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ARTICLE ORIGINAL Évaluation radiologique des seins reconstruits ayant bénéficié dun lipomodelage Radiological evaluation of breasts reconstructed with lipomodeling A.C. Pierrefeu-Lagrange a, *, E. Delay b , N. Guerin c , K. Chekaroua b , T. Delaporte b a Service de chirurgie plastique, esthétique et réparatrice, CHU Bellevue, boulevard Pasteur, 42000 Saint-Étienne, France b Unité de chirurgie plastique et reconstructrice, centre Léon-Bérard, 28, rue Laennec, 69008 Lyon, France c Département de radiologie, centre Léon-Bérard, 28, rue Laennec, 69008 Lyon, France Reçu le 29 août 2005 ; accepté le 21 octobre 2005 MOTS CLÉS Lipomodelage ; Mammographie ; Échographie ; IRM ; Transfert graisseux Résumé Afin daméliorer le volume et la forme des seins reconstruits par lambeau de grand dorsal sans prothèse, nous utilisons depuis 1999 la technique du lipomodelage. Les résultats morphologiques sont très intéressants, et cette technique est amenée à se développer de façon considérable. En parallèle, limagerie du sein est un moyen fondamental de surveillance du sein. Aussi, il est important de connaître le retentissement radiologique des greffes de tis- sus graisseux au niveau des seins reconstruits. Le but de cette étude est dévaluer laspect radiologique du lipomodelage du sein reconstruit par lambeau de latissimus dorsi par trois examens radiologiques : échographie, mammographie et IRM. Cette étude porte sur 30 patien- tes dâge moyen de 51 ans. Ces patientes ont toutes été reconstruites par lambeau de latissi- mus dorsi autologue. Elles ont bénéficié dun lipomodelage dun volume moyen de 165 cc, dont quatre patientes de façon bilatérale. Trois examens radiologiques (échographie, mammo- graphie, IRM) ont été réalisés dans un délai dun an après le lipomodelage. Les résultats ont montré : 20 cas daspect radiologique tout à fait normal (sur 34 seins), 14 cas dimage grais- seuse, quatre cas de microcalcifications bénignes, un cas dimage tissulaire qui a fait lobjet dune microbiopsie. Le résultat était un granulome gigantocellulaire bénin. À la suite de cette étude, nous pouvons conclure que les greffes de tissu graisseux nentraînent pas de dif- ficulté diagnostique radiologique particulière. La surveillance radiologique est donc possible, de même la réalisation dune microbiopsie radiologique, en sachant quactuellement en can- cérologie mammaire toute tuméfaction palpable et augmentant de volume doit bénéficier dune microbiopsie pour obtenir une certitude diagnostique. Des travaux complémentaires sont en cours pour évaluer le retentissement des transferts graisseux sur le sein normal. Ces travaux sont fondamentaux et constitueront la pierre angulaire dun élargissement des indica- tions du lipomodelage à la chirurgie plastique et esthétique du sein. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Annales de chirurgie plastique esthétique 51 (2006) 1828 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A.C. Pierrefeu-Lagrange). 0294-1260/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2005.10.001 disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/annpla

Évaluation radiologique des seins reconstruits ayant bénéficié d'un lipomodelage

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Annales de chirurgie plastique esthétique 51 (2006) 18–28

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ARTICLE ORIGINAL

Évaluation radiologique des seins reconstruitsayant bénéficié d’un lipomodelage

Radiological evaluation of breasts reconstructedwith lipomodeling

A.C. Pierrefeu-Lagrange a,*, E. Delay b, N. Guerin c, K. Chekaroua b,T. Delaporte b

a Service de chirurgie plastique, esthétique et réparatrice, CHU Bellevue, boulevard Pasteur, 42000 Saint-Étienne, Franceb Unité de chirurgie plastique et reconstructrice, centre Léon-Bérard, 28, rue Laennec, 69008 Lyon, Francec Département de radiologie, centre Léon-Bérard, 28, rue Laennec, 69008 Lyon, France

Reçu le 29 août 2005 ; accepté le 21 octobre 2005

02do

MOTS CLÉSLipomodelage ;Mammographie ;Échographie ;IRM ;Transfert graisseux

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : anne.clai

94-1260/$ - see front mattei:10.1016/j.anplas.2005.10.

