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Journal de pédiatrie et de puériculture 19 (2006) 131–132 doi:10.1016/j.jpp.2006.02.005 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: //france.elsevier.com/direct/PEDPUE Pourquoi les fruits et légumes sont-ils importants pour la santé ? Disons les choses simplement : les fruits et les légumes sont bénéfiques pour leur apport en nutriments protecteurs, impliquant des bénéfices santé, c’est leur première qualité. Ils ne sont pas les seuls aliments qui en contiennent, mais ils en apportent une grande variété, et en quantité impor- tante. Ces nutriments protecteurs s’opposent aux mécanis- mes des pathologies dégénératives. Mais au-delà de la den- sité nutritionnelle, il faut souligner la faible densité énergétique des fruits et légumes : ils apportent peu de calories pour un volume important, c’est encore une de leurs qualités. Aujourd’hui, quelle quantité de fruits et légumes faut-il consommer ? Si on se réfère au PNNS (Programme national nutrition santé), on peut conseiller au moins cinq portions de fruits et légumes chaque jour, c’est un minimum. En grammage, 600 g par jour semblent une quantité moyenne tout à fait raisonnable et souhaitable. Les fruits et légumes sont-ils clairement impliqués dans la prévention de certaines pathologies ? En fait, beaucoup de pathologies sont favorisées par le man- que de fruits et de légumes, et certaines pathologies sont moins fréquentes en cas d’apports suffisants de fruits et de légumes. On peut citer notamment l’hypertension artérielle et les pathologies cardiovasculaires et, en particulier, les pathologies cérébrovasculaires (athérosclérose, accidents vasculaires). Ils ont également un rôle bénéfique dans la prévention des maladies dégénératives telles que les cancers. Pas pour tous les cancers, mais un très grand nombre ont une fré- quence atténuée par la consommation élevée de fruits et de légumes (cancers épithéliaux, digestifs notamment, mais aussi du poumon...). Et puis, bien sûr, on peut citer les pathologies métabo- liques de surcharge, sans doute par effet sur l’équilibre alimentaire via la consommation de fruits et légumes. Que dire de l’obésité, les études n’étant pas toujours concordantes ? C’est vrai que l’obésité est plurifactorielle, il y a des fac- teurs confondants dans les études. Il y a même des facteurs confondants concernant la consommation de fruits et de légumes : la façon dont sont cuisinés les légumes, par exemple, peut entrer en ligne de compte. Les liens sont donc plus difficiles à mettre en évidence, car c’est une maladie d’une grande complexité, avec de nombreux fac- teurs génétiques. Le rôle protecteur des fruits et légumes est peut-être indirect, grâce à un effet sur le rassasiement entraînant une réduction de la consommation énergétique et lipidique. En consomme-t-on suffisamment aujourd’hui ? On ne peut pas globaliser, cela dépend des populations. Il y a des personnes qui en consomment suffisamment, et c’est tant mieux, il y a des progrès ! Mais quand on fait des actions de sensibilisation, on parvient à augmenter la con- sommation des consommateurs moyens et des « gros » con- sommateurs. On a davantage de mal à faire augmenter les petits consommateurs. Or, ce sont ceux-là qu’il faut sensi- biliser s’ils n’en mangent pas, c’est précisément qu’il y a des obstacles, des freins. FLASH INFO Fruits et légumes : les enjeux santé 1 1 D’après une interview du Dr Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition de l’institut Pasteur de Lille, publiée dans Flash Fruits Légumes, Aprifel, décembre 2005, p. 6–7.

Fruits et légumes : les enjeux santé

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Journal de pédiatrie et de puériculture 19 (2006) 131–132

doi:10.1016/j.jpp.2006.02.005

Disponib le en l igne sur www.sc ienced i rect .com

journa l homepage: / / f rance.e lsev ier .com/d i rect /PEDPUE

Pourquoi les fruits et légumes sont-ils importants pour la santé ?

