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Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 311–313 Fait clinique Faut-il faire un test au méthergin non invasif après un arrêt cardiaque par spasme coronaire ? Non invasive methylergometrine test should be carried out after cardiac arrest due to coronary spasm? D. Guindolet , F. Monsel , J.-B. Estève , J. Sergent , O. Nallet Fédération de cardiologie, centre hospitalier intercommunal, rue du Général-Leclerc, 93370 Montfermeil, France Rec ¸u le 3 aoˆ ut 2010 ; accepté le 4 ao ˆ ut 2010 Disponible sur Internet le 26 ao ˆ ut 2010 Résumé Un homme de 59 ans a été admis après un arrêt cardiaque extrahospitalier. Les coronaires étaient athéromateuses sans sténose significative. Nous avons conclu au diagnostic de spasme coronaire après la survenue d’une douleur thoracique avec sus-décalage antérieur du segment ST réversible avec les dérivés nitrés. Un mois plus tard, un test au méthergin non invasif a été compliqué d’une récidive de spasme avec arrêt cardiaque par bloc auriculo-ventriculaire et asystolie traités par massage cardiaque, molsidomine, adrénaline. Le traitement vasodilatateur a été majoré et six mois plus tard le patient est toujours asymptomatique. Cette observation souligne les difficultés de la surveillance des formes graves de spasme coronaire par le test au méthergin dont les modalités (invasif ou non invasif) et les indications devraient être mieux précisées dans les recommandations internationales. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Spasme coronaire ; Arrêt cardiaque ; Test au methergin ; Asystolie ; Fibrillation ventriculaire Abstract A 59-year-old man was admitted after cardiac arrest with successful reanimation. There was no significant coronary lesion. We conclude to the diagnosis of coronary spasm after the occurrence of a chest pain with anterior ST elevation reversible with intravenous nitrates. One month later, non-invasive methylergometrine test was carried out and complicated by a cardiac arrest due to complete heart block and asystole treated by chest compression, molsidomine and epinephrine. No cardiac event occurred within the following six months. Technique (invasive versus not invasive) and indication of methylergometrine test for the follow-up of severe manifestations of coronary spasm should be better specified in international guidelines. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Coronary spasm; Cardiac arrest; Methylergometrine Test; Asystole; Ventricular fibrillation Le spasme coronaire est une cause rare d’arrêt cardiaque [1–4]. La prise en charge des survivants pose des problèmes difficiles et il n’y a pas de consensus sur les tests de provocation ni pour le diagnostic positif de spasme ni pour la surveillance du traitement médical. Nous rapportons une observation qui illustre les problèmes posés par ces patients. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (O. Nallet). 1. Cas clinique Un homme de 59 ans, gros fumeur, a été hospitalisé après un arrêt cardiaque extrahospitalier. Il a été réanimé par un témoin, puis les pompiers, sans choc délivré par le défibrilla- teur semi-automatique. À l’arrivée du Samu, l’hémodynamique était normale et l’ECG objectivait un sous-décalage de ST inférieur et latéral. Les coronaires étaient irrégulières sans lésion focale et la fonction ventriculaire gauche était nor- male. La récupération neurologique a été complète en quelques jours. 0003-3928/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ancard.2010.08.009

Faut-il faire un test au méthergin non invasif après un arrêt cardiaque par spasme coronaire ?

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Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 311–313

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Faut-il faire un test au méthergin non invasif après un arrêt cardiaquepar spasme coronaire ?

Non invasive methylergometrine test should be carried out after cardiac arrestdue to coronary spasm?

D. Guindolet , F. Monsel , J.-B. Estève , J. Sergent , O. Nallet ∗Fédération de cardiologie, centre hospitalier intercommunal, rue du Général-Leclerc, 93370 Montfermeil, France

Recu le 3 aout 2010 ; accepté le 4 aout 2010Disponible sur Internet le 26 aout 2010

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Un homme de 59 ans a été admis après un arrêt cardiaque extrahospitalier. Les coronaires étaient athéromateuses sans sténose significative. Nousvons conclu au diagnostic de spasme coronaire après la survenue d’une douleur thoracique avec sus-décalage antérieur du segment ST réversiblevec les dérivés nitrés. Un mois plus tard, un test au méthergin non invasif a été compliqué d’une récidive de spasme avec arrêt cardiaque par blocuriculo-ventriculaire et asystolie traités par massage cardiaque, molsidomine, adrénaline. Le traitement vasodilatateur a été majoré et six moislus tard le patient est toujours asymptomatique. Cette observation souligne les difficultés de la surveillance des formes graves de spasme coronairear le test au méthergin dont les modalités (invasif ou non invasif) et les indications devraient être mieux précisées dans les recommandationsnternationales.