re.pierre

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Résumé Afin d’améliorer le volume et la forme des seins reconstruits par lambeau de granddorsal sans prothèse, nous utilisons depuis 1999 la technique du lipomodelage. Les résultatsmorphologiques sont très intéressants, et cette technique est amenée à se développer defaçon considérable. En parallèle, l’imagerie du sein est un moyen fondamental de surveillancedu sein. Aussi, il est important de connaître le retentissement radiologique des greffes de tis-sus graisseux au niveau des seins reconstruits. Le but de cette étude est d’évaluer l’aspectradiologique du lipomodelage du sein reconstruit par lambeau de latissimus dorsi par troisexamens radiologiques : échographie, mammographie et IRM. Cette étude porte sur 30 patien-tes d’âge moyen de 51 ans. Ces patientes ont toutes été reconstruites par lambeau de latissi-mus dorsi autologue. Elles ont bénéficié d’un lipomodelage d’un volume moyen de 165 cc,dont quatre patientes de façon bilatérale. Trois examens radiologiques (échographie, mammo-graphie, IRM) ont été réalisés dans un délai d’un an après le lipomodelage. Les résultats ontmontré : 20 cas d’aspect radiologique tout à fait normal (sur 34 seins), 14 cas d’image grais-seuse, quatre cas de microcalcifications bénignes, un cas d’image tissulaire qui a fait l’objetd’une microbiopsie. Le résultat était un granulome gigantocellulaire bénin. À la suite decette étude, nous pouvons conclure que les greffes de tissu graisseux n’entraînent pas de dif-ficulté diagnostique radiologique particulière. La surveillance radiologique est donc possible,de même la réalisation d’une microbiopsie radiologique, en sachant qu’actuellement en can-cérologie mammaire toute tuméfaction palpable et augmentant de volume doit bénéficierd’une microbiopsie pour obtenir une certitude diagnostique. Des travaux complémentairessont en cours pour évaluer le retentissement des transferts graisseux sur le sein normal. Cestravaux sont fondamentaux et constitueront la pierre angulaire d’un élargissement des indica-tions du lipomodelage à la chirurgie plastique et esthétique du sein.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

[email protected] (A.C. Pierrefeu-Lagrange).

5 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

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KEYWORDSLipomodeling;Mammography;Ultrasound;MRI;Fat graft

Abstract We have been using the lipomodeling technique since 1999 in order to improve theform and the volume of the breasts reconstructed with latissimus dorsi flap. During several re-cent years this technique has known a considerable development and its results are quite at-tractive. At the same time, the breast imaging remains to be a fundamental mean of cancercontrol. The knowledge of radiological manifestations of the implanted fat tissue is very im-portant. The aim of this study was to evaluate the imaging aspects of lipomodeling in breastsreconstructed with latissimus dorsi flap, using three types of explorations: ultrasound, radi-ological mammography and MRI. A total of 30 patients were included into the study with aver-age age of 51 years. All of these patients underwent a breast reconstruction using a latissimusdorsi flap with lipomodeling, which average volume reached 165 cc. Four of the patient had abilateral breast reconstruction. Three modes of imaging (ultrasound, mammography and MRI)were performed a year after the surgery. In 20 patients the imaging findings proved to be nor-mal (in total 34 breasts). An image of fat tissue was revealed in 14 cases and some benign mi-crocalcifications were found in 4 patients. A suspicious tissular image was discovered in onepatient, who later underwent a biopsy. The result was a benign giant cell granuloma. In con-clusion, the lipomodeling technique does not affect the postoperative follow-up of the pa-tients with breast cancer and an imaging controlled biopsy is possible in case of any doubt.At present, some additional studies are underway evaluating the fat tissue transplants in nor-mal breasts, in order to widen its indications in the plastic breast surgery.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

En matière de reconstruction mammaire, le but du chirur-gien plasticien est d’obtenir un sein reconstruit, de formeet de consistances naturelles, proche du sein controlatéral.Les techniques de reconstructions mammaires sont variées :prothèse, lambeau ou encore l’association des deux. L’uti-lisation d’une reconstruction autologue a l’avantage d’évi-ter les complications des prothèses. Elle permet égalementun modelage du lambeau autorisant une reconstructiond’un sein proche du sein controlatéral, qui sera plus stabledans le temps, et permettra une meilleure intégration auschéma corporel de la patiente.

Parmi les reconstructions autologues, notre choix s’estfait de façon préférentielle vers le lambeau de latissimusdorsi, qui constitue actuellement notre technique princi-pale en reconstruction mammaire autologue. Le lambeaude latissimus dorsi a progressivement supplanté, dansnotre pratique, l’utilisation du lambeau de rectus abdomi-nis au cours de ces dix dernières années, car il permet dessuites opératoires beaucoup plus simples, une meilleuregestion des tissus locaux thoraciques, évitant ainsi l’effetde pièce de peau rapportée sur le sein. Le muscle est pré-levé avec son environnement graisseux, qui va naturelle-ment participer au volume de reconstruction [1,2]. Néan-moins, le volume du sein reconstruit peut s’avérerinsuffisant : minceur de la patiente, ou atrophie secondaireimportante du lambeau. Dans ces cas, la solution classiqueétait l’adjonction secondaire d’une prothèse sous le lam-beau, rompant le caractère purement autologue de lareconstruction, donnant une forme moins naturelle et ajou-tant ses propres inconvénients. Dans d’autres cas, bien quele résultat soit globalement bon, il pouvait exister unmanque de projection ou un déficit localisé qui nuisait àl’obtention d’une reconstruction de grande qualité.