Disons les choses simplement : les fruits et les légumes sontbénéfiques pour leur apport en nutriments protecteurs,impliquant des bénéfices santé, c’est leur première qualité.Ils ne sont pas les seuls aliments qui en contiennent, maisils en apportent une grande variété, et en quantité impor-tante. Ces nutriments protecteurs s’opposent aux mécanis-mes des pathologies dégénératives. Mais au-delà de la den-sité nutritionnelle, il faut souligner la faible densitéénergétique des fruits et légumes : ils apportent peu decalories pour un volume important, c’est encore une deleurs qualités.

Aujourd’hui, quelle quantité de fruitset légumes faut-il consommer ?

Si on se réfère au PNNS (Programme national nutritionsanté), on peut conseiller au moins cinq portions de fruitset légumes chaque jour, c’est un minimum. En grammage,600 g par jour semblent une quantité moyenne tout à faitraisonnable et souhaitable.

Les fruits et légumes sont-ils clairement impliqués dans la prévention de certaines pathologies ?

En fait, beaucoup de pathologies sont favorisées par le man-que de fruits et de légumes, et certaines pathologies sontmoins fréquentes en cas d’apports suffisants de fruits et delégumes. On peut citer notamment l’hypertension artérielleet les pathologies cardiovasculaires et, en particulier, les

pathologies cérébrovasculaires (athérosclérose, accidentsvasculaires).

Ils ont également un rôle bénéfique dans la préventiondes maladies dégénératives telles que les cancers. Pas pourtous les cancers, mais un très grand nombre ont une fré-quence atténuée par la consommation élevée de fruits et delégumes (cancers épithéliaux, digestifs notamment, maisaussi du poumon...).

Et puis, bien sûr, on peut citer les pathologies métabo-liques de surcharge, sans doute par effet sur l’équilibrealimentaire via la consommation de fruits et légumes.

Que dire de l’obésité, les études n’étant pas toujours concordantes ?

C’est vrai que l’obésité est plurifactorielle, il y a des fac-teurs confondants dans les études. Il y a même des facteursconfondants concernant la consommation de fruits et delégumes : la façon dont sont cuisinés les légumes, parexemple, peut entrer en ligne de compte. Les liens sontdonc plus difficiles à mettre en évidence, car c’est unemaladie d’une grande complexité, avec de nombreux fac-teurs génétiques. Le rôle protecteur des fruits et légumesest peut-être indirect, grâce à un effet sur le rassasiemententraînant une réduction de la consommation énergétiqueet lipidique.

En consomme-t-on suffisamment aujourd’hui ?

On ne peut pas globaliser, cela dépend des populations. Il ya des personnes qui en consomment suffisamment, et c’esttant mieux, il y a des progrès ! Mais quand on fait desactions de sensibilisation, on parvient à augmenter la con-sommation des consommateurs moyens et des « gros » con-sommateurs. On a davantage de mal à faire augmenter lespetits consommateurs. Or, ce sont ceux-là qu’il faut sensi-biliser s’ils n’en mangent pas, c’est précisément qu’il y ades obstacles, des freins.

FLASH INFO

Fruits et légumes : les enjeux santé1

1 D’après une interview du Dr Jean-Michel Lecerf, chef duservice de nutrition de l’institut Pasteur de Lille, publiée dansFlash Fruits Légumes, Aprifel, décembre 2005, p. 6–7.

132 Fruits et légumes : les enjeux santé

Qui sont les sous-consommateurs de fruitset légumes ?

La sous-consommation est liée à des facteurs socioculturels :les personnes concernées ont de faibles moyens, elles nevont pas investir symboliquement et culturellement, defaçon importante, dans les fruits et légumes.

Ces personnes n’ont pas eu l’éducation, l’environ-nement, la transmission du savoir qui les auraient habituéesà cuisiner des légumes, à introduire les fruits dans leursrepas, à savoir les préparer, les consommer. Il y a un côtésociologique très important. Ce qui est sûr c’est qu’il y aactuellement des sous-populations qui n’en consommentpas assez : plus on est jeune, moins on en consomme. « Pluson est pauvre, moins on consomme ! » C’est sur ces popula-tions-là qu’il faut agir.

Par quels moyens peut-on favoriser la consommation de fruits et légumes ?

