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Leurs interventions sont devenues classiques, reconnues, désirées, allant de soi: rencontres ponctuelles, ateliers de pratique artistique, ateliers d’expression artistique au lycée, classes à PAC, ate- liers d’écriture organisés pour les élèves à la biblio- thèque municipale, résidence… Nombreux sont les dispositifs, ceux-là et d’autres, qui permettent de financer la rencontre d’auteurs avec les élèves, de la maternelle au lycée, sans parler de l’univer- sité. C’est fini? L’écrivain est reparti? On est content, tout le monde est content, c’était mer- veilleux. Tout n’est pas si rose. Une vieille histoire La présence des écrivains dans les classes est ancienne. Depuis les années soixante-dix, des écri- vains, ceux qui écrivent pour la jeunesse, ont rendu visite aux classes, ont rencontré leurs jeunes lec- teurs, puis les ont fait écrire. L’accès des élèves à l’écriture poétique eut ses pionniers dès cette époque: j’ai, par exemple, entre les mains un exemplaire d’une magnifique revue publiée par Jean-Hugues Malineau, Commune Mesure, datant de 1972, il y a trente ans, consacrée à des textes d’enfants. D’aucuns promeuvent des élèves romanciers : Romanciers à treize ans: une pédagogie tournée vers la créa- tion 1 (1978). Ces visites, d’abord confidentielles, ou médiatisées de par la notoriété de l’écrivain (Michel Tournier), sont d’abord réservées aux auteurs pour la jeu- nesse, puis s’étendent à partir des années quatre- vingt aux écrivains qui n’écrivent pas particuliè- rement pour les jeunes et qui viennent dans les classes non seulement pour parler de leurs livres, mais aussi pour faire écrire; ils font écrire les élèves, parfois les enseignants en formation, et éga- lement toutes sortes d’autres publics. Dans les années quatre-vingt-dix, on a vu l’insti- tution se pencher sur cette question, avec un col- loque «Écrire avec des écrivains» 2 . Des ouvrages et des rencontres ont été alors consacrés aux ate- liers d’écriture 3 et une série de livres au partena- riat avec les écrivains, particulièrement significa - tifs; d’abord des ouvrages d’écrivains : Continue la lecture, on n’aime pas la récré…, de Marie-Aude Murail 4 , en 1993 ; Dire, lire, écrire: des écrivains rencontrent des enfants, de Nadine Brun-Cosme, Gérard Moncomble, Christian Poslaniec 5 , également en 1993. Puis dans des collections pédagogiques : Travailler avec des écrivains, d’Emmanuel Virton, André Delobel 6 , en 1995 ; Partenariat écrivain-enseignant au cycle III , de Jacques Delval, Brigitte Huvier, Jacqueline Rioult 7 , en 1997. Et enfin, récemment, du côté du ministère de la Culture: - L’Écrivain viendra le 17 mars 8 , en 2001. En observant ces pratiques, en lisant ce que les acteurs en disent, ce que les observateurs en tirent, je constate un éternel recommencement. Certes, les expériences se sont multipliées, mais les diffi- cultés, notamment, restent les mêmes, comme si les nouveaux acteurs ne tiraient pas leçon des erreurs de leurs aînés, peut-être tout simplement parce qu’ils les ignorent 9 . Il est vrai que dans les comptes rendus, dans les articles, l’on insiste rare- ment sur ce qui ne marche pas. Une fois n’est pas coutume… Vingt dérapages possibles 1.Le parachutage : aucun projet n’existe préala- blement des deux côtés; on ne connaît pas l’écri- vain, on n’a rien lu de lui. C’est la situation la pire qu’on puisse décrire dans ce domaine. Elle exis- te, par exemple, pour Lydia Devos: «Nous sommes ennuyées, la personne qui devait accueillir l’écrivain n’est pas là, car elle ne travaille pas le lundi. […] On m’a trouvé des élèves. Non, ils n’ont pas lu mes livres. Ne m’a-t-on pas pré- venue ? » 10 ; pour Pierre Notte qui, à l’enseignan- te et face à 32 élèves, demande quoi faire; elle À qui viendrait l’idée saugrenue de remettre en cause la venue des écrivains dans les écoles? 1 ÉCRIRE ENSEMBLE ? COMMENT FAIRE ? R ISQUES, ÉCUEILS et ratages du PARTENARIA T écrivain-enseignant 42 (1)Pascal Bouchard, Denoël/Gonthier, 1978. Citons aussi Écrire des romans à l’école, Christian Grenier, Claude Bessou, Roger Portay, Magnard-L’École,1978. (2) Écrire avec des écrivains, actes du colloque de Mont pellier des 2 et 3 octobre 1992, éd. DRAC du Languedoc-Roussillon,1993. (3) Ce n’est pas très élégant,mais je me cite moi-même : Les Ateliers d’écriture, Claire Boniface, collab. Odile Pimet, Retz,1992 ; Premières Rencontres nationales des ateliers d’écriture,22, 23 et 24 février 1993, actes, dir. Claire Boniface, Retz,1994. (4)Calmann-Lévy. (5) Milan. (6) Hachette Éducation. (7) Nathan Pédagogie. (8) Seuil-Maison des écrivains. (9)C’est pourquoi dans cet article on trouvera volontairement des citations récentes,mais aussi anciennes, montrant que les pratiques et les réflexions sont p eut-être en stagnation ou que l’on r epart souvent à zéro. Pour l’université, qui n’est pas l’objet de cet article, on se reportera à La Langue à l’œuvre: le temps des écrivains à l’université, coord. Patrick Souchon,La Maison des écrivains,2000. À l’étranger, on trouvera semblables interrogations sur le partena- riat avec les écrivains : ainsi Liz Fincham donne-t-elle maints conseils dans un article: « Author-ising Your School», Books for keeps n°97,mars 1996. (10) L’Écrivain viendra le 17 mars, Seuil-Maison des écrivains,2001.

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Leurs interventions sont devenues classiques,reconnues, désirées, allant de soi: rencontresponctuelles, ateliers de pratique artistique, ateliersd’expression artistique au lycée, classes à PAC, ate-liers d’écriture organisés pour les élèves à la biblio-thèque municipale, résidence… Nombreux sontles dispositifs, ceux-là et d’autres, qui permettentde financer la rencontre d’auteurs avec les élèves,de la maternelle au lycée, sans parler de l’univer-sité. C’est fini? L’écrivain est reparti? On estcontent, tout le monde est content, c’était mer-veilleux. Tout n’est pas si rose.

Une vieille histoireLa présence des écrivains dans les classes estancienne. Depuis les années soixante-dix, des écri-vains, ceux qui écrivent pour la jeunesse, ont renduvisite aux classes, ont rencontré leurs jeunes lec-teurs, puis les ont fait écrire.L’accès des élèves à l’écriture poétique eut sespionniers dès cette époque: j’ai, par exemple,entre les mains un exemplaire d’une magnifiquerevue publiée par Jean-Hugues Malineau,Commune Mesure, datant de 1972, il y a trenteans, consacrée à des textes d’enfants. D’aucunspromeuvent des élèves romanciers : Romanciersà treize ans: une pédagogie tournée vers la créa-tion 1(1978). Ces visites, d’abord confidentielles, ou médiatiséesde par la notoriété de l’écrivain (Michel Tournier),sont d’abord réservées aux auteurs pour la jeu-nesse, puis s’étendent à partir des années quatre-vingt aux écrivains qui n’écrivent pas particuliè-rement pour les jeunes et qui viennent dans lesclasses non seulement pour parler de leurs livres,mais aussi pour faire écrire; ils font écrire lesé l è ves, parfois les enseignants en formation, et éga-lement toutes sortes d’autres publics. Dans les années quatre-vingt-dix, on a vu l’insti-tution se pencher sur cette question, avec un col-loque «Écrire avec des écrivains» 2. Des ouvrageset des rencontres ont été alors consacrés aux ate-liers d’écriture 3 et une série de livres au partena-riat avec les écrivains, particulièrement significa-tifs; d’abord des ouvrages d’écrivains :–Continue la lecture, on n’aime pas la récré…, d eMarie-Aude Murail 4, en 1993 ;–Dire, lire, écrire: des écrivains rencontrent dese n f a n t s , de Nadine Brun-Cosme, Géra r dMoncomble, Christian Poslaniec 5, également en1993. Puis dans des collections pédagogiques :

