68
id e pratique d e psychogériat Jean-Pierre Cléme nt Nicolas Darthout Philippe Nubukp o Ill MASSON   TN  hz l ê d t r Nutrition d e la personne âgée. pr . Frr . l x T. nt n P. Brr P. Pf tzn r. B. Lrd D. hlh. 200 6 08 p. La douleur des f em m es et des hommes âgés, pr R. b Ln B. r . 2002 68 p. La maladie d Alzheimer. pr J. Th n F. Prtt. ll t n nlt r prr r. 2004 2 p. Gériatrie et basse vision-Pratiques interdisciplinaires, pr h. Hlzhh D . n èr F. r . ll t n, br d dn. 2002 60 p. Psychologie clinique de la personne âgée, pr Ph. pplz Ph. Lndrvll J . Vz n. 2000 288 p. Psychopathologie du su j et âgé, pr . Frr . L B. Rvèr. ll t n L â d l v. 2006 20 p.

Guide Pratique de Psychogeriatrie

Embed Size (px)

Citation preview

MEDIGUIDES

de

psychogriatJean-Pierre Clment Nicolas Darthout Philippe Nubukpo

ide pratique

M MI EDITIONS

Ill MASSON

Chez le mme diteurNutrition de la personne ge. par M. Ferry, E. Alix, T. Constans, P. Brocker, P. Pfitzenmmeyer. B. Lesourd, D. Mischlich. 2006, 308 pages. La douleur des femmes et des hommes gs, par R. Sebag-Lane B. Wary. 2002, 368 pages. La maladie d'Alzheimer. par J. Touchon, F. Portet. Collection Consulter/prescrire. 2004, 192 pages. Griatrie et basse vision-Pratiques interdisciplinaires, par Ch. Holzschuch, D. Manire, F. Mourey. Collection, Abrgs de mdecine. 2002, 160 pages. Psychologie clinique de la personne ge, par Ph. Cappeliez, Ph. Landreville, J. Vzina. 2000, 288 pages. Psychopathologie du sujet g, par G. Ferrey, G. Le Goues, B. Rivire. Collection Les ges de la vie. 2006, 320 pages.

Guide pratiquede

psychogriatri2 e ditionJean-Pierre Clment Professeur des universits Praticien hospitalier Psychiatre Nicolas Darthout Ancien Chef de clinique des universits Assistant des hpitaux Psychiatre Philippe Nubukpo Praticien hospitalier Psychiatre Centre de Psychiatrie du Sujet g Centre Hospitalier Esquirol, Limoges

Ce logo a pour objet d'alerter le lecteur sur la menace que reprsente pour l'avenir de l'crit, tout particulirement dans le domaine universitaire, le dveloppement massif du photocopillage . Cette pratique qui s'est gnralise, notamment dans les tablissements d'enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilit mme pour les auteurs de crer des oeuvres nouvelles et de les faire diter correctement est aujourd'hui menace. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d'autorisation de photocopier doivent tre adresses l'diteur ou au Centre franais d'exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tl. : 01 44 07 47 70.

Cet ouvrage tient compte des donnes les plus rcentes au moment de sa publication. Tout lecteur doit cependant, .sur le plan mdico-lgal, tenir compte des ventuelles erreurs et/ou omissions, et des possibles modifications des textes lgislatifs actuellement en vigueur, et vrifier les indications, les posologies et les prcautions d'emploi des mdicaments en se rfrant aux notices officielles d'utilisation. Cet ouvrage n'intgre pas les RMO. En effet, ce jour, par dcisions * du Conseil d'tat, aucune sanction financire ne peut tre prise contre un mdecin gnraliste ou contre un mdecin spcialiste qui ne respecterait par les RMO. (*) En date du 10 novembre 1999, pour les mdecins gnralistes. En date du 28 juillet 1999, pour les mdecins spcialistes.

Tous droit de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procds rservs pour tous pays. Toute reproduction ou reprsentation intgrale ou partielle, par quelque procd que ce soit, des pages publies dans le prsent ouvrage, faite sans l'autorisation de l'diteur est illicite et constitue une contrefaon. Seules sont autorises, d'une part, les reproductions strictement rserves l'usage priv du copiste et non destines une utilisation collective, et, d'autre part, les courtes citations justifie par le caractre scientifique ou d'information de ]'oeuvre dans laquelle elles sont incorpores (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la proprit intellectuelle).

2002, 2006 Elsevier Masson SAS Tous droits rservsISBN : 2-294-06243-4 ISSN : 1269-9330 EAN : 978-2-294-06243-8 Elsevier Masson S.A.S. 62. rue Camille Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux Cedex

Sommairete et Pet SUI ra e 111, 3111 MI Mt en en 1111 01I et It ee ee Me

Avant-propos 1 Agitation Dfinition et contexte Explications psychodynamiques Tableaux cliniques Les multiples causes La dmarche diagnostique Prise en charge d'une personne ge agite Agressivit Dfinitions et contexte Difficults avec l'entourage Facteurs favorisants et situations risque Tableaux cliniques Possibilits thrapeutiques Alcoolisme et autres addictions Dfinitions et contexte L'ALCOOLISME pidmiologie Quelques caractristiques de l'alcoolisme du sujet g Les diffrents modes de consommation alcoolique Consquences de l'alcoolisme Syndrome de sevrage Comment affirmer l'alcoolisme du sujet g ? Un traitement souvent hospitalier Traiter les troubles associs Volet social Autres possibilits de prises en charge Pronostic Prvention et recommandations LA DPENDANCE MDICAMENTEUSE Donnes pidmiologiques Consquences : essentiellement psychiatriques Le sevrage est le plus souvent hospitalier LE TABAGISME

XIII 1 1 2 2 2 4 5 7 7 8 8 10 10 13 13 13 14 14 15 16 18 19 19 21 21 22 22 22 23 23 24 24 25 V.

2

3

Guide pratique de psychogriatrie Les risques sont les mmes que chez les gens moins gs Traitement LES DPENDANCES TOXICOMANIAQUES LES ADDICTIONS SANS DROGUE Quelques cas rares, prsentation atypique Traitement 25 25 25 25 25 26 27 27 28 29 29 29 29 30 30 30 33 34 35 35 36 37 38 40 43 44 44 45 47 48

4

Alexithymie Dfinitions Modes d'expression Hypothses psychologiques et neurobiologiques Alexithymie primaire et secondaire Prvalence de l'alexithymie Alexithymie et troubles somatiques Relations entre l'alexithymie et d'autres concepts cliniques Dpistage Orientations thrapeutiques

5

Angoisse (trouble panique et trouble anxieux gnralis) Dfinitions et limites pidmiologie Tableaux cliniques Diagnostic diffrentiel Facteurs favorisants Traitement Conclusion

6

Anorexie et autres troubles des conduites alimentaires Aspects psychologiques de l'alimentation Tableaux cliniques Troubles du comportement alimentaire par dfaut Troubles du comportement alimentaire par excs Conseils thrapeutiques

7

Confusion pidmiologie Facteurs de risque prdisposants Facteurs de risque prcipitants Clinique Formes cliniques volution et pronostic

51 52 52 52 53 53 53

.VI

Sommaire

Dmarche diagnostique et traitement Traitement

54 54

8

Dlires pidmiologie Tableaux cliniques Troubles dlirants vieillis de l'ge adulte Troubles dlirants concomitants de troubles thymiques Autres modalits dlirantes aussi spcifiques du grand ge Dlire durant la dmence Traitement

59 59 60 63 63 63 64 66 69 70 70 70 70 71 71 76 77 80 83

9

Dmences Dfinitions pidmiologie Gnralits Clinique Diagnostic positif Exploration clinique Examens paracliniques Diagnostic diffrentiel Principales causes Traitement

10 Dpression Toujours y penser pidmiologie Facteurs de risque Tableaux cliniques Traitement Dpistage

89 89 90 91 91 95 98 101 101 102 102 104 104 104 105 VII.

11

Dsordre psychotraumatique Dfinition Approche psychopathologique Clinique Diagnostic volution Formes clinques Modalits de prise en charge

Guide pratique de psychogriatrie

12 Douleurs de la personne ge

107107 108 108 108 108 110 111 111 112 113 114 117 117 118 118 119 119 120 121 121 122 123 125 125 126 126 128 129 130 133 133 134 135 137

pidmiologie Physiopathologie Approche psychologique de la douleur Approche et valuation de la plainte douloureuse Examen Prise en charge

13

Hallucinations Dfinitions Gnralits Diffrentes situations Traitement

14 Hpital de jour pour personnes ges Dfinition Intrts et buts Indications et contre-indications l'hpital de jour Prise en charge Prestations spcifiques aux patients souffrant d'une pathologie de type dmentiel Devenir des patients

15 Hypocondrie Approche psychopathologique Clinique Traitement

16 Maladie maniaco-dpressive Dfinitions pidmiologie Classification Clinique volution Traitement

17 Mmoire (difficults mnsiques)

pidmiologie Situations cliniques Explorations Prise en charge des plaintes mnsiques

V I II

Sommaire

Les tests Questionnaire d'auto-valutation des fonctions cognitives de Mac-Nair MMSE : consignes de passation et de cotation (version consensuelle du GRECO) Dtrioration cognitive observe (DECO) (Ritchie & Fuhrer, 1994) Tests de fluence verbale

138 138 140 143 147 149 149 150 151 152 153 155 156 159

18 Mesures de protection des biens Circonstances et objectifs La sauvegarde de justice La curatelle La tutelle Choix d'une mesure

19

Modalits d'hospitalisation complte en psychiatrie Dispositions lgales Le problme de la contention physique et le maintien de protection et de scurit des personnes ges l'hpital

20 Psychosomatique et personnes ges (considrations pratiques)

163 163 Quelques notions sur la mdecine psychosomatique Clinique et pratique 165 166 Psychothrapie Affections pouvant tre considres comme psychosomatiques 167 167 Psychosomatique et personnes ges

21

Psychothrapies Moyens et buts des psychothrapies Indication d'une psychothrapie et particularits chez le sujet g Psychothrapies individuelles Psychothrapies de groupe Thrapies corporelles Hypnose Thrapies de la famille Thrapie du couple Psychothrapie des sujets dments Conclusion

169 169 170 171 173 174 175 175 176 176 177IX.

Guide pratique de psychogriatrie

22

Psychotropes : spcificits d'utilisation Gnralits Les antidpresseurs Les Neuroleptiques Anxiolytiques Hypnotiques Thymorgulateurs Thrapeutique et troubles dmentiels Recommandations importantes

179 179 181 184 189 192 194 196 198 199 199 201 202 204 205 206 207 210 211 211 212 212 213 216 217 218

23

Sexualit et difficults de couple Le couple g La sexualit des sujets gs Ce qui se passe chez l'homme g Ce qui se passe chez la femme ge Troubles sexuels Diagnostic des troubles sexuels Traitements Conclusion

24 Le sommeil Gnralits pidmiologie Examen du sommeil Tableaux cliniques des troubles du sommeil Les conseils pour bien dormir Les thrapeutiques pharmacologiques Autres traitements

25

Suicide et tentative de suicide pidmiologie Connatre les causes Facteurs favorisants Facteurs protecteurs Possibilits de prise en charge

219 219 220 221 222 222 225 225 226 228 231

26 Thrapeutiques psychosociales Gnralits Structures hospitalires Psychogriatrie extra hospita lire L'allocation dpendance pour personnes ges .X

Sommaire Les rseaux grontologiques Les rseaux Maladie d'Alzheimer Les mesures de protection L'institutionnalisation Les thrapeutiques cognitives et de rentranement 232 232 233 233 234 237 237 238 247 247 248 249 254

27 Troubles de la personnalit

Dfinitions Types de personnalit : prsentation clinique et traitements

28 Troubles nvrotiques des personnes ges Gnralits pidmiologie, vieillissement et nvrose Persistance des troubles nvrotiques et leur traitement tats nvrotiques d'apparition tardive ou d'involution

Index

257

XI.