2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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A 59-year-old man was admitted after cardiac arrest with successful reanimation. There was no significant coronary lesion. We conclude to theiagnosis of coronary spasm after the occurrence of a chest pain with anterior ST elevation reversible with intravenous nitrates. One month later,on-invasive methylergometrine test was carried out and complicated by a cardiac arrest due to complete heart block and asystole treated by chest

ompression, molsidomine and epinephrine. No cardiac event occurred within the following six months. Technique (invasive versus not invasive)nd indication of methylergometrine test for the follow-up of severe manifestations of coronary spasm should be better specified in internationaluidelines.

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eywords: Coronary spasm; Cardiac arrest; Methylergometrine Test; Asystole;

Le spasme coronaire est une cause rare d’arrêt cardiaque1–4]. La prise en charge des survivants pose des problèmesifficiles et il n’y a pas de consensus sur les tests de provocationi pour le diagnostic positif de spasme ni pour la surveillance du

raitement médical. Nous rapportons une observation qui illustrees problèmes posés par ces patients.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (O. Nallet).

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003-3928/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.ancard.2010.08.009

ricular fibrillation

. Cas clinique

Un homme de 59 ans, gros fumeur, a été hospitalisé aprèsn arrêt cardiaque extrahospitalier. Il a été réanimé par unémoin, puis les pompiers, sans choc délivré par le défibrilla-eur semi-automatique. À l’arrivée du Samu, l’hémodynamiquetait normale et l’ECG objectivait un sous-décalage de ST

nférieur et latéral. Les coronaires étaient irrégulières sansésion focale et la fonction ventriculaire gauche était nor-

ale. La récupération neurologique a été complète en quelquesours.

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ig. 1. Coronarographie un mois après l’arrêt cardiaque. Dès la première injec-ion, présence d’un spasme spontané diffus du réseau gauche réversible avec la

olsidomine.

Pendant l’hospitalisation, la survenue d’une douleur tho-acique avec sus-décalage antérieur de ST, réversible sousrinitrine, a permis de retenir le diagnostic de spasme coronaire.n mois plus tard, une seconde coronarographie a été faite pour

ontrôler l’efficacité thérapeutique. Dès la première injection,e patient s’est plaint de douleur thoracique et il existait unpasme diffus du réseau gauche réversible avec la molsidominentracoronaire (Fig. 1). Après majoration du traitement vasodila-

edme

Fig. 2. Test au méthergin au lit du malade compliqué de récidive d

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ateur, un test au méthergin non invasif a été réalisé en unités deoins intensifs. Le test s’est compliqué d’une douleur thoraciqueésistante à la trinitrine intraveineuse, d’un arrêt cardiaque parloc auriculo-ventriculaire puis asystolie, récupéré par massageardiaque, dérivés nitrés et adrénaline (Fig. 2). Finalement, leatient a été traité par l’association diltiazem 300 mg, molsido-ine 12 mg, amlodipine 10 mg, aspirine et statines. Avec ce trai-

ement et l’arrêt du tabac, il est asymptomatique après un suivie six mois ; les holters ECG sont normaux et les tests d’effortégatifs. Le patient n’ayant pas fait de troubles du rythme ven-riculaire, nous n’avons pas implanté de défibrillateur.

. Discussion

.1. Arrêt cardiaque et spasme coronaire

La prévalence du spasme coronaire dans l’arrêt cardiaqueépend en partie des critères diagnostiques retenus et de’utilisation des tests de provocation chez les survivants.’interprétation de ces tests est difficile car un test positif neermet pas de relier avec certitude l’arrêt cardiaque au spasme.l existe des différences géographiques dans la prévalence dupasme qui est plus élevée en Asie [5]. Au Japon où les tests derovocation sont largement pratiqués, le spasme coronaire est laremière cause de FV inexpliquée [6,7].