–Travailler avec des écriva i n s , d’Emmanuel Vi r t o n ,André Delobel 6, en 1995 ;–Partenariat écrivain-enseignant au cycle III, deJacques Delval, Brigitte H u v i e r, Jacqueline Rioult 7,en 1997. Et enfin, récemment, du côté du ministère de laCulture:-L’Écrivain viendra le 17 mars 8, en 2001.En observant ces pratiques, en lisant ce que lesacteurs en disent, ce que les observateurs en tirent,je constate un éternel recommencement. Certes,les expériences se sont multipliées, mais les diffi-cultés, notamment, restent les mêmes, comme siles nouveaux acteurs ne tiraient pas leçon deserreurs de leurs aînés, peut-être tout simplementparce qu’ils les ignorent9. Il est vrai que dans lescomptes rendus, dans les articles, l’on insiste ra r e-ment sur ce qui ne marche pas. Une fois n’est pascoutume…

Vingt dérapages possibles1.Le parachutage : aucun projet n’existe préala-blement des deux côtés; on ne connaît pas l’écri-vain, on n’a rien lu de lui. C’est la situation la pirequ’on puisse décrire dans ce domaine. Elle exis-te, par exemple, pour Lydia Devo s : « N o u ssommes ennuyées, la personne qui deva i taccueillir l’écrivain n’est pas là, car elle ne trava i l l epas le lundi. […] On m’a trouvé des élèves. Non,ils n’ont pas lu mes livres. Ne m’a-t-on pas pré-venue? »10 ; pour Pierre Notte qui, à l’enseignan-te et face à 32 élèves, demande quoi faire; elle

À qui viendrait l’idée saugrenue dere m e t t re en cause la venue desécrivains dans les écoles?

1ÉCRIRE ENSEMBLE ? COMMENT FAIRE ?RISQUES, ÉCUEILS et ratagesdu PARTENARIA T écrivain-enseignant

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(1)Pascal Bouchard, Denoël/Gonthier, 1978. Citons aussi Écrire desromans à l’école, Christian Grenier, Claude Bessou, Roger Portay,Magnard-L’École,1978.

(2) Écrire avec des écrivains, actes du colloque de Montpellier des 2 et3 octobre 1992, éd. DRAC du Languedoc-Roussillon,1993.

(3) Ce n’est pas très élégant,mais je me cite moi-même: Les Ateliersd’écriture, Claire Boniface, collab. Odile Pimet, Retz,1992 ;Premières Rencontres nationales des ateliers d’écriture,22, 23 et 24février 1993, actes, dir. Claire Boniface, Retz,1994.

(4)Calmann-Lévy.

(5)Milan.

(6)Hachette Éducation.

(7)Nathan Pédagogie.

(8)Seuil-Maison des écrivains.

(9)C’est pourquoi dans cet article on trouvera volontairement descitations récentes,mais aussi anciennes, montrant que les pratiqueset les réflexions sont peut-être en stagnation ou que l’on repartsouvent à zéro.Pour l’université, qui n’est pas l’objet de cet article, on se reporteraà La Langue à l’œuvre: le temps des écrivains à l’université, coord.Patrick Souchon,La Maison des écrivains,2000.À l’étranger, on trouvera semblables interrogations sur le partena-riat avec les écrivains : ainsi Liz Fincham donne-t-elle maintsconseils dans un article : « Author-ising Your School», Books forkeepsn°97,mars 1996.

(10)L’Écrivain viendra le 17 mars, Seuil-Maison des écrivains,2001.

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répond: «Peut-être pourriez-vous présenter vosœuvres ?» 11.2.Le supplément d’âme : pour l’enseignant, voilàun peu de passion, de changement, moins de ron-ron dans sa pédagogie: «Ce serait bien qu’ils ypassent tous» 12. Cette intervention d’ailleurs semérite, telle une récompense: «Miguel, il est pasvenu vous voir parce qu’il donnait des coups depied, ce matin», disent les enfants à Marie-AudeMurail 13. De la récompense à la récréation, il n’ya qu’un pas. 3 .La récréation : pour les élèves, la rencontre ave cl’écrivain est parfois un à-côté, une activité paral-lèle, voire récréative, distrayante, qui permet depasser un moment tra n q u i l l e : « J’ai souvent remar-qué, observe Jean-Marie Laclavetine, que les ensei-gnants, dans de telles circonstances, sont souventplus intimidés et anxieux que leurs élèves. Poureux, l’enjeu pédagogique est relativement élevé :ils ont consacré du temps et de l’énergie à la réa-lisation de ce projet, ils l’ont intégré dans un pro-gramme et comptent en exploiter les retombées.Pour les élèves, il s’agit plus souvent de deuxheures de récréation, comparables à la visite d’unzoo, si ce n’est qu’exceptionnellement c’est lechimpanzé qui se déplace. » 14

4.L’élitisme : parfois, il faut mériter la visite del’écrivain, non seulement par son comportement,mais par ses compétences. Dans un lycée profes-sionnel, l’enseignant indique à Marie-Aude Mura i lcomment il a fait le tri: «Ceux-là, ça va. Je n’aipas emmené les autres parce qu’ils n’ont pas la lec-ture. Ceux-là, ils ont la lecture. » 15

5 . La mondanité : pendant la rencontre avec l’écri-vain, on parle de tout, sauf des livres: «Est-ce quetu es marié? » «T’as des animaux ? », ce que Jean-Paul Nozière appelle les «sempiternelles q u e s t i o n ssur l’auteur » 16.

6.La banalisation : la rencontre avec l’auteur sebanalise, parmi d’autres animations scolaires :«L’impact s’émousse si on y va régulièrement, ondevient un animateur parmi d’autres.» (ClaudeClément) 17. Susie Morgensten raconte que desélèves lui disent: «Oh moi, j’en ai déjà eu troisd’auteurs. On en a eu en CE2, CM1 et CM2.» 18 Lesactivités elles-mêmes que proposent les écrivainsdoivent se renouveler, surtout si la rencontre n’estpas préparée… Gérard Moncomble rapporte lesréactions d’élèves devant un jeu d’écriture qu’ilpropose :«Celui-là, on l’a déjà fait», dit Nathalie. Ah! Je remballe, en propose un autre.«On connaît», ricane Jérémie 19.7.La démission ou le boulet : pendant que l’écri -vain prend en charge la classe, il arrive que l’en-seignant corrige ses copies. On touche là au scan-dale: Isabelle Normand raconte que pendant sesi n t e r ventions, l’enseignante a «préparé les devo i r squ’elle donnait, cinq minutes avant la fin du cours,en disant à voix haute que, de toute manière, desséances d’écriture comme celle-là, c’était tropl o n g .» 2 0 Christian Grenier donne le coup de grâce:oui, parfois les enseignants «sont un poids!D’autres fois, hélas, ils ne sont pas là…» 21 ouencore, avec Gérard Moncomble: «La rencontren’a pas été préparée. Tout juste si la maîtresse aété mise au courant de ma venue.» L’auteur orga-nise alors des jeux de parole. « La maîtresse, quin’a pas bronché depuis le début, vient vers moi.–J’ai laissé faire pour voir jusqu’où vous iriez. C’està la limite du mauvais goût…» 22

8 . Le tête-à-tête : il arrive que la rencontre soit pré-vue plutôt pour l’enseignant qui pose des questionssoi-disant au nom de ses élèves. Marie-AudeM u rail rapporte sans pitié des questions «très natu-relles: “Que représente pour vous l’écriture ? “ et“Quelles sont vos émotions quand vous écrivez?”Je me tourne vers la maîtresse avec un grand sou-rire: “Ce sont de belles questions.” Puis auxenfants: “C’est quoi, des émotions?” Trente-deuxbouches bées.» 13

9.Le messianisme : certains enseignants, totale-ment démunis face à leurs élèves désespérants etau contexte inv ivable de leur établissement, tra n s-forment l’écrivain en messie, en Robin des Bois,en Zorro. Si certains écrivains vont dans ce sens–Orlando de Rudder 23 parlait d’un côté «mis-sionnaire de la culture»– d’autres le refusent et lesenseignants risquent d’être déçus. Boris Moissarddit ainsi qu’il «ne sent, hélas! ni responsabilitépolitique, ni rôle social, ni compétences de PèreNoël, ni talent d’animateur, ni fibre humanitaire,ni feu sacerdotal, ni foi culturelle, mais seulementquelques habiletés sporadiques à noircir du papier

1ÉCRIRE ENSEMBLE ? COMMENT FAIRE ?