Pour pallier ces types d’inconvénients, nous avons eul’idée d’utiliser le transfert de graisse au niveau de la régionmammaire afin d’améliorer le volume et la forme des seins

reconstruits par lambeau de grand dorsal sans prothèse. Lapossibilité de réaliser un lipomodelage du sein reconstruitpar lambeau de latissimus dorsi offre de nombreux avanta-ges : maintien du caractère purement autologue de lareconstruction, reproductibilité de la technique, qui peutêtre répétée en cas de résultat insuffisant, possibilité d’ob-tenir un sein d’apparence et de consistance naturelles,symétrique au sein controlatéral, bénéfices secondaires del’aspiration des stéatoméries disgracieuses de la patienteDepuis1893, de nombreuses techniques de transfert d’adipo-cytes ont été décrites [3]. La technique du lipomodelage dusein reconstruit par lambeau de latissimus dorsi autologue aété développée depuis 1999 dans notre équipe. Nous utili-sions en effet, depuis plusieurs années des transferts grais-seux de faible quantité en chirurgie esthétique du visage,comme cela avait été montré comme efficace par plusieursauteurs dont Coleman [4,5] qui avait fait une bonne synthèsedes principes chirurgicaux visant à préserver la graisse etfaciliter la prise des greffes adipocytaires. La technique delipomodelage consiste à prélever la graisse d’une stéatomé-rie, à purifier celle-ci, et à la transférer dans le sein recons-truit. Les résultats morphologiques sont très intéressants :surtout au niveau de la partie interne du sein et de la partiesupéro-interne (zone du décolleté). Cette technique trèsefficace sera probablement amenée à se développer defaçon considérable. Mais que se passe-t-il au niveau radiolo-gique ? Existe-il un retentissement délétère ? Il est ainsi paruimportant de connaître le retentissement radiologique desgreffes de tissus graisseux au niveau des seins reconstruits.

Le but de cette étude est d’évaluer l’aspect radiologique,du lipomodelage du sein reconstruit par lambeau de latissi-mus dorsi, par trois examens radiologiques : échographie,mammographie et imagerie par résonance magnétique.

Matériel et méthodes

Trente patientes ayant bénéficié d’un lipomodelage du seinreconstruit par lambeau de latissimus dorsi et présentant

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un recul d’un an par rapport à la dernière séance delipomodelage ont bénéficié d’une étude radiologique.

Parmi ces 30 patientes, quatre avaient une reconstruc-tion mammaire bilatérale avec un lipomodelage des deuxseins reconstruits, soit 34 seins étudiés.

Cette étude a pris en compte l’ensemble des élémentsdu dossier en particulier l’âge, la date de la mastectomie,la date de la reconstruction par le lambeau de latissimusdorsi, les caractéristiques de la reconstruction mammaire :immédiate ou différée, la date du premier et de l’éventuellipomodelage, le volume injecté.

Les patientes ont bénéficié le même jour de trois exa-mens radiologiques : échographie, mammographie et IRM.Les examens ont été réalisés par le même médecin radio-logue (à forte orientation sénologique) pour assurer l’homo-généité de l’étude.

Les mammographies ont été réalisées sur un mammo-graphe GE-DMR avec deux incidences craniocaudale etoblique, les échographies sur un échographe Siemens-Anta-res et les examens IRM sur un appareil 1,5 Tesla Philips. Lesseins ont été étudiés en séquences T2, T1 FAT-SAT avant etaprès injection de gadolinium.

Les résultats ont pris en compte :

● sur la mammographie : la visibilité ou non du lambeau,la présence d’opacités, d’images claires ou de calcifica-tions ;

● sur l’échographie : la présence ou l’absence d’imageskystiques simples ou complexes et ou d’images tissulai-res ;

● sur l’IRM : la répartition de la graisse injectée, la pré-sence ou l’absence d’images anormales kystiques ou soli-des.

Les images ont été classées selon les catégories BI-RADSde la classification de l’American College of Radiology(ACR) [6].

Résultats

Type de chirurgie

PatientesCette étude rétrospective porte sur 30 patientes ayantbénéficié d’un lipomodelage par un seul opérateur denovembre 2001 à septembre 2003 après reconstructionmammaire par lambeau de latissimus dorsi.

Parmi les 30 patientes, 85 % (29 cas) ont bénéficié d’unereconstruction mammaire différée et 15 % (cinq cas) d’unereconstruction mammaire immédiate dans le cadre d’unenéoplasie mammaire. La série comporte : 20 cas de recons-truction gauche et 14 cas de reconstruction mammairedroite.

Nous avons quatre cas de reconstruction mammaire bila-térale avec une séance de lipomodelage des deux seinsreconstruits.

L’âge moyen des patientes au moment du lipomodelageétait de 51 ans (avec des extrêmes de 33 à 63 ans).

DélaisLes résultats portent sur 34 seins reconstruits par lambeaude latissimus dorsi réalisées chez 30 patientes de février1996 à novembre 2002 dans le cadre d’une néoplasie mam-maire. L’âge moyen des patientes lors de la mastectomieétait de 47,3 ans.

Concernant les reconstructions mammaires différées,l’âge au moment du lambeau de latissimus dorsi était de49,3 ans, l’intervalle entre la mastectomie et la réalisationdu lambeau de latissimus dorsi était en moyenne de33,1 mois. L’intervalle entre la réalisation du lambeau delatissimus dorsi et le premier lipomodelage était de15,1 mois.

