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Journalisme au Burkina : choisir le « gombo » et adieu la crédibilité ! « Gombo », « communiqué final » », « carburant »…ce sont des termes employés dans le jargon journalistique au Burkina pour désigner les sommes d’argent ou autres avantages matériels perçues lors des couvertures médiatiques. Cette pratique a intégré le quotidien des journalistes depuis la floraison des médias au Burkina. Variant entre 5000 FCFA et plus, les organisateurs des activités octroient cette somme pour assurer le carburant du journaliste. Si pour les uns cest la pauvreté des journalistes qui entrainent cela, pour dautres rien ne peut justifier cette pratique. Image : http://archives.evenement-bf.net/images/argent_2.JPG Prendre ou ne pas prendre le « gombo »? Ceci parait être une question difficile de trouver la réponse en pareil cas. Pour certains spécialistes de l’information, le débat ne se pose pas. Lorsque l’on va en reportage, l’on ne va pas pour des actions de communication. Selon le Pr Serges Théophile BALIMA, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication, un journaliste qui reçoit de l’argent dans le cadre de l’exercice de sa profession subit une pression morale qui tend à guider le traitement de l’information. Cette conception du professeur est battue en brèche par Ibrahim Sanou, journaliste à la télévision Burkina info. « Si des promoteurs de médias tiennent compte des petits sous que le journalistes reçoivent sur le terrain, dans leur grille salariale, il va de soi que ce dernier le prenne. Sinon, c’ est se causer du tort », s’indigne notre confrère. Ces deux avis différents posent la problématique de l’ignorance des fondements du journalisme et de la précarité des conditions de vie d’un journaliste au Burkina Faso. Prendre de largent sur le terrain pour reportage nest pas légale ! La première observation laisse entrevoir que le « communiqué final » (ndlr : appellation consacrée par certains journalistes burkinabè) reste illégale. Aucun texte n’énonce clairement que l’argent de carburant ou d’autres avantages matériels reçut sur le terrain est interdit. Certes, la charte des journalistes burkinabè inspirée de celle de Munich souligne dans l’alinéa 2 de l’article 9 que « pour sa crédibilité et celle de sa profession, il se doit de refuser toute forme de corruption et d’allégeance ». Et l’article 10 de préciser que « le journaliste s’interdit toute forme de rémunération illicite directe ou indirecte, tout avantage proposé en vue d’orienter son traitement de l’information. » .la misère du journaliste conduit à un journalisme de misère

Gombo des journalistes

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Journalisme au Burkina : choisir le « gombo » et adieu la

crédibilité !

« Gombo », « communiqué final » », « carburant »…ce sont des termes employés dans le jargon

journalistique au Burkina pour désigner les sommes d’argent ou autres avantages matériels

perçues lors des couvertures médiatiques. Cette pratique a intégré le quotidien des journalistes

depuis la floraison des médias au Burkina. Variant entre 5000 FCFA et plus, les organisateurs des

activités octroient cette somme pour assurer le carburant du journaliste. Si pour les uns c’est la

pauvreté des journalistes qui entrainent cela, pour d’autres rien ne peut justifier cette pratique.

Image : http://archives.evenement-bf.net/images/argent_2.JPG

Prendre ou ne pas prendre le « gombo »? Ceci parait être une question difficile de trouver la réponse

en pareil cas. Pour certains spécialistes de l’information, le débat ne se pose pas. Lorsque l’on va en

reportage, l’on ne va pas pour des actions de communication. Selon le Pr Serges Théophile BALIMA,

enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication, un journaliste qui reçoit

de l’argent dans le cadre de l’exercice de sa profession subit une pression morale qui tend à guider le

traitement de l’information.

Cette conception du professeur est battue en brèche par Ibrahim Sanou, journaliste à la télévision

Burkina info. « Si des promoteurs de médias tiennent compte des petits sous que le journalistes

reçoivent sur le terrain, dans leur grille salariale, il va de soi que ce dernier le prenne. Sinon, c’est se

causer du tort », s’indigne notre confrère.

Ces deux avis différents posent la problématique de l’ignorance des fondements du journalisme et de

la précarité des conditions de vie d’un journaliste au Burkina Faso.

Prendre de l’argent sur le terrain pour reportage n’est pas légale !

La première observation laisse entrevoir que le « communiqué final » (ndlr : appellation consacrée par

certains journalistes burkinabè) reste illégale. Aucun texte n’énonce clairement que l’argent de

carburant ou d’autres avantages matériels reçut sur le terrain est interdit. Certes, la charte des

journalistes burkinabè inspirée de celle de Munich souligne dans l’alinéa 2 de l’article 9 que « pour

sa crédibilité et celle de sa profession, il se doit de refuser toute forme de corruption et

d’allégeance ». Et l’article 10 de préciser que « le journaliste s’interdit toute forme de

rémunération illicite directe ou indirecte, tout avantage proposé en vue d’orienter son traitement

de l’information. »

….la misère du journaliste conduit à un journalisme de misère

Cette insuffisance ou cette ambigüité des textes régissant le journalisme au Burkina ouvrirait la

voie à un tel fait. A y voir de près, l’on peut par moment être situé.

Le gombo est-il une forme d’allégeance ? Non, pas forcément. Est-ce une forme de corruption ?

Oui parce que l’objectif de ceux qui donnent cette somme est d’avoir en retour une sorte de

sympathie avec les journalistes qui doivent les caresser dans le sens de leurs poils, foi de

Mamoudou OUEDRAOGO, ancien ministre de la communication.

Très rarement, l’accent est mis sur le décryptage et l’explication de la déontologie et l’éthique du

journalisme dans les écoles de formations au Burkina. Ceux qui apprennent sur le tas se contentent

des B.A BA du terrain sans brocher cette partie théorique.

La deuxième observation qui pointe du doigt la précarité des conditions de vie du journaliste comme

cause de la pratique du gombo ne semble pas non plus absolue (news.aouaga.com/h/4116.html). Au

Burkina Faso comme dans la plupart des pays d’ailleurs, le journaliste peine à joindre les deux bouts.

Cependant, il ne meurt pas de faim. Dans la plupart du temps, il est payé soit à l’article ou par mois.

C’est en vertu de quoi que ces avantages peuvent êtres permis ?

Pour l’heure, aucun texte n’interdit expressément ce type de pratique. Cependant, l’indépendance

totale et le professionnalisme du journaliste peuvent être entachés dans ces cas de figure. Autant le

dire, la frontière entre communication et journalisme doit être nette pour cette race de journaliste

(archives.evenement-bf.net/pages/dossier_3_53.htm) !

Liste des mots clés : Gombo-Journalisme-Crédibilité-Misère-Burkina-Professionnalisme-Argent

Ousmane DRABO