3

Click here to load reader

Fruits et légumes : de nouveaux constats

  • View
    218

  • Download
    1

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Fruits et légumes : de nouveaux constats

FLASH INFO

Fruits et légumes : de nouveaux constats

Journal de pédiatrie et de puériculture (2008) 21, 365—367

Du côté des parents : l’alimentation despopulations défavorisées

Reprise de l’article écrit par E. Birlouez paru dans lalettre Équation Nutrition 2008;78:5.

Jusqu’à une date récente, très peu de données existaientsur l’alimentation et l’état nutritionnel des personnes ensituation de grande précarité.

Réalisée en 2004—2005, l’étude Abena [1] a permis depallier en partie ce déficit d’informations. Ses conclusionssont particulièrement alarmantes : considérées dans leurensemble, les populations les plus défavorisées souffrentd’apports alimentaires quantitativement insuffisants.Sur le plan qualitatif, la ration apparaît fortement déséqui-librée, avec de très faibles consommations de poissons,de produits laitiers et, plus encore, de fruits et delégumes.

Une double approche

Le volet quantitatif de l’étude a comporté deux approches,des questionnaires de consommations alimentaires et desexamens de santé (dosages biologiques [vitamines et miné-raux] et examens cliniques). Le public enquêté étaitconstitué de personnes bénéficiant de l’aidealimentaire ; celle-ci leur était apportée sous forme decolis, de mise à disposition de produits à très faible prix(structures du type « épiceries solidaires et sociales »fonctionnant sur le mode du libre-service) ou encore sousforme de repas servis sur place. Les investigations ont étéréalisées dans le département de Seine-Saint-Denis ainsiqu’à Dijon, Marseille et Paris. La population enquêtéecomportait 51 % de femmes. Près de 75 % des sujets étaientâgés de plus de 35 ans et seulement 5,5 % avaient unemploi.

Le taux de participation à l’étude Abena s’est révélé plusélevé que celui auquel on aurait pu s’attendre compte tenudu profil particulier des interviewés : plus des trois quarts despersonnes sollicitées ont répondu au questionnaire ; et unesur quatre a accepté de se soumettre aux examens de santéproposés.

0987-7983/$ — see front matterdoi:10.1016/j.jpp.2008.10.001

Seulement 1,2 % déclare manger « au moins cinqfruits et légumes par jour »

Les résultats font apparaître qu’un enquêté sur quatre prendau maximum deux repas par jour (à Paris, ils sont plus d’unsur deux dans ce cas). Les féculents (hors légumes secs)occupent une place très importante dans l’alimentation desfoyers ayant recours à l’aide alimentaire : la moitié del’échantillon en consomme au moins trois fois par jour. Acontrario, un répondant sur deux consomme moins d’une foispar jour de la viande, du poisson ou des œufs. Moins d’un surdix respecte la recommandation du PNNS de consommerquotidiennement trois produits laitiers. Surtout, on noteraque seulement 1,2 % déclare mettre en pratique le conseil demanger « au moins cinq fruits et légumes par jour » ; la quasi-totalité en ingère moins de 3,5 portions, la médiane sesituant entre une et deux fois par jour.

Pour plus de trois interviewés sur quatre, l’aide alimen-taire représente la source essentielle (et parfois exclusive)d’approvisionnement en nourriture. Or, jusqu’à une daterécente, les fruits et légumes étaient très peu présents dansles colis distribués ou sur les rayons des épiceries sociales.

Une population en mauvaise santé

La très faible consommation de fruits et de légumes signaléepar l’étude Abena est cohérente avec les observations cli-niques et les analyses biologiques effectuées en complémentdes enquêtes de consommation. Ainsi, les individus en sur-poids représentent 38 % des enquêtés, tandis que la propor-tion d’obèses dépasse 27 % (36 % chez les femmes). De plus,un quart des personnes interrogées sont hypertendues, et lestaux de cholestérol et de triglycérides sont élevés. L’anémieest fréquente chez les jeunes femmes (un tiers a moins de30 ans). Bêtacarotène et folates sont présents en quantitésinsuffisantes, ainsi que la vitamine C : 14 % des hommesprésentent des déficits sévères de cette vitamine !