LipomodelageLes 39 lipomodelages avaient été réalisés de novembre2001 à septembre 2003 : quatre cas bilatéraux dont un casbénéficiait de deux lipomodelages sur un des deux lam-beaux, et quatre patientes ont eu deux lipomodelages. Levolume moyen des transferts graisseux injectés était de164,7 cc dans le lambeau de latissimus dorsi avec desextrêmes de 34 à 290 cc.

Examens radiologiques

Mammographie

Examens dits « normaux » : 24 cas. Le sein reconstruit estessentiellement graisseux. Aucune anomalie n’est retenueet l’examen est classé normal BI-RADS 1. Le lambeau delatissimus dorsi est atrophié non visible ou de faible épais-seur et d’aspect strié (Fig. 1a,b).

Microcalcifications : quatre cas. Elles sont rondes régulièresà centre clair, de très petite taille inférieure à 2 mm, enfaveur de petits foyers de cytostéatonécrose calcifiée(Fig. 2). Elles sont bénignes, classées BI-RADS 2. Elles sontsoit isolées, soit associées à de petites images claires denature graisseuse.

Les images circonscrites claires : sept cas. Ce sont des ima-ges graisseuses régulières, de petite taille entourées d’unfin liseré dense régulier (Fig. 3). Elles sont parfois associéesà des calcifications de paroi. Elles correspondent aux kysteshuileux vus en échographie. Dans un cas il s’agit d’uneimage de 30 mm correspondant en échographie à un kystecomplexe et en IRM à une image typique de cytostéatoné-crose. Ces images sont bénignes et classées BI-RADS 2.

Les opacités circonscrites : un cas. Une opacité a été notéedans un cas en situation relativement superficielle, decontour un peu flou, inférieure à 6 mm (Fig. 4), classée sus-pecte BI-RADS 4. Elle est retrouvée en échographie et enIRM et a fait l’objet d’un prélèvement guidé en échogra-phie. L’anatomopathologie a mis en évidence un granulomegigantocellulaire bénin.

Échographie

Examens dits « normaux » : 20 cas. Les transplants grais-seux ne sont pas dissociables de la graisse du lambeau ;les lobules graisseux sont hypoéchogènes. Le lambeau estdifficile à individualiser dans la plupart des cas, apparais-sant parfois sous forme de fines bandes striées isoéchogènesà la graisse.

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Figure 1 Mammographie du sein droit avec 217 cc de lipomodelage. A) incidence craniocaudale. B) incidence oblique externe.

Figure 2 Mammographie du sein gauche en oblique externeavec 164 cc de lipomodelage.

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Les images kystiques : 12 cas. Les images kystiques simplesavec un petit renforcement postérieur des échos, toutes depetites tailles comprises entre 5 et 20 mm, correspondent

en mammographie à des images claires ou n’ont pas de tra-duction mammographique. Ce sont des petits kystes huileuxnotés dans 11 cas.

Une image kystique complexe est notée dans un cas ; ils’agit d’une image mixte à composante liquidienne et pseu-dosolide, ovalaire, de contour régulier. Elle correspond enmammographie à une image claire de 30 mm finement bor-dée d’un liseré dense, en faveur d’une cytostéatonécrose(Fig. 5). La deuxième image de cytostéatonécrose de30 mm visualisée en IRM n’a pas été vue en échographie.Les images solides : deux cas. Dans un cas il s’agit d’uneimage hypoéchogène, de contour un peu irrégulier(Fig. 6). Elle est visible en mammographie et correspond àune petite opacité superficielle. Une microbiopsie au tru-cut 14 G a été réalisée sous guidage échographique. Ils’agit d’un granulome épithélioïde et gigantocellulaire enrelation avec le geste chirurgical.

Dans un deuxième cas il s’agit d’une image hyperécho-gène homogène ovalaire, difficilement individualisable dela graisse du lambeau, de nature graisseuse, échographi-quement bénigne, sans traduction mammographique. EnIRM il s’agit du deuxième cas de nodule de cytostéatoné-crose en hypersignal T2.

IRMExamens dits « normaux » : 24 cas. En pondération T2, lagraisse apparaît en hypersignal homogène. Sur quelques cli-chés, nous remarquons les microgreffes à l’intérieur mêmedu latissimus dorsi, sous forme de petites images parse-mant l’ensemble du lambeau (Fig. 7).

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Figure 3 Mammographie du sein gauche en oblique externeavec 199 cc de lipomodelage.

Figure 4 Mammographie du sein gauche en oblique externeavec 192 cc de lipomodelage.

Figure 5 Échographie du sein gauche avec 199 cc de lipomo-delage.

Figure 6 Échographie du sein gauche avec 192 cc de lipomo-delage.

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En pondération T1 (Fig. 8), la graisse est en hyposignalhomogène sur les séquences avec suppression de graisse. Onremarque souvent une accumulation de graisse derrière lelambeau sous forme de petits amas arrondis juxtaposés. Ilest impossible de distinguer la graisse du lambeau de lagraisse transférée. Nous pouvons juste remarquer, lorsd’une reconstruction bilatérale avec un des deux seins

reconstruits sans lipomodelage que l’accumulation rétro-latissimus dorsi est beaucoup plus importante dans le seinlipomodelé (Fig. 9). Dans quelques cas, le muscle n’est plusreconnaissable, il est complètement déspécifié.