Avant-proposeoel HP et Ble 110 811 a V/6 fa 31. eie see 7Pa Be ee Be etalt 0 IP eue.. gle (I& ee AS1

Le nombre de personnes ges augmente, leur demande de soins aussi. La place importante des troubles psychiques dans la pathologie rencontre dans le grand ge est incontestable. Les soignants ont donc tout intrt s'informer des donnes actuellement fournies par une discipline qui n'est plus tout fait naissante : la psychogriatrie. Certains parlent plutt de grontopsychiatrie, voire de psychiatrie griatrique. Un bon consensus non polmique serait de parler de psychiatrie du sujet g. En effet, la psychologie de la personne et les troubles psychiatriques qui s'y rattachent ventuellement ont des spcificits. D'autres pays l'ont dj bien ralis depuis de nombreuses annes, dans lesquels les rseaux, les structures de soins et la formation cette mdecine sont bien rods. La France, en termes de structures, d'organisation de soins et d'enseignement de la psychiatrie du sujet g est classe 18 e au niveau mondial. Pourtant il existe une dclaration de consensus sur la psychiatrie de la personne ge rdige par l'OMS : Cette spcialit s'occupe de l'ensemble des maladies psychiatriques et de leurs consquences, particulirement des troubles de l'humeur, de l'anxit, des dmences, des psychoses de l'ge avanc et des toxicomanies. Elle traite en outre les patients gs souffrant de maladies psychiatriques chroniques. Dans la plupart des cas, la morbidit psychiatrique dans l'ge avanc coexiste avec la maladie physique et est susceptible de se compliquer souvent de problmes sociaux. Les personnes ges peuvent aussi prsenter plus d'un diagnostic psychiatrique . Il existe donc une ralit de terrain, de plus en plus grandissante, d'un besoin de personnels mdicaux matrisant la prise en charge de la personne ge prsentant des troubles psychiatriques, y compris et surtout dans le contexte de la maladie d'Alzheimer et des syndromes apparents. Bon nombre de professionnels du champ de la griatrie actuellement, se plaignent de manquer de rponse psychiatrique devant des problmes de troubles psychologiques et comportementaux, de plus en plus frquents en particulier dans les tablissements de soins et les institutions. Modestement, cet ouvrage veut poser les bases d'une pratique psychiatrique oriente spcifiquement vers la souffrance de la personne ge. Il se veut descriptif, pratique et, surtout, il ambitionne d'veiller la curiosit du soignant. Le vieillissement fait peur, intrigue. Il n'a pas encore livr tous ses secrets et ce d'autant plus que le grand ge s'largit. Il y a les jeunes sujets gs (de 65 75 ans), les sujets gs (de 75 85 ans) et les trs gs. De plus, il faut distinguer les affections psychiatriques vieillies et les pathologies mergentes. Ces dernires justifient encore des tudes cliniques et tiopathogniques pour amliorer les prises en charge de ces patients et de leurs troubles. Cela signifie donc que les annes venir sont attendues comme prospres d'une encore meilleure comprhension de la psychopathologie et de la physiopathologie des maladies mentales de la personne ge. Ce guide s'inscrit aussi dans le contexte de la structuration de l'enseignement de la psychiatrie du sujet g en France autour d'un DESC. Il se veut tre une rponse pratique aux problmes des professionnels autour du sujet g. XIII,

Guide pratique de psychogriatrieLe succs de la premire dition laisse supposer qu'il est devenu un ouvrage incontournable pour tous ceux qui veulent en savoir plus sur cette discipline passionnante qu'est la psychiatrie du sujet g dans la pratique quotidienne. Souhaitons-lui, comme pour la premire, que cette seconde dition ne devienne pas trop rapidement caduque et qu'elle aide le lecteur dans sa pratique et dans sa rflexion personnelle face la vieillesse et ses souffrances. Jean-Pierre CLMENT, 2006.

XIV

I Agitation

Agitation n'gale pas agressivit. C'est l'expression comportementale d'une souffrance. Elle ne justifie pas toujours une hospitalisation qui doit tre le plus souvent vite. Les causes possibles sont multiples et parfois intriques.

CAS CLINIQUEMarcel A., 85 ans, est hospitalis pour agitation, htro-agressivit, dambulations excessives et chutes rptes maillant l'volution d'une dmence de type Alzheimer. Il faut noter dans ses antcdents, un glaucome chronique, une prostatectomie et une diverticulose colique. L'examen est en faveur d'une dmence svre (MMS : 5/30). On observe un pli cutan, une scheresse des muqueuses, des hmatomes multiples et une paule droite douloureuse. Il existe un syndrome extrapyramidal majeur (akathisie, antpulsion, roue dente, hypersialorrhe, tremblement de repos prdominant droite) faisant voquer une maladie de Parkinson. Il existe aussi une toux grasse productive avec une auscultation pulmonaire normale. Le bilan complmentaire montre : un syndrome inflammatoire (GB : 13 000/mm 3 ; VS : 46-85), une hypoalbuminmie 36,4 g/L avec une pr-albuminmie 190 mg/L. La radiographie du poumon est normale. Le traitement l'admission associait : buflomdil : 200 mg/j, venlafaxine (Effexor) : 100 mg/j, rivastigmine (Exelon) : 6 mg/j, mmantine (Ebixa) : 20 mg/j, divalproate (Dpakote) : 1 000 mg/j, pilocarpine collyre (Timoptol) : 1 mg/j.

Questions d'auto-valuation 1 Quelle est votre dmarche diagnostique ? 2 Quelles mesures thrapeutiques prconisez-vous? Voir rponses en fin de chapitre.

DFINITION ET CONTEXTEL'agitation est un trouble du comportement caractris par une exagration et/ou un dsordre de l'activit psychomotrice sans efficience objective. Elle entrane une perte du contrle des penses et des actes. L'agitation peut tre verbale, physique, associe ou non de l'agressivit. Elle peut avoir des consquences graves pour le sujet g et ventuellement pour l'entourage.

1

Guide pratique de psychogriatrie Elle n'est pas toujours associe de l'agressivit qui est plus souvent le fait de l'entourage. Environ 15 % des sujets gs hospitaliss en psychiatrie le sont pour agitation avec agressivit.

EXPLICATIONS PSYCHODYNAMIQUESDans la plupart des cas, l'agitation correspond une tentative d'adaptation comportementale, apparemment inadquate et rgressive face une situation nouvelle qu'il faut dcouvrir. Le sujet g exprime en effet facilement sa souffrance par des troubles des conduites. L'agitation n'est donc souvent qu'un piphnomne dans un syndrome plus complet ou le reflet d'une situation de crise.

TABLEAUX CLINIQUESLa prsentation clinique de l'agitation varie selon le contexte dans lequel elle survient. Globalement, le sujet ne tient pas en place, dambule, voire arpente les lieux vigoureusement et gesticule. Il peut crier, s'accrocher aux autres. Il peut parfois avoir des gestes violents ou entranant des chutes et traumatismes. Ses propos peuvent tre qurulents, injurieux ou rptitifs. Il peut refuser de cooprer et tre opposant. L'agitation peut tre permanente ou intermittente, alternant avec de la prostration.

LES MULTIPLES CAUSES LA CONFUSIONCe syndrome frquent chez la personne ge peut entraner, dans sa forme hyperactive, des troubles du comportement avec agitation. On retrouve alors dans sa prsentation caractristique une obnubilation de la conscience, une dsorientation temporo-spatiale, un onirisme, une perplexit anxieuse et des signes gnraux (modifications du pouls, de la tension, de la temprature...). Dans ce contexte, on observe galement une fluctuation des troubles sur le nycthmre et une alternance avec des moments de prostration. L'intrication d'autres causes n'est pas rare, reprsente surtout par des agressions somatiques mais aussi par des problmes affectifs : conflits, disputes, non-dits , pertes (deuil, dpart, dplacement de lieu de vie, perte d'argent ou d'un animal...). La confusion peut compliquer le cours d'une dmence : elle rend alors agit un sujet habituellement calme.

L'ANXITSous sa forme aigu d'attaque de panique (crise d'angoisse), l'anxit peut gnrer une agitation plus ou moins confuse chez la personne ge.

2

Agitation L'anxit chronique peut entraner une dambulation, une insomnie, une irritabilit et s'accompagne de manifestations corporelles : oppression respiratoire, sueurs, tremblements, palpitations, douleurs abdominales. Si le sujet g n'a pas d'antcdent du mme ordre et si l'examen somatique est normal, cette anxit agite dcoule souvent d'un sentiment de vie menace (agression, cambriolage, accident, maladie aigu, etc.).

L'HYPOMANIELe sujet g qui prsente un tat d'excitation hypomaniaque est euphorique, logorrhique, satisfait, mais parfois mfiant, suspicieux, revendicateur, voire agressif. S'il n'a pas d'antcdent de maladie maniaco-dpressive, il faut rechercher une cause toxique (corticodes) ou une tumeur crbrale.

LA DPRESSIONCertaines dpressions du sujet g peuvent comporter des accs d'agitation anxieuse. lis surviennent alors sur un fond d'humeur triste, de dsintrt, de sentiment de vide et de dvalorisation, d'hostilit. Le risque suicidaire doit tre alors bien apprci.

LE DLIRE TARDIFIl s'est install progressivement et parfois insidieusement ; il peut conduire des troubles du comportement marqus par une agitation, mais le sujet a t pralablement en proie des ides de prjudice et de perscution et des ractions motionnelles, dpressives et qurulentes. Il peut tre agressif.

DES HALLUCINATIONSFrquentes dans certaines dmences, elles peuvent tre angoissantes et engendrer une agitation.

UNE DMENCE CONNUEAux troubles mnsiques, praxiques, gnosiques et du langage, il arrive que se surajoute une phase confusionnelle ou dlirante induisant une agitation incohrente facilement agressive. Une dmence fronto-temporale peut aussi dbuter par des troubles du comportement avec irritabilit, agitation et agressivit. Cependant, la dambulation calme du sujet dment est bnfique, car elle participe au maintien de l'autonomie physique.

UNE SITUATION DE CRISEUne crise relationnelle au sein d'une famille ou de l'entourage (amis, institution) peut gnrer une agitation de la personne ge. Un dsaccord, un non-dit, une malveillance parfois interprts de faon excessive par le sujet g, ncessitent une mise plat avec

3

Guide pratique de psychogriatrie les diffrents protagonistes. Le sujet g a en effet t dpass par la situation et n'a pas pu la mettre en mots, prfrant exprimer son dsarroi par un comportement qui demeure cependant inadapt.

LE DEUIL, LA PERTEPar les mmes mcanismes, le deuil d'un proche, la perte d'un animal ou d'argent, le dpart d'un lieu de vie peuvent dclencher une agitation. Les troubles de la personnalit peuvent aussi, avec le vieillissement, gnrer de l'agitation (avec colre, impulsivit, autoritarisme...).

LES NOMBREUSES CAUSES MDICO-CHIRURGICALESIl importe de les rechercher systmatiquement.