(11)L’Écrivain viendra le 17 mars,op. cit.

(12) Écrire au collège: l’apport des ateliers d’écriture et de leurs pra-tiques,Philippe Lecarme, Marie Mas, Fabienne Swiatly, CRDP deLyon,1999.

(13)Continue la lecture, on n’aime pas la récré…,Marie-AudeMurail. Calmann-Lévy, 1993

(14) L’Écrivain viendra le 17 mars,op. cit.

(15)Continue la lecture, on n’aime pas la récré…,op. cit.

(16)Pour consulter un classement des “vraies ” questions, cf. : Dire,lire, écrire: des écrivains rencontrent des enfants,Nadine Brun-Cosme, Gérard Moncomble, Christian Poslaniec, Milan,1993, p.18.

(17)Travailler avec des écrivains, Emmanuel Virton, André Delobel,Hachette Éducation,1995.

(18)Travailler avec des écrivains, op. cit.

(19)Dire,lire,écrire: des écrivains rencontrent des enfants,op. cit.

(20)L’Écrivain viendra le 17 mars,op. cit.

(21)Griffonn°147,mai-juin 1995.

(22) Dire, lire, écrire: Des écrivains rencontrent des enfants,op. cit.

(23) L’Ami littéraire: Un programme d’interventions en milieu scolai-re, La Maison des écrivains,1998.

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dans la solitude de son cabinet» 2 4. Même Fra n ç o i sBon qui n’hésite pas à travailler avec des publicsen très grande difficulté affirme: «De là à passerpour des sortes de poilus du vieux combat desinégalités, non: nous ne sommes pas bons à l’em-ploi que là où les voitures brûlent, ou bien quel’enseignement renonce » 25.1 0 . La scolarisation : certains écrivains en viennentà demander à ce qu’on n’ait rien lu d’eux. Le témoi-gnage de Marie-Aude Murail aide à comprendrecette position de principe excessive: «Un conseillerpédagogique particulièrement inspiré par M y s t è r el’a tronçonné en “parcours de lecture“ et truffé dequestions pièges telles que : «Mystère a-t-elle lesch e ve u x: bleus, jaunes, ve r t s ?» «On s’en est biens e r v i », m’a dit le conseiller. Et il faut avoir l’air flat-té. “Le pire, me confiait Claude Gutman, c’est d’en-trer dans une classe où votre livre a fourni des textesde dict é e . “ » 2 6 Certains écrivains jouent le jeu decette scolarisation. Claude Morand aide ainsi uneenseignante à participer au concours de Ratus, per-sonnage d’une méthode de lecture honnie par lesinspecteurs de France et de Navarre: «Il faut finird’illustrer une image de Ratus qui tient une laisse(et rien au bout…) et concevoir le texte, dans labulle. »

1 1 . La confusion des rôles : nous voilà au cœur dupartenariat, en plein problème, notamment quandl’écrivain fait écrire. En effet, chargé d’apprendreà écrire aux élèves, l’enseignant, qui a les com-pétences pédagogiques pour ce faire, met en pré-sence des élèves un écrivain qui se substitue à lui ;on risque la rivalité; l’enseignant peut se sentirdépossédé de sa classe et surtout de la maîtrise ;car la compétence, c’est un autre qui la manifes-te et, dans certains cas, qui ne sait pas mieux faire.Le partenariat peut tourner à la cohabitation, vo i r eà la rivalité, quand ce n’est pas à l’hostilité. Lagêne, voire l’agressivité de certains enseignants,sont visibles: «Certains adultes me sont hostiles,raconte Marie-Aude Murail, avant même que jeparle et jusqu’à la fin de la rencontre, comme ceprof de français se levant pour me dire, le ton sec :“Eh bien, moi, je vais continuer à enseigner la lit-térature.”» 27

«Vous défaites tout ce que je m’emploie à ins-taurer», dit un enseignant à Hubert Haddad 28.Une complémentarité parfois caricaturale s’ins-t a l l e : l’un surveille, s’occupe des fautes d’ortho-g raphe, l’autre de la création ; l’enseignant « h i s-toriquement et socialement édicte les règles et ins-talle les normes» 2 9, n’est-ce pas ? Par exemple,l’auteur Dorothée Letessier « apporte aux élève sla liberté d’écrire sur leur expérience personnel-l e», le professeur avec qui elle intervient « l e u rdonne le code qui leur permet de s’exprimer» 3 0.Pourtant, n’est-ce pas également l’une des mis-sions de l’enseignant de faire des élèves des créa-teurs de textes ?Cette complémentarité se transforme parfois enc o n t ra d i c t i o n que présente subtilement Y ve sP i n g u i l l y : «Quand, avec complicité, nous av i o n sé c r i t : “il était vingt-trois heures du soir…”, notretexte, pour la séance de travail suivante avait étécorrigé et disait très justement “il était vingt-troisheures”. Aïe, aïe… plus d’implicite. Nous tous,nous autres, avions bien compris qu’à vingt-troisheures du soir tous les crimes étaient possibles :tous les Ja ck l’éventreur et M. le Maudit sont dansla rue à cette heure alors qu’à vingt-trois heuressimplement n’importe qui peut rentrer chez lui…s i m p l e m e n t . »3 1 Je renvoie également à l’anec-dote édifiante de Jacques Roubaud (cf. encadrépage 36).1 2 .La démagogie : elle peut s’exercer quandl’écrivain joue du fait qu’il a le beau rôle: moi jene suis pas là pour vous corriger, pour vous noter.Témoignage d’un prof: «À côté de lui, j’étais lavilaine». Je ne viens pas pour vous faire travailler,mais pour vous donner du plaisir; ainsi, JeanAllessandrini trouve l’expression suivante mal-a d r o i t e: «On aimerait faire travailler les enfants survos liv r e s». « Je ne fais pas des livres pour faire tra-vailler, mais pour donner du plaisir. »

ÉCRIRE ENSEMBLE ? COMMENT FAIRE? 1

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Jacques Roubaud ou l’art d’illustrer délicatementles problèmes de fond du partenariat

Jacques Roubaud raconte (L’Art à l’école: enseignements et pratiques artistiques,ministère de l’Éducation et de la Culture-L’Étudiant,1993) qu’au cours d’une

rencontre avec les élèves de CE2 de mademoiselle S.,il eut,à l’occasion de la lec-ture du poème dédié à la vache, «une fort intéressante discussion lexicale et zoo-

logique qui servira de morale à cette petite expérience de contact entre les deuxsphères,la sphère didactique et celle, fort éloignée, de l’irresponsable inventeur

de poésie.La Vache

LaVacheEstUnAnimalQui AEnvironQuatrePattesQuiDescendent Jusqu’À terre

Certains les ava i ent com pt é e s . Je leur dis qu e , comme je n’ avais pas com pt é , je nepo uvais pas être sûr du fait qu’ elles ava i ent to utes ex actem ent ce nom bre de patte s .

Peut - ê tre qu el que part , en Savoie par exem p l e , il y en avait qui ava i ent cinq, o utrois patte s . Je leur dis que les vaches étaient de gros animaux et que souvent on nepo uvait pas voir to utes leu rs pattes en s em ble et par con s é qu ent que c’était difficile

de les com pter ; que c’est pour ça, par pru den ce , pour ne pas dire qu el que chose def a u x ,j ’ avais mis «envi ron» . Ils n’ é t a i ent to u j o u rs pas d’accord : une vach e , ça a

qu a tre patte s , un point c’est to ut ! Nous discutâmes un bon mom ent sur ce poi n tsans nous conva i n c re mutu ell em en t . Et à la fin, voyant mon ob s ti n a ti on et mon

peu de ri g u eu r, ils se to u rn è rent vers madem oi s elle S., et ils lui diren t : «Une vach e ,ça a com bi en de patte s ?» «Q u a tre» ,r é pondit madem oi s elle S.

