SOCIÉTÉ DE MÉDECINE DU TRAVAILET D’ERGONOMIE DE FRANCHE-COMTÉ

Séance du 18 décembre 2003

Présidence : C. TEYSSIER-COTTE

COMMUNICATIONS

Evaluation de l’exposition aux éthers de glycoldans les petites et moyennes entreprises

du Nord-Franche-Comté

M.M. BEAUJEAN, R. BIOLCHINI, S. BOUNIOL LAURENTet le groupe de travail

Service de Santé au Travail Nord-Franche-Comté, 3, quaiVauban, BP 227, 90004 Belfort Cedex.

Pratiquement inconnus avant les années 1960, les éthers de glycolont pris depuis une place très importante parmi les solvantsindustriels : 900 000 tonnes ont été utilisés dans le monde en1997, dont 350 000 tonnes en Europe.

En effet, cette famille de solvants présente des caractéristiquestrès intéressantes qui ont fait son succès.

Ce sont des liquides incolores, quasi-inodores, stables dans letemps, peu persistants dans l’environnement, non toxiques pourles milieux aquatiques, peu inflammables, relativement peu vola-tils.

Ils ont comme principale propriété d’être des solvants amphi-philes : c’est à dire qu’à la fois hydrophiles et lipophiles, ils sontsolubles dans l’eau et dans les solvants organiques.

Cette propriété leur permet d’entrer dans la composition denombreux produits, notamment ceux dits à l’eau : peintures,vernis, encres, produits d’entretien, cosmétiques, fluides decoupe, produits phytosanitaires.

Malheureusement, certains effets toxiques ont été progressi-vement signalés, notamment hématologiques et sur le systèmenerveux central, mais surtout on a découvert depuis les années1980 un effet toxique pour la reproduction pour plusieurs com-posés.

Il y a actuellement 7 éthers de glycol classés toxiques pour lareproduction par l’Union européenne : il s’agit de l’éthylèneglycol méthyléther et son acétate (EGME, EGMEA), de l’éthy-lène glycol éthyléther et son acétate (EGEE, EGEEA), de l’iso-mère minoritaire du propylène glycol méthyléther et son acétate

(1PG2ME, 1PG2MEA), et du dimère de l’éthylène glycol méthy-léther, le diéthylène glycol méthyléther (DEGME).

Ils sont tous classés en catégorie 2, probablement toxiquespour la reproduction, sauf le DEGME, en catégorie 3, peut-êtretoxique pour la reproduction.

Trois autres éthers de glycol sont actuellement proposés auclassement toxiques pour la reproduction par l’Union euro-péenne : le dérivé diméthylé de l’éthylène glycol méthyléther(Ethylène Glycol Diméthyl Ether ou EGDME), son dimère(Diéthylène Glycol Diméthyl Ether ou DEGDME), son trimère(Triéthylène Glycol Diméthyl Ether ou TEGDME).

Quatre éthers de glycol sont actuellement interdits en Francedans les produits à destination du public, dans les cosmétiques etles médicaments, à cause de leur caractère toxique pour la repro-duction reconnu : il s’agit de l’éthylène glycol méthyléther et sonacétate (EGME, EGMEA), de l’éthylène glycol éthyléther et sonacétate (EGEE, EGEEA).

Donc, depuis quelques temps, le caractère potentiellementtoxique pour la reproduction de certains éthers de glycols susci-tait une inquiétude chez les médecins du travail et commençait àêtre bien connu du public.

C’est pourquoi 25 médecins volontaires du Service de santé autravail Nord-Franche-Comté ont entrepris une enquête sur lesujet dans quatre activités professionnelles exposées à desniveaux certes probablement faibles ou moyens, mais qui sontfréquemment rencontrées dans le service et qui emploient beau-coup de personnel : la coiffure, les garages, la mécanique géné-rale, le nettoyage industriel.

OBJECTIFS

Les objectifs que nous nous étions fixés dans cette étude étaientau nombre de trois :

— d’abord identifier les produits contenant des éthers deglycols toxiques pour la reproduction et interdits pour le grandpublic utilisés dans les métiers choisis ;

— dans un second temps, confirmer si besoin l’exposition dessalariés par des dosages biométrologiques adaptés aux produitsrepérés ;

— enfin, inciter les employeurs à rechercher des solutions deremplacement et, en cas d’impossibilité, les conseiller sur desmoyens de protection.