Les images graisseuses - petits kystes huileux : sept caset nodules de cytostéatonécrose : deux cas. De nombreusespetites images circonscrites ont été notées. Elles sont régu-lières, apparaissent en hyposignal homogène en T1 avecsuppression de graisse, non vues en pondération T2 car dif-ficiles à individualiser de la graisse normale. Elles corres-pondent aux petites images kystiques en échographie etaux images claires en mammographies. Elles sont de petitetaille, comprises entre 5 et 20 mm. Elles sont d’une naturehuileuse.

Des images de nodules de cytostéatonécroses plus volu-mineuses sont notées dans deux cas. Dans un cas il s’agitd’une image de 31 mm en hyposignal en T1 avec suppres-sion de graisse entourée d’un liseré en hypersignal

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Figure 7 IRM en T2 après 100 cc de lipomodelage du seindroit.

Figure 8 IRM en T1 avec suppression de graisse et injectionde produit de contraste après 217 cc de lipomodelage du seindroit.

Figure 9 IRM en T2. A) reconstruction du sein gauche parlambeau de latissimus dorsi sans lipomodelage. B) reconstruc-tion du sein droit par lambeau de latissimus dorsi avec 150 cclipomodelage.

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(Fig. 10a). En T2 le centre du nodule est en hypersignal peuintense plus ou moins homogène (Fig. 10b). L’image se dis-socie de la graisse native et injectée, elle est circonscrite.Elle correspond en échographe à un kyste complexe demême taille et à une image claire finement cerclée enmammographie associant quelques calcifications dystrophi-ques en périphérie.

Dans un deuxième cas l’image est en hypersignal peuintense en T2, elle mesure 30 mm et correspond en écho-graphie à une image hyperéchogène ovalaire d’aspect béninnon visible en mammographie, de nature graisseuse.

Image tissulaire : un cas. Une image infracentimétrique enhyposignal en pondération T2 a été notée dans un cas.Après injection de produit de contraste, il existait unrehaussement atypique (Fig. 11). Sa situation était trèssuperficielle dans le sein. En échographie elle était infrac-entimétrique de contour flou, classée BI-RADS 4. Unemicrobiopsie guidée sous échographie était réalisée autru-cut 14 G. Il s’agissait d’un granulome gigantocellulairebénin.

Le nombre d’images décrites en mammographie estsupérieur au nombre d’images décrites en échographie eten IRM car les microcalcifications ne sont pas visibles enéchographie et en IRM (Tableau 1).

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Figure 10 IRM d’une reconstruction du sein droit avec 196 ccde lipomodelage. A) en T1 avec suppression de graisse et injec-tion de produit de contraste. B) en T2.

Figure 11 IRM en T1 avec suppression de graisse et injectionde produit de contraste d’une reconstruction du sein gaucheavec 192 cc de lipomodelage.

Tableau 1 Résultats

Échographie Mammographie IRMNormaux 20 24 24Images graisseusesKystes huileux de 5 à20 mm

12 6 7

Cytostéatonécrosede 20 à 31 mm

2 1 2

Microcalcifications 4Image tissulaire 1 1 1

34 36 34

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Discussion

La chirurgie reconstructrice est la suite logique et indispen-sable de la chirurgie d’exérèse tumorale. Obtenir un sein deconsistance et de forme normale, reste un challenge chirur-gical encore difficile à obtenir.

Les évolutions techniques ont fait le lit de pratiques chi-rurgicales complexes et spécialisées.

Le problème de santé publique que représente l’accrois-sement du nombre de patientes atteintes d’une néoplasiemammaire, nous a conduits à opter pour des techniquesde reconstruction fiables et reproductibles. Le lambeau delatissimus dorsi autologue est une technique fiable, repro-ductible, garante de résultats esthétiques et morphologi-ques de qualité. Cette technique permet des reconstruc-tions purement autologues et ainsi évite la mise en placed’un matériel prothétique. Le muscle est prélevé avec sonenvironnement graisseux, qui va naturellement participerau volume de la reconstruction [1,2]. Néanmoins, elle seheurte à des limites lorsqu’il existe une discordance impor-tante entre le volume mammaire à reconstruire et le capi-tal adipeux dorsal ou encore s’il existe une atrophie secon-daire importante du lambeau de latissimus dorsi.L’utilisation de la greffe d’adipocytes apparaît comme uncomplément idéal du lambeau de latissimus dorsi.

L’idée de transférer la graisse d’un site où elle était enexcès vers un site receveur est ancienne.

Elle a subi de nombreuses évolutions depuis un siècle. Eneffet en 1893, Neuber [3] le premier décrivait le transfertautologue de graisse. Il prélevait des parcelles de tissu adi-peux sur des membres supérieurs qu’il déposait au niveaudu visage pour combler une cavité secondaire à uneséquelle d’ostéite à mycobactéries.