Dans le registre canadien Casper portant sur 63 fibrillationsentriculaires (FV) inexpliquées, quatre (6 %) ont été rapportéesun spasme [4]. Le diagnostic a été porté sur l’observation

’un sus-décalage de ST accompagné ou non de troubles duythme ventriculaire lors du monitoring hospitalier. Il n’y a pas

u de test de provocation, ce qui suggère une sous-estimatione la prévalence du spasme dans cette population où près de laoitié des arrêts cardiaques est restée inexpliquée malgré des

xplorations complètes.

e spasme et d’arrêt cardiaque par bloc auriculo-ventriculaire.

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D. Guindolet et al. / Annales de Cardi

Dans une série hollandaise de 215 FV, un test au méther-in au lit du malade a été fait chez 18 patients dont la FV étaitdiopathique [3]. Le test n’a été positif que dans un cas.

Le spasme coronaire a été évalué dans une série prospec-ive parisienne d’arrêts cardiaques extrahospitaliers [1]. Sur00 arrêts consécutifs récupérés sans cause extracardiaque évi-ente, le diagnostic de spasme à coronaires normales a été retenuhez dix patients (3,3 %) : spasme spontané réversible sur laoronarographie à l’admission (trois cas), sus-décalage de STéversible lors du monitoring (quatre cas), test au métherginositif à un mois (trois cas).

.2. Quelle surveillance pour ces patients ?

Sachant que le risque de récidive de mort subite est plus élevéue dans les séries de spasme sans arrêt cardiaque, peut-on seontenter d’une surveillance clinique et par holter ECG ou faut-ilaire des tests de provocation et dans quelles conditions [8–11].

L’injection d’un vasoconstricteur (méthergin, ergonovine,cétyl-choline) est la méthode diagnostique la plus utilisée.es tests d’effort, au froid et/ou d’hyperventilation, ont uneoins bonne sensibilité. Les modalités du test au méthergin

nt été précisées par un consensus d’experts de la Sociétérancaise de cardiologie en 1995 ; ils peuvent être réalisés auours d’une coronarographie ou au lit du malade en unités deoins intensifs [12]. Les tests à l’ergonovine ou l’acétyl-cholineu l’hyperventilation sont cités dans les recommandations euro-éennes sur les syndromes coronariens aigus sans en préciser lesonditions de réalisation [13]. Le problème de la surveillance dees patients par les tests de provocation n’est pas abordé danses recommandations.

Comme dans notre observation, des accidents graves ont étéapportés pendant ces tests et ont découragé beaucoup d’équipesour utiliser la méthode non invasive [14,15]. Le test au méther-in pendant une coronarographie permet un diagnostic plusrécoce du spasme et l’injection directe d’un dérivé nitré. Tou-efois aucune complication sévère n’a été rapportée dans uneérie de 1372 tests à l’ergonovine couplant ECG et échocar-iographie ; dans 9 % des cas l’examen était demandé pour laurveillance d’un spasme avéré et dans quatre cas pour le bilan’un arrêt cardiaque [16].

Dans la série parisienne de Meune, les patients ont étéurveillés par des tests au méthergin répétés pendant une coro-arographie et les traitements ont été adaptés au résultat [1]. Lesremiers tests étaient positifs chez cinq survivants sur dix :

un patient a eu un stent pour un spasme focal récidivant ;un patient a eu un défibrillateur pour un spasme diffus compli-qué d’arythmie grave ;dans 3 cas le traitement médical a été majoré jusqu’à négati-vation du test.

En conclusion, la prise en charge des patients survivants à

n arrêt cardiaque par spasme coronaire pose des problèmesiagnostiques et thérapeutiques difficiles. Les tests au métherginépétés font partie de la surveillance du traitement. Ils permettent’adapter le traitement médical, décider de la pose d’un stent en

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as de spasme focal résistant, retenir une indication de défi-rillateur. Les conditions de la réalisation de ces tests, pendantne coronarographie ou non invasifs, et leurs indications pour laurveillance du traitement médical mériteraient d’être préciséesans les recommandations internationales.

. Conflit d’intérêt

Aucun.

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