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Exposé La loi Le Chapelier

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La loi Le Chapelier.Introduction La Rvolution franaise de 1789 produit des changements radicaux tant sur lhistoire politique que sur lhistoire sociale et conomique de la France. Entre le 9 juillet 1789, date laquelle lAssemble nationale devient lAssemble nationale constituante et ladoption de la premire Constitution du 3 septembre 1791, lAssemble constituante vote un certain nombre de lois qui visent supprimer peu peu les cadres de lAncien rgime. Cest le cas notamment de la loi sur la fin des privilges lors de la Nuit du 4 au 5 aot 1789. Le texte que nous devons tudier est une de ces lois importantes. Elle est adopte par lAssemble nationale constituante le 17 juin 1791. Lauteur de cette loi, Isaac Le Chapelier (1754-1794), est un homme politique franais. Avocat au parlement de Rennes, dput aux Etats gnraux de 1789, il est lun des fondateurs du Club breton, futur Club des Jacobins. Il prside lAssemble constituante lors de la nuit du 4 aot 1789. Il rdige notamment le dcret qui abolie la noblesse et les titres fodaux. Il est guillotin pendant la Terreur. Aux articles 1 et 2, la loi interdit toutes les corporations des citoyens du mme tat ou profession (l.1), elle interdit aussi que ces citoyens de mme tat ou profession [prennent] des arrts ou dlibrations, [forment] des rglements (l.6-7). Puis, les articles 3 et 5 interdisent tous corps administratifs ou municipaux de recevoir aucune adresse ou ptition (l.8-9), ainsi que de refuser que ceux ()qui provoqueraient ou signeraient [des] dlibrations ou conventions soient admis aux ouvrages de leurs professions dans aucuns travaux publics (l.23-24). Enfin, aux articles 4, 5, 6, 7 et 8, la loi voque les peines que risquent ceux qui porteraient atteinte aux [liberts accordes] par les lois constitutionnelles . Nous verrons en quoi cette loi qui interdit la formation de tout type de corporations de citoyens est une preuve manifeste de la persistance de la physiocratie et de l'apparition des prmices du libralisme dans la socit franaise. Tout dabord, nous verrons comment la loi Le Chapelier tente de supprimer les associations de citoyens, hrites de lAncien rgime. Puis, nous tudierons en quoi cette loi, tout en tant une loi dorigine physiocratique et librale, permet la bourgeoisie de limiter la libert dassociation des citoyens. I. La loi Le Chapelier : Lanantissement de toutes espces de corporations des citoyens du mme tat ou profession (l.1) hrites de lAncien rgime.

La loi Le Chapelier interdit les associations de citoyens, afin notamment de supprimer dfinitivement les corporations de mtiers. A. Linterdiction des associations de citoyens.

La loi Le Chapelier du 17 juin 1791 vise interdire dfinitivement les associations de citoyens. Lanantissement de toutes espces de corporations de citoyens du mme tat ou profession [est] une des bases fondamentales de la constitution franaise (Article 1, l. 1-2). En effet, la Constitution du 3 septembre 1791 quest en train de rdiger lAssemble constituante dclare : Lassemble nationale voulant tablir la Constitution franaise sur les principes quelle vient de reconnatre et de dclarer, abolit irrvocablement les institutions qui blessaient la libert et lgalit des droits () Il ny a plus ni jurandes, ni corporations de professions, art et mtiers . Larticle 1 mentionne qu il est dfendu de rtablir [les corporations de citoyens du mme tat ou profession (l.1)] de fait, sous quelque prtexte et quelque forme que ce soit . Les corporations, c'est--dire un organisme qui regroupe tous les membres dune mme profession ont t dj interdites plusieurs fois. Elles sont tout dabord interdites par le contrleur gnral des finances (1774-1776), Turgot, qui, par ldit de fvrier 1776, souhaitait les supprimer, parce quelles entravaient lactivit conomique. Cependant son renvoi empche lapplication de ldit. Puis lAssemble constituante, sous la prsidence dIsaac Le Chapelier, envisage ds la nuit du 4 aot 1789 de supprimer ces mmes corporations, mais il faut attendre le dcret dAllarde (2-17 mars 1791) pour que soient interdites dfinitivement les corporations et que la libert de travail soit autorise sur simple payement dune patente. Les associations de citoyens tentent alors cependant se maintenir sous dautres appellations. A la fin de lanne 1790, des citoyens attachs aux mmes professions, arts et mtiers (l.12-13) se rassemblent dans des nouvelles organisations, rpandues sous le nom de Arts et Professions du . Aussi, des compagnonnages qui avaient t frapp par la loi dAllarde se sont muts en socits fraternelles. Pour quil soit dfinitivement interdit aux citoyens dun mme tat ou profession (l.4) de sassocier sous quelque prtexte et quelque forme que ce soit (l.3), la loi Le Chapelier supprime donc dfinitivement toutes formes dassociation. Si la loi Le Chapelier sappuie sur la constitution franaise (article 1) pour interdire les associations, cest probablement parce quau-del dune simple interdiction, il sagit ici de dtruire peu peu les restes de lAncien rgime. En effet, la socit dAncien rgime tait encadre par des institutions quotidiennes, telles que les corporations. Ces institutions taient un intermdiaire entre lEtat et lindividu. Avec la Rvolution franaise, la conception communautaire de vie des hommes est remise en cause au nom de lindividu et de la libert (article 4). Si lon porte atteinte aux principes de la libert et de la constitution (article 4, ligne 12), on risque des peines qui vont de la simple [prsentation] au greffe du tribunal de police pour se rtracter ou dsavouer (article 5, ligne 25) une amende ( cinq cens livres damende , article 4, ligne 19 ou mille livres article 6, ligne 30), la [suspension] pendant 1 an de lexercice de tous droits de citoyens actif (article 4, ligne 20) ou plusieurs mois de prison (article 6, ligne 31).