«Tu voi s ! » , me diren t - i l s . »

Ayant lu le po è m e , je sen tis que qu el que ch o s egênait certains de mes auditeu rs devant leportrait de l’animal. Il se révéla que c’était lemot envi ro n . Nous discutâmes qu el que tem p s( avec l’aide de madem oi s elle S.) du sens de cem o t , et quand il fut clair pour to ut le mon de ,l eur désapprob a ti on se manifesta net tem en t:«po u rqu oi dis-tu envi ron?» , me dirent-ils (ilsn’ ava i ent pas mis plus d’une minute à metutoyer ) ; «une vach e , ça a qu a tre patte s !»«Vra i m en t ,r é pon d i s - j e , et com m ent le save z -vo u s , vous les avez com pt é e s?»

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Parfois, le discours des écrivains sur les enseignantseux-mêmes est particulièrement cruel, lucide ouinjuste, voire méprisant : Alain Bellet trouve que,dans les ateliers d’écriture, les élèves «b o u s c u l e n tles idées mal reçues, souvent mal enseignées» parles enseignants qui n’ont «le plus souvent connuque les bancs des écoles, les pauvres… » 32

La remise en question des enseignants est quel-quefois sans nuance : «Où sont ces instits qui n’ontpas fait leur boulot quand il était encore temps?»(Isabelle Normand) 33

Il en est pour cracher dans la soupe dont ils pro-fitent: «Certains auteurs se sentent d’ailleurs dansune sorte de devoir d’opposition. Au maître de sedébrouiller après pour réarticuler les nouveauxdésirs des enfants à l’institutionnel.», admet LaMaison des écrivains 34.13.Le retour de bâton : l’écrivain peut malgré luisusciter un retour de bâton pernicieux: «Quandil va s’en aller, regrette Christian Poslaniec à pro-pos de l’écrivain en visite, il croira entendre, der-rière la cloison: “Fini de rire. Au travail, mainte-nant.” L’école s’est entrouverte, pfouiit, le tempsd’une parenthèse, d’un rien. Et clac, refermée.» 35

L’une des raisons peut être celle-ci: «L’enseignantparvient difficilement, dans le cadre de l’inter-vention de l’écrivain, à intégrer des objectifs telsque la maîtrise de la syntaxe, de l’orthographe, desmodèles narratifs: il a le sentiment que les “tech-niques” extérieures à son domaine ne répondentpas aux problèmes qu’il se pose. Il ressent uneinsatisfaction face à une activité parallèle, au “sup-plément d’âme”. Risque de conforter après couples pratiques habituelles, de renforcer les méthodesles plus traditionnelles. » 36

1 4 .Une certaine malhonnêteté : être écrivain sup-pose qu’on écrit, mais aussi qu’on est publié et lu.Dans les classes, interviennent de faux vrais écri-vains, qui ont peu ou rien publié, ou à compte d’au-

t e u r, ou dans une maison d’édition totalementinconnue qui n’attribue aucun droit d’auteur auxé c r iva i n s : l’atelier d’écriture aide ceux-là à êtrereconnus comme écrivains. Hervé Piekarski, main-tenant davantage reconnu, disait il y a une dizained ’ a n n é e s : « J’ai longtemps ch e rché la possibilité dev ivre socialement de mon écriture. Ça m’a étédonné pour la première fois dans ces ateliers. Ceque je ne trouve pas dans la publication, dans lamise en circulation publique de ce que j’écris, jele trouve dans les ateliers. Il y a une mise en cir-culation de mon écriture qui est inappréc i a b l e . » 3 7

Certains auteurs vivent non pas de leur plume, maisde ces “produits dérivés”. Intervenir en tant qu’écri-vain les rend écrivains. Parfois leur activité d’auteurfinit par se cantonner à ces interventions. D’aucuns,il faut bien le dire, le font uniquement pour l’argent.15.L’incompétence : l’écrivain n’est pas toujoursun pédagogue, et on ne peut pas lui en vouloir :certains ont un contact médiocre avec les enfants,ont des difficultés à utiliser leurs savoir-faire ou àen parler, parlent et agissent, et en l’occurrenceécrivent, à la place des élèves. Comme dit DanielPennac, «si c’est un bonnet de nuit, le gosse aurabeau avoir un écrivain devant lui, il verra un bon-net de nuit. » 38

1 6 . Le modèle : Il n’est pas rare de pouvoir recon-naître avec quel écrivain les textes des enfants ontété écrits ; ceci s’explique si l’écrivain corrige l u i -même les textes, comme Alain Ko r k os39 ; c’est enco-re plus spectaculaire si l’écrivain impose sa maniè-r e : « Je trouve ma légitimité dans le cadre de l’ate-lier en imposant aux élèves le parcours que j’aidéjà, moi, établi dans le cadre de mon trava i l . »( Y ves Pinguilly) 4 0. Christian Grenier, écrivain lui-même, dit à propos de l’écrit produit en atelier qu’ilest « toujours frappé par le fait qu’il est, consciem-ment ou non, “signé” par son animateur» .17.L’exploitation : on est allé jusqu’à reprocher àcertains écrivains de publier sous leur nom à par-tir des textes d’ateliers d’écriture qu’ils auraient faitproduire. De façon moins amorale, certains écri-vains se servent de ces expériences : «Grâce à l’ex-périence collective d’écriture d’un récit avec lesenfants et les résultats que nous avons obtenus, jen’ai plus de réticence, avoue Edwige Cabélo, àaborder cette forme et j’éprouve aujourd’hui beau-coup de plaisir à l’idée de traiter prochainementdeux sujets pour l’édition. » 41

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Maison des écrivains53 rue de Vernon 75007 ParisTél. : 01 49 54 68 80 – Fax : 01 42 84 20 87www.maison-des-ecrivains.asso.frDepuis mai 1992, La Maison des écrivains conduit un programmed’intervention d’écrivains en milieu scolaire, en priorité dans le seconddegré. Il s’agit d’un partenariat à parité avec l’Éducation nationale. Sile projet de l’enseignant est accepté, elle propose un ou plusieursauteurs lui semblant adaptés. Trois critères sont importants : que l’en-semble de la classe soit concerné par la rencontre, que la relation soitrelativement brève (une moyenne de quatre interventions annuelles)et, enfin, que la venue de l’écrivain soit préparée dans la classe et ausein de l’établissement.

(24)L’Écrivain viendra le 17 mars,op. cit.

(25) «Écrire et lire : Saisir à neuf», Argos n°27, avril 2001.

(26)(27)Continue la lecture, on n’aime pas la récré…,op. cit.

(28) Théorie de l’espoir: à propos des ateliers d’écriture, HubertHaddad, Dumerchez,2000.

(29) Travailler avec des écrivains, op. cit.

(30)Écrire avec des écrivains, op. cit.

(31) Yves Pinguilly, Griffonn°92, 1988.

(32)(33) L’Écrivain viendra le 17 mars,op. cit.

(34) Donatella Saulnier, Programme d’interventions d’écrivains dansles établissements scolaires: premiers éléments de réflexion, La Maisondes écrivains,automne 1993.

(35) Dire,lire,écrire : des écrivains rencontrent des enfants,op. cit.

(36) Jeanne-Antide Huynh, Liaisons n°12, avril 1987, CRDP del’académie de Créteil.

(37) Impressions du Sudn°29,été 1991.

(38) Le Monde de l’Éducation,septembre 1992.

(39) Lignes d’écritures, 4e trimestre 2001.

(40)Griffonn°147,mai-juin 1995.

(41) L’Écrivain viendra le 17 mars, op. cit.