Causes mdicales et chirurgicales d'agitation du sujet gHypoglycmie Hyperthyrodie Fcalome Rtention urinaire Hypocorticisme Hyponatrmie Infection fbrile (pulmonaire, urinaire, dentaire) Mningite Pathologie iatrogne : mdicaments pouvant entraner une confusion (anticholinergiques, cimtidine, L-Dopa, etc.) ; diurtiques rvlant une hyponatrmie latente ; corticodes ; extraits thyrodiens ; cafine... Sevrage mdicamenteux (en particulier benzodiazpines) Sevrage alcoolique Apparition d'un trouble du rythme cardiaque Dsordre hmodynamique Hmatome sous-dura) du vertex aprs une chute sur les fesses passe inaperue, minimise ou oublie Pathologie crbrale vasculaire ou tumorale.

LA DMARCHE DIAGNOSTIQUEAprs la prise de contact avec la personne ge qui peut parfois ddramatiser la situation, il y a lieu aussi de bien interroger l'entourage. Il faut prciser les circonstances dclenchantes de l'agitation, retrouver les antcdents pathologiques et les traitements antrieurement pris. 4

Agitation Si une cause psychiatrique n'est pas vidente, et au moindre doute, l'examen clinique doit rechercher les causes somatiques prcdemment voques. L'examen doit tre complet : outre la vrification du pouls, de la tension, de la temprature, il s'attachera vrifier l'tat cardio-vasculaire, pulmonaire, abdominal, cutan ( la recherche d'ecchymoses, d'ruptions, de scheresse voquant une dshydratation) et neurologique. On vrifie en particulier l'orientation temporo-spatiale, les signes d'hmiparsie ou d'irritation pyramidale. Dans tous les cas, un bilan biologique minimal comprend : numration et formule sanguines, glycmie, cratinine, natrmie, kalimie, calcmie, thyrostimuline (TSH US : thyroid stimulating hormone ultra sensible).

PRISE EN CHARGE D'UNE PERSONNE GE AGITE La prsence du mdecin peut parfois avoir un effet de sdation apaisante. Si ce n'est pas le cas, une thrapeutique sdative peut s'avrer ncessaire. Le contact, le dialogue, l'examen clinique et un traitement rapide de la personne ge doivent permettre d'viter une hospitalisation qui ne fait dans la plupart des cas

qu'aggraver la symptomatologie. un antipsychotique de type benzamide pour une action urgente (Tiapride injectable La prescription mdicamenteuse symptomatique s'oriente plutt vers :

ou per os, 100 mg renouvelable, jusqu' 400 mg/jour) ou anti-hallucinatoire si ncessaire (Haldol, 1 5 mg/jour) ou de type velotab (qui fond instantanment dans la bouche) : Zyprexa 5 mg ; les alternatives sont les carbamates (quanil, 400 800 mg/jour) ou les benzodiazpines demi-vie courte (Alprazolam, 0,75 1,5 mg/jour) si l'anxit prdomine ; un antidpresseur srotoninergique (Sropram, Sroplex) peut s'avrer ncessaire s'il s'agit d'un trouble persistant ou chronique, en particulier chez le sujet dment ; un thymorgulateur (Dpamide) peut tre utilis dans les mmes indications que prcdemment ; un correcteur des effets extrapyramidaux des Neuroleptiques (Lepticur) est parfois ncessaire (mais pas d'emble). Exemples de protocole de traitement immdiat : Tiapride : 100 mg IM (amp. 100 mg) ou per os (cp 100 mg), renouvelable une heure aprs si l'agitation persiste ; ou Alprazolam : 0,5 mg per os (cp 0,50 mg), relay par Tiapridal, si l'agitation persiste une heure aprs. ou Zyprexa velotab : un cp 5 mg Adapter le traitement la cause : agitation anxieuse : prescription de tranquillisants, soit per os avec un comprim d'Alprazolam 0,25 ou 0,50 mg sublingual ou aval, soit par voie IM en cas de refus avec Tranxne 1 amp. 20 mg ; Tiapride est aussi indiqu (1 amp. 100 mg renouvelable) ; agitation maniaque : commencer le traitement neuroleptique avant l'hospitalisation : Tiapride (200 mg), Nozinan (30 50 mg), Haldol (5 mg) par voie IM ;

agitation dans un contexte de dpression :traiter l'anxit comme prcdemment et, si cela n'est pas fait, envisager un traitement antidpresseur ; hospitaliser en fonction de l'tat gnral, de l'intensit du trouble (mlancolie), du risque suicidaire patent et de l'isolement ;

5.

Guide pratique de psychogriatrie agitation sur dlire de prjudice : calmer rapidement le trouble du comportement et prvoir un traitement de fond associant la poursuite du neuroleptique dose file (Tiapride, Haldol, Risperdal, Zyprexa, Abilify, Orap) et la mise en route d'un traitement antidpresseur ; agitation du sujet dment : aigu, utiliser plutt un neuroleptique sdatif (Tiapride) ; chronique, envisager un antidpresseur srotoninergique (Sroplex, Zoloft...) ou un thymorgulateur (Dpamide). Agir sur l'environnement avec tact et persuasion est souvent indispensable : information, incitation une meilleure tolrance, amnagement des conditions actuelles. Une hospitalisation s'impose toutefois, lorsqu'une cause somatique grave est suspecte ou non lucide, lorsqu'il existe un trouble psychiatrique majeur ou lorsque le contexte socio-familial est prcaire. Dans tous les cas, l'hospitalisation doit tre clairement explique la personne ge. L'orientation, qui dpend de la suspicion diagnostique, se fait rarement d'emble vers une structure psychiatrique, mais plutt vers un service d'accueil d'urgence. Cependant, si l'agitation se complique d'agressivit majeure, s'il y a refus de soin ou si la tolrance de l'entourage est rompue, l'hospitalisation se fera sous contrainte ( la demande d'un tiers et plus rarement d'office). Correction du cas clinique 1 Devant une agitation confuse chez un patient dment connu, avec une bronchite, une altration de l'tat gnral et un syndrome inflammatoire biologique, il faut rechercher : En premier lieu, une cause mdico-chirurgicale : fracture, luxation, une constipation, mtabolique, infectieuse, tumorale, iatrogne... En second lieu, une cause psychiatrique isole ou intrique avec une cause organique : anxit, dpression, situation de crise maillant l'volution de la dmence (deuil, perte, trouble mtabolique...) 2 Les mesures thrapeutiques prconises : La prescription mdicamenteuse symptomatique En urgence : contention souple brve d'une heure le temps d'obtenir une sdation mdicamenteuse de l'agitation tiapride (Tiapridal) : 100 mg en intramusculaire rhydratation et correction des troubles hydrolectrolytiques. Est rajout son traitement pour une priode de quelques semaines diminuer progressivement : hydroxyzine (Atarax) : 25 mx3/j alimmazine (Thralne) goutte : 15 mg au coucher. Il est ajout son traitement au long cours un agoniste dopaminergique du piribdil (Trivastal) : 100 mg/j. La radiographie de l'paule droite est normale ; l'paule peut tre immobilise pendant quelques jours par un bandage type Dujarrier. Le scanner crbral ne montre pas de tumeur ni d'hmatome Une kinsithrapie avec aide active la marche permettant une amlioration de la marche est prconise. 6

2 1 Agressivit L'agressivit signe gnralement une souffrance. Elle renvoie une pathologie, un moment de crise ou une personnalit. Sa rsolution est dlicate, justifiant une prvention engage. Cette pathologie frquente concerne 10 15 % des sujets institutionnaliss et des motifs d'hospitalisation. Ce chiffre atteint 30 % chez les patients dments.CAS CLINIQUEliane F. 74 ans est hospitalise pour htroagressivit vis--vis de Jacques un autre rsident de l'EHPAD. Ce dernier l'a pousse avec son fauteuil roulant sur un chemin en pente entranant sa chute et des hmatomes... Lui-mme, perdant prise, a aussi dgringol dans les talus. L'anamnse fait ressortir qu'liane, qui avait dj un temprament rigide et directif, depuis un accident de la voie publique dix ans plus tt, est devenue difficile de caractre. Dans ses antcdents, il faut signaler une cholcystectomie. Il est reproch liane de faire intrusion dans la vie des autres rsidents et de faire circuler des rumeurs ; elle est aussi accuse d'mettre des pets de faon indlicate. Jacques est le prsident du conseil de la vie sociale de I'EHPAD. Durant l'hospitalisation de crise en psychogriatrie, les examens clinique et complmentaire sont normaux. L'entretien montre une personnalit hystrique, surtout thtrale et suggestible, un MMS 25 sans trouble cognitif patent et une humeur dpressive modre.

Questions d'auto-valuation 1 Quels ont t les facteurs favorisant l'agressivit ? 2 Comment traiter cette situation ? Voir rponses en fin de chapitre.

DFINITIONS ET CONTEXTEOn distingue l'agressivit normale, synonyme de combativit, de courage, de productivit et l'agressivit pathologique qui vise dtruire, dgrader, humilier, imposer, soumettre...

7.

Guide pratique de psychogriatrieL'agressivit est donc une modalit comportementale pathologique qui met en relation un individu agressif avec un ou plusieurs protagonistes ventuellement eux-mmes agressifs. Elle complte souvent une agitation, mais elle n'est pas toujours physique et peut tre essentiellement verbale. L'agressivit demande donc la mme dmarche clinique que l'agitation (cf. chapitre 1).

DIFFICULTS AVEC L'ENTOURAGEL'agressivit a tendance faire rompre la tolrance de l'entourage. l'inverse, l'entourage peut jouer un rle important dans le dclenchement ou l'entretien de l'agressivit du sujet g, en particulier en excluant ou en isolant la personne ge, qui vit cette situation en victime. L'agressivit peut parfois reprsenter un danger rel, pour les autres, mais aussi pour le sujet lui-mme. Sa persistance constitue un obstacle la socialisation du sujet g en famille comme en institution. L'agressivit s'inscrit le plus souvent dans un contexte de souffrance dont elle est parfois l'unique expression. Elle voque un mouvement ambivalent d'appel et de rejet vis--vis d'un interlocuteur. Elle peut tre aussi la projection d'une auto-agressivit.

FACTEURS FAVORISANTS ET SITUATIONS RISQUEPlusieurs facteurs peuvent favoriser l'mergence d'une agressivit chez la personne ge.

LA PERSONNALITAvec l'ge, le seuil de passage l'acte s'abaisse ; ainsi l'introverti aura tendance s'isoler, tre mfiant et revendicateur, alors que l'extraverti s'exprimera par la colre et l'agressivit. Les personnalits psychopathiques peuvent facilement manifester de l'impulsivit, de l'intolrance la frustration, un refus d'adaptation et de l'agressivit. Elles s'assagissent cependant avec l'ge.

LES ALTRATIONS COGNITIVESGnralement lies une pathologie dmentielle, les altrations cognitives peuvent provoquer des ractions agressives d'autant plus frquentes que l'anosognosiel est importante.

LES DTERMINANTS FAMILIAUXIls sont aussi prendre en considration. Certaines familles dveloppent en effet des transactions conditionnes par l'agressivit. En vieillissant, la personne garde ce mode de relation aux autres, en particulier en institution.

Agressivit il n'est pas rare de retrouver derrire une agressivit des conflits familiaux incessants ou non rsolus.

LES SITUATIONS DE DSAFFRENTATIONQu'il s'agisse de la dsaffrentation sociale (la solitude prolonge entrane alors des ractions agressives envers ceux qui la rompent) ou de la dsaffrentation sensorielle, elles ont tendance favoriser l'expression d'une agressivit. En outre, un handicap visuel ou auditif altre la communication par le langage et ractive une communication comportementale. Problme de communication frquent, un manque d'coute de la personne ge, en particulier en institution, et surtout si celle-ci souffre, peut gnrer un comportement agressif.