En 1895, Czerny [7] décrivait le premier cas de recons-truction mammaire par transfert d’un lipome dorsal pour

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combler une dépression du sein secondaire à l’exérèsed’une tumeur bénigne. En 1910, Lexer [8] présentait sonexpérience dans l’article « Frei fetttransplantation » surle transfert des parcelles de graisse prélevées au niveaude la paroi abdominale. À la suite de ces travaux, tout aulong du siècle de nombreux auteurs publièrent l’utilisationdes transferts de graisse. En 1987, Ellenbogen [9] recensaitplus de 200 auteurs ayant utilisé la graisse du tissu adipeuxcomme greffe. En 1983, un progrès décisif fut réalisé dansle prélèvement de graisse par l’invention de la liposuccionpar Illouz [10]. Le prélèvement de graisse devenait alorsmoins invasif et la graisse recueillie par aspiration pouvaitêtre prélevée en grande quantité et réinjectée à lademande. P.F. Fournier [11,12] affinait la technique qu’ilnommait Liposculpture, en 1985. Il modifiait la techniqued’Illouz, en réalisant l’aspiration à la seringue et en effec-tuant des microaspirations et des micro-injections à l’ai-guille de 13 G. Plus récemment, S.R. Coleman faisait unesynthèse des différentes améliorations. Avec l’utilisationde la centrifugation, il apportait un protocole très précis,insistant sur le caractère atraumatique du prélèvement etdu transfert de graisse. Ses travaux ont porté essentielle-ment sur l’application des transferts de graisse à la chirur-gie du rajeunissement facial [13]. Aujourd’hui, de nom-breux auteurs ont confirmé l’intérêt du transfert degraisse dans des indications des plus variées. Elles vont dela chirurgie du rajeunissement facial à l’augmentation fes-sière [14]. Les résultats impressionnants que nous avionsobtenus en chirurgie esthétique et en chirurgie reconstruc-trice faciale, nous ont donné l’idée d’appliquer dès 1999,cette technique à la chirurgie reconstructrice du sein.Nous avons ainsi mis au point un protocole de transfert detissu graisseux dans le lambeau de latissimus dorsi.

Les indications du lipomodelage du sein reconstruit sontlarges. Il est utilisé pour apporter un volume important etcontribue à améliorer la forme et la projection du seinreconstruit afin de maintenir le caractère purement auto-logue de la reconstruction. Il peut être appliqué chaque foisque l’on souhaite corriger un défaut localisé sur un seinreconstruit comme la région du décolleté.

Les contre-indications du lipomodelage sont rares. Ils’agit principalement des patientes très minces, n’ayantaucune zone graisseuse à prélever. En effet, il faut deszones graisseuses suffisantes pour permettre le prélève-ment de graisse. Il faut en effet prélever environ deux foisle volume de graisse que l’on espère voir rester en résultatfinal : c’est-à-dire que l’on perd environ 30 % du volumeprélevé lors de la centrifugation et de la préparation, puisplus tard, 30 % du volume transféré, par des phénomènes derésorption apparaissant dans les quatre mois suivant letransfert graisseux [15].

La technique opératoire est reproductible à toutes lespatientes. Un examen clinique minutieux permet d’évaluerles zones qui sont à traiter sur le sein. Elles sont repérées etmarquées sur la patiente. Les zones de prélèvement grais-seux sont aussi dessinées. Le plus souvent c’est la stéato-mérie abdominale qui est utilisée, car ce prélèvement estapprécié des patientes et il ne nécessite pas de changementde position opératoire ; le deuxième site est la région tro-chantérienne. Chaque intervention a été réalisée sous anes-thésie générale. Une antibiothérapie prophylactique clas-

sique est habituellement prescrite en peropératoire. Enpremier lieu nous effectuons le prélèvement graisseux. Ilse réalise avec une canule de prélèvement à usage uniqueà bout mousse de 3 mm de diamètre. Le prélèvement se faità la seringue. La quantité de graisse prélevée doit êtreassez importante pour tenir compte de la perte liée à lacentrifugation et à l’hypercorrection nécessaire lors dutemps de transfert de graisse. Afin de parfaire le résultatmorphologique, les zones de prélèvement sont uniformiséesen fin de prélèvement par une lipoaspiration classique avecune canule de 4 mm. Au fur et à mesure du prélèvement,l’instrumentiste conditionne les seringues pour la centrifu-gation : les seringues sont obturées, et sont centrifugéespar lot de six, trois minutes à 3200 tours/min. Cette centri-fugation va permettre d’isoler trois phases :

● une phase superficielle contenant l’huile issue de la lysecellulaire ;

● une phase profonde contenant les résidus sanguins ;

● une phase moyenne contenant les adipocytes purifiés,qui est la partie utile.

Après préparation de la graisse, le transfert de la graissese fait au niveau de la région mammaire, et est réalisédirectement avec les seringues de 10 ml sur lesquellessont adaptées des canules spécifiques de transfert, àusage unique, de 1,8 mm de diamètre. Les incisions auniveau du sein sont réalisées à l’aide d’un trocart de 17 G.Il faut réaliser plusieurs incisions qui permettront de multi-plier et de croiser les microtunnels de transferts.

Le transfert graisseux se réalise par petite quantité sousla forme de fins cylindres de graisse. Il faut réaliser desmicrotunnels multidirectionnels. Le transfert se fait duplan profond vers le plan superficiel. Il faut avoir unebonne vision dans l’espace et former une sorte de grillagetridimensionnel afin de ne jamais réaliser de zones grais-seuses en flaques qui conduiraient à une cytostéatonécrose.Le transfert se fait sous faible pression, en retirant douce-ment la canule. Il faut savoir surcorriger la quantité à trans-férer car il faut escompter une résorption d’environ 30 % duvolume transféré [13].