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1 8 . L’illusion de la publication : dès 1991,Germaine Fi n i f t e r, écrivain, critique, disait : « D e u x ,trois choses me gênent dans la pratique des ateliersd’écriture telle que je la vois se déve l o p p e r. Jereçois, au titre de la revue L ivres Service Je u n e s s e ,énormément de productions obtenues dans diffé-rentes écoles, souvent luxueusement présentées,parfois même par les soins d’un éditeur et je medemande si, là, on n’est pas en train de se fourvoye r,de sacraliser une production dont la valeur tientd’abord à sa motivation. Une production qui touch ed’abord ses auteurs et leur entourage et qui n’estpas nécessairement transmissible à ceux qui n’y ontpas participé. Je crains que l’on abuse les enfantsen leur donnant à croire qu’on devient aussi faci-lement un auteur publié. Je pense de même à pro-pos des concours littéraires proposés aux enfantsactuellement. Il me semble qu’on est en train decréer un mythe de l’enfant écriva i n . » 42 Ne renon-çons pas à l’intérêt de valoriser les écrits des élève s ,mais sans les leurrer sur les dures lois de l’édition.1 9 . Le stakhanov i s m e : lorsque les auteurs sedéplacent, parce que c’est moins cher pour lesenseignants, parce qu’ainsi ils cumulent les inter-ventions, ils enchaînent parfois les rencontres :Marie-Aude Murail dit qu’elle a rencontré 20000jeunes en quatre ans, Susie Morgensten évoquecinq classes par d e m i - j o u r n ée 4 3 ; elle mentionne leshuit classes qu’elle avait «traitées» le long de lajournée. On comprend que certains enfantsn’aient pas la chance de rencontrer un écrivain enfin de journée mais, comme elle dit, une « l o q u e» .Dans ce dispositif, l’enseignant et l’élève peuventse sentir pris dans un travail à la chaîne qu’ils refu-sent.20.La fonctionnarisation : dans certaines régions,communes, bibliothèques, etc., on a recouru à unécrivain qui a fait l’affaire. Désormais, c’est luiqu’on fait intervenir, que tous les enseignantsconnaissent, que tous les élèves ont rencontré; ildevient l’écrivain-des-écoles officiel.

Vingt miracles possiblesCe serait bien entendu être de mauvaise foi quede s’en tenir à ces attaques en règle contre un par-tenariat tout simplement mal pensé et mal prépa-ré. Les rôles se négocient, une intervention se pré-pare, de part et d’autre, et surtout ensemble. À tra-vers une rencontre d’écrivain, plus ou moinsdurable, les apports peuvent être multiples.

1.L’impact de la célébrité : « Je venais de l’exté-rieur, avec l’étiquette d’”écrivain”, mot magiquequi fait rêve r.» (Leslie Kaplan) 4 4 Bien que l’écriva i nne soit pas souvent une star, ou du moins pas pourles jeunes, la célébrité supposée donne un airmédiatique à l’auteur et le rend crédible. Ce par-fum de notoriété donne à sa venue un caractèreexceptionnel, comme le ressent Hubert Haddad ,«entouré du vague prestige du livre […] introdui-sant une certaine aventure dans un cadre ordi-nairement balisé » 45.2 . La démystification de l’écriva i n : selon ChristianPoslaniec, «n’importe quel écrivain le plus incon-nu est un my t h e». Cette démystification estd’abord phy s i q u e ; l’écrivain n’est pas mort, il exis-te; il permet de constater «l’incarnation de l’écri-ture» (Cathy Bernheim) 46. Et au sens le plusc o n c r e t : « Dans une école près de Beaugency, j’aidemandé à mon arrivée où se trouvaient les toi-lettes et derrière la porte des WC, j’ai entendu despetites filles qui chuchotaient, stupéfaites :–Elle fait pipi, elle fait pipi…» 47

Encore plus trivial: « J’avais pas d’idée à quoi çapouvait ressembler, un écrivain. Maintenant, jesais: c’est comme un papa qui ferait simplementun autre métier que la banque.» (Olivier deVleeshower) 48

Cette révélation permet de reconsidérer l’écrivainqui lui-même subit ce mouve m e n t : «En acceptantsa part de responsabilité dans le partenariat, l’écri-vain, explique Jeanne Benameur, a pris ce risque :celui d’être dé-visagé, puis ré-envisagé. On peutavoir peur parfois d’y perdre son visage. L’ é c r iva i nest là pour qu’on détruise aussi une image qu’ilvéhicule, une certaine image de lui-même. Il lefaut pour que le travail ait vraiment lieu. C’est lemoment d’endosser le visage de l’autre: père,copain, grand frère, enseignant… Il est difficile derester le visage nu. Pourtant, c’est bien de cettenudité-là que l’écriture sera possible. » 49

3 . La notion d’auteur est une découv e r t e : pour lesplus petits en particulier qui parfois croient que cesont les bibliothécaires qui ont écrit tous les liv r e s :«La notion d’auteur est essentielle. Il s’agit de faireprendre conscience aux enfants que, derrièrechaque livre, chaque illustration, il y a un êtrehumain et qu’il y a un acte de création. C’est dansce sens qu’il est intéressant de provoquer des ren-contres auteurs-enfants et d’organiser des ateliersd’écriture qui ont pour but de mettre l’enfant ensituation d’auteur, ce qui lui permet de mieux com-prendre les mécanismes de la création. L’enfant-auteur aura un autre regard sur l’écrit et sera doncun lecteur plus critique. » 50

Mais aussi pour les plus grands, si l’on songe à cesélèves de troisième qui, sans humour, demandentà Marie-Aude Mura i l : «Le Lion de Kessel, c’est devous ? » 51

ÉCRIRE ENSEMBLE ? COMMENT FAIRE? 1

46

Charte des auteurs et illustrateurs pour la jeunesse(depuis 1975,élargie aujourd’hui aux traducteurs,aux critiques et aux éditeurs)

39 rue de Châteaudun 75009 Paristél.-fax : 01 42 81 19 33 – http://perso.wanadoo.fr/cielj/charte

Coût minimal pour une animation d’une journée : 305 euros ; d’une demi-jour-née : 183 euros ; pour une vente-signature en salon du livre : 153 euros (91,5

euros pour la demi-journée). Le calcul de la somme due doit prendre en comptel’intégralité du temps passé par l’auteur ou l’illustrateur hors de son domicile,frais de transports,d’hébergement et de repas à la charge de l’organisateur, le

tout devant être réglé dans un délai n’excédant pas un mois,d’après les derniersdocuments de 2002 émanant de la Char te.

Page 6: exemple pour test

4 .La désacralisation de l’écriture: la rencontre ave cl ’ é c r ivain peut amener à un autre rapport à l’écritu-re, fondé sur la liberté et le plaisir : «Moi, mon truc,déclare Jean-Bernard Po u y, c’est la désacra l i s a t i o nde l’écriture. Il faut trouver en quatre séances lem oyen d’amener les élèves à trouver ce plaisir etcette liberté d’écrire qu’ils ont en eux sans le savo i r …Il faut oublier qu’on est écrivain et leur faire prendreconscience qu’eux aussi, ils écrive n t .» 5 2

5 .Le désir: la note de service ministérielle qui défi-nit le cahier des charges de l’atelier d’écriture ( a t e-lier de pratique artistique) évoque –ô surprise dansun texte administra t i f– la notion de désir: «L’ a t e l i e rd’écriture se construit autour d’un projet qui donnepriorité au désir d’écrire. » 53 C’est un phénomèneque tous les animateurs d’ateliers d’écritureconnaissent, celui du pouvoir d’écrire qu’ils sontsusceptibles de déclencher. Élisabeth Bing, l’unede leurs pionnières, disait il y a 25 ans: «Il arrivaaussi, la dernière année, que ma seule présencesuffise à les mettre au travail. Je n’étais plus moi,j’étais l’écriture. J’aimais l’écriture, ils voulaient parl’écriture me faire plaisir. » 54

6 . La découverte du trav a i l : c’est là un des apportstout à fait privilégiés, irremplaçables, de la ren-contre avec un écriva i n; prenons le temps d’en citerp l u s i e u r s : «Mon but est de prouver aux enfantsqu’un écrivain ne possède pas un stylo magique quiécrit tout seul, mais qu’il faut se relire, ra t u r e r,r e c o m m e n c e r, que l’inspiration n’est pas toujoursau rendez-vous et que certains jours, il faut se “for-cer” à écrire. (Je leur montre des brouillons ra t u-

rés et un manuscrit terminé). » ( A n n e - M a r i eD e s p l a t - D u c ) ; « Je leur montre mes brouillons. Ilssont abasourdis. » (O l ivier de V l e e s h ow e r) 5 5 ;« J’apporte des brouillons, avec les correctionsp a rce que la notion de re-travail est importante. Jeveux rompre la glace par rapport à la poésie, leurmontrer que la poésie est basée sur du travail, surla gra m m a i r e . » ( Joseph Guglielmi)5 6 ; «Donner àvoir mes ratures, mes hésitations, mes rages, mespiétinements, mes gribouillis, mes retours à la casedépart, mes renoncements, mes rares pagesindemnes de toute trace de doute ; leur montrer,ultérieurement, le fac-similé d’une page d’unmanuscrit de Flaubert, de Baudelaire, d’Apollinaire,ou de Marguerite Duras, les bouts de papier col-lés de Proust (autant de stratégies de gestion dubrouillon), les retouches sur épreuves d’un romande Balzac, ou de Sartre, leur faire comparer lesdeux versions du H o r l a , leur faire prendreconscience du travail de l’écrivain, c’est détruirel’idée fataliste et écrasante de l’i n s p i ra t i o n , de lag r â c e , de la facilité innée. C’est aussi, me semble-t-il, présenter aux élèves le miroir de leur propred rame quand eux-mêmes sont mis en demeured’écrire, et par là, du même coup, dédra m a t i s e rleurs difficultés à écrire. […] quand on leur deman-de d’écrire, ça rend crédible, car “ils savent que jesais de quoi il retourne“». (Claude Ta r d a t) 5 7

7.La découverte de la place de l’écriture dans lavie : là aussi, ce peut être une découverte, voireune révélation, le fait qu’un écrivain vive avec unlivre en train de se faire; il ressent la nécessitéd’écrire, il a souvent un rapport vital à l’écriture :« je suis engagée corps et âme dans l’écriture» 58,dit Annie Cohen. Il accède aussi parfois à «l’in-croyable bonheur d’écrire » (Stéphane Daniel) 59.