UN ENVIRONNEMENT PSYCHOLOGIQUE OU PHYSIQUE AUSTREIl peut entraner un mcontentement et une attitude agressive de rprobation. Il peut en tre de mme d'un environnement trop complexe o la personne ge se sent dpasse, dvalorise, inutile. L'agressivit peut aussi faire suite des contentions abusives, en particulier prescrites pour viter les chutes.

LA PRISE DE MDICAMENTS OU D'ALCOOLCertains mdicaments peuvent occasionner des ractions agressives. Les psychotropes peuvent avoir des effets paradoxaux chez la personne ge. Ainsi, les benzodiazpines desquelles on attend un effet anxiolytique et sdatif peuvent favoriser l'agitation et rendre l'individu agressif. D'autres produits par leur effet excitant peuvent aussi provoquer des ractions agressives : corticodes, extraits thyrodiens, cafine, codine... D'autres enfin ont les mmes consquences par la confusion qu'ils induisent : cimtidine, anticholinergiques, antiparkinsoniens... L'alcool reste la substance la plus mme de modifier les attitudes et les comportements de la personne ge, sans oublier que l'ivresse agressive existe aussi cet ge.

LES PROBLMES ORGANIQUESIls peuvent causer des troubles du comportement chez la personne ge o l'agressivit peut tre au-devant de la scne et d'installation progressive : hmatome sous-durai, hyperthyrodie, fcalome... Lorsque l'agressivit dbute plus brutalement, il faut penser une hypoglycmie, des troubles du rythme, une rtention urinaire, une colique nphrtique...

LA DPRESSION MASQUELa dpression hostile se caractrise cliniquement par une attitude rgulirement querelleuse, colreuse et agressive. Il faut savoir chercher derrire ce masque les

9.

Guide pratique de psychogriatrie symptmes fondamentaux de la dpression, marque par les pertes (d'intrt, du got faire les choses, de la capacit prouver du plaisir...). Un tat mixte (dpression avec composante maniaque) peut aussi s'exprimer par une agitation agressive.

L'ANXITDans sa forme aigu (attaque de panique) ou chronique (anxit gnralise), l'anxit peut aussi entraner des gestes et des propos agressifs.

LE DLIRELa pathologie dlirante, organise autour du prjudice et de la perscution, peut voluer vers des troubles du comportement : isolement, repli, revendication, mais aussi actes violents envers les protagonistes suspects (famille, voisins, etc.).

LES SITUATIONS DE PERTECertains sujets gs peuvent ragir par des comportements violents et par une autoagressivit des situations brutales de perte (de proches, de leur libert, de leur autonomie, de leur moins bonne adaptabilit, etc.).

TABLEAUX CLINIQUES On peut distinguer l'agressivit aigu qui est le plus souvent le fait d'une situation de crise ou d'un processus organique pathologique brutal, de l'agressivit chronique plutt lie des circonstances environnementales et au temprament de la personne ge. Dans cette deuxime ventualit, elle s'associe souvent des troubles du caractre marqus par de l'intolrance, une impatience, de l'irritabilit et une tendance colreuse et revendicatrice. L'agressivit physique va se traduire par des bris d'objets, des coups, des pincements, des morsures, mais aussi par des conduites d'opposition ou de refus, des fugues, des dambulations, du tapage (surtout nocturne), voire par des conduites addictives anarchiques et dangereuses. L'agressivit verbale s'exprime par des injures, des propos calomnieux, des menaces, mais aussi par des cris.

POSSIBILITS THRAPEUTIQUESL'approche thrapeutique de l'agressivit doit tenir compte, s'il y a lieu, du rle et de la signification des symptmes dans l'univers relationnel du sujet g.

PEUT-ON VITER DE TRAITER ?L'abstentionnisme thrapeutique risque d'entraner l'loignement de l'entourage, la prescription ultrieure de fortes doses de sdatifs (responsables de confusion, de

10

Agressivit troubles de l'quilibre et de chutes) et le retournement de l'agressivit sur le sujet luimme (risque de passage l'acte suicidaire).

TRAITER L'AGRESSIVIT SA SOURCEUne bonne thrapeutique de l'agressivit doit prendre en compte les ventuelles pathologies favorisantes (dpression, anxit, dlire, troubles organiques dcels...).

DIALOGUER, CHANGERMme si le dialogue peut s'avrer parfois difficile, il peut enrayer l'agressivit. L'coute d'un soignant bienveillant, attentif et adoptant une attitude ferme est souvent efficace. La recherche de causes relationnelles, conflictuelles sera systmatique pour les ddramatiser et essayer de leur trouver des solutions (rorganisation du fonctionnement familial ou institutionnel, amnagement de l'environnement...). La ddramatisation de certaines situations, le respect de certaines expressions agressives, l'incitation une meilleure tolrance par les familles constituent des attitudes qui peuvent supprimer l'agressivit.

PARFOIS DES MDICAMENTSUne prescription mdicamenteuse devra tre soigneusement explique pour obtenir une observance optimale. Cette mdicalisation n'est pas toujours ncessaire. Elle se justifie surtout devant l'agressivit chronique et physique. Dans l'urgence, une sdation par voie injectable peut tre ralise : Tiapridal : 100 200 mg IM (amp. 100 mg) ; ou quanil : 400 mg IM (amp. 400 mg). En traitement de fond, dans le but d'attnuer un caractre irascible et agressif, on peut essayer :

un antidpresseur srotoninergique (Divarius, Fluvoxamine, Prozac, Sroplex, Zoloft) la posologie d'un comprim par jour ; ou un thymorgulateur (Dpamide, Dpakine, Dpakote) la posologie d'au moinsdeux comprims par jour.

DANS LE CADRE INSTITUTIONNELDans ce contexte, et selon les moyens dont on dispose, il est possible d'tablir des programmes (curatifs, mais aussi de prvention) concernant les vieillards agressifs : nursing affectueux (toilettes attentives et respectueuses, habillage dans la douceur, repas gais et soigns) ; rducation, massages, relaxation ; soins esthtiques ; ergothrapie ; activits physiques adaptes ; sociothrapie par des animations culturelles ; groupe de parole.

11.

Guide pratique de psychogriatrie

Correction du cas clinique1 facteurs favorisants : traits de personnalit hystriques et psychorigides altration cognitive dpression handicap limitation de l'activit physique et des rles sociaux situation de perte environnement psychologique austre 2 attitude soignante : viter de donner des mdicaments dans un premier temps, traiter l'agressivit sa source notamment travers une meilleure rgulation des interactions dans le cadre institutionnel psychothrapie avec un rfrent institutionnel.

12

3 I Alcoolisme

et autres addictions

L'alcoolisme n'est pas rare chez la personne ge, l'addiction certains psychotropes non plus. L'un comme l'autre sont insuffisamment dpists et pris en charge. L'alcoolisme tardif est souvent comorbide, en particulier de troubles anxieux et/ou dpressifs.

DFINITIONS ET CONTEXTEOn entend par addiction le lieu de rencontre d'une personne, d'un produit et d'un moment socio-culturel. Chez le sujet g, les deux principales addictions sont l'alcoolisme et les surconsommations mdicamenteuses. La frquente mconnaissance de ces addictions par l'entourage du sujet g et par les soignants, ou parfois les attitudes du sujet lui-mme, de sa famille ou mme de son mdecin, peuvent tre de srieux obstacles pour leur identification et leur traitement. Il est donc frquent que le diagnostic d'alcoolisme ou de dpendance mdicamenteuse soit port lors d'une complication organique ou psychiatrique.

L'ALCOOLISMECAS CLINIQUEDaniel D., 84 ans, prsente des troubles du comportement quelques jours aprs une hospitalisation d'une journe en clinique pour une cure herniaire, la suite de laquelle il est orient en structure de moyen sjour. l'admission, le patient est dsorient dans le temps et dans l'espace. Il a des fausses reconnaissances et prend l'interne pour une personne rencontre au cours de la guerre d'Algrie. Parfois le patient est anxieux et perplexe. On observe des dambulations incessantes. Il existe une recrudescence vesprale des symptmes. Son traitement au moment de l'admission comportait entre autre de l'oxazpam (Sresta 30 mei). L'enqute familiale rvle l'existence d'une consommation rgulire d'alcool aggrave au moment de la retraite. Actuellement, le patient buvait 1,5 litre de vin rouge par jour avant son hospitalisation. Il existerait aussi de faon progressive depuis deux ans des oublis bnins et des troubles du caractre marqus par de l'agressivit et de l'irritabilit. Il a fait un accident ischmique transitoire trois ans plus tt.

13.

Guide pratique de psychogriatrie

Questions d'auto-valuation 1 Quelle est votre hypothse diagnostique ? 2 Quelle est votre conduite pratique ? Voir rponses en fin de chapitre.

PIDMIOLOGIEDans la population gnrale des plus de 65 ans, la prvalence de l'alcoolisme varie entre 2 et 15 %, mais en institution, l'abus d'alcool se situe entre 5 et 70 %. L'alcoolisme est une affection primaire, chronique, comportant des facteurs gntiques, psychosociaux et environnementaux qui influencent son dveloppement et ses manifestations. La maladie alcoolique est caractrise par une perte du contrle de la consommation de boissons alcoolises, une proccupation centre sur l'alcool, une utilisation de l'alcool malgr ses consquences nfastes, et des distorsions dans le fonctionnement de la pense, plus particulirement marques par un dni.

QUELQUES CARACTRISTIQUES DE L'ALCOOLISME DU SUJET GLES PROBLMES LIS L'ALCOOLLes complications suivantes sont caractristiques de l'alcoolisme chez le sujet g : les chutes et les accidents ; l'incohrence alimentaire ; les problmes familiaux, comportant en particulier l'isolement social ; et, le principal d'entre eux, les consquences organiques lies aux ingestions massives d'alcool.

DPENDANCE ET TOLRANCEPour parler d'alcoolisme, il faut retrouver un syndrome de dpendance et une tolrance. Ils sont souvent moins marqus et plus tardifs que chez le sujet jeune. La tolrance, dfinie par l'augmentation de la consommation d'alcool, est diffrente chez le sujet g du fait des modifications physiologiques, en particulier des diminutions du compartiment hydrique et du mtabolisme hpatique de l'alcool ; /es

quantits d'alcool consommes seront ainsi moindres pour observer les mmes effets.

Chez le sujet g, la vulnrabilit est diffrente par rapport une population plus jeune. Les consquences somatiques (en particulier crbrales) d'un usage prolong et important d'alcool peuvent en effet tre svres chez le sujet g. Dans l'ensemble, les personnes ges alcooliques ont aussi plus de problmes de sant que la population ge non alcoolique. Le stade de dpendance dcrit une double assutude physiologique et psychologique vis--vis de l'alcool. Le dni, trait dominant du trouble, est renforc chez beaucoup de sujets gs, qui gardent des croyances bien ancres que l'alcoolisme est une dfaillance morale et un

Alcoolisme et autres addictions trouble du caractre. Il joue aussi un rle du ct de certains soignants qui peuvent avoir leurs propres problmes avec l'alcool. En outre, les mdecins peuvent adopter une position pessimiste quant au pronostic et croire de faon errone que leurs patients seront mieux si leur comportement alcoolique est laiss inchang pour leurs dernires annes vivre.