Le prix des fruits et légumes n’est pas le seul frein

Des actions et expérimentations sont actuellement en cours,qui mettent gratuitement (ou presque) des fruits et deslégumes frais à la disposition des personnes bénéficiaires

Page 2: Fruits et légumes : de nouveaux constats

366 Fruits et légumes : de nouveaux constats

de l’aide alimentaire. Il faut toutefois s’interroger surl’impact réel de ces initiatives : se traduisent-elles parune augmentation significative de la consommation de cesaliments à forte valeur santé ?

En effet, outre le prix, les freins potentiels peuvent êtrenombreux et de nature très variée : poids des habitudesalimentaires et culinaires, représentations négatives de cesproduits (les fruits et légumes frais ont une image d’alimentstraditionnels, c’est-à-dire « non modernes »), freins culturels(populations d’origine étrangère), méconnaissance du rôle deces aliments dans l’équilibre nutritionnel et la santé... Etaussi, absence d’investissement personnel et social dansl’acte demanger (chacun mangepour soi, face à la télévision),prioritéaccordéeà la sensationde«ventreplein » (les fruits etlégumes rassasient moins), faible sensibilité aux notions deprévention et de gestion de la santé, savoir-faire culinaireinsuffisant, pertes de repères (horaires des repas, par exem-ple), difficultés d’organisation personnelle, manque de tempset/ou de motivation pour cuisiner, absence d’espace de stoc-kage, ainsi que d’équipements et d’ustensiles de cuisineadaptés, absence de goût pour les fruits et légumes chezles enfants ou le conjoint... Pour lever ces multiples freins,la mise en œuvre d’actions d’accompagnement (groupesd’échanges, ateliers culinaires, partage de repas, etc.) appa-raît comme une condition absolument nécessaire.

Du côté des enfants : ne forcez pas vosenfants à manger des légumes !

Reprise de l’article traduit de G. J. Privitera (universitéde l’état d’Arizona, États-Unis), paru dans la lettreÉquation Nutrition 2008;79:5.

Pour beaucoup de parents, augmenter la consomma-tion de fruits et légumes chez leurs enfants demeure unvéritable défi car les stratégies qu’ils utilisent restentsouvent inefficaces.

Ainsi, de nombreux parents récompensent leur enfant parun dessert s’il a bien mangé les aliments « sains » durant lerepas.

Efficace ? Pas tellement : seulement 7 % rapportent quecette « stratégie » a augmenté la préférence de leur enfantpour un aliment donné.

D’autres choisissent de forcer leurs enfants à consommerles aliments les plus sains de leur repas en les obligeant àrester à table jusqu’à ce qu’ils aient « fini leur assiette ».L’impact ? Également négatif !

Que rapportent généralement les enfants ? Qu’ils détes-tent plus les aliments qu’on les a forcés à manger.

Pour tenter de résoudre ce casse-tête, cet articleprésente une stratégie alternative que les parentspeuvent utiliser pour augmenter la consommation de fruitset légumes : l’apprentissage par renforcement de la saveur.Non seulement c’est une méthode efficace mais, en outre,elle représente une stratégie pratique pour les parents.

Un apprentissage par renforcement de la saveur

Pourquoi certaines personnes ne mangent-elles pas de fruitset légumes ? Une des raisons serait que certains fruits sont

aigres (le pamplemousse, par exemple) et que la plupart deslégumes sont amers. Les enfants et les adultes doiventapprendre à apprécier ces saveurs car, dès la naissance,les bébés rejettent les saveurs aigres et amères. Uneméthode serait d’accroître la préférence pour les fruits etlégumes en y ajoutant des saveurs déjà appréciées (commeles produits sucrés) ou en les mélangeant à des nutrimentsdéjà acceptés. Cependant, si de nombreux produits amélio-rent les saveurs et rendent les aliments meilleurs au goût, ilsajoutent souvent des calories. Dans cet article, nous nefaisons pas de distinction entre améliorer le goût des ali-ments et les rendre nutritifs.

Chaque méthode augmente de son côté la préférencepour un aliment chez les animaux et les humains.

Sucrer le pamplemousse et les brocolis !

Dans une étude récente, nous avons noté que certainsenfants (âgés de 2 à 5 ans) n’appréciaient pas, au départ,le goût aigre du jus de pamplemousse. Pour augmenter leurpréférence, nous avons proposé aux enfants :

� u

n jus de pamplemousse sucré pendant 20 jours (phase deconditionnement) ; � u n jus de pamplemousse ordinaire sans sucre ajouté

(phase de test).

