 pour 2 degr6s de libert6: difference significative p ~ 0,005). Par contre, s'il s 'agit de deux doses quotidiennes de 5 mg de la drogue, les m~mes sujets n '6prouvent, le plus souvent, aueun effet subjectif: fls expriment dans la majorit6 des eas l 'avis qu'il s 'agit d 'un placebo, comme les 103 sujets qni re~urent effectivement un placebo (X~,~ non significatff).

Dans l 'ensemble, peu de sujets reconnaissent avoh" regu une substance exeitante en dgpit des fortes doses administrges: ce pourcentage n 'es t

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245

jamais sup6rieur ~ celni des sujets qni identifient l 'amph4tamine comme ~tant une drogue ~ effet ddpressff.

B) Variabilitd des e]fets sub]ectifs d'une sdance & l'autre

La question se pose de savoir si les sujets ressentent des effets identi- ques quand l 'amphdtamine leur est administrde une deuxi~me fois duns les m~mes conditions. Nous avons compar6 (Tableau 4) l'avis exprim~ par cheque sujet lors de la 2me s4anee par rapport ~ celni de la lre s6ance pour les deux modes d'administration.

Tableau 4

dose quotidienne de 2 • 5 mg pendant une semaine

opinion s la lre s6ance

E P I D tot.

dose unique de 20 mg

opinion ~ la ire s6ance

E P D I tot.

~ identique 0 _. 6 3

~'~ dif~rente 6 2 1 �9 ~ ea " ~ total 16!sl I

X z~9,0; p<0,025

i8

= identique 2 1

T diff@ente 6 1

total Is l a (51 X 2=5,6; 0 ,05<p<0 ,075

7

11

18

Les sujets qni out dprouv6 uu effet excitant ~ la suite d'une premi6re administration d'amphdtamine (soit ~ faible dose pendant une semaine, soit ~ dose unique plus forte) expriment trbs rarement la mgme avis tors de la 2me administration de la mgme drogue. Au contraire, la majorit6 des sujets qni out qualifi6 la drogue de d@ressive au premier contact avee elie dprouve le m~me effet lors de la 2me sdance. Enfin, ceux qni n 'ont ressenti aucun effet subjeetif (avis placebo) ~ la lre s6anee confirment le plus souvent leur ~vis ~ ta 2me s'il s'agit de l 'administration prolongde de 2 x 5 mg d'amph6tamine, mais changent d'avis duns la majorit~ des cas d'administration d'une dose unique de 20 nag.

Nous pouvons rdsumer ces eonstatations en disant que les rdaetions subjeetives apr~s administration d 'ampMtamine semblent d 'autant p h s stables et reproduetibles si elies s'6loignent des effets d'exeitation. Ce fair pourrait confirmer l 'hypothbse selon laquelle des effets subjectffs (~paradoxaux >> apparaissent plus fr6quemment ehez des sujets de struc- ture ngvrotique, assez rigides darts burs rdaetions (Lrm)~Mx~N et vo~ F~LSl~G]~R, 1961).

Nous avons v~rifi6 eette hypoth~se en eomparant les r~sultats obtenus au MMPI (Minnesota Multiphasie Personality Inventory) par les sujets

17 Psychopharmacologia (~erL), Bd. 12

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246

qui avaient ressenti une ou plusieurs lois un effet ddpresseur aprgs l 'absorption du psychotonique, avec eeux des autres sujets. Les premiers sent au nombre de 8 et parmi eux, 3 sujets n '6met tent qu'une seule fois sur 4, 1'avis (ddpresseur)> concernant l 'amphdtamine alors que les 5 autres sujets le donnent ~ plusieurs reprises. Ces 8 individus se caractgrisent par un rdsultat dlev6 sur deux dchelles cliniques du MMPI : ddpression (D) et psychasthdnie (Pt); les notes ponddrdes (ou notes T) de ees 8 sujets sent respectivement de 60 et 62 pour les dchelles D et P t alors que ces notes n 'a t te ignent que 48 et 52 pour les 10 autres individus ayant particip6 g l 'expdrience: les diffdrences sent stat ist iquement significatives si on emploie l e t de Student (p < 0,05).

KOR~STSXu et al. (1957) avaient constat6 que les sujets prdsentant des rgactions excessives ou paradoxales ~ terrains psyehotropes obtien- nent des notes D et P t 61evdes au MMPI.

C) E/lets sub]ecti/s de 200 mg de butobarbital sodique administrds & la /in des sdanees de tests (mddicament correctif)

Le Tableau 5 rassemble les opinions exprimdes le lendemain par les sujets sur la nature supposde de ce mddicament correctff. L'effet ddpres- seur n 'est ressenti que dans 300/0 des cas, c'est-~-dire dans nile proportion semblable s celle que donnerait le hasard. Rappelons que l 'amphdtamine administrde en ddbut de sdance ne provoque pas un pourcentage supdrieur d'effet excitant.

Tableau 5

excitant placebo ] d6presseur ind6termin6

8 I I 11 I 2

D) Variabilitd individuelle des e/lets subjecti/s suivant le mode d'administration de la drogue

Un problSme intdressant ~ soulever est celui de savoir dans quelle mesure les opinions des sujets s 'accordent sur la nature du mddicament, que celui-ei air 6t6 re~u pendant pinsieurs jours (dose faible d 'amph4t- amine racdmique) ou en une seule lois (forte dose).