La surveillance du sein reconstruit est tout d’abord cli-nique. L’imagerie dans la surveillance du sein reconstruitaprès mastectomie n’a fait l’objet que peu d’étude dansla littérature. Jusqu’à ce jour, il n’existe aucun protocoleradiologique de référence du sein reconstruit. Actuelle-ment, très peu de patientes ont eu une surveillance radio-logique à titre systématique. La mammographie du seinreconstruit est habituellement requise dans les cas où lapatiente développe une tumeur palpable ou lors d’une éva-luation diagnostique radiologique d’une complication chi-rurgicale à distance (par exemple pour vérifier l’intégritéde la prothèse). La surveillance mammographique desreconstructions mammaires par lambeau est controverséemais pourtant elle peut aider à la découverte de récidivetumorale non palpable. Helvie [16] décrit 214 mammogra-phies chez 113 patientes asymptomatiques sur 113 recons-tructions par lambeau de rectus abdominis ; sept cas (3 %)étaient classés BI-RADS 4 ou 5, six cas (86 %) des sept cas

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ont eu une biopsie percutanée : deux étaient des carcino-mes canalaires infiltrants et quatre étaient des lésions béni-gnes. Cent soixante et onze mammographies classées initia-lement BI-RADS 1 ou 2 furent surveillées, avec une récidivede cancer dans 1,2 % des cas (deux cas) dans un délai de sixà dix ans (moyenne 7,3 ans) après le diagnostic initial.Parmi les 16 cas classés BI-RADS 3, avec une médiane desurveillance de 24 mois, un cas de cancer infiltrant est sur-venu à six mois, considéré comme un faux négatif de lamammographie.

La surveillance du sein reconstruit [16–18] par lambeauautologue peut se justifier par l’existence de récidiveslocales sur la paroi thoracique après mastectomies chez0,2 à 1 % des femmes par an [19]. Nous préconisons habi-tuellement une surveillance clinique soigneuse. En casd’apparition d’un nodule ou d’une tuméfaction, une mam-mographie et une échographie sont réalisées avec au moin-dre doute une microbiopsie. La mammographie des seinsreconstruits par lambeau autologue est techniquementfacile en raison de la consistance souple du sein alorsqu’elle est limitée en cas de reconstruction par prothèse.Le dépistage mammographique sur lambeau entraîne néan-moins des faux positifs, une valeur prédictive positive faibledes biopsies et le bénéfice du dépistage précoce de la réci-dive n’est pas prouvé, mais la mammographie est recom-mandée par ces auteurs [16–18,20]. Hogge [21] décrit l’as-pect mammographique du lambeau musculocutané. Il a uneapparence graisseuse plus ou moins dense suivant l’impor-tance du muscle. Il schématise les différentes lignes dulambeau sur les incidences obliques externe et craniocau-dale de la mammographie. Plus récemment, KIM [22] décritles différences entre les images normales, kystes de cytos-téatonécroses, et récidives de cancer sur l’échographie etla mammographie. Les nodules de cytostéatonécroses sonten mammographie [23,24], le plus souvent facilement diag-nostiqués et classés bénins, sous forme d’image mammogra-phique circonscrite claire avec une fine capsule ; ils peu-vent apparaître sous forme d’image indéterminéehétérogène claire et dense, et parfois sous forme d’opacitécirconscrite suspecte ou probablement maligne de contourflou ou spiculé. En échographie [25] ces nodules de cytos-téatonécrose apparaissent solides, kystiques simples oucomplexes. L’aspect kystique en échographie associé à l’as-pect clair en mammographie est typique et évite des inves-tigations supplémentaires. En IRM, [26,27] la cytostéatoné-crose apparaît en hypersignal hétérogène sur les séquencespondérées en T2 traduisant la nécrose et liquéfaction de lagraisse et en hyposignal sur les séquences pondérées en T1éventuellement rehaussé par un fin liseré périphérique, siune injection est réalisée. Contrairement à Iwasaki [27],nous pensons que le couple mammographie–échographiereste le bilan radiologique de référence, ayant identifiétous les problèmes rencontrés. En cas de doute diagnos-tique, une microbiopsie guidée par échographie commedans notre unique cas d’image suspecte BI-RADS 4 permetd’avoir une certitude histologique.