B. Une association particulire illgale qui tente de perdurer : la

corporation. Les corporations ont t auparavant interdites, mais de nombreuses associations et organisations mergent et prsentent les mmes caractristiques mme si lappellation est diffrente. A la ligne 1, il est crit tous espces de corporations des citoyens du mme tat ou profession , cela concerne les organisations dont les membres exercent la mme profession limage de la corporation et cela concerne tous les types de professions. Le texte prsente tous les types de statuts concerns par cette loi : compagnons (l. 23 et l.35), artisans (l.28) et ouvriers (l.23). Ces trois termes reprennent la mme ide, mais le terme varie selon la profession. Ce sont des travailleurs qui ont fait leur apprentissage donc qui ont un savoir-faire et des comptences prcises pour exercer un mtier. Le terme journalier la ligne 35 prsente un statut o le travail se fait la journe, il ny a pas de savoir-faire donc le travailleur remplit les fonctions basiques et sert de main-duvre non spcialise. Prsident, secrtaire et syndics (l.6) dsignent des fonctions au sein de la corporation. Le premier prside au sein des assembles et des conventions, le second prend en notes toutes les dcisions prises et tient les registres, le troisime doit reprsenter lensemble des membres de lassociation et veiller au respect de leurs intrts, il a galement un rle rpressif puisque cest le syndic qui dtermine les sanctions lors du non-respect des rgles. Le rle dune telle structure est galement prsente dans le texte notamment larticle 2 avec tenir les registres (l.6), en effet la corporation nautorise lexercice dune profession qu ses membres. Si un tranger veut lexercer, il doit remplir les exigences de la corporation, faire ses preuves et tre admis en son sein. Prendre des arrts ou dlibrations (l.6-7), la corporation prend des dcisions sur tout sujet. Ces dcisions sont prises en commun et les travailleurs font le serment (l.15) de les respecter. Puis, la ligne 7, la corporation doit former des rglements sur leurs prtendus intrts communs , la corporation fixe les rgles primordiales qui rgissent lexercice du mtier, ces rgles doivent permettre aux mtiers de conserver la qualit de son travail, mais aussi le prix moyen que lartisan doit demander comme il lest dit la ligne 7 : tendant naccorder qu un prix dtermin le secours de leur industrie ou travail . Ainsi la corporation est une structure dencadrement importante sous lAncien rgime, elle est prsente dans toutes les professions, nanmoins certaines de ses caractristiques poussent les lgislateurs linterdire : elles ne correspondent pas au rgime post- rvolutionnaire quils essayent de mettre en place. II. La loi Le Chapelier : une loi dorigine librale, mais qui supprime certains droits. A. Une loi dorigine physiocratique et librale. La corporation, symbole de lAncien rgime avec ses privilges, modifie