Je pense que l’information est utile, mais les messages touspublics, type PNNS, vont induire un bruit de fond. Les gensen auront entendu parler et savent qu’il faut en mangerplus, mais ce n’est pas forcément cela qui est déterminantpour changer les comportements individuels.

Aujourd’hui, les enquêtes montrent que 98 % des genssavent qu’ils sont bons pour la santé, mais ceux qui vont enmanger plus ne vont pas le faire grâce à la campagned’information.

Alors, il faut agir sur les comportements, par le biais dusavoir-faire, du goût, de la cuisine. Faire de l’éducation auchangement alimentaire, dans le sens de « comment intro-duire dans ma pratique, l’achat puis la consommation defruits et légumes ? ».

Donc, il faut séduire, faciliter la consommation, montreravec des exemples pratiques qu’un fruit s’épluche en quel-ques secondes ou qu’un légume se cuisine aisément. Toutdoit passer par la pratique, le savoir-faire, la découverteculinaire de l’aliment dans ce qu’il représente. Car, il y aparfois une peur de l’aliment, simplement parce que l’on nesaura pas le « traiter » : on va laisser de côté, il ne va pasplaire. La solution est dans l’approche pratique, dansl’inculturation.

À quel niveau faut-il agir et qui doit faire changer les comportements ?

Les grandes campagnes induisent un bruit de fond, maiselles ne sont pas déterminantes. Il faut aussi prendre encompte le facteur économique, à ne pas négliger, notam-ment pour les plus défavorisés. Mais ce n’est pas le seulfrein : certaines populations qui ont des moyens suffisantsne consomment pas suffisamment de fruits et légumes.

Pour faire changer les comportements, on peut passerpar la famille — car le rôle des parents est très important —les éducateurs, les enseignants (mais on leur demande déjàbeaucoup !), la restauration collective, la restauration pri-vée, les professionnels de santé, les travailleurs sociaux...Et puis, bien sûr, les pouvoirs publics, les industriels...

Enfin, les organismes professionnels et les interprofes-sions ont un rôle à jouer en facilitant l’accès à des produitsde qualité, car le côté qualitatif est important. Un fruitcueilli hors saison, hors maturité, ne va pas beaucoupséduire. La qualité organoleptique des produits mis à dispo-sition joue un rôle primordial.

Les campagnes de prévention comme celle du Programme national nutrition santé (PNNS) donnent-elles les résultats escomptés ?

Le PNNS est doté d’outils d’observation, l’Institut de veillesanitaire, qui semble remarquer des frémissements dechangement pour des sous-groupes de population. Il y aaussi des panels de consommateurs, des statistiques de pro-duction, de vente, les statistiques INSEE : outils qui donnentdes informations complémentaires. Ils indiquent que, pourl’instant, ce n’est pas quelque chose qui bouge beaucoup,parce qu’il y a toujours des freins, des obstacles, notam-ment économiques et culturels. Mais faire changer les com-portements alimentaires, c’est un travail de fond, de lon-gue haleine... Il faut donc continuer !

La prévention, finalement, c’est l’affairede chacun de nous ?

La prévention, ce n’est pas les autres, ce n’est pas les pou-voirs publics. Chacun doit se responsabiliser. Il y a quelquesjours une campagne de communication annonçait, parexemple, le remboursement par les assurances de margari-nes à base de phytostérols. Cela ne responsabilise pas lesgens, au contraire, on les assiste ! Ce n’est pas la bonneméthode. Certes, les prix doivent être accessibles à tous,mais il faut surtout responsabiliser les gens.

La prévention, en théorie, elle est efficace, mais enmesurer les effets, c’est plus difficile. Donc politiquement,ce n’est pas très payant.

Compte tenu de la longévité des populations, des soinsde plus en plus sophistiqués et coûteux, une prévention enamont est indispensable par une meilleure hygiène de vie.

Cela étant, il ne faut pas enfermer les gens dans des boî-tes et « normativer » les comportements de façon exces-sive, ce serait dangereux et totalitaire !

Pour en savoir plus

[1] Lecerf J.-M. Poids et obésité. Paris : John Libbey EurotexteEdit ; 2001. Coll. Pathologie et science.