A la premibre sdanee, 9 sujets (50%) ont donnd le m6me avis dans les deux eirconstanees, 3 d 'entre eux ddelarent ((placebo)~, 3 ((exeitant,~ et 3 (~ddpresseur ~). A la deuxi6me s6ance, 8 sujets sent dans le m~me cas: 5 ddelarent <<placebo )> et 3 ((ddpresseur ~>. Six sujets (33O/o) sent communs

ees deux groupes. I1 importe de rioter que 3 sujets seulement lors de la premibre s6anee (16,7 ~ ) et aucun d 'entre eux lors de la 2 me, ont identifi6 eorrectement l 'amphdtamine comme grant un excitant ~ la fois en expdrience ((aigu~ ~) et <(chronique ~>, ee qui repr6sente au total une identi-

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247

fication correcte de la drogue dans 8,30/0 des cas: ce poureentage est infdrieur ~ celui d'une rdpartition des effets due au hasard (11, 11~ ).

Discussion et conclusions Les rdsultats de cette ~tude ont une valeur limitde 6rant donn~ le

choix des conditions de l'expdrience. Nos sujets sent des individus normaux qui ne prdsentent aneun symptfme pathologique apparent et ne re~oivent pas la drogue s titre thdrapeutique mais exclusivement expdrimental. Leur motivation ddpend essentiellement de l'int~rSt scientifique port~ ~ la recherche psyehopharmacologique et des implica- tions affectives indluctables. Nous n'insisterons pas sur les rdsultats des tests objeetffs: l 'amphdtamine n'a pas modifid les performances des sujets aux tests d'intelligence g4ndrale ni au test de m6moire. La drogue a eu par centre une influence discrete mais favorable sur l'apprentissage de certaines ts ndcessitant une attention soutenue, tels que les tests de l 'examen standard de Bonnardel.

Une dose importante (20 mg) d'amphdtamine rac4mique, prise en une fois parait provoqucr des effets subjectffs plus marquds que des doses plus faibles actmiuistrdcs de fa~on r~pdt~e pendant une semaine, mais ces effets peuvent aussi bien se produire dans le sens opposd ~ celui qu'on attendrait en fonction des propri6tds de stimulation rdticulaire et orthosympathique de la substance et de ses cons4quences objectives au niveau du eompor~ement. Cette constatation eonfirme celle que nous avions faite dans une expdrience antdrieure (HuBnr et Sw~v~s, 1966) avec les m~mes doses d'amphdtamine administr6es sdpargment s 2 grou- pes de sujets. Elle s'oppose par centre ~ l'avis d'auteurs tels que DICKIes et coll. (1965) qui obtiennent une identification correete de 15 mg d'am- phgtamine dans une proportion (50~ supdrieure ~ eelle donn~e par le hasard. Un point ~ souligner dgalement est l'ineonstanee des opinions ~mises lorsqu'on r~p~te l 'adm/nistration de la drogue dans les m~mes conditions. I1 semble que les opinons soient d 'autant plus constantes qu'elles sent ((errondes)), c'est-~-dire que l'effet subjectff de ddpression s'oppose ~ l'effet objeetff observ4 (absence de ddgradation des per- formances).

Si on admet que les r4actions subjectives paradoxales ~ un mgdica- ment actff peuvent 6tre l/des s la structure n6vrotique des sujets, la rigiditd de cette derni~re peut rendre eompte de la constance de ees impressions.

Dans notre expdrienee, les rdactions d~pressives apparaissent le plus souvent apr~s absorption d'amphdtamine ehez les sujets prgsentant des traits psyehasthdniques marqu4s ainsi qu'une tendence ~ la d4pression: ee type de personnalitd, assez frdquent ehez l'dtudiant, est caraetdrisg

17"

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248

par un dquilibre instable qul peut 8fro boulevers~ par les effets dynamo- g~nes de la drogue.

Les sympt6mes d'inhibition, de fatigue et les sentiments d'incapacit6 et d'infdrioritr de ces sujets inciteraient eertainement hombre de m4de- cins ~ lear prescrire de l 'amph4tamine en ver tu de ses propri6tCs stimu- lantes et l~g~rement euphorisantes. I1 en r4sulterait problement une aggra- vat ion de la symptomatologie comme cette experience tend ~ le montrer.

L'effet primaire de la drogue produit une augmentat ion de la vigilance et de l'dnergie psychiqne de l 'individu, mais accrolt 6galement sa tension nerveuse, d ' au tan t plus s'fl s 'agit d 'une personne n4vros4e, en proie des conflits et incapable de libCrer on d'extCrioriser ce surcro~t d'r Cette menace provoque une rr de defense qui peut allot dans certains cas jusqu'au sommefl et qul est ddcrite par nos sujets psycha- sth~niques et d4prim4s comme un effet d6pressear caract4ris6: eet effet ((secondaire,> atypique constitue une tentat ive du sujet pour retrouver son prgcaire r antr

Summary

Racemio amphetamine has been administered to 18 male students, 22 to 25 years old; the drug was given twice, first for a period of one week (2 • 5 rag), then as a single dose (20 rag) prior their submission to various psychological tests.

The drug, which could not be identified by the subjects, induced in both instances as many subjective effects of depression as of excitation. At the same time, when the students were submit ted to certain Bonnar- de] tests of perception and mental speed a learning facilitation was demon- strated. Results obtained with other tests (general intelligence, memory) were not modified by amphetamine, when compared to those of 21 controls.

The depressive reactions following the absorption of amphetamine could be reproduced more regularly in the same subjects than was the case for the reactions of excitation. Those subjects are characterized by high scores in the D scale (depression) and P t scale (psyehasthenia) of the MMPL The clinical importance of these findings is discussed in connection with results reported b y other authors.

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P. HUBIN Institut de Th6r~peutique Exp6rimentale 32 Boulevard de la Constitution Li~ge/Belgique