LES DIFFRENTS MODES DE CONSOMMATION ALCOOLIQUEDeux groupes de patients alcooliques gs ont t dcrits ceux dont l'alcoolisme est apparu relativement tt dans leur existence, o l'alcool est intgr depuis longtemps dans l'conomie psychique du sujet et est souvent en rapport avec des troubles de la personnalit, et ceux dont l'addiction a dbut vers 60 ans ou plus tard. On estime que la moiti ou les deux tiers d'entre eux appartiennent au premier groupe.

ADDICTION PRCOCEDans le groupe d'alcooliques anciens dont la pathologie s'est installe l'ge adulte et s'est poursuivie au troisime ge, il s'agit principalement non pas d'alcooliques graves avec dpendance dont la longvit est compromise, mais surtout de buveurs excessifs, qu i mme s'ils ont pu un temps modrer leur consommation, en ont repris une plus

importante du fait de facteurs ngatifs lis leur environnement. La snescence pourrait avoir une influence positive sur cette conduite ancienne. Une consommation leve une priode donne de l'existence peut aussi avoir pour consquences des perturbations physiologiques et psychologiques durant la vieillesse. Savoir si ces dficits sont attribuables aux effets de l'alcool et/ou aux effets du vieillissement n'est cependant pas toujours vident. En institution, dans la majorit des cas, l'alcoolisme est antrieur au sjour. Il est entretenu par la consommation de boissons alcoolises dans les bars ou apportes clandestinement. des causes anciennes : le bas niveau intellectuel, les traditions du pays, les conditions socio-conomiques difficiles, le nombre de bars ; des causes prennisant la conduite : le manque d'intgration, le manque de distraction et l'ennui, le manque de relation et de soutien affectif, la vtust des locaux et parfois la complaisance du personnel. L'alcoolisme des vieillards institutionnaliss ne serait donc pas un problme mdical, mais souvent un problme social. Deux groupes de causes favorisent cette conduite :

ADDICTION TARDIVE

Pour supporter des difficults lies l'geL'alcoolisme de dbut tardif correspond le plus moyen de l'alcool de difficults apparues avec premier plan comme l'isolement, la retraite premires annes de la cessation d'activit, la ou grabataire, le veuvage, la perte d'amis, la douloureuse ou invalidante. On retrouve plus influences gntiques. souvent une tentative de rsolution au l'ge. Les facteurs situationnels sont au avec une particulire vulnrabilit les prsence au foyer d'un conjoint infirme dpression ou une maladie somatique rarement une histoire familiale ou des

15

Guide pratique de psychogriatrie

Parfois rvlation d'un alcoolisme latentBeaucoup de ces sujets considrs comme ayant un alcoolisme tardif peuvent en fait avoir un alcoolisme non dtect ou plusieurs priodes de consommation excessive accumules depuis des annes, et, la faveur d'vnements de vie rcents, la maladie devient manifeste.

Les hommes avant les femmesLe problme de la consommation d'alcool tend cependant apparatre plus tard chez les femmes que chez les hommes.

Aiss et cultivsLe statut conomique et social influe sur l'alcoolisme du sujet g comme aux autres ges. Les personnes ges faible revenu ont moins tendance boire que celles qui sont plus aises. Il en est de mme pour celles d'un plus faible niveau d'ducation. En gnral, les patients gs avec un alcoolisme de survenue tardive ont des revenus plus levs et un niveau ducationnel plus important que ceux dont le dbut de l'addiction est prcoce.

INTOXICATION AIGU OU CHRONIQUE L'ivresse aigu est encore plus risque chez le sujet g. En particulier les complications biologiques sont plus frquentes : hypoglycmie et ses consquences, troubles osmolaires avec dshydratation cellulaire, etc. L'addiction alcoolique chronique est marque par des complications somatiques (digestives, nutritionnelles), neurologiques, psychiatriques et des consquences sociales ngatives. Le vieillissement modifie la rponse de l'organisme l'alcool et aux autres substances, incluant la qualit et le taux de l'absorption, de distribution et d'excrtion. Pour une mme quantit d'alcool absorbe, l'alcoolmie est suprieure chez le sujet g que chez le sujet jeune, car son volume hydrique est relativement plus bas. De plus, les effets que le vieillissement a quelquefois sur la sexualit, les fonctions sensorielles et le sommeil peuvent tre aggravs par une consommation chronique et importante d'alcool. Cette conduite contribue acclrer le vieillissement et la dchance tant physique qu'intellectuelle et sociale. Elle favorise les infections, les chutes et leurs consquences osto-articulaires et interfre avec le mtabolisme et la tolrance de nombreux mdicaments.

CONSQUENCES DE L'ALCOOLISMELES EFFETS PSYCHOLOGIQUESLes squelles psychologiques de l'interface alcool-vieillissement peuvent tre majeures.

16

Alcoolisme et autres addictions

Alcoolisme solitaireQu'il s'agisse d'un alcoolisme ancien ou dbut tardif, la consommation a rarement lieu e n groupe. Les sujets gs consomment seuls, en cachette, et plutt des alcools forts pour rechercher l'brit. L'alcool est parfois fourni par un entourage complaisant.

Association aux tranquillisantsL'addiction l'alcool est trs souvent associe chez le sujet g une dpendance aux tranquillisants.

Les intrications avec l'anxit et la dpressionUne des tches du clinicien est de dterminer si la morbidit psychiatrique diagnostique, et en particulier une dpression, est symptomatique de l'alcoolisme ou vice versa, ou si ce sont en fait des troubles coexistants. L'anxit (surtout phobique) et l'alcoolisme sont souvent associs dans une interrelation complexe, car l'anxit compliquant un alcoolisme ne se distingue pas facilement d'un alcoolisme secondaire un trouble anxieux. Dans un premier temps, l'alcool apaise les tensions, puis il est gnrateur d'anxit. Les dpressions sont le plus souvent secondaires la dpendance alcoolique. Cliniquement, il est difficile de distinguer les symptmes de l'intoxication ou du sevrage alcoolique des symptmes dpressifs. Les signes tels qu'asthnie, dsintrt, repli, dysphorie avec tristesse, irritabilit, troubles du sommeil sont communs l'alcoolisme et la dpression. En cas de dpression associe l'alcoolisme, le risque suicidaire est major, l'alcool facilitant le passage l'acte. Dans beaucoup de cas, le sentiment de dsespoir qui accompagne l'alcoolisme pourrait tre plus significatif que la dpression comme principal facteur causal. Les interactions entre dpression et alcoolisme sont plus frquentes chez la femme ; en particulier, l'alcoolisme est souvent secondaire la dpression.

Du retrait social l'urgence psychogriatriqueL'alcoolisme dans cette classe d'ge peut aussi avoir des consquences sociales d'autant plus dramatiques que les effets de l'ge se conjuguent aux effets nfastes de la dpendance alcoolique. Le dsinvestissement progressif des activits, le retrait social, l'isolement peuvent aboutir des tableaux d'incurie et de dtresse vitale et constituer une urgence psychogriatrique.

LES COMPLICATIONS SOMATIQUESElles sont trs diverses digestives troubles gastro-intestinaux, gastrites, pancratites aigus ou chroniques, cirrhoses hpatiques et risque de cancrisation ; cardio-vasculaires, avec surtout une atteinte myocardique ; mais une tension artrielle systolique leve est aussi trs frquemment retrouve chez les sujets gs alcooliques ; nutritionnelles, associant les carences d'apport, les malabsorptions par la muqueuse digestive lse par l'thanol et les troubles du mtabolisme des diffrents nutriments ; 17

Guide pratique de psychogriatrie les dficits en vitamines Bl, B6, B12, PP et en folates peuvent entraner des troubles neuropsychiatriques graves ; neurologiques, qui peuvent aussi tre svres : polynvrites des membres infrieurs sensitivomotrices pouvant aboutir une dgnrescence irrversible et un tat grabataire ; nvrites rtro bulbaires dbutant par une baisse progressive de l'acuit visuelle et, en s'aggravant, voluant vers une ccit ; encphalopathie de Gayet-Wernicke-Korsakoff, regroupant deux entits dont le diagnostic chez la personne ge est souvent mconnu, les troubles mnsiques constats pouvant faire voquer un tat dmentiel irrversible ; une vitaminothrapie B1 intensive peut entraner une volution favorable ; l'encphalopathie de GayetWernicke est marque par des troubles de la vigilance (somnolence, confusion mentale...), des signes d'hypertonie, un grasping, des signes crbelleux avec troubles de l'quilibre et des atteintes motrices oculaires ; cette encphalopathie peut voluer sous une forme squellaire vers un syndrome de Korsakoff qui associe une dsorientation temporospatiale, des troubles mnsiques avec amnsie antrograde, une fabulation, de fausses reconnaissances et une polynvrite des membres infrieurs ; les lsions anatomopathologiques sigent au niveau du circuit de Papez hippocampo-mamillothalamique, intgrateur de la mmoire ; atrophie crbrale, avec cliniquement une smiologie trs variable, marque au dbut par des troubles mnsiques et voluant progressivement vers une altration des fonctions cognitives et un tableau de dmence alcoolique ; les lsions anatomiques sont reprsentes par une atrophie d'abord corticale, puis sous-corticale avec dilatation ventriculaire ; hmatome sous-durai chronique, voquer mme si la notion de chute est passe inaperue devant un tableau associant des cphales chroniques, des troubles du comportement, une incontinence, un dficit moteur chercher systmatiquement ; crises comitiales, surtout lors de priodes de sevrage. oto-rhino-laryngologiques : les cancers de la bouche, du larynx et de l'oesophage ne sont pas rares chez les sujets gs, en particulier chez ceux qui, de surcrot, fument. orthopdiques l'alcool joue en effet un rle dans beaucoup de cas de fractures aprs 65 ans, en particulier du col du fmur, et de faon identique pour les deux sexes. Hormis les chutes lies aux alcoolisations, un dficit plus important de la densit osseuse est aussi impliqu.

SYNDROME DE SEVRAGE Par rapport la population plus jeune, il faut noter que le syndrome de sevrage peut tre retard, souvent plus prolong et gnralement plus svre. Un facteur dclenchant de ce syndrome doit toujours tre recherch. Les signes neurologiques associent tremblements, agitation, insomnie, tat confusoonirique, dysarthrie, troubles de l'quilibre et de la coordination un syndrome gnral qui en fait la gravit ventuelle (on parle alors de delirium tremens). Le syndrome gnral comporte une fivre, une tachycardie, des sueurs profuses concourant un tat de dshydratation svre. Il peut y avoir aussi d'importantes hallucinations et un risque de crise comitiale.

18

Alcoolisme et autres addictions

COMMENT AFFIRMER L'ALCOOLISME DU SUJET G ?PAR UN BILAN CLINIQUE ET BIOLOGIQUE DE MDECINE GNRALEL'valuation d'un sujet g qui semble prsenter un problme li l'alcool devrait comporter : un examen physique complet ; un dpistage d'autres signes d'alcoolisme dans l'histoire mdicale, tels que des problmes passs ou actuels d'hyperuricmie, de troubles gastro-intestinaux, d'hypertension artrielle, d'insomnie, de malnutrition et de diabte instable ; un bilan biologique gnral : numration et formule sanguines, cratininmie, uricmie, glycmie, lectrophorse des protines, cholestrolmie, triglycridmie, natrmie, kalimie, TSH US et cibl sur les marqueurs de l'alcoolisme malgr leur fiabilit relative : volume globulaire moyen (VGM), gamma glutamyl transpeptidase (gamma GT) ; le recueil de ses habitudes alimentaires ; une estimation de son tat mental (cognitif et psychologique) ; une apprciation de son attitude face au vieillissement ; une reconstitution biographique soigneuse rpertoriant les consommations rcentes et anciennes d'alcool, de tabac et d'ventuelles autres substances prescrites ou illgales. En effet, il est frquent qu'il y ait un usage concomitant d'anxiolytiques, d'hypnotiques et d'autres mdications psycho-actives.