voire ralenti le cercle conomique. Cest pourquoi, Turgot, rattach au courant physiocrate a auparavant voulu la supprimer. Les articles 6 et 7 montrent quempcher les autres de travailler laide de menace ou violence est un crime grave. En effet, pour les physiocrates, lenrichissement et la production sont au centre de lintrt. Le plus important est de produire des matires premires par lagriculture car cette production seule permet de crer de nouvelles richesses. Intrts communs (l.7) montre que pour les physiocrates les travailleurs concerns par la loi font parties dune seule et mme classe. En effet, ils diffrencient la classe productive, compose des agriculteurs, la classe des propritaires et enfin la classe strile concerne ici par la loi puisquelle regroupe tous ceux qui retravaillaient les matires premires sans en produire. Les termes d intrts communs montrent quune conscience de classe merge peu peu dans ces professions et les relient entre elles. Lintrt dune telle loi pour les physiocrates est de librer lconomie afin de stimuler la demande et la consommation. La principale caractristique des physiocrates rside dans cette phrase : laissez faire, laissez passer . Ainsi, pour les physiocrates, lconomie doit tre affranchie de toute taxe et doit permettre linitiative prive. Or les corporations avec leurs rglements (l. 7), arrts (l.6) et dlibrations (l.7) brident les initiatives prives jusqu leur retirer toute lgitimit. La physiocratie nest pas le seul courant de pense tre reprsent dans cette loi. En effet, plusieurs lments marquent lmergence de la doctrine librale. Cette mergence est visible notamment grce la redondance du mot libert aux lignes 12, 16, 32 et 36. La libert est la valeur centrale du libralisme qui cherche la faire spanouir. Le rgime qui sinstalle est en rupture avec celui de lpoque moderne et place la libert au-dessus de tout, si bien que les lgislateurs rdigent une constitution (l.12, l.33) qui doit fixer les domaines daction de lEtat. Ce dernier ne peut intervenir dans tous les domaines et doit veiller au respect des liberts des citoyens. Lautre point pour lequel cette loi est affilie la pense librale est que par la suppression des associations, les lgislateurs suppriment un intermdiaire entre les citoyens et lEtat. Le libralisme prne la ralisation de lindividu, or lexistence de structures intermdiaires retirent lindividu son autonomie et une partie de ses liberts. Cette suppression dintermdiaires centralise le pouvoir de lEtat, mesure chre au Club des Jacobins (Club breton) dont Isaac Le Chapelier est lun des fondateurs. Malgr la prsence dide physiocratique et librale, il ne faut pas oublier que la Rvolution franaise est une rvolution bourgeoise dans laquelle ils dfendent leurs intrts. B. Mais qui restreint la libert dassociation des citoyens, dans le contexte de la Rvolution franaise. La loi Le Chapelier, en librant lconomie de quelques contraintes, restreint la libert dassociation des citoyens qui, dans le contexte rvolutionnaire, pourrait tre dangereux pour le nouveau rgime. A larticle 8, la loi mentionne des attroupements composs dartisans, ouvriers, compagnons, journaliers, ou excits par eux contre le libre

exercice de lindustrie et du travail () ou contre laction de la police (l.35-37). Elle dsigne probablement les coalitions ouvrires qui regroupent des citoyens du mme tat ou profession (article 2, l.4). La coalition dsigne laction concerte dun certain nombre douvriers pour la dfense de leurs droits ou de leurs prtendus intrts communs (article 2, l.7). La cration dune coalition annonce souvent une grve, cependant, la coalition nest pas la grve. La grve nest quune forme daction choisie par la coalition. Les coalitions ouvrires existaient dj sous lAncien rgime et taient rprimes, mais dans les annes 17901791, elles semblent augmenter en nombre et en intensit. En effet, durant le printemps 1791, lagitation est trs forte Paris o les charpentiers, les forgerons sassemblent et exigent laugmentation des salaires. Des rumeurs disent mme que les ouvriers de toute la France ont lintention de converger vers la capitale pour que le gouvernement coute leurs revendications. Cest dans ce contexte social perturb quintervient la loi Le Chapelier du 17 juin 1791. Des historiens se sont dailleurs demand si cette loi tait vraiment lapplication dune doctrine librale ou une thorie de circonstances, en effet, la loi est adopte face un dsordre prolifrant. Ainsi la loi dtruit le penchant quont les ouvriers se coaliser , ainsi que le droit de se runir et de sassocier tous les citoyens. Elle prfre mettre en avant les principes de la libert qui avantagent la bourgeoisie, et rduire les droits, notamment les droits sociaux, des ouvriers en tant que communaut en interdisant la formation de coalitions, ce qui par consquent supprime les grves. Conclusion. Pour conclure nous pouvons dire que la loi le Chapelier renouvelle l'interdiction l'encontre des organisations de mtier dans le but d'ouvrir les professions et d'en finir avec les restrictions lies ces structures. Le texte prsente de nombreuses marques des penses physiocratique et librale nanmoins sous couvert de l'avnement de nouveaux principes les lgislateurs introduisent la concurrence et l'interdiction de grve dans l'conomie. La loi le Chapelier ne sera abroge qu'en 1884 avec la loi Waldeck-Rousseau qui autorise les groupements professionnels et qui est la premire loi autoriser les syndicats en France.