© Masson, Paris, 2004 Arch. mal. prof., 2004, 65, n° 4, 365-366

MOYENS-MÉTHODE

Nous avons utilisé la méthodologie suivante :les médecins volontaires ont été préalablement formés à

l’identification des éthers de glycols.Nous avons fait un tirage au sort des entreprises pondéré sur

les effectifs, dans les quatre activités professionnelles étudiées.La recherche des éthers de glycols a été faite uniquement à

partir des fiches de données de sécurité pour les peintures etproduits de préparation auto, les fluides de coupe et de lubrifica-tion, les produits de nettoyage.

Pour les produits de nettoyage, nous avons aussi utilisé lesfiches techniques, qui donnent souvent des indications sur lacomposition.

Pour les produits de coiffure, il n’y a pas de fiches de donnéesde sécurité, les cosmétiques ne sont pas soumis à cette obligation,et nous avons dû enquêter à partir de l’étiquetage des emballages.

RÉSULTATS

Nous avons tiré au sort 190 entreprises, dont 40 salons de coif-fure, 30 ateliers de mécanique générale, 83 garages et 37 entre-prises de nettoyage.

Nous avons enquêté dans 123 entreprises (65 % des tirées ausort), dont 21 salons de coiffure, 20 ateliers de mécanique géné-rale, 56 garages, 26 entreprises de nettoyage.

35 % des entreprises tirées au sort n’ont pas été enquêtéespour de multiples raisons : refus formel des employeurs de par-ticiper, employeurs qui sans refuser formellement de participern’ont pas fourni les données nécessaires, entreprises radiées duservice, entreprises qui ont changé de médecin pour un médecinnon volontaire, abandons de médecins par surcharge de travail...

Nous avons examiné 1 355 produits.D’après les informations contenues dans les fiches de données

de sécurité et les fiches techniques, 448 de ces produits, soit 33 %des produits examinés, contenaient au moins un éther de glycol.

Indiquons tout de suite que nous n’avons retrouvé aucun étherde glycol classé toxique pour la reproduction ou interdit pour legrand public sur ces 448 produits.

Pour 359 produits de coiffure étudiés, nous avons trouvé 6éthers de glycol différents dans 115 produits.

Pour 85 fluides de coupe étudiés, les fiches de données desécurité ont mentionné 5 éthers de glycol différents dans 6produits.

Pour 708 produits de préparation et peintures automobilesétudiées, nous avons retrouvé 10 éthers de glycols différents dans235 produits.

Pour 203 produits de nettoyage étudiés, nous avons égalementtrouvé 10 éthers de glycols différents dans 92 produits.

DISCUSSION

Cette enquête était basée sur le volontariat des médecins duservice et 25 sur 38 ont choisi de participer : on sait que levolontariat est une source de biais, mais il n’était pas possible defaire autrement.

Avec 35 % d’entreprises tirées au sort non enquêtées, se posele problème de la représentativité de notre échantillon : un biaisde sélection est possible.

Nous avons par ailleurs rencontré beaucoup de difficultés avecles fiches de données de sécurité, souvent peu détaillées et impré-cises ; de même, les étiquettes des produits de coiffure ne portentpas de numéro C.A.S., comportent beaucoup d’abréviations oude libellés peu précis.

Tout cela fait que nous ne pouvons pas être absolument cer-tains de n’avoir pas oublié des éthers de glycols dans notreenquête.

CONCLUSION

Malgré ces réserves méthodologiques, nous n’avons découvertaucun des 10 éthers de glycol officiellement classés toxiques pourla reproduction ou proposés au classement, à part des traces de1-propylène glycol-2-méthyléther acétate (1PG2MEA) signaléesdans des garages.

Pour autant, il convient de rester prudents, car pour de nom-breux éthers de glycol, les données scientifiques restent insuffi-santes, ou même absentes, et, d’autre part, on trouve souvent del’éthylène glycol butyléther (EGBE), pour lequel se pose laquestion de la cancérogénicité.

C’est pourquoi le groupe a décidé de faire une nouvelleenquête sur l’exposition à l’EGBE dans les garages et les entre-prises de nettoyage.

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