ÉCRIRE ENSEMBLE ? COMMENT FAIRE? 1

47

Des auteurs qui font œuvre pédagogiqueDe Jean-Hugues Malineau,un pionnier, à François Bon,un phareaujourd’hui,les écrivains livrent leurs réflexions,leurs trucs,ou unevéritable méthode :Malineau Jean-Hugues, Des jeux pour dire, des mots pour jouer, L’École,1975.Rodari Gianni, Grammaire de l’imagination,Messidor, 1979.Boudet Robert, Langue en jeux: approches poétiques,L’École, 1980.Causse Rolande, La Scribure, Buchet/Chastel, 1982.Guénot Jean, Écrire: guide pratique de l’écrivain, avec des exercices,éd. Jean Guénot, Saint-Cloud,1982.Escudié René, Des gorilles aux yeux mauves, ou Petite Pédagogie pratiquede l’atelier d’écriture, CRDP de Montpellier, 1988.Rivais Yak, Jeux de langage et d’écriture, 1992 ; Pratique des jeux litté-raires, 1993 ; Rythme et jeux de langage, 1997, tous trois chez Retz.L’écrivain,il faut le préciser, est aussi enseignant.Féron Romano José, Le Chat rouge, ou Genèse d’un conte,Le Livre depoche Jeunesse, 1993.Foucault Jean, Houyel Christine, Poslaniec Christian, Verdun Nicole, LesCoulisses de l’écriture: faire écrire les jeunes et les publier, éd. Corps Puce-CRDP de Picardie,1993 (deux écrivains, deux pédagogues).Haddad Hubert, Théorie de l’espoir: à propos des ateliers d’écriture,Dumerchez,2000.Bon François, Tous les mots sont adultes: méthode pour l’atelier d’écritu-re, Fayard,2000.

(42) «L’Apport des écrivains», La Culture de l’écrit et les réseaux deformation,actes de l’université d’été de Lacanau,septembre 1991,sous la dir. de Max Butlen et Jean Hébrard, CRDP de l’académie deCréteil,1992.

(43) L’Écrivain viendra le 17 mars, op. cit.

(44) Écrire avec des écrivains, op. cit.

(45) Théorie de l’espoir: à propos des ateliers d’écriture, op. cit.

(46)Programme d’interventions d’écrivains dans les établissementsscolaires: premiers éléments de réflexion, op. cit.

(47) «Si j’étais un écrivain», Citrouille n°7,décembre 1994.

(48) L’Écrivain viendra le 17 mars, op. cit.

(49) « Partenariat – la part de l’autre», Jeanne Benameur, PremièresRencontres nationales des ateliers d’écriture, op. cit.

(50) Rapport d’activité de la section jeunesse de la médiathèque desUlis,mai 1991.

(51) Continue la lecture, on n’aime pas la récré…,op. cit.

(52) Page n°30,septembre 1994.

(53) Note de service n°90-101 du 7 mai 1990, Bulletin officiel de l’É-ducation nationalen°20, 17 mai 1990.

(54) …Et je nageai jusqu’à la page, éd. des Femmes, 1976,rééditionen 1993.

(55) L’Écrivain viendra le 17 mars, op. cit.

(56)Écrivains dans la cité, Maison des écrivains, DRAC Île-de-France, 2e éd., 1999.

(57) «L’Écrivain en chaire et en os», Recherches n°18,Lille,1993.

(58) Écrire avec des écrivains, op. cit.

(59) L’Écrivain viendra le 17 mars, op. cit.

Page 7: exemple pour test

Marie-Forence Ehret dit: «j’ai trouvé la “clé” dema position face aux enfants: je suis un auteur,quelqu’un qui s’autorise à écrire pour son propreplaisir, selon ses propres règles. » 60

8 .L’amour des liv re s : nombre d’écrivains, lors de cesrencontres, témoignent de leur passion de la littéra-ture, lisent à haute voix, font connaître des textes.«La première chose que je fais, c’est lire, intermi-nablement, quel que soit leur âge.» (Joe Hoestlandt).9.Le choc esthétique : cet ensemble de caracté-ristiques que peut constituer une rencontre avecla création, avec un artiste, peut amener une sortede ch o c: Hélène Mathieu parle d’un «choc esthé-tique». Il faut permettre qu’à l’école, «chacunpuisse vivre au moins une fois cette rencontre ave cla création, ce “ch o c ”». Elle parle du rôle de «p a s-seur » 61. On peut, à l’école, «aller du partage desémotions morales ou esthétiques, vers la prise deconscience que l’écriture est un procédé suscep-

t ible de produire des effets puissants» 6 2, affirme untexte ministériel à destination des enseignants.1 0 .Apporter la culture et les artistes là où ils sontabsents : est une priorité absolue, fondée sur desc o nvictions et des choix politiques largement par-tagés aujourd’hui.11.Le circuit du livre et la dimension sociale del’écritur e : montrer aux élèves comment se décli-ne la chaîne du livre à travers «l’histoire d’unlivre», est instructif: en voyant le manuscrit, lescorrections d’auteur, mais parfois aussi de l’éditeur,le contrat d’édition, les épreuves, la maquette dela couverture, etc.12.Une autre évaluation des textes semble pos -sible grâce à un autre statut : «Le regard bien-veillant, déchargé de toute fonction pédagogiqueque lecteurs nous portons, l’enseignante et la clas-se entière avec moi, est la seule sanction à laquel-le ces productions soient soumises. Il n’est pas sansexigences, mais elles sont tout autres que cellesauxquelles ils sont habituellement confrontés.»(Marie-Florence Ehret)63 Même constat de la partd’un enseignant à propos de l’écrivain: «Il appor-te un œil extérieur, critique ou bienveillant surl’écriture des travaux, mais en gardant son statutparticulier. De ce fait, il n’est pas senti commel’évaluateur du travail. » 64

13.La découverte de l’enseignant sous un autr ejour : si l’enseignant joue le jeu, se met en retrait,dit pourquoi, il peut aussi y trouver un nouveaucrédit auprès des élève s : pour Gérard Noiret, l’en-seignant doit «accepter d’abandonner provisoire-ment ses pouvoirs » 65. Pour une enseignante :«Deux conditions initiales sont absolument néces-saires pour les trois acteurs du projet –écrivain,enseignant, élève s–: le désir et la dépossession »6 6.1 4 .L’adulte en situation rédactionnelle : les élève sen ont rarement l’habitude. L’ é c r ivain écrit parfoisd e vant les élève s : Joseph Guglielmi va «j u s q u ’ àcomposer à chaud devant les enfants» 67.L’enseignant lui-même, quand il se met parmi lesapprentis, se montre ainsi simple écrivant, lisant sesp r o d u c t i o n s .15.La découverte des élèves sous un autre jour :lors de ces rencontres, il arrive que des élèves endifficulté renouent avec la lecture et l’écriture : « Je

1L’évaluation est-elle possible?