De multiples utilisations des transferts adipocytaires ontété décrites [28]. Toutefois, son utilisation en pratique cou-rante dans le cadre de la reconstruction mammaire n’avaitpas fait l’objet de travaux systématiques. Avec les techni-ques utilisées, les transferts graisseux avaient été accusés

de donner des nodules et des calcifications, qui pouvaientpotentiellement gêner le diagnostic et le dépistage du can-cer du sein. En chirurgie esthétique mammaire, ils ont faitl’objet d’articles et de controverses. Dans le cadre d’aug-mentation mammaire esthétique, des cas de complicationsde transfert d’adipocyte congelé provenant de cadavres ontété décrits [29,30]. Des masses renfermant de multiplesnodules de graisse liquéfiés et nécrosés, entourées d’unecapsule épaisse ont été retrouvées. Bircoll [31], en 1987 autilisé l’injection de graisse dans le sein natif afin de symé-triser celui-ci par rapport au sein reconstruit. Puis il aemployé ce transfert de graisse dans l’augmentation esthé-tique du sein [32]. Il prélevait la graisse par liposuccion etinjectait celle-ci dans le sein après l’avoir mélangée avecde l’insuline. Suite à sa publication, Hartrampf [33] arépondu que cette technique était intéressante mais queson inconvénient majeur était d’engendrer de nombreuxnodules de cytostéatonécroses qui pouvaient facilement seconfondre avec des tumeurs néoplasiques du sein. À la suitede cette polémique cette technique a été plus ou moinsabandonnée. Les microcalcifications sont toutefois banaleset peuvent survenir dans les suites de toute chirurgie mam-maire : reconstruction mammaire par lambeau musculocu-tané, réduction d’hypertrophie mammaire. Cette éventua-lité nous conduit à réaliser une mammographie deréférence après les interventions de réduction mammaire[34,35]. Ces calcifications dans d’autres indications que lelipomodelage, n’ont pas de conséquence diagnostique outhérapeutique. Bircoll [36] retrouve 1,4 % de microcalcifi-cations dans les suites de transfert de graisse dans le sein.Cependant, l’affirmation du caractère bénin de ces micro-calcifications est radiologiquement possible par la mammo-graphie, au moindre doute une microbiopsie est toujourspossible. Les nodules mammaires doivent faire évoquer lediagnostic de néoplasie et au moindre doute faire réaliserune microbiopsie. Les transferts de graisse peuvent entraî-ner la formation de nodules de cytostéatonécrose, en parti-culier quand la technique n’est pas rigoureuse. Johnson[37] montre que l’injection de 1,3 et 5 ml entraîne la for-mation de kystes microscopiques, alors que les kystesmacroscopiques sont dus à l’injection d’un volume de10 ml. Dans notre étude nous avons un protocole de lipomo-delage bien précis. Les cas de cytostéatonécroses ont étéde découverte fortuite par les examens radiologiques etne corresponde en rien aux énormes kystes de cytostéato-nécroses [38–40] qui ont été décrits dans l’augmentationmammaire à but esthétique. Il faut rappeler que les kystesde cytostéatonécroses ne sont pas forcements la consé-quence directe du lipomodelage. En effet, on les retrouveaussi bien chez les obèses, dans la reconstruction mam-maire par lambeau musculocutané, dans la réduction mam-maire, dans les suites d’une biopsie, d’une tumorectomie,ou d’un traumatisme [23]. Là encore, ces nodules de cytos-téatonécroses sont facilement reconnaissables sur la mam-mographie. Et s’il persiste un doute radiologique, la micro-biopsie percutanée permet de ne pas méconnaître unetumeur mammaire en apportant une certitude diagnos-tique.

La réalisation de l’évaluation objective nous a permis :d’authentifier l’aspect radiologique et de codifier celui-ci,de soulever les problèmes de diagnostics différentiels, et

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finalement de permettre la diffusion de la technique delipomodelage sans arrière-pensée de sécurité carcinolo-gique.

Ce travail d’évaluation du retentissement de lipomode-lage sur l’imagerie du sein est fondamental et constitue lapierre angulaire de l’élargissement des indications du lipo-modelage aux malformations du sein et, à terme, à la chi-rurgie esthétique du sein. Ainsi, ce travail doit être pour-suivi et approfondi. Nous avons en cours un complémentd’étude sur le sein reconstruit par lambeau de latissimusdorsi sans prothèse ; une étude de l’imagerie du sein mal-formé traité par lipomodelage ; et une étude du sein pré-sentant des séquelles de traitement conservateur et traitéspar lipomodelage dans le cadre d’un protocole d’évaluationclinique strict. L’ensemble de ces études devrait permettrede décrire de façon précise l’imagerie du sein lipomodelé ;et, si l’absence d’élément délétère se confirmait, à termepermettre l’utilisation sûre du lipomodelage du sein nor-mal.

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Conclusion

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Cette étude nous a permis de décrire de façon systématiquel’aspect en imagerie des seins reconstruits par lambeau delatissimus dorsi sans prothèse et ayant fait l’objet d’unlipomodelage.

Le lipomodelage engendre des images radiologiquesbénignes, qui ne prêtent pas à confusion avec d’éventuellesrécidives d’un cancer du sein. Au moindre doute, touteimage tissulaire doit faire l’objet d’une microbiopsie.

Les transferts graisseux au niveau des seins reconstruitsn’entraînent pas d’élément délétère contre-indiquant leurutilisation en pratique courante de la reconstruction mam-maire. Les travaux, concernant l’évaluation du retentisse-ment du lipomodelage sur le sein, doivent être poursuivis.Les résultats de ces travaux seront fondamentaux et consti-tueront la pierre angulaire pour un éventuel élargissementdes indications du lipomodelage à la chirurgie plastiqueesthétique du sein.

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Références

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