GRCE AUX INSTRUMENTS DE DPISTAGE STANDARDISS L'utilisation par les mdecins d'instruments de dpistage de l'alcoolisme en auto ou en htro-valuation est devenue plus familire par exemple par le questionnaire DETA (Diminuer, Entourage, Trop, Alcool), en particulier avec des questions telles que Avezvous observ que votre consommation d'alcool a augment aprs le dcs d'un proche ? ou Est-ce que l'alcool vous rend somnolent au point que vous vous endormiez souvent dans votre fauteuil ? . En France, pour dtecter l'alcoolisme chronique, un certain nombre de techniques sont utilises, dont la grille de dpistage de Le G, recherchant des signes cliniques objectifs, des signes subjectifs, des marqueurs biologiques (VGM, gamma GT), mais ces examens sont d'interprtation plus difficile chez la personne ge. La principale barrire franchir reste malgr tout celle du dni affich par le patient et parfois par sa famille, pour que toutes les parties concernes soient capables d'accepter un projet thrapeutique.

UN TRAITEMENT SOUVENT HOSPITALIERLa prise en charge de l'alcoolo-dpendance chez le sujet g ncessite le plus souvent une hospitalisation tant pour raliser un sevrage que pour valuer les consquences psychosomatiques et leur traitement le cas chant.

19.

Guide pratique de psychogriatrie

Grille de GElle comporte 12 cases disposes en deux lignes

Signes objectifs d'examen (cots de 0 5) : Aspect :visage (tlangiectasies, acn, bouffissure, congestion, couleur terreuse) ; conjonctives (fond jauntre, dilatation des capillaires, yeux ternes, oedme palpbral) ; langue (enduit homogne ou fendill, crevasses marques de l'empreinte des dents, dos de la langue pastelle, violace ou lie de vin).

Tremblements :bouche (commissures la bouche demi ouverte) ; extrmits ; langue (partiellement tire, tremblements vermiculaires). Score entre 0 30

Troubles subjectifs : Neuropsychiatriques (troubles du sommeil, cauchemars, troubles du caractre, troubles de la mmoire, troubles sexuels...) Troubles digestifs (pituites, soif...) Troubles moteurs (crampes, fatigabilit...) et accidents

Autres :Taille du foie TA Poids Entre 0 et 3 : abstinence ou sobrit Entre 3 et 5 : intoxication prsente entre 3 et 5 (buveur excessif) Entre 5 et 11 : intoxication vidente sans dpendance Au del : dpendance physique, particulirement importante Au-del de 17 : dpendance physique trs importante

Questionnaire DETA D : avez-vous dj eu besoin de Diminuer votre consommation d'alcool ?E : votre Entourage vous a-t-il dj fait des remarques au sujet de votre consommation d'alcool ? T : avez-vous l'impression que vous buvez Trop ? A : avez-vous le besoin d'Alcool le matin pour vous sentir en forme ?

LA CURE Le sevrage doit se faire sous surveillance mdicale, afin de contrler ou de prvenir les signes de ce sevrage et surtout les complications graves mettant en jeu le pronostic vital, en particulier le delirium tremens et les crises comitiales... L'hydratation est essentielle par voie orale ou parentrale ainsi que les apports ioniques, avec une attention particulire chez les sujets gs qui ont l'habitude de 20

Alcoolisme et autres addictions prendre des diurtiques. La surveillance clinique et biologique value l'volution du sevrage. Une prescription de psychotropes est souvent associe titre prventif, en sachant que chez le sujet g leur maniement est plus dlicat, car ces molcules peuvent aussi induire ou aggraver un tat confusionnel : la classe des benzodiazpines est la plus utilise, oxazpam (Sresta : 150 mg/j) ; mais certains prfrent les carbamates (quanil : 1,2 g/j) et certains neuroleptiques (Tiapride : 300 mg/j) ou la lvompromazine (Nozinan : 50 100 mg/j), plus sdatifs dans les formes agites et confuses. Cette prescription est courte, de deux quatre semaines, avec une diminution progressive de la posologie jusqu' l'arrt. Une polyvitaminothrapie, comportant en particulier la thiamine (vitamine B1) pendant 10 jours, la vitamine B6 et, en fonction des carences, les vitamines B12 et B9 (folates) est plutt systmatiquement associe, pour prvenir le dveloppement d'une encphalopathie et de neuropathies priphriques. En pratique : Vitamines B1-86-812 3 cp/j ; et Spciafoldine : 2 cp/j. Le disulfiram, comme thrapeutique antabuse pouvant aider maintenir l'abstinence, est peu utilis chez la personne ge cause de la possibilit d'effets cardiovasculaires indsirables. L'acamprosate (Aotal) comme la naltrexone (Revia) ne sont pas encore indiqus si le sujet est g.

TRAITER LES TROUBLES ASSOCISIl est aussi important de traiter les troubles psychiatriques associs, les troubles anxieux et les troubles dpressifs tant les plus frquemment rencontrs. Le choix de l'antidpresseur, une fois le sevrage ralis, obit aux mmes rgles de prescription que pour le traitement de la dpression isole. L'anxit secondaire l'alcoolisme ncessite aussi un sevrage alcoolique complet et prolong. La prescription d'anxiolytiques doit tenir compte du risque d'entraner une surconsommation de ces produits et une dpendance. Il est donc important de ne pas prenniser leur administration. L'accompagnement psychologique Il fait partie du projet de traitement long terme. Les diffrentes techniques psychothrapiques ont une place importante, que ce soit les mthodes de psychothrapie de soutien, les psychothrapies mdiation corporelle (relaxation...), les mthodes comportementales apprenant au sujet des alternatives l'alcoolisation, ou surtout les psychothrapies de type Gestalt. Les programmes thrapeutiques qui gratifient les relations sociales et les aspects positifs de la vie du patient ont dmontr qu'ils amlioraient beaucoup plus le devenir des patients que ceux qui utilisent le modle traditionnel de la confrontation et qui se focalisent sur les erreurs du pass.

VOLET SOCIALIl est aussi prendre en compte avec, pour les patients vivant domicile, l'amnagement des conditions de vie en profitant de toutes les mesures d'aide au 21

Guide pratique de psychogriatriemaintien chez eux (portage de repas domicile, aides mnagres, club du 3e ge,

etc.)

Le maintien ou l'amlioration du support social est aussi trs important pour aider le patient trouver des alternatives en remplacement de la conduite pathologique comme influence dominante de son existence. Ceci est particulirement vrai pour l'alcoolismede dbut tardif.

AUTRES POSSIBILITS DE PRISES EN CHARGE Une prise en charge en hpital de jour psychogriatrique est propose dans certains cas prcis, en particulier dans le cadre de la prise en charge des altrations des fonctions cognitives. Pour les patients vivant dj en institution (maison de retraite, cure mdicalise), l'approche thrapeutique se fait avec l'aide de l'quipe soignante de l'tablissement. Enfin, certains groupes associatifs, qui voient arriver en leur sein de plus en plus de personnes relativement ges (Vie Libre, Alcooliques Anonymes, etc.), peuvent tre d'une grande aide dans le soutien long terme. Pour tout praticien, il est donc important de connatre et d'tre familiaris avec les moyens (et leur accessibilit) dont il dispose pour rpondre au projet de soins prolongs que l'alcoolisme ncessite. Il n'est malheureusement pas encore prvu des prises en charge spcifiques (en groupe) pour les personnes ges, qui rendraient plus compliants les patients.

PRONOSTICQuoi qu'il en soit, la gurison est aussi variable qu'aux autres ges de la vie, avec des rechutes et des rmissions qui dpendent beaucoup d'une interaction complexe entre des conditions propres l'individu g et des circonstances parfois extrieures. Mais l'ge ne doit pas tre un facteur pjoratif contre la motivation de soins...

PRVENTION ET RECOMMANDATIONS Une prvention primaire de l'alcoolisme tardif consiste principalement rduire les facteurs de risque reprsents par les difficults faire face aux changements de rythme de vie et la retraite.

LA PRVENTION SECONDAIRELa prvention secondaire repose sur /e dpistage prcoce des premiers signes d'imprgnation alcoolique ou de troubles lis une consommation abusive d'alcool, en impliquant parfois la famille et les amis (particulirement en maisons de retraite). Elle doit aussi comporter une information simple et suffisamment claire sur les mfaits d'une consommation abusive d'alcool, en prodiguant la modration, mthode qui a montr une efficacit vidente en mdecine gnrale. En termes de recommandations, il est impratif de rappeler que tout mdecin est impliqu dans les diffrentes tapes que sont la prvention, le diagnostic et le traitement. 22

Alcoolisme et autres addictions Le psychiatre du sujet g serait dans un rseau de soins celui qui va rpondre l'appel l'aide du mdecin de famille ou du griatre responsable d'une structure d'accueil pour personnes ges. Il doit pouvoir faire face aux diffrentes demandes de soins et de stratgies thrapeutiques long terme qui s'intgrent invitablement dans un rseau multidisciplinaire.

Correction du cas clinique1 Devant ce tableau confus'onnel et compte tenu des antcdents on peut voquer un syndrome de sevrage brutal d'une dpendance l'alcool, iatrogne (du fait de l'hospitalisation pour cure herniaire). Ce tableau aggrave probablement des troubles cognitifs voluant bas bruit. 2 En pratique : le bilan biologique montre des signes d'imprgnation thylique (VGM : 102), lgre cytolyse hpatique (TGO : 60, TGP : 70, gammaGT : 100) ; il existe un syndrome inflammatoire sans hyperleucocytose ; le MMS est 24/30 aprs stabilisation du patient (15 jours aprs l'admission) ; l'lectrocardiogramme et l'lectroencphalogramme sont normaux ; la TDM crbrale montre des images micro-lacunaires dissmines dans les rgions parito-lenticulaires et caudes gauches et droites et une atrophie cortico-sous-corticale diffuse ; la prvention d'un delirium tremens a t renforce ds l'admission : rhydratation suffisante par voie parentrale avec apport d'lectrolytes et de vitamines Bl, B6 et PP ; tiapride (Tiapridal : 100 mg x3j, diminu progressivement aprs 15 jours) ; les contentions ont t vites ; la posologie d'oxazpam (Sresta) a t renforce 100 mg/j avec diminution progressive.

LA DPENDANCE MDICAMENTEUSEDONNES PIDMIOLOGIQUES Les tranquillisants en tte. Les dpendances mdicamenteuses rencontres chez la personne ge concernent principalement les tranquillisants : hypnotiques, sdatifs surtout benzodiazpiniques et plus rarement de type barbituriques. L'enqute PAQUID a valu la consommation mdicamenteuse chez le sujet g vivant domicile et en institution : 89 % des sujets vivant domicile et 94,9 % en institution sont traits par au moins un mdicament ; 40,4 % des sujets vivant domicile et 56 % en institution utilisent plus de quatre mdicaments. En tte, viennent les mdicaments cardio-vasculaires, suivis des psychotropes utiliss par 39,1 % des patients domicile et 66,4 % en institution, avec une consommation prpondrante des benzodiazpines (31,9 % domicile et 42,9 % en institution). L'utilisation de benzodiazpines est plus frquente chez les sujets avec des antcdents de pathologies mentales et surtout de dpressions, ainsi que chez les

23.