«On vo u d rait mesu rer mon ef f i c acité pédagogi qu e . En to ute hon n ê tet é , elle estnu ll e .» , Ma ri e - Au de Mu rail ( Co n ti nue la lectu re , on n’aime pas la récr é … , op. ci t . )

On a des difficultés à évaluer l’impact des rencontres avec les écrivains et lesmodalités de cette évaluation sont balbutiantes.Qu’est-ce que la rencontre

d’écrivains a donc d’irremplaçable ?L’évaluation des rencontres est en général fondée sur l’observation (desréactions, des productions), et sur ce qu’en disent les acteurs (les élèves,

l’écrivain,les parents parfois).Elle permet de repérer l’enthousiasme,l’atmosphère chaleureuse,la qualité d’écoute,la participation,le désir de

prolonger l’instant,la demande accrue de lecture après l’animation*.Elle restesouvent subjective.

Je livre,dans la page ci-contre,une expérience modeste réalisée dans des classesde CM2 qui ont rencontré pendant une dizaine de séances un écrivain pour

produire un conte ou une nouvelle inspirée du quotidien. L’hypothèse a été lasuivante concernant des élèves qui n’ont jamais travaillé avec un auteur: la

rencontre et le travail d’écriture avec un écrivain modifient les représentationsqu’ont les enfants de ce qu’est un écrivain et de ce qu’est écrire. Pour mesurer

l’écart entre les représentations préalables et postérieures à l’expérience, j’ai doncproposé de soumettre le même questionnaire aux enfants avant l’atelier et après,

c’est-à-dire à cinq mois de distance. Toutes les réponses n’ont pas été modifiéesnettement,mais un certain nombre d’entre elles montre qu’une prise de

conscience a eu lieu.Une ultime question a été ajoutée en fin d’atelier :

«Si c’était à recommencer avec un autre écrivain, qu’est-ce que tu souhaiterais ? »Apparaît ici l’une des limites de la rencontre avec un (seul) écrivain ; après avoirdéconstruit en partie une image d’écrivain (riche,célèbre, vieux, etc.), on risque

d’avoir construit un nouveau modèle,plus réel certes : tout écrivain risque deressembler a priori à celui qu’ils ont côtoyé. Certains enfants,mais peu

nombreux, ont saisi que la démarche de l’écrivain qui les a fait écrire en est uneparmi d’autres qu’il serait intéressant de connaître.

«Ce que je souhaiterais ça dépend de qu el écriva i n , mais si c’ en est un que je con n a i spas je suis d’accord de réécri re une histoi re pour savoir com m ent il s’ or ga n i s e .»

« Je voudrais qu’il nous apprenne ce que l’autre écrivain ne nous a pas appris. »

ÉCRIRE ENSEMBLE ? COMMENT FAIRE?

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(60)L’Écrivain viendra le 17 mars,op. cit.

(61)«L’enfant vers l’art», Autrementn°139, octobre 1993.

(62)La Maîtrise de la langue à l’école, ministère de l’Éducationnationale et de la Culture, CNDP-Savoir Livre,1992.

(63)Lignes d’écrituresn°6, 1er trimestre 1998.La revue Lignes d’écri-tures, née en 1996,créé par Renadej, au début publiée en associa-tion avec le CRDP d’Amiens, consacre nombre d’articles aux ateliersd’écriture,notamment avec des écrivains.

(64)Claude Sauveton, Des jumeaux c’est trop! Et autres histoires à46 mains: un atelier d’écriture à Palaiseau avec José Féron Romano,1994.

(65)Media Zep n°4, académie de Versailles, avril-mai 1992.

(66)Laurence Aubray, Écrivains dans la cité, op.cit.

(67) Programme d’interventions d’écrivains dans les établissementsscolaires: premiers éléments de réflexion, op. cit.

(*) Le C R I L J du Var a mené une en qu ê te assez approfondie à ce su j et en décem bre 1992.En ce qui concerne les ateliers d’écriture,une demande institutionnelle d’évaluation

existe: « Bien qu’ils n’aient pas été évalués avec rigueur […] une véritable étude,confiée à des chercheurs,serait fort utile.» (Jacqueline Ayrault, conseiller pour le livre

et la lecture, « Mille et un projets en Île-de-France », Libre Accès n°15 , « De l’atelierd’écriture à la résidence : des écrivains et des jeunes »,février 1997).On peut citer,

comme réponse à cette demande,une étude intéressante de chercheurs : Écrire enatelier : observation, analyse,interprétation de quatre ateliers d’écriture, op. cit. Mais

nous ne disposons pas pour autant d’outils simples d’évaluation pour les acteurs eux-mêmes (enseignants et écr ivains).

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ÉCRIRE ENSEMBLE ? COMMENT FAIRE ? 1

1.Quelle idée te fais-tu d’un écri vain en général ?

Les réponses étaient vagues, centrées sur la célébrité, voire une “mythologie”; elles deviennent plus précises,liées au travail, au savoir-faire, à la prise en compte du lecteur et de la publication.

2.À ton avis, pourquoi a-t-on envie d’écrire et pourquoi devient-on écri vain ?

Après de nombreuses allusions à la célébrité, des réponses se font plus précises: apparaissent l’influencedes lectures, l’importance du goût d’écrire et du savoir-faire, voire du talent, le besoin de transmettre.

3.À ton avis, comment un écrivain s’y prend-il pour inventer une histoir e ?

Les secondes réponses ouvrent sur le travail d’écriture : il ne suffit plus d’une phrase ou d’un titre pour écrire.

4.Écrire une histoire longue, c’est difficile. Pourquoi, selon toi ?

La représentation de la difficulté évolue, les préoccupations techniques apparaissent.

5.Quand un écrivain écrit une histoire, il a le choix parmi différents genres. Lesquels ?

Le fait que l’histoire que l’on écrit en atelier d’écriture doive être située parmi les genres définis contribue àmieux les connaître.

6.Quand on écrit un roman, qu’est-ce qu’on attend de son lecteur ?

Les premières réponses se cantonnent au fait que le lecteur apprécie le texte. L’évolution de certainesréponses montre une prise en compte plus élaborée de la situation du lecteur potentiel ou réel.

7.Qu’est-ce que l’écrivain pourrait t’apprendre (puis t’a appris) que le maître ne t’apprend pas ?

Des réponses évoluent vers le concret, la technique, montrant que les enfants se représentent mieux ce qu’estécrire.

Un enfant avant la rencontre : Il est connu, riche et il a une maisonau début des bois.

Un autre enfant avant : Il porte des lunettes et il est assez vieux.

Avant : Un écrivain a débuté dans cette carrière parce qu’il rêvaitdepuis son enfance.

Le même enfant 5 mois après : C’est une sorte de chercheur demots.Le même enfant après : C’est quelqu’un qui écrit des histoires et jepeux dire que c’est dur.Après : C’est quelqu’un qui fait des livres et qui les publie et ilessaye de faire plaisir au lecteur qui le lit.

Avant : Je pense qu’il a trouvé une phrase toute simple et qu’il atrouvé une histoire.

Avant : Il prend un titre et à partir du titre il crée une histoire.

Après : À mon avis il peut s’aider d’une histoire déjà inventée, faireun livre à partir d’une actualité ou d’un rêve.A p r è s : Il fait d’abord des personnages puis il leur fait faire des aven-tures qui ne finissent presque jamais et puis il fait une fin d’histoirequi se finit toujours bien. Il fait des paragraphes longs et précis.

Avant : Ce n’est pas dur. Parce qu’on a plein d’idées.Avant : Parce que si on oublie quelque chose, l’histoire est incom-

plète.

Avant : Parce qu’il faut avoir de l’imagination puis il faut savoirêtre patient et aimer écrire.

Après : Parce qu’il faut beaucoup d’idées.Après : Oui, parce qu’il faut développer chaque chose qu’on écrit etse demander pourquoi et il faut se mettre à la place des person-nages de l’histoire.Après : Car il faut trouver beaucoup d’idées et il faut que le thèmede l’histoire puisse durer longtemps et aussi il faut que le thèmen’ait jamais été décrit.

Avant : Genre agressif, romantique, rigolo, sévère, violent.Avant : Histoires vraies ou histoires imaginées.

Après : Les romans, les contes de fées, les nouvelles.Après : Les contes, les romans, les biographies, les BD et les his-toires vraies.

Avant : Qu’il lise tous ses livres et que ça lui plaise.Avant : Une réponse pour lui dire s’il est bien.

Après : Qu’il comprenne ce qu’on veut lui dire.A p r è s : Une réponse s’il l’aime ou pas. Qu’est-ce qu’il faut changer etce qu’il faut garder pour que l’histoire soit bonne. Et très bien à lire.