Résultat

Les enfants qui au début n’appréciaient pas le jus montraientensuite une préférence accrue pour le goût aigre du jus depamplemousse par rapport aux mesures de départ. Lors d’untest de suivi quelques semaines plus tard, les enfants disaienttoujours apprécier le jus à goût aigre sans sucre.

Chez les adultes, des résultats similaires ont été obtenuspour les légumes. À l’université, des étudiants ont reçu, àdeux occasions, des brocolis et du chou-fleur sucrés. Certainsont reçu des brocolis sucrés et du chou-fleur non sucré,d’autres du chou-fleur sucré et des brocolis sans sucre.Exposés ensuite à des brocolis et du chou-fleur non sucrés,les étudiants ont attribué une meilleure note au légumequ’ils avaient d’abord consommé sucré par rapport à celuiqu’ils avaient consommé non sucré.

Tout comme pour le jus de pamplemousse, les résultats decette étude montrent donc que rendre les légumes plusappétissants en les sucrant permettait de diminuer leur rejet.

Une méthode efficace à court terme, mais quelsrésultats à long terme ?

Malgré l’efficacité de cette méthode d’apprentissage, ellen’est utilisée que par seulement un tiers des parents pourmodifier les préférences alimentaires de leurs enfants. Unedes interrogations des parents serait la réticence de l’usagede sucres et d’édulcorants pour augmenter la préférencealimentaire. Si c’est le cas, il faut informer les parents que laméthode d’apprentissage comporte deux facettes :

� le

s édulcorants ne sont pas forcément caloriques ; ilsdoivent seulement apporter un goût sucré. Des édulco-rants non caloriques, comme l’aspartame, permettent
Page 3: Fruits et légumes : de nouveaux constats

Fruits et légumes : de nouveaux constats 367

ainsi d’augmenter les préférences pour les fruits etlégumes ;

� le s préférences seraient établies de manière permanente

sans apprentissage supplémentaire. Vu nos travaux, édul-corer les aliments pendant quelques semaines devraitsuffire pour établir des préférences, même après l’arrêtdes édulcorants. En fait, il a été montré que les saveursayant été édulcorées continuent à être perçues comme« ayant un goût » sucré, même lorsqu’il n’y a plus de sucreajouté ! Cela expliquerait que les enfants de notre étudecontinuent à apprécier le goût aigre du jus de fruit dessemaines après.

À ce stade, nous avons donc montré qu’édulcorer les fruitset légumes pendant une courte période est une stratégieefficace pour diminuer leur rejet par les enfants et lesadultes. D’autres observations sont, bien sûr, nécessaires.Néanmoins, de plus en plus de publications viennent étayerl’affirmation que ces changements de goût perdurent.

Qu’attendez-vous pour essayer ?

Référence

[1] Bellin Lestinne C, Deschamps V, Noukpoapé A, Hercberg S,Castelbon K. Alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires

de l’aide alimentaire. Étude Abena, 2004—2005. Institut de veillesanitaire, université Paris-13: Conservatoire national des arts etmétiers, Saint-Maurice; 2007.

Pour en savoir plus

Batsell WR Jr, Brown AS, Ansfield ME, Paschall GY. ‘‘Youwill eat all of that!’’: a retrospective analysis of forcedconsumption episodes. Appetite 2002;38:211—9.

Capaldi ED, Privitera GJ. Decreasing dislike for sour andbitter in children and adults. Appetite 2008;50:139—45.

Casey R, Rozin P. Changing children’s food preferences:parents opinions. Appetite 1989;12:171—82.

Lipsitt LP, Behl G. Taste-mediated differences inthe sucking behavior of human newborns. In: Capaldi ED,Powley TL, editors. Taste, experience, and feeding.Washington DC: American Psychological Association; 1990.p. 75—93.

Privitera GJ. The psychological dieter: it’s not all aboutthe calories. Lanham MD: University Press of America; 2008.

Stevenson RJ, Boakes RA, Wilson JP. Resistance to extinc-tion of conditioned odour perceptions: evaluative condition-ing is not unique. J Exp Psychol Learn Mem Cogn2000;26:423—40.