Guide pratique de psychogriatriefemmes, et lorsque l'tat de sant est dgrad. La prise au long cours de ce type de traitement pose le problme du risque d'accoutumance et de dpendance. Chez le sujet g, l'addiction aux mdicaments est trs souvent lie l'alcoolisme. Chez les non alcoolo-dpendants, sa prvalence est de 3,5 % alors qu'elle s'lve 18 % chez les sujets alcooliques. Plus d'un quart des personnes ges consomment rgulirement des psychotropes, encore principalement des benzodiazpines et surtout dans un but hypnotique. Ce pourcentage peut atteindre 66 % en institution. Ces prescriptions seraient inappropries dans 65 % des cas.

CONSQUENCES : ESSENTIELLEMENT PSYCHIATRIQUESLes effets secondaires lis la prescription de benzodiazpines peuvent tre majors chez le sujet g. Ce sont principalement : les effets sdatifs et hypnotiques qui sont l'origine d'un ralentissement moteur, d'une baisse de la vigilance, d'une somnolence ; l'extrme, ils peuvent raliser un tableau de confusion mentale et mme engendrer de graves troubles mnsiques ; des excs chroniques peuvent entraner des tableaux pseudo-dmentiels ; les effets myorelaxants qui peuvent entraner des chutes aux consquences parfois svres ; les effets paradoxaux, avec excitation psychomotrice, majoration de l'anxit, troubles du caractre ou agressivit, troubles du sommeil avec recrudescence de cauchemars ; la surconsommation de benzodiazpines peut tre aussi l'origine de symptmes dpressifs ; la pertinence de ce type de prescription doit donc toujours tre rvalue ; l'automdication participe parfois l'addiction mdicamenteuse ; on l'observe principalement avec les antalgiques, les laxatifs et les anxiolytiques.

LE SEVRAGE EST LE PLUS SOUVENT HOSPITALIERUN SEVRAGE PROGRESSIF CONTRLLa dpendance mdicamenteuse aux benzodiazpines justifie une prise en charge le plus souvent hospitalire pour raliser une diminution progressive. Le traitement est contrl par le personnel soignant qui s'enquiert de phnomnes de rebond d'anxit. Ils seront ventuellement soulags par une autre classe thrapeutique comme Tiapride (200 300 mg/j).

SURVEILLER L'APPARITION DES PATHOLOGIES PSYCHIATRIQUES DBUSQUESSi une ventuelle pathologie merge lorsqu'on rduit la posologie des benzodiazpines, elle sera traite en consquence (dpression, nvrose, etc.).

24

Alcoolisme et autres addictions

LE TABAGISMELES RISQUES SONT LES MMES QUE CHEZ LES GENS MOINS GS L'addiction tabagique n'a pas fait l'objet d'tude chez le sujet g. Il ne semble pas exister de tabagisme de survenue tardive. On sait seulement qu'une prvention devrait tre aussi envisage devant le constat que les fumeurs persistants durant le troisime ge aggravent statistiquement leur risque de maladie respiratoire ou de cancer pulmonaire par rapport ceux qui ont cess durant la vie adulte. Le tabagisme persistant est gnralement associ une consommation tout aussi excessive d'alcool et le cumul des deux apparat dltre sur les fonctions cognitives.

TRAITEMENT L'arrt du tabac, motiv ou non, peut entraner une raction dpressive qui doit tre traite. Le tabagisme arros justifie un arrt de l'alcoolisme, mais le sevrage tabagique est alors difficile obtenir de faon concomitante et ne doit tre envisag que dans un second temps. L'arrive du buproprion (Zyban), indiqu dans le sevrage tabagique, va peut-tre permettre d'aborder ces situations autrement, mais il n'est actuellement pas indiqu chez le sujet g.

LES DPENDANCES TOXICOMANIAQUES Les toxicomanies au cannabis, l'hrone ou la cocane sont trs rares aprs 65 ans. Le cycle naturel de l'volution de la toxicomanie montre un arrt quand les sujets atteignent l'ge du milieu de la vie. Aux tats-Unis, dans les programmes mthadone , on ne retrouve que 1 % de patients de plus de 60 ans. Ces addictions sont suspectes devant des troubles cognitifs atypiques et lorsque le sujet g a des antcdents de ce type.

LES ADDICTIONS SANS DROGUEQUELQUES CAS RARES, PRSENTATION ATYPIQUELes dpendances comportementales n'ont pas fait l'objet d'tudes spcifiques chez la personne ge. Leur survenue tardive est extrmement rare et il s'agit presque toujours d'un trouble qui se prennise avec l'ge, mais qui s'attnue souvent du fait des modifications des conditions existentielles de la personne ge. La personne ge sort moins, veille moins, est plus vulnrable, moins scurise et de ce fait renonce des conduites avec prise de risque. L'apparition de tels comportements 25.

Guide pratique de psychogriatrie qui seront alors atypiques (achats compulsifs mais intrigants, kleptomanie maladroite, addictions sexuelles ou plutt dsinhibition, boulimie mais sans angoisse) doit faire voquer une pathologie neuropsychiatrique sous-jacente (dmence fronto-temporale, manie ou tat mixte, tumeur crbrale).

TRAITEMENT Les thrapies cognitivo-comportementales sont le principal traitement de ces dpendances comportementales, condition qu'une autre cause organique n'ait pas t retenue. L'adjonction de psychotropes qui auraient des proprits rgulatrices des comportements, comme les antidpresseurs srotoninergiques, les thymorgulateurs, les antipsychotiques peut tre indique.

26

Alexithymie

L'alexithymie se traduit par une faon d'tre et de se comporter que malheureusement peu de mdecins connaissent. Cela est dommageable tant donn qu'elle fait le lit d'une vulnrabilit diffrentes affections. Les soignants doivent tre sensibiliss dpister le plus prcocement possible les sujets alexithymiques en dpit d'une prise en charge psychologique souvent difficile du fait d'une faible demande d'aide des patients.CAS CLINIQUEVous consultez pour la Ire fois, conduit par son pouse, Monsieur B, 66 ans, la retraite depuis 1 an (il l'a beaucoup repousse). Depuis 6 mois, il prsenterait un tat d'inhibition et de prostration sans prise d'initiative ; ce qui a inquit son pouse. Il prsente galement des alternances de diarrhe et de constipation, des rectorragies, des douleurs intermittentes parfois violentes du flanc droit avec la coloscopie, un aspect en faveur d'une colite inflammatoire . Cette situation s'est aggrave trois mois aprs le dcs de son frre jumeau. Dans ses antcdents, il faut signaler 4 chirurgies pour lombalgies rebelles, apparemment sans nette amlioration. Il a aussi rgulirement des pisodes de palpitations avec ECG et chographie cardiaque normaux. L'entretien ne met pas en vidence de syndrome dpressif. Monsieur B s'exprime peu, est laconique, ne se plaint de rien et dit ne pas avoir de problme. Quand vous lui demandez de parler de son enfance, il vous rpond : ben, rien de particulier, elle est comme la vtre .

Questions d'auto-valuation 1 Quelle est votre analyse smiologique ? 2 Comment dfinissez-vous la pense opratoire ? 3 Que proposer ce patient ? Voir rponses en fin de chapitre.

DFINITIONS L'alexithymie correspond l'incapacit ou la grande difficult exprimer ses sentiments et ses motions. Littralement, c'est l'absence de mots pour dcrire ses motions.

27.

Guide pratique de psychogriatrie Elle a t tudie, dans le cadre d'affections psychosomatiques et de certaines maladies somatiques. Ce terme se rapproche du concept de pense opratoire qui correspond une pense sans lien avec une activit fantasmatique de niveau apprciable. Le sujet opratoire expose ses troubles comme des faits isols occupant l'ensemble du champ de la conscience.

MG (mdecin traitant) : Alors, monsieur M, comment allez-vous ? SO (sujet opratoire) : Comme tout le monde mon ge. Encore aujourd'hui, j'ai eu mal au dos. Cela m'a pris vers 9 heures. J'avais pris mon petit-djeuner. Le caf tait froid. J'ai ressenti la douleur qui montait et qui m'a pris les deux flancs. MG : Qu'avez-vous ressenti exactement ? SO : Eh bien, une douleur, comme tout le monde peut en avoir, qui a commenc, vers neuf heures, je vous l'ai dit, et qui vous bloque. Cela fait trs mal. Si je n'avais pas pris mon petit-djeuner, cela me coupait l'apptit. Ma femme a fait le caf trop tt, il tait froid. MG : Qu'avez-vous fait depuis ? SO : J'avais dj pris mon djeuner. J'ai eu cette douleur. Ce n'est pas la premire fois. Cela arrive aux autres. Cela fait bien mal. J'ai alors dit ma femme de vous appeler ! MG : Avez-vous autre chose ? SO : Bien sr, mais je ne me plains pas : le sommeil, l'apptit, le mauvais temps, mais c'est surtout cette douleur depuis ce matin, qui m'a pris 9 heures aprs ce djeuner gch. Elle me tient. Je ne sais pas si vous allez pouvoir me soulager. Cela fait dj huit heures que a dure. MG : Avez-vous dj pris quelque chose ? SO : J'avais dj pris le djeuner. J'ai attendu midi pour prendre un doriprane . Mais on vous avait dj appel. Ma femme tait inquite, plus que pour le caf froid. MG : Cela a-t-il eu un effet ? SO : Qu'elle s'inquite ? Si au moins, cela lui donnait une leon pour le caf. MG : Non, le Doliprane vous a-t-il soulag ? SO : Bien sr que non, sinon on vous aurait pas appel, mme si on l'avait fait avant, soit entre 9 heures, le dbut de la douleur, et le repas chaud de midi. MG : Bien, je vais vous examiner. SO : Cela me bloque les flancs depuis 9 heures.

MODES D'EXPRESSIONElle se manifeste donc par une incapacit reconnatre ses motions et verbaliser ses sentiments. Elle se caractrise galement par une limitation de la vie imaginaire, une tendance recourir l'action, une description dtaille des faits, des vnements et des symptmes physiques et une tendance la dpendance ou une prfrence pour la solitude. Les sujets alexithymiques se plaignent de tension intrieure, d'irritabilit, de sentiment d'ennui et de vide, d'agitation et de nervosit. L'alexithymie correspond une dimension clinique que l'on retrouve chez certains patients ayant une addiction l'alcool ou aux toxiques, des troubles du comportement alimentaire ou certains troubles dpressifs.

28

Alexithymie Ce concept semble permettre une approche transversale de la nosographie psychiatrique permettant de reprer des phnomnes et des comportements communs. L'alexithymie peut tre considre comme un marqueur ou un facteur de risque de dcompensation psychologique, mais surtout somatique. Les patients alexithymiques par un dfaut d'expression verbale auraient tendance somatiser leurs problmes motionnels.

HYPOTHSES PSYCHOLOGIQUES ET NEUROBIOLOGIQUES Pour les psychanalystes, l'alexithymie reprsente une dfense contre des douleurs morales intolrables ou contre des situations traumatisantes et serait dtermine par l'existence de traumatismes prcoces de la petite enfance. L'approche neurobiologique aborde les relations entre cognitions, motions et langage. Des auteurs ont constat dans le discours de certains patients une carence des moyens d'expression des motions (ou alexithymie) qu'ils attribuaient des anomalies de connexions entre le systme limbique (lieu de traitement des motions) et le nocortex (lieu de synthse des perceptions). Actuellement, une question importante pose par les chercheurs est de savoir si l'alexithymie est dtermine la naissance (origine gntique) ou si elle rsulte plutt d'une absence de mise en fonction de systmes lors du dveloppement de la personnalit. Cette dernire approche est intressante dans la mesure o elle permettrait de faire le lien entre des vnements de vie (approche biographique) et la maturation crbrale durant la priode infanto-juvnile.