Av a n t : Ses capacités de vivre comme il faut à la manière d’un écrivain.Avant : Comment faire et pour qui on fait un livre.

Avant : (pas de réponse)

Après : Ses manières de commencer un livre.Après : Il nous a appris à réfléchir avant d’écrire, aussi d’êtrelogique sur des textes car après les gens ne comprennent plus l’his-toire, ils se disent qu’il est rouge après il est noir ça veut dire quesoit nous nous sommes trompés, soit on a oublié d’expliquer que lasorcière arrive et qu’elle transforme le tapis.Après : Comment avoir la passion d’écrire des livres.

Avant : Parce que nous avons envie d’être célèbre, connu, d’avoirquelqu’un qui s’intéresse à notre livre.

Avant : Parce qu’on a envie d’écrire des romans qui soient appré-ciés et publiés pour devenir célèbre.

Avant : Pour avoir des compliments et pour être connu, pour écriredes livres.

Avant : À mon avis on a envie d’être écrivain c’est qu’on a deschoses à dire et qu’on a de l’imagination.Avant : Parce qu’on a la passion d’écrire.

Après : On écrit parce qu’on aime lire et qu’on aime écrire. Puis ondevient écrivain.Après : On devient écrivain parce qu’on adore les histoires et écrire.

Après : Parce qu’on aime écrire, chercher, inventer.

Après : À mon avis il faut vraiment en avoir bavé et tout le monde nepeut pas être écrivain il faut avoir des idées.Après : On a envie d’écrire parce qu’on a une imagination qu’on abesoin de transmettre. À mon avis c’est de cette façon-là qu’ondevient écrivain.

Fiche d’évaluationproposée aux élèves de CM2

Page 9: exemple pour test

suis convaincu que des dizaines d’élèves réunion-nais, qui n’avaient jamais lu de livre de leur vie,vont emprunter le pont que j’ai construit pour euxpour pénétrer dans ma Caverne d’Alivres-Baba »(Azouz Begag). Des transformations apparaissentparfois dans l’écriture: «Ils osent utiliser les com-paraisons, les dialogues, bref ils s’aventurent » 68.Parfois la métamorphose est saisissante: « Je suisétonné de voir des enseignants qui vivent avec desé l è ves depuis plusieurs mois les découvrir commes’ils étaient nouveaux depuis la veille». (YvesPinguilly) 69

16.Le climat relationnel particulier des groupesqui ont vécu ce type d’expérience est souventremarquable: «J’essaye de faire vivre par l’écritu-re quelque chose d’inoubliable». ( G é rard Noiret) 7 0

Souvent, à travers l’écriture, des choses se disent,médiatisées par des fictions, et d’autant plus fortes.1 7 . La finalisation d’activ i t é s d ’ é c r i t u r e : au lieu dese livrer à la rédaction scolaire traditionnelle, larencontre avec un écrivain permet d’élaborertoutes sortes d’écrits qui ont un but, une fonction :questions à l’écrivain, recherches sur son œuvre,correspondance avec lui, réalisations de la classemontrées pour un retour critique d’un écrivain“conseiller littéraire”, etc.18.La découverte d’une autre forme d’apprentis -sage dont les élèves peuvent être conscients: plu-tôt que d’aborder comme un moment récréatif larencontre avec l’écrivain, les élèves peuvent, à l’ai-de de l’enseignant, analyser ce qu’ils découvrent :« Comprendre (pour les plus jeunes), connaîtreexplicitement (pour les plus âgés), ce qu’ils peu-vent et sont en droit d’attendre respectivement del’atelier et du cours de français, serait de nature àleur faciliter la gestion de leur propre apprentis-sage d’une écriture experte » 71.19.Le gain pour les écri vains: les apports ne sontévidemment pas que pécuniaires. Le C R I L J 7 2 du Va r

a effectué en 1992 une enquête auprès d’écriva i n s .Les auteurs, de leur côté, qu’attendent-ils de leursrencontres avec les enfants? S’assurer que leursl ivres les intéressent, y trouver une stimulation pourécrire, se sentir reconnu comme écrivain, faireconnaître la situation sociale de l’écrivain. Certainsapprécient de pouvoir jouer un véritable rôle deformation, faire sortir l’enseignement de la routi-ne, voire du “carcan scolaire”; ils aiment éveillerles auteurs en herbe, faire accéder l’enfant au plai-sir tout en évitant la rigueur; l’aspect affectif desrencontres est important à leurs yeux.Nombre d’entre eux disent qu’elles constituent desexpériences fortes : « une ouverture vers le mondeen deve n i r, une expérience irremplaçable» (HubertH a d d a d) 7 3. Annie Leclerc dit que si elle anime desateliers d’écriture, c’est «pour l’intérêt d’écrivainque je trouve à croiser d’autres univers psych i q u e set culturels que le mien » 74.Les rencontres permettent de tester leurs ouvra g e s ,de mesurer le décalage éventuel entre la critiqueet la réception par les jeunes, mais aussi de sen-tir leurs évolutions, leurs intérêts : «Ces expériencesm’ont permis de prendre conscience des préoc-cupations des jeunes». (Edwige Cabélo) 75 ; «Cesrencontres avec les enfants te permettent de tes-ter tes nouveaux textes, de mesurer les réactionsde tes lecteurs privilégiés, de rester “branché” surla réalité de l’enfance au contemporain.» 76

La rencontre de leurs lecteurs renouvelle, si besoinest, la motivation à écrire: «Quand je sens quemes livres sont lus et attendus, cela me donne l’au-torisation de continuer à écrire» .( M i chèle Kahn)7 7

L’aspect affectif est parfois inattendu: rencontrer seslecteurs, pour Noëlle Châtelet, «c’est un baumesur le cœu r, une fête» 7 8 ; «c’est un retour d’amour»(Brigitte Peskine)79.Parfois, faire écrire les jeunes a un impact sur l’écri-ture de l’auteur: « Mes propres mots grandissentau contact de ceux d’autrui». (Alain Bellet) 80 Ils’agit d’«un projet qui m’amènera, en tant qu’au-teur, à réfléchir sur ma propre démarche artis-tique». (Véronique Olmi) 81

20.Le rôle formateur pour l’enseignant : à traversune rencontre avec un écrivain, l’enseignant en tireune expérience, humaine certes, mais aussi péda-gogique, qu’il réinvestit dans son enseignement ouen faisant un autre projet en partenariat.Des stages académiques existent d’ailleurs pour seformer à «mener un atelier d’écriture avec un écri-vain», dont les objectifs sont l’aide à la mise enœuvre d’un atelier sur la base d’un partenariatenseignant-écrivain 82. Ils permettent l’élaborationd’un projet commun dont on a compris qu’il estl’une des clés de la réussite du partenariat écriva i n -enseignant.

Claire BonifaceInspectrice de l’Éducation nationale

ÉCRIRE ENSEMBLE ? COMMENT FAIRE? 1

(68)Un professeur dans « Comment l’écriture vient aux enfants»,La Vie n°2330, 26 avril 1990.

(69)Griffonn°147,mai-juin 1995.

(70)Media Zep n°4, académie de Versailles, avril-mai 1992.

(71)Écrire en atelier : observation, analyse,interprétation de quatreateliers d’écriture, sous la dir. de Christine Barré-de Miniac etChristian Poslaniec, INRP, 1999.

(72)Centre régional d’Information sur la littérature pour la jeunes-se : les résultats de l’enquête portent sur 77 écrivains et 71 “invi-tants” qui ne sont pas seulement des enseignants ; bibliothécaires,centre de loisirs, responsables de salons du livre, etc., organisentaussi des rencontres avec des écrivains.

(73)Théorie de l’espoir: à propos des ateliers d’écriture, op. cit.

(74)Lettre de la Maison des écrivains n°34,2001.

(75)L’Écrivain viendra le 17 mars,op. cit.

(76)Dire, lire, écrire: des écrivains rencontrent des enfants,op. cit.

(77) (78)(79) Programme d’interventions d’écrivains dans les établis-sements scolaires : premiers éléments de réflexion, op. cit.

(80)(81) L’Écrivain viendra le 17 mars, op. cit.

(82)Monté en février 2002 par exemple à la médiathèque de Noisy-le-Sec.