ALEXITHYMIE PRIMAIRE ET SECONDAIRE L'alexithymie primaire renvoie un facteur prdisposant l'closion des troubles somatiques qui pourrait avoir une origine gntique. L'alexithymie secondaire reprsente un mcanisme cognitif d'adaptation certains traumatismes ou vnements existentiels fort impact motionnel. De la mme faon, les conceptions modernes individualisent une alexithymie-tat (contemporaine d'une maladie organique et lie un tat dpressif) et une alexithymietrait (comme un trait de personnalit).

PRVALENCE DE L'ALEXITHYMIE L'alexithymie aurait une prvalence pouvant aller de 5,2 % 58 % chez des patients vus pour des problmes somatiques. La prvalence serait plus leve chez le sujet g que chez l'adulte jeune, mais il est souvent difficile de faire la part de ce qui revient la dpression et une dtrioration des fonctions cognitives. Bon nombre de tableaux cliniques chez les personnes ges semblent rpondre au modle de l'alexithymie li une snescence pathologique.

ALEXITHYMIE ET TROUBLES SOMATIQUESL'alexithymie serait prdictive de symptmes somatiques cliniquement non expliqus, qualifis de troubles psychosomatiques comme l'asthme, la maladie de Crohn,

29

Guide pratique de psychogriatrie certaines pathologies migraineuses et d'autres troubles gastro-intestinaux et respiratoires. Ce constat est d l'observation de patients psychosomatiques qui se comporteraient l'entretien diffremment des sujets nvrotiques.

RELATIONS ENTRE L'ALEXITHYMIE ET D'AUTRES CONCEPTS CLINIQUESL'alexithymie noue galement des relations troites avec diffrentes entits de la clinique psychiatrique, notamment avec la dpression et les processus dmentiels.

ALEXITHYMIE ET DPRESSION La prvalence de la dpression est importante chez le sujet g surtout s'il existe une personnalit prmorbide pathologique (alexithymique) avec le risque potentiel d'volution vers une dgradation des fonctions cognitives, voire vers une maladie dmentielle. Des tudes ont montr que chez des sujets alexithymiques il existait des troubles dpressifs souvent non diagnostiqus car les patients, du fait de leur capacit de verbalisation faible, avaient du mal se reconnatre dprims.

ALEXITHYMIE ET DMENCED'autres tudes mettent en vidence une plus grande susceptibilit des patients alexithymiques devenir dments.

DPISTAGEIl existe des instruments de dpistage de l'alexithymie sous forme de questionnaires. L'EFEA (chelle franaise d'valuation de l'alexithymie) a t labore dans ce sens. Pour l'EFEA, les items sont dichotomiques. Les scores-seuils permettent de remplir des objectifs de dpistage et de diagnostic. Un score suprieur ou gal 6 permet

d'affirmer l'alexithymie alors qu'un score infrieur ou gal 4 permet de l'liminer.La note de cinq parat le score-seuil le plus fiable dans un but de dpistage et de sensibilisation au diagnostic. L'intrt de cette chelle dichotomique est sa simplicit qui permet de l'utiliser en mdecine gnrale comme instrument de dpistage simple de ces sujets alexithymiques risque de vulnrabilit dpressive ou anxieuse notamment.

ORIENTATIONS THRAPEUTIQUES La meilleure attitude mdicale est de dpister les patients alexithymiques le plus prcocement possible, en raison des risques potentiels de dvelopper un trouble somatique, dpressif, voire dmentiel. La psychothrapie est indique chez des personnes souhaitant rechercher l'origine de leur bouleversement psychologique. La prise en charge individuelle de l'alexithymique est difficile, car il n'y a pas de relle demande.

30

Alexithymie Une prise en charge groupale avec d'autres patients nvross est souvent indique. Ces derniers peuvent en effet compenser le travail mental insuffisant des alexithymiques. La relaxation est galement une bonne indication par l'intermdiaire d'un abord corporel, c'est--dire par le terrain o le malade s'exprime. Cette mthode s'adresse en effet aux patients prsentant des troubles auxquels ils ont du mal donner un sens. Elle permet de dpasser les dfenses et de transformer ce corps rel en corps fantasm. Le relaxant est allong, le relaxateur lui parle de son corps, ce qui induit des ractions, tantt positives tantt ngatives, dont le sujet va pouvoir parler aprs la sance. Elle est dbute aprs des entretiens et peut se pratiquer en sance individuelle ou en petit groupe. Il est facile d'envisager le bnfice chez la personne ge qui voit son corps dcliner, moins capable de raliser des faits et des gestes.

chelle franaise d'valuation de l'alexithymie (EFEA)1. Vous est-il plus facile de dcrire des symptmes que des sentiments ? 2. Avez-vous du mal utiliser des mots pour dcrire vos sentiments ou vos motions ? 3. Est-ce que vous trouvez que vous manquez d'imagination ? 4. Quand vous tes face une situation de conflit, avez-vous tendance agir immdiatement plutt que de l'analyser ? 5. Avez-vous des troubles physiques quand vous tes contrari ? 6. Durant votre sommeil est-ce que vous rvez rarement ? 7. Vous arrive-t-il d'prouver des sensations corporelles que vous ne comprenez pas ? 8. Avez-vous tendance prfrer rester seul (plutt que d'entrer en contact avec les autres) ? 9. Avez-vous du mal communiquer avec les autres ? 10. Lorsque vous tes en colre, est-ce que bien souvent, vous ne savez pas pourquoi vous l'tes ?

Oui 1 1

Non 0 0

1 1

0 0

1 1 1

0 0 0

1

0

1 1

0 0

31,

Guide pratique de psychogriatrie

Correction du cas clinique1 Analyse smiologique : Le tableau actuel associe : une inhibition, une colopathie fonctionnelle, une pense opratoire ou des traits de personnalit alexithymique (exprime peu ses motions, relation transfrentielle difficile, dni voire banalisation des pertes relles et symboliques induites par les vnements de vie rcents : retraite, dcs du frre). Les antcdents sont galement vocateurs ( syndrome des balafrs du dos : chirurgie lombaire rpte). Enfin, le fonctionnement familial est marqu par le retrait du patient et une certaine dpendance son pouse. 2 La pense opratoire est un type de fonctionnement psychique survenant chez des sujets ayant une mauvaise mentalisation et de ce fait sujet des somatisations lsionnelles (infarctus du myocarde, ulcre duodnal...). Il est marqu par une pauvret de la vie imaginaire et fantasmatique, une difficult prouver et nommer ces affects, masque par un discours dclaratif, factuel. 3 Traitement antidpresseur et relaxation psychothrapique.

.32

I Angoisse et trouble (trouble paniqueanxieux gnralis) Ces troubles sont vraisemblablement sous-estims chez la personne ge. Ils sont souvent considrs tort comme moins svres que chez les sujets jeunes car associs des troubles somatiques. Les troubles paniques et le trouble anxieux gnralis ont sur le plan clinique une expression bien dfinie qui apparat distincte d'autres syndromes anxieux. Ces derniers font le lit de symptmes phobiques, de dcompensations dpressives et peuvent s'accompagner d'addictions alcooliques ou de suicides. Ils augmentent la consommation de soins, la dpendance et la morbidit associe.

CAS CLINIQUEVous recevez en consultation Mme Lucienne G. 74 ans. Sa premire plainte est qu'elle dort trs mal : difficult d'endormissement, mentisme, veils frquents avec un sommeil non rparateur. Elle dcrit aussi des pisodes de plus en plus frquents (au dbut une deux fois par semaine, mais plus rcemment presque tous les jours) durant lesquels elle se sent mal dans sa peau , avec un important tremblement intrieur, une brutale perte d'envie et de got, une grande fatigue et une oppression. Il n'y a pas de circonstance dclenchante dcelable. Ils rpondent de moins en moins bien au mprobamate. Il y a 7 ans, elle a eu des pisodes de tachycardie par crises quelques semaines aprs que son mari ait t victime d'un infarctus du myocarde. On avait diagnostiqu une communication inter-auriculaire non oprable et elle prend donc le traitement suivant : Coversyl : 4 mg/j, Cordarone 1/j 5 j/7 ; Lasilix : 20 mg/j ; Kalorid :1 000 mg/j ; Prviscan : 0,5/j ; Tanakan : 80 mg/j ; mprobamate (Equanil) : 800 mg/j ; Zopiclone : 1/j. Elle exprime un bon moral et n'apparat en effet pas dpressive, mais ces phnomnes l'inquitent de plus en plus. Elle a eu antrieurement une vie professionnelle trs active.

Questions d'auto-valuation 1 Quel diagnostic ? 2 Quelle conduite tenir ? Voir rponses en fin de chapitre.

33.

Guide pratique de psychogriatrie

DFINITIONS ET LIMITES L'anxit est un tat affectif douloureux qui consiste en un sentiment pnible d'attente d'un danger imprcis, toujours imminent. En psychologie mdicale, le terme d'angoisse est rattach au phnomne physique de l'motion. Certains auteurs ne distinguent cependant pas l'angoisse de l'anxit. Ces manifestations motionnelles peuvent tre observes tous les ges de la vie et sont gnralement associes des symptmes somatiques lis des dysrgulations neurovgtatives. Lorsque l'on parle de ces troubles, il est classique de parler d'anxit normale et d'anxit pathologique. La normalit correspond un mcanisme adaptatif ncessaire pour surmonter une situation difficile, sans que le sujet ne connaisse des difficults dans ses relations interpersonnelles et sociales. Le trouble anxieux pathologique rend compte d'une dsadaptation et d'une souffrance psychologique. L'anxit est omniprsente dans la nosographie actuelle et est individualise aussi bien en tant qu'entit spcifique (trouble anxieux gnralis, attaque de panique) que symptme accompagnant des affections psychiatriques et organiques. De nombreux chercheurs se posent la question de la validit de l'identification du trouble panique comme un trouble autonome tant donn la constatation de la succession dans le temps de diffrents diagnostics poss pour un mme malade. En psychologie mdicale, l'anxit est prsente dans tous les tats nvrotiques. Elle constitue l'essentiel de la symptomatologie ou n'apparat que dans certaines conditions. Pour l'cole Freudienne, elle reprsente le fondement de l'ensemble des affections nvrotiques. Ces rflexions doivent permettre au clinicien de rechercher des manifestations dpressives, phobiques, obsessionnelles associes.

ANXIT SOUVENT MASQUE CHEZ LA PERSONNE GEUne smiologie anxieuse moins complte, un trouble physique ou somatique associ plus bruyant, la prsence d'un traitement (benzodiazpine, antihistaminique, (3bloquant), les difficults des sujets exprimer leurs motions, la prdominance des plaintes somatiques et d'une association de pathologies peuvent masquer les manifestations anxieuses du sujet g, ce qui contribue une sous-estimation de ces troubles anxieux. Ainsi, le diagnostic de trouble anxieux n'est pas pos dans un cas sur deux. L'attaque de panique est un concept psychiatrique rcent propos la communaut psychiatrique au dbut des annes 80 (parution du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'Association amricaine de psychiatrie, DSM IV) portant une marque psychanalytique, biologique et pharmacologique. Ce concept semble tre un noyau central avec une volution et une hist